person:bernard aspe

  • Nous ne sommes pas seuls. Les alliances sylvestres et la division politique, Léna Balaud et Antoine Chopot, avec les contributions de Bernard Aspe et Manon Bineau - La Division Politique
    http://ladivisionpolitique.toile-libre.org/nous-ne-sommes-pas-seuls-rencontres-greffer-de-louv

    Résumé : Humains, nous ne sommes pas seuls à subir les violences du capitalisme mondialisé. Nous tenterons de formuler une hypothèse quant à ce que peut signifier l’idée d’un « tort planétaire » partagé par toutes les formes de vie embarquées dans le ravage écologique. Mais nous refusons d’envisager un pâtir sans la puissance d’agir qui en est inséparable. « Nous ne sommes pas seuls », cela veut aussi dire : l’agentivité plus large et extra-humaine des puissances de la nature implique de reconnaître que nous ne sommes pas les uniques acteurs des changements désirables dans le monde. Le tort planétaire nous pousse à rechercher des « alliances sylvestres », des alliances collaboratives avec des formes d’agir qui ne sont pas les nôtres. Mais ces alliances, pour la politique d’émancipation, sont d’une bien nouvelle nature. Comment les actions politiques peuvent-elles porter un agir qui n’est pas le leur ? Comment cette intervention politique terrestre peut-elle rester à la fois et d’un même mouvement être-ensemble et être-contre, tissage relationnel et antagonisme ?

    Nous partons de la conviction que seule une entente renouvelée, terrienne, du communisme, peut ouvrir un espace antagonique au capitalisme anthropocénique, espace que la seule « démocratie réelle » ne peut créer.

    Partant de là, l’hypothèse initiale de cette intervention est que d’une part, il ne sera possible et souhaitable de relancer la perspective communiste qu’en transfigurant la nature de la communauté qui s’y trouve convoquée ; et que d’autre part, il n’est juste de s’engager dans la redéfinition de ce que peut être une communauté qu’à la condition que cette redéfinition n’implique pas une dépolitisation de celle-ci. Il s’agit de trouver une nouvelle manière d’être tout à la fois « ensemble et contre » ce qui nous empêche de vivre. (...)

    Des dispositifs de re-présentation comme des « parlements des choses en lutte », extra-parlementaires, pour subvertir le mot de Latour, qui existent à leur manière dans des lieux comme la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, et qui en émergeant peuvent créer des « moments politiques » au sens de Rancière, c’est-à-dire activer un processus de désidentification, qui défait les identités assignées, qu’elles soient humaines ou extra-humaines : les forêts n’y sont plus ressources naturelles, objets de l’économie, mais territoires habités de points de vue en tension ; et les humains n’y sont plus sujets de l’économie et êtres d’anti-nature, mais sujets vivants de la politique. Ce qu’il y a à opposer au capitalisme n’est pas seulement l’image d’une société sans classes : c’est l’image positive d’écosystèmes animés de points de vue, dans lesquels il faut autant savoir se relier que se séparer, écosystèmes libérés de la mise au travail.

    #tort_planétaire #capitalocène #écologie #nonhuman_turn #communisme #antagonisme #Jodi_Dean #Bruno_Latour #Jason-Moore #Philippe_Descola #Natasha_Myers #Léna_Balaud #Antoine_Chopot

  • Le réel de Marx
    par Bernard Aspe et Patrizia Atzei
    Intervention au colloque Communisme à Rennes en mai 2017

    http://ladivisionpolitique.toile-libre.org/le-seminaire/le-reel-de-marx-ciolloque-communisme

    Le communisme est le refus de la mise au travail généralisée, de la mise au travail pour le capital. Un refus dont la mise en œuvre suppose une opération de désidentification.

    #communisme #Marx #opéraïsme #post_opéraïsme #refus_du_travail #salariat #Tronti #capital #réel #Lacan #Rancière

    • Le réel de Marx
      http://ladivisionpolitique.toile-libre.org/le-seminaire/le-reel-de-marx-ciolloque-communisme

      Nous savons que, comme d’autres mots, le mot « communisme » n’a jamais été et ne sera jamais univoque, qu’il s’agit toujours de lui donner une signification qu’il n’a pas tout seul, c’est-à-dire de mettre sur le mot « communisme » ce qu’on décide d’y entendre.

      Pour parler du communisme, il nous semble nécessaire de revenir une fois encore à Marx. Mais il ne saurait s’agir, pour nous, de proposer un énième commentaire de son œuvre : Marx n’est pas l’auteur auquel il faut en revenir parce que dans ses textes se trouverait une vérité ultime. Nous considérons qu’il est l’un de ces auteurs qui nous obligent à aborder son héritage de façon partiale, avec des parti-pris. Il nous oblige, surtout, à nous saisir de cet héritage depuis le présent.

      Nous allons donc dégager quelques traits de l’approche de Marx qui nous semblent devoir être prolongés aujourd’hui pour une entente clarifiée et opératoire du mot « communisme », du communisme en tant que « mouvement réel ».

      Nous insisterons essentiellement sur deux aspects. Il s’agira dans un premier temps de montrer que le communisme se présente sous la forme du refus du travail. Ensuite, il s’agira d’affirmer la possibilité d’une intelligibilité de la politique qui ne dépend pas d’un horizon de totalisation, et qui suppose un mode de subjectivation particulier, relevant d’une « désidentification ». (...)

      version audio
      https://seenthis.net/messages/602983

    • Un texte qui commence par « comme le disait Althusser » n’augure rien de bon. Althusser était un charlatan stalinien qui a passé l’essentiel de sa vie à caricaturer le marxisme pour en faire une coquille vide (débarrassée de la dialectique) acceptable par l’idéologie dominante.

      Mais je tente une lecture quand même :)

    • Althusser, semble faire office ici de muleta mais il n’est cité que pour renvoyer à un phrase de L’idéologie allemande à propos du communisme « le mouvement réel qui abolit l’état de choses existant », afin d’avancer dans l’analyse du réel en question, avec et contre Hegel, avec Lacan. Outre Marx, ce sont les apports de tout autres théoriciens que le texte met en rapport, sans décerner ni blâmes ni médailles...

      Ce qui nous paraît essentiel dans les analyses de [Jason] Moore, c’est qu’elles donnent une extension nouvelle au concept de force de travail en montrant toutes les activités que l’on peut compter au titre de travail non-payé, non reconnu comme tel.

      Parmi ces activités, à considérer l’histoire de l’économie-monde, il y a bien sûr le travail des esclaves dans les colonies depuis les XVème-XVIème siècles ; ou le travail assigné aux femmes dans le développement de la société bourgeoise – travail invisible qui n’est pas seulement celui de la « reproduction de la force de travail », mais qui est lui-même force de travail non reconnue comme telle.

    • Tu n’a pas lu l’article, tu ne sais pas, comment fais-tu pour répondre ? je répète, je répète, Althusser n’est cité que pour introduire un passage de Marx qu’il a dit « fameux », et parce qu’il sagit d’un colloque ou les Français croient que le marxisme c’est Althusser.
      L’article, coécrit par une femme, puisque seul cela compte à tes yeux, n’a rien à voir avec tes a priori, avec cette manière purement réactive de (ne pas) lire. Il évoque tout autrement ces questions.

      L’adresse générique de la politique, l’adresse à un « tous » (non pas un « tous » positivé, effectif, mais un « tous » potentiel) cela implique notamment — et il est utile de le souligner dans la situation qui est la nôtre aujourd’hui — que la race ne peut, en tant que telle, être un opérateur de la subjectivation politique. On pourrait affirmer que pour qu’il y ait subjectivation émancipatrice, il faut qu’il y ait déprise des identités. Cela ne signifie nullement que toute revendication basée sur la race est nécessairement vouée à l’échec, ou intrinsèquement réactionnaire : cela signifie seulement que son potentiel émancipateur ne réside jamais en une positivation de l’identité raciale en tant que telle. Pour qu’une identité (prolétaire, peuple colonisé, femme, noir, etc.) constitue le point de départ d’un processus véritablement émancipateur, il faut que soit conjurée toute appropriation exclusive de la revendication politique. Autrement dit, il faut qu’il y ait une connexion entre cette identité particulière et une adresse générique. En clair : les identités existent bel et bien, et on ne peut pas simplement décider de les ignorer ou d’en sortir, comme le voudrait une certaine utopie queer. « Désidentification », cela ne signifie pas : abolition des identités. Cela signifie : constitution d’identités paradoxales, d’identifications polémiques. Car quand on ne travaille pas à déplacer les identités, à les rendre paradoxales, ce sera l’ordre d’oppression et d’exclusion qui se chargera de les remettre à leur place (pensons au racisme de la police).

    • Arrestations de deux témoins de la défense de manifestants inculpés lors dune audience à Rennes
      https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=1912133385691368&id=1715343555370353

      / !\ URGENCE :
      Ce soir lors du procès d’un des inculpés de la manifestation du 27 avril, deux personnes témoignaient à la barre pour apporter leur version des faits. Des témoignages qui reviennent sur la présence hors cortège de l’inculpé et sur sa passivité (il est accusé de jets de projectiles). La défense est en béton, le dossier est vide, l’avocat de l’accusé apporte en plus une vidéo qui appui ses témoignages.
      Appelé à la barre, les témoins racontent également avoir vu un flic mettre une pierre dans la poche de l’accusé au moment de son interpellation.
      Leurs versions ne correspondant pas à celles des flics, partie civile dans cette affaire (ils demandent de la thune pour le préjudice moral !), elles sont cuisinées par le juge Léger (qui revêt encore une fois la robe de procureur) lequel répète à plusieurs reprises les risques de faux témoignage lors de leurs auditions. Elles n’en démordent pas pour autant face à la pression du juge, l’une lui répond d’un cinglant : « j’ai juré ! ».
      Les juges délibèrent, 15 minutes plus tard l’audition reprend. Le juge déclare coupable l’accusé (6 mois avec sursis, interdiction de manifester en Ille-et-Vilaine pour les 3 prochaines années et paiement d’indemnités de 1000€ dans la poche des flics)...
      ... mais surtout la mise en examen des 2 témoins pour faux témoignages !
      Les deux femmes sont menottées après le délibéré et emmenées à l’étage du palais. Une dizaine de flics interviennent pour contenir le public de la salle en ébulittion.
      C’est une attaque directe contre le droit de la défense, la justice est une institution répressive qui révèle une fois de plus qu’elle protège les flics et leur accordent tout pouvoir.

      #criminalisation #police #justice #défense_collective

    • Le travail et la prison, Olivier Sarrouy et Bernard Aspe
      https://blogs.mediapart.fr/osarrouy/blog/090617/le-travail-et-la-prison

      Rien de très nouveau, pourrait-on dire : on retrouve ici des opérations devenues banales. D’abord l’opération médiatique qui consiste à faire passer un acte pour le moins disproportionné (celui du policier) pour un geste de bravoure. Pour quiconque regarde les vidéos qui circulent sur le net, il est bien clair que le courage et la mesure étaient de l’autre côté – du côté des manifestants qui s’approchent du policier et lui parlent, alors qu’il les tient en joue.

      Ensuite l’opération juridico-policière qui consiste à retourner les tactiques de défense en preuves de culpabilité. Les personnes interpellées n’ont pas souhaité s’exprimer devant les policiers qui les questionnaient - souvent les mêmes que ceux qui les braquaient quelques heures plus tôt. C’est leur droit le plus élémentaire, et c’est aussi une sagesse que partagent ceux qui connaissent un tant soit peu les techniques policières qui cherchent à extirper insidieusement des informations susceptibles de « peser » dans un procès. Or le silence des interpellés est devenu une preuve du fait qu’ils sont « organisés » afin de justifier leur mise en détention en attente du procès – et ceci en dépit de leurs garanties de présentation (travail, enfant, étude, etc.). La même chose avait été constatée, à s’en tenir seulement à la petite ville de Rennes, lors de l’affaire dite de la « mousse expansive » au printemps dernier[1].

      On ne fera pas semblant de se scandaliser. Les plus lucides savent qu’il ne s’agit là que d’un processus plus ancien suivant simplement son cours. Un processus qui vise à empêcher que se constitue un mouvement de contestation qui ne s’en remet pas aux formes légalisées et pacifiées de la vie politique telles qu’elles sont censées être admises par tous. Un mouvement qui serait ainsi capable de répondre à des gouvernements qui, eux, ne s’encombrent pas d’états d’âme envers la légalité ou envers les libertés supposées garanties par la constitution. (...)

  • Le conflit politique : logiques et pratiques
    https://soundcloud.com/laviemanifeste/sets/le-conflit-politique-logiques-et-pratiques

    Nous choisissons d’organiser ce colloque à la veille des élections présidentielles. Mais bien au-delà de la critique du modèle parlementaire de la politique, il s’agit surtout d’essayer de comprendre ce qui s’impose à nous : des guerres « asymétriques » à la « crise » écologique, des développements du capitalisme aux luttes locales qui cherchent à les contrer. Tout cela configure une situation nouvelle, qui oblige à reprendre la notion même de politique, et par là même à vérifier que cette notion, loin de renvoyer à une essence transhistorique, ne peut être conçue qu’au présent. Durée : 2h28. Source : La vie manifeste

    • Retour sur les pratiques des luttes.

      Bernard Aspe, La pensée du conflit

      Olivier Feltham, L’action politique et ses contextes disjoints

      Sophie Wahnich, Révolution, guerre civile, lutte entre deux classes pendant la Révolution française

      Catherine Hass, Nom de guerre : contre-enquête.

      Le modèle de la guerre. Discussion avec la salle

      Jodi Dean, Communicative capitalism and the subject of politics

      Dalie Giroux, Marx indigène : un devenir-terrien du communisme

      Maria Kakogianni, Queeriser la luttes des classes : conflits, antagonismes, diférrances.

      Alain Badiou, La politique : les deux voies, les deux lignes et les deux classes.

      La politique de l’économie ou la politique contre l’économie. Discussion avec la salle

      Bernard Aspe. Retour sur la première journée du colloque

      David Gé Bartoli, Une Révolution cosmique

      Sophie Gosselin, Rendre justice à la Terre

      Frederic Neyrat, L’esprit du communisme et la condition planétaire

      Patrizia Atzei, L’universalité comme extension de la politique

      Extension de la politique. Discussion avec la salle

      Erik Bordeleau, Finance dans l’Undercommons

      Olivier Sarrouy, La gouvernementalité numérique / libérale comme tactique politique

      Jacques Rancière. Formalismes. Formes sensibles. Formes de vie. Discussion avec la salle

  • Prendre la clef des champs, Quelles visées politiques à l’installation paysanne ? Gaspard D’Allens, Lucile Leclair, Mouvements 2015/4 (n° 84)
    http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=MOUV_084_0015

    On ne naît plus agriculteur, on le devient. Aujourd’hui, un nombre croissant d’individus se reconvertit dans le secteur agricole et tente l’aventure de la néoruralité. Anciens infirmiers, avocats, ouvriers ou commerciaux, ils se revendiquent paysans, s’approprient les gestes et les savoir-faire pour mieux les réinventer. Au-delà du fait divers, de l’anecdotique changement de vie, un mouvement de fond émerge et entre dans les fissures du monde agricole conventionnel.
    Ils sont plus d’un millier à franchir le pas chaque année. Orphelins de la terre, marginalisés par le corporatisme, ces #nouveaux_paysans peinent cependant à faire système. Comment articuler transformation individuelle et transformation sociale ? L’essaimage de ces alternatives locales parviendra-t-il à bouleverser notre modèle agricole ?
    Cet article est issu d’un travail d’enquête mené auprès d’une cinquantaine d’agriculteurs à travers la France. L’approche adoptée est résolument qualitative, elle privilégie le temps long de l’immersion et donne une place centrale à la parole des acteurs.
    Un renouvellement nécessaire des actifs agricoles
    Un vaste puzzle éclaté
    Un rejet du modèle conventionnel
    Des hommes sans #terre
    Des projets dits « atypiques »
    La tentation de l’#oasis
    L’esquisse de #mouvements_sociaux
    Une identité en gestation

    Sous #paywall.

    Pour mémoire

    Il ne s’agit pas de proposer de nouvelles théories politiques, encore moins des systèmes d’organisation. Il s’agit plutôt de montrer comment sortir des oasis, de ces refuges dans notre fuite, que sont aussi bien la création d’une œuvre, la « réalisation de soi », l’action militante ou la vie d’une collectivité autonome. Car « beaucoup de ceux qui ont regardé les événements de novembre 2005 ont d’abord éprouvé l’absence d’un #espace_politique à la hauteur de ces événements. Ceux-là avaient déjà l’habitude de ne rien attendre du militantisme et s’étaient sans doute pour la plupart éloignés de l’étouffement radicaliste... C’est à eux, justement, les êtres les plus quelconques, plus ou moins perdus dans leurs études et leurs métiers, plus ou moins empêtrés dans les restes d’un État-providence qui tournent en hypercontrôle sélectif, c’est à eux qu’il revient de faire en sorte que de l’imprévisible, et donc du réellement menaçant, ait lieu

    in
    L’instant d’après. Projectiles pour une politique à l’état naissant, Bernard Aspe
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4705

  • René Girard, le philosophe chrétiens auteur de la théorie du bouc émissaire est mort.

    Sa théorie était une proposition d’explication d’origine de la culture (qui tout le monde l’admet, est aussi une explication du christianisme), partant de l’idée qu’une victime innocente est « choisie » (à travers divers stratagème, mais pensez juste a ce qui se passe dans une partie du jeu de carte ’loup garou’) puis sacrifié (symboliquement ou non), et que c’est sur cette base, que se fonderai ensuite une culture.

    Le livre le plus accessible pour aborder sa pensée est probablement le recueil d’entretiens « les origines de la culture ».

    • lien avec #guerre_aux_pauvres, boucs émissaires modernes qualifiés de surnuméraires, qui viennent de se bouffer la réforme #apl dans l’indifférence générale du monde militant.
      EDIT

      partout et toujours, lorsque les hommes ne peuvent pas ou n’osent pas s’en prendre à l’objet qui motive leur colère, ils se cherchent inconsciemment des substituts, et le plus souvent ils en trouvent

      l’#invisibilisation est une forme de violence aussi, une des pires car elle se fait sans bruit, en négatif.

    • Le #désir, c’est le mal. Péché de luxure, péché d’envie, de lucre, partout, partout, et joie nulle part, sauf celle de dominer, ne serait-ce que imaginairement. Et tout continue jusqu’au jugement dernier.

      À cette omni-explicative théorie de et par la rivalité #mimétique, on pourra préférer les recherches, qui ont considéré l’#imitation comme processus créateur

      De ce fait, le collectif comme réalité structurée ne saurait être compris comme une entité subsistante, et son existence se confond avec le processus de structuration des parts de nature préindividuelle qui portent la vie affective des sujets. Mais la vie intime ne peut pas se révéler d’emblée commune sans que le collectif y gagne une dimension moléculaire. Et le transindividuel ne nomme en somme que cela : une zone impersonnelle des sujets qui est simultanément une dimension moléculaire ou intime du collectif même.

      Cette tentative pour penser la constitution du collectif à un niveau moléculaire, c’est-à-dire aussi bien infra-individuel qu’infra-social, rapproche #Simondon de #Tarde, qui désubstantialise pour sa part l’approche des phénomènes sociaux en les décrivant comme des #processus_d’imitation. Car ce que l’on imite, selon Tarde, ce ne sont jamais les individus, mais des flux qui traversent les individus, et qui sont toujours de croyance et de désir. De ce point de vue, même l’invention relève de l’imitation de flux qui se trouvent conjoints d’une manière nouvelle dans l’inventeur (et pas, à proprement parler, par lui, comme s’il en était l’auteur). On peut donc dire qu’une invention est toujours « un croisement heureux, dans un cerveau intelligent, d’un courant d’imitation, soit avec un autre courant d’imitation qui le renforce, soit avec une perception extérieure intense, qui fait paraître sous un jour imprévu une idée reçue » . D’où l’importance qu’accorde Tarde aux phénomènes de « suggestion à distance » et de « contagion » , qui définissent selon lui le mode sur lequel des esprits peuvent s’influencer à distance du seul fait d’avoir connaissance de l’existence d’autres esprits simultanément en contact avec les mêmes idées (comme c’est le cas, exemplairement, du public des lecteurs d’un même journal, et plus encore aujourd’hui du public des spectateurs de la télévision). On trouve chez Simondon un intérêt voisin pour les phénomènes de propagation affective par lesquels s’accomplissent, au sein du champ social considéré comme un champ métastable, des prises de forme imprévisibles, telle la propagation de la Grande Peur, susceptible à ses yeux d’être expliquée par une « théorie énergétique de la prise de forme dans un champ métastable » (IPC, note 18 p. 69).

      La théorie de l’#invention chez Tarde, aussi bien que la description simondonienne du champ social comme champ en tension où adviennent des prises de forme, proposent de concevoir l’émergence de nouveauté dans la société sans recourir à la figure de l’homme d’exception, génie politique capable de « donner forme » à la vie sociale. En effet, d’une manière proche de celle par laquelle l’invention naît chez Tarde de la conjonction de flux d’imitation et d’une série de petites différences qui finissent par produire de la nouveauté, on voit s’esquisser chez Simondon une énergétique sociale telle que « le hasard peut produire l’équivalent du #germe_structural » qui amorce une #transformation_du_champ_social. Car toute transformation est produite « soit par le fait qu’une idée tombe d’ailleurs — et immédiatement advient une structure qui passe partout, — soit peut-être par une rencontre fortuite » (IPC, p. 63). Une telle « énergétique humaine », qui s’intéresse aux potentiels dont l’écart jette la société dans un état métastable, est selon Simondon indispensable pour compléter le point de vue d’une « morphologie » sociale qui ne s’intéresserait qu’aux structures stables des groupes sociaux. Ainsi, si l’on peut dire que le collectif est en un sens déjà dans les sujets, c’est d’un point de vue « énergétique », sur le mode de potentiels susceptibles de conduire une individuation du champ social ; c’est donc comme collectif en devenir ou comme a(d)venir du collectif, et non pas, et surtout pas, comme germe structural préformé.

      Une scolie présente dans « Simondon-Individu et collectivité. Pour une philosophie du transindividuel » (disponible en ligne),de #Muriel_Combes : Intimité du commun
      http://entre-là.net/intimite-du-commun-par-muriel-combes

    • Un retour, adjacent, sur la notion de rivalité mimétique ou toute relation devrait être façonnée et lue à l’aune de la représentation...

      La peinture sera elle-même travaillée - exemplairement dans la pensée de Malevitch- par la volonté de ne plus renvoyer à une réalité extérieure à elle-même, de ne plus représenter. Mais ce rejet de la vocation représentative ou « mimétique » de la peinture est aussi la recherche d’une forme de présentation adéquate de la vie révolutionnaire - qui n’est telle justement que de pouvoir se soucier davantage de ce qui arrive à des surfaces colorées qu’à des personnages prisonniers de leur psychologie. Selon Rancière ce renversement de la mimesis picturale est déjà en jeu dans les analyses de Hegel. On y trouve en effet une sorte d’excès réciproque de la forme et du contenu qui annonce en réalité la dissolution de leur séparabilité.

      extrait de La révolution #sensible, #Partage de la nuit - Deux études sur Jacques Rancière, par Bernard Aspe
      http://seenthis.net/messages/417897

  • http://soutienaerrideluca.net/2015/10/17/chronique-de-francois-morel-je-suis-erri

    Ah je sens que je vais encore me faire des copains sur ce coup-là, mais tant pis. Donc depuis un canal mien en soutien d’Erri De Luca je reçois la chronique d’un certain François Morel sur France inter , qui me laisse pantois tant elle est conne : encore un de ces cas, où dans le soutien d’une même cause, ici le soutien à Erri De Luca, on continue de se retrouver entouré de semblables dont on ne se sent pas très semblable justement.

    Déjà ça part hyper mal, ça s’intitule Je suis Erri . Ca commence à saouler salement quand même ce slogan publicitaire qui finit par tenir lieu de discours, pire, de mode de pensée. Je ne suis pas Charlie et je m’emmerde tous les Charlie.

    Donc premier couplet à la gloire de Tignous, mort au champ de bataille de la liberté de pensée, mais c’est quoi ces expressions de discours de sous préfecture un 11 novembre ? Sans compter que je veux absolument qu’on m’explique à quel moment un lien de sens même hyper capillo tracté a uni Tignous et Erri De Luca.

    Passons donc le couplet nécessairement Charlie , on en vient à Erri De Luca, à propos duquel l’auteur de cette chronique pensée et écrite avec les pieds croit faire de l’ironie sur le fait qu’Erri de Luca étant écrivain, ouvrez les guillemets,

    Il connaît le sens des mots et comme on l’imagine peu crapahuter dans la montagne avec une barre à mine et de la dynamite pour détruire une voie ferrée.

    Ben c’est justement mal connaître le bonhomme et n’avoir pour ainsi dire rien lu de lui, moi si je devais franchir des cols clandestinement avec du matos et que j’avais besoin d’un camarade de cordée, je prendrais Erri de Luca sans y réfléchir à deux fois, excellent grimpeur, ancien maçon, donc forcément un peu bricoleur de ses dix doigts, et surtout militant d’extrême gauche depuis des lustres, un combattant, un vrai.

    Cher François Morel, vous voulez pas retourner dans votre cour de récréation ronde et retourner jouer avec vos petits camarades des médias dominants. Vos likes ne vont pas sauver Erri De Luca, dont vous n’avez pas lu une ligne manifestement.

    Peigne-cul.

    • Livre – Le contraire de un – Erri De Luca
      http://livre-telecharger-gratuit.com/?p=64716

      Ce qui se passe et tu ne t’en es pas aperçu, c’est que les gens sont en train de lancer leur maison par les fenêtres, toutes leurs vieilles affaires, on se croirait le Jour de l’an, des pots de fleurs, des pots de chambre, de la ferraille, des chaises cassées, des briques, des carreaux, des bouteilles et des seaux d’eau. Le quartier s’est mis à la fenêtre, a bombardé la charge, l’a réexpédiée en bas. Les gens descendent de chez eux, ceux des nôtres qui avaient pris position plus en arrière reviennent vers la #barricade, de grandes couvertures à brûler surgissent, un vieil homme en pousse une dans la descente par où se sont enfuies les troupes de l’ordre public. Et moi il me semble que l’ordre public est celui de l’insurrection inattendue de gens qui ne nous connaissent pas, qui ne savent pas pourquoi nous leur apportons la guerre chez eux, mais qui décident au vol et à la majorité que nous avons raison et que les troupes ont tort.

      Les mots et les actes, Bernard Aspe

      Vouloir éclairer le « rapport de la pensée à l’action » oblige sans doute à suivre quelques détours. Mais il faut aussi, ultimement, revenir à ce reste : il y a ce qui est dit dans les mots, il y a ce qui se fait dans les actes, et « entre » les deux, autre chose parfois que l’évidence d’un gouffre incomblable. (...)
      ...la nature de la pensée est telle qu’elle nous oblige plus que jamais à concevoir ce qui la rapporte à un #acte, qu’elle n’est pas.
      Sans doute faut-il bien, cependant, commencer par faire l’épreuve de ce qui les sépare. Aucun enchaînement nécessaire, aucun passage évident qu’il suffirait d’emprunter, aucune ligne droite par laquelle il suffirait de se laisser conduire ne permettent de rapporter les mots aux actes. Des uns aux autres, comme le savait Kierkegaard, il n’y a qu’un saut, qui nous fait passer d’une registre d’existence à un autre, ou plutôt qui nous fait basculer dans ce qu’est à proprement parler l’existence — le lieu où l’on doit agir. Mais rien n’est plus difficile, rien n’est plus rare que l’agir, et nos sociétés sont avant tout l’espace où se cultivent les garanties de s’en trouver légitimement dispensé. En contrepartie, elles cultivent l’exaltation de la responsabilité, de la prise de risque, et la capacité à changer de vie, à faire peau neuve. Mais tout cela n’a le plus souvent que la teneur du simulacre. Pour qu’il y ait véritablement un acte, il faut deux choses symétriques : qu’une pensée y ait conduit, et que, à cet endroit où elle a conduit, elle-même ne puisse plus suivre. Beaucoup ont déjà fait ce constat, selon des orientations fort différentes, mais qui toutes se croisent sur ce point : agir, c’est abandonner la pensée. Ou plutôt, agir, c’est faire l’épreuve de ce que la pensée — le soutien qu’elle pouvait être pour nous — nous abandonne radicalement. Et pourtant, agir, c’est néces- sairement suivre (ou anticiper) ce qui aura été pensé dans une pensée : c’est de ce paradoxe-là qu’il faut partir, ou plutôt c’est vers lui qu’il faut revenir.

      http://www.editions-nous.com/pdf/aspe_lesmotsetlesactes.pdf

    • Quand Erri De Luca soutient Valls...
      http://www.marianne.net/erri-luca-soutien-inattendu-valls-100240490.html

      Que pensez-vous de la proposition de Manuel Valls sur la déchéance de nationalité ?
      E.D.L. : C’est une mesure quasiment élémentaire et, surtout, indispensable. Ces gens-là doivent savoir que, en partant, ils ne peuvent pas revenir en arrière. Ils ne s’offrent pas un voyage aux Caraïbes, ils partent en tournée militaire, c’est différent. A partir du moment où ils décident de trahir leur pays, de combattre contre leur patrie, de rallier une organisation terroriste, c’est fini.

  • Bernard Aspe, Partage de la nuit - Deux études sur Jacques Rancière
    http://www.editions-nous.com/aspe_partagedelanuit.html

    Si Jacques Rancière est aujourd’hui l’un des philosophes les plus lus et traduits, il n’existe à ce jour que de rares #livres sur son œuvre, presque tous publiés à l’étranger. En articulant les deux axes fondamentaux de sa pensée — politique et esthétique — Partage de la nuit propose une analyse aussi claire que radicale des enjeux de la philosophie de #Jacques_Rancière, avec laquelle le travail de #Bernard_Aspe ne cesse de dialoguer.

    • Sans doute aujourd’hui ne le voyons-nous plus clairement, mais pendant bien longtemps, la nuit était ce moment où, l’activité laborieuse enfin interrompue, il devenait possible de se consacrer à des activités auxquelles on n’était pas destiné — par exemple : écrire, ou peindre, alors qu’on était #ouvrier. Mais la nuit était aussi autre chose : ce temps délivré du travail contraint où l’on pouvait préparer une #lutte, formuler des revendications, ou cultiver le sentiment d’une camaraderie qui se renforce. L’œuvre de Jacques Rancière nous parle de cette nuit, qui mêle le combat #politique et la découverte de nouvelles formes de vie.

      Elle rend aussi indissociables la politique et l’#esthétique. Pour concevoir cette indissociabilité, il faut d’abord comprendre que la politique n’est pas l’art de gouverner, et que l’esthétique n’est pas une discipline académique. L’art et la politique ont tous deux en leur cœur la mise au jour d’une vie qui serait délivrée de la soumission et de l’exploitation, et qui pourrait ainsi se tourner vers l’affirmation d’un bonheur égalitaire. On aurait tort cependant d’en conclure qu’ils peuvent se confondre — il faut au contraire garder en vue ce qui les distingue. Ainsi seulement pouvons-nous saisir que le nouage le plus profond entre l’esthétique et la politique est leur caractère proprement #révolutionnaire.

      Les 15 premières page de ce #livre :
      http://www.editions-nous.com/pdf/aspe_partage.pdf

      D’autres textes de Bernard Aspe, dont des livres disponibles en ligne, car il me semble que les tags sur son nom fonctionnent moyennement.

      http://seenthis.net/messages/276216
      http://seenthis.net/messages/250604
      http://seenthis.net/messages/229959
      http://seenthis.net/messages/154162
      http://seenthis.net/messages/62993

  • MONITOR vom 23.07.2015 - Monitor - ARD | Das Erste
    http://www1.wdr.de/daserste/monitor/sendungen/milliarden-deals-mit-griechenland-100.html

    Enquête et révélations de la télévision allemande :

    Parmi les biens publics que la Grèce doit vendre, il y a les 14 aéroports régionaux les plus rentables du pays qui doivent être vendus à une firme allemande, Fraport.

    Le maire de Corfou, Kostas Nikolouzos (120 000 habitants, 1 million de touristes par an, chiffre en augmentation) : « L’aéroport rapporte beaucoup d’argent, pourquoi devrait-on le céder ? Nous sommes en crise, n’est-ce pas ? Si on se prive des moyens de produire de la richesse dans ce pays pour relancer l’économie, comment fera-t-on ensuite ? ».

    Selon « l’accord » de colonisation européen, tout doit être bradé : la poste, les installations d’eau, les autoroutes, le réseau de gaz et d’électricité, les ports et les aéroports. Et donc, les 14 aéroports situés sur les îles les plus touristiques, Mykonos, Santorin, Kos, Corfou, etc.

    La firme allemande doit donner 1, 23 milliard d’euros et une taxe annuelle de 22,9 millions pour récupérer les 14 aéroports.

    Le ministre des infrastructures grec, Christos Spirtzis : « l’Etat grec doit vendre les 14 aéroports qui rapportent et les 30 autres aéroports qui ne font aucun profit doivent rester à sa charge. C’est un modèle qui ressemble à l’état des choses dans une colonie, pas dans un état membre de l’Union européenne ».

    D’après les chiffres de l’administration grecque, le nombre de vols via les 14 aéroports l’an passé a augmenté de 13,8%, le nombre de passagers a connu une augmentation de 19%. Un expert de la Lufthansa qualifie la transaction de « économiquement lucrative ».

    Mais on garde le meilleur pour la fin. S’agît-il vraiment d’une privatisation ? La société anonyme Fraport est une firme allemande mais surtout la majorité de ses parts est détenue par la ville de Francfort et la région de Hesse.

    Prof. Rudolf Hickel de l’Université de Brême : « ce qui va se produire est une changement de propriétaire - ce qui était propriété de l’Etat grec va pour ainsi dire devenir propriété de l’Etat allemand. Et à la fin, ce qui compte, c’est que les profits qui seront réalisés dans ces 14 aéroports financeront les services publics allemands ».

    Et que deviendra le petit milliard récolté pour la vente ? Il servira à rembourser la dette.

    Prof. Rudolf Hickel, Universität Bremen: „Da findet ein Eigentumswechsel von einem griechischem Staatsunternehmen in Richtung sozusagen deutschem Staatsunternehmen statt. Und am Ende geht es darum, dass die Profits, die Gewinne, die da gemacht werden in diesen 14 Flughäfen, dass die abgezweigt werden nach Deutschland in die Öffentlichen Kassen.“

    #colonisation #Grèce

    • Merci pour la tard @cie813, quel tableau ! Et c’est l’occase de quelques remarques, de continuer à se demander ce qui se passe au juste.
      Colonialisme ? Nous sommes tous grecs, certes, et ce genre d’info, après d’autres, conduisent à dire « colonisation ». Mais je doute qu’on puisse lire ce pillage là, les rentes et les relations de pouvoir qui y sont associées en terme de colonisation - même à un moment où la Grèce fournit davantage d’émigrants- lorsque ce qui est déterminant c’est une conso locale dépendante d’importations alimentaires et de produits manufacturés), le secteur touristique (une présence étrangère qui diffère de l’implantation de colons sur la durée) et la #dette. Et qu’en plus en Grèce, comme ici, l’utilisation de migrants sous des formes #néoesclavagistes vient pallier une certaine indisponibilité de la main d’oeuvre locale.
      Dans un secteur économique clé, la marine marchande, les armateurs grecs sont off shore depuis longtemps (sans main mise allemande ou européenne). Le proto capitalisme, marchand, se jouait des frontières....

      Alors si on veut causer en terme de colonisation, faut-il, avec Pasolini et d’autres, parler de colonisation par le mode de vie bourgeois de tout ce qui n’y était pas indexé (des payons aux ouvriers, des ouvriers aux chômeurs, des chômeurs aux Grecs). Dans l’accélération de l’histoire actuelle, d’autres extensions du terme apparaissent elles aussi justifiées (colonisation du temps vécu, par ex.).

      Faut ajouter un « néo » à colonial ? Ce serait quoi la colonisation cette fois ? La Grèce parc de loisirs allemand à forte valeur patrimoniale et mouroir plus ou moins doré d’actifs (ou pas) retraités européens (à l’image de la Floride, cf ce phénomène, freiné en Tunisie, toujours en cours au Maroc) ? Et quoi encore ?
      Comment en rester comme nombre de commentaires à diverses répliques de cette sorte d’interprétation décliniste et fierté nationale baffouée en pointant une primauté de la responsabilité allemande dont la France aurait par faiblesse ou ineptie fait le jeu ? C’est dans le même temps accorder trop et trop peu aux états nationaux.

      Accaparer les profits et « socialiser » les pertes, c’est un mécanisme de base de l’économie. Ici même, non seulement des firmes « étrangères » (macdo, gougeule, ...) mais aussi des fleurons du capitalisme français (Total) sont preneuses de parts de marché, de main d’oeuvre formée, soignée, mais ne paient que des loyers et des salaires (souvent bas, spécialement chez leur sous-traitants) en arrivant à une « optimisation fiscale » efficace au point de de ne rien payer du tout, à part la TVA.

      L’impérialisme, « stade suprême du capitalisme »° dont la (transitoire) domination économique britannique fournissait le modèle, c’était au début du XXeme !
      Après une Guerre du Golfe persique financée par le Japon et menée par les U.S, le concept d’#empire° a cherché à décrire une domination mondiale à la fois acentrique (diffuse) et polycentrique . Aujourd’hui, c’est la Chine qui est le plus gros investisseur en Afrique pendant que les États-Unis et la France y interviennent militairement dans d’innombrables conflits...

      On a pointé ici et là les limites de Siriza. J’insisterais sur un point. Tout le courage politique a été centré sur le conflit avec l’eurogroup et alii tandis qu’en Grèce on a joué la prudence sans courage, la recherche du consensus le plus large et à bas prix (l’unité nationale contre l’hydre capitaliste). Jusqu’à être timoré. En ce sens le seul acte politique local susceptible d’avoir une portée décisive fut le référendum. Et là encore, c’était adressé (pour perdre, disent des critiques de Tsipiras) vers l’adversaire extérieur. Et la proportion de non fut une surprise pour les initiateurs du référendum (#défaitisme à l’intérieur, illusions quant à la possibilité que dans une gouvernance de capitalisme mûr, l’europe, on puisse concéder quelque chose de substantiel sur la dette, à l’instar de ce qui a pu arriver avant la crise de 2008 pour des pays « périphériques »).
      Depuis le début on sait (en particulier certains dirigeants de Siriza qui connaissent bien la France pour y avoir vécu) que Siriza arrive suite à des défaites successives là-bas (à l’inverse du Front populaire, quand les luttes s’engouffrent dans la brèche ou la fragilité institutionnelle), proche en cela de l’alternance française de 1981, qui capturait Mai 68 comme on se repait d’un cadavre ("changer la vie" qu’ils disaient, empruntant à Rimbaud pour que que le quelconque se fasse appeler Arthur au nom de la « guerre économique »).
      Je connais très insuffisamment la situation et les 6 premiers mois, mais quand même. L’un des exemples les plus frappant d’attentisme de Siriza me parait être une inaction complète vis-à-vis de l’église orthodoxe. Première fortune du pays, elle jouit de prébendes inouïes. Certes, la Grèce lui doit rien de moins que sa continuité historique*. C’est ainsi peut-être que la légitimité de cette institution parait si ancrée que rien n’a été fait, ne serait-ce que pour rogner ses privilèges fiscaux, à défaut d’une expropriation en bonne et due forme.

      Pourquoi et comment des banquiers, allemands ou pas, ou des villes riches comme Frankfort auraient à hésiter pour se servir à proportion de leur puissance actuelle, celle de la seule « religion » réellement mondiale, l’économie ?

      Je partage pas tout du texte (trop rapide) de Bernard Aspe
      http://seenthis.net/messages/392073
      mais il me semble juste sur l’essentiel. Car je me souviens que si la Révolution française comme celle d’Octobre 1917 ont pu faire face, défaire ou écarter de fortes coalitions d’ennemis extérieurs cela résultait de processus de politisation massive et d’actions concrètes sur place, au sein de « leur » propre société, divisées, contradictoires. Pas de votations accompagnées d’attentisme.

      ° L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, de Lénine (1916) reste fort suggestif : ... Les banques et leur nouveau rôle ; Le capital financier et l’oligarchie financière ; L’exportation des capitaux ; Le partage du monde entre les groupements capitalistes ; Le partage du monde entre les grandes puissances ; L’impérialisme, stade particulier du capitalisme...
      https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/vlimperi/vlimp.htm

      ° Empire, Michael Hardt, Toni Negri (2000)

      ° Sur l’église grecque orthodoxe, voir le captivant roman Ap. J.-C. de Vassilis Alexakis

      #mondialisation #économie

    • Comme l’a dit récemment C.Lapavitsas :"“D’abord, c’est la première fois dans ma carrière d’économiste que je rencontre une telle convention d’accord. Non seulement, elle est de type néo-colonialiste, personne ne dira le contraire, mais surtout, surtout hélas, cet accord comporte par certaines de ses formulations et tournures de phrase, un volet ouvertement revanchard et punitif, au-delà même de toute logique économique (même de type néocolonialiste), car c’est ainsi que l’élite de l’Allemagne pense ‘régler l’affaire grecque’”.

      Cf http://seenthis.net/messages/390971

      En effet, ce à quoi le texte de "l’accord" fait le plus penser, mais qui rend difficile d’éviter le #point_Godwin, c’est une variante soft du "protectorat" où toute l’économie d’un pays est mise sous séquestre dans un but punitif, comme la Tchécoslovaquie sous Heydrich (ou justement la Grèce pdt la guerre).

      Si on fait le rapprochement entre "l’accord" grec (et surtout à la fermeture des banques, la hausse de la décôte sur les liquidités d’urgence de la BCE qui a immédiatement précédé le sommet, etc) et l’actuelle offensive turque contre les kurdes et l’opposition de gauche, le HDP en particulier (supposé être le Syriza turc et qui avait fait un score record aux dernières élections), on assiste à une contre-offensive brutale du néo-libéralisme contre tout ce qui pouvait venir contrecarrer les politiques d’austérité, de contraction des salaires, de dérégulation du marché du travail, etc.

      Ceci dit, il y a aussi, et c’est pour ça que j’avais employé le terme, peut-être hâtivement, une composante coloniale forte dans l’essentialisation de l’indigène grec, supposé "paresseux" et "pas sérieux" - cf la couverture récente du Spiegel (qui est l’équivalent en Allemagne du Nouvel Obs, plutôt un magazine pour la bourgeoisie cultivée) :
      "Nos Grecs - tentative d’approche d’un peuple étrange"
      (qui rappelle les "Nos nègres" ou "Nos Juifs" d’antan)

      https://magazin.spiegel.de/EpubDelivery/image/title/SP/2015/29/300

      Quant à la différence de point de vue entre l’Allemagne version Schäuble d’un côté et la France ou l’Italie de l’autre, elle a été causée, outre l’intervention des Etats-Unis qui paraît avoir été déterminante, qu’à une différence économique (enfin, c’est ce qu’a mentionné l’autre jour un éditorialiste du Financial Times) : l’Allemagne sortirait tout à fait indemne de la sortie de la Grèce de l’euro alors qu’elle provoquerait immédiatement la spéculation des marchés sur la dette publique française et italienne.

    • Je suis bien d’accord, @cie813, sur l’aspect punitif (qui vaut par delà la Grèce, prolétarisés allemands et européens compris). Merci pour la synthèse que tu fournis sur certains points. Mais ce que tu dis toi même à propos de l’Allemagne passée ressortit plus de la guerre que de la colonisation, modalité qui me parait (par ignorance ?) assez étrangère à l’histoire du capitalisme allemande, plus industriel et marchand que colonial.
      L’#hostilité ne pouvait sans doute pas être suffisamment assumée par des dirigeants « bourgeois » formés dans les grandes écoles capitalistes (et la survivance trotskiste), dans la société grecque et de ce fait aussi sur le théâtre des opérations extérieures. À sous estimer la violence du conflit, on s’oblige à inventer une manière de renverser la table ou on perd.

    • Grèce : à #Hellinikon, la guerre des mondes est déclarée

      Depuis « l’accord » extorqué à la Grèce par la Troïka, les terrains de l’ancien aéroport d’Athènes sont de nouveau sous la menace d’une privatisation. Un armateur rêve d’en faire un centre commercial géant. Les initiatives solidaires qui y sont nées depuis le début de la crise sont menacées.

      http://www.humanite.fr/grece-hellinikon-la-guerre-des-mondes-est-declaree-580295

    • Beni pubblici, Grecia vende 14 aeroporti alla tedesca #Fraport per 1,23 miliardi

      Il governo greco ha approvato la cessione di 14 aeroporti regionali al gestore tedesco Fraport per 1,23 miliardi di euro. Lo si è appreso dalla Gazzetta ufficiale di Atene, con una risoluzione firmata dal vicepremier Yanis Dragasakis, dai ministri delle Finanze, Euclides Tsakalotos, Economia, Yorgos Stathakis, ed Energia, Panos Skurletis.

      http://www.ilfattoquotidiano.it/2015/08/18/beni-pubblici-grecia-vende-14-aeroporti-alla-tedesca-fraport-per-123-miliardi/1965257

  • Grèce retour, Bernard Aspe, via un mel de @cie813
    http://laviemanifeste.com/archives/10528

    La véritable question aurait été celle de l’alternative concrète, qui aurait peut-être été rendue possible par ce que nous avons entrevus le soir du référendum : un peuple d’Europe refuse « l’Europe », donc pour parer à l’urgence (circulation de vivres et de médicaments) il peut faire appel à ces gouvernements d’Amérique du sud (Bolivie en particulier, Vénézuela, peut-être même l’Argentine) au nom de la solidarité révolutionnaire. C’est délirant ? Alors, cessons de délirer et arrêtons de parler d’une transformation du monde ; pour une fois, cette transformation nous a paru si ce n’est à portée de main du moins à portée de regard pour les peuples du monde. Cette aide aurait-elle été possible ? Aurait-elle suffi ? Peut-être aurait-il fallu passer des compromis plus douteux (avec la Russie, avec la Turquie) comme le propose Badiou de façon un peu désinvolte. S’il avait fallu, cela aurait été mieux : #stratégie compliquée, impure, plutôt que soumission, renoncement, reniement.

    Mais tout le problème vient de là : par définition, #Siryza qui ne se voulait pas une organisation révolutionnaire ne pouvait lancer un tel appel (a fortiori Podemos). C’est pourtant seulement un appel de ce type qui aurait pu faire changer les choses d’une façon inouïe (pour notre génération). Imaginons que cela aurait un tant soit peu fonctionné ; imaginons qu’une #solidarité_révolutionnaire_internationale ait trouvé des formes concrètes. Imaginons que grâce à elles, la #Grèce, loin de sombrer dans le chaos, ait pu montrer qu’une vie meilleure à bien des égards, et pas moins confortable est possible hors de l’Europe, hors de l’euro, hors de l’économie capitaliste… C’est cela qui a été entrevu, qui a été possible. Peut-être la CIA aurait-elle fini par intervenir comme à l’époque d’Allende, mais c’est une autre époque, alors on ne sait pas.

    Ce qui a été raté, c’est le premier geste concret d’une alliance révolutionnaire qui ne serait pas resté un appel bien-pensant et confortable, comme le font les partis de gauche tout en différant sans cesse le moment de commencer à poser les jalons pour le mettre en œuvre.

  • Percer le #secret sans le #complot, grâce à la #veille

    Plutôt que de considérer l’#attention partielle continue comme un problème ou un défaut, nous pouvons la réenvisager comme une compétence de survie numérique. Le plus souvent, notre attention est continue et partielle jusqu’à ce que nous soyons si puissamment saisis par quelque chose que nous devons nous fermer à tout le reste. Ces épisodes bénis d’absorption continue, concentrée et dénuée de toute distraction sont délicieux — et dangereux. C’est dans ces moments que nous ratons le gorille [cf. expérience du gorille de Daniel Simons] — et tout le reste.

    La leçon à tirer de la cécité attentionnelle, c’est que l’attention unique, concentrée, directe, centralisée sur une seule tâche — qui fournissait l’idéal de la productivité industrielle au XXe siècle — est certes efficace pour la tâche visée, mais qu’elle nous aveugle sur d’autres choses importantes que nous avons également besoin de prendre en considération.

    Dans notre monde global, divers, interactif, où tout semble avoir une face cachée, l’attention partielle continue pourrait bien être non seulement une condition de vie, mais aussi un précieux instrument de navigation au sein de ce monde complexe. Cela sera d’autant plus vrai que nous parviendrons à compenser notre propre attention partielle en collaborant avec d’autres personnes capables de voir ce que nous ratons. C’est à cette condition que nous pourrons augmenter nos chances de réussite et espérer voir la face cachée des choses — ainsi que la face cachée de cette face cachée elle-même.

    Source : Cathy Davidson, Now You See It, p. 287, cité (et traduit) par Yves Citton, Pour une écologie de l’attention, p. 268.

  • CIP-IDF > Thompson et le problème de la conscience, Bernard Aspe
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=7111

    Edward P. Thompson est historien, il a écrit relativement peu de livres, et seuls deux d’entre eux ont été traduits en français, dont son oeuvre majeure, La formation de la classe ouvrière anglaise [1].

    De cet ouvrage, il ne faut pas seulement dire que c’est sans doute un des plus beaux livres d’histoire qui ait été écrit ; car c’est aussi l’une des recherches les plus fondamentales pour comprendre le nouage entre la méthode historique et le problème de la constitution d’un sujet politique.

    #classe #luddisme #communs #révolution_industrielle #conscience_de_classe #subjectivation

  • Horizon inverse, de Bernard Aspe, éditions nous
    http://www.editions-nous.com/main.html

    Premières pages :

    L’économie culturelle dans laquelle nous baignons, si nous avons la « chance » d’y accéder, a de quoi nous rendre mélancoliques. Comme le notait Agamben il y a déjà longtemps, elle ressemble à une tentative d’exorcisme qui aurait été indéfiniment reconduite. Il fut un temps où la culture n’avait d’autres promesses que de nous délivrer de la culture — comme « réalité séparée ». Les avant-gardes du début du xx e siècle avaient encore ce projet. Mais par la suite, c’est-à-dire depuis leur échec, qui est aussi celui du mouvement révolutionnaire que la plupart du temps elles avaient voulu accompagner, un tel projet de libération s’est absenté. La culture n’est plus ce dont il s’agit de se délivrer comme sphère séparée, en tant que cette délivrance est la promesse d’une trans- figuration du quotidien ; elle est le seul espace vers lequel nous sommes encore capables de ranger nos éventuels désirs d’immortalité.

    Deleuze en a donné la philosophie ad hoc : s’il s’agit de dégager l’événement des états de choses, ce dégagement ne peut avoir lieu que sur le « plan de consistance » qui est celui des œuvres — et celles-ci sont irrémédiablement singulières. Toute l’« ontologie » deleuzienne peut être lue comme une spéculation, ou plutôt une exaltation spécu- lative de ce qu’est l’état de la culture après la fin du mouvement révolutionnaire. Boris Groys l’a complétée en en dévoilant la facette non- spéculative : il n’y a de singularité que culturelle, c’est-à-dire répertoriable sur le marché de la culture, et identifiée au nom propre qui est censé la résumer. Nous ne demandons plus aux œuvres de nous promettre quoi que ce soit, si ce n’est de subsister par elles-mêmes, en tant qu’œuvres, en leur irréductible disparité, au sein de cet espace qui leur permet de s’exposer, et qui s’accommode si bien avec le capital qu’il en est devenu l’un de ses secteurs les plus proprement productifs.

    Les deleuziens, eux, ne sont donc pas mélancoliques. Et s’il en est ainsi, c’est qu’ils ont réussi à faire un deuil. De quoi ont-ils fait le deuil ? Pas seulement de l’ancien mouvement révolutionnaire et de ses visées proprement politiques. Mais aussi, plus profondément, des espérances qui les accompagnaient, qui concernaient justement ce qu’on pourrait appeler : la vie ordinaire. On n’a cessé d’opposer, tout au long du siècle passé, deux formes de politique révolutionnaire : l’une attachée à la mise au jour des rapports de classes, avec pour visée une abolition de l’exploitation ; l’autre avant tout centrée sur l’analyse critique de la vie quotidienne et des formes d’aliénation ou de mutilation qui s’y révèlent. En réalité, ces deux politiques ont toujours cheminé de concert — ou auraient dû. Elles ne se sont opposées qu’en raison de rigidités éthiques contingentes ; elles ne s’opposent encore aujourd’hui que dans les dogmes figés des leaders soucieux de marquer leur singularité, à l’image de n’importe quel artiste-penseur contemporain — comme si la logique de l’économie culturelle, aujourd’hui plus que jamais, contaminait les micro-espaces de la politique radicale. Mais qui ne voit que l’éradication de l’exploitation ne peut que signifier également une transformation des relations entre les êtres, une transformation qui ne saurait avoir d’autre lieu que la vie ordinaire.

    En quoi pourrait ou aurait pu consister une telle transformation ? Peut-être en ceci que la mélancolie n’aurait pas été vouée à avoir sempi- ternellement le dernier mot dans les affaires humaines, même pour les êtres lucides. Le mélancolique sait que la lumière qui se dégage des relations humaines est une fausse lumière. Disons alors que guérir de la mélancolie ne peut que signifier : trouver une confiance nouvelle en ce que peut être cette lumière. Il sera question d’éclipse dans l’un des textes de ce recueil. On appelle « quatrième contact » le moment où le disque solaire se détache du disque lunaire, à la fin d’une éclipse solaire. Ce serait peut-être l’image adéquate de cette guérison.

    Mais précisons un peu ce que pointe l’idée d’un savoir mélanco- lique. J’entends par là, et c’est au moins un point sur lequel s’accordent les plus désabusés des psychanalystes et les plus exaltés des « spino- zistes » : le savoir qu’il y aurait d’une distance infranchissable entre les êtres. Comme on le voit, on peut en tirer des conclusions diverses : d’un côté la nécessité d’admettre la castration pour échapper à la névrose ; de l’autre une matière à jubilation monadologique — même si cette jubilation, réservée aux seuls espaces de « création », peut s’accorder sans trop de mal et en dépit d’un apparent paradoxe avec une vision fonda- mentalement célinienne de la vie. Dans les deux cas, et contrairement à ce que veulent nous faire croire les lectures les plus superficielles de Deleuze, l’accord essentiel porte sur ce point : il n’y a pas de relations réelles.

    Par relations réelles, et en supposant que celles-ci existent, il faut entendre deux choses : d’une part que les êtres, même s’ils se font parlants, ne sont pas condamnés à vérifier qu’il ne peuvent communi- quer — c’est-à-dire littéralement, mettre en commun ce qu’ils ont à dire, à faire, à sentir. D’autre part, que ces relations ne sont pas imaginaires, comme pourraient l’être les projections que chaque entité monadique fait sur chaque autre. Les relations sont tout aussi réelles, exactement aussi réelles, que les termes qu’elles relient : elles sont, disait Simondon, « au même niveau de réalité » que ces derniers. Et la réalité ne renvoie pas au tissu imaginaire des représentations censées nous permettre l’éli- sion de la coupure du réel ; elle ne renvoie pas non plus au tissu des opinions censé nous protéger du « chaos » ; elle renvoie au lieu où se tiennent l’existence et les actes qu’elle appelle.

    Cette dramatisation de l’existence a une histoire, ou plutôt, pour tout lecteur un peu informé, elle fait partie de l’histoire des idées : c’est le nom propre Kierkegaard qui y est le plus spontanément associé. Mais Kierkegaard, et tout l’existentialisme qui en est issu avec plus ou moins de bonheur, représente aussi la pensée qui reste prise dans la tournure dialectique, obnubilée par ce avec quoi elle polémique — à savoir la dialectique spéculative de Hegel, qui est exactement ce avec quoi la philosophie du siècle dernier est censée en avoir fini. Pour Deleuze, le mouvement de la différence pensée « en elle-même » n’a pas vocation à se laisser enfermer dans la logique du négatif, qu’expose avec tant de puissance l’œuvre hégélienne : il est au contraire ce qui permet le dégagement d’une pensée résolument anti-dialectique, et par là même avant tout « affirmative ». Mais cette opposition entre la positivité de la différence non-dialectisable et la négativité dans quoi resterait enfermée la pensée dialectique procède d’un mauvais diagnostic. Elle ne fait que généraliser à toute pensée de la dialectique l’erreur qui aura été celle de la pensée critique, à savoir : avoir fait usage de la dialectique pour conce- voir l’antagonisme politique, et avoir en revanche évacué toute mise au jour d’un travail dialectique dans l’approche du subjectif.

    Au lieu de corriger Hegel en généralisant la négativité, c’est-à- dire en reprenant le schème de la négativité dialectique-spéculative et en défaisant partout la possibilité jugée lénifiante de la réconciliation, il aurait fallu faire deux opérations allant en sens inverse. Premièrement, radicaliser la négativité révolutionnaire en posant la séparation au-delà de toute synthèse, réconciliation ou composition des contraires, comme l’a fait notamment l’école opéraïste italienne. Car la négativité n’est pas dialectique, elle est antagonique et échappe à tout « travail ». Elle n’est pensable que depuis les actes révolutionnaires, l’affrontement des deux camps et les stratégies mises en œuvre pour prendre l’avantage dans cet affrontement. Deuxièmement, reprendre ce que la « synthèse » hégé- lienne pouvait indiquer — une certaine puissance de la réconciliation, ou du maintien coûte que coûte de la co-existence, de l’être-ensemble des « termes » supposés incompatibles. Ce que Hegel cherchait dans l’expli- citation de la méthode dialectique, c’était la possibilité de concevoir la réalité de la relation, sous la forme d’une inhérence réciproque des êtres.

    On dira peut-être que ce que Hegel a permis de concevoir, c’est bien plutôt une inhérence réciproque des consciences (exemplairement dans la dialectique du maître et du serviteur) ; et qu’aujourd’hui il n’y a pas de meilleure illustration d’une telle dialectique que celle que les sociologues s’amusent à formaliser sous le motif de la « récursivité ». Ce formalisme suppose que toute relation est réductible à une « inte- raction » qui place le locuteur X devant la nécessité non seulement de deviner ce que pense son interlocuteur Y, non seulement de prendre en compte que Y cherche à deviner ce que pense X, mais plus encore de se comporter lui-même en sachant que Y cherche à deviner ce que X a lui-même deviné des intentions de son alter ego. On parle ici de récursivité dans la mesure où X intègre dans son comportement le fait même que le comportement d’un être parlant est susceptible de cacher quelque chose, qu’il appelle ainsi l’autre à deviner ce qui est éventuelle- ment caché « derrière », et qu’il doit tenir compte de cette tentative pour construire sa propre stratégie relationnelle. On a ici le modèle minimal de ce qui pourrait apparaître comme une réflexivité exacerbée, une sorte d’auto-surveillance généralisée, qui correspond en son fond à la percep- tion mélancolique du : tout est déjà jugé. Lorsqu’on n’est pas intégrale- ment livré à cette perception (à sa vérité, pourrait-on dire), il s’agit alors seulement de s’en tirer sans montrer ses faiblesses, et d’essayer quelques coups qui pourront apporter un minimum de bénéfices.

    C’est effectivement le noyau dur de toute interaction sociale, censée être effective partout, à tout moment. La question est alors de savoir si toute relation se réduit à une interaction. S’il existe bien un au-delà de l’interaction — ce qui semble être un postulat théorique, mais que conforte la plus ordinaire des expériences — alors celui-ci peut être approché, dans la figure de la consistance d’une relation trans- individuelle (il est essentiellement question de cette dernière dans les pages qui vont suivre), comme un travail dialectique.

    La dialectique est attachée à la possibilité de penser l’inhérence mutuelle réelle des êtres parlants, qui semblaient voués, du fait même de leur capacité ambiguë à la parole, à ne jamais pouvoir réellement savoir ce que pouvait signifier : être ensemble. Elle renvoie donc à la relation réelle qui s’inscrit entre des individus, si ceux-ci ne désignent pas des entités closes sur elles-mêmes (ou sur leur propre multiplicité, comme les « monades ouvertes » du deleuzisme), mais des êtres qui sont chaque fois plus qu’un. Qu’il y ait une relation réelle entre des individus, une relation proprement transindividuelle, signifie avant tout ceci : il y a de l’inséparé 1.

    Mais qu’il y ait de l’inséparé ne signifie pas que la séparation soit un mirage, ou une contingence, ou l’effet d’une aliénation spéculaire ou spectaculaire. La séparation renvoie à l’irréductible de la division. Le travail dialectique est proprement le travail de la division, qui mobilise par définition une forme du deux. Il ne conduit pas au dépassement du deux dans un trois : il maintient le deux, en y révélant ce qui, du fait de ce deux, s’inscrit en chaque un. Mais même s’il est vrai que le deux de la division n’a pas vocation à se dépasser dans un trois, il est vrai également que pour le dialecticien il ne peut y avoir deux sans qu’il y ait immédia- tement trois (même si les bons commentateurs de Hegel ont noté que le schème dialectique n’était pas ternaire, mais binaire-quaternaire). On entend généralement ce point de façon triviale : aux termes, s’ajoute la relation. Ce n’est pas faux, mais pas non plus tout à fait exact. Il faudrait plutôt dire : aux deux termes s’ajoute le commun des deux. C’est ce commun que nomme l’inséparé. Le travail dialectique n’est donc pas l’abolition de la séparation en vue d’un avènement de l’inséparé, mais la mise en œuvre des conditions par lesquelles le séparé et l’inséparé — en tant qu’ils se disent du même « objet » — peuvent être tenus ensemble. Autrement dit, le travail dialectique est ce qui permet l’inséparation du séparé et de l’inséparé.

    C’est du moins à une telle approche que se tiennent, sous des angles différents, les trois textes du présent recueil. La dialectique, disait Hegel, est à la fois une méthode de pensée et l’objet de cette méthode, ou plutôt elle est la méthode qui ne peut laisser son objet à l’extérieur d’elle-même. Il y a sans doute plusieurs manières d’entendre cette exigence. Hegel a résolument choisi la voie spéculative, qui a pour défaut d’attribuer à la pensée des puissances de résolution qu’elle n’a pas. Mais il existe un espace entre le spéculatif, qui est la tenta- tion philosophique à laquelle il est nécessaire de résister, et ce qui, entre Wittgenstein et Foucault ou Rancière, me semble constituer « l’objet » propre de la philosophie : l’analyse des discours de vérité. C’est un tel espace intermédiaire qui situe selon moi le lieu de la dialectique.

    Je voudrais, pour achever ce parcours introductif, préciser davan- tage de quelle manière il faut comprendre ici la convocation du deux de la division, et par là même le travail dialectique qui s’y rattache. Je prendrai l’exemple de la communauté amoureuse. L’inséparé, c’est ce qui, en elle, correspond à l’élément proprement indestructible. Son exis- tence n’enlève rien au fait de la séparation, qui marque l’irréductible du non-un. Il ne se réduit pas pour autant au fantasme de la « fusion ». L’inséparé, c’est le réel de la relation portée par chaque un. Il peut se révéler à l’occasion d’une rupture. Alors, ce qui se déchire, ce n’est pas l’inséparé, mais ce qui tenait ensemble le séparé et l’inséparé — l’insé- paration qu’il y avait entre eux. Autrement dit, si les conditions de la rupture ne permettent pas de maintenir d’une manière ou d’une autre cette inséparation, alors l’inséparé, qui ne peut être détruit, est logé quelque part dans un lieu inaccessible du sujet, et s’y trouve enfermé comme dans une crypte.

    J’ai parlé ici de la dualité amoureuse, qui comporte une mise en travail de la division — par exemple, celle qui disjoint les positions sexuées femme et homme. Mais c’est toute communauté qui existe en fonction d’un semblable travail, et en particulier toute communauté politique, quelle que soit l’extension donnée à cette dernière. Le deux ne renvoie pas nécessairement au nombre d’entités en présence, mais toujours en tout cas à une mise en travail du divisé. Chaque communauté se soucie de préserver la part d’inséparé qui transite par ses membres, mais s’expose en même temps à ce qui peut déchirer leur être ensemble. On peut dire de chacune, en ce sens, ce que Nicole Loraux dit de la cité athénienne 2. Le conflit qui est susceptible d’y être traité, c’est celui qui n’aboutit pas à l’antagonisme — même s’il ne peut que rouvrir en permanence la possibilité de l’antagonisme. Le conflit démocratique tel que l’analyse Loraux est à la fois la conjuration et la convocation de la stasis. La division hante la cité grecque, mais ce spectre, ce refoulé, n’est pas une simple persistance négative : il est bien plutôt le secret de la vraie richesse de l’invention politique grecque. S’il peut y avoir une collectivité démocratique, c’est dans la mesure où celle-ci est toujours exposée à la division, et sa cohésion est maintenue par ce risque même. La division est elle-même un lien, parmi les plus intenses de tous les liens 3. Il faut alors seulement prendre garde de bien distinguer le travail de la division au sein de la communauté politique et le travail de l’anta- gonisme qui se rapporte à l’existence de l’ennemi. Car l’antagonisme politique se reconnaît précisément à ceci que les termes mis en rapport n’ont entre eux rien de commun en tant qu’ennemis. Ce qui veut dire qu’il y a entre eux une séparation pure. L’impossibilité de les dialectiser procède du constat de cette séparation.

    Mais la question de la division ne se pose pas seulement au niveau de la communauté, amoureuse ou politique. Ce n’est certes pas par métaphore que nous pouvons parler de la division subjective. Reconduite à son principe élémentaire, elle renvoie au hiatus qui maintient irréductiblement séparées la pensée et l’existence. De l’une à l’autre, nous dit Kierkegaard, il y a un saut. Mais ce saut implique deux choses : qu’il y ait des actes, sans lesquels le rapport dans le non-rapport ne se fait pas ; et qu’il y ait une idée, issue d’un discours de vérité qui les éclaire. Ou plus exactement : qu’il y ait une idée, en tant qu’elle n’est rien d’autre, en tant que telle, que le passage à l’acte lui-même. Il n’y a d’idée politique, par exemple, que là où sont portés des actes qui s’imposent à ceux qui n’en voulaient pas. On pourrait dire alors que l’idée a, au niveau de la division subjective, la fonction de l’inséparé.

    Mais l’idée n’est pas donnée une fois pour toutes. Les existenti- alistes avaient du moins raison d’insister sur ce point : un acte isolé est sans valeur. Ce qui signifie : avec la possibilité de l’isolement, l’existence revient — et avec elle la séparation. Comment alors tenir inséparées l’idée et l’existence ? Restons dans le vocabulaire de Kierkegaard : l’idée n’existe que si sa reprise est possible, c’est-à-dire si l’acte qui l’accom- pagne est à nouveau reconduit. Mais qu’il y ait reprise de l’idée, ou reconduction de l’acte, signifie que le sujet ne reste pas seul. Un acte isolé n’existe pas plus qu’un sujet esseulé. Il n’y a de sujet que là où a lieu un partage de l’acte. C’est seulement là où existe un tel partage que l’idée peut être maintenue dans l’existence.

    #livre #antagonisme #transindividuel #communisme

  • Oxford Journals | Humanities | Past & Present |
    E. P. Thompson Special Issue
    http://oxfordjournals.org/our_journals/past/thompson.html

    La revue d’histoire Past & Present présente une rétrospective en trois parties sur l’oeuvre d’E.P. Thompson. La première partie porte sur The Making of the English Working Class et regroupe quinze articles, en accès libre jusqu’à fin mars.

    Du coup, je rappelle l’existence de Thompson et le problème de la #conscience, par Bernard Aspe
    http://multitudes.samizdat.net/Thompson-et-le-probleme-de-la

    #classe #histoire #E.P_Thompson

  • Le temps de l’œuvre, le temps de l’acte : Entretien avec #Bernard_Aspe
    http://www.inflexions.org/n5_t_bordeleauhtml.html

    Il me semble en effet que, plus que jamais, le sujet de l’économie capitaliste est soumis à une injonction contradictoire : on attend de lui qu’il vive le temps de sa vie comme étant celui de son accomplissement (le seul qui lui soit donné : « le temps qui lui reste », en ce sens) et qu’en même temps il se soumette à l’accélération généralisée qui caractérise l’état présent du monde du capital (je pense ici au livre important de Hartmut Rosa : Accélération. Une critique sociale du temps, La découverte, 2010), et qui ne cesse de contrarier, en le retardant indéfiniment, cet accomplissement. Une accélération qui obstrue simultanément toutes les dimensions du temps : l’avenir ne doit pas être accueilli en son impensabilité propre, mais géré ; le rapport au passé n’est plus entretenu par un art de la mémoire (qui pourrait par exemple restituer leur présence absente à ceux que Simondon appelait « les vivants du passé »), mais objet d’une commémoration (ou d’un refoulement) ; et le présent, qui semble plus que jamais privilégié (les sociologues parlent même de « présentisme » pour désigner l’incapacité du sujet à se rapporter à un horizon qui excède l’expérience du moment) est en réalité esquivé, contourné, conjuré. Car il n’y a pas de présent sans une résolution (je sais que c’est là un motif heideggérien, mais nous trouvons son origine dans la lignée Schelling–Kierkegaard) qui nous fait être exactement là où nous sommes, et surtout qui nous y fait être sans réserve. Or, le sujet de l’économie ne peut « jouir du présent », comme il ne cesse de le clamer, que s’il sait qu’il lui reste plusieurs possibilités de vie en réserve, et qu’il maintient ainsi plusieurs portes ouvertes — dans la mesure où il sait bien que ce qu’il expérimente pourrait quelque jour ne plus lui convenir. Il a besoin de se rassurer en se disant que la vie qu’il a n’est pas la seule possible, qu’il lui sera toujours possible de « changer ». Ainsi fait–il confiance à ce qu’il lui reste encore à expérimenter, comme d’autres en d’autres temps plaçaient leur foi en un autre monde, dont ils n’avaient pas encore l’expérience. Le monde est devenu intégralement immanent, la fausse transcendance est restée : elle n’est plus guère celle de l’outre–monde, mais bien plutôt celle des expériences de vie qui restent encore à explorer. Etre quelque part — être situé dans le monde — est pour notre contemporain un objet de panique.

    Disons que le sujet de l’économie a mal lu Spinoza : il croit qu’il doit se laisser diriger par la question « qu’est–ce que je désire ? » Au besoin, il va chez le psychanalyste pour demander conseil. Mais il n’a pas compris que la question de ce qu’il désire ne pouvait trouver à se résoudre que depuis la compréhension d’une nécessité. C’est lorsque je suis en adéquation avec ce que l’on pourrait appeler une nécessité subjective (car je ne parle pas ici de nécessités qui seraient imposées par « l’ordre des choses ») que je peux enfin m’y retrouver dans ce que j’appelle « mon désir ».

  • L’instant d’après. Projectiles pour une politique à l’état naissant, #Bernard_Aspe, 2006
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4705
    (avec un #bibliographie_en_ligne partielle de Bernard Aspe)

    Dans l’ordre démocratique-policier qui est le nôtre, les communautés humaines sont rassemblées sous le commandement de ceux qui ont des titres à commander, titres prouvés par le fait qu’ils commandent. La politique est précisément la rupture de cet ordre-là. L’Instant d’après survient sur les traces immédiates de cette rupture. C’est l’instant décisif où se décide si, une fois de plus, elle va aboutir au désaccord entre le dire et le faire, à l’élargissement de la distance entre le fantasme et le réel, ou si au contraire elle va permettre l’émergence de nouvelles #formes_de_vie.

    Il ne s’agit pas de proposer de nouvelles théories politiques, encore moins des systèmes d’organisation. Il s’agit plutôt de montrer comment sortir des oasis, de ces refuges dans notre fuite, que sont aussi bien la création d’une œuvre, la « réalisation de soi », l’action militante ou la vie d’une collectivité autonome. Car « beaucoup de ceux qui ont regardé les événements de novembre 2005 ont d’abord éprouvé l’absence d’un espace politique à la hauteur de ces événements. Ceux-là avaient déjà l’habitude de ne rien attendre du #militantisme et s’étaient sans doute pour la plupart éloignés de l’étouffement radicaliste... C’est à eux, justement, les êtres les plus quelconques, plus ou moins perdus dans leurs études et leurs métiers, plus ou moins empêtrés dans les restes d’un État-providence qui tournent en hypercontrôle sélectif, c’est à eux qu’il revient de faire en sorte que de l’imprévisible, et donc du réellement menaçant, ait lieu ».

    En donnant un sens nouveau à des notions anciennes - l’éthique, le messianisme, le #jeu - en convoquant là ou elles sont peu attendues de grandes figures philosophiques - #Kierkegaard, Wittgenstein - Bernard Aspe explore le sable du désert autour des #oasis où nous attendons l’instant d’après. « Sur le sable, il y a aussi des marques laissées par d’autres. Ambivalence des empreintes : elles peuvent nous livrer à la #police, mais elles sont aussi la preuve que nous ne sommes pas seuls. »

    Sommaire

    Le sable du #désert
    Jeux(I)
    Élément éthique
    Véridictions
    Jeux(II)
    Empreintes
    Notes

    #livre_en_ligne #communisme

  • Le sang des gestes, Bernard Aspe
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=5611

    La réussite du capital ne tient pas à l’atomisation des individus, mais à ceci qu’il réussit chaque jour, pour chacun, à transformer « le temps presse » en « je n’ai pas le temps. » Si les sujets, aujourd’hui, ne sont pas dans la lutte, ce n’est pas que cette dernière ne serait pas à leurs yeux justifiée, ce n’est même pas d’abord parce qu’ils auraient peur de ses conséquences, c’est avant tout parce qu’ils n’ont pas le temps de la mener.

  • Thompson et le problème de la conscience
    par Bernard Aspe
    http://multitudes.samizdat.net/Thompson-et-le-probleme-de-la

    Edward P. Thompson est historien, il a écrit relativement peu de livres, et seuls deux d’entre eux ont été traduits en français, dont son oeuvre majeure, La formation de la classe ouvrière anglaise [1]. De cet ouvrage, il ne faut pas seulement dire que c’est sans doute un des plus beaux livres d’histoire qui ait été écrit ; car c’est aussi l’une des recherches les plus fondamentales pour comprendre le nouage entre la méthode historique et le problème de la constitution d’un sujet politique. L’ensemble de l’ouvrage présente une approche immanente à la constitution d’une conscience de classe : la première partie (« L’arbre de la liberté ») explore la manière dont se développe en Angleterre une conscience révolutionnaire jacobine, sous l’impulsion de la Révolution Française ; la deuxième partie (« La malédiction d’Adam ») met au jour l’opération de démantèlement de cette conscience par l’offensive capitaliste articulée à la « révolution industrielle » ; la troisième partie (« Présence de la classe ouvrière ») montre comment la conscience de classe ouvrière émerge peu à peu, à partir de la recomposition d’éléments de la conscience révolutionnaire jacobine dans un monde transformé. Mais qu’entend-on, exactement, par « conscience » ? Et surtout : le terme est-il adéquat pour saisir la réalité subjective dont il tente de rendre compte ?