person:bruno latour

  • Penser « la nature et la société » face à la catastrophe climatique (ou : le procès de Bruno Latour)
    https://www.cairn.info/revue-zilsel-2019-1-page-367.htm
    À propos d’#Andreas_Malm, The Progress of This Storm : Nature and Society in a Warming World, Londres, Verso, 2018, 248 pages

    L’une des tares de l’« hybridisme » est de brouiller ces pistes. C’est pourtant une bannière sous laquelle une bonne partie de la théorie sociale actuelle est produite, déplore Malm. Et, selon lui, #Bruno_Latour est « la source d’inspiration principale de cette façon de penser », de ce « dissolutionnisme » qui « proclame que la société et la #nature sont devenues impossibles à distinguer parce qu’elles sont en fait une seule et même chose » (p. 44-46). Avec cette incrimination commence le procès de Latour dans The Progress of This Storm, en tête de la cohorte de ces théoriciens pour lesquels, semble-t-il, « il n’y a pas d’extase plus élevée que la dissolution des dualismes » (p. 185). Cette tendance s’exprime notamment sous la forme d’un anti-cartésianisme. Mais en réalité, ce rejet est superficiel, car Malm décèle dans l’hybridisme les traces fatales d’« une forme extrême de dualisme » de la substance – puisque c’est la conception d’une radicale différence de la nature et de la société qui interdit à Latour et consorts d’envisager leur coexistence. Ergo, « l’hybridisme est au cartésianisme ce que les cigarettes électroniques sont aux cigarettes » (p. 51).

    Il faut donc l’abandonner, au profit d’un « monisme de la substance » et d’un « dualisme des propriétés » permettant de penser les relations de dépendance et les différences entre des entités présentant une certaine communauté de substance, mais des propriétés différentes. Le fait que l’arbre se nourrit de la terre et dépérit sans elle n’oblige pas à les confondre ; de même, le fait que la société ne peut se déployer hors de la nature n’empêche pas de reconnaître qu’« elle s’est ramifiée dans d’innombrables directions dans le cours de ce que nous appelons l’histoire » (p. 52-59). Car si « les propriétés sociales dépendent, en dernière instance des propriétés naturelles », leur caractère émergent implique qu’elles ne peuvent être réduites aux propriétés naturelles des entités qui les supportent. Face à une marée noire ou au « trou » dans la couche d’ozone, la pensée véritablement écologique implique ainsi de reconnaître que « tout est connecté », mais aussi que les relations de production à leur origine « sont matérielles et sociales et non naturelles » (p. 63-70). Ainsi, « le changement climatique n’est pas construit mais provoqué [not built but triggered]. Le climat n’est pas créé mais changé, débloqué, perturbé, déstabilisé [changed, unhinged, disrupted, destabilised]. » Le choix des mots importe ici, et Malm appelle à oublier le lexique de l’hybridisme, qui conduit à considérer « qu’il n’y a rien de qualitativement différent entre le processus de la photosynthèse et celui de négociations climatiques à l’ONU », au profit de celui de l’articulation : il est important en effet de pouvoir considérer la façon dont les configurations sociales, par exemple celles qui sont au principe de l’économie fossile, s’articulent (« combine ») avec des processus naturels qu’elles ne peuvent pas modifier (p. 73-74).

    Pour Malm, l’aspect intentionnel des activités humaines les différencie de façon essentielle des processus (simplement) naturels. Il y a donc un risque important à succomber au charme des sirènes du « nouveau matérialisme », qui met en valeur l’« agentivité » de la matière inanimée (par exemple celle des fleuves, des espèces chimiques ou des forces géophysiques). Cette focalisation a en effet entraîné certains auteurs à se passer de la distinction entre une action intentionnelle et « la [simple] production d’une différence dans un état de fait » – pour reprendre la définition donnée par Latour de cette « agentivité ». Cette option analytique n’est pas seulement à contre-courant du sens pratique commun, elle est aussi invalidée par un vaste corpus de philosophie de l’action, auquel Malm consacre quelques pages. Pour ce qui concerne le changement climatique, notamment, il importe de distinguer les choix effectués par certains collectifs humains au cours de leur histoire (et les intentions à leur origine) des processus constitutifs du système climatique : en l’occurrence, ce qui est en cause dans le réchauffement actuel, ce sont bien les activités humaines, « le reste n’est que conséquences [physico-chimiques] » (p. 108). L’autre problème, crucial dans la perspective activiste de Malm, est que la dissolution de l’intentionnalité humaine fond dans la masse (celle des « agents ») les responsables aux manettes de l’économie fossile : pour lui, la dissertation sur l’agentivité du charbon, par exemple, produit un écran de fumée coupable, car nuisant à l’analyse des décisions politiques, économiques, industrielles, etc. que l’on peut estimer aujourd’hui à l’origine du changement climatique (p. 98-99, 111-112). Pour Malm, c’est d’autant plus incompréhensible que certains acteurs clés de cette histoire ne cachent pas du tout les intentions qui les animent. L’exemple de Rex Tillerson, 41 ans de service dans l’industrie pétrolière, à la Maison-Blanche auprès de Donald Trump (jusqu’à son limogeage en mars 2018), est édifiant : « ma philosophie [sic] c’est de faire de l’argent. Si je peux me faire de l’argent en forant, c’est ce que j’ai envie de faire » (cité p. 106).

    Malm souligne aussi que face à ce type d’acteurs (et à leurs réseaux), responsables de la « violence irrationnelle » consistant à persister dans l’exploitation du charbon, ou dans l’extension des infrastructures au service des automobiles ou de l’aviation, l’abandon de toute référence à l’idéal de vérité scientifique, au profit d’une analyse de la « robustesse » dérivée de la puissance intéressée d’acteurs (et d’actants) alliés, constitue une expérience heuristique politiquement néfaste. Il est difficile, remarque l’historien, d’établir aujourd’hui que l’accumulation, la solidification et la diffusion des données climatologiques ont affaibli les climatosceptiques. Dans ces conditions, nier la spécificité du discours scientifique aurait plutôt tendance à faciliter encore la propagande de ces derniers. Autrement dit, l’aplanissement relativiste du champ de bataille est un handicap qui rend très incertaine l’issue de la confrontation plus directe à laquelle appelle Latour, en exhortant les climatologues (et leurs alliés) à assumer davantage la robustesse et la puissance de leurs assemblages scientifico-politiques. À son relativisme, Malm oppose un « réalisme épistémologique du climat », qu’il présente à travers dix thèses soulignant la déconnexion analytique du couple puissance-vérité (« might/right »), l’indépendance des objets du savoir vis-à-vis des moyens de la connaissance humaine, mais aussi l’importance politique des discours sur la nature (p. 126-133)

    Aux yeux de Malm, l’inconséquence politique des options théoriques prônées par Latour – son relativisme, son fétichisme, son hobbésianisme augmenté (« hobbesianism-plus-things »), etc. – est énorme. Ces options trouvent en outre un écho suspect dans certaines de ses déclarations (e. g. « don’t focus on capitalism ») et certains de ses compagnonnages (par exemple avec le Breakthrough Institute). L’animosité envers « ce bienveillant centriste français » est clairement exprimée, et il n’est pas exclu qu’elle ait été motrice pour la réflexion de Malm. Mais, s’il est souvent très personnalisé, le procès intenté à Latour lui permet surtout de passer en revue un certain nombre de travers de la théorie contemporaine, qu’il estime incompatible (au mieux) avec la critique de l’économie fossile et l’identification des foyers du pouvoir capitaliste qui la soutiennent.

  • Qui veut la mort de la nature ? | À propos de : Virginie Maris, La part sauvage du monde
    https://laviedesidees.fr/Qui-veut-la-mort-de-la-nature.html

    Cette critique apparaît d’autant plus nécessaire pour Virginie Maris que les pensées de la fin de la nature lui semblent triompher actuellement dans toutes les sciences de l’environnement, de la sociologie à l’économie en passant par la biologie de la conservation. Partout, l’appel à penser au-delà du dualisme de la nature et de la culture, porté notamment en France par Bruno Latour et Philippe Descola, aurait été entendu. Il serait de surcroît efficacement relayé depuis une dizaine d’années par les défenseurs de l’#Anthropocène pour qui le terme entérinerait précisément la disparition de la #nature-altérité. Pour l’auteure, l’idée d’Anthropocène s’apparente à une prophétie auto-réalisatrice : à trop annoncer l’omniprésence humaine sur la planète, on finit par oublier l’existence d’espaces qui ne sont encore actuellement que très marginalement modifiés par les humains et l’on accélère par là leur disparition. Pour Virginie Maris, les penseurs de l’Anthropocène décrivent au fond un monde à leur mesure, un monde qui serait désormais entièrement modelable par les humains. Dans cette nouvelle pensée environnementale, la nature est trois fois dissoute, victime d’une triple absorption :

    l’absorption technique, à travers le brouillage de plus en plus indémêlable entre naturalité et artificialité ; l’absorption économique, avec la montée en puissance de la rationalité économique et des outils de conservation inspirés du marché ; l’absorption bureaucratique, à travers la multiplication des dispositifs de suivi et la gigantesque accumulation de données sur les systèmes écologiques à tous les niveaux d’organisation et à toutes les échelles spatiales.

    Rejoignant la critique portée par le philosophe Frédéric Neyrat contre les pensées de l’« après-nature » [https://seenthis.net/messages/492604 ], Virginie Maris conteste que le dépassement du grand partage entre les humains et la nature soit porteur d’un double gain pour les sciences et pour la politique. Alors même que celui-ci devait permettre d’échapper à l’alternative incapacitante entre la naturalisation des cultures et l’acculturation de la nature et autoriser enfin l’étude lucide de la construction des savoirs scientifiques et des décisions politiques, la philosophe soutient qu’il conduit surtout à mettre ces processus sous la coupe d’un modèle unique, celui des sciences du système Terre. À l’opposé de la démocratisation des politiques écologiques, l’objectif d’en finir avec la nature et la société ouvrirait en dernière instance sur un projet de « gestion globale de la planète et de ceux qui la peuplent ».

    • Cela recoupe les propos d’Andreas Malm dans « Nature et société : un ancien dualisme pour une situation nouvelle »

      https://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2017-1-page-47.htm

      Il y prend position non pas pour un dualisme de substance qu’il serait bien ridicule de soutenir encore, mais pour un dualisme de propriété

      C’est précisément parce qu’ils forment les parties continues d’un monde matériel qui les englobe tous deux que le social et le naturel s’entremêlent, mais ce n’est qu’en conservant leur différence analytique que nous pouvons distinguer ces aspects du monde que les humains ont construits de ceux que des forces et des puissances causales indépendantes d’eux ont générés, et examiner comment les uns et les autres ont pu, à des niveaux toujours plus complexes, se nouer. Adaptant son projet à l’ère du changement climatique, Latour prétend qu’« il n’existe aucun cas à propos duquel il soit utile de faire une distinction entre ce qui est ‘naturel’ et ce qui ‘n’est pas naturel’ ». Il pense que cette ère enfonce le dernier clou dans le cercueil d’une telle distinction. En vérité, c’est exactement le contraire. Afin de maximiser nos chances d’éviter une déstabilisation totale du système climatique, nous devons être plus sensibles que jamais à la dichotomie entre ce que les humains génèrent de toutes les manières, et ce qui n’est pas de leur fait. Cela ne veut bien sûr pas dire qu’une planète en réchauffement peut être littéralement coupée en deux moitiés – si seulement cela était possible, nous nous épargnerions bien des difficultés – mais que l’analyse du phénomène requiert une telle opération. Dans un coin, ExxonMobil, dans l’autre, le fragile permafrost. Et de là, passer à l’action.
      Le moteur du changement climatique est un type de société – l’économie fossile – qui n’existait pas avant le XIXe siècle. Si les émissions de CO2 forment le conduit principal reliant cette société au climat, c’est seulement parce qu’un vaste ensemble de relations sociales ont été construites de telle sorte qu’elles transportent ces émanations dans l’atmosphère ; une fois là-bas, elles se connectent à d’innombrables entités naturelles. Le réchauffement planétaire n’est pas un hybride ou un « quasi-objet » platement monolithique, mais une mouvante unité-des-contraires, une combinaison dynamique, un processus dont les composantes sociales et naturelles se culbutent les unes les autres ; et tandis que tourne le bouton de contrôle, la nature propulse tout cela de l’avant. Aussi, loin d’en marquer la limite, l’usage des combustibles fossiles met en branle certaines « structures et processus matériels qui sont indépendants de l’activité humaine (en ce sens qu’ils ne sont pas le produit d’une création humaine), dont les forces et les puissances causales sont les conditions nécessaires de toute pratique humaine, qui en déterminent les formes possibles ». On n’en continue pas moins de brûler des combustibles fossiles – en effet, l’infrastructure nécessaire à leur combustion ne cesse de croître – parce qu’ils sont profondément enracinés dans un type très particulier de société, qui « n’est pas constituée d’individus, mais exprime la somme des relations, des rapports où ces individus se situent les uns par rapport aux autres ». C’est dans ce champ-là qu’a émergé une telle pratique, et c’est seulement là qu’un terme peut y être mis.

  • Dépolitiser les gilets jaunes | André Gunther
    https://blogs.mediapart.fr/andre-gunthert/blog/220219/depolitiser-les-gilets-jaunes

    Depuis le début du mouvement, les Gilets jaunes sont identifiés par leur sociologie. Du gouvernement aux médias en passant par les intellectuels, le refus de prendre en compte la dimension politique de la révolte est la caractéristique majeure de sa description. Cette représentation ne va aucunement de soi à propos du premier mouvement transversal qui a largement mobilisé à travers le pays...

    La souffrance des plus faibles est-elle un état naturel contre lequel on ne peut rien ? Est-on certain qu’elle restera contingentée aux portions inférieures des classes moyennes, sans risque de contamination au-delà ? En réalité, la croissance exponentielle des inégalités indique que le monde de brutes que nous promet l’ordre néolibéral n’aura jamais de limite, et que ceux qui se croient protégés aujourd’hui seront les proies de demain. Si l’analyse politique des événements est bien la marque de leur intelligence, rien ne nous empêche de comprendre dès à présent de quel côté est notre intérêt.

  • Bruno Latour : « Les Gilets jaunes sont des migrants de l’intérieur quittés par leur pays »
    https://reporterre.net/Bruno-Latour-Les-Gilets-jaunes-sont-des-migrants-de-l-interieur-quittes-

    Parce que dès qu’on commence à discuter d’une maison, d’agriculture, de voitures ou de déplacements, on se rend compte que chaque sujet est attaché à beaucoup d’autres produits qui viennent de plus ou moins loin, et que tout est lié par des réseaux de dépendance. Cela permet de se rendre compte que les questions dites « écologiques » ne sont pas extérieures aux préoccupations dites « sociales » mais au contraire intérieures. Encore faut-il qu’on puisse décrire ces situations qui amènent de proche en proche à la réalisation de nos imbrications, de nos dépendances, et donc, c’est là tout l’intérêt de l’exercice, aux marges de manœuvre. Il faut arriver à trouver la politique qui soit capable de suivre un dossier comme celui de la taxe sur l’essence dans ses différentes intrications avec les groupes d’intérêt qui lui sont attachés ; or ce groupe d’intérêts, ce sont des gens qui ne correspondent ni à un département, ni à un rond-point, ni à une ONG, ni à un parti. Chaque affaire, chaque sujet de préoccupation, chaque « concernement », je ne sais pas comment dire, est ad hoc. Il lui faut un groupe d’intérêt à sa taille, qui soit spécifique. Le passage à la généralité annule toutes ces différences et donc toutes les marges de manœuvre.

  • Bruno Latour, où atterir ? : Comment s’orienter en politique | Agora des savoirs 2017-2018 - Ville de Montpellier

    https://www.montpellier.fr/video/IIltiQWncN4/list/PLgkdVZJAvQ1N6R3b56ZoxWab1f_kPlssc/chaine/UCl8XXEKOg3r9du5Xb8zFcYQ/4300-agora-des-savoirs-2017-2018.htm

    Cette conférence voudrait relier trois phénomènes que les commentateurs ont déjà repérés mais dont ils ne voient pas toujours le lien — et par conséquent dont ils ne voient pas l’immense énergie politique qu’on pourrait tirer de leur rapprochement : d’abord la « #dérégulation » qui va donner au mot de « #globalisation » un sens de plus en plus péjoratif ; ensuite, l’explosion de plus en plus vertigineuse des #inégalités ; enfin, l’entreprise systématique pour nier l’existence de la mutation climatique.

    L’hypothèse est qu’on ne comprend rien aux positions politiques depuis cinquante ans, si l’on ne donne pas une place centrale à la question du #climat et à sa dénégation. Tout se passe en effet comme si une partie importante des classes dirigeantes était arrivée à la conclusion qu’il n’y aurait plus assez de place sur terre pour elles et pour le reste de ses habitants. C’est ce qui expliquerait l’explosion des inégalités, l’étendue des dérégulations, la critique de la mondialisation, et, surtout, le désir panique de revenir aux anciennes protections de l’État national.

    Pour contrer une telle politique, il va falloir atterrir quelque part. D’où l’importance de savoir comment s’orienter. Et donc dessiner quelque chose comme une carte des positions imposées par ce nouveau paysage au sein duquel se redéfinissent non seulement les affects de la vie publique mais aussi ses enjeux

    #Bruno_Latour, philosophe et sociologue des sciences, est professeur à Sciences-Po Paris. Il a écrit de nombreux ouvrages et articles sur l’anthropologie du monde moderne et notamment : Face à Gaïa : Huit conférences sur le nouveau régime climatique, (La Découverte, 2015.)

    Spoiler : Voir le débat de la fin dans une perspective de genre donne quelques idées de pourquoi rien n’a changé jusqu’ici (la majorité des hommes qui interviennent, refusent de répondre au questionnaire et blablatent) et pour quoi #les_femmes_sont_l'avenir_de_la_planète (elles répondent aux questions plus pragmatiquement)

    #climatosceptisme #déroissance #cahiers_de_doléances

  • Bruno Latour : « Faisons revivre les cahiers de doléances » paru le 10 janvier 2019 dans Le Monde

    Passer de la plainte à la doléance exige donc deux épreuves particulièrement pénibles aux Français : pour le « peuple », trouver quelque chose à dire de pertinent sur une situation totalement neuve ; pour le « gouvernement », savoir écouter ce qui sera dit pour refonder l’Etat !

    #paywall #giletsjaunes #debatnational

    Article complet ici :

    Leur rédaction doit permettre aux citoyens d’enquêter sur eux-mêmes pour identifier les injustices qu’ils subissent, analyse le philosophe Bruno Latour dans une tribune au « Monde ». Bruno Latour

    Tribune. Pour l’instant, on ne peut guère espérer d’effet politique de la consultation nationale. Il faudrait supposer d’abord que les « gens du peuple » ainsi convoqués aient quelque chose de pertinent à dire sur la situation présente sous prétexte qu’ils la vivent ; mais il faudrait aussi, chose encore plus improbable, que l’administration soit en mesure d’écouter ce qui est dit et d’en tirer quelque parti.

    En temps normal, bien sûr, il n’est jamais mauvais de recueillir les suggestions des intéressés par le truchement d’une boîte à idées, cela se fait couramment dans les entreprises aussi bien que dans les familles pour améliorer l’ordinaire. Or, la situation actuelle dite des « gilets jaunes » n’est en rien ordinaire. Personne, pas plus les occupants des ronds-points que les experts des ministères ou les cadres des entreprises, n’a d’idée précise sur ce qu’il faut faire pour affronter la crise généralisée du mode de production qui exige de définir à nouveaux frais tous les détails de l’existence matérielle et à toutes les échelles.

    « Les suggestions proposées par ce mouvement aussi bien que les réponses avancées par l’Etat, ne peuvent que répéter les solutions d’avant la crise planétaire »

    Si l’on pouvait attendre du « peuple » et des « experts » qu’ils proposent spontanément des idées sur l’ancien état de choses, nous sommes tous, il faut bien l’admettre, également démunis devant le nouveau régime climatique. Parvenir à lier les injustices sociales et les nouvelles injustices écologiques, c’est une tâche nouvelle qui n’a pas plus de précédent que la crise planétaire qui bouleverse toutes les formes de politique.

    En ce sens, les « gilets jaunes » sont bien les précurseurs des batailles de l’avenir - et c’est tout à l’honneur des Français d’avoir repris, encore une fois, ce rôle historique de précurseurs. Mais on voit bien, en même temps, que les suggestions proposées par ce mouvement aussi bien que les réponses avancées par l’Etat, ne peuvent que répéter les solutions d’avant la crise planétaire et imiter les attitudes, les gestes, les symboles des émeutes ou des répressions de l’ancien temps, ce temps où la question de changer de régime climatique ne se posait pas.

    Une situation totalement inédite

    Penser que, sans enquête préalable, sans analyse méticuleuse de ce qui lie chacun d’entre nous à ses conditions matérielles d’existence, le « peuple » dans sa grande sagesse, spontanément, pourrait se tirer de l’impasse dans laquelle la modernité l’a placé, c’est faire trop confiance à Rousseau. D’autant qu’un « peuple » qui doit soudain se préoccuper de l’énergie, de l’approvisionnement, de la circulation, des façons de bâtir et de se vêtir, du climat comme des maladies, des sols comme des arbres, c’est précisément un « peuple » auquel la politique ne s’est jamais intéressée - et ce n’est plus du tout le même que celui qui prenait la Bastille ou le Palais d’été. C’est un peuple lourdement entravé, tenu, paralysé, par des décisions multiples faites depuis deux siècles et qui ne peut pas aussi facilement « se libérer » que celui de 1789.

    La Grande Révolution pouvait changer radicalement la société, parce qu’elle n’avait pas à changer aussi son infrastructure matérielle. Aujourd’hui, guillotiner le roi ne modifierait pas d’un hectolitre le circuit du pétrole. Les vagues parallèles avec 1789 prouvent assez le décalage complet entre les réflexes conditionnés de la politique à l’ancienne et l’impuissance où nous sommes pour nous extirper de la situation présente.

    « Il ne faut rien attendre d’un simple recueil des opinions »

    L’affaire du Brexit offre une magnifique illustration de ce décalage : il a fallu deux ans au peuple britannique pour passer de la plainte inarticulée sur l’autonomie et l’indépendance, à la réalisation progressive des innombrables liens qui participent, de fait, à son bien-être. Que de temps passé pour dresser la liste, article de loi par article de loi, circuit de production par circuit de production, de tout ce dont les Britanniques dépendent pour prospérer...

    Il a fallu deux années pour que le ministre, pourtant chargé du Brexit, confesse en plein Parlement qu’il n’avait jamais soupçonné que, pour approvisionner les usines anglaises, il fallait que des camions franchissent la Manche ! Deux ans de psychodrames pour commencer à passer des plaintes sur l’identité à la réalisation des attachements qu’ils doivent aujourd’hui apprendre à trier. Comment imaginer que, spontanément, par la simple ouverture d’une boîte à idées dans les mairies, le peuple français, mis devant une situation totalement inédite, trouve d’un coup la solution à cette intrication des économies et des écologies ?

    Description méticuleuse

    Si l’expression de « cahier de doléances » a un sens, c’est justement parce que, en 1789, le roi avait fait appel à ce qui n’était pas encore le « peuple » français en avouant assez naïvement sa complète ignorance des solutions. Et si ce « peuple » s’est mis en effet à exister grâce au formidable travail d’écriture de ces fameux cahiers, c’est parce qu’ils obligeaient, dans chaque commune, à une description méticuleuse des conditions matérielles en lien avec les injustices auxquelles il fallait remédier. Il ne s’agissait pas d’une enquête faite « sur » les communes par des experts, mais d’une enquête « par » les citoyens sur eux-mêmes.

    « La dernière chose à faire est de vouloir limiter les thèmes à débattre et se contenter d’ouvrir une page blanche »

    Il faut lire ces cahiers (en tout cas ceux du Tiers Etat) pour se rendre compte de l’originalité d’une description des territoires qui détaille aussi les injustices commises sur ces mêmes territoires autant que les changements à faire subir à l’assiette des impôts. L’obligation d’un vote à l’unanimité sur chacun des cahiers obligeait à fouiller de plus en plus l’analyse et à aller jusqu’au bout de la confrontation des points de vue. C’est parce qu’une telle description est bien plus difficile aujourd’hui qu’il ne faut rien attendre d’un simple recueil des opinions - et cela vaut pour l’Etat autant que pour le « peuple ».

    Devant une situation où tout le monde est également démuni, la dernière chose à faire est de vouloir limiter les thèmes à débattre et se contenter d’ouvrir une page blanche. Il s’agit plutôt d’accélérer un processus d’autodescription qui ne peut pas être moins conflictuel, moins équipé que le Brexit pour les Britanniques.

    Passer de la plainte à la doléance dans une situation de crise matérielle sans précédent ne peut pas être simplifié. D’autant que ce qui vaut pour chaque citoyen vaut encore plus pour l’administration. Equipée vaille que vaille pour répondre aux anciennes situations de développement économique, elle est totalement perdue pour s’ajuster au nouveau régime climatique.

    Passer de la plainte à la doléance exige donc deux épreuves particulièrement pénibles aux Français : pour le « peuple », trouver quelque chose à dire de pertinent sur une situation totalement neuve ; pour le « gouvernement », savoir écouter ce qui sera dit pour refonder l’Etat !

  • « Il faut faire coïncider la notion de territoire avec celle de subsistance »

    https://www.lemonde.fr/series-d-ete-2018-long-format/article/2018/07/20/il-faut-faire-coincider-la-notion-de-territoire-avec-celle-de-subsistance_53

    Pour le sociologue Bruno Latour, il est urgent de transformer les questions d’écologie en questions de territoire afin de sortir de la crise politique et environnementale.

    Invité aux Controverses du Monde au Festival d’Avignon, le sociologue Bruno Latour explique comment sortir de l’impuissance politique face aux dévastations écologiques.

    Les alertes lancées par des scientifiques contre la destruction de la biosphère se multiplient. Plus de 15 000 d’entre eux, issus de 184 pays, ont mis en garde dans la revue « BioScience », dont « Le Monde » a publié l’appel le 14 novembre 2017, du danger de voir l’humanité pousser « les écosystèmes au-delà de leurs capacités à entretenir le tissu de la vie » et ont sommé les responsables politiques de tout mettre en œuvre pour « freiner la destruction de l’environnement ». Pourtant, rien ne semble se passer. Pourquoi un tel décalage entre l’urgence de l’alerte et l’absence de prise de décision des politiques ?

    Quand on lit en première page du Monde un titre comme celui du 14 novembre 2017 – « Il sera bientôt trop tard… » –, dans une police prévue pour le déclenchement d’une guerre atomique, et que dans l’édition du lendemain aucune mobilisation particulière n’est annoncée, cela perturbe gravement.

    Dans les pages « Planète », vous multipliez les alertes par les scientifiques. Un jour, ce sont les insectes ; un autre jour, ce sont les sols qui disparaissent ; ensuite, c’est la disparition du trait de côte. Et dans les pages « Politique », il ne se passe rien, ou pas grand-chose.

    A force, comment voulez-vous que nous réagissions ? Toutes ces nouvelles qui n’entraînent aucune réaction, cela finit par nous miner. Ou bien les pages « Planète » ont raison, mais alors, pourquoi ne pas réagir ? Ou alors, si nous ne réagissons pas, c’est que ces pages racontent n’importe quoi. C’est la raison principale, d’après moi, du scepticisme pratique sur les questions écologiques : des alertes non suivies d’effet entraînent forcément le doute sur leur validité. « A force de crier au loup… »

    Autrefois, les scientifiques étaient les gens rassis et les politiques, ou les citoyens, les gens qui s’agitaient en tous sens. Aujourd’hui, c’est le contraire : ce sont les scientifiques qui s’agitent, qui s’angoissent, qui alertent, et ce sont les politiques, vous, moi, qui restent froids comme des concombres. J’exagère évidemment en disant que l’écologie fait baîller d’ennui. Beaucoup de gens se sont mobilisés. En un sens, tout le monde sait parfaitement à quoi s’en tenir. Ce qui mine de l’intérieur, ce qui rend fou, c’est la déconnexion entre l’ampleur des découvertes scientifiques et l’impuissance où nous nous trouvons de les métaboliser et d’en faire de l’action politique à la bonne échelle. C’est une affliction psycho-morale : l’impuissance croit en proportion de l’imminence des catastrophes.

    Pourquoi les émotions mises en jeu ne sont-elles pas les mêmes selon que l’on demande à la population de défendre la nature (elle baîlle d’ennui, dites-vous) ou de défendre son territoire (là, elle se mobilise, assurez-vous) ?

    Ma solution est grossière mais elle est à la mesure de l’urgence : arrêtons un moment de parler d’écologie, de nature, de salut de la planète, de protection de la biosphère. Pourquoi ? Parce que cela renvoie toujours à quelque chose d’extérieur, quelque chose que l’on considère comme à travers une vitre, qui nous concerne peut-être, mais à la marge. Vous aurez remarqué qu’il en est tout autrement dès qu’on parle de territoire. Si je vous dis : « Votre territoire est menacé », vous dressez l’oreille. Si je vous dis : « Il est attaqué », vous êtes tout feu tout flamme pour le défendre.

    « La différence est énorme dans les réactions suscitées entre défendre la nature et défendre un territoire, et c’est cette différence qui m’intéresse »
    La différence est énorme dans les réactions suscitées entre défendre la nature et défendre un territoire, et c’est cette différence qui m’intéresse. Car évidemment, dans la plupart des cas, les deux alertes pointent vers des phénomènes qui sont strictement les mêmes.

    Si je dis à un agriculteur : « Votre sol aura disparu dans dix ans », est-ce que je parle de la nature, dont il se fiche comme de sa première récolte, ou de son territoire, qu’il est prêt à défendre bec et ongles ? Des deux, bien sûr. Le problème, évidemment, c’est que nous n’avons à peu près plus aucune idée de ce qu’est le territoire sur lequel nous vivons. Si bien que ce même agriculteur va se rendre malade en détestant les écologistes, qu’il croit être ses ennemis, tout en assistant, impuissant, à la disparition de son sol.

    Ma conviction est qu’il faut transformer toutes les questions que l’on attribuait naguère à l’écologie dans des questions de territoire, d’occupation et de défense des sols. Ce qui était extérieur, la nature, il faut la faire passer sous vos pieds, le territoire. Et là, on regarde comment les gens vont réagir. C’est dangereux de dire les choses ainsi, parce que ça flirte un peu avec la pensée dite réactionnaire, mais c’est un passage essentiel.

    Pourquoi les « réacs », comme les « progressistes », se trompent-ils ?

    Parce que justement, la question du territoire permet de rebattre les cartes des positions, et donc tous les affects politiques. Quand nous avions l’œil sur la globalisation, l’intérêt pour le territoire était considéré comme négatif, comme une preuve d’archaïsme, d’attachement ancestral et, en effet, réactionnaire.

    Mais maintenant que la globalisation est mise en doute, faute de territoire, je veux dire faute d’une terre assez vaste pour contenir tous les rêves de modernisation, brusquement, dans tous les pays à la fois, voilà que l’on prétend revenir aux frontières des anciens territoires nationaux. C’est vrai aux Etats-Unis comme dans le Royaume-Uni du Brexit, aussi bien qu’en Italie, en Hongrie, etc.

    « S’il y a un piège dans lequel il ne faut pas tomber, c’est de croire que le seul choix serait entre la globalisation sans terre habitable et l’Etat-nation sans définition concrète d’un sol réel »
    Mais ce retour au territoire est encore plus une fiction que la globalisation. Il est national, il est défini par des frontières étanches, il n’a économiquement aucun sens concret et, évidemment, du point de vue de toutes les choses qui définissent réellement un sol, un terrain, un lieu de vie, il est d’une totale abstraction. Vous n’allez pas faire tenir la question du climat dans les frontières de l’Etat-nation. Pas plus que celle des migrations.

    S’il y a donc un piège dans lequel il ne faut pas tomber, c’est de croire que le seul choix serait entre la globalisation sans terre habitable et l’Etat-nation sans définition concrète d’un sol réel. C’est pourquoi je propose de parler du « terrestre » : le terrestre est un troisième pôle, un troisième attracteur si vous voulez, qui est défini tout simplement par le fait que vous faites coïncider les notions de territoire avec celle de « subsistance ». A partir de ce moment, tout peut commencer à changer.

    Pourquoi la question de la subsistance viendrait-elle modifier la répartition des affects politiques entre gauche et droite ?

    Il faut que vous acceptiez de prendre les choses à l’envers : un territoire, ce n’est pas la circonscription administrative, par exemple la ville d’Avignon, c’est ce qui vous permet de subsister. Etes-vous capables de définir ce qui vous permet, vous, de subsister ?

    Si oui, alors je prétends que la liste que vous pouvez dresser de vos conditions de subsistance définit le territoire que vous habitez. Peu importe si vous devez y inclure des éléments répartis sur la Terre entière. Ce n’est pas l’espace qui définit un territoire mais les attachements, les conditions de vie. Et j’ajouterais que vous avez un territoire si vous pouvez le visualiser et, bien sûr, que vous tentez de le faire prospérer et de le défendre avec et contre d’autres qui veulent se l’approprier.

    Des questions liées : subsistance, visualisation, protection et défense. Mais supposez que vous n’ayez aucune idée précise de ce qui vous permet de subsister, ou une idée tellement abstraite que vous restiez suspendu en l’air, pratiquement hors sol, quand je vous pose la question : « Qui êtes-vous, que voulez-vous, où habitez-vous ? » Eh bien, je prétends que n’ayant pas de monde concret à décrire, vous êtes devenus incapables de définir vos « intérêts » et qu’ainsi, vous ne pourrez plus articuler aucune position politique vaguement défendable. Je prétends que la situation actuelle de retour général à l’Etat-nation derrière des murs vient directement de cette totale impossibilité de préciser quels intérêts on défend. Comment avoir des intérêts si vous ne pouvez pas décrire votre monde ?

    L’exemple du Brexit peut servir d’illustration : vous bénéficiez des crédits européens et vous votez contre l’Europe : pourquoi ? Parce que vous n’avez pas pu décrire concrètement ce qui vous permet de subsister.

    Je peux maintenant répondre à votre question sur la politique : si les partis ont quasiment disparu à gauche comme à droite, c’est parce qu’ils sont devenus incapables de décrire les conditions de subsistance, et donc les conflits de subsistance, de leurs mandants. Pas de monde, pas d’intérêt, pas de politique, c’est aussi simple que ça. C’est pourquoi je suis obsédé par cette affaire de description.

    Vous allez jusqu’à dire que de nouveaux cahiers de doléances permettraient de sortir de la crise environnementale…

    Parce qu’il y a dans l’épisode des cahiers de doléances de janvier à mai 1789 exactement l’opération d’autodescription qui manque aujourd’hui. On demande à des gens de décrire leur territoire de subsistance en même temps que les injustices qu’ils y détectent et les moyens d’y mettre fin, c’est-à-dire la doléance. La doléance, c’est le contraire de la plainte inarticulée. C’est un cahier qui décrit les injustices – les amis et les ennemis si vous voulez – et qui propose des réformes, mais après avoir décrit avec une extrême minutie comment ceux qui le rédigent font pour subsister.

    « Sans description préalable des conditions de vie, personne n’a d’idée particulière sur ce qu’il convient de faire »
    Aussitôt que la description devient précise, les conflits apparaissent, les lignes de front se dessinent, on peut mouliner de la politique, alliances et retournements compris. Cela n’a rien à voir ni avec l’enquête objectivante faite de l’extérieur par des statisticiens de passage – les 60 000 cahiers de 1789 sont autant d’autodescriptions – et cela n’a rien à voir non plus avec de la démocratie participative – « Quelles sont vos idées sur ce qu’il faudrait faire ? ». Sans description préalable des conditions de vie, personne n’a d’idée particulière sur ce qu’il convient de faire. Avoir une position politique, ça dépend d’un travail. Ça ne se communique pas par des tweets.

    D’après les historiens de l’époque, l’autoconstitution du peuple français vient en grande partie de cette procédure. C’est la raison de mon intérêt pour elle : peut-on, en période de réaction généralisée, recharger la politique en permettant aux gens de décrire à nouveau ce qui leur permet de subsister, et donc d’avoir des intérêts, et donc des doléances, et donc une position politique. C’est tout ce processus que je nomme « retour au territoire ». Cela n’a rien à voir évidemment avec le « retour à la terre », de triste mémoire…

    Comment pourriez-vous vérifier si vos hypothèses sont exactes et si cela permettrait à des gens de retrouver, grâce à la description, une quelconque assise politique ?

    Si vous m’autorisez à distribuer aux festivaliers qui sont assis devant nous un très simple questionnaire, avec juste trois questions, et que vous leur laissez une heure ou deux pour y répondre, je vous parie que nous les transformons en partie en une assemblée politique de doléance, simplement parce qu’ils devront se concentrer de nouveau sur cette question de subsistance. Evidemment, le groupe que nous formons ce matin est tout à fait artificiel, personne ne nous a convoqués et personne ne m’a mandaté, mais nous pouvons en faire une approximation. D’ailleurs, à Avignon, si c’est un peu du théâtre, cela ne peut pas être retenu contre nous !

    « Ne nous précipitons pas sur la version agrégée de la politique avant d’avoir réussi à nous situer sur un territoire concret »
    Ce qui compte, c’est de bien remplir la première question (faites la liste des entités qui assurent votre subsistance) avant de vous précipiter sur la dernière (faites la liste de ce ou ceux qui vous empêche(nt) de prendre soin de votre territoire).

    J’ai fait déjà plusieurs fois de tels exercices et je sais que sans cela, les premiers participants vont se précipiter l’un pour dire qu’il faut d’abord « renverser le capitalisme », et le suivant qu’il faut « sauver la planète ». L’exercice est tout différent. Ne nous précipitons pas sur la version agrégée de la politique avant d’avoir réussi à nous situer sur un territoire concret. L’image de la politique, il faut la recomposer pixel après pixel. N’ayez crainte, tout ce que vous vouliez défendre en parlant de nature s’y retrouvera forcément.

  • Clay Shirky – How We Will Read | Genius
    https://genius.com/Clay-shirky-how-we-will-read-annotated

    Un article ancien, mais toujours de référence par Clay Shirky

    Publishing is not evolving. Publishing is going away. Because the word “publishing” means a cadre of professionals who are taking on the incredible difficulty and complexity and expense of making something public. That’s not a job anymore. That’s a button. There’s a button that says “publish,” and when you press it, it’s done.

    In ye olden times of 1997, it was difficult and expensive to make things public, and it was easy and cheap to keep things private. Privacy was the default setting. We had a class of people called publishers because it took special professional skill to make words and images visible to the public. Now it doesn’t take professional skills. It doesn’t take any skills. It takes a Wordpress install.

    The question isn’t what happens to publishing — the entire category has been evacuated. The question is, what are the parent professions needed around writing? Publishing isn’t one of them. Editing, we need, desperately. Fact-checking, we need. For some kinds of long-form texts, we need designers. Will we have a movie-studio kind of setup, where you have one class of cinematographers over here and another class of art directors over there, and you hire them and put them together for different projects, or is all of that stuff going to be bundled under one roof? We don’t know yet. But the publishing apparatus is gone. Even if people want a physical artifact — pipe the PDF to a printing machine.

    But a book is a “momentary stay against confusion.” This is something quoted approvingly by Nick Carr, the great scholar of digital confusion.

    “Social reading,” the way I’ve always interpreted the phrase, is reading that recognizes that you’re not just a consumer, you’re a user. You’re going to do something with this, and that something is going to involve a group of other people. Read a book. The very next thing you’re going to do, if it was at all interesting, is talk to someone about it.

    Really? So then, why annotate?

    You annotate because that’s the part you want to keep. There’s the experiential value and there’s the extractive value from books. The experiential value of reading Bruno LaTour’s Reassembling the Social was the character of LaTour’s thought at the particular point in his career. Having had that, because I don’t teach classes on the sociology of science, what I now need from that book is the extractive bit, so if I ever teach that topic, or write about it, I can start where I left off rather than having to take the book down from the shelf.

    Lastly — I know that you’re very invested in collective action. How can social reading connect to activism?

    Books are historically lousy calls to action because they tend not only to be produced slowly but consumed slowly. The role of longform writing in collective action is much more about synchronization than coordination. Whenever you read the book and whenever I read the book can be years apart, but when we both show up to the same place, we have that shared background.

    #Livres #Edition #Publication #Clay_Shirky

  • « Hyphe... ? », la ZAD en 2045 | Alain Damasio
    https://www.vice.com/fr/article/bj3b7d/alain-damasio-imagine-la-zad-en-2045

    Un collectif d’écrivains et d’intellectuels publie cette semaine Éloge des mauvaises herbes - Ce que nous devons à la ZAD (Éditions Les liens qui libèrent). Un recueil de textes qui prend la défense de la ZAD et des projets qu’elle contient en confiant la plume à la romancière Virginie Despentes, la réalisatrice Amandine Gay ou le sociologue Bruno Latour. VICE publie la contribution d’Alain Damasio, auteur de science-fiction, qui imagine la ZAD en 2045. Source : Vice

  • Éloges des mauvaises herbes - Ce que nous devons à la ZAD
    https://bibliothequefahrenheit.blogspot.com/2018/06/eloges-des-mauvaises-herbes-ce-que-nous.html#more

    Par Ernest London

    Écrit dans l’urgence de l’expulsion de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, ce livre regroupe les textes de seize personnalités intellectuelles, littéraires et artistiques cherchant à penser l’importance de ce qui se joue là.

    La puissance publique dévoile sa faiblesse en affirmant, menaces et destructions à l’appui, qu’elle ne peut tolérer sur son territoire un espace qui fabrique d’autres mondes, explique Jade Lindgaard, coordinatrice de l’ouvrage et journaliste à Mediapart. « La loi protège la propriété privée et l’agriculture polluante. »

    David Graeber, auteur de la préface, prévient que ce livre est « une des nombreuses armes dont nous avons besoin pour défendre la pérennité sur le long terme de cette expérience si singulière » tant ceux qui remettent en cause l’équilibre actuel ne doivent jamais être perçus comme victorieux. « Des alternatives aussi visibles font voler en éclat l’idée que, en dépit de la répétition des crises, le système actuel doit absolument être rafistolé afin de conserver le statu quo. »

    Il présente la ZAD comme expérience de « politique préfigurative », à beaucoup plus petite échelle mais comparable à celle des zapatistes du Chiapas et des kurdes du Rojava. Convaincu que le système s’effondre et que dans cinquante ans le capitalisme n’existera plus, peut-être remplacé par quelque chose de pire, il affirme qu’il est de notre devoir d’empêcher la machine militaire et bureaucratique de broyer ceux qui essayent de penser à ce à quoi un monde meilleur pourrait ressembler.

    La préfiguration c’est « relever avec constance le défi de se comporter les uns vis-à-vis des autres comme nous le ferions dans une société véritablement libre », ce qui est l’exact contraire de l’idée que la fin justifie les moyens !

    La contribution de Virginie Despentes pourra dérouter. Si elle comprend bien en quoi la ZAD est un grain de sable qui enraye la propagande affirmant qu’ « il n’y pas d’alternative », elle imagine une multiplication de tels lieux qui serviraient de refuge aux précaires, aux « manants », d’aujourd’hui et de demain ! Elle semble, pour sa part, admettre le statu quo comme irrémédiable.

    John Jordan, artiste-activiste résidant sur la ZAD met en avant la « culture de la résistance » particulière qui y a pris forme et rappelle que tout ce que nous avons obtenu l’a été grâce à la désobéissance. Il insiste sur l’importance de produire nos propres récits des luttes que nous vivons. Il a vu se mêler ici la résistance et la création, le combat et la construction. À Nicolas Hulot qui prétend que « l’écologie ce n’est pas l’anarchie », il rappelle que les premiers théoriciens de l’écologie furent précisément des anarchistes : Élisée Reclus pour qui l’être humain est la nature prenant conscience d’elle-même, Pierre Kropotkine qui promut l’évolution comme coopération et non seulement comme compétition, et plus tard Murray Bookchin qui développa le concept d’écologie sociale pour éviter l’effondrement écologique en nous débarrassant de toutes formes de domination.

    Il explique pourquoi « la séparation opérée entre l’individu et le tout est une fiction » et que « seuls les comportements qui font place sur le long terme à la fertilité et à la diversité de l’écosystème tout entier pourront se perpétuer ». La défense de la ZAD est une lutte pour les communs contre la propriété privée. « C’est un combat pour l’avenir, un combat que nous ne pouvons pas perdre. »

    « Cette action militaire, la pire [en France] depuis au moins 1968, est évidemment une violation du droit des citoyens qui ouvrent les chemins d’une transition écologique et économique pour nous sortir de cette voie sans issue faite de cupidité, de violence, d’inégalité et de non-durabilité vers laquelle les puissances économiques et politiques poussent l’humanité et la Terre. » L’activiste indienne Vandana Shiva est catégorique : « Cette violence revient à effacer l’avenir. »

    Les collectifs qui s’expriment sur la ZAD ont pris conscience de leur pouvoir à être « le changement que nous voulons voir dans le monde » selon la formule de Gandhi. Leurs actes sont criminalisés tandis que les crimes contre la nature et les personnes sont protégés par la force armée. Le gouvernement français devrait y envoyer ses jeunes pour leur apprendre à vivre dignement, en paix avec la terre, plutôt que ses Robocops.

    La ZAD est un mouvement de « réappropriation de nos communs » qui sont des « formes démocratiques de gouvernance ».

    Olivier Abel, professeur de philosophie, avoue ne s’être pas intéressé à Notre-Dame-des-Landes avant l’intervention du 9 avril. La disproportion des moyens mis en oeuvre lui fait alors comprendre que nous ne sommes plus dans une société politique où les lois peuvent être contestées voire transgressées au moins symboliquement et marginalement, mais dans une « société bétaillère », une « société technologique ». 

    De la même façon, Geneviève Pruvost, sociologue du travail… et de la police, interprète ces opérations policières massives à caractère militaire comme une mise à nue des priorités politiques du gouvernement car cette « résistance au progrès et au confort moderne », cette « forme de lutte d’une sidérante simplicité, à la portée de tout le monde peut se répandre comme une trainée de poudre, sans coup férir ».

    Bruno Latour, professeur à Sciences Po, surprendra pas sa naïve injonction à l’État d’accepter les enseignements des zadistes en matière de développement des territoires.

    Christophe Bonneuil, directeur de recherche en histoire au CNRS, remet en perspective ce conflit comme « la radicalisation d’une guerre des mondes » entre les « modernisateurs » qui se conçoivent comme séparés de la nature, et les « terrestres » qui assument leur appartenance à la terre et expérimentent des formes avancées d’émancipation et d’autogestion démocratique.

    Starhawk, activiste et écoféministe américaine qui se présente comme sorcière, résume en un texte bref et incisif l’enjeu : « Maintenant les communs veulent reconquérir cette terre. » « Les paysans traditionnels et les anarchistes ont uni leurs forces pour revitaliser la terre, pour faire pousser de la nourriture, pour construire des structures sauvages et créatives, et pour offrir l’hospitalité à tous. Un tel rêve représente une menace existentielle pour un ordre mondial qui exige que tout soit objectivé, quantifié, monétisé. Mais ce monde-là est en train de tous nous tuer. »

    Kristin Ross qui connait bien la ZAD pour s’y être rendue de nombreuses fois analyse cette « accumulation d’expériences, de solidarités et de partages » qui constitue une telle menace pour le néolibéralisme qu’Emmanuel Macron n’a pas hésité à déchaîner autant de violence. « La ZAD n’est pas une utopie mais une communauté qui fonctionne depuis 10 ans. » Elle contredit « le récit classique selon lequel 68 aurait épuisé et enterré les dernières illusions révolutionnaires et que désormais, faute d’alternative, il faut renoncer à changer le monde. »

    Pablo Servigne, « chercheur in-Terre-dépendant » trouve lui aussi des mots justes : « Notre-Dame-des-Landes est un point clé pour la compréhension de notre époque, c’est le lieux de friction entre l’imaginaire de continuité et l’imaginaire de rupture. »

    Wilfrid Lupano, scénariste de la série BD des Vieux Fourneaux dans laquelle il a imaginé une ZAD, raconte sa visite à la bibliothèque du Taslu et explique qu’à l’heure de la désertification des campagnes, il n’y a pas d’autre territoire rural en France qui attire autant de jeunes désireux d’y construire une vie remplie de sens.

    L’intervention qui tranche le plus dans ce concert d’appels à résister et qui est d’autant plus important, est signée Amandine Gay, cinéaste, universitaire et afroféministe. Elle ne manque en effet aucune occasion de poser frontalement la question raciale et reproche l’attitude qu’Aimé Césaire appelait le « fraternalisme » et qui pollue toujours les milieux alternatifs de la gauche française : les zadistes n’ont pas cherché à nouer des contacts avec les agriculteurs de la Caraïbe ou avec les Amérindiens de Guyane qui se font violemment et illégalement expulser de leur propre terre par exemple, pour inscrire leur lutte au niveau international, pour proposer « une perspective écologique et décoloniale ». La survie de la ZAD pendant neuf ans est l’expression même d’un « privilège blanc ». Il a fallu la mort de Rémi Fraisse pour que les militants anticapitalistes, écolos et alternatifs blancs se mobilisent massivement contre les violences policières. Loin de critiquer la lutte des zadistes et de leurs nombreux soutiens, elle leur montre la fracture invisible entre les différentes luttes puisqu’ils appellent tant à la « convergence des luttes ».

    Le regard de l’architecte Patrick Bouchain est également fort intéressant. Il rappelle qu’un bail emphytéotique est envisageable pour confier ces terres à ceux qui en réclament l’usage mais pas la propriété, et que leur acte est une désobéissance à la « stupidité républicaine » plutôt qu’à l’ordre républicain qui n’a d’ailleurs pas eu besoin de beaucoup de courage pour s’attaquer à 250 personnes pacifiques. « Avec les cabanes de la ZAD, on a l’exemple d’un habitat contextuel par manque de moyens. Il est rudimentaire, mais il est aussi préparatoire à ce qu’il faudrait faire désormais. C’est une glorification de la liberté de construire. »

    Enfin, l’écrivain d’anticipation Alain Damasio imagine dans une longue nouvelle, notre monde en 2041 alors que les grandes villes, après les stades, ont été rachetées par des marques et que les ZAD se sont multipliées (87 en France et 364 en Europe). Notre-Dame-des-Landes a été vendue aux enchères par morceaux. Attachés aux arbres, six mille personnes ont sauvé la forêt. « L’usage fonde le droit, il n’en dépend pas. L’usage c’est ce qui fait que le portenaouak et le tout-à-l’égo ne viennent pas remplacer le diptyque argent+propriété qui fonde l’ordre dégueu du capitalisme qu’on a dégagé de nos vies. » « Ils pacifient, nous opacifions. Nous sommes l’ombre de leurs nombres, le zéro de leur réseau ; la friche de leurs chiffres. » La grande vertu de ce genre littéraire est de donner à voir le futur, même proche, d’inviter à réfléchir autrement, à se projeter un peu plus loin. C’est réussi.

    Étrange sensation que de sauter ainsi d’un point de vue à l’autre. L’exercice permet finalement de les confronter tour à tour à son propre avis, d’approfondir ses réflexions, de les porter à ébullition, et donnerait presque envie de jeter quelques notes personnelles sur les pages blanches finales. Malgré quelques bénéfiques divergences, le constat est unanime : c’est bel et bien un épisode de la guerre civile en cours qui se joue là, l’écrasement d’une preuve bien vivante qu’un autre monde est possible. C’est pourquoi, même si cet ouvrage ne le dit pas, il faut rejoindre les Comités de soutien de la ZAD, aller y faire un tour, apporter sa pierre à l’édifice, reconstruire ce qui a été détruit, écouter aussi la parole de ceux qui y vivent.

    Éloges des mauvaises herbes - Ce que nous devons à la ZAD
    Alain Damasio, Virginie Despentes, David Graeber, Bruno Latour, Pablo Servigne, Vandana Shiva, Kristin Ross, Olivier Abel, Christophe Bonneuil, Patrick Bouchain, Amandine Gay, John Jordan, Wilfried Lupano, Geneviève Pruvost, Nathalie Quintane, Starhawk
    Coordonné par Jade Lindgaard
    210 pages – 15 euros
    Éditions Les Liens qui libèrent – Paris – Juin 2018
    http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-%C3%89loge_des_mauvaises_herbes-9791020906427-1-1-
    Les recettes des ventes de ce livre iront aux activités développées sur la ZAD

    #ZAD #NDDL #vivre_la_commune #communs #territoires

  • La Guerre des idées #10Alain Deneault : « On est à l’aube d’une conjoncture révolutionnaire »
    https://www.youtube.com/watch?v=GhCEZ1nvzrQ

    Aude Lancelin reçoit Alain Deneault

    [Lᴀ Gᴜᴇʀʀᴇ ᴅᴇs ɪᴅᴇᴇs #10] Alain Deneault : « On est à l’aube d’une conjoncture révolutionnaire »

    Il est devenu en quelques années l’un des plus importants intellectuels de la gauche critique du Canada, avec Naomi Klein. En France, Alain Deneault s’est fait connaître en 2013 par une réflexion sur la « gouvernance » comme façon de transformer la politique en discours purement gestionnaire, prétendument rationnel, en management apparemment soft, et en réalité très coercitif. La publication de La Médiocratie (Lux Éditeur) en 2016 le fera connaître du grand public.

    […]

    Il publie aujourd’hui Le Totalitarisme pervers aux éditions Rue de l’échiquier, digest passionnant de sa thèse sur la multinationale Total, De quoi Total est-elle la somme ?, qui dispute la première place boursière au groupe LVMH. Autrefois en charge des intérêts pétroliers de la France, désormais majoritairement passée sous capitaux étrangers, la pieuvre Total est ici prise comme emblème de ce que peut produire de pire une firme au-dessus des lois, issue d’une longue histoire de spoliations diverses, d’abus, et de familiarité dangereuse avec tous les pouvoirs. À travers ce cas d’école, Deneault pointe notamment les transferts de souveraineté de l’État vers les multinationales qui furent colossaux depuis quelques années, au point que ce sont quasiment les entreprises du CAC 40 qui choisissent désormais les gouvernants, on le voit, et leur réclament des comptes.

    Aujourd’hui de passage dans « La Guerre des idées », il dénonce un monde où les politiques d’« extrême centre » sont en train de priver l’humanité de ses sources vives, qu’elles soient écologiques, sociales ou intellectuelles, mais annonce aussi que des points de rupture dans le système restent possibles. Ainsi à tout moment une étincelle peut-elle selon lui mettre le feu à la plaine. Une bonne nouvelle inattendue dans cet océan de désespérance.

    • L’entretien est vraiment très intéressant ! Le format de l’émission est aussi très bien. Dans la même série il y a aussi cet entretien avec Bruno Latour, sans être fana de sa pensée, je la trouve toujours intéressante :

      https://www.youtube.com/watch?v=SGkM-74-cv0

      Aᴜᴅᴇ Lᴀɴᴄᴇʟɪɴ ʀᴇçᴏɪᴛ Bʀᴜɴᴏ Lᴀᴛᴏᴜʀ [Lᴀ Gᴜᴇʀʀᴇ ᴅᴇs ɪᴅᴇᴇs #12]

      Bruno Latour : « Le Peuple a été froidement trahi » On ne comprend rien aux positions politiques dans le monde depuis 50 ans, si l’on ne donne pas une place centrale à la question du dérèglement #climatique et surtout à sa dénégation. Tel est le point de vue développé par le philosophe Bruno Latour, l’un des penseurs français les plus connus au sein du monde anglo-saxon, dans son nouveau livre : Où atterrir ? Comment s’orienter en #politique (La Découverte).

      Une réflexion extrêmement originale sur notre situation, qui entend lier dans une même chaîne de causalité la dérégulation financière depuis les années 80, la #climato-scepticisme qu’on a vu croître dans les années 2000, et l’extension actuellement vertigineuse des #inégalités.

      Tout se passe au fond comme si, compte tenu des perspectives climatiques désastreuses, un petit groupe de super #riches en était arrivé à la conclusion qu’il n’y avait plus assez de place sur terre pour tout le monde, et que l’idée même d’un #monde #commun devait être abandonnée. Ainsi, l’auteur de Nous n’avons jamais été #modernes et de Politiques de la #nature explore-t-il sous un jour nouveau la question du Brexit et de l’élection de #Trump, mais aussi plus largement celle des migrations, et de la montée des « populismes », que lui interprète comme un désir somme toute hélas bien compréhensible de revenir aux anciennes protections de l’#État national. Un désir à la fois panique et totalement vain, comme on le verra dans l’entretien.

      Dans un des livres certainement les plus engagés qu’il ait écrit, #Bruno_Latour évoque un peuple « froidement trahi » par une classe mondiale de puissants, qui ont abandonné en cours de route l’idée de réaliser la #croissance pour tous, faute d’une planète capable de supporter la démesure du système qu’ils lui ont infligé, mais se sont bien gardés d’en avertir les populations.

      On trouvera aussi chez le philosophe une remise en cause des médias courageuse et particulièrement pertinente. À travers la création du concept d’« #alternative_facts », et la pente à voir du « #complotisme » derrière chaque effort de lucidité, les #journalistes ont voulu s’exonérer de toute responsabilité, et s’auto-persuader que le peuple avait perdu pied par rapport à la réalité, suscitant la création de véritables monstres #politiques. Or chacun sait que les médias n’ont pas qu’un peu contribué à les abreuver de mensonges sur les points politiquement les plus décisifs. « Il n’est donc pas étonnant que les gens croient à des #faits_alternatifs, quand on les fait vivre dans des mondes alternatifs. » Au passage, #Latour rappelle salutairement que les faits ne tiennent pas tout seuls, « sans monde partagé, sans institution, sans vie publique », et que la responsabilité des soi-disant élites est donc écrasante dans cette affaire. Un penseur qui s’exprime rarement en France, à découvrir dans cette nouvelle édition de « La Guerre des idées ».

      journaliste : #Aude_Lancelin
      réalisation : Jonathan Duong et Cécile Frey
      son : Alexandre Lambert
      Extrait de film : L’an 01 de #Jacques_Doillon, #Gébé, #Jean_Rouch et #Alain_Resnais (1973) - LCJ Editions

      https://la-bas.org/la-bas-magazine/entretiens/bruno-latour-le-peuple-a-ete-froidement-trahi

    • Visiblement les vidéos ne sont plus accessible... je dois dire que je suis assez consterné de voir des média de gauche, qui ne cessent de critiquer la privatisation des ressources, privatiser, enclore, exclure ceux qui ne paient pas d’abonnement en mettant sous propriété intellectuelle et derrière des paywall leurs productions.

      Le pire étant certainement ceux qui font la promotion des communs comme @hlc mais qui mettent leurs publications sous propriété intellectuelle. Image-t-on Richard Stallman mettre ses logiciels sous licence privatives en déclarant « non mais là j’en ai besoin pour mon business mais plus tard, dans un monde idéal, je mettrais mes logiciels sous Gnu-GPL » ? Sans oublier que Hervé Le Crosnier a déjà un salaire et un emploi stable et sécurisé fourni par une université publique française.

    • Marrant que tu parles sous un de mes propres messages de Hervé, dont je ne connais ni la situation, ni les motivations, alors que ce que tu qualifies de « pire », c’est assez nettement ce que je fais (moi-même-personnellement) régulièrement.

      Comme tu le sais peut-être, je fais justement la promotion du libre, j’y ai beaucoup contribué et je continue à y contribuer. Mais dans le même temps, de ce que je développe, je ne donne pas tout, ni tout le temps, ni immédiatement.

      Parce que, pour faire simple :
      – on ne vit pas déjà dans un monde non-marchand où tout serait libre, et « mon business » paie mon loyer et nourrit mes enfants ; alors oui, je fais régulièrement le calcul de ce que je peux distribuer, et de ce que je vais distribuer « plus tard » parce que je ne veux pas créer ma propre concurrence immédiatement ;
      – parce que des comportements prédateurs, parasites ou complètement cons, dans le libre, c’est pas rare du tout et ça calme très sérieusement les tendances à la générosité (le calcul sur le fait de ne pas créer sa propre concurrence, ça vient largement de là)…
      – parce que la gestion des comportements inappropriés, les incompréhensions naturelles, le besoin d’explications permanentes, les inévitables crises à la con, ça use et ça fait perdre beaucoup de temps, et qu’au bout de 20 ans de ça, tu peux avoir envie de limiter les possibilités que ça arrive à tout bout de champ ; pour le coup, pas parce que les gens seraient méchants, mais parce que c’est un sacré bazar à la fois excitant et épuisant ;
      – et plein d’autres raisons, mais si tu veux t’en prendre à Hervé, le mieux serait plutôt d’aller lui causer à lui que sous un de messages qui n’a rien à voir, non ?

  • Que faire à #gauche ? Un live exceptionnel de Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/021217/que-faire-gauche-un-live-exceptionnel-de-mediapart

    De 13 h 30 à 19 heures, Paul Magnette, Mireille Delmas-Marty, Bruno Latour, Marie-Christine Vergiat, Damien Carême, Barbara Romagnan, César Ochoa, Annick Coupé, Yves Sintomer, Danièle Obono... entourés d’autres chercheurs, intellectuels, acteurs publics locaux, nationaux et internationaux débattront à #Grenoble des défis de la gauche. Une émission retransmise en direct sur Mediapart et sur Facebook, Youtube et Dailymotion.

    #International #France #Economie #Culture-Idées #émancipation #en_direct_de_Mediapart

  • #Bruno_Latour diagnostique un atterrissage compliqué pour l’humanité
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/011217/bruno-latour-diagnostique-un-atterrissage-complique-pour-l-humanite

    C’est un ouvrage à la fois important, surprenant et inquiétant que livre le philosophe Bruno Latour, avec Où atterrir ? Comment s’orienter en #politique.

    #Culture-Idées #alternative_facts #Climato-négationnisme #Donald_Trump #Ecologie #Gaïa #global #local #Nouveau_Régime_Climatique #Planète #Terrestre

  • Bruno Latour : « Défendre la nature : on bâille. Défendre les territoires : on se bouge »
    https://reporterre.net/Bruno-Latour-Defendre-la-nature-on-baille-Defendre-les-territoires-on-se

    C’était la politique issue du traité de Westphalie en 1648. Fondée sur les nations, les États…

    Oui, des États et des ressources. Ce qui est nouveau, c’est qu’il y a une dispute sur l’échiquier lui-même : quelle est sa forme ? Les États-Unis sont dans un monde où il n’y a pas de problèmes écologiques. Évidemment il y en a un, mais il est considéré comme n’appartenant pas au territoire sur lequel les États-Unis prennent leurs décisions. Donc, entre eux et les gens qui prennent leurs décisions en fonction de ce que j’appelle le nouveau régime climatique — qui est plus vaste que le climat, il intègre aussi les animaux et la biodiversité —, il n’y a pas de monde commun, de métrique commune.

    Est-ce seulement entre les États-Unis de Trump et le reste du monde ? Ou n’est-ce pas une fracture au sein de chaque société ?

    Oui, cela partage toutes les sociétés et tous les individus. Les questions écologiques sont des sujets bouleversants. Il y a un problème émotionnel : quand on a lu trois numéros de Reporterre ou qu’on a vu trois reportages à la télévision, sur les scandales des OGM, sur le blanchiment des coraux et sur M. Trump, on se demande : « Mais que faire de tout cela ? » Il n’y a pas une politique qui absorbe la déréliction dans laquelle on se trouve. Si on ne met pas cette affaire de déréliction au centre de la discussion, on ne comprend pas à quel point on est désorienté.

    Que voulez-vous dire par « déréliction » ?

    La version dramatisée de cette idée est le « catastrophisme », qui est à la fois exact — si on suit les scientifiques — et exagéré. Il y a une souffrance de la question écologique. Si on n’en comprend pas la profondeur, on ne comprend pas la réaction de ceux qui nient. C’est le sens de la « dénégation » : on sait, mais on dit « je ne peux pas vivre avec cela ». Si on ne comprend pas que ceux qui refusent d’agir sont aussi troublés que ceux qui agissent, on perd l’occasion d’établir des alliances possibles.

    Qu’entendez-vous par ce terme de classes « géo-sociales » ?

    Ce sont les différentes parties prenantes qui se trouvent sur un territoire. Cela peut être des humains. Mais aussi des humains avec les semences qu’ils préfèrent avoir, les loups avec lesquels ils sont prêts à cohabiter ou pas, les éoliennes avec lesquelles ils sont prêts à vivre ou pas, etc. Les classes géo-sociales sont des alliances entre des groupes sociaux qui ne sont plus définis par leur position dans le système de production, mais par leur cohabitation choisie sur un territoire.

    Toutes ces questions ont un rapport avec la notion de ressources. Mais elles n’ont pas fait l’objet d’une mise en politique par la gauche. Dans les années 1950-1960, les partis de gauche ont continué à définir les classes sociales d’une façon qui ne correspondait plus aux changements en cours. Les partis écologistes et féministes se sont développés avec beaucoup de peine pour essayer de faire entrer les nouvelles questions dans les questions d’injustice sociale, mais cela n’a jamais pris dans le cas des écologistes. Pourquoi ? Parce que cela avait l’air de ressembler à la nature, donc leur demande restait radicalement extérieure au social. Et, tant que le social est défini par des relations entre les humains, la politique de défense des autres intérêts reste abstraite. On aura beau dire qu’il faut défendre les espèces, cela ne vous concerne pas directement, ce n’est pas vous. Alors que si l’on dit que nous sommes des territoires, les territoires cela se défend, on n’hésite pas. Défendre la nature : on bâille. Défendre les territoires : on se bouge. C’est cette variation-là qu’il faut capter. Quelle est la différence entre la nature et un territoire ? Et de quoi se compose le territoire ?

    Vous continuez à employer le terme de « nature » ?

    Je le fais pour être entendu. Mais ce n’est pas la nature dont il s’agit, c’est de Gaïa.

    Mais alors, c’est quoi la « nature » ?

    Il ne faut pas utiliser le mot parce que « nature » oriente aussitôt vers une vision apolitique. Elle a été inventée pour dépolitiser les rapports entre les humains et les objets à utiliser comme ressources. Mais, si je dis « Gaïa », on rencontre une autre difficulté. Tous ces sujets sont difficiles et nous restons dans un énorme retard intellectuel sur ces questions. C’est pour cela que le terme de « zones critiques » me va très bien, « zones critiques » comme zones à défendre. Cela signifie qu’on reterritorialise les questions politiques. La notion de territoire, que la gauche française a toujours associée à des positions réactionnaires, redevient le centre de l’attention. Évidemment avec les dangers que cela pose : « se reterritorialiser », « se réenraciner » sont des termes toxiques. Mais en même temps, c’est bien de cela dont il s’agit dans l’écologie.

    En quoi l’encyclique Laudato Si est-elle importante ?

    Elle est capitale. C’est LE grand texte qui fait une liaison entre la question de la pauvreté et la question écologique. C’est le texte qu’aurait dû écrire un ou une écologiste en position de pouvoir. C’est la première fois qu’on entend dans un langage simple que la question de la pauvreté et la question écologique sont la même question. C’est très important et cela a un peu bougé, malheureusement pas beaucoup, les chrétiens.

    #Ecologie_politique #Gaia #Bruno_Latour

  • « Le peuple a été froidement trahi » : entretien avec Bruno Latour – Le feu à la plaine
    https://audelancelin.com/2017/10/19/le-peuple-a-ete-froidement-trahi-entretien-avec-bruno-latour

    Tout se passe au fond comme si, compte tenu des perspectives climatiques désastreuses, un petit groupe de super riches en était arrivé à la conclusion qu’il n’y avait plus assez de place sur terre pour tout le monde, et que l’idée même d’un monde commun devait être abandonnée. Ainsi, l’auteur de Nous n’avons jamais été modernes et de Politiques de la nature explore-t-il sous un jour nouveau la question du Brexit et de l’élection de Trump, mais aussi plus largement celle des migrations, et de la montée des « populismes », que lui interprète comme un désir somme toute hélas bien compréhensible de revenir aux anciennes protections de l’État national. Un désir à la fois panique et totalement vain, comme on le verra dans l’entretien.

    C’est aussi mon hypothèse. Quand on passe les 50 dernières années au crible de l’élimination des #surnuméraires, tout devient nettement plus cohérent.

  • Pour Bruno Latour, « le monde est peuplé de fous » et« il n’y aura pas de sortie du tunnel »

    https://reporterre.net/Pour-Bruno-Latour-le-monde-est-peuple-de-fous-et-il-n-y-aura-pas-de-sort

    Dans « Face à Gaïa », le penseur iconoclaste #Bruno_Latour juge que l’Homme, aveuglé par sa folie, est devenu incapable de voir en face la réalité du monde. L’espoir, la dénégation, le dos rond, le fantasme démiurgique… rien n’empêchera l’inéluctable d’advenir.

    Bruno Latour est incontestablement l’un des intellectuels français les plus célèbres et les plus connus à l’étranger. Les livres du sociologue, anthropologue, philosophe qu’il est depuis quarante ans sont tous traduits dans diverses langues. Il collectionne les prix et les médailles. Plusieurs universités prestigieuses l’ont fait Doctor honoris causa. Et les invitations à participer à des conférences pleuvent d’un peu partout dans le monde.

  • entretien avec Bruno Latour : « Les riches abandonnent le monde »

    L’erreur est de parler de « climat ». Le terme évoque quelque chose de trop lointain, dont on n’a pas à se préoccuper. Il faudrait en donner une définition plus proche, en le reliant aux notions de territoire et de sol. Les écologistes s’occupent de l’environnement comme s’il s’agissait d’un objet extérieur à la politique. Ils ont beaucoup de mal à fabriquer du politique avec ce qu’ils appellent la « nature », alors même que, depuis toujours, le politique est fait d’enjeux de territoire, de sol, de ressource, de blé, de ville, d’eau. En réalité, la politique est par définition écologique.

    Je fais l’hypothèse suivante, dont je n’ai pas la preuve, mais quelques indices : à un moment, quelque part entre la fin des années 70 et le début des années 80, les membres les plus astucieux des classes dominantes ont compris que la globalisation n’était pas soutenable écologiquement. Mais, au lieu de changer de modèle économique, ils ont décidé de renoncer à l’idée d’un monde commun. D’où, dès les années 1980, des politiques de déréglementations qui ont abouti aux inégalités hallucinantes que l’on connaît aujourd’hui. Cette brutalité économique - redoublée par une brutalisation de l’expression politique - est une manière de dire aux autres classes : « désolé braves gens, nous avons renoncé à faire un monde commun avec vous ». La classe dominante s’est immunisée contre la question écologique en se coupant du monde.

    #climat #territoire #sol #écologie #environnement #politique #nature

    http://www.bruno-latour.fr/fr/node/723

  • J’ai déjà compilé ici les articles sur le thème de la collapsologie, la catastrophe imminente, sa date, ses causes etc. :
    https://seenthis.net/messages/499739
    #effondrement #collapsologie #catastrophe #fin_du_monde #it_has_begun

    En fait c’est plus ou moins une conséquence d’une littérature plus scientifique sur le thème de l’anthropocène, cette nouvelle ère géologique façonnée par l’humain. Si cette théorie, et le lien qu’elle aurait avec la collapsologie, est discutée, un retour sur les premiers articles est nécessaire. En effet, ce terme n’est pas sorti de nulle part et la plupart de ces articles, co-écrits pas de nombreux chercheurs, compilent des quantités impressionnantes de résultats qui pointent toutes dans la même direction : nous allons dans le mur...
    #Anthropocene #Anthropocène

    Paul J. Crutzen and Eugene F. Stoermer "The “Anthropocene”" Global Change Newsletter 41:17-18 (2000)
    http://www.igbp.net/download/18.316f18321323470177580001401/1376383088452/NL41.pdf

    Paul J. Crutzen "Geology of mankind" Nature 415:23 (2002)
    http://www.geo.utexas.edu/courses/387h/PAPERS/Crutzen2002.pdf

    Johan Rockström, Will Steffen, Kevin Noone, Åsa Persson, F. Stuart Chapin, III, Eric F. Lambin, Timothy M. Lenton, Marten Scheffer, Carl Folke, Hans Joachim Schellnhuber, Björn Nykvist, Cynthia A. de Wit, Terry Hughes, Sander van der Leeuw, Henning Rodhe, Sverker Sörlin, Peter K. Snyder, Robert Costanza, Uno Svedin, Malin Falkenmark, Louise Karlberg, Robert W. Corell, Victoria J. Fabry, James Hansen, Brian Walker, Diana Liverman, Katherine Richardson, Paul Crutzen and Jonathan A. Foley "A safe operating space for humanity" Nature 461:472–475 (2009)
    http://pubs.giss.nasa.gov/docs/2009/2009_Rockstrom_ro02010z.pdf

    Will Steffen, Åsa Persson, Lisa Deutsch, Jan Zalasiewicz, Mark Williams, Katherine Richardson, Carole Crumley, Paul Crutzen, Carl Folke, Line Gordon, Mario Molina, Veerabhadran Ramanathan, Johan Rockström, Marten Scheffer, Hans Joachim Schellnhuber, and Uno Svedin "The Anthropocene : from global change to planetary stewardship" AMBIO 40:739–761 (2011).
    http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3357752/pdf/13280_2011_Article_185.pdf

    Jan Zalasiewicz, Mark Williams, Alan Haywood and Michael Ellis The Anthropocene : a new epoch of geological time ? Phil. Trans. R. Soc. A 369:835–841 (2011)
    http://rsta.royalsocietypublishing.org/content/369/1938/835.full.pdf

    Gaia Vince, An Epoch Debate, Science 334:32-37 (2011)
    http://sandpaw.weblogs.anu.edu.au/files/2012/06/An-Epoch-Debate.pdf

    Erle C. Ellis, Anthropogenic transformation of the terrestrial biosphere, Phil. Trans. R. Soc. A 369:1010-1035 (2011)
    http://ecotope.org/People/ellis/papers/ellis_2011.pdf

    Anthony D. Barnosky, Elizabeth A. Hadly, Jordi Bascompte, Eric L. Berlow, James H. Brown, Mikael Fortelius, Wayne M. Getz, John Harte, Alan Hastings, Pablo A. Marquet, Neo D. Martinez, Arne Mooers, Peter Roopnarine, Geerat Vermeij, John W. Williams, Rosemary Gillespie, Justin Kitzes, Charles Marshall, Nicholas Matzke, David P. Mindell, Eloy Revilla and Adam B. Smith « Approaching a state shift in Earth’s biosphere », Nature 486:52-58 (2012)
    http://ib.berkeley.edu/labs/barnosky/Barnoskyetal_nature_v486_n7401.pdf

    Des articles plus récents :

    Richard Monastersky "Anthropocene : The human age", Nature 519:144-147 (2015)
    http://www.nature.com/polopoly_fs/1.17085!/menu/main/topColumns/topLeftColumn/pdf/519144a.pdf

    Simon L. Lewis and Mark A. Maslin "Defining the Anthropocene", Nature 519:171-180 (2015)
    http://anthropoceneinstitute.com/sites/default/files/Nature_Defining%20Anthropocene.pdf

    Colin N. Waters, Jan Zalasiewicz, Colin Summerhayes, Anthony D. Barnosky, Clément Poirier, Agnieszka Gałuszka, Alejandro Cearreta, Matt Edgeworth, Erle C. Ellis, Michael Ellis, Catherine Jeandel, Reinhold Leinfelder, J. R. McNeill, Daniel deB. Richter, Will Steffen, James Syvitski, Davor Vidas, Michael Wagreich, Mark Williams, An Zhisheng, Jacques Grinevald, Eric Odada, Naomi Oreskes and Alexander P. Wolfe "The Anthropocene is functionally and stratigraphically distinct from the Holocene" Science 351 (2016)
    http://faculty.eas.ualberta.ca/wolfe/eprints/Waters_et_al_2016.pdf

    Clive Hamilton "Define the Anthropocene in terms of the whole Earth" Nature 536:251 (2016)
    http://www.nature.com/polopoly_fs/1.20427!/menu/main/topColumns/topLeftColumn/pdf/536251a.pdf

    Autres articles sur le même sujet abordés sur seenthis :

    L’apocalypse et l’anthropocène
    entretien de Joseph Confavreux et Thibault Henneton avec Jean-Baptiste Fressoz, Vacarme, le 4 novembre 2013
    http://www.vacarme.org/article2301.html

    Introduction à l’histoire environnementale
    Jean-Batiste Fressoz, Frédéric Graber, Fabien Locher et Grégory Quenet, La Découverte, Repères, 2014
    https://seenthis.net/messages/514161

    800 000 ans de hausse du taux de CO2 dans l’air
    Audrey Garric, Le Monde, le 9 mai 2014
    https://seenthis.net/messages/255574

    See How Humans Have Reshaped the Globe With This Interactive Atlas
    Esri and Victoria Jaggard, Smithsonian, le 8 octobre 2014
    https://seenthis.net/messages/487592

    L’Homme a fait entrer la Terre dans une nouvelle époque géologique
    Pierre Le Hir, Le Monde, le 16 janvier 2015
    https://seenthis.net/messages/332016

    Anthropocène ou pas ?
    Rémi Sussan, Internet Actu, le 5 mai 2015
    https://seenthis.net/messages/367335

    Avis de tempête sur le climat ? (2/4) : L’anthropocène : par-delà nature et culture
    Adèle Van Reeth et Philippe Descola, France Culture, le 15 septembre 2015
    https://seenthis.net/messages/408840

    Sixteen years of change in the global terrestrial human footprint and implications for biodiversity conservation
    Oscar Venter, Eric W. Sanderson, Ainhoa Magrach, James R. Allan, Jutta Beher, Kendall R. Jones, Hugh P. Possingham, William F. Laurance, Peter Wood, Balázs M. Fekete, Marc A. Levy and James E. M. Watson, Nature Communications 7 (2015)
    https://seenthis.net/messages/519461

    Where in the World Is the Anthropocene ?
    Hannah Waters, Smithsonian, le 30 août 2016
    https://seenthis.net/messages/520441

    The Anthropocene Is Here : Humanity Has Pushed Earth Into a New Epoch
    Deirdre Fulton, Common Dreams, le 30 août 2016
    https://seenthis.net/messages/520010

    L’Anthropocène et l’esthétique du sublime
    Jean-Baptiste Fressoz, Mouvements, le 16 septembre 2016
    https://seenthis.net/messages/527997

    A suivre...

    #recension

  • Enraciner la modernité
    http://www.laviedesidees.fr/Enraciner-la-modernite.html

    Comment mettre les sciences sociales en exposition ? En organisant la rencontre des analyses et des ambitions politiques de Bruno Latour et de certaines œuvres contemporaines, « Reset Modernity ! » fait le pari que les musées peuvent être des espaces de dialogue, et d’un travail collectif sur les enjeux écologiques actuels.

    Essais & débats

    / modernité, #musée, #écologie, #art_contemporain

    #Essais_&_débats #modernité

  • Isabelle Stengers, frayer dans la barbarie
    http://www.radiogrenouille.com/actualites-2/sujets/isabelle-stengers-frayer-dans-la-barbarie

    Isabelle Stengers est philosophe, elle enseigne à l’Université libre de Bruxelles. Sa pratique philosophie n’est pas celle des systèmes. Elle ne cherche pas à englober le tout du monde dans une théorie descriptive, mais elle cherche le chemin praticable dans la barbarie. Il s’agit d’apprendre à naviguer sans jamais se croire totalement protégé·e. Durée : 54 min. C’est donc partir d’une vulnérabilité qu’aucune technique, qu’aucun savoir ne pourrait nous délivrer. S’émanciper serait ici ne pas se laisser empoisonner par le milieu défait, abîmé, qui nous rend incapable de penser ensemble, d’agir ensemble. Savoir le milieu hostile, c’est agir en chaque situation, du point de vue des conséquences. C’est à un pragmatisme des situations qu’Isabelle Stengers nous invite à penser pour sortir de la fatalité qui (...)

  • Les modes d’existence expliqués aux modernes, ou le monde pluriel selon Bruno Latour, par Jean-Pierre Delchambre et Nicolas Marquis

    http://sociologies.revues.org/4478

    Résumé :

    La parution du dernier ouvrage de Bruno Latour intitulé Enquête sur les modes d’existence marque un tournant important dans le parcours intellectuel de son auteur, qui s’y érige comme un métaphysicien assumé. Cette posture, si elle peut fasciner, n’en pose pas moins d’importantes questions tant méthodologiques qu’épistémologiques. Cet article étudie les implications de ce tournant métaphysique sur la définition et la pratique de la sociologie à trois niveaux. D’abord, à partir de la difficulté à discuter la posture de Bruno Latour ; ensuite, à propos de la difficulté à articuler un « pluralisme ontologique » avec un « empirisme radical » en faisant l’économie d’une théorie du langage ; enfin, concernant les effets de ce dispositif dans le champ contemporain des sciences sociales.

    #Latour #Epistemologie #modernité #tournant_linguistique #tournant_métaphysique #pluralisme_ontologique #institution #société

  • Sociologie politique des sciences
    https://lectures.revues.org/20348

    Comment développer une nouvelle connaissance des sciences ? C’est à cette question qu’entend répondre ce nouveau numéro de la revue Politix. En 2008, une controverse sur les modalités de rapprochement entre la sociologie politique et la sociologie des sciences a été formulée dans la Revue française de science politique. Elle engageait Bruno Latour tenant d’une approche pragmatique et Pierre Favre socio-historien, autour d’enjeux de définitions et de frontières disciplinaires. Tandis que le premier justifie une description relativiste des sciences où les questions à première vue « purement techniques » sont « éminemment politiques », le second postule qu’« un usage politique des travaux est toujours possible » mais qu’« une découverte n’est pas par essence politique ». C’est pour tenter de faire dialoguer ces points de vue a priori divergents, tant au niveau théorique que méthodologique, que se développe l’argumentaire de ce présent numéro. Comment s’opère cette rencontre qui interroge les dimensions politiques des sciences et des techniques ?

    #STS #Epistémologie #Sociologie_des_sciences #Sociologie_politique

  • Reprise des cours de cartographie des controverses à Sciences Po ! – FORCCAST

    http://forccast.hypotheses.org/3078

    Je découvre la #cartographie_des_controverses (j’avais peut-être référencé cette approche mais je ne m’en souvient pas.).

    Des images ici
    http://controverses.sciences-po.fr/archiveindex

    Le semestre de printemps débute le lundi 25 janvier à Sciences Po. Trois cours de “Cartographie des controverses” sont proposés dans différents diplômes et différentes Écoles.

    Les liaisons entre l’art et les marques (École de la Communication)
    Les labels de musique indépendants (École de la Communication)
    La mort numérique (École de la Communication)
    Genre et corruption (PSIA)
    La taxation des entreprises (PSIA)
    Cryptowar (PSIA)
    VIH et circoncision en Afrique (double diplôme Sciences Po / Paris 6)
    Richard Prince et l’Appropriation Art (double diplôme Sciences Po / Paris 6)
    Le projet de réacteur EPR (double diplôme Sciences Po / Paris 6)

    Je vois que Bruno Latour l’évoque ici :

    http://www.bruno-latour.fr/fr/node/31

    Cartographie de controverses
    L’objet du cours

    Le cours « cartographie des controverses » a pour but d’apprendre aux étudiants à se repérer dans l’univers de plus en plus divers de la recherche scientifique et technique. Il est fondé sur la « cartographie » de sujets qui sont l’objet d’une expertise technique poussée et qui, en même temps, sont devenus des affaires, souvent embrouillées, mêlant les questions juridiques, morales, économiques et sociales, au point que ces affaires, « ces choses publiques », deviennent de plus en plus le cœur de la vie politique. L’apprentissage concerne à la fois les méthodes de la sociologie des sciences et des techniques, l’étude de l’argumentation scientifique, l’analyse des médias ainsi que les nouvelles méthodes de « scientométrie » et de « géographie virtuelle » développées de plus en plus sur internet. Ainsi, le cours développe des aptitudes à l’enquête qualitative aussi bien que quantitative et permet d’établir de façon systématique des ponts entre la formation en sciences exactes et en sciences sociales. Le but est d’explorer, grâce à de nouvelles méthodes pédagogiques et à la fabrication de sites web de controverses, les types d’assemblées qui permettraient de retrouver une forme partagée et légitime d’objectivité.

    Le cours se déroule en deux semestres : au premier semestre, il s’agit essentiellement de cours magistraux (12 séances). A partir des deux dernières séances, puis tout au long du second semestre, les conférences de méthode ont pour but d’apprendre à fabriquer les sites de controverses en collaboration d’une part avec les élèves de l’Ecole des Mines de Paris et d’autre part avec le Centre STS du MIT qui suivent la même charte pédagogique.