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  • Avant les Gilets jaunes, voici comment Facebook a changé les conditions de la démocratie

    Tunisie, États-Unis, Venezuela… #Facebook a changé les règles de la démocratie bien avant les Gilets jaunes en France.

    L’essor du mouvement des Gilets jaunes est un exemple de plus de l’influence de Facebook dans la sphère politique. Depuis près de dix ans, le premier réseau social au monde offre un « terrain fertile » aux militants et aux colères en tout genre, remarque Fabrice Epelboin, enseignant à Sciences-Po et spécialiste des médias sociaux. Utilisé comme outil de communication, d’organisation voire de manipulation dans les cas les plus controversés, Facebook s’invite dans les scrutins ou mouvements sociaux ces dernières années.

    . La #Tunisie et les #révolutions_arabes

    C’est en Tunisie, en 2011, qu’il joue pour la première fois un rôle déterminant. Parce qu’il permet de libérer la parole et de contourner la censure, de publier des photos et des vidéos de la répression et d’organiser la mobilisation, Facebook prend une place centrale. Il permet « la naissance d’une nouvelle forme de contestation sociale », souligne Fabrice Epelboin.

    La colère des Tunisiens, qui a éclaté après l’immolation par le feu du jeune marchand de fruits et légumes Mohamed Bouazizi, prend alors « une trajectoire exponentielle » qui aboutira au départ du président Ben Ali. Cette « révolution Facebook » en inspirera d’autres dans le monde arabe, notamment en Égypte, où le réseau social a aussi été déterminant.

    2. #Occupy_Wall_Street et les citoyens

    Quelques mois plus tard, Facebook joue un rôle de catalyseur dans le mouvement Occupy Wall Street, lancé à New York pour dénoncer les abus du capitalisme financier. Des pages locales se créent dans la plupart des grandes villes américaines et aident le mouvement à se répandre à travers les États-Unis.

    Facebook permet aux « 99% », comme ils se surnomment, de recruter des activistes et de partager des informations. Sur le même modèle, le mouvement des Indignés, lancé en Espagne en mai 2011, s’était aussi appuyé sur Facebook pour grandir, tout comme la « révolution des parapluies » à Hongkong en 2014 ou plus récemment, Nuit debout en France en 2016.

    3. L’élection américaine et ses polémiques

    Mais la force de frappe de Facebook lui vaut également son lot de polémiques. Pendant la campagne présidentielle américaine de 2016, le réseau social sert de caisse de résonance aux fausses informations qui visent Hillary Clinton et le camp démocrate.

    Par ailleurs, l’équipe de Donald Trump s’appuie sur les services de la société britannique Cambridge Analytica, qui exploite les données privées de dizaines de millions d’usagers du réseau à leur insu pour cibler précisément les attentes de son électorat. Un scandale planétaire qui poursuit encore Facebook. Lundi, son PDG, Mark Zuckerberg, a promis que des mesures contre les ingérences seraient mises en place en vue des élections européennes.

    4. Au #Brésil, #Bolsonaro et sa campagne 2.0

    Fin 2018, le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro utilise également Facebook pour faire campagne durant la présidentielle brésilienne. Poignardé à l’abdomen par un opposant à quelques semaines du scrutin, il multiplie les vidéos en direct pendant sa convalescence et court-circuite ainsi les canaux médiatiques traditionnels.

    Dans un pays réputé pour son « appétence pour les réseaux sociaux », selon Fabrice Epelboin, il utilise également WhatsApp, la messagerie qui appartient à Facebook, pour diffuser sa rhétorique sécuritaire et nationaliste auprès des 120 millions d’utilisateurs brésiliens. Une campagne 2.0 qui lui permet d’être largement élu fin octobre.

    5. Le #Venezuela et la parole de l’opposition

    Ces derniers jours, la crise au ­Venezuela a mis en lumière l’usage politique des réseaux sociaux par l’opposition. Facebook, comme Twitter et Instagram, permet en effet à Juan Guaidó – qui s’est autoproclamé président le 23 janvier – et à ses partisans de contourner la censure imposée par le régime aux télévisions et aux radios.

    De quoi excéder Nicolás Maduro, qui dénonçait en octobre 2017 la « dictature » des réseaux sociaux. L’observatoire de l’Internet NetBlocks a d’ailleurs signalé que Facebook, comme d’autres plateformes, avait été coupé de « façon intermittente » ces derniers jours.

    https://www.lejdd.fr/Medias/Internet/avant-les-gilets-jaunes-voici-comment-facebook-a-change-les-conditions-de-la-d
    #réseaux_sociaux #démocratie #résistance #révoltes #USA #printemps_arabes #Etats-Unis #gilets_jaunes

  • Tunisie : au mariage de sa fille, l’ancien président Ben Ali réapparaît considérablement vieilli – JeuneAfrique.com
    https://www.jeuneafrique.com/700253/politique/tunisie-au-mariage-de-sa-fille-lancien-president-ben-ali-reapparait-co

    Depuis sa fuite en Arabie saoudite, l’ex-président Zine el-Abidine Ben Ali n’apparaît qu’à de rares occasions. Lundi 7 janvier, il a fait son retour sur les réseaux sociaux, dans un cliché pris à l’occasion du mariage de sa fille avec le rappeur k2rhym.

    Entre vieux dictateur et peu classieux rappeur, pas vraiment la #tunisie qui fait rêver !

  • Nouveaux heurts en Tunisie après l’acte de « désespoir » d’un journaliste
    https://www.latribune.fr/economie/international/nouveaux-heurts-en-tunisie-apres-l-acte-de-desespoir-d-un-journaliste-8022

    De nouveaux heurts nocturnes ont éclaté dans trois villes de Tunisie après l’immolation par le feu d’un journaliste voulant dénoncer les inégalités d’un pays englué dans le marasme économique malgré les acquis démocratiques de la révolution de 2011.

    Lundi, à quelques jours des célébrations du huitième anniversaire du soulèvement ayant mis fin à la dictature, Aberrazak Zorgui, journaliste pigiste dans une chaîne privée locale, s’est immolé par le feu à Kasserine (ouest), une ville située dans une des régions les plus pauvres du pays.

    « Pour les habitants de Kasserine qui n’ont pas de moyens de subsistance, aujourd’hui, je vais commencer une révolution », a expliqué cet homme de 34 ans dans une vidéo qu’il avait publiée 20 minutes avant de passer à l’acte.
    […]
    L’immolation du journaliste « est un signe de refus d’une situation catastrophique et d’un déséquilibre régional, d’un fort taux de chômage parmi les jeunes et de la misère que vivent nos concitoyens dans les régions intérieures », écrit mercredi le journal Le Quotidien.
    […]
    Selon Messoud Romdhani, président du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), « il y a une rupture entre la classe politique et les jeunes, surtout ceux qui vivent dans la précarité à l’intérieur du pays ».

    Les habitants des régions défavorisées se sentent victimes de #hogra , (dédain, en arabe) qui persiste depuis l’ère du premier président de la Tunisie Habib Bourguiba (1956-1987), en passant par le régime de Ben Ali puis par les multiples gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution, explique-t-il.

  • #Loi_Blanquer : Ce que la #confiance veut dire...

    « L’#école_de_la_confiance » c’est le slogan préféré de JM Blanquer , celui qui a été utilisé pour justifier sa politique tout au long de ses 18 mois de présence au ministère de l’éducation nationale. C’est encore le nom de son projet de loi sur l’école qui devrait bientôt arriver devant le Parlement. La confiance c’est, selon le Larousse, « le sentiment de quelqu’un qui se fie entièrement à quelqu’un d’autre, à quelque chose ». Mais le projet de loi de JM Blanquer redéfinit le terme et sa portée. Il éclaire du coup le véritable projet du ministre. L’école de la confiance c’est celle de la mise au pas des enseignants.

    L’article 1 de la loi Blanquer

    L’école de la confiance a déjà pris de sérieux coups depuis le phénomène #pasdevagues. Les enseignants ont largement témoigné de l’absence de confiance de l’institution à leur égard. Un sentiment bien rendu en retour. On croyait d’ailleurs le slogan enterré mais le ministre n’a pas hésité à l’utiliser à nouveau, juste avant que les lycéens apportent à leur tour un net démenti...

    Le projet de loi « pour une école de la confiance » commence par un premier article qui porte sur « l’engagement de la communauté éducative ». Comme d’autres articles de ce texte, il cache bien son jeu.

    L’article 1 du projet de loi demande d’insérer un article L. 111-3-1 dans le Code de l’éducation ainsi rédigé : « Art. L. 111-3-1 - Par leur engagement et leur exemplarité, les personnels de la communauté éducative contribuent à l’établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation. Ce lien implique également le respect des élèves et de leur famille à l’égard de l’institution scolaire et de l’ensemble de ses personnels. »

    Un mot pour révoquer facilement

    Apparemment c’est une simple déclaration philosophique dont on peut se demander ce qu’elle fait dans un projet de loi. Mais l’étude d’impact du projet de loi, un document obligatoire fourni par le ministère aux députés, éclaire singulièrement ce que JM BLanquer appelle la confiance.

    « Le Gouvernement souhaite inscrire, dans la loi, la nécessaire protection de ce lien de confiance qui doit unir les personnels du service public de l’éducation aux élèves et à leurs familles. Compte tenu de son importance, il serait en effet déraisonnable de s’en tenir à une simple consécration jurisprudentielle », explique l’étude d’impact.

    « Les dispositions de la présente mesure pourront ainsi être invoquées, comme dans la décision du Conseil d’Etat du 18 juillet 2018 précédemment mentionnée, dans le cadre d’affaires disciplinaires concernant des personnels de l’éducation nationale s’étant rendus coupables de faits portant atteinte à la réputation du service public ».

    L’arrêt en question avait annulé la décision d’une cour administrative d’appel qui était revenue sur une décision de révocation d’un enseignant. Il s’agissait d’un professeur de Montceau-les -Mines coupable et condamné avec sursis pour agressions sexuelles sur mineurs de quinze ans. Pour chasser cet enseignant du métier , le Conseil d’Etat a argué de « l’exigence d’exemplarité et d’irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, y compris en dehors du service » et de l’importance de l’atteinte portée « à la réputation du service public de l’éducation nationale ainsi qu’au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du service ».

    Faire taire les profs sur les réseaux sociaux

    Exploitant cette affaire très particulière, le projet de loi Blanquer exploite cet arrêt dans un tout autre domaine. Il ne s’agit plus de délinquant sexuel condamné mais de n’importe quel prof. Il ne s’agit plus de la violation perverse de la relation pédagogique mais du lien d’obéissance au ministre. En s’appuyant sur cet article et cette évocation de la confiance, le ministre veut pouvoir sanctionner ce qu’il n’arrive pas à punir actuellement.

    L’étude d’impact donne des exemples. « Il en ira par exemple ainsi lorsque des personnels de la communauté éducative chercheront à dénigrer auprès du public par des propos gravement mensongers ou diffamatoires leurs collègues et de manière générale l’institution scolaire. Ces dispositions pourront également être utilement invoquées par l’administration dans les cas de violences contre les personnels de la communauté éducative ou d’atteintes au droit au respect de leur vie privée, notamment par le biais de publications sur des réseaux sociaux ».

    La confiance c’est la soumission

    Ainsi toute critique portée par un enseignant sur l’institution pourrait être légalement sanctionnée par une #révocation. Ce que poursuit le ministre c’est la généralisation du #devoir_de_réserve qui concerne aujourd’hui les seuls cadres du système éducatif ou des cas bien particuliers. Les violences tout comme la diffamation sont déjà punis par la loi. Le devoir de réserve peut être invoqué pour des enseignants qui feraient campagne contre l’institution (et non contre un responsable politique). Or la liberté de parole des enseignants est nécessaire à l’exercice du métier. Ils doivent éthiquement privilégier l’intérêt de l’élève avant celui de l’institution. Ils doivent pouvoir exercer librement un droit de critique sur le fonctionnement de l’institution. Celle-ci d’ailleurs le leur demande quand il s’agit des programmes par exemple.

    On mesure le glissement que permettrait le passage de cet article. JM Blanquer inscrit cet article pour permettre une systématisation des #sanctions et faire en sorte que les #enseignants se taisent, notamment sur les réseaux sociaux, dernier espace de #liberté.

    Cet article autoritaire, qui ferait des enseignants une catégorie spéciale de sous-fonctionnaires, montre à quel point le mot confiance est un piège. Si, pour Orwell, « la liberté c’est l’esclavage », pour l’auteur de ce projet de loi, la confiance c’est la #soumission.

    François Jarraud


    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/12/12122018Article636801966942543096.aspx
    #censure #éducation #France #réseaux_sociaux #école

    • https://dijoncter.info/?un-fonctionnaire-ca-ferme-sa-gueule-ou-ca-demissionne-828

      Imaginons qu’un professeur soit amené avec sa collègue enseignant l’allemand, à encadrer une sortie d’élèves, pour étudier au cinéma le film intitulé" Le jeune Karl Marx" ; très vite, il serait amené à évoquer la liberté d’expression, censée être garantie constitutionnellement : l’œuvre s’ouvre en effet sur cette scène insolite où le philosophe et économiste est interpellé par la police d’État alors qu’il se trouve en plein comité de rédaction, le seul crime qu’il est censé avoir commis étant d’avoir participé à un journal contestataire. Cela provoquait l’ire du roi de Prusse.
      Un an plus tard, en 2019, la réalité rejoint la fiction : ce même enseignant prend connaissance de la convocation de Sophie Carrouge pour crime de lèse-majesté (une tribune somme toute inoffensive à l’encontre du président-mandaté du moment). Il apprend aussi - dans les mêmes jours, d’ailleurs - que son ministère a prévu de nouvelles mesures statutaires lui imposant un bâillon à lui ainsi qu’aux milliers d’autres enseignants, sous couvert de renforcement de leur « devoir de réserve » . Sommes nous dans une république bananière ? Dans la Tunisie de Ben Ali ? Non, en France en 2019, où il apparaît légitime de remettre en cause, en toute décontraction, des droits constitutionnels, au nom d’un contrat de travail avec le meilleur des employeurs : l’État.
      Le voilà, par la force de décrets ministériels, dans une situation de sujétion accrue qu’on déguisera au mieux en loyauté à l’égard de la République, au pire en ce qu’on nommera, ce qui ne manque pas de sel ni d’ironie, une « école de la confiance ». (c’est le nom du projet de loi comportant le bâillon en question).
      Pour peu qu’il se rende au Panthéon avec ses élèves, devra-t-il encore rendre hommage à Voltaire ou à quelque autre incitateur de révoltes, qui se sont illustrés contre des institutions vermoulues à l’autoritarisme grossier ? Devrait-on souhaiter, que l’enseignant, comme n’importe quel militaire ou gendarme soumis à sa hiérarchie, soit coopté et jugés honorable que s’il est un fonctionnaire inféodé à tel ou tel gouvernement de passage ? Celui du moment perd chaque jour davantage en crédibilité et légitimité (pour ne rien dire de sa cote de séduction, en chute libre), se crispant toujours davantage sur ses pouvoirs régaliens ; où en est-il, en cherchant à faire taire le moindre professeur de province rédigeant quelques lignes sur un site à la fréquentation confidentielle ? Se met-il sérieusement en tête de traquer quelque « ennemi intérieur » ? Le porte-parole du gouvernement de passage, affolé - et opportuniste - va même jusqu’à qualifier les mouvements de résistance actuels d’ entreprises « factieuses ».

      La liste des « factieux »

      Sont ainsi stigmatisés tous les opposants à la verticalité problématique de la cinquième république désirée par De Gaulle, s’imposant toujours à nous alors qu’elle n’a de cesse de démontrer les excès de l’exécutif : elle à chaque fois chaque fois instrumentalisée par le roitelet du moment (pour cinq ans), lequel est relayé par le moindre de ses petits clones locaux dans chaque institution, chacun se faisant alors une gloire d’être la courroie de transmission de l’insanité d’en haut.
      Seront alors décrétés « Factieux » tous ceux qui osent prendre la parole ou agir hors de la mise-au -pas de la mise « en marche » : ceux qui viennent au secours des sans-papiers, les citoyens qui s’engagent dans une contestation actives, ceux qui alertent l’opinion publique des démolitions programmées des services publics par les réformes qu’on fait passer à coups de matraques, ceux qui remettent en question la dégradation systématique et organisée des services publics (organisée par ceux qui veulent les démanteler pour mieux les vendre aux copains et coquins du privé), et même désormais ceux qui défendent leurs propres élèves contre les algorithmes aveugles ou les matraques sus-citées.
      « Factieux », ceux qui s’indignent de l’annulation de l’ISF, ou du fait qu’on leur tire dessus à bout-portant avec des flash-balls, sans sommation.
      « Factieux » tous ceux qui méprisent la start-up nation et la considèrent aussi has been que Giscard.
      « Factieux » tous ceux qui défendent le véritable esprit républicain et démocratique, qui ne se limitera certes pas à un malheureux vote de barrage dont certains se sont fendus pour éviter Le Pen. Ceux qui réclament des référendums d’initiative populaire, voire une constituante, pour une sixième République : « Factieux. »
      Cela commence à en faire beaucoup, de factieux, beaucoup de citoyens qui prennent encore la parole. Il va falloir recruter encore davantage au ministère de l’intérieur, à défaut d’augmenter le nombre de professeurs, lesquels auraient l’heur d’enseigner la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 qui consacre la liberté d’expression comme un droit imprescriptible, l’article 11 dispose : "La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi". Les enseignants doivent-ils être traités tels des parias de la République au point qu’ils devraient s’acquitter d’une allégeance absolue à tel chef temporaire de l’exécutif et ses divers valets-exécutants zélés dans tels obscurs bureaux ? Entendu que le devoir de réserve en classe favorise l’auto-détermination de l’élève, sans la biaiser ou la fausser, est-ce à dire que le citoyen qu’est d’abord le professeur, doit désormais s’interdire toute prise de position sociale, éthique, syndicale ou politique hors de ses heures de cours ? Les intimidations feutrées prononcées à l’encontre de Sophie Carrouge doivent alerter tous les citoyens.

      La liberté de la fermer

      Le libéralisme économique cherchant à tout s’assujettir – jusqu’aux institutions de la République, même le temps de mandats – est tout de même bien tenté de s’accommoder , ce qu’il fait du reste de plus en plus, d’une dérive autoritaire, de moins en moins temporaire– l’état d’urgence théorisé par le nazi Carl Schmitt pouvant à l’occasion être fort utile pour faire taire toutes les voix discordantes. Mais bien plus retorses qu’une censure par trop directe, les propensions à susciter de l’auto-censure s’imposent discrètement, par les divers raffinements de l’intimidation, les assignations administratives, le recours à toutes les chaînes de commandement ou à toute autre injonction symbolique ; le tout s’autorisant à peu de frais de grands noms ronflants : on ose évoquer « la démocratie » (même si on l’a rabougrie au seul rite masochiste du vote), tout en évoquant bien entendu la nécessité de l’ « ordre » et de la « sécurité » - - ce qui ne manque pas de s’accorder, sans trop de peine, de fait, avec un discours échevelé sur les libertés civiques, notamment celle d’expression - elle pourra à l’occasion permettre de prendre la défense des « journalistes » de BFM.
      De toute manière, Michel Foucault le relevait déjà dans un texte ironisant à l’encontre de ceux qui ne détectent pas les subtilités prises par les formes de contrôle modernes : « il faut se faire une représentation bien inversée du pouvoir pour croire que nous parlent de liberté toutes ces voix qui, depuis tant de temps, dans notre civilisation, ressassent la formidable injonction d’avoir à dire ce qu’on est, ce qu’on a fait, ce dont on se souvient et ce qu’on a oublié, ce qu’on cache et ce qui se cache, ce à quoi on ne pense pas et ce qu’on pense ne pas penser. Immense ouvrage auquel l’Occident a plié des générations pour produire ‑ pendant que d’au­tres formes de travail assuraient l’accumulation du capi­tal – l’assujettissement des hommes ».
      L’accumulation du capital, lui, en effet, se porte bien. Par contre, la question de savoir si nous pouvons encore nous exprimer librement se pose de nouveau avec acuité, à l’heure où des agents de l’État voient leurs droits constitutionnels mis en danger par leurs tutelles administratives et managériales. Nous sommes bel et bien à l’époque du fichage des manifestants, des arrestations préventives sans fondement juridique, de la violence physique opposée aux lycéens contestataires qui prendraient un peu conscience de ce qui les attend, et de l’utilisation des leviers institutionnels pour procéder à des intimidations à l’encontre de tout citoyen un tant soit peu engagé.
      Il semblerait que la seule liberté d’expression qui soit alors concédée consisterait à laisser des avis sur Tripadvisor ou tel ou tel produit chez Amazon ; et encore, peut-être cela devra-t-il fait sous pseudo ? Que de tristes sires se livrent par ailleurs à des insultes racistes ou à d’autres tombereaux d’immondices fascisantes sur le net - cela semble par contre largement toléré, bien davantage, du moins, que les manifestations citoyennes récentes qui ont le heur de tancer le statu quo néo-libéral. Il sera loisible de les faire passer pour des ennemis internes du pacte républicain- - comme si ceux qui entraient en insurrection contre la véritable république française n’étaient pas tous ceux qui se cachent derrière leurs fonctions administratives ou leurs insignes pour se mettre au service de l’oligarchie démantelant les services publics de ce pays. Qu’une clique arguant de son mandat pour procurer des cadeaux fiscaux trouve en effet dans son sillage tout un ensemble d’opportunistes n’est pas si étonnant ; que ceux-ci profitent à ce point de l’aubaine pour renforcer encore la dérive managériale hiérarchique autrefois constatée chez France Télécom et La Poste, cela suscite d’abord notre étonnement, puis tout simplement notre mépris. Nous retournons enseigner Voltaire, Marx et Beaumarchais à nos élèves, en essayant de ne pas mourir de honte à la place de tous ceux qui n’en éprouvent plus depuis longtemps (de la honte).

    • #Loi_sur_l’école : les débats se déportent un peu plus sur la droite

      L’examen du projet de loi « pour une #école_de_la_confiance », porté par le ministre de l’éducation nationale, a débuté le 11 février. La tonalité conservatrice des débats sur l’#uniforme, le #drapeau ou la restriction de la #liberté_d’expression des enseignants est manifeste.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/120219/loi-sur-l-ecole-les-debats-se-deportent-un-peu-plus-sur-la-droite?onglet=f

  • Sophie Wahnich : « La structure des mobilisations actuelles correspond à celle des sans-culottes », entretien avec Joseph Confavreux, Mediapart

    L’historienne Sophie Wahnich confronte la période actuelle avec la Révolution française, de La Marseillaise au portrait de Macron en Louis XVI : parallèles possibles, comparaisons outrées et potentialités à l’œuvre.

    Sophie Wahnich est historienne, directrice de recherche au CNRS, spécialiste de la Révolution française, à laquelle elle a consacré de nombreux livres, le dernier étant La Révolution française n’est pas un mythe, qui vient de paraître aux éditions Klincksieck. Dans cet ouvrage, elle poursuit la réflexion déjà à l’œuvre dans son précédent ouvrage, L’Intelligence politique de la Révolution française (Textuel, 2012), où elle jugeait qu’il ne fallait pas aller puiser dans le passé des « modèles », mais plutôt des « lumières », afin de transmettre « un esprit et des outils plus que des modèles ».
    Pour Mediapart, elle confronte les mobilisations actuelles, où La Marseillaise ne cesse d’être chantée et la référence à 1789 est assumée, avec la période révolutionnaire. Entretien.

    Comment une historienne de la Révolution française regarde-t-elle ce qui est train de se passer en France ?

    Sophie Wahnich : La scénographie qui se déploie ressemble sans doute davantage aux #séditions décrites en son temps par Machiavel dans les Discorsi qu’aux émeutes révolutionnaires dont le projet politique, même immanent, est sans doute plus clarifié. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de potentialités révolutionnaires dans ce qui se passe, d’autant que les raisons desdites séditions sont à chercher du côté d’une sorte de lutte de classe entre popolo minuto et popolo grosso et qu’elles sont déclenchées par les excès du popolo grosso, des grands.
    « Le plus souvent, nous dit Machiavel, les troubles sont causés par les possédants, parce que la peur de perdre engendre chez eux la même envie que chez ceux qui désirent acquérir. En effet, les hommes ne croient pas posséder en toute sécurité s’ils n’augmentent pas ce qu’ils ont. En outre, possédant déjà beaucoup, ils peuvent plus violemment et plus puissamment susciter des troubles. » À force de vouloir toujours dominer davantage et accumuler davantage et ainsi appauvrir et exaspérer le petit peuple qui, lui, veut simplement vivre dignement.

    Car selon Machiavel « le peuple désire n’être ni commandé ni opprimé par les grands, tandis que les grands désirent commander et opprimer le peuple ». Si, pour lui, tous les hommes sont « méchants », ils ne le sont donc pas à parts égales. Les grands ou la noblesse le sont par nature bien davantage que les autres car leur désir vise leur bien particulier tandis que le désir du peuple vise par nécessité un « bien » universel – la liberté de tous identifiée à leur sécurité.
    Cette dissymétrie des désirs n’est de fait pas réductible à un antagonisme ordinaire, à un simple conflit d’intérêts, ce qui s’y joue à chaque fois, c’est la possibilité d’inventer une conception de la liberté comme non-domination. Et cela, oui, a des potentialités révolutionnaires.

    Mais les données structurelles entre la période actuelle et la période révolutionnaire ne sont pas les mêmes. Entre la fin du XVIIe siècle et 1789 existe un processus d’élaboration de la liberté, une critique de l’autoritarisme, une acculturation aux Lumières qu’on retrouve aussi bien dans les couches populaires, avec les idées véhiculées dans les almanachs et les encyclopédies populaires, que dans les cercles lettrés qui fréquentent les académies et les salons.

    Le moment actuel paraît plus ambivalent. Bien sûr, les gens sont éduqués, et les lieux d’éducation populaire se sont multipliés, mais ils ne sont pas tous outillés de la même manière, les buzz sur les réseaux sociaux et la téléréalité ne préparent pas à résister à l’air du temps délétère, mais encouragent à se manifester.

    Le sentiment que nous avons d’une grande hétérogénéité politique du mouvement vient sans doute de là. Il n’y a pas de formation idéologique discursive unifiée, chacun a sa propre grammaire. Dans ce contexte de déréliction, les luttes se mènent dans l’événement et la contre-hégémonie culturelle d’extrême droite est loin d’avoir gagné la partie. C’est une bonne nouvelle d’avoir affaire à des gens « fâchés mais pas fachos ». Même si on voit un effort de l’extrême droite, en Allemagne ou aux Pays-Bas, de ramener les gilets jaunes de ce côté.

    Cela dit, la structure sociologique des mobilisations actuelles est très intéressante car elle correspond à celle des sans-culottes, en plus féminin. On a affaire, aujourd’hui comme hier, à des « hommes faits », pour reprendre l’expression de l’historien Michel Vovelle : des pères de famille, avec un travail, qui ne veulent pas que les générations suivantes vivent plus mal qu’eux. C’était en tant que tels, en tant qu’ils avaient fondé une famille et qu’ils voulaient une vie bonne que les sans-culottes faisaient la révolution.

    Ainsi le journal Le Père Duchesne d’Hébert interrogeait-il : « Braves sans-culottes, pourquoi avez-vous fait la révolution ? N’est-ce pas pour être plus heureux, foutre ? » Il jugeait qu’il « y a trop longtemps que les pauvres bougres de sans-culottes souffrent et tirent la langue. C’est pour être plus heureux, qu’ils ont fait la révolution ». C’est comparable aujourd’hui et, en cela, ce qui se passe en ce moment est très différent des émeutes de 2005 qui réclamaient la fin de l’invisibilisation, le respect et l’inclusion des habitants des banlieues ghettoïsées.

    L’autre point de comparaison, banal mais qu’il faut répéter, c’est l’inégalité de l’assiette de l’impôt. Les gravures de l’époque révolutionnaire montrent des figures populaires écrasées par des nobles et des clercs. Aujourd’hui, ce serait la même chose avec des banquiers ou des actionnaires, et les gouvernants qui les protègent. Le sentiment de commune humanité suppose une égalité devant l’impôt.

    Les gens aujourd’hui sont suffisamment conscients par expérience des dégradations du niveau de vie pour se rendre compte que la facture de l’écologie est inégalement répartie. Et ils refusent non pas la transition écologique, mais le fait que cela pèse inégalement sur les citoyens.

    Le troisième point de comparaison possible serait dans le fait que le pouvoir a été trop loin, et a perdu beaucoup de crédibilité. Avec une configuration particulière à notre époque, qui est que Macron a fait des promesses à droite et à gauche, donc que certains ont cru qu’il ferait une politique de père de famille, et qu’une partie d’entre eux est d’autant plus fâchée qu’il prend les traits d’un tyran.

    On entend aujourd’hui les mots « émeute », voire « insurrection », mais encore peu celui de révolution… Une révolution commence-t-elle toujours par des émeutes ?

    Non. La Révolution française n’a pas commencé par une émeute, mais comme une subversion, si on considère qu’elle débute avec les États généraux. Le 14 juillet, le peuple est dans la rue pour défendre ce qui a lieu de mai à juillet.

    Mais il peut y avoir des apprentissages qui circulent rapidement dans des périodes pré-révolutionnaires. Même si la plupart des gens qui manifestent aujourd’hui n’ont pas participé aux luttes contre la loi sur le travail, même si c’est pour beaucoup la première fois qu’ils manifestent, ils ont pu voir circuler des répertoires et n’arrivent pas dans la rue en toute naïveté.

    « Il n’y a pas de possibilité d’adresse au pouvoir, sinon les manifestations »

    Êtes-vous surprise de la place que tient La Marseillaise dans les mobilisations de ces dernières semaines ?

    Je pense que c’est grâce/à cause du foot. Cela permet d’être ensemble, de chanter à l’unisson, d’être dans la joie du chœur. C’est une manière de produire des effets de foule, au sens traditionnel du terme. C’est un objet qui fait le lien entre chacun et permet à chacun de se sentir plus fort. S’il n’y avait pas le foot, et seulement l’école, les gens ne sauraient pas La Marseillaise et n’en auraient pas un tel usage.

    Mais c’est un usage dialectique. Il se trouve qu’en France, l’hymne national, contrairement à d’autres pays, est aussi un chant révolutionnaire. D’ailleurs, il me semble qu’il ne faut pas entendre les mots de ce chant du XVIIIe siècle avec les cadres d’aujourd’hui. Le fameux « sang impur », à l’époque, désigne la question du sacré et de la liberté qui est sacrée. Le sang impur est ainsi celui de ceux qui refusent la liberté. Peut-être qu’aujourd’hui, certains disent « sang impur » parce qu’ils sont fascistes, mais ce n’est pas le sens initial.
    Ce qui est vrai est que la mobilisation actuelle n’a pas de vision autre que nationale. Elle ne s’intéresse ainsi pas du tout à ce qui s’est passé récemment en Grande-Bretagne, avec le mouvement Extinction Rebellion. Toutefois, même si l’extrême droite est présente dans les manifestations, il y a une hétérogénéité des manifestants qui me paraît, factuellement, contraire à ce que veulent les mouvements d’extrême droite.

    Depuis samedi dernier, existe une focalisation sur la « violence » des manifestations, mais elle semble moins choquer que dans d’autres situations où le niveau de violence semblait pourtant moins fort. Comment l’expliquer ?

    Domine le sentiment que la violence produite dans les mobilisations est une violence retournée. Il y a là quelque chose de révolutionnaire, dans cette manière de retourner la violence subie. Pour que la violence puisse paraître acceptable, voire légitime, aux yeux de beaucoup, il faut qu’il y ait eu beaucoup de retenue avant.

    Ce qui se passe ressemble à la prise des Tuileries, qui ne se situe pas au début de la Révolution française, mais arrive après des tentatives calmes de réclamations en faveur de la justice, après que cela n’a pas marché. Cela crée une forme de violence qui rend quelque peu hagard, parce qu’on sent que c’est inévitable. Cela fait vingt ans qu’on répète que cela ne peut que « péter », donc quand ça pète, on ne peut trouver ça complètement illogique ou illégitime.

    Pendant la Révolution, le citoyen Nicoleau, de la section de la Croix-Rouge, avait défendu l’idée d’un peuple « véritable souverain et législateur suprême » qu’aucune autorité ne pouvait priver du droit d’opiner, de délibérer, de voter et par conséquent de faire connaître par des pétitions le résultat de ses délibérations, les objets et motifs de ses vœux. Il espérait « que les Français ne se trouvent pas dans la fâcheuse nécessité de suivre l’exemple des Romains, et d’user contre les mandataires, non du droit humble et modeste de pétition, qu’on a cherché à leur ravir, mais du droit imposant et terrible de résistance à l’oppression, conformément à l’article 2 de la déclaration des droits ».

    Abbé Grégoire. Paris, BnF, département des estampes, 1801.
    Abbé Grégoire. Paris, BnF, département des estampes, 1801.
    L’abbé Grégoire disait également : « Si vous ôtez au citoyen pauvre le droit de faire des pétitions, vous le détachez de la chose publique, vous l’en rendez même ennemi. Ne pouvant se plaindre par des voies légales, il se livrera à des mouvements tumultueux et mettra son désespoir à la place de la raison… » Nous y sommes.
    En France, il n’y a que le droit de vote et pas de possibilité d’adresse au pouvoir, sinon les manifestations. Macron n’aime pas les corps intermédiaires, mais sans corps intermédiaires le tumulte est vite là.

    Comment comprenez-vous que les références à Mai-68, ou même à la Commune de Paris souvent citée dans les mobilisations contre la loi sur le travail, soient nettement moins présentes que celles à la Révolution française ?

    La Commune demeure une référence du mouvement ouvrier et une référence intellectuelle. Elle intéresse certains groupes mais pas l’universalité des citoyens. Et puis elle n’est pas si joyeuse que cela, parce que la Commune demeure une défaite, tandis que la Révolution française est, au moins partiellement, une vraie victoire. Même si celle-ci n’a pas été totale, la Restauration n’a pas permis de retour à l’Ancien Régime pur et simple, et il est plus agréable de se référer à une victoire qu’à une défaite.

    En outre, les gilets jaunes n’appartiennent pas au mouvement ouvrier, même s’ils peuvent être ouvriers. Beaucoup n’ont jamais manifesté auparavant, ce qui était aussi le cas dans les mobilisations contre Ben Ali en Tunisie.

    Et, contrairement à 1968, l’enjeu n’est pas libertaire, il est familial. En 1968, il s’agissait d’inventer une vie fondée sur d’autres normes. Ici, il s’agit davantage d’une forme de lutte des classes, dans le rapport à l’État plus que dans les usines, qui fait que Mai-68 demeure une référence moins disponible que la Révolution.

    Tout le monde se demande vers quoi on peut se diriger maintenant. Est-ce que l’historienne possède quelques éclaircissements ?

    L’historien peut dire ce qui est nouveau dans le mouvement, faire le « diagnostic du présent », comme disait Michel Foucault, mais son travail n’est pas d’imaginer. Personne ne peut savoir où cela va, même pas ceux qui participent au mouvement. Même s’il est intéressant de voir que les gens assument ce qu’ils font, assument un geste politique et tragique, assument y compris l’impureté, alors que l’état ordinaire de l’époque est de ne plus assumer de gestes politiques.

    Les deux hypothèses actuelles, l’état d’urgence et la dissolution de l’Assemblée, sont toutes deux cohérentes. La première signifierait plus d’autoritarisme. L’autre conduirait à reconnaître que la crise politique est réelle et qu’il faut de nouveaux représentants. Une telle option prendrait alors une vraie dimension révolutionnaire.

    Mais si l’on veut défendre l’ordre néolibéral, il va falloir faire davantage de maintien de cet ordre aujourd’hui contesté, bien que cela semble compliqué, car ce qu’on vit, ce sont aussi les effets de la destruction progressive de l’appareil d’État, le fait qu’il y ait moins de policiers disponibles, et qu’il serait sans doute impossible de tenir en même temps Paris et la province.

    D’autant qu’on voit bien que beaucoup de policiers en ont ras-le-bol, et partagent certaines colères qui s’expriment. Si l’appareil d’État qui a le monopole de la violence est susceptible de basculer du côté des insurgés, c’est vraiment une révolution. On n’en est pas là, mais cela peut aller vite.

    Ce mouvement se place frontalement contre les lieux et symboles du pouvoir, que ce soit avec sa volonté d’atteindre l’Élysée ou de s’en prendre aux emblèmes du capitalisme mondialisé dans les quartiers huppés d’une métropole emblématique. Est-ce un indice du caractère révolutionnaire d’une lutte ?

    Je n’en suis pas certaine. On peut imaginer que l’extrême gauche a ainsi exprimé son anticapitalisme. Mais si on prend du recul, au départ, la mobilisation se fait sur les ronds-points. Aujourd’hui, elle se rapproche des lieux du pouvoir, parce que ce dernier ne répond pas à la colère.

    De ce point de vue, l’incendie de la préfecture du Puy-en-Velay me paraît davantage symptomatique. Elle a été attaquée comme on pouvait, à l’époque révolutionnaire, brûler les châteaux sans vouloir nécessairement tuer les châtelains. Ici, il me semble qu’on s’en prend davantage aux symboles d’un pouvoir républicain qui fabrique des mauvaises lois qu’aux lieux de l’argent.

    #histoire

  • À propos de la révolution citoyenne des gilets jaunes | Jean-Luc Mélenchon
    https://melenchon.fr/2018/12/02/a-propos-de-la-revolution-citoyenne-des-gilets-jaunes

    De cela je vois un signal clair : la présence en force des femmes dans le processus actuel. Les femmes en action sont toutes dans des logiques de survie. Raison pour laquelle, le plus souvent elles ne peuvent participer aux actions protestataires. Surtout quand elles paraissent vaines et purement symboliques. Dès lors, leur présence en force dans l’action porte un message irrépressible : la logique de survie passe par l’action. Et l’engagement alors prend une exigence d’efficacité et de résultat immédiat qui sont des bombes sous les trônes. Ce qu’ont connu Louis XVI, le tsar Nicolas II et Ben Ali en Tunisie récemment quand les femmes en entrant dans l’action ont abattu leur pouvoir. Ce que nous voyons y ressemble.

  • The Real Reasons Saudi Crown Prince Mohammed bin Salman Wanted Khashoggi ‘Dead or Alive’
    https://www.thedailybeast.com/the-real-reasons-saudi-crown-prince-mohammed-bin-salman-wanted-khasho

    Christopher Dickey 10.21.18
    His death is key to understanding the political forces that helped turn the Middle East from a region of hope seven years ago to one of brutal repression and slaughter today.

    The mind plays strange tricks sometimes, especially after a tragedy. When I sat down to write this story about the Saudi regime’s homicidal obsession with the Muslim Brotherhood, the first person I thought I’d call was Jamal Khashoggi. For more than 20 years I phoned him or met with him, even smoked the occasional water pipe with him, as I looked for a better understanding of his country, its people, its leaders, and the Middle East. We often disagreed, but he almost always gave me fresh insights into the major figures of the region, starting with Osama bin Laden in the 1990s, and the political trends, especially the explosion of hope that was called the Arab Spring in 2011. He would be just the man to talk to about the Saudis and the Muslim Brotherhood, because he knew both sides of that bitter relationship so well.

    And then, of course, I realized that Jamal is dead, murdered precisely because he knew too much.

    Although the stories keep changing, there is now no doubt that 33-year-old Saudi Crown Prince Mohammed bin Salman, the power in front of his decrepit father’s throne, had put out word to his minions that he wanted Khashoggi silenced, and the hit-team allegedly understood that as “wanted dead or alive.” But the [petro]buck stops with MBS, as bin Salman’s called. He’s responsible for a gruesome murder just as Henry II was responsible for the murder of Thomas Becket when he said, “Who will rid me of that meddlesome priest?” In this case, a meddlesome journalist.

    We now know that a few minor players will pay. Some of them might even be executed by Saudi headsmen (one already was reported killed in a car crash). But experience also tells us the spotlight of world attention will shift. Arms sales will go ahead. And the death of Washington Post columnist Jamal Khashoggi risks becoming just one more entry in the annals of intensifying, murderous repression of journalists who are branded the “enemy of the people” by Donald Trump and various two-bit tyrants around the world.

    There is more to Khashoggi’s murder than the question of press freedom, however. His death holds the key to understanding the political forces that have helped turn the Middle East from a region of hope seven years ago to one of brutal repression and ongoing slaughter today. Which brings us back to the question of the Saudis’ fear and hatred of the Muslim Brotherhood, the regional rivalries of those who support it and those who oppose it, and the game of thrones in the House of Saud itself. Khashoggi was not central to any of those conflicts, but his career implicated him, fatally, in all of them.

    The Muslim Brotherhood is not a benign political organization, but neither is it Terror Incorporated. It was created in the 1920s and developed in the 1930s and ‘40s as an Islamic alternative to the secular fascist and communist ideologies that dominated revolutionary anti-colonial movements at the time. From those other political organizations the Brotherhood learned the values of a tight structure, party discipline, and secrecy, with a public face devoted to conventional political activity—when possible—and a clandestine branch that resorted to violence if that appeared useful.

    In the novel Sugar Street, Nobel Prize-winning author Naguib Mahfouz sketched a vivid portrait of a Brotherhood activist spouting the group’s political credo in Egypt during World War II. “Islam is a creed, a way of worship, a nation and a nationality, a religion, a state, a form of spirituality, a Holy Book, and a sword,” says the Brotherhood preacher. “Let us prepare for a prolonged struggle. Our mission is not to Egypt alone but to all Muslims worldwide. It will not be successful until Egypt and all other Islamic nations have accepted these Quranic principles in common. We shall not put our weapons away until the Quran has become a constitution for all Believers.”

    For several decades after World War II, the Brotherhood’s movement was eclipsed by Arab nationalism, which became the dominant political current in the region, and secular dictators moved to crush the organization. But the movement found support among the increasingly embattled monarchies of the Gulf, including and especially Saudi Arabia, where the rule of the king is based on his custodianship of Mecca and Medina, the two holiest sites in Islam. At the height of the Cold War, monarchies saw the Brotherhood as a helpful antidote to the threat of communist-led or Soviet-allied movements and ideologies.

    By the 1980s, several of the region’s rulers were using the Brotherhood as a tool to weaken or destroy secular opposition. Egypt’s Anwar Sadat courted them, then moved against them, and paid with his life in 1981, murdered by members of a group originally tied to the Brotherhood. Sadat’s successor, Hosni Mubarak, then spent three decades in power manipulating the Brotherhood as an opposition force, outlawing the party as such, but allowing its known members to run for office in the toothless legislature, where they formed a significant bloc and did a lot of talking.

    Jordan’s King Hussein played a similar game, but went further, giving clandestine support to members of the Brotherhood waging a covert war against Syrian tyrant Hafez al-Assad—a rebellion largely destroyed in 1982 when Assad’s brother killed tens of thousands of people in the Brotherhood stronghold of Hama.

    Even Israel got in on the action, initially giving Hamas, the Brotherhood branch among the Palestinians, tacit support as opposition to the left-leaning Palestine Liberation Organization (although PLO Chairman Yasser Arafat once identified with the Brotherhood himself).

    The Saudi royals, too, thought the Brotherhood could be bought off and manipulated for their own ends. “Over the years the relationship between the Saudis and the Brotherhood ebbed and flowed,” says Lorenzo Vidino, an expert on extremism at George Washington University and one of the foremost scholars in the U.S. studying the Brotherhood’s history and activities.

    Over the decades factions of the Brotherhood, like communists and fascists before them, “adapted to individual environments,” says Vidino. In different countries it took on different characteristics. Thus Hamas, or its military wing, is easily labeled as terrorist by most definitions, while Ennahda in Tunisia, which used to be called terrorist by the ousted Ben Ali regime, has behaved as a responsible political party in a complex democratic environment. To the extent that Jamal Khashoggi identified with the Brotherhood, that was the current he espoused. But democracy, precisely, is what Mohammed bin Salman fears.

    Vidino traces the Saudis’ intense hostility toward the Brotherhood to the uprisings that swept through much of the Arab world in 2011. “The Saudis together with the Emiratis saw it as a threat to their own power,” says Vidino.

    Other regimes in the region thought they could use the Brotherhood to extend their influence. First among these was the powerful government in Turkey of Recep Tayyip Erdogan, who has such longstanding ties to the Islamist movement that some scholars refer to his elected government as “Brotherhood 2.0.” Also hoping to ride the Brotherhood wave was tiny, ultra-rich Qatar, whose leaders had used their vast natural gas wealth and their popular satellite television channel, Al Jazeera, to project themselves on the world stage and, they hoped, buy some protection from their aggressive Saudi neighbors. As one senior Qatari official told me back in 2013, “The future of Qatar is soft power.” After 2011, Jazeera’s Arabic channel frequently appeared to propagandize in the Brotherhood’s favor as much as, say, Fox News does in Trump’s.

    Egypt, the most populous country in the Arab world, and the birthplace of the Brotherhood, became a test case. Although Jamal Khashoggi often identified the organization with the idealistic hopes of the peaceful popular uprising that brought down the Mubarak dynasty, in fact the Egyptian Brotherhood had not taken part. Its leaders had a modus vivendi they understood with Mubarak, and it was unclear what the idealists in Tahrir Square, or the military tolerating them, might do.

    After the dictator fell and elections were called, however, the Brotherhood made its move, using its party organization and discipline, as well as its perennial slogan, “Islam is the solution,” to put its man Mohamed Morsi in the presidential palace and its people in complete control of the government. Or so it thought.

    In Syria, meanwhile, the Brotherhood believed it could and should lead the popular uprising against the Assad dynasty. That had been its role 30 years earlier, and it had paid mightily.

    For more than a year, it looked like the Brotherhood’s various branches might sweep to power across the unsettled Arab world, and the Obama administration, for want of serious alternatives, was inclined to go with the flow.

    But then the Saudis struck back.

    In the summer of 2013, Gen. Abdel Fattah al-Sissi, the commander of the Egyptian armed forces, led a military coup with substantial popular support against the conspicuously inept Brotherhood government, which had proved quickly that Islam was not really the “solution” for much of anything.

    Al-Sissi had once been the Egyptian military attaché in Riyadh, where he had many connections, and the Saudis quickly poured money into Egypt to shore up his new regime. At the same time, he declared the Muslim Brotherhood a terrorist organization, and launched a campaign of ruthless repression. Within weeks of the coup, the Egyptian military attacked two camps of Brotherhood protesters and slaughtered hundreds.

    In Syria, the efforts to organize a credible political opposition to President Bashar al-Assad proved virtually impossible as the Qataris and Turks backed the Brotherhood while the Saudis continued their vehement opposition. But that does not mean that Riyadh supported moderate secular forces. Far from it. The Saudis still wanted to play a major role bringing down the Syrian regime allied to another arch enemy, the government of Iran. So the Saudis put their weight behind ultra-conservative Salafis, thinking they might be easier to control than the Muslim Brothers.

    Riyadh is “okay with quietist Salafism,” says Vidino. But the Salafis’ religious extremism quickly shaded over into the thinking of groups like the al Qaeda spinoff called the Nusra Front. Amid all the infighting, little progress was made against Assad, and there to exploit the chaos was the so-called Islamic State (which Assad partially supported in its early days).

    Then, in January 2015, at the height of all this regional turmoil, the aged and infirm Salman bin Abdelaziz ascended to the throne of Saudi Arabia. His son, Mohammed bin Salman, began taking into his own hands virtually all the reins of power, making bold decisions about reforming the Saudi economy, taking small measures to give the impression he might liberalize society—and moving to intimidate or otherwise neutralize anyone who might challenge his power.

    Saudi Arabia is a country named after one family, the al Saud, and while there is nothing remotely democratic about the government, within the family itself with its thousands of princes there traditionally has been an effort to find consensus. Every king up to now has been a son of the nation’s founder, Abdelaziz ibn Saud, and thus a brother or half brother of the other kings.

    When Salman took over, he finally named successors from the next generation. His nephew Mohammed bin Nayef, then 57 and well known for his role fighting terrorism, became crown prince. His son, Mohammed bin Salman, became deputy crown prince. But bin Nayef’s position between the king and his favorite son clearly was untenable. As one Saudi close to the royals put it: “Between the onion and the skin there is only the stink.”

    Bin Nayef was pushed out in 2017. The New York Times reported that during an end-of-Ramadan gathering at the palace he “was told he was going to meet the king and was led into another room, where royal court officials took away his phones and pressured him to give up his posts as crown prince and interior minister. … At first, he refused. But as the night wore on, the prince, a diabetic who suffers from the effects of a 2009 assassination attempt by a suicide bomber, grew tired.” Royal court officials meanwhile called around to other princes saying bin Nayef had a drug problem and was unfit to be king.

    Similar pressure was brought to bear on many of the richest and most powerful princes in the kingdom, locked up in the Ritz Carlton hotel in 2017, ostensibly as part of an extra-legal fight against corruption. They were forced to give allegiance to MBS at the same time they were giving up a lot of their money.

    That pattern of coerced allegiance is what the Saudis now admit they wanted from Jamal Khashoggi. He was no prince, but he had been closely associated in the past with the sons of the late King Faisal, particularly Turki al-Faisal, who was for many years the head of the Saudi intelligence apparatus and subsequently served as ambassador to the United Kingdom, then the United States.

    Although Turki always denied he had ambitions to be king, his name often was mentioned in the past as a contender. Thus far he seems to have weathered the rule of MBS, but given the record of the crown prince anyone close to the Al Faisal branch of the family, like Khashoggi, would be in a potentially perilous position.

    Barbara Bodine is a former U.S. ambassador to Yemen, which has suffered mightily since MBS launched a brutal proxy war there against Iran. Both MBS and Trump have declared the regime in Tehran enemy number one in the region. But MBS botched the Yemen operation from the start. It was dubbed “Decisive Storm” when it began in 2015, and was supposed to last only a few weeks, but the war continues to this day. Starvation and disease have spread through Yemen, creating one of the world’s greatest humanitarian disasters. And for the moment, in one of those developments that makes the Middle East so rich in ironies, in Yemen the Saudis are allied with a branch of the Muslim Brotherhood.

    “What drives MBS is a ruthless effort toward total control domestically and regionally; he is Putin of the Desert,” says Bodine. “He has basically broken the back of the princelings, the religious establishment and the business elite, brought all ministries and agencies of power under his sole control (’I alone can fix it’), and jailed, killed or put under house arrest activists and any and all potential as well as real opposition (including his mother).”

    In 2017, MBS and his backers in the Emirates accused Qatar of supporting “terrorism,” issuing a set of demands that included shutting down Al Jazeera. The Saudis closed off the border and looked for other ways, including military options, to put pressure on the poor little rich country that plays so many angles it has managed to be supportive of the Brotherhood and cozy with Iran while hosting an enormous U.S. military base.

    “It was Qatar’s independent streak—not just who they supported but that they had a foreign policy divorced from the dictates of Riyadh,” says Bodine. “The basic problem is that both the Brotherhood and Iran offer competing Islam-based governing structures that challenge the Saudi model.”

    “Jamal’s basic sin,” says Bodine,“was he was a credible insider, not a fire-breathing radical. He wrote and spoke in English for an American audience via credible mainstream media and was well regarded and highly visible within the Washington chattering classes. He was accessible, moderate and operated within the West. He challenged not the core structure of the Kingdom but the legitimacy of the current rulers, especially MBS.”

    “I do think the game plan was to make him disappear and I suspect the end game was always to make him dead,” said Bodine in a long and thoughtful email. “If he was simply jailed within Saudi there would have been a drumbeat of pressure for his release. Dead—there is certainly a short term cost, whether more than anticipated or longer than anticipated we don’t know yet, but the world will move on. Jamal will become a footnote, a talking point perhaps, but not a crusade. The dismembered body? No funeral. Taking out Jamal also sends a powerful signal to any dissident that there is no place safe.”

    #Arabie_Saoudite #Turquie #politique #terrorisme #putsch

    • #politologue et ami de François Bayrou selon Libération
      https://www.liberation.fr/france/2018/10/01/mort-du-politologue-antoine-sfeir-specialiste-du-monde-arabe_1682343
      René Pétillon, aussi, est mort
      https://next.liberation.fr/culture/2006/02/06/rene-petillon-dieu-est-humour_28894
      et là, je suis sûr de ne pas me tromper. Il était dessinateur et humoriste.


      Rares sont les dessinateurs qui excellent à la fois dans la caricature politique et la B.D. PETILLON est de ceux-là, notamment avec LOUP, CABU et Claire BRETECHER."PETILLON pétille"… Certes, le jeu de mots est sans doute un peu facile, mais il résume bien l’admiration portée au créateur de « L’Inspecteur Jack Palmer », sa plus célèbre série de Bandes Dessinées.
      Né en 1945 à Lesneven (Finistère), #René_PETILLON a publié ses premiers dessins d’humour, en 1967, dans « Planète ». Le succès fut immédiat et il dut très vite partager son talent entre les nombreuses revues qui le réclamaient : « Plexus », « Penthouse », « Glamour », « Le Point », « Elle », « A Suivre », « Fluide Glacial », « Métal Hurlant », « Télérama », « L’Echo des Savanes », etc…

      En 1972, il avait publié sa première B.D. dans le fameux « Pilote » de Goscinny, le créateur d’Astérix, qui avait bien raison de lui prédire un brillant avenir dans la Bande Dessinée : en un quart de siècle, PETILLON a publié 25 albums ! Un chaque année, sans compter les recueils de dessins
      humoristiques. Le Salon International de la Bande Dessinée d’Angoulême en 1989, lui décerna son Grand Prix.
      Rien ne manquait à sa gloire... Mais il manquait à celle du « Canard ». A l’Automne 1993, le « Canard Enchaîné », qui cherchait une nouvelle plume, proposa à PETILLON de rejoindre l’équipe. Avant d’accepter, il réfléchit longuement et faillit même refuser. Sa rigueur professionnelle et son honnêteté intellectuelle le conduisaient à se demander s’il était mûr pour se lancer, à presque 50 ans, dans
      l’inconfort d’une nouvelle carrière !
      Pourtant, il avait déjà une certaine expérience du dessin politique puisqu’il avait, en mai 1968, participé avec SINE au lancement de « L’Enragé » et que, en 1976, il avait crée, avec Yves GOT, les aventures du « Baron Noir ». Mais seuls les grands sont capables de remettre en question leur propre valeur…

      Sa première parution dans le « Canard » date de février 1994. Depuis, il a publié chaque semaine, entre cinq et huit dessins dont un strip qui ouvrent souvent la « Une ».

      http://lecanardenchaine.free.fr/equipe.html

  • Brûle la mer
    http://www.nova-cinema.org/prog/2018/168-only-the-sky-is-the-limit/only-the-sky-is-the-limit/article/brule-la-mer

    Nathalie Nambot & Maki Berchache, 2014, FR, 35mm, VO FR ,75’

    Dans l’élan de la révolution tunisienne, après la chute de Ben Ali, 25.000 jeunes tunisiens ont pris la mer vers l’Europe, via Lampedusa. Maki Berchache est l’un d’eux. À partir de son his- toire, de fragments d’images, de récits, avec ses amis de voyage ou rencontrés à Paris, « Brûle la mer » revient sur cette tentative de liberté et la violence d’une hospitalité refusée. Brûler la mer, c’est brûler les frontières, les lois, les papiers empêchant de décider par soi-même de sa terre d’accueil. « Brûle la mer » c’est égale- ment brûler la vie passée, quitter son pays, sa famille. C’est aussi produire l’énergie nécessaire à la création de nouvelles fraterni- tés, dans un endroit que l’on fait peu à peu (...)

  • Tunisian fishermen await trial after ’saving hundreds of migrants’

    Friends and colleagues have rallied to the defence of six Tunisian men awaiting trial in Italy on people smuggling charges, saying they are fishermen who have saved hundreds of migrants and refugees over the years who risked drowning in the Mediterranean.

    The men were arrested at sea at the weekend after their trawler released a small vessel it had been towing with 14 migrants onboard, 24 miles from the coast of the Italian island of Lampedusa.

    Italian authorities said an aeroplane crew from the European border agency Frontex had first located the trawler almost 80 nautical miles from Lampedusa and decided to monitor the situation.They alerted the Italian police after the migrant vessel was released, who then arrested all crew members at sea.

    According to their lawyers, the Tunisians maintain that they saw a migrant vessel in distress and a common decision was made to tow it to safety in Italian waters. They claim they called the Italian coastguard so it could intervene and take them to shore.

    Prosecutors have accused the men of illegally escorting the boat into Italian waters and say they have no evidence of an SOS sent by either the migrant boat or by the fishermen’s vessel.

    Among those arrested were 45-year-old Chamseddine Ben Alì Bourassine, who is known in his native city, Zarzis, which lies close to the Libyan border, for saving migrants and bringing human remains caught in his nets back to shore to give the often anonymous dead a dignified burial.

    Immediately following the arrests, hundreds of Tunisians gathered in Zarzis to protest and the Tunisian Fishermen Association of Zarzis sent a letter to the Italian embassy in Tunis in support of the men.

    “Captain Bourassine and his crew are hardworking fishermen whose human values exceed the risks they face every day,” it said. “When we meet boats in distress at sea, we do not think about their colour or their religion.”

    According to his colleagues in Zarzis, Bourassine is an advocate for dissuading young Tunisians from illegal migration. In 2015 he participated in a sea rescue drill organised by Médecins Sans Frontières (Msf) in Zarzis.

    Giulia Bertoluzzi, an Italian filmmaker and journalist who directed the documentary Strange Fish, about Bourassine, said the men were well known in their home town.

    “In Zarzis, Bourassine and his crew are known as anonymous heroes”, Bertoluzzi told the Guardian. “Some time ago a petition was circulated to nominate him for the Nobel peace prize. He saved thousands of lives since.”

    The six Tunisians who are now being held in prison in the Sicilian town of Agrigento pending their trial. If convicted, they could face up to 15 years in prison.

    The Italian police said in a statement: “We acted according to our protocol. After the fishing boat released the vessel, it returned south of the Pelagie Islands where other fishing boats were active in an attempt to shield itself.”

    It is not the first time that Italian authorities have arrested fishermen and charged them with aiding illegal immigration. On 8 August 2007, police arrested two Tunisian fishermen for having guided into Italian waters 44 migrants. The trial lasted four years and both men were acquitted of all criminal charges.

    Leonardo Marino, a lawyer in Agrigento who had defended dozens of Tunisian fishermen accused of enabling smuggling, told the Guardian: “The truth is that migrants are perceived as enemies and instead of welcoming them we have decided to fight with repressive laws anyone who is trying to help them.”


    https://www.theguardian.com/world/2018/sep/05/tunisian-fishermen-await-trial-after-saving-hundreds-of-migrants?CMP=sh
    #Tunisie #pêcheurs #solidarité #mourir_en_mer #sauvetage #asile #migrations #réfugiés #Méditerranée #pêcheurs_tunisiens #délit_de_solidarité
    Accusation: #smuggling #passeurs

    cc @_kg_

    • Commentaires de Charles Heller sur FB :

      Last year these Tunisian fishermen prevented the identitarian C-Star - chartered to prevent solidarity at sea - from docking in Zarzis. Now they have been arrested for exercising that solidarity.

      Back to the bad old days of criminalising Tunisian fishermen who rescue migrants at sea. Lets make some noise and express our support and solidarity in all imaginable ways!

    • Des pêcheurs tunisiens poursuivis pour avoir tracté des migrants jusqu’en Italie

      Surpris en train de tirer une embarcation de migrants vers l’Italie, des pêcheurs tunisiens -dont un militant connu localement- ont été écroués en Sicile. Une manifestation de soutien a eu lieu en Tunisie et une ONG essaie actuellement de leur venir en aide.

      Des citoyens tunisiens sont descendus dans la rue lundi 3 septembre à Zarzis, dans le sud du pays, pour protester contre l’arrestation, par les autorités italiennes, de six pêcheurs locaux. Ces derniers sont soupçonnés d’être des passeurs car ils ont été "surpris en train de tirer une barque avec 14 migrants à bord en direction de [l’île italienne de] Lampedusa", indique la police financière et douanière italienne.

      La contestation s’empare également des réseaux sociaux, notamment avec des messages publiés demandant la libération des six membres d’équipage parmi lesquels figurent Chamseddine Bourassine, président de l’association des pêcheurs de Zarzis. “Toute ma solidarité avec un militant et ami, le doyen des pêcheurs Chamseddine Bourassine. Nous appelons les autorités tunisiennes à intervenir immédiatement avec les autorités italiennes afin de le relâcher ainsi que son équipage”, a écrit lundi le jeune militant originaire de Zarzis Anis Belhiba sur Facebook. Une publication reprise et partagée par Chamesddine Marzoug, un pêcheur retraité et autre militant connu en Tunisie pour enterrer lui-même les corps des migrants rejetés par la mer.

      Sans nouvelles depuis quatre jours

      Un appel similaire a été lancé par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, par la voix de Romdhane Ben Amor, chargé de communication de cette ONG basée à Tunis. Contacté par InfoMigrants, il affirme n’avoir reçu aucune nouvelle des pêcheurs depuis près de quatre jours. “On ne sait pas comment ils vont. Tout ce que l’on sait c’est qu’ils sont encore incarcérés à Agrigente en Sicile. On essaie d’activer tous nos réseaux et de communiquer avec nos partenaires italiens pour leur fournir une assistance juridique”, explique-t-il.

      Les six pêcheurs ont été arrêtés le 29 août car leur bateau de pêche, qui tractait une embarcation de fortune avec 14 migrants à son bord, a été repéré -vidéo à l’appui- par un avion de Frontex, l’Agence européenne de garde-côtes et garde-frontières.

      Selon une source policière italienne citée par l’AFP, les pêcheurs ont été arrêtés pour “aide à l’immigration clandestine” et écroués. Le bateau a été repéré en train de tirer des migrants, puis de larguer la barque près des eaux italiennes, à moins de 24 milles de Lampedusa, indique la même source.

      Mais pour Romdhane Ben Amor, “la vidéo de Frontex ne prouve rien”. Et de poursuivre : “#Chamseddine_Bourassine, on le connaît bien. Il participe aux opérations de sauvetage en Méditerranée depuis 2008, il a aussi coordonné l’action contre le C-Star [navire anti-migrants affrété par des militant d’un groupe d’extrême droite]”. Selon Romdhane Ben Amor, il est fort probable que le pêcheur ait reçu l’appel de détresse des migrants, qu’il ait ensuite tenté de les convaincre de faire demi-tour et de regagner la Tunisie. N’y parvenant pas, le pêcheur aurait alors remorqué l’embarcation vers l’Italie, la météo se faisant de plus en plus menaçante.

      La Tunisie, pays d’origine le plus représenté en Italie

      Un nombre croissant de Tunisiens en quête d’emploi et de perspectives d’avenir tentent de se rendre illégalement en Italie via la Méditerranée. D’ailleurs, avec 3 300 migrants arrivés entre janvier et juillet 2018, la Tunisie est le pays d’origine le plus représenté en Italie, selon un rapport du Haut commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR) publié lundi.

      La Méditerranée a été "plus mortelle que jamais" début 2018, indique également le HCR, estimant qu’une personne sur 18 tentant la traversée meurt ou disparaît en mer.


      http://www.infomigrants.net/fr/post/11752/des-pecheurs-tunisiens-poursuivis-pour-avoir-tracte-des-migrants-jusqu

    • Lampedusa, in cella ad Agrigento il pescatore tunisino che salva i migranti

      Insieme al suo equipaggio #Chameseddine_Bourassine è accusato di favoreggiamento dell’immigrazione illegale. La Tunisia chiede il rilascio dei sei arrestati. L’appello per la liberazione del figlio di uno dei pescatori e del fratello di Bourassine

      Per la Tunisia Chameseddine Bourassine è il pescatore che salva i migranti. Protagonista anche del film documentario «Strange Fish» di Giulia Bertoluzzi. Dal 29 agosto Chameseddine e il suo equipaggio sono nel carcere di Agrigento, perchè filmati mentre trainavano un barchino con 14 migranti fino a 24 miglia da Lampedusa. Il peschereccio è stato sequestrato e rischiano molti anni di carcere per favoreggiamento aggravato dell’immigrazione illegale. Da Palermo alcuni parenti giunti da Parigi lanciano un appello per la loro liberazione.

      Ramzi Lihiba, figlio di uno dei pescatori arrestati: «Mio padre è scioccato perchè è la prima volta che ha guai con la giustizia. Mi ha detto che hanno incontrato una barca in pericolo e hanno fatto solo il loro dovere. Non è la prima volta. Chameseddine ha fatto centinaia di salvataggi, portando la gente verso la costa più vicina. Prima ha chiamato la guardia costiera di Lampedusa e di Malta senza avere risposta».

      Mohamed Bourassine, fratello di Chameseddine: «Chameseddine l’ha detto anche alla guardia costiera italiana, se trovassi altre persone in pericolo in mare, lo rifarei».
      La Tunisia ha chiesto il rilascio dei sei pescatori di Zarzis. Sit in per loro davanti alle ambasciate italiane di Tunisi e Parigi. Da anni i pescatori delle due sponde soccorrono migranti con molti rischi. Ramzi Lihiba: «Anche io ho fatto la traversata nel 2008 e sono stato salvato dai pescatori italiani, altrimenti non sarei qui oggi».

      https://www.rainews.it/tgr/sicilia/video/2018/09/sic-lampedusa-carcere-pescatore-tunisino-salva-migranti-8f4b62a7-b103-48c0-8

    • Posté par Charles Heller sur FB :

      Yesterday, people demonstrated in the streets of Zarzis in solidarity with the Tunisian fishermen arrested by Italian authorities for exercising their solidarity with migrants crossing the sea. Tomorrow, they will be heard in front of a court in Sicily. While rescue NGOs have done an extraordinary job, its important to underline that European citizens do not have the monopoly over solidarity with migrants, and neither are they the only ones being criminalised. The Tunisian fishermen deserve our full support.


      https://www.facebook.com/charles.heller.507/posts/2207659576116549

    • I pescatori, eroi di Zarzis, in galera

      Il 29 agosto 2018 sei pescatori tunisini sono stati arrestati ad Agrigento, accusati di favoreggiamento dell’immigrazione clandestina, reato punibile fino a quindici anni di carcere. Il loro racconto e quello dei migranti soccorsi parla invece di una barca in panne che prendeva acqua, del tentativo di contattare la Guardia Costiera italiana e infine - dopo una lunga attesa – del trasporto del barchino verso Lampedusa, per aiutare le autorità nelle operazioni di soccorso. Mentre le indagini preliminari sono in corso, vi raccontiamo chi sono questi pescatori. Lo facciamo con Giulia Bertoluzzi, che ha girato il film “Strange Fish” – vincitore al premio BNP e menzione speciale della giuria al festival Visioni dal Mondo - di cui Bourassine è il protagonista, e Valentina Zagaria, che ha vissuto oltre due anni a Zarzis per un dottorato in antropologia.

      Capitano, presidente, eroe. Ecco tre appellativi che potrebbero stare a pennello a Chamseddine Bourassine, presidente della Rete Nazionale della Pesca Artigianale nonché dell’associazione di Zarzis “Le Pêcheur” pour le Développement et l’Environnement, nominata al Premio Nobel per la Pace 2018 per il continuo impegno nel salvare vite nel Mediterraneo. I pescatori di Zarzis infatti, lavorando nel mare aperto tra la Libia e la Sicilia, si trovano da più di quindici anni in prima linea nei soccorsi a causa della graduale chiusura ermetica delle vie legali per l’Europa, che ha avuto come conseguenza l’inizio di traversate con mezzi sempre più di fortuna.
      I frutti della rivoluzione

      Sebbene la legge del mare abbia sempre prevalso per Chamseddine e i pescatori di Zarzis, prima della rivoluzione tunisina del 2011 i pescatori venivano continuamente minacciati dalla polizia del regime di Ben Ali, stretto collaboratore sia dell’Italia che dell’Unione europea in materia di controlli alle frontiere. “Ci dicevano di lasciarli in mare e che ci avrebbero messo tutti in prigione”, spiegava Bourassine, “ma un uomo in mare è un uomo morto, e alla polizia abbiamo sempre risposto che piuttosto saremmo andati in prigione”. In prigione finivano anche i cittadini tunisini che tentavano la traversata e che venivano duramente puniti dal loro stesso governo.

      Tutto è cambiato con la rivoluzione. Oltre 25.000 tunisini si erano imbarcati verso l’Italia, di cui tanti proprio dalle coste di Zarzis. “Non c’erano più né stato né polizia, era il caos assoluto” ricorda Anis Souei, segretario generale dell’Associazione. Alcuni pescatori non lasciavano le barche nemmeno di notte perché avevano paura che venissero rubate, i più indebitati invece tentavano di venderle, mentre alcuni abitanti di Zarzis, approfittando del vuoto di potere, si improvvisavano ‘agenti di viaggi’, cercando di fare affari sulle spalle degli harraga – parola nel dialetto arabo nord africano per le persone che ‘bruciano’ passaporti e frontiera attraversando il Mediterraneo. Chamseddine Bourassine e i suoi colleghi, invece, hanno stretto un patto morale, stabilendo di non vendere le proprie barche per la harga. Si sono rimboccati le maniche e hanno fondato un’associazione per migliorare le condizioni di lavoro del settore, per sensibilizzare sulla preservazione dell’ambiente – condizione imprescindibile per la pesca – e dare una possibilità di futuro ai giovani.

      E proprio verso i più giovani, quelli che più continuano a soffrire dell’alto tasso di disoccupazione, l’associazione ha dedicato diverse campagne di sensibilizzazione. “Andiamo nelle scuole per raccontare quello che vediamo e mostriamo ai ragazzi le foto dei corpi che troviamo in mare, perché si rendano conto del reale pericolo della traversata”, racconta Anis. Inoltre hanno organizzato formazioni di meccanica, riparazione delle reti e pesca subacquea, collaborando anche con diversi progetti internazionali, come NEMO, organizzato dal CIHEAM-Bari e finanziato dalla Cooperazione Italiana. Proprio all’interno di questo progetto è nato il museo di Zarzis della pesca artigianale, dove tra nodi e anforette per la pesca del polipo, c’è una mostra fotografica dei salvataggi in mare intitolata “Gli eroi anonimi di Zarzis”.

      La guerra civile libica

      Con l’inasprirsi della guerra civile libica e l’inizio di veri e propri traffici di esseri umani, le frontiere marittime si sono trasformate in zone al di fuori della legge.
      “I pescatori tunisini vengono regolarmente rapiti dalle milizie o dalle autorità libiche” diceva Bourassine. Queste, una volta sequestrata la barca e rubato il materiale tecnico, chiedevano alle autorità tunisine un riscatto per il rilascio, cosa peraltro successa anche a pescatori siciliani. Sebbene le acque di fronte alla Libia siano le più ricche, soprattutto per il gambero rosso, e per anni siano state zone di pesca per siciliani, tunisini, libici e anche egiziani, ad oggi i pescatori di Zarzis si sono visti obbligati a lasciare l’eldorado dei tonni rossi e dei gamberi rossi, per andare più a ovest.

      “Io pesco nelle zone della rotta delle migrazioni, quindi è possibile che veda migranti ogni volta che esco” diceva Bourassine, indicando sul monitor della sala comandi del suo peschereccio l’est di Lampedusa, durante le riprese del film.

      Con scarso sostegno delle guardie costiere tunisine, a cui non era permesso operare oltre le proprie acque territoriali, i pescatori per anni si sono barcamenati tra il lavoro e la responsabilità di soccorrere le persone in difficoltà che, con l’avanzare del conflitto in Libia, partivano su imbarcazioni sempre più pericolose.

      “Ma quando in mare vedi 100 o 120 persone cosa fai?” si chiede Slaheddine Mcharek, anche lui membro dell’Associazione, “pensi solo a salvare loro la vita, ma non è facile”. Chi ha visto un’operazione di soccorso in mare infatti può immaginare i pericoli di organizzare un trasbordo su un piccolo peschereccio che non metta a repentaglio la stabilità della barca, soprattutto quando ci sono persone che non sanno nuotare. Allo stesso tempo non pescare significa non lavorare e perdere soldi sia per il capitano che per l’equipaggio.
      ONG e salvataggio

      Quando nell’estate del 2015 le navi di ricerca e soccorso delle ONG hanno cominciato ad operare nel Mediterraneo, Chamseddine e tutti i pescatori si sono sentiti sollevati, perché le loro barche non erano attrezzate per centinaia di persone e le autorità tunisine post-rivoluzionarie non avevano i mezzi per aiutarli. Quell’estate, l’allora direttore di Medici Senza Frontiere Foued Gammoudi organizzò una formazione di primo soccorso in mare per sostenere i pescatori. Dopo questa formazione MSF fornì all’associazione kit di pronto soccorso, giubbotti e zattere di salvataggio per poter assistere meglio i rifugiati in mare. L’ONG ha anche dato ai pescatori le traduzioni in italiano e inglese dei messaggi di soccorso e di tutti i numeri collegati al Centro di coordinamento per il soccorso marittimo (MRCC) a Roma, che coordina i salvataggi tra le imbarcazioni nei paraggi pronte ad intervenire, fossero mercantili, navi delle ONG, imbarcazioni militari o della guardia costiera, e quelle dei pescatori di entrambe le sponde del mare. Da quel momento i pescatori potevano coordinarsi a livello internazionale e aspettare che le navi più grandi arrivassero, per poi riprendere il loro lavoro. Solo una settimana dopo la formazione, Gammoudi andò a congratularsi con Chamseddine al porto di Zarzis per aver collaborato con la nave Bourbon-Argos di MSF nel salvataggio di 550 persone.

      Oltre al primo soccorso, MSF ha offerto ai membri dell’associazione una formazione sulla gestione dei cadaveri, fornendo sacchi mortuari, disinfettanti e guanti. C’è stato un periodo durato vari mesi, prima dell’arrivo delle ONG, in cui i pescatori avevano quasi la certezza di vedere dei morti in mare. Nell’assenza di altre imbarcazioni in prossimità della Libia, pronte ad aiutare barche in difficoltà, i naufragi non facevano che aumentare. Proprio come sta succedendo in queste settimane, durante le quali il tasso di mortalità in proporzione agli arrivi in Italia è cresciuto del 5,6%. Dal 26 agosto, nessuna ONG ha operato in SAR libica, e questo a causa delle politiche anti-migranti di Salvini e dei suoi omologhi europei.

      Criminalizzazione della solidarietà

      La situazione però è peggiorata di nuovo nell’estate del 2017, quando l’allora ministro dell’Interno Marco Minniti stringeva accordi con le milizie e la guardia costiera libica per bloccare i rifugiati nei centri di detenzione in Libia, mentre approvava leggi che criminalizzano e limitano l’attività delle ONG in Italia.

      Le campagne di diffamazione contro atti di solidarietà e contro le ONG non hanno fatto altro che versare ancora più benzina sui sentimenti anti-immigrazione che infiammano l’Europa. Nel bel mezzo di questo clima, il 6 agosto 2017, i pescatori di Zarzis si erano trovati in un faccia a faccia con la nave noleggiata da Generazione Identitaria, la C-Star, che attraversava il Mediterraneo per ostacolare le operazioni di soccorso e riportare i migranti in Africa.

      Armati di pennarelli rossi, neri e blu, hanno appeso striscioni sulle barche in una mescolanza di arabo, italiano, francese e inglese: “No Racists!”, “Dégage!”, “C-Star: No gasolio? No acqua? No mangiaro?“.

      Chamseddine Bourassine, con pesanti occhiaie da cinque giorni di lavoro in mare, appena appresa la notizia ha organizzato un sit-in con tanto di media internazionali al porto di Zarzis. I loro sforzi erano stati incoraggiati dalle reti antirazziste in Sicilia, che a loro volta avevano impedito alla C-Star di attraccare nel porto di Catania solo un paio di giorni prima.
      La reazione tunisina dopo l’arresto di Bourassine

      Non c’è quindi da sorprendersi se dopo l’arresto di Chamseddine, Salem, Farhat, Lotfi, Ammar e Bachir l’associazione, le famiglie, gli amici e i colleghi hanno riempito tre pullman da Zarzis per protestare davanti all’ambasciata italiana di Tunisi. La Terre Pour Tous, associazione di famiglie di tunisini dispersi, e il Forum economico e sociale (FTDES) si sono uniti alla protesta per chiedere l’immediato rilascio dei pescatori. Una protesta gemella è stata organizzata anche dalla diaspora di Zarzis davanti all’ambasciata italiana a Parigi, mentre reti di pescatori provenienti dal Marocco e dalla Mauritania hanno rilasciato dichiarazioni di sostegno. Il Segretario di Stato tunisino per l’immigrazione, Adel Jarboui, ha esortato le autorità italiane a liberare i pescatori.

      Nel frattempo Bourassine racconta dalla prigione al fratello: “stavo solo aiutando delle persone in difficoltà in mare. Lo rifarei”.


      http://openmigration.org/analisi/i-pescatori-eroi-di-zarzis-in-galera

    • When rescue at sea becomes a crime: who the Tunisian fishermen arrested in Italy really are

      Fishermen networks from Morocco and Mauritania have released statements of support, and the Tunisian State Secretary for Immigration, Adel Jarboui, urged Italian authorities to release the fishermen, considered heroes in Tunisia.

      On the night of Wednesday, August 29, 2018, six Tunisian fishermen were arrested in Italy. Earlier that day, they had set off from their hometown of Zarzis, the last important Tunisian port before Libya, to cast their nets in the open sea between North Africa and Sicily. The fishermen then sighted a small vessel whose engine had broken, and that had started taking in water. After giving the fourteen passengers water, milk and bread – which the fishermen carry in abundance, knowing they might encounter refugee boats in distress – they tried making contact with the Italian coastguard.

      After hours of waiting for a response, though, the men decided to tow the smaller boat in the direction of Lampedusa – Italy’s southernmost island, to help Italian authorities in their rescue operations. At around 24 miles from Lampedusa, the Guardia di Finanza (customs police) took the fourteen people on board, and then proceeded to violently arrest the six fishermen. According to the precautionary custody order issued by the judge in Agrigento (Sicily), the men stand accused of smuggling, a crime that could get them up to fifteen years in jail if the case goes to trial. The fishermen have since been held in Agrigento prison, and their boat has been seized.

      This arrest comes after a summer of Italian politicians closing their ports to NGO rescue boats, and only a week after far-right Interior Minister Matteo Salvini[1] prevented for ten days the disembarkation of 177 Eritrean and Somali asylum seekers from the Italian coastguard ship Diciotti. It is yet another step towards dissuading anyone – be it Italian or Tunisian citizens, NGO or coastguard ships – from coming to the aid of refugee boats in danger at sea. Criminalising rescue, a process that has been pushed by different Italian governments since 2016, will continue to have tragic consequences for people on the move in the Mediterranean Sea.
      The fishermen of Zarzis

      Among those arrested is Chamseddine Bourassine, the president of the Association “Le Pêcheur” pour le Développement et l’Environnement, which was nominated for the Nobel Peace Prize this year for the Zarzis fishermen’s continuous engagement in saving lives in the Mediterranean.

      Chamseddine, a fishing boat captain in his mid-40s, was one of the first people I met in Zarzis when, in the summer of 2015, I moved to this southern Tunisian town to start fieldwork for my PhD. On a sleepy late-August afternoon, my interview with Foued Gammoudi, the then Médecins Sans Frontières (MSF) Head of Mission for Tunisia and Libya, was interrupted by an urgent phone call. “The fishermen have just returned, they saved 550 people, let’s go to the port to thank them.” Just a week earlier, Chamseddine Bourassine had been among the 116 fishermen from Zarzis to have received rescue at sea training with MSF. Gammoudi was proud that the fishermen had already started collaborating with the MSF Bourbon Argos ship to save hundreds of people. We hurried to the port to greet Chamseddine and his crew, as they returned from a three-day fishing expedition which involved, as it so often had done lately, a lives-saving operation.

      The fishermen of Zarzis have been on the frontline of rescue in the Central Mediterranean for over fifteen years. Their fishing grounds lying between Libya – the place from which most people making their way undocumented to Europe leave – and Sicily, they were often the first to come to the aid of refugee boats in distress. “The fishermen have never really had a choice: they work here, they encounter refugee boats regularly, so over the years they learnt to do rescue at sea”, explained Gammoudi. For years, fishermen from both sides of the Mediterranean were virtually alone in this endeavour.
      Rescue before and after the revolution

      Before the Tunisian revolution of 2011, Ben Ali threatened the fishermen with imprisonment for helping migrants in danger at sea – the regime having been a close collaborator of both Italy and the European Union in border control matters. During that time, Tunisian nationals attempting to do the harga – the North African Arabic dialect term for the crossing of the Sicilian Channel by boat – were also heavily sanctioned by their own government.

      Everything changed though with the revolution. “It was chaos here in 2011. You cannot imagine what the word chaos means if you didn’t live it”, recalled Anis Souei, the secretary general of the “Le Pêcheur” association. In the months following the revolution, hundreds of boats left from Zarzis taking Tunisians from all over the country to Lampedusa. Several members of the fishermen’s association remember having to sleep on their fishing boats at night to prevent them from being stolen for the harga. Other fishermen instead, especially those who were indebted, decided to sell their boats, while some inhabitants of Zarzis took advantage of the power vacuum left by the revolution and made considerable profit by organising harga crossings. “At that time there was no police, no state, and even more misery. If you wanted Lampedusa, you could have it”, rationalised another fisherman. But Chamseddine Bourassine and his colleagues saw no future in moving to Europe, and made a moral pact not to sell their boats for migration.

      They instead remained in Zarzis, and in 2013 founded their association to create a network of support to ameliorate the working conditions of small and artisanal fisheries. The priority when they started organising was to try and secure basic social security – something they are still struggling to sustain today. With time, though, the association also got involved in alerting the youth to the dangers of boat migration, as they regularly witnessed the risks involved and felt compelled to do something for younger generations hit hard by staggering unemployment rates. In this optic, they organised training for the local youth in boat mechanics, nets mending, and diving, and collaborated in different international projects, such as NEMO, organised by the CIHEAM-Bari and funded by the Italian Ministry of Foreign Affairs Directorate General for Cooperation Development. This project also helped the fishermen build a museum to explain traditional fishing methods, the first floor of which is dedicated to pictures and citations from the fishermen’s long-term voluntary involvement in coming to the rescue of refugees in danger at sea.

      This role was proving increasingly vital as the Libyan civil war dragged on, since refugees were being forced onto boats in Libya that were not fit for travel, making the journey even more hazardous. With little support from Tunisian coastguards, who were not allowed to operate beyond Tunisian waters, the fishermen juggled their responsibility to bring money home to their families and their commitment to rescuing people in distress at sea. Anis remembers that once in 2013, three fishermen boats were out and received an SOS from a vessel carrying roughly one hundred people. It was their first day out, and going back to Zarzis would have meant losing petrol money and precious days of work, which they simply couldn’t afford. After having ensured that nobody was ill, the three boats took twenty people on board each, and continued working for another two days, sharing food and water with their guests.

      Sometimes, though, the situation on board got tense with so many people, food wasn’t enough for everybody, and fights broke out. Some fishermen recall incidents during which they truly feared for their safety, when occasionally they came across boats with armed men from Libyan militias. It was hard for them to provide medical assistance as well. Once a woman gave birth on Chamseddine’s boat – that same boat that has now been seized in Italy – thankfully there had been no complications.
      NGO ships and the criminalisation of rescue

      During the summer of 2015, therefore, Chamseddine felt relieved that NGO search and rescue boats were starting to operate in the Mediterranean. The fishermen’s boats were not equipped to take hundreds of people on board, and the post-revolutionary Tunisian authorities didn’t have the means to support them. MSF had provided the association with first aid kits, life jackets, and rescue rafts to be able to better assist refugees at sea, and had given them a list of channels and numbers linked to the Maritime Rescue Coordination Centre (MRCC) in Rome for when they encountered boats in distress.

      They also offered training in dead body management, and provided the association with body bags, disinfectant and gloves. “When we see people at sea we rescue them. It’s not only because we follow the laws of the sea or of religion: we do it because it’s human”, said Chamseddine. But sometimes rescue came too late, and bringing the dead back to shore was all the fishermen could do.[2] During 2015 the fishermen at least felt that with more ships in the Mediterranean doing rescue, the duty dear to all seafarers of helping people in need at sea didn’t only fall on their shoulders, and they could go back to their fishing.

      The situation deteriorated again though in the summer of 2017, as Italian Interior Minister Minniti struck deals with Libyan militias and coastguards to bring back and detain refugees in detention centres in Libya, while simultaneously passing laws criminalising and restricting the activity of NGO rescue boats in Italy.

      Media smear campaigns directed against acts of solidarity with migrants and refugees and against the work of rescue vessels in the Mediterranean poured even more fuel on already inflamed anti-immigration sentiments in Europe.

      In the midst of this, on 6 August 2017, the fishermen of Zarzis came face to face with a far-right vessel rented by Generazione Identitaria, the C-Star, cruising the Mediterranean allegedly on a “Defend Europe” mission to hamper rescue operations and bring migrants back to Africa. The C-Star was hovering in front of Zarzis port, and although it had not officially asked port authorities whether it could dock to refuel – which the port authorities assured locals it would refuse – the fishermen of Zarzis took the opportunity to let these alt-right groups know how they felt about their mission.

      Armed with red, black and blue felt tip pens, they wrote in a mixture of Arabic, Italian, French and English slogans such as “No Racists!”, “Dégage!” (Get our of here!), “C-Star: No gasoil? No acqua? No mangiato?” ?” (C-Star: No fuel? No water? Not eaten?), which they proceeded to hang on their boats, ready to take to sea were the C-Star to approach. Chamseddine Bourassine, who had returned just a couple of hours prior to the impending C-Star arrival from five days of work at sea, called other members of the fishermen association to come to the port and join in the peaceful protest.[3] He told the journalists present that the fishermen opposed wholeheartedly the racism propagated by the C-Star members, and that having seen the death of fellow Africans at sea, they couldn’t but condemn these politics. Their efforts were cheered on by anti-racist networks in Sicily, who had in turn prevented the C-Star from docking in Catania port just a couple of days earlier.

      It is members from these same networks in Sicily together with friends of the fishermen in Tunisia and internationally that are now engaged in finding lawyers for Chamseddine and his five colleagues.

      Their counterparts in Tunisia joined the fishermen’s families and friends on Thursday morning to protest in front of the Italian embassy in Tunis. Three busloads arrived from Zarzis after an 8-hour night-time journey for the occasion, and many others had come from other Tunisian towns to show their solidarity. Gathered there too were members of La Terre Pour Tous, an association of families of missing Tunisian migrants, who joined in to demand the immediate release of the fishermen. A sister protest was organised by the Zarzis diaspora in front of the Italian embassy in Paris on Saturday afternoon. Fishermen networks from Morocco and Mauritania also released statements of support, and the Tunisian State Secretary for Immigration Adel Jarboui urged Italian authorities to release the fishermen, who are considered heroes in Tunisia.

      The fishermen’s arrest is the latest in a chain of actions taken by the Italian Lega and Five Star government to further criminalise rescue in the Mediterranean Sea, and to dissuade people from all acts of solidarity and basic compliance with international norms. This has alarmingly resulted in the number of deaths in 2018 increasing exponentially despite a drop in arrivals to Italy’s southern shores. While Chamseddine’s lawyer hasn’t yet been able to visit him in prison, his brother and cousin managed to go see him on Saturday. As for telling them about what happened on August 29, Chamseddine simply says that he was assisting people in distress at sea: he’d do it again.

      https://www.opendemocracy.net/can-europe-make-it/valentina-zagaria/when-rescue-at-sea-becomes-crime-who-tunisian-fishermen-arrested-in-i

    • Les pêcheurs de Zarzis, ces héros que l’Italie préfère voir en prison

      Leurs noms ont été proposés pour le prix Nobel de la paix mais ils risquent jusqu’à quinze ans de prison : six pêcheurs tunisiens se retrouvent dans le collimateur des autorités italiennes pour avoir aidé des migrants en Méditerranée.

      https://www.middleeasteye.net/fr/reportages/les-p-cheurs-de-zarzis-ces-h-ros-que-l-italie-pr-f-re-voir-en-prison-

    • Les pêcheurs tunisiens incarcérés depuis fin août en Sicile sont libres

      Arrêtés après avoir tracté une embarcation de quatorze migrants jusqu’au large de Lampedusa, un capitaine tunisien et son équipage sont soupçonnés d’être des passeurs. Alors qu’en Tunisie, ils sont salués comme des sauveurs.

      Les six pêcheurs ont pu reprendre la mer afin de regagner Zarzis, dans le sud tunisien. Les familles n’ont pas caché leur soulagement. Un accueil triomphal, par des dizaines de bateaux au large du port, va être organisé, afin de saluer le courage de ces sauveteurs de migrants à la dérive.

      Et peu importe si l’acte est dénoncé par l’Italie. Leurs amis et collègues ne changeront pas leurs habitudes de secourir toute embarcation en danger.

      A l’image de Rya, la cinquantaine, marin pêcheur à Zarzis qui a déjà sauvé des migrants en perdition et ne s’arrêtera pas : « Il y a des immigrés, tous les jours il y en a. De Libye, de partout. Nous on est des pêcheurs, on essaie de sauver les gens. C’est tout, c’est très simple. Nous on ne va pas s’arrêter, on va sauver d’autres personnes. Ils vont nous mettre en prison, on est là, pas de problème. »

      Au-delà du soulagement de voir rentrer les marins au pays, des voix s’élèvent pour crier leur incompréhension. Pour Halima Aissa, présidente de l’Association de recherche des disparus tunisiens à l’étranger, l’action de ce capitaine de pêche ne souffre d’aucune légitimité : « C’est un pêcheur tunisien, mais en tant qu’humaniste, si on trouve des gens qui vont couler en mer, notre droit c’est de les sauver. C’est inhumain de voir des gens mourir et de ne pas les sauver, ça c’est criminel. »

      Ces arrestations, certes suivies de libérations, illustrent pourtant la politique du nouveau gouvernement italien, à en croire Romdhane Ben Amor, du Forum tunisien des droits économiques et sociaux qui s’inquiète de cette nouvelle orientation politique : « Ça a commencé par les ONG qui font des opérations de sauvetage dans la Méditerranée et maintenant ça va vers les pêcheurs. C’est un message pour tous ceux qui vont participer aux opérations de sauvetage. Donc on aura plus de danger dans la mer, plus de tragédie dans la mer. » Pendant ce temps, l’enquête devrait se poursuivre encore plusieurs semaines en Italie.

      ■ Dénoncés par Frontex

      Détenus dans une prison d’Agrigente depuis le 29 août, les six pêcheurs tunisiens qui étaient soupçonnés d’aide à l’immigration illégale ont retrouvé leur liberté grâce à la décision du tribunal de réexamen de Palerme. L’équivalent italien du juge des libertés dans le système français.

      Le commandant du bateau de pêche, Chamseddine Bourassine, président de l’association des pêcheurs de Zarzis, ville du sud de la Tunisie, avait été arrêté avec les 5 membres d’équipage pour avoir secouru au large de l’île de Lampedusa une embarcation transportant 14 migrants.

      C’est un #avion_de_reconnaissance, opérant pour l’agence européenne #Frontex, qui avait repéré leur bateau tractant une barque et averti les autorités italiennes, précise notre correspondante à Rome, Anne Le Nir.

      http://www.rfi.fr/afrique/20180923-pecheurs-tunisiens-incarceres-depuis-fin-aout-sicile-sont-libres

    • A Zarzis, les pêcheurs sauveurs de migrants menacés par l’Italie

      Après l’arrestation le 29 août de six pêcheurs tunisiens à Lampedusa, accusés d’être des passeurs alors qu’ils avaient secouru des migrants, les marins de la petite ville de Zarzis au sud de la Tunisie ont peur des conséquences du sauvetage en mer.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/121118/zarzis-les-pecheurs-sauveurs-de-migrants-menaces-par-l-italie
      #pêcheurs_tunisiens

    • Migrants : quand les pêcheurs tunisiens deviennent sauveteurs

      En Méditerranée, le sauvetage des candidats à l’exil et les politiques européennes de protection des frontières ont un impact direct sur le village de pêcheurs de #Zarzis, dans le sud de la Tunisie. Dans le code de la mer, les pêcheurs tout comme les gardes nationaux ont l’obligation de sauver les personnes en détresse en mer. Aujourd’hui, ce devoir moral pousse les pêcheurs à prendre des risques, et à se confronter aux autorités européennes.

      Chemssedine Bourassine a été arrêté fin août 2018 avec son équipage par les autorités italiennes. Ce pêcheur était accusé d’avoir fait le passeur de migrants car il avait remorqué un canot de 14 personnes en détresse au large de Lampedusa. Lui arguait qu’il ne faisait que son devoir en les aidant, le canot étant à la dérive, en train de couler, lorsqu’il l’avait trouvé.

      Revenu à bon port après trois mois sans son navire, confisqué par les autorités italiennes, cet épisode pèse lourd sur lui et ses compères. Nos reporters Lilia Blaise et Hamdi Tlili sont allés à la rencontre de ces pêcheurs, pour qui la mer est devenue une source d’inquiétudes.

      https://www.france24.com/fr/20190306-focus-tunisie-migrants-mediterranee-mer-sauvetage-pecheurs

      https://www.youtube.com/watch?v=vKpxQxiJCSc

    • Les pêcheurs tunisiens, sauveurs d’hommes en Méditerranée

      Lorsque Chamseddine Bourassine a vu l’embarcation de 69 migrants à la dérive au large de la Tunisie, il a appelé les secours et continué à pêcher. Mais deux jours plus tard, au moment de quitter la zone, il a bien fallu les embarquer.

      Les pêcheurs tunisiens se retrouvent de plus en plus seuls pour secourir les embarcations clandestines quittant la Libye voisine vers l’Italie, en raison des difficultés des ONG en Méditerranée orientale et du désengagement des navires militaires européens.

      Le 11 mai, les équipages de M. Bourassine et de trois autres pêcheurs ont ramené à terre les 69 migrants partis cinq jours plus tôt de Zouara dans l’ouest libyen.

      « La zone où nous pêchons est un point de passage » entre Zouara et l’île italienne de Lampedusa, souligne Badreddine Mecherek, un patron de pêche de Zarzis (sud), port voisin de la Libye plongée dans le chaos et plaque tournante pour les migrants d’Afrique, mais aussi d’Asie.

      Au fil des ans, la plupart des pêcheurs de Zarzis ont ramené des migrants, sauvant des centaines de vies.

      Avec la multiplication de départs après l’hiver, les pêcheurs croisent les doigts pour ne être confrontés à des tragédies.

      « On prévient d’abord les autorités, mais au final on les sauve nous-mêmes », soupire M. Mecherek, quinquagénaire bougonnant, en bricolant le Asil, son sardinier.

      La marine tunisienne, aux moyens limités, se charge surtout d’intercepter les embarcations clandestines dans ses seules eaux territoriales.

      Contactées par l’AFP pour commenter, les autorités tunisiennes n’ont pas souhaité s’exprimer. Celles-ci interdisent depuis le 31 mai le débarquement de 75 migrants sauvés de la noyade dans les eaux internationales, sans avancer de raisons.

      – « Comme un ange » -

      « Tout le monde s’est désengagé », déplore M. Mecherek.

      « Si nous trouvons des migrants au deuxième jour (de notre sortie en mer), nous avons pu travailler une nuit, mais si nous tombons sur eux dès la première nuit, il faut rentrer », ajoute-t-il. « C’est très compliqué de terminer le travail avec des gens à bord ».

      La situation est particulièrement complexe quand les pêcheurs tombent sur des migrants à proximité de l’Italie.

      M. Bourassine, qui a voulu rapprocher des côtes italiennes une embarcation en détresse mi-2018 au large de Lampedusa, a été emprisonné quatre semaines avec son équipage en Sicile et son bateau confisqué pendant de longs mois.

      Ces dernières années, les navires des ONG et ceux de l’opération antipasseurs européenne Sophia étaient intervenus pour secourir les migrants. Mais les opérations ont pâti en 2019 de la réduction du champ d’action de Sophia et des démarches contre les ONG des Etats européens cherchant à limiter l’arrivée des migrants.

      « Avec leurs moyens, c’était eux qui sauvaient les gens, on arrivait en deuxième ligne. Maintenant le plus souvent on est les premiers, et si on n’est pas là, les migrants meurent », affirme M. Mecherek.

      C’est ce qui est arrivé le 10 mai. Un chalutier a repêché de justesse 16 migrants ayant passé huit heures dans l’eau. Une soixantaine s’étaient noyés avant son arrivée.

      Ahmed Sijur, l’un des miraculés, se souvient de l’arrivée du bateau, comme « un ange ».

      « J’étais en train d’abandonner mais Dieu a envoyé des pêcheurs pour nous sauver. S’ils étaient arrivés dix minutes plus tard, je crois que j’aurais lâché », explique ce Bangladais de 30 ans.

      – « Pas des gens » ! -

      M. Mecherek est fier mais inquiet. « On aimerait ne plus voir tous ces cadavres. On va pêcher du poisson, pas des gens » !.

      « J’ai 20 marins à bord, il disent +qui va faire manger nos familles, les clandestins ?+ Et ils ont peur des maladies, parfois des migrants ont passé 15-20 jours en mer, ils ne se sont pas douchés, il y a des odeurs, c’est compliqué ». « Mais nos pêcheurs ne laisseront jamais des gens mourir ».

      Pour Mongi Slim, responsable du Croissant-Rouge tunisien, « les pêcheurs font pratiquement les gendarmes de la mer et peuvent alerter. Des migrants nous disent que certains gros bateaux passent » sans leur porter secours.

      Même les gros thoniers de Zarzis, sous pression pour pêcher leur quota en une sortie annuelle, reconnaissent éviter parfois d’embarquer les migrants mais assurent qu’ils ne les abandonnent pas sans secours.

      « On signale les migrants, mais on ne peut pas les ramener à terre : on n’a que quelques semaines pour pêcher notre quota », souligne un membre d’équipage.

      Double peine pour les sardiniers : les meilleurs coins de pêche au large de l’ouest libyen leur sont inaccessibles car les gardes-côtes et les groupes armés les tiennent à l’écart.

      « Ils sont armés et ils ne rigolent pas », explique M. Mecherek. « Des pêcheurs se sont fait arrêter », ajoute-t-il, « nous sommes des témoins gênants ».

      Pour M. Bourassine « l’été s’annonce difficile : avec la reprise des combats en Libye, les trafiquants sont de nouveau libres de travailler, il risque d’y avoir beaucoup de naufrages ».


      https://www.courrierinternational.com/depeche/les-pecheurs-tunisiens-sauveurs-dhommes-en-mediterranee.afp.c

    • Les pêcheurs tunisiens, désormais en première ligne pour sauver les migrants en Méditerranée

      Les embarcations en péril sont quasiment vouées à l’abandon avec le recul forcé des opérations de sauvetage des ONG et de la lutte contre les passeurs.

      Lorsque Chamseddine Bourassine a vu l’embarcation de 69 migrants à la dérive au large de la Tunisie, il a appelé les secours et continué à pêcher. Mais, deux jours plus tard, au moment de quitter la zone, il a bien fallu les embarquer puisque personne ne leur était venu en aide.

      Les pêcheurs tunisiens se retrouvent de plus en plus seuls pour secourir les embarcations clandestines quittant la Libye voisine vers l’Italie, en raison des difficultés des ONG en Méditerranée orientale et du désengagement des navires militaires européens.

      Le 11 mai, les équipages de M. Bourassine et de trois autres pêcheurs ont ramené à terre les 69 migrants partis cinq jours plus tôt de Zouara, dans l’Ouest libyen. « La zone où nous pêchons est un point de passage » entre Zouara et l’île italienne de Lampedusa, explique Badreddine Mecherek, un patron de pêche de Zarzis (sud). Le port est voisin de la Libye, plongée dans le chaos et plaque tournante pour les migrants d’Afrique, mais aussi d’Asie.
      « Tout le monde s’est désengagé »

      Au fil des ans, la plupart des pêcheurs de Zarzis ont ramené des migrants, sauvant des centaines de vies. Avec la multiplication de départs après l’hiver, les pêcheurs croisent les doigts pour ne pas être confrontés à des tragédies. « On prévient d’abord les autorités, mais au final on les sauve nous-mêmes », soupire M. Mecherek, quinquagénaire bougonnant, en bricolant le Asil, son sardinier.

      La marine tunisienne, aux moyens limités, se charge surtout d’intercepter les embarcations clandestines dans ses seules eaux territoriales. Contactées par l’AFP pour commenter, les autorités tunisiennes n’ont pas souhaité s’exprimer. Celles-ci interdisent depuis le 31 mai le débarquement de 75 migrants sauvés de la noyade dans les eaux internationales, sans avancer de raisons.

      « Tout le monde s’est désengagé, déplore M. Mecherek. Si nous trouvons des migrants au deuxième jour de notre sortie en mer, cela nous laisse le temps de travailler une nuit. Mais si nous tombons sur eux dès la première nuit, il faut rentrer. C’est très compliqué de terminer le travail avec des gens à bord. »

      La situation est particulièrement complexe quand les pêcheurs tombent sur des migrants à proximité de l’Italie. M. Bourassine, qui avait voulu rapprocher des côtes italiennes une embarcation en détresse mi-2018 au large de Lampedusa, a été emprisonné quatre semaines en Sicile avec son équipage et son bateau, confisqué pendant de longs mois.
      « Un ange »

      Ces dernières années, les navires des ONG et ceux de l’opération européenne antipasseurs Sophia intervenaient pour secourir les migrants. Mais ces manœuvres de sauvetage ont pâti en 2019 de la réduction du champ d’action de Sophia et des démarches engagées contre les ONG par des Etats européens qui cherchent à limiter l’arrivée des migrants.

      « Avec leurs moyens, c’était eux qui sauvaient les gens, on arrivait en deuxième ligne. Maintenant, le plus souvent, on est les premiers, et si on n’est pas là, les migrants meurent », affirme M. Mecherek.

      C’est ce qui est arrivé le 10 mai. Un chalutier a repêché de justesse 16 migrants ayant passé huit heures dans l’eau. Une soixantaine d’entre eux s’étaient noyés avant son arrivée.

      Ahmed Sijur, l’un des miraculés, se souvient de l’arrivée du bateau, comme d’« un ange ». « J’étais en train d’abandonner, mais Dieu a envoyé des pêcheurs pour nous sauver. S’ils étaient arrivés dix minutes plus tard, je crois que j’aurais lâché », explique ce Bangladais de 30 ans.

      M. Mecherek est fier mais inquiet : « On aimerait ne plus voir tous ces cadavres. On va pêcher du poisson, pas des gens ! ». « J’ai vingt marins à bord, explique-t-il encore. Ils disent “Qui va faire manger nos familles, les clandestins ?” Et ils ont peur des maladies, parfois des migrants ont passé quinze à vingt jours en mer, ils ne se sont pas douchés. C’est compliqué, mais nos pêcheurs ne laisseront jamais des gens mourir. » Les petits chalutiers ont donc pris l’habitude d’emporter de nombreux gilets de sauvetage avant leur départ en mer.
      « L’été s’annonce difficile »

      Pour Mongi Slim, responsable du Croissant-Rouge tunisien, « les pêcheurs sont devenus en pratique les gendarmes de la mer et peuvent alerter. Des migrants nous disent que certains gros bateaux passent » sans leur porter secours.

      Les gros thoniers de Zarzis, sous pression pour pêcher leur quota en une seule sortie annuelle, reconnaissent éviter parfois d’embarquer les migrants, mais assurent qu’ils ne les abandonnent pas sans secours. « On signale les migrants, mais on ne peut pas les ramener à terre : on n’a que quelques semaines pour pêcher notre quota », explique un membre d’équipage.

      Double peine pour les sardiniers : les meilleurs coins de pêche au large de l’Ouest libyen leur sont devenus inaccessibles, car les garde-côtes et les groupes armés les tiennent à l’écart. « Ils sont armés et ils ne rigolent pas, témoigne M. Mecherek. Des pêcheurs se sont fait arrêter. Nous sommes des témoins gênants. »

      Pour M. Bourassine, « l’été s’annonce difficile : avec la reprise des combats en Libye, les trafiquants sont de nouveau libres de travailler, il risque d’y avoir beaucoup de naufrages ».

      https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/06/17/les-pecheurs-tunisiens-desormais-en-premiere-ligne-pour-sauver-les-migrants-

  • Bruxelles : programme d’Acrata en septembre 2018
    https://infokiosques.net/spip.php?article1589

    Acrata rue de la Grande Ile 32 1000 Bruxelles, Belgique acrata@@@post.com En septembre, on reprent les permanences deux fois par semaine, le jeudi de 17h à 21h, et le samemdi de 15h à 18h. Jeudi 20 septembre - 19h30 – Projection et discussion « Brûle la mer » (documentaire de Nathalie Nambot et Maki Berchache, 2014, 1h15) Dans l’élan de la révolution tunisienne, après la chute de Ben Ali, 25 000 jeunes Tunisiens ont pris la mer vers l’Europe. Ils devient des brûleurs des frontières. Ils (...)

    #ailleurs

  • En Tunisie, l’exil sans fin d’une jeunesse naufragée - Libération
    http://www.liberation.fr/planete/2018/06/04/en-tunisie-l-exil-sans-fin-d-une-jeunesse-naufragee_1656619

    De la région minière de Metlaoui aux îles Kerkennah, d’où ils partent pour Lampedusa, « Libération » a suivi la route qu’empruntent les jeunes Tunisiens sans avenir, celle qu’avaient prise les passagers du bateau qui a sombré samedi en Méditerranée. Sept ans après la révolution, si la dictature a disparu, les espoirs de vie meilleure se sont fracassés, grossissant les rangs des candidats au départ.

    Des dizaines de cadavres ont été engloutis par la #Méditerranée après le naufrage, samedi soir, d’une embarcation au large de l’archipel des Kerkennah. A son bord, entre 180 et 200 personnes, selon les estimations des survivants. Soixante-huit émigrants ont été secourus par la marine tunisienne, et 48 corps sans vie ont été repêchés. Les recherches ont repris lundi avec l’aide de neuf unités navales, un hélicoptère et des plongeurs.Les passagers étaient presque tous tunisiens.

    Sept ans après la révolution, les jeunes fuient leur pays. Depuis le début de l’année, 2 780 Tunisiens ont choisi l’exil clandestin en Italie, selon l’Office international des migrations. Libération a suivi leur parcours entre le bassin minier de #Gafsa et les îles des pêcheurs de #Kerkennah. La route s’étire sur 300 kilomètres, en comptant le crochet par Sidi Bouzid. L’itinéraire barre horizontalement la Tunisie, passant des terres contestataires des « zones intérieures » à la riche cité côtière de Sfax. C’est celui qu’empruntent les chômeurs pour monter dans des bateaux qui rejoignent l’île italienne de #Lampedusa, porte d’entrée de l’Europe.

    A Metlaoui : « Ici, c’est le phosphate ou Lampedusa »

    La terre ne donne rien de végétal, à #Metlaoui. Même les oliviers ont renoncé à s’y accrocher : le sol semble mort, brûlé par un soleil trop grand et un ciel trop bleu. Les hommes, comme les plantes, n’ont pas grand-chose à faire ici. Ils sont pourtant venus fouiller le sol, et ils ont trouvé dans les replis des montagnes nues qui découpent l’horizon de la ville la plus grande richesse du pays, le phosphate. Autour de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), a poussé la ville minière, à la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui encore, la société étatique gratte chaque année 5 millions de tonnes de cette roche utilisée dans la composition des engrais.

    A la sortie ouest de Metlaoui, en direction de la frontière algérienne, un café sans nom jouxte un garage. Un auvent fournit de l’ombre. Mais en milieu d’après-midi, c’est à l’intérieur de la vaste pièce blanche aux murs nus qu’il fait le plus frais. Au fond de la salle sans fenêtre, cinq hommes attendent sur des chaises en plastique. Ce sont les seuls clients. Les aînés ont des moustaches, les jeunes du gel dans les cheveux. Le plus âgé, Mohamed Atrache, est un employé de la CPG à la retraite. Comme son père, et son grand-père avant lui, embauché en 1917. Quand son fils a été pris à son tour, en janvier, il a pleuré de joie. « Il avait tenté de passer en Europe, explique-t-il. A trois reprises. La première fois, le bateau est tombé en panne. La seconde, il a été arrêté par la police. La troisième, le temps était trop mauvais. »

    « A Metlaoui, le phosphate est le rêve de tous les jeunes. C’est ça ou Lampedusa », résume Ahmed Jedidi, 26 ans, titulaire d’un master de civilisation française. Il y a beaucoup de diplômés comme lui, à Metlaoui. Ahmed a été brièvement arrêté, en 2016, pour avoir pris la tête du mouvement des jeunes chômeurs qui avaient bloqué l’activité de la CPG pour exiger des embauches. La crise a duré deux mois et demi. Pourtant, la CPG recrute. Vorace, elle saute d’un gisement à l’autre, fourrageant dans les montagnes pour expédier ses wagons de cailloux noirs vers la côte. Elle a besoin de bras et de cervelles quand elle découvre un nouveau filon. La société organise alors des concours. En 2016, elle a recruté 1 700 techniciens. L’an dernier, 1 700 ouvriers non-qualifiés. C’est un pacte tacite : la compagnie doit nourrir la ville, sans quoi la ville mord la compagnie. Au total, depuis la révolution de décembre 2010, le nombre d’employés a été multiplié par trois, alors que sa production s’est effondrée. La CPG est devenue une soupape sociale pour éviter l’explosion de cette région contestataire.

    Khams Fajraoui, 21 ans, a échoué au concours de janvier. Il est le seul à rester muet autour de la table du café, il ne parle pas le français. Il a une crête sur la tête, des chaussettes dans des claquettes, et un regard fixe. Il est le benjamin d’une famille de cinq frères et sœurs, tous au chômage. Son père est décédé il y a cinq ans. Il fait les moissons, là où le blé pousse, plus au nord. Hors saison, il gagne 10 à 15 dinars (3 à 5 euros) trois fois par semaine en chargeant et déchargeant les camions du souk de Metlaoui. Il ne partira pas en Europe car « ses oncles et ses tantes lui ont demandé de rester ». Il veut un travail, « n’importe lequel ».

    « Ma femme ne m’a rien dit quand il est parti »

    Saïd Bkhairya avait aussi défendu à son fils d’émigrer. Un jour, en son absence, Koubaib, 17 ans, est parti quand même. Il faut passer sous l’ancien tapis roulant qui acheminait le phosphate vers la ville pour arriver chez Saïd. Ce cordon ombilical qui relie la mine à Metlaoui est comme une guirlande de tôle suspendue au-dessus de son quartier. Dans la cour de sa maison fatiguée, il a planté un citronnier. Black, le chien de Koubaib, est attaché derrière le poulailler. « Ma femme ne m’a rien dit quand il est parti. Elle avait peur de ma réaction », dit Saïd. Elle est assise à côté de lui sur le canapé. La mère a dans la main le smartphone qu’elle a acheté pour communiquer avec Koubaib sur Skype. Sa vue est mauvaise, elle doit approcher le visage tout près de l’écran pour appeler son fils. La conversation dure quelques secondes, deux ou trois phrases. « Il est fatigué, il couche dehors, explique-t-elle. Il ne fait rien, il demande de l’argent. »

    Saïd a déjà deux crédits à rembourser. Il envoie irrégulièrement des petites sommes à Koubaib, qui vivrait à Mestre, près de Venise. « Je m’en fous. Dès que j’aurai amassé assez, moi aussi, un jour, je partirai », assure Wael Osaifi, un cousin de Koubaib, après que son oncle a quitté la pièce. Il a été blessé il y a cinq ans dans un accident de voiture au terme d’une course-poursuite avec la police. Wael passait de l’essence de contrebande depuis l’Algérie. « Il y a un type qui organise les départs, il est très discret. C’est une mafia. Les prix ont augmenté. C’était 3 000 dinars, maintenant c’est 5 000 [environ 1 630 euros]. J’ai des amis en Italie, certains travaillent, certains trafiquent. » A Metlaoui, il boit parfois des bières avec des amis dans une maison abandonnée. « On n’a rien d’autre à faire. Les prix sont devenus invivables. Avec Ben Ali [le dictateur renversé par la révolution, ndlr], on avait une meilleure vie, lâche-t-il. Le paquet de cigarettes Royale valait 3,5 dinars, aujourd’hui c’est 5,5 dinars… » Koubaib a quitté Metaloui il y a dix mois, en même temps qu’un groupe de 18 jeunes de la ville. « Pour certaines familles, c’est un investissement », regrette Saïd. Sur les photos que le fils envoie depuis l’Italie, il a l’air très jeune. Il ressemble beaucoup à son petit frère, qui sert le jus de mangue aux invités. Sur les images plus anciennes, Koubaib pose souvent avec son chien. Dehors, Black aboie de temps en temps depuis qu’il est parti.

    A Gafsa : « Un travail légal, c’est une question de dignité »

    Leur énergie a quelque chose de déconcertant dans une ville comme Gafsa. On ne devine pas, en passant devant cette rue morne de la « capitale » régionale, qui affiche un taux de chômage à 26 % (plus de 40 % pour les jeunes diplômés), qu’un tel tourbillon d’activité agite le second étage de cet immeuble de la cité Ennour. Sirine, Nejma, Abir et Khora, une Française en stage, font visiter le local de leur association, Mashhed. Elles ont entre 19 ans et 23 ans. « Les séminaires ou les concours de jeunes talents, ce n’est pas notre truc, annonce Sirine, longs cheveux noirs et chemise rayée. Notre finalité, c’est la transformation sociale. On ne fait pas de l’art pour l’art. On ne veut pas non plus "sensibiliser". On fait, c’est tout ! Des poubelles dans la rue, des projections de cinéma, des lectures, des journaux, des festivals, du montage, des jeux, des manifestations… »

    Chacune a une clé du local. Elles passent à Mashhed le plus clair de leur temps. S’y engueulent, s’y échappent, s’y construisent. L’association compte 70 membres actifs et 300 adhérents. Les garçons sont les bienvenus, mais ce sont de toute évidence les filles qui mènent la danse. Les filles, elles, n’embarquent pas pour l’Europe.

    Sirine : « Mon petit frère a voulu partir, ça a choqué mes parents, on a essayé de lui faire entendre raison. »

    Abir : « C’est la faute d’un manque de communication dans les familles. Les gars ne trouvent personne avec qui partager leurs soucis. »

    Najla : « La France, ce n’est pourtant pas le paradis ! La fuite, c’est débile. Moi, je pense qu’on peut faire en sorte d’être heureux là où on est. C’est dans la tête, le bonheur. »

    Abir : « Ce n’est pas que dans la tête ! Il n’y a pas de travail. Tu sais combien c’est, un salaire de serveur, aujourd’hui ? »

    Khora : « Justement, je ne pige pas comment vous faites pour sortir et faire des festins tout le temps, alors que vous êtes au chômage ! Moi, quand je suis chômeuse, je reste chez moi à manger des pâtes. »

    Najla (en riant) : « C’est la solidarité arabe. Toi, tu ne connais pas ça ! »

    La nuit tombe vite sur Gafsa. A 22 heures, la ville s’éteint presque complètement. A la terrasse du café Ali Baba, désert, deux hommes fument dans le noir. Le gérant de l’établissement et son ami. Ils parlent de la révolution. Quand on leur demande leur avis sur la chose, Abdeslam, 28 ans, demande s’il peut répondre en anglais. « Notre déception est immense, parce que l’espoir qu’avait suscité la chute de Ben Ali était immense, explique-t-il. On ne sait pas qu’un café est amer tant qu’on n’a pas goûté un café sucré. Maintenant, on sait. »

    Il a voulu étudier le droit, s’est inscrit à l’université de #Sousse, sur la côte. Mais n’a jamais achevé sa formation, bouffé par les petits boulots qu’il effectuait pour payer ses études. Aujourd’hui, il travaille de temps en temps sur un chantier de bâtiment. « Des docteurs qui construisent des immeubles, c’est ça, la Tunisie », poursuit-il. Au fil de la discussion, le débit d’Abdeslam s’accélère. Son ami s’est levé pour ranger les tables. « Je ne veux pas partir sur la mer, je m’y refuse et puis j’ai peur. Je veux une vie adaptée, c’est tout. Je me fiche d’avoir une belle maison et une grosse voiture. Un travail légal, c’est tout ce que je demande, c’est une question de dignité. » Sa voix tremble dans le noir. Les cigarettes s’enchaînent.

    On ne pose plus de questions depuis longtemps, mais la détresse pousse Abdeslam à parler encore, de plus en plus vite. « A l’école, j’étais bon en philosophie. Je lis encore Kant, Spinoza, Heidegger, Sartre… Pourtant, cette société me méprise. Gafsa enrichit l’Etat, mais l’Etat nous crache dessus », conclut-il. Sa vieille mobylette est garée toute seule dans la rue vide. Il l’enfourche, plié en deux, pour aller dormir chez ses parents. Le gérant a fini de balayer, il tire le rideau de fer.

    A Bir el Haffey : « Aujourd’hui, le tourisme s’est effondré »

    Sur la route qui relie Gafsa à Sidi Bouzid, les voyageurs imaginent souvent être témoins d’un mirage. Au bord de la chaussée, des fourrures brillent au soleil, exposées dans toute leur splendeur. Du castor, du poulain, de l’ours, du lapin, du léopard… Cette panoplie appartient à un commerçant, d’un naturel méfiant. « Depuis la révolution, il y a des espions de la CIA et du Mossad partout, croit-il savoir. Il y a quinze ans, je cherchais des tours de cou, on m’a refilé un grand sac avec des manteaux à poils. J’ai commencé comme ça », dit-il pour justifier son activité insolite. Qui peut bien acheter ces fourrures à l’orée du Sahara ? « Détrompez-vous, les gens s’arrêtent. Avant, j’avais des Canadiens, des Allemands, les guides me les ramenaient. Aujourd’hui, le tourisme s’est effondré. J’ai tout de même de temps en temps des Algériens ou des Libyens. »

    A Sidi Bouzid : « Ils font ça juste pour avoir l’air beau »

    Dans son bureau, flotte un mélange de sueur et de parfum. Zeinobi Khouloud, 28 ans, gère une salle de sport, l’une des rares activités offertes aux jeunes de Sidi Bouzid. Derrière elle, des gants de boxe et des boîtes de protéines sont exposés sur l’étagère. Son père a ouvert le club, Abidal’s Gym, il y a deux ans, au rez-de-chaussée d’un immeuble dont les étages supérieurs ne sont pas terminés. La famille est rentrée d’Arabie Saoudite après la révolution, mais s’est à nouveau éparpillée pour faire des affaires. Zeinobi, elle, est restée dans la petite ville du centre de la Tunisie, connue dans le monde entier depuis qu’un vendeur de légumes du nom de Mohamed Bouazizi s’y est immolé, le 17 décembre 2010, pour protester contre la confiscation de sa charrette par la police. Son geste désespéré a été le point de départ d’une révolution qui a emporté le dictateur Ben Ali, avant de déborder dans tout le monde arabe.

    Sept ans plus tard, le visage géant de Bouazizi s’affiche en noir et blanc sur la façade d’un bâtiment municipal. Sa charrette emblématique a maladroitement été statufiée sur un terre-plein central. Mais même ici, les jeunes disent être déçus par les fruits du printemps tunisien. « Le chômage est toujours là, les jeunes n’ont rien à faire, c’est pour ça qu’ils viennent ici, décrit Zeinobi. Leurs parents les poussent à venir à la salle pour qu’ils ne traînent pas dans la rue toute la journée. Ils oublient leurs problèmes en faisant du sport. » Dans la salle, on croise des adolescents à lunettes avec des muscles de personnages de jeu vidéo. La plupart ont les cheveux rasés sur les côtés. Abidal’s Gym propose des cours de taekwondo, de muay-thaï, d’aérobic, de kick-boxing, mais ce sont avant tout les appareils de musculation, « importés d’Espagne », qui attirent les jeunes à 30 kilomètres à la ronde. « Ils font ça juste pour avoir l’air beau », se moque Zeinobi. Parmi les 900 clients, quelques femmes, « surtout l’été », précise-t-elle. « Les femmes ont beaucoup de responsabilité dans notre région, elles n’ont pas de temps libre. »

    Sur la route de Regueb : « 3 euros le kilo avant, 8 maintenant »

    La route est encadrée par les figuiers de barbarie de trois mètres de haut, dans lesquels viennent se ficher de loin en loin des sacs en plastique échappés des décharges à ciel ouvert.

    Dans un champ, un âne détale après avoir arraché le piquet qui le retenait prisonnier. Il s’éloigne en direction des collines pelées comme les bosses d’un chameau. Ce sont les derniers reliefs à franchir avant de basculer définitivement dans la plaine de Sfax, à l’est du pays. Sur leurs flancs, des restes de minuscules terrasses en pierre sèche, que plus personne n’est assez fou ou courageux pour cultiver désormais. Il reste uniquement des bergers dans cette vallée. Les plus vieux sont toujours bien habillés, en pantalons de ville et en vestes sobres. Leur mouton, au goût particulier, est réputé dans toute la Tunisie. Mais son prix a augmenté, passant de « 3 euros le kilo avant la révolution à 8 euros maintenant », reconnaît un vendeur de viande grillée installé au bord de la route. La raison en est simple : le prix des aliments pour le bétail a flambé depuis 2011, explique-t-il.

    A Regueb : « Notre seul loisir : aller au café »

    Nabil, 35 ans, mâchouille l’embout en plastique de sa chicha. Il recrache la fumée entre ses dents jaunies en fixant une partie de billard : « C’est tranquille, Regueb. Trop tranquille. Notre seul loisir, c’est d’aller au café. » Son ami Aymen, 25 ans, a ouvert cette salle de jeu il y a deux ans. En plus de la table de billard, il a installé neuf ordinateurs, deux PlayStation, un baby-foot. Investissement total : 2 600 euros. L’affaire ne marche pas : « Les jeunes jouent sur leurs téléphones. » Aymen va revendre, ou fermer. L’an prochain, de toute manière, il doit effectuer son service militaire.

    « Je voulais créer une petite unité de fabrication d’aliments pour le bétail, mais il fallait des papiers, et pour avoir ces papiers, on me demandait de l’argent, ressasse Nabil. L’administration est corrompue, j’ai dû renoncer. » Il vit chez ses parents, avec sa femme. Lui a pu se marier, mais « c’est rare, parce que c’est compliqué, sans travail », avoue-t-il.

    A Sfax : « Ici, les gens respectent le travail »

    Les industries de #Sfax signalent la ville de loin. La deuxième ville du pays est aussi son poumon économique. Les arbres d’ornementation sont étrangement taillés au carré, les rues sont propres, l’activité commerciale incessante dans la journée. La richesse des Sfaxiens est proverbiale, en Tunisie. Pourtant, Mounir Kachlouf, 50 ans, avoue qu’on s’y ennuie aussi. « Où tu vas sortir, ici ? Même moi, le week-end, je vais à Sousse ou à Hammamet ! » Il est le gérant du café-restaurant Mc Doner, installé le long de la petite promenade de Sfax, qui se vide de ses promeneurs au crépuscule. « Depuis 2002, on nous promet un port de plaisance, une zone touristique, mais on ne voit rien venir », dit-il. Le patron a même une théorie sur les raisons de cet échec : « Les Sfaxiens ont de l’argent. La Tunisie a besoin qu’ils le dépensent ailleurs pour faire tourner l’économie. S’ils développaient Sfax, les gens n’auraient plus besoin de sortir ! »

    Un groupe de six jeunes femmes pressées longe la corniche, valises à roulettes sur les talons. Elles rentrent de vacances. Le lendemain, elles reprendront toutes le travail. L’une est « technicienne d’esthétique et coach personnel », les autres sont vendeuses de tissu de haute couture dans une boutique de la médina. « Nous, les Sfaxiens, on est comme les Chinois, on travaille tout le temps, surtout les femmes, s’amuse Yorshelly. C’est bien pour l’économie, mais ça rend la ville fatigante, polluée, embouteillée. Il y a du travail ici, enfin, surtout pour les non-diplômés. » Aucune d’entre elles n’est mariée. « Il y a un gros problème de "racisme" chez les familles sfaxiennes, glisse Marwa. Les parents veulent que l’on épouse un Sfaxien. Nous, honnêtement, on s’en fiche. »

    Un homme a tendu l’oreille, inquiet qu’on dise du mal de sa ville dans un journal français. Il insiste pour témoigner lui aussi. « Je m’appelle Mahdi, j’ai 31 ans, je suis électricien, j’aime mon pays, je vis à Sfax car ici, les gens respectent le travail, dit-il, énervé. Les jeunes veulent de l’argent facile. Je les vois rester au café toute la journée. Je leur dis : "Venez bosser avec moi, il y a de quoi faire." Mais ils préfèrent être assis à boire et fumer ! »

    A Kerkennah : « La traversée est 100 % garantie »

    C’est l’île des départs. D’ici, près de 2 700 Tunisiens ont pris la mer depuis le début de l’année pour gagner Lampedusa, à 140 kilomètres en direction du Nord-Est. En 2017, ils étaient plus de 6 000. En 2018, ils représentent le plus important contingent de migrants arrivés en Italie, devant les Erythréens et les Nigérians. La traversée dure une nuit. Contrairement à une idée reçue, les émigrants ne montent pas sur des canots pneumatiques ou des barques vermoulues, comme en Libye voisine. A Kerkennah, les #passeurs comme les passés sont tunisiens. Un lien social les attache malgré tout, on ne risque pas des vies de compatriotes à la légère. « La traversée est 100 % garantie, c’est comme un aéroport », décrivait Ahmed Souissi, 30 ans, coordinateur de l’Union des diplômés chômeurs, quelques semaines avant le naufrage d’une embarcation surchargée le week-end dernier, au cours duquel plus de cinquante migrants sont morts noyés. « Les émigrants partent sur des bateaux de pêche qui ont été au préalable dépouillés de tous leurs accessoires. Quand on voit un bateau nu, on sait qu’il va y avoir un départ. »

    Il faut traverser les marais salants du centre de l’île, puis les grandes étendues vides piquées de tristes palmiers sans palmes (elles sont utilisées dans la fabrication des pêcheries fixes au large de Kerkennah) pour trouver la route du chantier, installé dans une ferme derrière le village de Chergui. Une dizaine de squelettes de navires flottent dans le ciel, au-dessus des copeaux de bois. Les charpentes sont en bois d’eucalyptus. Certaines sont déjà coloriées en rouge ou en bleu. Un peintre dont la blouse ressemble à une toile de Pollock désigne du bout de son pinceau la seule embarcation toute noire : « C’est le bateau utilisé par [le futur président] Bourguiba pour fuir en Egypte pendant la période coloniale, explique-t-il. Quelqu’un y a mis le feu il y a trois ans. On travaille à sa restauration. »

    Mohamed et Karim s’affairent sur le bâtiment le plus avancé du chantier. Ils sont tourneur soudeur et chaudronnier, et s’occupent de toute la partie métallique : armatures, bastingage, proue, etc. « Les migrants partent sur des 12-mètres comme celui-là, dit le premier, sans s’arrêter de souder. Il y a tellement de chômage que la police ferme les yeux. » Pollution des eaux, dégradation des fonds marins, réchauffement : « Les pêcheurs ont de moins en moins de poissons depuis deux ou trois ans, ils ont besoin d’un revenu, complète le second. Certains vendent leur bateau, des passeurs les remplissent avec 100, 120 jeunes, et les mènent à Lampedusa. Les bateaux restent là-bas. »

    Le leur est une commande de Boulababa Souissi. Le capitaine est dans sa cabine, la buvette improvisée du chantier, une canette de bière à la main. « Dans cinq jours, à ce rythme-là, c’est fini, savoure-t-il, l’œil guilleret. J’ai fait venir un moteur d’occasion d’Italie. Je vais enfin retourner pêcher. » Il baptisera son chalutier Oujden, le prénom de sa fille. Coût : 50 000 euros. Le précédent va-t-il continuer à naviguer ? « Il ne remontera plus de poisson », lâche le capitaine.

    Les visiteurs débarquent à Kerkennah, 15 500 habitants, par un ferry arrivant de Sfax. Puis, une route remonte l’archipel du Sud au Nord. La simplicité des maisons - des agrégats de cubes blancs - leur donne un air moderne. Des constructions, ou des agrandissements, sont souvent en cours. « C’est l’argent des harragas », ricane une femme, en passant devant un portail refait à neuf. Les « harragas », « ceux qui brûlent » en arabe, est le terme utilisé pour désigner les clandestins. « Ils ne se cachent même plus, comme au début. Dans une petite île où tout le monde se connaît, on les repère tout de suite, indique Ahmed Souissi. Pour la police, c’est difficile de contrôler les ports de Kerkennah. Les bateaux peuvent sortir de n’importe quelle ville ou plage. D’ailleurs, tout le monde les voit. » Ne sont-ils pas arrêtés ? « Les flics arrivent trop tard. Ou n’arrivent jamais. Pourtant, ça ne demande pas beaucoup d’intelligence de savoir qui organise les passages, dit l’activiste. Mais l’État n’est pas pressé de voir la fin des subventions européennes au titre de la lutte anti-immigration. Et puis, je crois que ça arrange tout le monde que les jeunes chômeurs sortent de Tunisie. »

    Tout au bout de la route, il y a le port de Kraten. En direction du Nord, quelques îlots plats, rocailleux, taches claires dans la mer sombre, sans vague. Les derniers mètres carrés solides de Tunisie. En cette fin de matinée, les pêcheurs démêlent et plient les filets, au soleil. Les camionnettes frigorifiques des acheteurs sont déjà reparties, à moitié vides. Sur le ponton, on marche sur des carcasses de crabes bruns qui craquent sous les chaussures. Les Tunisiens ont surnommé cette espèce « Daech ». « Ils sont arrivés d’Egypte il y a quelques années, et ils remontent le long de la côte, commente un marin, l’air dégoûté. Ils mettent les pêcheurs sur la paille : ils coupent les filets, ils bouffent le poisson ! Si ça continue, ils vont débarquer en Europe. La pêche n’est plus rentable. » Lui est là pour aider son père ce dimanche, mais en semaine il occupe un emploi de professeur de sport à Sfax.

    Au petit café de la jetée, le patron moustachu sert l’expresso le plus serré de Tunisie en bougonnant. Il jure qu’aucun bateau ne part de « son » port. « Les jeunes, ils peuvent aller se faire foutre, ils ne pensent qu’à l’argent. » Contre le mur, un pêcheur de 55 ans, « dont trente-quatre en mer », pull rouge et bonnet bleu, philosophe : « Cette révolution était un don. Elle nous a montré qu’on peut régler nous-mêmes nos problèmes, on doit garder ça en tête. Ce crabe Daech, par exemple, on ne doit pas le détester, Dieu nous a envoyé cette satanée bête pour qu’on corrige nos façons de pêcher. On me regarde comme un vieux fou quand je critique les collègues qui pêchent au chalut en ravageant les fonds, mais ce sont eux qui ont fait disparaître les prédateurs des crabes », assène Neiji.

    Son français est chantant. Il fait durer son café. « Les jeunes qui partent, c’est aussi naturel, reprend-il. Sans cela, ils rejoindraient peut-être le vrai Daech, qui sait ? C’est la logique humaine d’aller tenter sa chance. Moi, si je n’avais pas une femme et trois filles, je crois que j’aurais aussi filé. » Neiji tire sur sa cigarette en aspirant la fumée très lentement, avant d’expirer sans bruit. « Ce va-et-vient, c’est la vie. Les pêcheurs sont des gens intelligents, il faut me croire. »
    Célian Macé

    Très bon reportage, avec photos dans l’article source. La fin de l’article avec les propos du pêcheur, est à méditer.

    #chômage #tunisie #émigration #jeunesse #Afrique

    • #Apprend_à_nager : le cri de tunisiens contre les violences policières https://docs.google.com/document/d/1DEV5HvFhSwSrNt3CoPwYg4x2c9A4oAbs7LPS8CGyPbU/edit

      Amor Laabidi, une nième victime des violences policière qui perdurent après la révolution.

      Le hashtag #تعلم_عوم (Apprends à nager) a été lancé initialement sur les réseaux sociaux puis repris dans la rue pour se transformer progressivement en un mouvement populaire, qui a de prime abord prend l’apparence d’une protestation suite au décès du jeune tunisien Amor Laabidi après une course poursuite policière, mais qui constitue sur le fond un ensemble de messages adressés au pouvoir, parmis lesquels “non à l’impunité”

      L’opinion publique tunisienne a été secouée le 1er avril 2018 par l’annonce de la mort du jeune Amor Laabidi après que les forces de l’ordre l’aient laissé se noyer à la suite d’une course poursuite qui a suivi la rencontre de Football opposant le Club Africain de Tunis et l’Olypique de Mednine le samedi 31 mars.

      Amor Laabidi (19 ans) a trouvé la mort par noyade après que, selon des témoins oculaires, des agents des forces de l’ordre l’avaient volontairement poussé dans une rivière du Oued Méliène (Dans les environs de la banlieue de Tunis) après la poursuite par les forces de l’ordre de plusieurs groupe de supporters du Club Africain qui se sont affronté sur les gradins du stade olympique de Rades (Communauté situé à 9 km au sud est de la capitale Tunis). Les forces de l’ordre ont chargé en réponses aux échauffourées dans les tribunes entre plusieurs groupes, et pris en poursuite quelques supporters qui ont quitté le stade en direction de l’Oued Méliène, à une distance de 2km.

      Des témoins oculaires affirment que la police a lancé des grenades lacrymogènes lorsque Amor ainsi qu’un groupe de supporters se sont approchés du fleuve tandis qu’un autre groupe s’est caché dans les parages. Amor Laabidi a demandé aux forces de l’ordre de l’interpeller ou de le laisser partir étant donné qu’il ne savait pas nager. Des témoignages concordants affirment qu’un policier a demandé à Amor d’avancer vers le fleuve lui disant :"Apprends à nager" sans se soucier des cris de détresse du jeune homme qui s’enlisait dans les boues du fleuve Méliane. Ainsi, les eaux ont emporté le pauvre garçon sous les regards de ses camarades et de ceux des forces de l’ordre.

      La protection civile n’a pu retrouver le corps de la victime qu’au bout d’une nuit de recherche. Son frère, Alâ Laabidi a déclaré que la police l’a contacté pour l’informer de la disparition de son frère dans le fleuve. Il a par la suite accusé les force de l’ordre de la noyade de ce dernier s’appuyant en ceci sur les témoignages des amis de son frère défunt. Le Ministère de l’Intérieur a, pour sa part, rejeté en bloc ces accusations. Le porte parole dudit ministère le commandant Khalifa Chibani a affirmé que ces accusations sont trop exagérés.

      D’un autre côté, le syndicat des forces de l’ordre intérieur a dénoncé la campagne #apprend_à_nager la considérant comme calomnieuse envers les forces de l’ordre, porteuse de divisions entre eux et la population. De plus, le syndicat a mis en doute, via sa page Facebook, la version des témoins oculaires présents sur les lieux du fait (Oued Méliène) au moment de la noyade d’Amor Laabidi.

      Un reportage d’investigation télévisuelle a révélé qu’un gardien avait déclaré avoir pris une vidéo de la poursuite policière près du lieu des faits à Oued Méliène, ajoutant que le gardien était revenu sur ses déclarations et ait nié les faits.

      Le fait que des témoins changent leurs dits ou font machine arrière refusant de témoigner dans des affaires d’abus policiers est coutume dans ce pays. Ces dernières années, de nombreuses familles ont été victimes de harcèlement policier et d’extorsion afin de les obliger à abandonner les poursuites judiciaires contre des policiers accusés d’agressions et de torture. La semaine dernière, des milliers de personnes ont assisté aux funérailles de Amor Laabidi dont un grand nombre de supporters de plusieurs équipes de foot tunisiennes qui ont brandit le slogan #apprend_à_nager.

      Plusieurs figures médiatiques et politiques – parmi lesquelles le politique de gauche Mohamed Kilani, le rappeur Belhssan Empire – et des jeunes activistes ont re-twitté le hachtag #apprend_à_nager appelant à l’ouverture d’une enquête afin d’apporter la lumière nécessaire sur cette affaire.

      Des supporters on réagit par des gestes de soutient parmi lesquels des chants en hommage à l’âme du défunt. Et l’une d’elles porte le message suivant :"l’insurrection est en marche".

      Face à ce crime, on trouve un blackout total sur l’affaire de la part du gouvernement et des partis politiques. Feu Amor Laabidi est né à Fouchana qui se trouve à 10 km au sud de Tunis. Cette région qui souffre de la marginalisation et de l’absence des moyens de loisirs. Dans cette région, la seule passion des jeunes reste le football sous l’égide des groupes ultras en l’absence de tout horizon pour les jeunes et pour le pays tout entier.

      Amor se préparait à passer le baccalauréat dans deux mois. Ces amis le décrivent comme un jeune homme non violent, sans antécédents judiciaires ni appartenance à une mouvance radicale, passionné par son équipe de foot. Pour le groupe de supporter North Vandals, auquel il appartient "son seul tort est d’être un citoyen tunisien"

      Face au silence assourdissant de la classe politique et du gouvernement autour de cette affaire, plusieurs activistes à leur tête le chanteur Bayrem Kilani (alias Bendirman) opposant historique à l’ancien dictateur Ben Ali, ont lancé une pétition en ligne demandant l’identification des responsables de la mort de Amor Abidi et leur différenciation qui a réunit jusqu’à ce jour plus de 2000 signatures. Cette signature mentionne que la Tunisie est le seul pays qui représente une exception dans le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à avoir connu une réelle évolution vers la démocratie, fruit du printemps arabe. Cependant, les agressions contre la jeunesse marginalisée continuent. La pétition a été recueillie par une totale indifférence de la part du Gouvernement et des politiciens Tunisiens.
      Des activistes se sont interrogé sur le danger que peut représenter Amor Laabidi pour qu’il soit poursuivi et traité de la sorte.

      La colère des Tunisiens continue sur les réseaux sociaux. La page ’’تعلم عوم’’ (apprends à nager) a publié des dizaines de photos de Tunisiens vivant en Tunisie ou à l’étranger avec des écriteaux où on peut voir la mention "apprends à nager : Justice pour Amor Abidi" afin d’attirer l’attention de l’opinion publique tunisienne et internationale sur les graves atteintes au droits de l’hommes par les forces policières dans une totale impunité. Le Ministère de l’Intérieur a rejeté en bloc toutes les accusations contre ses agents. Ces dépassement, sont considérés en Tunisie comme un sport national puisqu’un ex-ministre de l’intérieur a qualifié ces accusations de calomnieuses.
      Le Club Africain a appelé le Ministère de l’Intérieur à ouvrir une enquête sur le meurtre du jeune homme et a charger un groupe d’avocats pour faire le suivi de l’enquête.
      L’un des groupes ultras de la Curva Nord a adopté le slogan "apprends à nager", "justice pour Amor Laabidi". Il a appelé, dans un communiqué officiel, tous les supporters de tous les groupes à surmonter leurs différents face à ce qu’il a appelé "les ennemis de la vie".

      La mort tragique d’Amor Laabidi n’est qu’une autre station de violation exercée par l’état sur les fans du sport depuis des années comme un acte violent toléré socialement. Amor Laabidi est une autre énième victime de la violence policière qui continu depuis la Révolution et qui produit plusieurs victimes dans un blackout médiatique et une impunité ce qui lui a donné une légitimité politique et sociale. C’est aussi un échec de l’État à encadrer les supporters en colère. La violence dans les stades intériorise une partie du refus des problèmes aussi bien politiques que sociaux dont souffre le pays. Les stades de foot ont toujours été le berceau des mouvements sociaux produits de la frustration face à la situation désastreuse que connaît le pays.

      La reconduite de l’état d’urgence est un écran politique qui cache et légifère la violence policière contre les groupes citoyens. Takriz (1er mouvement leader dans la liberté de l’expression et la cyber-dissidence pour les libertés individuelles en Tunisie depuis l’ère Ben Ali) a publié un communiqué après la mort d’Amor Laabidi dans lequel on déclare que les terrains de sport sont la propriété du peuple tunisien et que les parties à huis clos sont une sorte de répression et d’humiliation dans un pays où les tunisiens ont payé leur liberté par leur sang.

      Le mouvement "apprends à nager", a très vite pris de l’ampleur la semaine dernière. Les activistes continuent à partager les photos de soutient qui appellent à la divulgation de la vérité. Même les groupes de supporters qui ont des différends ont produit des chants de révolte qui appellent à la justice et à l’arrêt des agressions à l’encontre des ultras.

      Le silence de la majorité de la classe politique (à l’exception de quelques partis politiques de gauche tel "La Jeunesse d’Al Watad" : Le Parti des Partisans Démocrates Unifié) creuse l’écart entre elles et la jeunesse.

    • #Learn_to_swim : Tunisians cry out against Police Oppression. https://docs.google.com/document/d/19YYI0SHFKjZCbmZqAqByFa8rl3LJx8PR99lU7elb1r4/edit

      Amor Laabidi, the most recent among countless victims of Police repression, perduring even after the revolution.

      Last couple of weeks, a hashtag (#تعلم_عوم : meaning “learn to swim”) trended through social networks in Tunisia. It gradually gained momentum to manifest in a popular unrest.
      What was outwardly the public outcry over the murder of the Tunisian young man “Amor Laabidi” (following a Police foot pursuit) was inwardly a profound set of messages to the Authority. “No impunity” in particular.

      On the 1st of April, 2018, national public opinion has been shocked by the news of death of the Young Amor Laabidi, left to drown by Police officers, following a National League Football game between Club Africain and Olympic Medenin which took place a day before, March 30th.

      Amor Laabidi, 19 years old, died after being shoved by a police officer to river “Oued Miliane”, according to eyewitnesses .This was the outcome of a relentless foot pursuit engaged initially by Police officers to break scuffles among groups of football supporters in the northern stands of “Rades Olympic Stadium” in Rades (9km away from Tunis, Tunisia’s Capital).

      Police Officers on-duty in the stadium attacked supporters after clashes between different groups in the Northern Curva (the northern stands of the stadium, reserved traditionally to the supporters of Club Africain). After dislodging all of the supporters from the stands, police officers relentlessly chased a group of supporters who flew in the direction of river “Oued Miliane”, situated at nearly 2 kilometers away from the Stadium.

      According to some eyewitnesses, Police officers had used tear gas when the mentioned group approached the river. Some of them hided, others jumped in the river to swim away. Amor Laabidi, unable to swim, had asked the police officers to either arrest or let him go.

      The similar witness accounts confirm that a certain policeman ordered Omar to dive in the river and “learn to swim”, neglecting the young man’s appeal for help, who soon got stuck in the muddy waters of the river and got carried away before the very eyes of his friends and the mentioned policeman.

      Civil defense had found the corpse of Amor Laabidi, after a full night of searching. Alaa Labidi, Amor Laabidi’s brother, has declared that Police Officers had contacted him to transmit the news of the disappearance of his brother in the river. Yet he accused Police officers’s complicity in the accident, based on and consistent and corroborated accounts of eyewitnesses, all of which are Omar’s friends.

      The Tunisian Ministry of the Interior in turn has denied all accounts affirming Police Officers’ involvement with Omar’s drowning. The Interior Ministry spokesman, Admiral Khelifa Chibani, that these accounts “are exaggerated” .

      The syndicate of Internal Security Forces has denounced the #تعلم_عوم (learn to swim) campaign, claiming that it stirs up the public against Police officers and incite hate and commotion between the Tunisian people and them. It has even suspected the integrity of the accounts stated by the eyewitnesses who were present at the moment Omar drowned.

      A television report has revealed that a local citizen had filmed the police pursuit somewhere nearby the incident’s scene. The report has also confirmed that this person changed his statements and deleted the video from his phone.

      Witnesses retracting their statements and abstaining from testifying in cases involving Policemen abuses and violations is not big big news in Tunisia. Throughout the past years, victims of Police abuse, along with their families, have been blackmailed and threatened to drop their complaints against some police officers, perpetrators of abuse and torture offences.

      Thousands of Tunisians have attended Amor Laabidi’s funeral, among which a lot of football supporters were present. The past week witnessed a lot of support throughout Stadiums, banners reading #تعلم_عوم (learn to swim) were risen. A lot of public figures living both in and outside of Tunisia have joined the campaign, tweeting the hashtag #تعلم_عوم. The main demand is to conduct an official investigation casting light on the whole incident, and punishing the perpetrators.

      The community of football supporters has naturally joined the campaign through numerous gestures of solidarity, from communiqués to songs honoring the memory of Amor Laabidi. One particular song, claims that “the uprising is coming”.

      Amor Laabidi was born in Fouchana, a town ,despite being at just 10 km south from the capital, suffer marginalization and absence of entertainment and cultural activities. Under these conditions, youngsters like Amor Laabidi are left with groups of Football Supporters as their sole outlet and breathing space, in a country where youth feel a permanent frustration and a lack of social, economical and political perspectives.

      Omar was set to sit for the national baccalaureate exam in two-months’ time. His friends confirmed that he was a non-violent person, and had a clean criminal record. He was not an extremist in any aspect. As stated by his supporters’ group, the North Vandals, "his only guilt was the fact that he is a Tunisian citizen

      The crime was met with complete indifference from both the government and the politicians.

      And in front of the government’s dubious policy of silence, numerous activists, notably the artist Bayram Kilani (AKA Bendirman), who has been opposing the authorities since Ben Ali, have issued an electronic petition “Justice for Omar”, calling to uncover the murderers of Omar and prosecute them. So far, the Petition counts more than 2k signatures.
      The petition says that “In Tunisia, a country which is often described as portraying the only glimmer of hope in terms of human rights in the MENA region, the only Arab spring country which effectively developed into a democracy” and that “, a crime which was greeted with widespread indifference by the Tunisian Government and politicians of all sides.”

      Some activists have questioned the logic behind the pursuit that let to this tragedy, and the “potential danger” of Omar and his friends leading the police officers to hunt them for more than 2 km.

  • Bruno Astarian et R. F. - Ménage à trois : Episode 7 – #Tunisie 2011 : entre révolte fiscale et droit au développement
    http://www.hicsalta-communisation.com/accueil/menage-a-trois-episode-7-tunisie-2011-entre-revolte-fiscale-

    Nous abordons maintenant le cas de la Tunisie, pays où la « révolution de jasmin » éclate en décembre 2010. Elle ouvre la période dite des printemps arabes. Par rapport aux cas que nous avons traités jusqu’à présent, elle présente la caractéristique d’être franchement interclassiste. Rappelons quelques dates : en décembre 2010, la révolte éclate à Sidi Bouzid après le suicide par le feu de Mohamed Bouazizi. Elle se répand rapidement dans les villes avoisinantes, puis dans tout le pays jusqu’à Tunis même. Le 14 janvier, Ben Ali s’enfuit. Son premier ministre, Mohamed Ghannouchi, le remplace provisoirement. Il reste premier ministre de deux gouvernement successifs (14-17 janvier 2011 ; 17 janvier-27 février 2011). Il est contraint de démissionner par des manifestations massives et le deuxième sit-in de la Kasbah (place du centre de Tunis où se trouve le siège du gouvernement). La situation ne s’est jamais stabilisée depuis 2011. Les gouvernements qui se sont succédés, d’abord dominés par les islamistes d’Ennahda, puis contrôlés par les « sécularistes » de Nidaa Tounès (parti qui regroupe beaucoup d’anciens ben-alistes) ne sont jamais parvenus à une formule de gestion unifiant les fractions socio-régionales antagoniques du capitalisme tunisien, Tunis et le Sahel d’un côté, l’intérieur et le Sud de l’autre. Ce blocage a provoqué de multiples émeutes, manifestations, grèves et sit-ins dans tout le pays, et a finalement abouti à l’explosion générale de janvier 2018.

    #théorie #communisme #communisation

  • ITALIE ISOLÉE DANS LA TEMPÊTE MIGRATOIRE
    Article de JÉRÔME GAUTHERET

    Sur les 600 000 migrants arrivés en Italie depuis 2014, la plupart ont traversé la #Méditerranée. Des milliers d’autres y ont péri. L’île de #Lampedusa, avant-poste de l’accueil, est débordée par cette crise humanitaire fortement liée au chaos qui règne en #Libye.

    On rejoint le jardin public en poussant les portes d’une grille qui ne ferme plus depuis longtemps. Puis, après une courte promenade au milieu des agaves et des myrtes, on arrive à un étrange réseau de grottes sommairement aménagées à proximité d’un vieux puits. L’endroit est à peine mentionné par les guides de voyage, mais il mérite qu’on s’y arrête : en effet, le vrai cœur de Lampedusa est là, en ces vestiges
    à peine entretenus d’un sanctuaire millénaire, témoignage unique de ce qu’était l’île avant sa colonisation systématique, au début du XIXe siècle.

    LAMPEDUSA, UNE ÎLE AU CENTRE DU MONDE

    Avant de devenir un paradis touristique perdu au milieu de la Méditerranée, à 150 kilomètres des côtes tunisiennes, en même temps que, pour le monde entier, le symbole de l’odyssée des centaines de milliers de migrants qui, chaque année, bravent tous les dangers pour atteindre l’Europe, Lampedusa a été un havre, un lieu de repos pour les marins de toutes origines qui sillonnaient la mer.

    Marchands phéniciens, arabes ou grecs, chevaliers francs revenant de croisade, pirates barbaresques, pêcheurs en détresse : Lampedusa était leur île. Elle appartenait à tous et à personne. Chacun, du roi de France revenant de Terre sainte au plus humble pêcheur, venait s’abriter ici durant les tempêtes, prier ses dieux et reprendre des forces, en attendant l’accalmie. Aujourd’hui, une chapelle dédiée à
    la Vierge a été aménagée dans la pierre, à deux pas de la grotte, et les habitants viennent, de loin en loin, y déposer quelques fleurs ou prier, dans un calme absolu.

    La " porte de l’Europe ", pour reprendre le nom d’une œuvre d’art installée sur une plage faisant face à l’infini, à la pointe sud de Lampedusa, peut bien être présentée comme une des extrémités de l’Union européenne, un bout du monde exotique. Mais, dès que l’on pose le pied sur l’île, on est assailli par le sentiment inverse : celui d’être au centre d’un espace fluide, au sein duquel les populations ont navigué de rive en rive, depuis toujours. L’impression est encore plus
    saisissante lorsqu’on observe, grossièrement sculptées dans la roche, les traces de ce passé enfoui.

    L’homme qui nous conduit dans ce sanctuaire, un matin d’hiver, s’appelle Pietro Bartolo. Il est né sur l’île en 1956, il en est parti à 13 ans et y est revenu au milieu des années 1980, une fois achevées ses études de médecine. C’est lui qui a fondé, un peu à l’écart du bourg, le petit hôpital qui, aujourd’hui encore, constitue le seul lieu d’assistance, sur terre comme sur mer, à plus de 100 milles nautiques (185 km) à la ronde.

    En tant que directeur de l’#hôpital de Lampedusa, il a accueilli, ces dernières années, des dizaines de milliers de candidats à l’exil sur le quai minuscule qui tient lieu de débarcadère, et les a soignés. Il a aussi eu la terrible responsabilité d’ouvrir, du même geste, des centaines et des centaines de ces grands sacs verts dans lesquels on
    ramène à terre les corps des naufragés. Un film documentaire sorti en 2016, nominé pour l’Oscar, Fuocoammare. Par-delà Lampedusa, dans lequel il jouait son propre rôle, lui a valu une notoriété internationale. A sa manière, lui aussi est devenu un symbole.

    Comme c’est courant ici, l’histoire familiale de Pietro Bartolo est africaine autant qu’italienne. A l’exemple de ces milliers de Siciliens poussés par la misère qui, pendant des décennies, ont pris la mer en sens inverse des migrants d’aujourd’hui pour chercher du travail dans les colonies et protectorats d’Afrique du Nord, la famille de sa mère s’était installée un temps en Tunisie. Cette multitude d’odyssées ordinaires, dont le souvenir est entretenu par les histoires familiales, explique une bonne part des différences de perception du phénomène migratoire entre le nord et le sud de l’Italie.

    LE TEMPS DES " TURCS "

    A la tête de ce qui, à l’origine, n’était guère plus qu’un dispensaire, #Pietro_Bartolo s’est trouvé aux premières loges quand tout a changé. " Ça a commencé dans les années 1990. Les migrants, des jeunes hommes venus d’Afrique du Nord, arrivaient directement sur la plage, par leurs propres moyens, avec des barques ou des canots pneumatiques. Sur l’île, on les appelait “#les_Turcs”, se souvient-il. Les habitants accueillent comme ils peuvent les arrivants, qui gagnent ensuite la Sicile puis, pour l’immense majorité, le continent.

    Le gouvernement, lui, ne considère pas encore le phénomène comme préoccupant. D’autant plus que, depuis le début des années 1990, l’#Italie a la tête ailleurs. L’arrivée dans les Pouilles, au printemps et en été 1991, de plusieurs dizaines de milliers d’Albanais fuyant la ruine de leur pays a provoqué un choc terrible. Le 8 août, le #Vlora, un cargo venu du port albanais de Durres, est entré dans celui de Bari avec à son bord 20 000 migrants, bientôt installés dans l’enceinte du stade de la ville. La désorganisation est totale : le maire multiplie les appels aux dons et à la solidarité, tandis qu’à Rome le gouvernement cherche un moyen de renvoyer chez eux ces arrivants illégaux… Rien ne sera plus jamais comme avant.

    A l’aune de ce bouleversement venu des Balkans, qui force l’Italie, pour la première fois de son histoire, à se poser la question de l’accueil et de l’intégration, les arrivées sporadiques à Lampedusa ne sont pas perçues au départ comme beaucoup plus qu’une anecdote. Selon les souvenirs des habitants, les migrants venaient surtout des côtes tunisiennes, ils étaient jeunes et en relative bonne santé. La plupart du temps, la traversée était assurée par des passeurs, payés une fois le but atteint. Bref, la route de la #Méditerranée_centrale vivait à l’heure d’une migration "artisanale".

    Mais au fil du temps, dans les années 2000, le phénomène change de nature et d’échelle. "Il ne s’agit pas seulement de géopolitique. Il s’est produit un changement anthropologique dans la jeunesse africaine il y a une quinzaine d’années", assure le vice-ministre italien des
    affaires étrangères et de la coopération, Mario Giro, qui, avant d’entrer en politique, a consacré de nombreuses années à des missions en Afrique comme responsable des questions internationales de la Communauté de Sant’Egidio. "Avant, il s’agissait de projets collectifs : une famille se cotisait pour envoyer un de ses fils en Europe, dit-il. Désormais, ce sont des #hommes_seuls qui décident de
    partir, parce qu’ils considèrent que partir est un droit. Dans les villes africaines, la famille a subi les mêmes coups de la modernité que partout dans le monde. Ces jeunes gens se sont habitués à penser seuls, en termes individuels. Dans leur choix, il y a une part de vérité – les blocages politiques – et la perception que l’avenir n’est pas dans leur pays. Alors, ils partent."
    #facteurs_push #push-factors

    Des gouvernements européens essaient de passer des accords avec les Etats africains pour qu’ils arrêtent en Afrique les candidats à l’Europe, ce qui a pour effet de criminaliser l’activité des #passeurs. Des réseaux de plus en plus violents et organisés se mettent en place.

    VIE ET MORT DE MOUAMMAR KADHAFI

    Un acteur central du jeu régional comprend très tôt le parti à tirer de ce phénomène, face auquel les pays européens semblent largement démunis. C’est le chef de l’Etat libyen, Mouammar #Kadhafi, qui cherche depuis le début des années 2000 à retrouver une forme de respectabilité internationale, rompant avec la politique de soutien au terrorisme qui avait été la sienne dans les années 1980 et 1990.
    Grâce aux immenses recettes de la rente pétrolière, dont il dispose dans la plus totale opacité, le Guide libyen multiplie les prises de participation en Italie (Fiat, Finmeccanica) et les investissements immobiliers. Il entre même au capital du club de football le plus prestigieux du pays, la Juventus de Turin. En contrepartie, le groupe énergétique ENI, privatisé à la fin des années 1990 mais dans lequel l’Etat italien garde une participation importante, conserve le statut d’Etat dans l’Etat dont il jouit en Libye depuis la période coloniale (1911-1942).

    Bientôt, la maîtrise des flux migratoires devient un aspect supplémentaire dans la très complexe relation entre la Libye et l’Italie. " De temps en temps, tous les deux ou trois ans, Kadhafi réclamait de l’argent pour la période coloniale. Et quand ça n’allait pas assez bien pour lui, il faisait partir des bateaux pour se rappeler à nous. C’était devenu pour lui un moyen de pression de plus, et ça signifie également qu’en Libye, des réseaux étaient déjà en place", se souvient Mario Giro.
    #chantage

    Entamées à l’époque du deuxième gouvernement Prodi (2006-2008), et émaillées de moments hauts en couleur – comme cette visite privée à Tripoli du ministre des affaires étrangères italien Massimo D’Alema, un week-end de Pâques 2007, au terme de laquelle Kadhafi a affirmé que l’Italie lui avait promis de construire une autoroute traversant le pays d’est en ouest –, les négociations sont poursuivies par le gouvernement de Silvio Berlusconi, revenu aux affaires au printemps 2008. Elles débouchent sur la signature d’un accord, le 30 août de la même année. En échange de 5 milliards d’euros d’investissements sur vingt-cinq ans et d’#excuses_officielles de l’Italie pour la #colonisation, le dirigeant libyen s’engage à cesser ses reproches, mais surtout à empêcher les départs de migrants depuis ses côtes. Plus encore, les migrants secourus dans les eaux internationales seront ramenés en Libye, même contre leur gré et au mépris du droit de la mer.
    #accord_d'amitié

    L’Eglise et plusieurs ONG humanitaires peuvent bien chercher à alerter l’opinion sur les conditions dans lesquelles sont ramenés à terre les candidats à la traversée, ainsi que sur les innombrables violations des droits de l’homme en Libye, elles restent largement inaudibles. Le colonel Kadhafi peut même se permettre de pittoresques provocations, comme ses visites officielles à Rome en 2009 et 2010, où il appelle publiquement à l’islamisation de l’Europe. Le gouvernement Berlusconi, embarrassé, n’a d’autre solution que de regarder ailleurs.

    L’irruption des "#printemps_arabe s", début 2011, va faire voler en éclats ce fragile équilibre. Le soulèvement libyen, en février 2011, un mois après la chute du président tunisien Ben Ali, est accueilli avec sympathie par les chancelleries occidentales. Mais en Italie, on l’observe avec préoccupation. "Bien sûr, l’Etat libyen de Kadhafi n’était pas parfait, concède #Mario_Giro. Mais il y avait un Etat… Dans les premiers mois de 2011 – je travaillais encore pour Sant’Egidio –, alors que la France semblait déjà décidée à intervenir en Libye, le ministre des affaires étrangères du Niger m’a demandé d’organiser une entrevue avec son homologue italien, Frattini. Nous étions trois, dans un bureau du ministère, et il nous a expliqué point par point ce qu’il se passerait en cas de chute de Kadhafi. Le chaos en Méditerranée, les armes dans tout le Sahel… Tout s’est passé exactement comme il l’a dit. Mais personne n’a voulu l’écouter". Il faut dire qu’en ce début d’année 2011, le prestige international de l’Italie est au plus bas. Très affaiblie économiquement et victime du discrédit personnel d’un Silvio Berlusconi empêtré dans les scandales, l’Italie est tout simplement inaudible.

    En mai 2011, les membres du G8, réunis à Deauville, appellent Mouammar Kadhafi à quitter le pouvoir. "Lors de ce sommet, Silvio Berlusconi a plusieurs fois tenté de prendre la défense du Guide libyen, mettant en avant son aide sur le dossier des migrants et le fait qu’il s’était amendé et avait tourné le dos au terrorisme", se souvient un diplomate français, témoin des discussions. "Mais
    personne n’en a tenu compte." Le chef libyen, chassé de Tripoli en août, mourra le 20 octobre, à Syrte. Quatre semaines plus tard, le gouvernement Berlusconi 4 cessait d’exister.

    Sur le moment, entre l’euphorie de la chute de la dictature et le changement d’ère politique en Italie, ces tensions entre puissances semblent négligeables. Il n’en est rien. Au contraire, elles ne cesseront de resurgir dans le débat, nourrissant en Italie un procès durable contre la #France, accusée d’avoir déstabilisé la situation en Méditerranée pour mieux laisser l’Italie en subir, seule, les conséquences.

    CHAOS EN MÉDITERRANÉE

    Car dans le même temps, les "printemps arabes" provoquent un bouleversement de la situation en Méditerranée. Une fois de plus, c’est à Lampedusa que les premiers signes de la tempête apparaissent. Sur cette île minuscule, en hiver, on compte à peine 5 000 habitants d’ordinaire. Là, ce sont plus de 7 000 personnes venues de #Tunisie qui y débarquent en quelques jours, entre février et mars 2011. La population les accueille avec les moyens du bord, dans des conditions très précaires. Des "permis temporaires de séjours" de trois mois
    sont délivrés aux arrivants par les autorités italiennes. Ainsi, les candidats à l’exil pourront-ils circuler aisément dans tout l’espace Schengen. Plus de 60 000 migrants débarqueront en 2011 ; la grande majorité d’entre eux ne resteront pas en Italie.
    #migrants_tunisiens

    Passé les mois de désorganisation ayant suivi la chute du président tunisien #Ben_Ali, Rome et Tunis concluent en 2012 un #accord_de_réadmission, formalisant le retour au pays des migrants d’origine tunisienne expulsés d’Italie. Assez vite, se met en place une coopération qui, de l’avis de nos interlocuteurs dans les deux pays, fonctionne plutôt harmonieusement.

    En revanche, en Libye, du fait de la déliquescence du pouvoir central, Rome n’a pas d’interlocuteur. Dans un pays livré aux milices et à l’anarchie, des réseaux de trafiquants d’êtres humains s’organisent à ciel ouvert. Jusqu’à la catastrophe, qui se produit dans la nuit du 2 au #3_octobre_2013. "J’ai été réveillé à 6 heures du matin par un appel des autorités maritimes, se souvient Enrico Letta, alors chef du gouvernement italien. En quelques minutes, nous avons compris que le #naufrage qui venait d’avoir lieu près de Lampedusa était une tragédie sans précédent – le bilan sera de 366 morts. Il fallait trouver des cercueils, s’occuper des orphelins… J’ai dû presque forcer le président de la Commission européenne - José Manuel Barroso - à m’accompagner sur l’île. Quelques jours plus tard, il y a eu un autre naufrage, tout aussi meurtrier, au large de Malte. Alors que nous demandions l’aide de l’Europe, j’ai vite compris que nous n’aurions rien. Donc, nous avons décidé de nous en occuper nous-mêmes. L’émotion était si forte que l’opinion nous a suivis."

    En une dizaine de jours, l’opération "#Mare_Nostrum" est mise sur pied. Concrètement, il s’agit d’une opération navale, à la fois militaire et humanitaire, visant à lutter contre les réseaux de passeurs, tout en évitant la survenue de nouveaux drames. Ses effets sont immédiats : en moins d’un an, plus de 100 000 migrants sont secourus et le nombre de morts diminue spectaculairement. Pourtant, le gouvernement Renzi, qui succède à Letta un an plus tard, décide d’y mettre un terme, à l’automne 2014. "Ça ne coûtait pas très cher, environ 8 millions d’euros par mois, et nous avons sauvé des centaines de vie avec ce dispositif, tout en arrêtant de nombreux trafiquants, avance Enrico Letta pour défendre son initiative. Mais très vite, Mare Nostrum a été accusée de provoquer un #appel_d'air… "

    De fait, en quelques mois, le nombre de départs des côtes africaines a explosé. Surtout, une évolution capitale se produit : peu à peu, les passeurs changent de stratégie. Pour ne pas voir leurs bateaux saisis, plutôt que de chercher à gagner un port italien, ils se contentent, une fois arrivés à proximité des eaux italiennes, de débarquer les migrants à bord de petites embarcations, les laissant ensuite dériver
    jusqu’à l’arrivée des secours. La marine italienne, trouvant les migrants en situation de détresse, n’a alors d’autre choix que d’appliquer les règles immuables du #droit_de_la_mer et de les conduire en lieu sûr.

    La suppression de Mare Nostrum par le gouvernement Renzi vise à sortir de cet engrenage. En novembre 2014, est annoncée l’entrée en vigueur de l’opération "#Triton", coordonnée par l’agence européenne #Frontex. Un dispositif de moindre envergure, financé par l’Union européenne, et dans lequel la dimension humanitaire passe au second plan. Las, le nombre de départs des côtes libyennes ne diminue pas. Au contraire, en 2015, plus de 150’000 personnes sont secourues en mer. En 2016, elles seront 181’000. Et pour suppléer à la fin de Mare Nostrum, de nouveaux acteurs apparaissent en 2015 au large des côtes libyennes : des navires affrétés par des #ONG humanitaires, aussitôt
    accusés, eux aussi, de former par leur présence une sorte d’appel d’air facilitant le travail des trafiquants d’êtres humains.

    L’ITALIE PRISE AU PIÈGE

    Pour Rome, les chiffres des secours en mer sont bien sûr préoccupants. Mais ils ne disent pas tout du problème. L’essentiel est ailleurs : depuis la fin de 2013, les pays limitrophes de l’Italie (#France et #Autriche) ont rétabli les contrôles à leurs frontières. Là où, jusqu’alors, l’écrasante majorité des migrants empruntant la route de la Méditerranée centrale ne faisaient que traverser le pays en direction du nord de l’Europe, ils se trouvent désormais bloqués sur le sol italien, provoquant en quelques années l’engorgement de toutes les structures d’accueil. Et les appels répétés à la solidarité européenne se heurtent à l’indifférence des partenaires de l’Italie, qui eux-mêmes doivent composer avec leurs opinions publiques, devenues très hostiles aux migrants.
    #frontière_sud-alpine

    Considéré jusque-là comme un impératif moral par une large part de la population, l’accueil des demandeurs d’asile est l’objet de critiques croissantes. En 2015, en marge du scandale "#Mafia_capitale ", qui secoue l’administration de la commune de Rome, l’Italie découvre que plusieurs coopératives chargées de nourrir et d’héberger les migrants se sont indûment enrichies. S’installe dans les esprits une l’idée dévastatrice : l’#accueil des réfugiés est un "#business " juteux plus qu’une œuvre humanitaire.
    #mafia

    Deux ans plus tard, une série de procédures à l’initiative de magistrats de Sicile en vient à semer le doute sur les activités des ONG opérant en Méditerranée. Le premier à lancer ces accusations est le procureur de Catane, Carmelo #Zuccaro, qui dénonce en avril 2017 – tout en admettant qu’il n’a "pas les preuves" de ce qu’il avance – les ONG de collusion avec les trafiquants. Après trois mois de rumeurs et de fuites organisées dans la presse, début août 2017, le navire de l’ONG allemande #Jugend_Rettet, #Iuventa, est placé sous séquestre, tandis qu’il a été enjoint aux diverses organisations de signer un "code de bonne conduite", sous le patronage du ministre de l’intérieur, Marco #Minniti, visant à encadrer leurs activités en mer. La plupart des ONG, dont Médecins sans frontières, quitteront la zone à l’été 2017.
    #code_de_conduite

    Tandis que le monde entier a les yeux tournés vers la Méditerranée, c’est en réalité en Libye que se produit, mi-juillet, une rupture majeure. En quelques jours, les départs connaissent une chute spectaculaire. Moins de 4000 personnes sont secourues en mer en août, contre 21’000 un an plus tôt, à la même période. La cause de ce coup d’arrêt ? Le soutien et l’équipement, par Rome, des unités libyennes
    de #gardes-côtes, qui traquent les migrants jusque dans les eaux internationales, au mépris du droit de la mer, pour les reconduire dans des camps de détention libyens. Le gouvernement italien conclut une série d’accords très controversés avec différents acteurs locaux en
    Libye.
    #accord #gardes-côtes_libyens
    v. aussi : http://seen.li/cvmy

    Interrogé sur les zones d’ombre entourant ces négociations, et les témoignages venus de Libye même affirmant que l’Italie a traité avec les trafiquants, Marco Minniti nie la moindre entente directe avec les réseaux criminels, tout en mettant en avant l’intérêt supérieur du pays, qui n’arrivait plus, selon lui, à faire face seul aux arrivées. "A un moment, confiait-il fin août 2017 à des journalistes italiens, j’ai eu peur pour la santé de notre démocratie."

    De fait, l’accueil de 600’000 migrants depuis 2014 et l’attitude des partenaires européens de l’Italie, qui ont poussé à l’ouverture de "#hotspots" (centres d’enregistrement des migrants) en Sicile et dans le sud de la Péninsule, sans tenir leurs engagements en matière de #relocalisation (à peine 30 000 réfugiés arrivés en Italie et en Grèce concernés à l’automne 2017, contre un objectif initial de 160’000), a nourri le rejet de la majorité de centre-gauche au pouvoir. Il a alimenté le discours xénophobe de la Ligue du Nord de Matteo Salvini et la montée des eurosceptiques du Mouvement 5 étoiles. A quelques jours des élections du 4 mars, celui-ci est au plus haut dans les sondages.

    Depuis l’été, les départs des côtes africaines se poursuivent
    sporadiquement, au gré de la complexe situation régnant sur les côtes libyennes. Resteque des centaines de milliers de candidats à l’exil – ils seraient de 300’000 à 700’000, selon les sources – sont actuellement bloqués en Libye dans des conditions humanitaires effroyables. Pour le juriste sicilien Fulvio Vassallo, infatigable défenseur des demandeurs d’asile, cette politique est vouée à l’échec, car il ne s’agit pas d’une crise migratoire, mais d’un mouvement de fond. "Pour l’heure, l’Europe affronte le problème avec
    la seule perspective de fermer les frontières, explique-t-il. Et ça, l’histoire des vingt dernières années nous démontre que c’est sans espoir. Ça n’a pas d’autre effet que d’augmenter le nombre de morts en mer."

    Depuis 2014, selon les chiffres du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, 13’500 personnes au moins ont trouvé la mort en mer, sur la route de la Méditerranée centrale. Sans compter la multitude de ceux, avalés par les eaux, dont on n’a jamais retrouvé la trace.


    http://www.lemonde.fr/international/article/2018/02/23/l-italie-seule-dans-la-tempete-migratoire_5261553_3210.html

    Un nouveau mot pour la collection de @sinehebdo sur les mots de la migration : #Les_Turcs

    A la tête de ce qui, à l’origine, n’était guère plus qu’un dispensaire, Pietro Bartolo s’est trouvé aux premières loges quand tout a changé. " Ça a commencé dans les années 1990. Les migrants, des jeunes hommes venus d’Afrique du Nord, arrivaient directement sur la plage, par leurs propres moyens, avec des barques ou des canots pneumatiques. Sur l’île, on les appelait “#les_Turcs”, se souvient-il. Les habitants accueillent comme ils peuvent les arrivants, qui gagnent ensuite la Sicile puis, pour l’immense majorité, le continent.

    #histoire

    #abandon de l’Italie :

    Jusqu’à la catastrophe, qui se produit dans la nuit du 2 au #3_octobre_2013. « J’ai été réveillé à 6 heures du matin par un appel des autorités maritimes, se souvient Enrico Letta, alors chef du gouvernement italien. En quelques minutes, nous avons compris que le #naufrage qui venait d’avoir lieu près de Lampedusa était une tragédie sans précédent – le bilan sera de 366 morts. Il fallait trouver des cercueils, s’occuper des orphelins… J’ai dû presque forcer le président de la Commission européenne - José Manuel Barroso - à m’accompagner sur l’île. Quelques jours plus tard, il y a eu un autre naufrage, tout aussi meurtrier, au large de Malte. Alors que nous demandions l’aide de l’Europe, j’ai vite compris que nous n’aurions rien. Donc, nous avons décidé de nous en occuper nous-mêmes. L’émotion était si forte que l’opinion nous a suivis. »

    #asile #migrations #réfugiés #mourir_en_mer #frontières

    • C’est une manière de classer les étrangers en mouvement ou en attente de statut par le pays d’accueil.
      Migrants pour étrangers en mouvement. Immigrés pour étrangers sur le territoire national quelque soit leur statut.
      Demandeur d’Asile pour ceux qui font une demande de protection.
      Réfugiés pour ceux qui ont obtenu cette protection.
      Sans papiers pour ceux qui n’ont pas encore obtenu un statut qu’ils aient fait la demande ou non. Le terme administratif en France est ESI, étranger en situation irrégulière.
      Exilés pour ceux qui ont quitté leur pays d’une manière volontaire ou involontaire avec ce qui implique de difficultés et de sentiment d’éloignement de son pays.

    • Solidarietà Ue: gli altri paesi ci hanno lasciati da soli?

      Tra settembre 2015 e aprile 2018 in Italia sono sbarcate quasi 350.000 persone. A fronte di ciò, i piani di ricollocamento d’emergenza avviati dall’Unione europea prevedevano di ricollocare circa 35.000 richiedenti asilo dall’Italia verso altri paesi Ue: già così si sarebbe dunque trattato solo del 10% del totale degli arrivi. Inoltre i governi europei avevano imposto condizioni stringenti per i ricollocamenti: si sarebbero potuti ricollocare solo i migranti appartenenti a nazionalità con un tasso di riconoscimento di protezione internazionale superiore al 75%, il che per l’Italia equivale soltanto a eritrei, somali e siriani. Tra settembre 2015 e settembre 2017 hanno fatto richiesta d’asilo in Italia meno di 21.000 persone provenienti da questi paesi, restringendo ulteriormente il numero di persone ricollocabili. Oltre a queste limitazioni, gli altri paesi europei hanno accettato il ricollocamento di meno di 13.000 richiedenti asilo. La solidarietà europea sul fronte dei ricollocamenti “vale” oggi dunque solo il 4% degli sforzi italiani e, anche se si fossero mantenute le promesse, più di 9 migranti sbarcati su 10 sarebbero rimasti responsabilità dell’Italia.

      Oltre al fallimento dei ricollocamenti, neppure le risorse finanziarie destinate dall’Europa all’Italia per far fronte all’emergenza hanno raggiunto un livello significativo. Al contrario, gli aiuti europei coprono solo una minima parte delle spese italiane: nel 2017, per esempio, gli aiuti Ue ammontavano a meno del 2% dei costi incorsi dallo Stato italiano per gestire il fenomeno migratorio.

      https://www.ispionline.it/it/pubblicazione/fact-checking-migrazioni-2018-20415
      #aide_financière

  • Tunisie : un anniversaire de la révolution de jasmin sur fond de grogne sociale
    https://www.crashdebug.fr/international/14405-tunisie-un-anniversaire-de-la-revolution-de-jasmin-sur-fond-de-grog

    Le septième anniversaire de la "révolution de Jasmin" a lieu ce dimanche 14 janvier en Tunisie. Un évènement qui se déroule sur fond de grogne sociale. Mais il n’y a pas eu d’émeute durant la journée.

    Ce dimanche 14 janvier, une foule clairsemée a célébré le septième anniversaire de la "révolution de Jasmin" à Tunis (Tunisie). Mais pour les jeunes, cette commémoration de la chute de régime de Ben Ali a un goût amer. La révolution n’a pas tenu toutes ses promesses. Pour tourner le gouvernement tunisien en dérision, certains ont choisi de se déguiser en clowns.

    Le mouvement de protestation est-il en train de s’affaiblir ?

    Les manifestations se sont déroulées sous haute surveillance, mais dans une ambiance bon enfant. Elles ont moins mobilisé que prévu même si la déception (...)

    #En_vedette #Actualités_internationales #Actualités_Internationales

  • Colères policières
    https://www.cairn.info/revue-esprit-2016-3-page-64.htm

    Le lendemain même des massacres de Paris, le 14 novembre 2015, les syndicats de police affirment sans attendre avoir « besoin de mesures exceptionnelles » (Alliance), en l’espèce le droit de porter l’arme de service en tout temps et en tous lieux, et ce, précisent les syndicats affiliés à l’Union nationale des syndicats autonomes, « sans haine et sans crainte ». Aussi rapide que fût leur revendication au port de l’arme (sous laquelle couve aussi, nous le verrons, celle d’une modification des règles de son usage), les syndicats n’ont pas oublié de livrer à côté de la haine cette autre passion qui compromet la police : la peur. Car, comme nous allons le voir, un jeu triangulaire met en scène les policiers, leurs organisations syndicales et le politique, autour de la colère, mais aussi de la peur.

    Reste la question centrale : le déchaînement ou la colère policière ne sont-ils pas, surtout dans les situations de confrontation aux foules, le résultat de la volonté du politique ? Supposer une « colère policière », n’est-ce pas d’emblée exonérer le politique de sa responsabilité ? Sur ce point, l’exemple tunisien semble offrir une réponse lisible : quelques jours après les massacres, et parce que des images avaient finalement circulé via l’internet, le président Ben Ali implore sa propre police dans son dernier discours télévisé : « Arrêtez les tirs de balles ! Les balles réelles sont inadmissibles ! » En est-il toujours ainsi du rapport entre police et politique ? Les échanges entre politique et organisations syndicales offrent un éclairage abondant sur le bon usage de la colère.

  • Zig Zig

    Une magnifique pièce de théatre historique (en arabe sous-titré en anglais) de Leila Soliman

    https://www.zigzig.info

    https://vimeo.com/193750855

    The British soldiers entered the house in the afternoon, about 4pm. My mother-in-law asked the soldiers, “Shall we get you some geese?,” but they replied “Zig zig.”

    Almost one hundred years ago, during the British occupation of Egypt, a small village near Giza called Nazlat al-Shobak was violently raided by British soldiers.

    A military court was convened to investigate the villagers’ allegations that the army had looted and burned Nazlat al-Shobak, terrorized its residents and executed five village notables. Amongst the witnesses called to give evidence were a dozen women who had been raped by British soldiers.

    –—

    D’autres œuvres et installations artistiques de Leila Soliman sont visibles ici :

    shish

    https://www.shish.info

    HISH VZW is a Belgian-Egyptian non-profit organization founded by Ruud Gielens & Laila Soliman whose specific activities include creating theatre, dance and music productions in collaboration with partners in the Middle East and more specifically Egypt.
    Its objective is to have an intercultural dialogue between artists from the Middle East and Europe. Activities include organizing workshops with the aim of a cultural, educational and social exchange, and the establishment of an outreach program in Cairo for cultural, educational and recreational activities and the development of intercultural awareness and dialogue to a wide audience in Cairo, the Middle East and Europe.

    –-----

    La Grande Maison
    https://www.shish.info/la-grande-maison-1

    The famous street of Sidi Abdallah Guech (Zarqoun), in the old medina of Tunis houses the only red light district in the Arab World, a place where sex work is legally regulated. Weaving in and out of architectural models, this project will give the audience an insight into a world of untold stories where the relationship between the individual and authorities is at its very center. Based on personal stories and narratives, between forced conditions and choices.
    Documentary theatre performance in Arabic with English translation, 40’, 2015

    –---

    MOSSA IND
    https://www.shish.info/mossa-ind

    It is 2015.

    Almost 5 years after the fall of Zine El Abidine Ben Ali.

    According to several sources The State Security Agency was dissolved and does no longer operate.

    What would happen if we imagined a museum for the State Security Agency?.

    A museum built up entirely out of rumors and personal experiences that people had with the “Political Police”, for example.

    But where do rumors end and where does truth begin?

    

    #égypte #théatre #installations_artistiques #leila_soliman

  • Gramsci géographe : entretien avec Stefan Kipfer – Quelques observations sur les révoltes arabes
    Période
    http://revueperiode.net/gramsci-geographe-entretien-avec-stefan-kipfer

    En quel sens les révolutions de 2011 en Égypte et en Tunisie te semblent-elles pouvoir être analysées à travers le prisme de « l’historicisme spatial » de Gramsci ?

    À l’époque, deux choses m’ont frappé quant à la couverture des médias euro-américains vis-à-vis des soulèvements tunisiens et égyptiens qui ont chassé les dictateurs Ben Ali et Mubarak. Donnant la parole aux soutiens étasuniens et français officiels des régimes en place et à l’hostilité concomitante envers les rebelles, cette couverture médiatique avait bien souvent une connotation raciste-civilisationnelle. Par conséquent, le soulèvement a été perçu comme le reflet des contradictions intemporelles, mais explosives, de la « rue arabe » (une passivité fataliste alternant, de manière imprévisible, avec un fanatisme violent), qui, dans cette vision orientaliste, rendait la domination autoritaire nécessaire au Moyen-Orient. Cette représentation (tout comme les simplicités journalistiques basiques) explique la focale de la couverture médiatique sur les squares et les rues, alors invoqués par les mobilisations de masse : les squares de Tahrir et de Kasbah au Caire et à Tunis, tout comme l’Avenue Habib Bourguiba à Tunis.

    Ce parti pris envers les centres-ville a également été au cœur de certains travaux universitaires bien plus enthousiastes concernant les révolutions politiques de 2011 en Tunisie et en Égypte. Certaines de ces (souvent très bonnes) analyses nous ont permis de voir ces révoltes comme la première (ou peut-être la seconde, après les mobilisations de 2009 en Iran) étape dans une séquence transnationale des révoltes de « squares et de rues » s’étendant au-delà de la Méditerranée (en Grèce et en Espagne) et de l’Atlantique (aux États-Unis, au Canada et au Brésil) puis accomplissant le chemin inverse (Turquie). Afin de rectifier cette lecture à sens unique, Gramsci nous invite à faire deux choses : (1) remplacer les lectures culturalistes des révolutions par des analyses conjoncturelles du changement et de la continuité historiques ; et (2) élargir les lectures étroitement urbaines (c’est-à-dire des métropoles et des grandes villes) par des analyses multiscalaires des révoltes de centres-ville, au sein desquelles la question nationale garde son importance. Ainsi, les soulèvements tunisiens et égyptiens surgissent dans une conjoncture historique marquée par une crise qui combine plusieurs échelles et espaces et articule un éventail de rythmes historiques différents.

    Historiquement, les revendications de « dignité » (pour parler comme Sadri Khiari14) exprimaient la crise politique finale des régimes d’ajustement structurel (et de leurs soutiens impérialistes). En 2010, la capacité de ces régimes à gouverner a été vidée de sa substance par des formes absurdement personnalisées de corruption, ainsi que par la confiance et les capacités collectives de toute une série de contestations précédant 2010-2011 (et qui furent souvent négligés par les médias). Depuis les années 1980, ces régimes avaient déjà reformulé les contradictions de la période nationaliste des années 1950 et 1960 qui avaient atteint leur point cardinal dans les années 1970. Dans cette vision à plus long terme, on perçoit plus clairement les dimensions impérialistes et néocoloniales comparativement plus spécifiques qui ont façonné les récentes révoltes tunisiennes et égyptiennes.

    Géographiquement, on pourrait dire avec Gramsci (ainsi qu’avec Lefebvre) que les aspects les plus visibles des soulèvements — les mobilisations dans les rues de Tunis et du Caire — étaient en eux-mêmes les produits de vastes géographies de lutte. Les manifestants revendiquaient un « droit à la ville » non pas parce qu’ils provenaient de ou souhaitaient l’occupation permanente de l’espace principal des deux capitales, mais parce qu’ils incarnaient des revendications vis-à-vis du pouvoir politique qui exprimaient une convergence des luttes : des grèves et des manifestations dans d’autres quartiers métropolitains ainsi que des espaces sociaux dans les zones périphériques. En Tunisie, les zones les plus connues sont les districts miniers et les villes agricoles situées dans le centre géographique de ce pays au développement très inégal : les secteurs dans et autour de Sidi Bouzid et Gafsa, où les soulèvements débutèrent avant d’atteindre les zones côtières à l’Est (Sfax) et au Nord-Est (Tunis) du pays).

  • Colère sound system (54 minutes)
    #Soro_Solo, France Inter, le 1er octobre 2017
    https://www.franceinter.fr/emissions/l-afrique-en-solo/l-afrique-en-solo-01-octobre-2017

    Entre la voix de la rue, de la protestation et des chansons, il n’y a souvent qu’un pas.

    Aujourd’hui, je vous propose d’ouvrir la sono des mouvements porteurs de la colère des peuples sur le continent Africain. Car depuis la nuit des temps, la douleur des opprimés se raconte souvent en musique.

    De l’insurrection des écoliers Sud-Africains en 1976 à la destitution de Blaise Compaoré en 2014 au Burkina Faso en passant par le Printemps Arabe en Tunisie en 2011, depuis des décennies, les peuples se dressent contre les pouvoirs liberticides, coupables d’injustice et de violation des droits de l’homme.

    Les mouvements porteurs de ces frondes sont aujourd’hui identifiés par les sociologues, comme sentinelles de la démocratie. Leur défiance est toujours portée par les hauts parleurs de la musique.

    Bienvenue à la maison, bienvenue dans le studio des Sounds System en colère.

    (1) « Salut aux Combattants » Pierre Claver Akendengue

    « Salut aux Combattants » du Gabonais Pierre Akendengue, est une photo sonore des souffrances des Noirs sous l’Apartheid érigé en système de gouvernement en Afrique du Sud par le pouvoir Blanc en 1948. Les lois de l’Apartheid ne seront abolies qu’en Juin 1991 par le gouvernement Frederik de Klerk après la sortie de prison de Nelson Mandela en février 1990 qui a enduré vingt-sept années d’incarcération. Le 10 mai 1994 Nelson Mandela est élut premier président noir d’Afrique du Sud.

    (2) « Lettre au Président » Valsero

    La lettre du rapper Camerounais Valsero à Paul Biya, président du Cameroun depuis 35 ans, le questionne sur le dénuement des Camerounais qui en bave encore et encore...

    L’une des cerises sur le gâteau du régime du président Paul Biya, c’est d’avoir proposé en 2007 d’amender la Constitution du Cameroun, qui limitait la Présidence de la République à deux termes de sept ans. En réponse, l’artiste Lapiro de Mbanga compose la chanson « Constitution constipée »

    Malgré l’interdiction d’antenne de cette chanson, elle fut reprise lors des manifestations de février 2008. Lapiro de Mbanga est arrêté en avril 2008 et condamné à trois ans de prison par le Tribunal de Grande Instance. L’amendement contre lequel Lapiro a composé « Constitution Constipé » a tout de même été adopté et permit à Paul Biya d’être réélu en octobre 2011.

    (3) « Constitution Constipée » - Lapiro de Mbanga

    Au Cameroun, « Constitution Constipée » a fait incarcérer Lapiro De Mbanga en 2008 à la prison de New Bell à Douala où il contracte la fièvre typhoïde. Après sa Libération en 2011, il s’exile aux États-Unis où il décède en 2014 à New York.

    Partout en Afrique quand la jeunesse se dresse, c’est parce qu’elle n’en peut plus des politiques stériles qui les affament.

    En Tunisie par exemple, c’est le désespoir qui emmena un vendeur ambulant, le jeune Mohammed Bouazizi, à s’immoler par le feu à Sidi Bouzid en Décembre 2010 pour protester contre la saisie de sa marchandise par la police. Son suicide enclenchera une vague de contestation qui emportera le régime du président Ben Ali. Il s’en suivra une avalanche de grogne dans le monde Arabe qui gagnera le Yémen en Janvier 2011 où les manifestants réclament le départ du président yéménite Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 1978.

    En Février 2011, au Caire la bourrasque de la contestation a fait tomber le président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 1981,

    En Mars 2011 la grogne explose à Damas

    En Avril, de la même année, elle s’étend en Lybie et emportera le colonel Kadhafi, au pouvoir depuis 1969.

    Cette insurrection baptisée "Printemps Arabe" est incarnée par la chanson "Kelmti Horra" de la Tunisienne Emel Matlouthi qui a obtenu le Prix Nobel de la paix en 2015, avec le Quartet du dialogue national ayant accompagné le renouveau démocratique en Tunisie.

    (4) « Kelmti Horra » Emel Mathlouthi

    Apparu en 2011 au Sénégal, initié par les rapper Thiat et Kilifeu du groupe Keur Gui, le mouvement « Y’en a Marre » arrangue les populations à se dresser comme un seul homme contre la volonté du président Abdoulaye Wade qui voulait modifier la constitution et briguer un nouveau mandat. En déjouant les visés du vieux président Wade au Sénégal, « Y’en a Marre » catalysera des organisations similaires dans différents pays au Sud du Sahara

    (5) « Coup de Gueule » Keur Gui

    De Dakar à Libreville, Kinshasa, en passant par Ouagadougou le modèle « Y’en a Marre » se reproduira dans diverses capitales Africaine.

    (6) « De La Lutte qui Libère » Joey Le Soldat

    Le Burkina Faso, pays de Joey le Solda a enduré 27 ans de régime de Blaise Compaoré présumé coupable de l’assassinat de président Thomas Sankara en 1987. En 2014, Blaise Compaoré tente de tordre le coup à la Constitution et se maintenir au pouvoir Le 30 Octobre de cette année-là quand les députés du Burkina Faso se retrouvent pour examiner le projet de loi portant sur la révision de la Constitution permettant une nouvelle candidature du président Blaise Compaoré après 2015, Le Mouvement « Balaie Citoyen », portées par l’esprit de Thomas Sankara, appel les populations à descendre dans la rue et battent le pavée pour empêcher la révision de la loi fondamentale.

    (7) « Thomas Sankara » Debademba

    Tous ces mouvements citoyens se nourrissent d’exemples révolutionnaires africains et se posent comme héritiers de figures respectées et admirées devenus des mythes sur le continent. Notamment le nigérian Tafawa Balewa, le congolais Patrice Lumumba ou le burkinabé Thomas Sankara.

    Ils revendiquent la défense du panafricanisme et fustigent sans détours l’impérialisme occidental. Leur rêve, opérer et réaliser une vraie Union des peuples Africains qui ne serait pas selon eux - une coquille vide comme l’Union Africaine actuelle, incapable de gérer le mal être du continent.

    Les régions qui n’ont pas encore de force citoyenne organisée, les individualités comme Cheikh MC des Comores usent de la musique pour booster les mentalités.

    (8) « Na Rende » Cheikh MC

    En égrenant le chapelet des mouvements sociaux de cette décennie en Afrique, on constate que les artistes musiciens sont en première ligne des combats. Et s’il est une référence en la matière, c’est bien le nigérian feu Fela Anikulapo Kuti. Pourfendeur de la corruption, du néo-colonialisme, des manœuvres de la classe politique et des détournements d’argents fait par les militaires, toute sa vie durant, il n’a eu de cesse de tarauder tous les régimes qui se sont succédés à la tête du Nigéria. Sa volumineuse œuvre musicale a souvent égratigner nos mentalité de colonisées.

    (9) « Mister Felow Felow » Fela Anikulapo Kuti

    #Musique #Musique_et_politique #radio

  • La Suisse restitue 3,8 millions de francs à la Tunisie RTS - ats/ptur 26 Mai 2017 _
    http://www.rts.ch/info/suisse/8653879-la-suisse-restitue-3-8-millions-de-francs-a-la-tunisie.html

    La Suisse avait bloqué dès 2011 quelque 60 millions de francs du clan Ben Ali. [Jamal Said - Reuters]

    La Suisse, qui avait bloqué dès 2011 quelque 60 millions de francs du clan Ben Ali, a remis vendredi à la Tunisie un montant d’environ 3,8 millions de francs à la suite d’une demande d’entraide judiciaire de Tunis.

    L’argent bloqué en Suisse est en lien avec un proche du président déchu en 2011. Il est transmis aux autorités tunisiennes qui détermineront le sort de ces avoirs, souligne le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) dans un communiqué vendredi.
    La remise de ce montant se fait dans le cadre de l’exécution par le Ministère public de la Confédération (MPC) d’une demande d’entraide judiciaire de la Tunisie.

    Blocage à titre préventif
    Le Conseil fédéral avait ordonné début 2011 pour trois ans le blocage à titre préventif de tous les avoirs en Suisse du président Ben Ali et de son entourage.

    Prolongé de trois ans, le blocage tunisien d’environ 60 millions de francs arrivait à échéance en janvier 2017. Il a été reconduit d’une année en décembre.

    Depuis 2011, des enquêtes pénales ont été ouvertes en Suisse et en Tunisie et des demandes d’entraide judiciaire ont été échangées. En mai 2016, la Suisse avait procédé à une première restitution d’un montant d’environ 250’000 francs.

    #Suisse #foutage_de_gueule #banque #cynisme #Tunisie #vol

  • Tunisie : éclairants aveux d’Imed Trabelsi pour l’opinion
    https://www.argotheme.com/organecyberpresse/spip.php?article3093

    La manière avec laquelle la société tunisienne soigne les stigmates des années de la dictature de Ben Ali est édifiante. Dans le parcours déjà traversé par la laïcité, conjugué à celui de la régulation de la cellule familiale, se sont construites des pratiques qui ont eu le grand mérite de ne pas enfoncer la civilité, voire elles sauvent une nation en mutation. Ce pays précurseur du « printemps arabe » qui a évité la déviation islamiste, continue d’étonner. L’Instance Vérité et Dignité (IVD) qui se consacre (...)

    gouvernement, action, projet, exécutif gouvernemental, politique régionale, gouvernance, gestion, social,

    / #Tunisie,_Tunisia,_démocratie,_Bourguiba,_complot,_Ennahdha, #économie,_politique,_arts,_corruption,_opposition,_démocratie, #fait_divers,_société,_fléau,_délinquance,_religion,_perdition, (...)

    #gouvernement,action,_projet,_exécutif_gouvernemental,_politique_régionale,_gouvernance,_gestion,_social, #Afrique,_Monde_Arabe,_islam,_Maghreb,_Proche-Orient, #Maghreb,_Algérie,_Tunisie,_Maroc,_Libye,_Africa,_population,_société

  • Tunisie : éclairants aveux d’Imed Trabelsi pour l’opinion
    http://www.argotheme.com/organecyberpresse/spip.php?article3093

    La manière avec laquelle la société tunisienne soigne les stigmates des années de la dictature de Ben Ali est édifiante. Dans le parcours déjà traversé par la laïcité, conjugué à celui de la régulation de la cellule familiale, se sont construites des pratiques qui ont eu le grand mérite de ne pas enfoncer la civilité, voire elles sauvent une nation en mutation. Ce pays précurseur du « printemps arabe » qui a évité la déviation islamiste, continue d’étonner. L’Instance Vérité et Dignité (IVD) qui se consacre (...)

    gouvernement, action, projet, exécutif gouvernemental, politique régionale, gouvernance, gestion, social,

    / #Tunisie,_Tunisia,_démocratie,_Bourguiba,_complot,_Ennahdha, #économie,_politique,_arts,_corruption,_opposition,_démocratie, #fait_divers,_société,_fléau,_délinquance,_religion,_perdition, (...)

    #gouvernement,action,_projet,_exécutif_gouvernemental,_politique_régionale,_gouvernance,_gestion,_social, #Afrique,_Monde_Arabe,_islam,_Maghreb,_Proche-Orient, #Maghreb,_Algérie,_Tunisie,_Maroc,_Libye,_Africa,_population,_société

  • INTERVIEW - Michaël Ayari : « Le système tunisien n’a pas changé depuis Ben Ali » | Middle East Eye
    http://www.middleeasteye.net/fr/reportages/interview-micha-l-ayari-le-syst-me-tunisien-n-pas-chang-depuis-ben-al

    Middle East Eye : Votre rapport montre la persistance de pratiques déjà très ancrées sous Ben Ali. Pourquoi sept ans après la révolution, la corruption est-elle toujours présente en #Tunisie ?

    Michaël Ayari : La première chose à retenir, c’est que la #corruption n’est plus la même que sous l’ancien régime, dans le sens où elle n’est pas centralisée.

    Il y a eu une forme de rupture après la révolution, comme au moment de la chute de l’URSS : une disparition du centre qui canalisait les activités de corruption et limitait l’appétit des réseaux financiers.

    Ce centre, même s’il prend tout pour lui, peut réduire l’ampleur de la corruption et la rendre moindre diffuse dans la société.