person:alain-damasio

  • “La liberté d’utiliser ou de repousser la #technologie est inexistante aujourd’hui”, #Alain-Damasio, écrivain de SF - Idées - Télérama.fr
    http://www.telerama.fr/idees/la-liberte-d-utiliser-ou-de-repousser-la-technologie-est-inexistante-aujour

    Ma thèse est la suivante : la technologie accroît notre pouvoir sur les choses mais diminue notre puissance de vivre. Elle nous pousse à déléguer ce que nos forces intérieures sont capables d’accomplir seules. Des philosophes comme Jean-François Lyotard et Spinoza font cette distinction entre pouvoir et puissance et je la trouve très probante dans notre relation aux nouvelles technologies.

    • Nous sommes aussi en train d’externaliser le cerveau ! Nous déléguons toutes nos facultés cognitives automatisables. L’orientation avec le GPS, la mémorisation avec les moteurs de recherche, l’organisation rationnelle à coup d’applis dédiées. Michel Serres a joliment développé ces enjeux. Il fait preuve d’une sorte d’optimisme technologique et trouve formidable d’externaliser la mémoire pour se concentrer sur le plus beau de l’être humain : la créativité.

      En vérité, nous avons délégué tellement de nos capacités à la technologie que si l’on n’y prend garde, il ne nous restera que l’émotion brute. La créativité n’apparaît pas du jour au lendemain, elle demande des années de construction. Il faut avoir des piles de pont mémorielles pour pouvoir relier les choses, pour pouvoir même penser. Sans cette mémoire de travail, sans ces structures cognitives de base que sont l’analyse, la synthèse, l’effort de classer ou de hiérarchiser, nous deviendrons tout doucement des légumes qui feront des likes et des dislikes sur Internet, retransféreront des tweets et singeront des mèmes parce que nous n’aurons plus l’appareil cognitif pour manipuler tout ça.

      Il est urgent d’apprendre aux gens à aller au bout de ce qu’ils peuvent, avec leur propres forces – intellectuelles, corporelles, spirituelles – leur rappeler que percevoir est un art qui prend des années de minuscules efforts quotidiens. Le transhumanisme est une fermeture frustrée au monde parce que l’humain n’a pas encore livré toute sa saveur, sa grandeur et son intelligence sensible, qui jaillit à la jonction de la chair et de l’esprit. Notre intellect est infini, certes, mais comme le disait Spinoza, il y a plus fascinant encore : « on ne sait pas ce que peut un corps ». Alors apprenons.

    • C’est juste @aude_v, ce sont aussi les mêmes arguments « pour aider les handicapés » dans les technologies sécuritaires : surveillance par bracelet GPS des personnes atteintes d’Alzheimer.

      On tente de pallier au handicap de la liberté, de ce qui n’est pas contrôlable ou échappe à la raison.

      Le « progrès » fabrique nos handicaps en nous faisant perdre l’autonomie de la connaissance (je pense à Ellul) savoir faire notre pain, nos vêtements, jusqu’à notre épanouissement personnel, sans être relié à un réseau technologique (informatique, électrique) devient impossible voire impensable. Nous faisant perdre donc notre capacité à nous penser autrement que comme handicapé.

    • Oui, mais c’est toujours le même scénario fascisant qui se rejoue sur le dos des libertés, et ce n’est pas faute de ne pas avoir dénoncé comme une manipulation le processus que tu évoques .
      L’handicapé est sans capacité à agir, comme il ne peut pas, il n’a pas le pouvoir de, on se subordonne à lui dans l’agir.
      De la même façon que le système représentatif fait que le citoyen se laisse subordonner par le principe du vote et qu’il est de ce fait considéré comme incapable de politique, handicapé des décisions collectives, relégué à l’urne.

      Les dérives technologiques de surveillance globale étaient plus que prévisibles, mais les représentants politiques, comme le législateur n’ont rien fait pour protéger les principes fondateurs du vivre ensemble. Bien au contraire, en se mettant à la botte des industriels de l’armement ils ont alimenté le moteur antidémocratique.

      Comme pour la peine de mort, ce n’est pas à la morale des médias de comptoir d’en décider mais à un projet philosophique globale de société et de respect de l’humain pour lequel il fallait s’unir.
      Parce que tout se construit, la morale comme les

      vrais besoins ou de situations inacceptables

      il faut savoir défendre des idées et un choix de société bien au delà de faits douloureux, un courage qui manque aujourd’hui.

      http://souriez.info/Un-oubli-a-reparer-le-rapport-du-commissariat-a

      Le 4 octobre 2001, Le commissaire à la protection de la vie privée au canada, George Radwanski :

      « Dans les États policiers, il peut y avoir peu ou pas de criminalité, mais il y a également peu ou pas de liberté. Ici au Canada, nous modérons les activités d’application de la loi en fonction du genre de société que nous choisissons. Nous ne tolérons pas d’énormes violations des droits de la personne, peu importe la mesure dans laquelle elles peuvent s’avérer utiles pour prévenir ou résoudre les crimes.

      Nous faisons ces choix parce que, même si nous voulons une société sûre, nous reconnaissons que notre sécurité et notre qualité de vie ne se limitent pas à l’absence de criminalité »