person:christophe dejours

  • « La domination au travail est beaucoup plus dure qu’avant » | L’Echo
    https://www.lecho.be/opinions/carte-blanche/la-domination-au-travail-est-beaucoup-plus-dure-qu-avant/10060958.html
    https://images.lecho.be/view?iid=dc:134266160&context=ONLINE&ratio=16/9&width=640&u=1540186800000

    Psychiatre et psychanalyste, Christophe Dejours est professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM, Paris), titulaire de la chaire Psychanalyse-Santé-Travail et directeur de recherche à l’Université Paris V. Auteur d’une œuvre abondante sur le monde du travail et les pathologies associées, il dénonce l’avènement des « gestionnaires » dans les années 1980, qui a, dit-il, eu des effets catastrophiques sur la qualité du travail et les pathologies qui en découlent. « En entreprise, si l’exigence de performance devient insoutenable, le risque d’effondrement collectif existe », prévient-il.

    Vous êtes un spécialiste des rapports entre l’homme et le travail. Et notamment de la psychodynamique du travail. De quoi s’agit-il ?

    C’est une discipline née de la rencontre entre la psychopathologie du travail et l’ergonomie. Elle cherche à comprendre comment les travailleurs parviennent à maintenir intègre leur santé mentale malgré une organisation du travail souvent nuisible… On a ainsi découvert que la normalité est le résultat d’un compromis entre, d’un côté, des contraintes délétères pour le psychisme – qui peuvent conduire à la maladie mentale – et, de l’autre, la construction de stratégies de défense.

    #travail #emploi #entreprise #souffrance_au_travail

  • Christophe Dejours, psychiatre : « Les soignants sont contraints d’apporter leur concours à des actes qu’ils réprouvent »

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/02/15/christophe-dejours-psychiatre-les-soignants-sont-contraints-d-apporter-leur-

    Depuis quatre ans, ce psychiatre reçoit en consultation des « grappes » de médecins, souvent chefs de service, dans des états psychiques préoccupants.

    Psychiatre, psychanalyste, professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), Christophe Dejours est spécialiste en psychodynamique du travail. Il a récemment publié Le Choix. Souffrir au travail n’est pas une fatalité (Bayard, 2015) et Situations du travail (PUF, 2016).

    Depuis quelques années, vous recevez dans votre cabinet des psychiatres des hôpitaux en grande souffrance. Que se passe-t-il ?

    Il s’agit souvent de chefs de service, qui sont dans des états psychiques préoccupants – états de confusion mentale, problèmes somatiques gravissimes. J’ai commencé à les voir arriver par grappes il y a environ quatre ans. Or, si de nouvelles formes de pathologie liées au travail apparaissent, c’est que quelque chose a changé dans son organisation. En l’occurrence, la généralisation des méthodes du New Public Management [« nouvelle gestion publique », NPM] aux services de soins.

    En quoi ces techniques de gestion rendent-elles malades les psychiatres hospitaliers ?

    Tous me font une description similaire de leur situation. Ce sont toujours des cliniciens fortement engagés, depuis de longues années, dans la pratique en institution. La décompensation psychopathologique survient quelques mois ou quelques années après l’arrivée d’un nouveau directeur, le plus souvent un jeune gestionnaire. Après un audit, celui-ci met en place des outils d’évaluation et des protocoles de soins. Avec deux priorités : des objectifs quantitatifs et des performances mesurables. Entre les deux, le gestionnaire ne veut rien savoir. Résultat : des conditions de travail ingérables pour les chefs de service. Ils doivent d’un côté diriger des équipes qui n’arrivent plus à fonctionner, de l’autre affronter une administration qui ne cesse de les harceler avec une série d’exigences n’ayant rien à voir avec leur métier. Cela provoque chez nombre d’entre eux des décompensations brutales qu’on ne voyait pas auparavant.

    Recevez-vous également des médecins hospitaliers non psychiatres ?

    Moins. D’une part parce que les psychiatres sont plus habitués que d’autres, quand ils vont mal, à aller voir un psychanalyste, d’autre part parce qu’ils connaissent mieux la psychodynamique du travail. Mais la souffrance est la même pour le cardiologue, le radiologue, l’anesthésiste ou le diabétologue.

    Pourquoi les méthodes du NPM sont-elles néfastes au travail des praticiens ?

    Autrefois, les hôpitaux étaient systématiquement dirigés par un médecin formé en administration-gestion. Depuis le tournant gestionnaire des années 2000, ils sont dirigés par un gestionnaire. La gouvernance par les nombres a ainsi remplacé un gouvernement qui faisait référence à des règles. Des règles de droit (du travail, de la protection des salariés), mais aussi des règles de métier, des manières de travailler qui exigent le respect de certains principes. L’administrateur d’un service hospitalier dirigeait sur la base de ces règles de métier, dont il connaissait le langage et les valeurs. Cela produisait ce qu’on appelle l’ethos professionnel : une éthique fondée sur la connaissance du métier, qui organise le savoir-vivre, la convivialité et le respect de l’autre sur le lieu du travail.

    Comment cet ethos est-il affecté par la gouvernance du nombre ?

    Les gestionnaires ne connaissent pas le travail et ne veulent pas le connaître. Cela fait partie des principes des sciences de la gestion : ne rien savoir des règles de métier, pour asseoir sa domination et ne pas avoir à faire de compromis. Tout ce qui importe, c’est de mesurer les performances. Or les performances en question ne mesurent pas le travail du soin, et ne le mesureront jamais. On peut mesurer la qualité d’un traitement – et encore. Mais la relation avec le patient est du domaine de la subjectivité, sa qualité ne dépend pas que du soignant. Elle dépend aussi du patient, de la coopération qui se constitue entre le prestataire et le destinataire du service du soin. Que vous soyez cardiologue, gastro-entérologue ou cancérologue, il faut que le patient travaille avec vous à son traitement. Et ça, ce n’est pas mesurable.

    Les médecins en souffrance que vous recevez évoquent toujours un contexte marqué par la solitude. Que devient, dans ce système managérial, la solidarité professionnelle ?

    Elle est réduite à néant, à l’aide d’un outil très simple : l’évaluation individualisée des performances. Cette dernière, qui est aussi une menace de sanction ou de licenciement, a des effets extrêmement puissants sur les relations entre les gens. Elle ouvre la voie à la concurrence déloyale, elle altère le savoir-vivre, le respect de l’autre, la solidarité, elle casse le collectif et introduit la peur dans le monde du travail. Il en résulte un affaiblissement de chacun et un accroissement de la solitude.

    Cette gestion entraîne donc la détérioration de notre travail, qui fait elle-même le lit de la maltraitance. Les soignants sont ainsi contraints d’apporter leur concours à des actes qu’ils réprouvent moralement : c’est ce que l’on appelle la souffrance éthique. Or cette souffrance est extrêmement grave : à force de trahir les règles du métier, à force de trahir les collègues qu’on ne défend pas, on finit par se trahir soi-même, ce qui ruine les bases éthiques de l’identité.

    Avec quelles conséquences ?

    Face à cette souffrance éthique, il y a deux réactions possibles. Soit on parvient à développer une stratégie de défense, ce qui produit une insensibilisation du soignant à la souffrance de l’autre. C’est la porte ouverte à la maltraitance chronique, et cela explique également les mauvais traitements que subissent, sur leurs lieux de stage, les étudiants – dont la bonne volonté et la sensibilité à la souffrance des malades réveillent la mauvaise conscience des soignants, heurtant de plein fouet leurs stratégies de défense. L’autre réaction, c’est la décompensation brutale, avec le risque de passage à l’acte. Cette souffrance éthique est l’élément déterminant de l’apparition des suicides sur les lieux de travail, chez les médecins et soignants hospitaliers comme partout ailleurs.

  • La psychiatrie en grande souffrance, Journal officiel de tous les pouvoirs

    Ecrasés par les restrictions budgétaires, les soignants se disent à bout et dénoncent une « perte de sens » de leur travail

    Il y a chez eux de la fatigue, du désarroi et de la colère. Depuis des mois, des médecins et des soignants du secteur psychiatrique multiplient grèves et lettres ouvertes aux autorités sanitaires pour alerter sur la dégradation de leurs -conditions de travail en raison des restrictions budgétaires. Et, par conséquent, sur la détério-ration de la prise en charge des malades.

    Après des années de restructurations et de non-remplacement systématique des départs, plusieurs responsables syndicaux estiment que ce service public est désormais « à l’os ». « On nous pressurise depuis des années, on est arrivé à un point de bascule », assure Jean-Pierre Salvarelli, membre du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) et chef de pôle au Vinatier, à Lyon, l’un des plus gros hôpitaux psychiatriques de France. L’année dernière, 52 postes de soignants ont été supprimés dans cet établissement. « Les infirmières et les aides-soignantes se démultiplient pour boucher les trous, dit-il. Mais les équipes n’en peuvent plus. »

    Turnover et absentéisme

    D’un bout à l’autre de la France, les mêmes maux et les mêmes symptômes : des taux d’absentéisme élevés, un fort turnover des personnels, des postes de médecins non pourvus (il manquerait 900 à 1 000 psychiatres, selon le SPH), des lits en nombre insuffisant dans certains services, notamment aux urgences, et des patients à accueillir toujours plus nombreux.

    Entre 2010 et 2016, près de 300 000 personnes supplémentaires ont été suivies en psychiatrie. « Les ressources n’ont pas augmenté proportionnellement à la croissance de la file active, constate Magali Coldefy, géographeà l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes). Faute de moyens, la psychiatrie a tendance à se replier sur l’intra-hospitalier et la gestion de la crise et de l’urgence. »

    Signes extérieurs du malaise ambiant, les établissements -d’Allonnes (Sarthe), Bourges (Cher) ou Rennes (Ille-et-Vilaine) ont connu ces derniers mois des mouvements de grève. Le 5 janvier, sept anciens psychiatres de l’hôpital Philippe-Pinel, à Amiens (Somme), ont écrit à la ministre de la santé Agnès Buzyn pour lui expliquer pourquoi la « dégradation continuelle des conditions de prise en charge des patients » avait pesé dans leur choix « douloureux » de quitter l’hôpital public. Dans leur courrier, ils dénoncent un « hôpital en déshérence » et une « souffrance éthique et professionnelle à son paroxysme ».

    La gravité de la crise commencerait-elle à être perçue au-delà des enceintes des hôpitaux psychiatriques ? La députée (La République en marche) de la Somme Barbara Pompili a dit sa « honte » après avoir visité l’établissement d’Amiens le 3 novembre 2017. « La faiblesse hallucinante des effectifs transforme cet hôpital en gigantesque garderie, avec toutes les conséquences que cela peut avoir pour ceux qui sortent, comme pour ceux qui ne sortent pas », avait-elle écrit. Quant à François Ruffin (La France insoumise), l’autre député du département, il a récemment publié un livre (Un député à l’hôpital psychiatrique, Fakir éditions) dans lequel il raconte les difficultés et les dysfonctionnements de ce même hôpital.

    Les restrictions budgétaires ont différents types de conséquences. Au sein même des hôpitaux, de nombreux infirmiers, dont les témoignages ont été recueillis après un appel lancé sur le site du Monde, disent ne plus avoir le temps de parler avec les patients hospitalisés ou d’effectuer avec eux des activités thérapeutiques. « On est accaparé par l’urgence et le quotidien. Nous n’avons plus le temps de faire des entretiens avec les patients, de prendre un café avec eux, ou de les accompagner pour qu’ils puissent téléphoner. Cela génère des situations d’agressivité et de violence plus fréquentes. Et nous, on a le sentiment de mal faire notre travail, d’être maltraitants », raconte Marion, 25 ans, infirmière dans un gros hôpital de province.

    Motivation en berne

    « Quand je suis arrivé à l’hôpital il y a quelques années, on faisait encore des sorties au musée, au cinéma ou au cirque, témoigne-Cyril, infirmier dans un hôpital du sud de la France. Cette année, nous n’avons pas prévu d’en faire car nous arrivons à peine à tenir le planning et à assurer la continuité du service. » " Je ne suis qu’un garde-fou, nous n’avons plus les moyens et la motivation d’être soignant « , estime un infirmier à Agen, résumant ainsi la » perte de sens « ou l’amertume racontées au Monde par de nombreux professionnels de santé.

    Car pour répondre à la violence, lorsque les effectifs manquent, les recours à la chambre d’isolement (une pièce sécurisée avec matelas fixé au sol) et à la contention peuvent augmenter. En 2016, le contrôleur général des privations des lieux de liberté avait dénoncé la » banalisation « de ces pratiques.

    Après avoir fermé près de 15 000 lits de psychiatrie entre 1997 et 2015, les hôpitaux n’arrivent pas aujourd’hui à prendre en charge correctement tous les patients. Face à la hausse du nombre d’hospitalisations sous contrainte (92 000 personnes en 2015), il n’est pas rare que des unités de soins prévues pour 20 patients en accueillent davantage. » C’est la course aux lits, pour faire de la place, on fait sortir les malades dès qu’ils ne représentent plus un danger direct pour eux ou pour les autres, raconte Marie, 41 ans, psychiatre dans un établissement de la région parisienne. L’absence de lits est devenue un critère dans la durée de soins des patients, autant, voire parfois plus, que l’aspect médical. « 
    Une autre infirmière exerçant dans un hôpital du sud de la France fait état de patients obligés de rester en chambre d’isolement, » alors qu’ils n’en ont plus besoin au niveau psychiatrique « , par manque de place.

    Jean Vignes, le secrétaire général du syndicat SUD-Santé-Sociaux, juge d’ailleurs la situation » tellement tendue « qu’il plaide pour la réouverture » au moins de façon provisoire « d’un millier de lits. Pour justifier cette revendication en demi-teinte, il explique que son organisation était historiquement » pour la diminution du nombre de lits « , mais » à condition d’avoir les moyens d’assurer le suivi en extra-hospitalier « .

    Or, c’est cette prise en charge, assurée hors des murs des établissements psychiatriques, par notamment les centres médico-psychologiques (CMP), émanations de l’hôpital présentes partout sur le territoire, qui semble aujourd’hui le plus souffrir des restrictions budgétaires. » On a mécaniquement tendance à alléger l’ambulatoire - le suivi à l’extérieur - et à rapatrier les ressources vers les services d’hospitalisation. C’est l’hôpital qui prime, c’est un retour à l’asile « , déplore Isabelle Montet, la secrétaire générale du SPH.
     » On est obligé de se retirer des endroits où vivent les gens parce que nous sommes contraints de centrer nos efforts sur ce qui est incontournable pour la société, c’est-à-dire accueillir les patients qui relèvent de soins non consentis « , explique le docteur Marie-José Cortes.

    Une nouvelle organisation

    Un poids grandissant de l’hôpital, vu comme un retour en arrière par de nombreux professionnels, qui heurte aussi les associations de patients. » Je ne pense pas qu’il y ait un manque réel de moyens, de personnels et de lits « , estime ainsi Claude Finkelstein, la présidente de la Fédération nationale des associations en psychiatrie (Fnapsy). Pour elle, » on travaille encore à l’ancienne « dans le domaine de la psychiatrie, et » trop de gens sont à l’hôpital parce qu’on ne sait pas où les mettre « . » Il ne faut pas colmater, mais réfléchir à une nouvelle organisation des soins « , ajoute -Fabienne Blain, porte-parole du collectif Schizophrénie, qui demande une vaste réallocation des moyens consacrés à la psychiatrie.

    François Béguin

    Pour les enfants, jusqu’à un an d’attente avant un rendez-vous

    Du côté des petits patients, des délais d’attente inadmissibles pour une première consultation et un manque de lits d’hospitalisation. Du côté des pédopsychiatres, une crise démographique et universitaire, qui rend la spécialité de moins en moins attrayante. La psychiatrie des enfants et des adolescents est » sinistrée « , selon le sénateur (LRM) et médecin Michel Amiel, rapporteur, en mai 2017, d’un volumineux rapport d’information parlementaire sur la psychiatrie des mineurs en France.

    Le repérage et la prise en charge précoce des troubles psy des jeunes sont considérés comme une priorité. Mais au regard de la forte hausse des besoins et aux nouveaux défis liés notamment au décrochage scolaire, au harcèlement ou aux traumatismes liés aux attentats, » le nombre de structures de prise en charge et leurs effectifs ont très peu augmenté « , constate ce rapport. Les CMP (centres médico-psychologiques) et CMPP (centres médico-psychopédagogiques), bien souvent structures d’entrée dans le parcours de soins psychiatriques, sont engorgés. Le délai pour une première consultation dépasse un an dans certains départements, désespérant familles et professionnels. » On a des demandes de 2016 auxquelles on n’a pas répondu. On a honte. On voit tous les dégâts qu’on aurait pu éviter, les souffrances qu’on aurait pu atténuer « , témoigne une pédopsychiatre exerçant dans un CMP de province.

    Le nombre de lits d’hospitalisation en pédopsychiatrie est en augmentation depuis 2001, mais les capacités sont encore trop limitées, avec de fortes inégalités territoriales, souligne le rapport. Le délai d’obtention d’une place en hôpital de jour – l’essentiel des prises en charge hospitalières des mineurs – est lui aussi jugé important.

    Cercle vicieux

    Quant au nombre de pédopsychiatres inscrits en tant que tels au conseil de l’ordre des médecins, il a été divisé par deux en dix ans. De 1 235 en 2007, il est passé à 593 en 2017, dont 80 % ont plus de 60 ans. Certes, ces chiffres sont à prendre avec précaution, car le dénombrement précis de ces praticiens est complexe,la pédopsychiatrie n’étant pas une spécialité médicale distincte de la psychiatrie. Mais la désaffection est indéniable, et contribue à un cercle vicieux. Moins il y a de pédopsychiatres, moins il y a de formateurs et donc de nouvelles vocations.

    En France, une faculté de médecine sur cinq n’a pas de professeur d’université en pédopsychiatrie. » A Nantes, je suis le seul enseignant universitaire de psychiatrie de l’enfant pour la soixantaine d’internes en psychiatrie. Comment les former convenablement et quelle perspective de carrière académique puis-je proposer aux jeunes qui voudraient travailler avec moi ? « , s’interroge le professeur Olivier Bonnot, chef du service de pédopsychiatrie du CHU. » Le constat est connu, la solution aussi, mais on reste souvent dans l’injonction paradoxale, regrette le pédopsychiatre et chercheur Bruno Falissard. Les politiques demandent de nommer un professeur de pédopsychiatrie dans chaque université, mais celles-ci sont autonomes, ce sont elles qui jugent si le cursus d’un candidat est suffisant. « 
    Sandrine Cabut

    Agnès Buzyn : » Il faut préserver les moyens de la psychiatrie « 

    La ministre de la santé annonce un plan comportant des mesures de formation, de hausses de tarifs et la création d’indicateurs de qualité

    La ministre de la santé Agnès Buzyn présente, vendredi 26 janvier, un plan de douze mesures d’urgence en faveur de la psychiatrie. Dans un entretien au Monde, elle livre son constat sur ce secteur, » paupérisé « et » en souffrance «  : » En psychiatrie, il y a le pire et le meilleur. « 

    Plusieurs grèves ont eu lieu ces derniers mois dans les -hôpitaux psychiatriques pour dénoncer les conditions de -travail et la dégradation de -l’accueil des patients. Y a-t-il une » crise « de la psychiatrie ?

    C’est une discipline qui s’est paupérisée et sur laquelle il n’y a pas eu un vrai investissement depuis des années. Pourtant les besoins sont en constante augmentation, parce que la société est de plus en plus dure, qu’il y a plus d’addictions, moins d’accompagnement des familles… On peut dénoncer des conditions de travail parfois très dures, ainsi que des conditions d’hospitalisation parfois dégradées, mais il faut être attentif à ne pas généraliser les -situations dramatiques que l’on peut observer dans certains endroits. Ce -serait dévaloriser le travail -formidable qui est fait dans beaucoup d’établissements de santé mentale. En psychiatrie, il y a le pire et le meilleur.

    Qu’allez-vous faire face à un tel constat ?

    Ces cinq dernières années, il y a eu six rapports sur la situation de la psychiatrie. Les constats et les recommandations étaient souvent les mêmes. Je me suis dit qu’il n’était donc pas nécessaire d’en commander un nouveau. Les douze mesures d’urgence que je présente aujourd’hui sont issues des propositions formulées en décembre par l’ensemble des représentants de la psychiatrie française. Il me semble important de donner un signal de prise en compte de cette souffrance générale, des professionnels et des malades. Ce faisant, je veux parvenir à déstigmatiser ces derniers, et rendre leur dignité à ceux qui sont pris en charge dans des conditions déplorables. Le regard de la société sur ce secteur doit changer.

    Le manque de moyens financiers mis en avant par les soignants est-il une réalité ?

    Dans beaucoup d’endroits, les psychiatres tirent la sonnette d’alarme sur les moyens parce que leur activité est la variable d’ajustement du budget du reste de l’hôpital. Vu la faiblesse et la souffrance du secteur psychiatrique, je souhaite que les moyens de cette discipline soient préservés. Cela n’a pas de sens - pour un établissement - de compenser une baisse d’activité dans des services de médecine ou de chirurgie par un prélèvement sur la psychiatrie. Par ailleurs, cette discipline doit totalement être intégrée au monde de la santé, avec la même exigence de qualité, de sécurité des pratiques et de pertinence des soins qu’ailleurs. Or aujourd’hui des patients hospitalisés en psychiatrie n’accèdent pas suffisamment à des soins somatiques, ce qui peut être délétère pour leur santé. Leur espérance de vie est plus courte, ce n’est pas tolérable. Il faut que les filières de soins s’organisent et que ces malades puissent bénéficier du même suivi que les autres.

    Vous dites que les budgets hospitaliers seront » préservés « . Donc pas augmentés…

    Annoncer des moyens sup-plémentaires n’est pas toujours -l’alpha et l’omega en matière de bonnes pratiques. C’est même parfois la solution de facilité. Il vaut mieux d’abord faire en sorte que les professionnels s’organisent et se parlent plutôt que de systématiquement rajouter des moyens dans des endroits qui sont mal organisés ou qui ne respectent pas les bonnes pratiques.

    Comment remédier à cette -hétérogénéité des pratiques et de l’offre ?

    L’organisation en secteurs, créée dans les années 1960 pour garantir un accès aux soins sur tout le territoire, doit être maintenue mais améliorée. Il faut que les psychiatres de secteur, les généralistes et les acteurs du médico-social se parlent et mettent en place des filières de prise en charge. Les différentes chapelles de professionnels de santé mentale doivent aussi un peu baisser la garde, car nous avons besoin de tout le monde pour assurer les soins sur le territoire. D’ailleurs j’ai décidé de créer et de présider un comité stratégique de la santé mentale et de la psychiatrie, qui va remplacer l’actuel conseil national de santé mentale.

    Jusqu’ici la psychiatrie a » échappé « à tout système d’évaluation…

    Il y a trop peu d’indicateurs de qualité en psychiatrie. Il faut pouvoir mesurer l’usage de médicaments, la précocité des diagnostics ou la rapidité d’une prise en charge. On ne peut pas restructurer une discipline sans avoir une vision claire de l’état des pratiques. Quand j’étais présidente de la Haute Autorité de santé (HAS), j’ai lancé cette démarche sur les recours à l’isolement ou à la contention, dont le contrôleur général des lieux de privation de liberté avait dénoncé la banalisation. Aujourd’hui ministre, j’ai demandé à la HAS de travailler sur des nouveaux indicateurs pertinents. Mon objectif est que partout en France, on ait les mêmes chances d’accéder à une filière de qualité.

    Qu’en est-il de la pédopsychiatrie, où jusqu’à un an d’attente est parfois nécessaire pour un premier rendez-vous ?

    La démographie est en chute libre dans cette spécialité. Les professionnels sont débordés, et les universitaires ne peuvent plus faire d’enseignement et de recherche tellement il y a de patients à prendre en charge. C’est un cercle vicieux, plus personne ne veut s’investir. Il y a des régions entières où il n’y a pas de formation. Je souhaite donc qu’il y ait au moins un poste de professeur de pédopsychiatrie par faculté de médecine. C’est un premier pas indispensable pour retrouver l’attractivité.

    Cela suffira-t-il à résoudre une situation aussi critique ?

    Nous allons, avec l’Assurance-maladie, réévaluer les tarifs d’un certain nombre de consultations qui ne sont pas assurées en libéral aujourd’hui parce que trop longues par rapport au tarif de la Sécurité sociale. Recevoir un enfant, cela prend du temps. Résultat : on ne trouve pratiquement pas de pédopsychiatres en ville. Ce sera également le cas pour les consultations complexes de psychiatrie en médecine générale. Le suivi ambulatoire est souvent perçu comme moins stigmatisant que le suivi hospitalier, il va permettre de réduire les ruptures de soins

    Quel doit être le rôle des médecins généralistes ?

    Ils sont plus ou moins bien armés vis-à-vis des problèmes de santé mentale, notamment des enfants. Il faut qu’ils soient formés de manière à les repérer, puis qu’ils sachent à qui adresser les malades. Beaucoup de situations pourraient être prises en charge en médecine générale. C’est pourquoi tous ces futurs praticiens effectueront un stage obligatoire en psychiatrie au cours de leurs études. Trois ou six mois, les modalités restent à discuter.

    La suppression il y a vingt-cinq ans de la spécialisation des infirmiers en psychiatrie est pointée comme un problème. Faut-il revoir leur formation ?

    Je souhaite que les infirmiers qui exercent dans ces services acquièrent une » sur-spécialité « dans ce domaine, par le biais des pratiques avancées. Sans pour autant recréer un corps spécifique, cela permettra de répandre la bonne pratique dans les établissements, et d’assurer certaines tâches aujourd’hui dévolues aux psychiatres.

    Les prisons traversent une grave crise. Or autour d’un quart des détenus souffre de troubles psychiatriques. Que doit-on faire avec eux ?

    Il existe des unités hospitalières spécialement aménagées pour recevoir des détenus présentant un trouble de santé mentale. La première unité s’est ouverte à Marseille en septembre 2017 avec 440 places. La stratégie nationale de santé prévoit de poursuivre la création de ces unités.

    Propos recueillis par François Béguin, Sandrine Cabut, et Laetitia Clavreul

    LES MESURES
    Agnès Buzyn, la ministre de la santé, présentait vendredi 26 janvier son plan d’action

    Stage obligatoire
    Un stage sera obligatoire en -psychiatrie ou en santé mentale pour tous les futurs médecins généralistes lors de leur -internat

    Formation continue » Sur-spécialisation " des infirmiers travaillant en psychiatrie, via la formation continue [la suppression du diplôme d’infirmier psychiatrique date de 1994 nec
    http://psychiatriinfirmiere.free.fr/formation/infirmier/psychiatrie/infirmier-secteur-psychiatrique.htm

    Bonnes pratiques
    Mise en place d’indicateurs de la qualité des soins et de recommandations de bonnes pratiques en psychiatrie

    Révision des tarifs
    Revalorisation du montant des consultations de pédopsychiatrie et des consultations complexes de psychiatrie en médecine générale lors d’une prochaine révision de la convention médicale

    Budget des hôpitaux
    Préservation des budgets consacrés à la psychiatrie au sein des -groupements hospitaliers de -territoires et dans les hôpitaux généraux d’ici la fin d’année

    De la psychiatrie vers la santé mentale, Rapport de mission , Dr Eric Piel, Dr Jean-Luc Roelandt, juillet 2001
    https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-et-traitements-2001-4-page-9.htm

    Entre 1990 et 1997, dans le secteur public, l’évolution des pratiques de prise en charge s’est traduite à la fois par une augmentation du nombre de places d’hospitalisation partielle (+25 %) et par une forte baisse du nombre de lits d’hospitalisation complète (-32 %). La hausse des capacités d’hospitalisation partielle (+4 861) n’a toutefois pas compensé la diminution des lits d’hospitalisation complète (-26 711), d’où un recul de la capacité totale en lits et places de 21 % sur sept ans.

    #psychiatrie #soin #management

    • Christophe Dejours, psychiatre : « Les soignants sont contraints d’apporter leur concours à des actes qu’ils réprouvent », Propos recueillis par Catherine Vincent, LE MONDE IDEES | 15.02.2018

      Depuis quatre ans, ce psychiatre reçoit en consultation des « grappes » de médecins, souvent chefs de service, dans des états psychiques préoccupants.

      Psychiatre, psychanalyste, professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), Christophe Dejours est spécialiste en psychodynamique du travail. Il a récemment publié Le Choix. Souffrir au travail n’est pas une fatalité (Bayard, 2015) et Situations du travail (PUF, 2016).

      Depuis quelques années, vous recevez dans votre cabinet des psychiatres des hôpitaux en grande souffrance. Que se passe-t-il ?

      Il s’agit souvent de chefs de service, qui sont dans des états psychiques préoccupants – états de confusion mentale, problèmes somatiques gravissimes. J’ai commencé à les voir arriver par grappes il y a environ quatre ans. Or, si de nouvelles formes de pathologie liées au travail apparaissent, c’est que quelque chose a changé dans son organisation. En l’occurrence, la généralisation des méthodes du New Public Management [« nouvelle gestion publique », NPM] aux services de soins.

      En quoi ces techniques de gestion rendent-elles malades les psychiatres hospitaliers ?

      Tous me font une description similaire de leur situation. Ce sont toujours des cliniciens fortement engagés, depuis de longues années, dans la pratique en institution. La décompensation psychopathologique survient quelques mois ou quelques années après l’arrivée d’un nouveau directeur, le plus souvent un jeune gestionnaire. Après un audit, celui-ci met en place des outils d’évaluation et des protocoles de soins. Avec deux priorités : des objectifs quantitatifs et des performances mesurables. Entre les deux, le gestionnaire ne veut rien savoir. Résultat : des conditions de travail ingérables pour les chefs de service. Ils doivent d’un côté diriger des équipes qui n’arrivent plus à fonctionner, de l’autre affronter une administration qui ne cesse de les harceler avec une série d’exigences n’ayant rien à voir avec leur métier. Cela provoque chez nombre d’entre eux des décompensations brutales qu’on ne voyait pas auparavant.

      Recevez-vous également des médecins hospitaliers non psychiatres ?

      Moins. D’une part parce que les psychiatres sont plus habitués que d’autres, quand ils vont mal, à aller voir un psychanalyste, d’autre part parce qu’ils connaissent mieux la psychodynamique du travail. Mais la souffrance est la même pour le cardiologue, le radiologue, l’anesthésiste ou le diabétologue.

      Pourquoi les méthodes du NPM sont-elles néfastes au travail des praticiens ?

      Autrefois, les hôpitaux étaient systématiquement dirigés par un médecin formé en administration-gestion. Depuis le tournant gestionnaire des années 2000, ils sont dirigés par un gestionnaire. La gouvernance par les nombres a ainsi remplacé un gouvernement qui faisait référence à des règles. Des règles de droit (du travail, de la protection des salariés), mais aussi des règles de métier, des manières de travailler qui exigent le respect de certains principes. L’administrateur d’un service hospitalier dirigeait sur la base de ces règles de métier, dont il connaissait le langage et les valeurs. Cela produisait ce qu’on appelle l’ethos professionnel : une éthique fondée sur la connaissance du métier, qui organise le savoir-vivre, la convivialité et le respect de l’autre sur le lieu du travail.
      Comment cet ethos est-il affecté par la gouvernance du nombre ?

      Les gestionnaires ne connaissent pas le travail et ne veulent pas le connaître. Cela fait partie des principes des sciences de la gestion : ne rien savoir des règles de métier, pour asseoir sa domination et ne pas avoir à faire de compromis. Tout ce qui importe, c’est de mesurer les performances. Or les performances en question ne mesurent pas le travail du soin, et ne le mesureront jamais. On peut mesurer la qualité d’un traitement – et encore. Mais la relation avec le patient est du domaine de la subjectivité, sa qualité ne dépend pas que du soignant. Elle dépend aussi du patient, de la coopération qui se constitue entre le prestataire et le destinataire du service du soin. Que vous soyez cardiologue, gastro-entérologue ou cancérologue, il faut que le patient travaille avec vous à son traitement. Et ça, ce n’est pas mesurable.

      Les médecins en souffrance que vous recevez évoquent toujours un contexte marqué par la solitude. Que devient, dans ce système managérial, la solidarité professionnelle ?

      Elle est réduite à néant, à l’aide d’un outil très simple : l’évaluation individualisée des performances. Cette dernière, qui est aussi une menace de sanction ou de licenciement, a des effets extrêmement puissants sur les relations entre les gens. Elle ouvre la voie à la concurrence déloyale, elle altère le savoir-vivre, le respect de l’autre, la solidarité, elle casse le collectif et introduit la peur dans le monde du travail. Il en résulte un affaiblissement de chacun et un accroissement de la solitude.
      Cette gestion entraîne donc la détérioration de notre travail, qui fait elle-même le lit de la maltraitance. Les soignants sont ainsi contraints d’apporter leur concours à des actes qu’ils réprouvent moralement : c’est ce que l’on appelle la souffrance éthique. Or cette souffrance est extrêmement grave : à force de trahir les règles du métier, à force de trahir les collègues qu’on ne défend pas, on finit par se trahir soi-même, ce qui ruine les bases éthiques de l’identité.

      Avec quelles conséquences ?

      Face à cette souffrance éthique, il y a deux réactions possibles. Soit on parvient à développer une stratégie de défense, ce qui produit une insensibilisation du soignant à la souffrance de l’autre. C’est la porte ouverte à la maltraitance chronique, et cela explique également les mauvais traitements que subissent, sur leurs lieux de stage, les étudiants – dont la bonne volonté et la sensibilité à la souffrance des malades réveillent la mauvaise conscience des soignants, heurtant de plein fouet leurs stratégies de défense. L’autre réaction, c’est la décompensation brutale, avec le risque de passage à l’acte. Cette souffrance éthique est l’élément déterminant de l’apparition des suicides sur les lieux de travail, chez les médecins et soignants hospitaliers comme partout ailleurs.

  • Virilité défensive, masculinité créatrice | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2000-1-page-25.htm

    e terme de masculinité existe dans la langue française depuis le XIIIème siècle avec une remarquable stabilité sémantique. Selon le petit Robert : la qualité d’homme, de mâle ; l’ensemble des caractéristiques masculines. La masculinité n’est devenue un problème, et un programme scientifique, qu’à partir du moment où les femmes ont commencé à remettre en question leur différence. La masculinité et la virilité sont-elles la même chose ou bien les deux termes recouvrent-ils un antagonisme entre deux modalités contrastées du masculin ? Parmi les auteurs de recherches sur les hommes en tant que groupe sexué, certains considèrent que la masculinité se définit par la virilité, tandis que pour d’autres, au contraire, la masculinité est en conflit avec la virilité. Mais il est un point sur lequel la plupart des auteurs contemporains seront d’accord. Viols et violences, mépris et humiliation des femmes et des hommes dévalorisés qui leur sont assimilés, cynisme, manque de pensée et appauvrissement affectif : la représentation des hommes qui exsude d’une lecture attentive des recherches qui leur sont consacrées est suffocante. Quels que soient les champs disciplinaires et les orientations théoriques, la virilité désigne l’expression collective et individuelle de la domination masculine et ne saurait donc constituer une définition positive du masculin.
    2

    La virilité revêt un double sens : “Premièrement, les attributs sociaux associés aux hommes et au masculin : la force, le courage, la capacité à se battre, le droit à la violence et aux privilèges associés à la domination de celles, et ceux, qui ne sont pas, et ne peuvent être virils : femmes, enfants… Deuxièmement, la forme érectile de la sexualité masculine” (Molinier, Welzer-Lang, 2000). En sociologie, une fois admis que la masculinité et la féminité sont des constructions sociales qui existent et se définissent dans et par leur relation dans un système de sexe, distinguer la masculinité de la virilité pose question puisque l’identité masculine est entièrement inféodée aux rapports sociaux entre hommes. La virilité, jusque dans sa participation à la vie sexuelle, est apprise et imposée aux garçons par le groupe des hommes, non seulement pour qu’ils se démarquent radicalement des femmes, mais pour qu’ils s’en distinguent hiérarchiquement (Welzer-Lang, 1994).
    3

    Dans la perspective proféministe, on ne peut vouloir à la fois que le genre disparaisse comme système hiérarchique et que les catégories du masculin et du féminin continuent d’exister. Mais pour d’autres auteurs, le terme de masculinité marque la volonté d’analyser s’il est possible d’être un homme sans coller aux stéréotypes de la virilité, d’une part ; sans devenir une femme, d’autre part. Ou pour le dire autrement, en reprenant le titre français du livre de John Stoltenberg (1993) : “Peut-on être un homme sans faire le mâle ?” L’introduction d’une tension entre la masculinité et la virilité pose une double question. Tout d’abord, est-il encore possible aujourd’hui de penser le masculin en positif ? Et pour quoi faire ? Ensuite, est-il possible de distinguer la masculinité de la virilité sans pour autant naturaliser la différence des sexes ?
    4

    La psychodynamique du travail représente de ce point de vue une tentative théorique originale. Dans cet article, je voudrais montrer pourquoi l’analyse des processus qui construisent la masculinité créatrice, par différence avec la virilité défensive, est une étape capitale dans la déconstruction du système social de sexe. En analysant les formes de l’émancipation masculine, il ne s’agit pas de plaider en faveur d’une vision parsonnienne de la complémentarité et de l’harmonie entre les sexes. Les conditions sociales qui permettent la création masculine sont menacées par les nouvelles formes d’organisation du travail et par le chômage. Les femmes ne gagneront pas la partie que les hommes sont en train de perdre. Au contraire, plus les hommes souffrent dans le travail, ou de la privation de travail, plus la domination masculine résiste, plus le cynisme et l’indifférence des dominants vis-à-vis des injustices sociales s’aggravent, et plus les violences éclatent entre les dominés (Dejours, 1998 a, Dunezat, 1999).

    • Le ressort psychologique de la virilité est la honte de passer pour une femme . Ce qui est jugé honteux, indigne d’un homme, c’est d’être incapable de maîtriser le courant tendre de ses émotions, c’est de fuir, de s’effondrer devant une situation difficile. Ce qui est exalté, sollicité et exercé, c’est l’agressivité du mâle et sa concrétisation dans le courage viril. Mais le plus troublant est le retournement que la virilité défensive opère dans le registre des valeurs. La référence à la virilité permet d’anesthésier le sens moral. Il se produit, selon les termes de Christophe Dejours, une sorte d’alchimie sociale grâce à laquelle le vice est transmuté en vertu (Dejours, 1998 a). Ou pour le dire autrement, il suffit qu’une conduite soit connotée virilement pour que cette conduite soit valorisée, même s’il s’agit de se faire du mal en trimant dans des tâches dégradantes ou d’en faire aux autres en leur imposant des conditions de travail dégradantes, voire pas de travail du tout [2][2] Les femmes qui veulent faire une carrière valorisée.... Pis encore, la virilité permet de justifier la violence. Au point qu’il peut même y avoir recouvrement entre courage, force morale, absence d’état d’âme et exercice du mal. C’est pour ne pas risquer leur identité sexuelle, par crainte de perdre leur virilité en passant aux yeux des autres pour lâche ou poltron, que les hommes consentent souvent à participer au “sale boulot” (Dejours, 1998a).

      Dans la perspective que nous venons d’esquisser, la virilité est avant tout une défense mobilisée contre la souffrance dans le travail. Les rapports de force, mais aussi de solidarité entre les hommes, sont indexés à la maîtrise symbolique du réel. Plus la possibilité de transformer les contraintes pathogènes de l’organisation du travail est réduite, plus la souffrance et la peur risquent de s’accroître, plus les hommes encourent le risque de radicaliser leurs défenses. Érigée en valeur, et en lieu et place de toutes les autres valeurs, la virilité fonctionne alors comme s’il s’agissait d’une expression du désir et doit être maintenue envers et contre tout, dans la vie sociale comme dans l’intimité.

      #virilité #masculinité #domination_masculine #travail #souffrance #fraternité

      Maintenant que j’ai fini la lecture c’est un éloge déguisé de la domination masculine, association du travail et à la création à la masculinité. Ce texte me conforte dans le fait que le mot masculinité (au singulier et au pluriel) est un euphémisme de virilité contrairement à ce que prétend réfuté l’autrice.

  • innovation sociale — C’est quoi, la #souffrance #éthique?
    https://donzelcie.tumblr.com/post/166852459987/cest-quoi-la-souffrance-%C3%A9thique

    La DARES retient deux critères pour évaluer le #conflit de #valeurs au #travail : ne pas éprouver la fierté du travail bien fait (31%) et devoir faire souvent/toujours des choses que l’on désapprouve (9%). Ce deuxième item recouvre la notion de souffrance éthique.

    C’est au Professeur Christophe Dejours, spécialiste en psychodynamique et en psychosomatique du travail que l’on doit cette notion et la plupart des travaux d’études qui l’instruisent.

    Certaines professions sont par nature exposées au risque de violents cas de conscience dans l’exercice de leur mission : sauf à être furieusement pervers, les RH en situation de plans de licenciement massif ; les communicant.es à qui s’impose de bâtir et diffuser des messages auxquels ils/elles ne croient pas, voire qui les rebutent ; les métiers de la banque et de l’assurance qui tiennent le haut du palmarès avec 46% de salarié.es se sentant en conflit de valeurs (oui, votre banquier.e est une vraie personne)… La tentation est forte pour certain.es de discerner là une population de cadres dont le statut, les privilèges associés et la rémunération ne prêtent pas à ce qu’on les plaigne.

  • La souffrance au travail | L’Actualité des Luttes
    https://actualitedesluttes.info/?p=2620

    Intervention de Christophe Dejours lors du festival de la CNT qui se tenait à la Parole errante de Montreuil le 24 juin dernier. Christophe Dejours expose ses recherches sur la « souffrance au travail » qu’il a initiées à partir des années 1980. En effet, depuis une quarantaine d’années, les transformations de l’organisation du travail n’ont pas eu d’autres objectifs que celui d’assujettir un peu plus les travailleurs et les travailleuses aux impératifs de la rentabilité économique. Christophe Dejours a dévoilé les conséquences néfastes de ces transformations sur leur santé et leur vie et depuis il cherche à comprendre ce qu’ils et elles vivent en relation avec leur travail. Durée : 1h05. Source : Fréquence Paris (...)

    http://actualitedesluttes.info/wp-content/uploads/2017/09/170915.mp3

  • Filmer le #travail
    http://filmerletravail.org
    festival en cours à Poitiers
    http://2016.filmerletravail.org

    Vue de France, la mondialisation qui sera la thématique centrale de cette 7e édition signifie d’abord délocalisations, fermetures d’usine et luttes des salariés pour le maintien de l’emploi. Ainsi, sera projeté en ouverture du festival et en avant-première Comme des lions, le documentaire de Françoise Davisse consacré aux deux années de lutte des salariés de PSA Aulnay.

    Cependant, la mondialisation ne se résume pas au déclin industriel des pays riches. La période est marquée par la financiarisation de l’économie qui a de nombreuses répercussions sur le travail, différenciées entre le nord et le sud : chômage et précarisation d’un côté, catastrophe industrielle et pollution de l’autre, intensification pour tous avec en particulier la montée de nouvelles formes de gestion des ressources humaines plus “impliquantes” et psychologiquement contraignantes. C’est cet aspect que le festival abordera en priorité avec la journée de rencontres professionnelles du lundi 1er février (Le travail aux prises avec la mondialisation des systèmes productifs) et les conférences projections débats de Christophe Dejours (Souffrance au travail et gestion des ressources humaines), Danièle Linhart (La comédie humaine du travail) et Paul Bouffartigue (Les risques psychosociaux).

    #documentaires

  • Souffrance au travail : oubliez le psychologue !
    http://www.lemonde.fr/entreprises/article/2016/01/24/soufrance-au-travail-oubliez-le-psychologue_4852707_1656994.html

    Entre 2007 et 2014, la psychologue du travail #Lise_Gaignard rédige des chroniques à partir d’entretiens menés dans son cabinet. Elle souligne les phrases les plus affligeantes, les retape, et change les prénoms. Aujourd’hui réunis dans un ouvrage, Chroniques de la souffrance au #travail, ces textes sont poignants : la psychanalyste a du mal à relire son livre. Elle n’est pas la seule : « On m’a reproché de dire du mal des #travailleurs », raconte-t-elle.

    Si son texte suscite des réactions vives, c’est qu’il critique la #dépolitisation de la souffrance au travail : à ses yeux, le changement le plus frappant dans le monde du travail en France n’est pas « la transformation – pourtant importante – des modes de management, ni les catastrophiques techniques d’évaluation pipées, ni la mondialisation. Pour moi, la différence majeure, c’est qu’en France, quand on est victime d’une injustice épouvantable au travail… on demande à aller chez le psy ! » .

    D’après la psychologue du travail, c’est en 1998 que tout commence, avec la sortie de Souffrance en France, de Christophe Dejours, et Le Harcèlement moral, de Marie-France Hirigoyen. Deux ouvrages qui connaissent un succès retentissant : « Soudainement, tout le monde est harcelé, tout le monde a un pervers narcissique dans son entourage ! Le ministère du travail va même introduire le harcèlement moral dans la loi de 2002. » Lise Gaignard n’a pas de mots tendres pour cette loi qui « arrange les entreprises... (#paywall)

    Chroniques du travail aliéné, par Lise Gaignard (éditions d’une, 176 p.) ; je croyais avoir mentionné ici ce #livre dense et qui donne à penser mais ne le retrouve plus..., il avait déjà fait l’objet d’un papier dans Le Monde.
    http://www.lemonde.fr/emploi/article/2015/12/01/des-visages-et-des-mots-sur-la-souffrance-au-travail_4821741_1698637.html

    « Jusqu’où irons-nous dans cette « #psychologisation » dépolitisante ? »

    #souffrance_au_travail

  • Culture : entretien Jocelyne Porcher sur les cochons« L’industrie porcine use et abuse des animaux sans rien leur offrir en contrepartie »« L’élevage a été remplacé par un système industriel qui organise la production animale
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/08/27/culture-entretien-jocelyne-porcher-sur-les-cochons-l-industrie-porcine-use-e

    Aujourd’hui, 95 % de la viande de porc consommée en France vient, non pas de fermes, mais de grandes structures industrielles qui sont en crise, comme vient de le montrer le conflit des éleveurs. #Jocelyne_Porcher, sociologue à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), analyse cette nouvelle donne. Elle est l’auteure de plusieurs livres sur l’élevage  : Vivre avec les animaux. Une utopie pour le XXIe siècle (La Découverte, 2011), ­Cochons d’or. L’#industrie_porcine en questions (Quae, 2010), Une vie de cochon (La Découverte, 2008, avec Christine Tribondeau).

    #paywall

    • Je n’ai pu lire l’entièreté de l’interview, du fait du #paywall. Mais son auteure ne m’inspire rien de bon.

      C’est la place prépondérante de la vie dans l’échange entre hommes et animaux qui peut permettre d’appréhender la mort des animaux d’#élevage dans le rapport de don. Car, ces animaux qui naissent, vivent, produisent, « il ne faut pas se faire d’illusion, on ne peut pas les élever pour les garder ».
      Ce fréquent constat, qui est celui d’une impuissance (« hélas », « malheureusement »… ) à porter la vie plus haut que la nature ne la porte, témoigne que la mort des animaux n’est pas en elle-même la finalité du travail de l’éleveur ; les éleveurs n’élèvent pas des animaux pour les tuer.En élevage également, ainsi que l’exprime Montaigne, la mort est le bout et non le but de la vie [ cf. Demonet, 1999, p. 28].

      Ce n’est donc pas la mort, la mort en soi, qui fait problème à de nombreux éleveurs, professionnels ou citoyens, mais le fait de tuer. Car le sujet du tuer n’est pas celui du mourir. Le tueur tue et l’animal meurt. Et non l’inverse.

      Symboliquement, et je rappelle ici que le don est considéré par Mauss comme un fait social de l’ordre du symbolique, nous retrouvons l’asymétrie première qui préside au don originel de la vie par l’éleveur. L’éleveur donne la vie et la reprend. La légitimité de la tuerie , qui ne va pas sans souffrance affective et nécessite chez l’éleveur un véritable travail de deuil, repose sur ce don initial, sur la qualité de l’échange et le respect de l’animal le temps de sa vie et au moment de sa mort. C’est pourquoi l’abattage des animaux d’élevage doit avoir un sens pour celui qui tue, le tueur lui-même et la communauté pour qui il tue – et bien que, fondamentalement, la tuerie n’ait aucun sens pour celui qui meurt et qui refuse de mourir, car il est indéniable que l’animal ne consent pas à mourir mais que nous lui ôtons la vie, par violence ou par ruse . Et l’on conçoit bien que, parce qu’elle n’est pas le but du travail de l’éleveur, mais le terme ultime le plus douloureux de l’échange, la tuerie des animaux doit être appréhendée pour ce qu’elle est pour de nombreux éleveurs : une violence non désirable. La mort existe, elle est indésirable, mais elle a un sens quand la vie a un sens.

      écrivait il y a quelques années Jocelyne Porcher dans un article intitulé
      L’esprit du don : archaïsme ou modernité de l’élevage ?
      Éléments pour une réflexion sur la place des animaux d’élevage dans le lien social

      http://www.cairn.info/revue-du-mauss-2002-2-page-245.htm#s2n3

      (c’est moi qui graisse)
      je ne sais pas ce que la force et la ruse, qui plus est mortels, viennent faire dans un système de don et de contre-don.
      Je ne sais pas ce que ça vous fait, mais qu’une chercheur soit capable d’écrire pareilles lignes, et que le Mauss l’ait publié, cela me fait froid dans le dos.

      Je dois sûrement être trop sensible. Ou trop « #analphabête », bien que fils et petit-fils d’agriculteurs et éleveurs ayant passer les vingt premières années de sa vie à la campagne, dans une ferme...

      Comme l’écrit Martin Gibert,

      Ce qui intéresse les chercheurs, c’est de voir comment on arrive à dealer avec ce qu’on appelle le paradoxe de la viande : comment on peut à la fois aimer les animaux et aimer son steak ?
      Ces recherches mobilisent souvent la théorie de la #dissonance_cognitive de #Leon_Festinger. L’idée générale, c’est que lorsque nos pensées sont en opposition avec nos comportements, il est bien sûr possible de changer son comportement (comme le font les véganes), mais il est souvent plus facile de modifier une pensée dissonante ou d’ajouter une pensée consonante.

      http://penseravantdouvrirlabouche.com/2015/05/12/voir-son-steak-comme-un-animal-mort-entrevue-avec-martin

      Il me semble (j’écris

      il me semble

      pour la forme : je suis curieux de voir comment on pourrait soutenir le contraire !) Jocelyne Porcher nous en offre une illustration caricaturale.

      D’autres ont détaillé un peu plus leur critique :

      La « viande heureuse »
      [...]
      Théorie du don
      Contrairement à ses complices, Jocelyne Porcher produit une multitude d’idées ou d’arguments pour promouvoir la viande heureuse. Les démêler exigera plus de temps. La plus originale de ses idées fait appel à une « théorie du don », où animaux d’élevage et humains se livrent à une sorte de Potlatch, se concluant par la mort des uns, et la dette infinie des autres.
      [...]
      « Dons et contre dons se poursuivent tout au long de la vie de la famille et du troupeau ». De manière générale, l’éleveur extensif donne une vie bonne à ses animaux. Il leur donne accès « au sol, à l’herbe, au soleil et à la pluie, au chant des oiseaux, au vent, à la neige ». L’éleveur cède indéniablement l’herbe de ses terres. Mais par quelle vue de l’esprit cette cession peut-elle être considérée comme un don, si l’intention de l’éleveur est d’engraisser l’animal pour le faire tuer ? Porcher répondrait que l’intention de l’éleveur est double : elle est à la fois de donner une vie bonne à l’animal, et de l’engraisser. Cette double intention ne change rien. Donner à la seule condition de pouvoir reprendre plus tard est la négation même du don. Pour éviter cette fâcheuse contradiction, il faudrait modifier le récit, dire que les éleveurs donnent l’herbe uniquement pour offrir une vie bonne à l’animal, et qu’en retour l’animal donne intentionnellement sa vie en sacrifice. Ce serait aller trop loin dans la supercherie, sauf peut-être pour les étudiants zélés de Porcher.
      [...]
      Porcher passe également sous silence certaines mutilations, comme la castration des mâles d’engraissement ou l’écornage. La séparation des groupes sociaux brille par son absence. Le plaisir de la relation sexuée chez les bêtes, sur laquelle Porcher insiste, est ainsi interdit soit par mutilation soit par séparation. En bref, la vie « donnée » par l’éleveur est bonne, surtout lorsque les dommages par inflictions et privations sont tus.
      [...]
      « Ce que nous donnent les animaux est irremplaçable »19. Mais il y a encore mieux et encore plus extraordinaire. Les animaux d’élevage, dans leur grande bonté, font plus que donner délibérément une vie bonne aux éleveurs. Ils donnent également leur vie : « Cette vie, que donnent les animaux aux êtres humains, est (…), du point de vue de la société globale, la vie donnée par les aliments que nous fournissent les animaux, et qui est directement ou indirectement liée à leur mort ». L’affirmation est tellement grotesque que Porcher finit pas se dédire. « Pas plus que la plupart d’entre nous, (…) les animaux ne semblent désireux de mourir et, comme nous, ils tendent à préserver leur vie, s’enfuient face au danger et résistent à la mort ». Il n’y a aucun sens à dire qu’ils donnent leur vie à l’éleveur. Nous prenons leur vie. Ce qui est très exactement l’inverse d’une situation de don. Porcher ne peut justifier l’abattage des animaux qu’en inversant délibérément le sens des mots. Ce qui est censé être donné est en réalité arraché, extorqué. Pourquoi donc forger un concept de don aussi bancal ?
      [...]
      Jocelyne Porcher a également d’autres idées pour promouvoir la religion de la viande. Mais elles sont moins singulières, moins fantaisistes, moins bling-bling . Elles ne se donnent pas l’air d’une profondeur insondable, d’une structure anthropologique universelle.
      [...]

      http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article430

      Peut on faire la critique de l’élevage industriel sans dans le même temps devoir mettre la réalité et les concepts cul par dessus tête, sans tenir des propos délirants prêtant des vertus à proprement parler inouïes à l’élevage traditionnel ?

      J’ose penser que c’est non seulement le cas, mais que le contraire n’est pas possible : que ce que fait depuis des années J. Porcher n’est pas la « critique de l’élevage industriel ». Plus sûrement, elle s’est jusqu’ici employée à nier la réalité de l’élevage, à distordre cette réalité pour en faire la promotion, et à reprocher à la fois à l’industrie et aux vegans de lui faire du tort, la première en se passant brutalement de la relation éleveurs/animaux, les seconds en dévoilant les ressorts de cette relation.

      De fait, elle semble avant tout percevoir l’horreur massive de l’élevage industriel comme une menace pour l’élevage tout court , dont il a le tort d’exposer crûment le noyau irréductible de domination sur des êtres sensibles, (éleveurs inclus) et se livrer en conséquence à des contre-feux idéologiques intellectuellement calamiteux.

      Je pense moi aussi que les éleveurs souffrent. Et économiquement, et de leur métier d’éleveur ; pas seulement de conditions de travail particulières .
      Je pense que l’élevage est indissociable de dissonances cognitives douloureuses.
      Mais je ne pense pas que le déni des causes de ces dernières souffrances - qui provient in fine de l’irréductible contradiction entre vouloir œuvrer pour une vie bonne et les nécessités de l’élevage : contraintes, mutilations et mise à mort - qu’échafaude laborieusement J. Porcher offre la moindre perspective.

      En tout état de cause, je ne peux que recommander à qui veut critiquer la société industrielle de ne pas s’égarer à le faire en pareille compagnie, mais à chercher à partir d’autres prémisses.

      #dissonance cognitive
      #carnisme
      #déni
      #fausse_conscience
      #Martin Gibert

    • Sinon sur l’ambivalence inhérente au lien avec les animaux, je me souviens de ce commentaire de Fabien, commentaire qui fera peut-être écho chez celleux ayant grandi à la campagne.
      http://decinfo.apinc.org/phpBB2/viewtopic.php?p=15012#15012

      Quand j’étais gamin, dans mon village, le boucher tuait les bestiaux dans son gagage, la porte grande ouverte donnant sur la rue. De l’autre côté de la rue, il y avait une murette très confortable. Chaque fois qu’il revenait avec sa bétaillière pleine de veaux, vaches ou agneaux, tous les gosses du village allaient assister au spectacle. J’ai vu abattre plusieurs dizaines de bêtes, dont quelques veaux ou brebis directement pendus par les pattes antérieures à une branche d’arbre pour pâques.
      Quand j’étais à l’école primaire, j’ai élevé moi-même au biberon deux chevrettes, et un agneau. Les premières ont été remises dans le troupeau, et le dernier nous a donné deux excellents gigots et un merveilleux ragoût.
      Personne ne s’est jamais posé la question de savoir si tout ça était juste ou pas.
      Je pense que je ne serai pas fier la première fois où ce sera moi qui devrai tenir le couteau, mais s’il faut le faire, je le ferai.

    • lien avec http://seenthis.net/messages/238720
      Les animaux d’élevage on peut très bien s’y attacher et se mettre en quatre pour eux, il n’en reste pas moins que (sauf les animaux de trait) si on les élève c’est parce-qu’à un moment on a besoin de bouffer. Dans une optique d’autonomie alimentaire les deux questions qui se posent alors c’est (1) peut-on passer en #végéculture, et si c’est vraiment pas possible (2) comment gérer la dissonance cognitive impliquant de tuer pour les manger des animaux avec qui on avait établi un lien affectif.

    • Comme @martin5 et @koldobika j’ai de plus en plus de réserve vis à vis des arguments avancés par JP. Les animaux d’élevage, même de ferme, sont tués en pleine jeunesse, c’est pas vraiment un sort enviable. Par rapport à son discours sur le fait que « l’élevage permet de maintenir des espèces qui serait sinon vouées à la disparition », je pense que le problème est ailleurs. Il est dans la façon dont les humains se sont appropriés tous les espaces pour les contrôler. Ainsi, on n’est pas fichu de concevoir que des espaces libres puissent être dévolus à des animaux semi-domestiqués. L’Inde, qui est pays où vivent une part importante de végétariens, les animaux tels que les vaches, les volailles, les cochons, etc... ont aussi leur place. Merci @intempestive je vais moi aussi pouvoir lire l’article.

    • L’Inde, qui est pays où vivent une part importante de végétariens, les animaux tels que les vaches, les volailles, les cochons, etc... ont aussi leur place.

      Ça c’est parce qu’il y a des non-végétariens qui consomment les bêtes quand elles ne sont plus productives

    • @Intempestive

      merci !
      Mais je crois qu’il n’est plus l’heure, pour la lecture zen.

      @Aude V.
      Le fait est que « Jocelyne » a écrit et dit à maintes reprises des choses plus qu’ébouriffantes dans le but de promouvoir l’élevage.

      Je suis d’accord avec vous :, je considère que de tels « arguments » ne sont pas acceptables .
      Et je peine à saisir en quoi d’aussi visibles efforts consacrés à nier l’existence et les conséquences, y compris pour les éleveurs, des rapports de domination qui sont au cœur de la domestication, pourrait servir quelque critique que ce soit.

      Je n’ai évidemment pas le pouvoir d’empêcher qui que ce soit de croire éperdument que la viande qu’ellil mange est un « contre-don », que « les éleveurs donnent la vie », ou que les employeurs créent des emplois.
      Mais je peux faire remarquer que ce sont là des calembredaines, des fariboles, du story-telling, et l’usage que l’on peut en faire

      Pour le reste, vos propos en sa défense n’engagent que vous.

    • @Koldobika

      Merci !
      (et soupir de lassitude devant des propos attendus, et encore réitérés)

      Comme le rappelait C. Delphy dans la ... revue du Mauss il y a trois ans à propos d’autres rapports sociaux de domination, et de leur justification complaisante par le « don » :

      _"la condition de possibilité du don, c’est l’égalité"_

      http://www.academia.edu/5383833/La_condition_du_don_cest_l%C3%A9galit%C3%A9_entretien_avec_Christine_Delph

    • En fait, j’imagine sans peine une Josiane Cheffedentreprise, militante anti-industrielle, nous proposer un de ces quatre matins une apologie de l’entreprise capitaliste artisanale, présentant les rapports employeur-salarié comme un magnifique et si humanisant potlatch , insistant sur les souffrances endurées par les généreux employeurs de PME qui donnent du travail et en attendent justement une contrepartie , mais qui ne peuvent hélas rémunérer mieux qu’une misère leurs salariés, parce que c’est bien triste, mais c’est comme ça, c’est le marché, c’est la nature. Des généreux employeurs qui déplorent les licenciements, la souffrance et les accidents au travail, qui témoignent complaisamment de leur immense affection pour cette main-d’oeuvre qu’ils sont amenés à côtoyer, de leur dévouement à son endroit, de la « dette éternelle » qu’ils contractent envers elle et de leur gratitude infinie pour tout ce que cette formidable relation qu’est le salariat où se mêlent joies, peines, responsabilité, engagement, etc. leur apporte d’ « humanité ».
      Une Josiane Cheffedentreprise qui conditionnerait ainsi la sauvegarde de son idée de l’humanité à la perpétuation du salariat.
      Dans cette perspective, capitalisme artisanal et exploitation - pardon, « potlatch » - seraient à défendre mordicus, et d’urgence, sur deux fronts : à la fois contre l’ignoble société industrielle, qui déshumanise sans vergogne jusqu’à l’exploitation capitaliste, mais aussi, si possible en leur témoignant au passage le plus cinglant mépris, contre les lubies des insensés qui auraient le front de nier l’apport humain essentiel que constitue l’exploitation capitaliste ! Lubies qui ne saurait manquer de trahir la connivence de ces égarés avec cette même société industrielle, ses penseurs post-modernes, son libéralisme.

      Il y a un an seulement, je n’aurais pas cru cela possible, et je n’aurais pas même eu l’idée d’écrire pareille parodie. Mais c’est que j’étais naïf : par exemple, je confesse ici que je ne découvre les (nombreux) écrits de J. Porcher, et l’échafaudage théorique renversant à partir duquel, se fondant pesamment sur les indiscutables souffrances au travail des éleveurs, y compris traditionnels, elle promeut... la perpétuation de la cause première d’une de ces souffrances : l’élevage, pour peu qu’il ne soit pas industriel... que tout récemment - quelques semaines, tout au plus.
      Et je fais connaissance avec cette propagande délirante (où l’élevage n’a pas pour but la mort des animaux, ou des espèces ont choisi la domestication,... De fait, l’existence même d’une Jocelyne Porcher, la teneur de ses écrits et leur écho me semble constituer une redoutable pièce à charge contre l’élevage et l’exploitation animale) à travers le soutien et la promotion que lui apportent des militants anti-industriels.

      Quant au salariat, et à l’esquisse de pastiche qui précède - je pense désormais qu’une partie au moins des militant-e-s anti-industriels actuels, au vu de la sorte de raidissement idéologique radical dont ellils ont fait montre à plusieurs reprises, sitôt que confronté-e-s non pas à un refus de critiquer la société industrielle , mais à une critique étayée de quelques uns des arguments plus que discutables auxquels ils prétendaient recourir pour le faire , est à deux doigts de promouvoir, à la virgule près, un tel discours, si elle ne l’a pas déjà fait.

    • Le film de Jean-Louis Le Tacon « Cochon qui s’en dédit » (#1979) est visible en ligne, ne le ratez pas.
      https://www.youtube.com/watch?v=Mrbqm7b2XmM


      C’est l’histoire il y a déjà 35 ans d’un jeune couple englué dans l’industrie tortionnaire du cochon qui pendant cinq ans tente de rembourser son crédit sans réussir à se payer un salaire. On voit bien (c’est peu de le dire) à quel traitement sont soumis les animaux.
      #super_8

    • Perso je reste sur ma ligne d’#écoumène paysan en végéculture. Société industrielle vs élevage est une fausse opposition, bien trop enfermante. On peut très développer un #écoumène riche, des spirales d’échange en #logique_du_don, des liens d’obligations hors logique libérale (logique qui ne cherche qu’à y trouver son compte jusque dans les liens humains) et une vraie cohabitation avec les animaux, sans s’obliger à forcément les domestiquer pour les bouffer ensuite.
      Quant à Jocelyne Porcher elle dit des choses très pertinentes sur la libéralisation généralisée et la zootechnie, auxquelles je souscris sans réserve, mais pour ce qui est de justifier la domestication à base de don et contre-don ça ne tient pas. Elle avait dit par exemple dans un entretien à Marianne :

      Elle aime élever son veau - et même si donner son veau à l’éleveur ne lui plaît pas et qu’elle voudrait drastiquement renégocier les conditions de ce don, elle y consent pour l’instant.

      Je ne crois pas une seconde que les animaux qui ont consenti à la domestication soient en capacité de comprendre et d’accepter le fait qu’ils le paient finalement de leur vie ou de celle de leurs petits.
      Quand on tue on tue, point, et on assume. On prend la vie d’un animal contre sa volonté, quels que soient les soins non objectivables prodigués par ailleurs, quels que soient les liens d’affect existant par ailleurs. La question à se poser c’est :
      – peut-on faire autrement (#végéculture)
      – si on peut pas, comment se démerder avec la dissonance résultant de l’abattage des animaux élevés

      Ce qui par ailleurs ne m’empêche pas dans le contexte actuel de soutenir par exemple l’élevage de montagne là où je vis, car il maintient un écoumène, dont l’abandon pur et simple transformerait la #ruralité en #agro-industrie d’un côté et parcs « naturels » de l’autre (#wilderness), qui nous amènerait un cran encore plus loin de ce à quoi j’aspire.

    • @Aude V

      merci beaucoup, vraiment, d’avoir pris la peine d’argumenter une réponse.

      (" Je t’en foutrais, de la bouffe sans exploitation animale à deux euros le repas complet de végétaux cultivés par des ouvriers migrants exploités avec le plein de pétrole" : évidemment que je suis d’accord. en fait, de ce point de vue, je pense que la pleine cohérence est un luxe hors d’atteinte ces temps-ci, et que quiconque prétend le contraire se passe surtout de la pommade, ou se bricole des oeillères, appelons ça comme on veut. Que l’on soit végan et/ou opposé à l’exploitation des humains (les deux ne sont pas incompatibles), il y a un gouffre entre ce que l’on peut penser et la possibilité de mener une vie en dehors de cette exploitation.

      Mon soucis est d’abord de ne pas laisser cette contrainte amoindrir la capacité à critiquer.

      on peut supposer qu’il vaut mieux avoir accompagné un animal de sa naissance à son abattage et au pire laissé parler et écouté quelqu’un qui l’a fait (ça devient rare) avant d’avoir de beaux principes de chevalier blanc là-dessus,

      C’est une idée qui me paraît très discutable. d’abord parce que j’ai moi-même vécu quinze ans au contact d’animaux (certes, c’étaient surtout des lapins et des poules, pas des porcs : quant aux vaches et aux chèvres, c’étaient celles des amis ou voisins) que je côtoyais jusqu’à ce qu’ils soient dans mon estomac (j’adorais le foie de lapin ou de volaille), et que je voyais tuer par ma mère ou ma grand mère. (curieusement, je n’aimais pas du tout cela) Je pense que mon « costume de chevalier » n’est donc plus tout blanc. Ensuite parce que justement, le discours que tiennent les personnes qui élèvent et tuent ou font tuer des animaux et le justifient peut aussi en dire long, malgré elles, sur leur mal-être, et la manière dont elles s’accommodent comme elles le peuvent de leur vécu.

      Je dois dire que je ne peux pas lire J ; Porcher sans avoir en tête, à chaque paragraphe ou presque, en sus des échos de ma propre expérience du monde agricole, les réflexions issues de divers auteurs sur la difficulté qu’il y a pour un-e être à concilier la conscience de la souffrance et des mauvais traitements auxquels ellil se trouve contribuer avec sa sensibilité, et une pensée bien que critique, impuissante à changer immédiatement ou même à court ou moyen terme cet état de fait.
      Je pense aussi bien à Stanley Milgram, qu’à beaucoup d’autres. Parce que cette expérience - celle d’un décalage entre ce que l’on subit douloureusement, voir ce que l’on se trouve critiquer et vouloir changer, et ce que l’on se trouve être et pouvoir faire de concret ici, maintenant, tout de suite - est la plus commune qui soit. Qu’il s’agisse de racisme, de genre, de capitalisme ou d’exploitation animale. Je peux être contre, je n’en reste pas moins, pour la société dans laquelle je vis, respectivement un blanc, un homme, de la chair à travail, un humain.

      Je ne défend donc pas en bloc les auteurs anti-spécistes ou égalitaristes. Par contre, je défends la nécessité, pour ce qui est de concevoir et d’entretenir des

      relations de qualité

      , avec qui ou quelque être que ce soit, d’accorder à minima à celleux-ci que leurs vies et leurs intérêts propres ne le cèdent en rien aux miens . Ce qui conduit, par exemple, à juger l’élevage et la domestication plus que problématiques, et à souhaiter construire d’autres formes de rapports avec les autres êtres vivants que ceux que nous avons aujourd’hui.
      Je n’ai pas le pouvoir de faire que cela soit immédiatement possible ici, maintenant. Mais il me semble que, pour qu’il y ait la moindre chance de s’en approcher jamais, il me faut bien oser penser ainsi sans attendre, aussi inconfortable cela puisse être, et que si je passe mon temps à inventer des raisons de m’accommoder des souffrances que je causes, je ne courrai pas le risque de contribuer à leur fin
      Ce qui me conduit à critiquer tout discours prétendant justifier quelque inégalitarisme que ce soit. Comme a critiquer les référence à « la nature ».

      En l’exemple, à la lire (j’y ai passé les deux derniers jours...) il me semble que la critique de l’exploitation animale soit une épine intolérable dans le pied de J. Porcher , alors que la critique, partielle, de cette exploitation, sous son seul angle « industriel », ait pour elle l’avantage de la préserver de devoir questionner les fondements mêmes d’un métier d’éleveur qu’elle a aimé et aime encore. C’est en tout cas une explication qui me paraît plausible de son incapacité à restituer avec un minimum d’exactitude (j’édulcore quelque peu, j’en conviens) et sans se mettre en colère ni témoigner d’un formidable mépris pour ses auteur-e-s le moindre élément d’une telle critique. Cela expliquerait aussi qu’elle ne cesse de présenter cette critique comme à la fois un sous-produit et un cheval de troie des pires projets de l’industrialisation du monde.
      Curieusement, cela me rappelle la manière dont Escudero et ses copains veulent nous persuader que la critique des rapports sociaux de genre œuvrerait pour le transhumanisme.

      J’en viens a penser que les militants anti-industriels - celleux-ci, pour le moins - critiquent ce monde dont ils sont comme chacun-e partie prenante sinon à moitié, à tout le moins très partiellement. Que cette critique focalisée sur la seule société industrielle, parce que partielle, leur est vraisemblablement un réconfort vis à vis de tout ce à quoi ellils ne peuvent pas ne pas contribuer, qui existait avant l’industrialisation et qui perdure encore ; et qu’il leur est plus insupportable encore de se voir dépassés et de voir les limites de leur propos mises à jour, ne serait-ce que sur quelques points.

      Mais en l’état, cette réponse n’est qu’un brouillon.

    • J’ajoute que je suis particulièrement sensible à la manière dont les militants anti-industriels restituent les pensées qu’ils ne partagent pas pour une raison bien précise.

      j’ai fait connaissance avec ce courant de pensée à travers l’Encyclopédie des Nuisances, dans la deuxième moitié des années 1990. A ce moment là, l’EdN a publié les « Essais, Articles et Lettres » de Georges Orwell, que j’ai acquis en souscription (250 fr d’économie, avec ma solde d’objecteur, ça vallait le coup) et le concept de novlangue connaissait son heure de gloire. La notion de falsification caractérisait la société industrielle, et Orwell était mis en avant comme parangon d’honnêteté intellectuelle, en particulier pour son analyse lucide sur la guerre d’espagne, le communisme stalinien, le totalitarisme. (tout ceci nous éloigne quelque peu des élevages, j’en conviens).
      L’année 1997 avait été l’occasion d’une campagne de dénigrement d’Orwell, suite à une prétendue révélation-falsification parue puis démentie dans la presse britannique, puis reprise plus tard (sans le démenti) par la presse française, qui prétendait révéler que, sous les dehors de l’honnêteté intellectuelle et du courage critique, se dissimulait en Orwell un banal et lâche délateur ; l’EdN avait publié une brochure mettant en relation cette grossière calomnie, ses auteurs, ceux qui la propageaient avec son propre propos critique, sous le titre « Georges Orwell devant ses calomniateurs ». Cette campagne démontrait une fois de plus que nous vivions à l’ère du mensonge, du faux sans réplique, de l’ersatz et de la falsification.

      Voilà, entre autres, d’où vient que je ne passe aux actuels militants anti-industriels aucune facilité de cet ordre, que je sois en mesure de constater. Quand Escudero s’imagine pouvoir faire dire n’importe quoi aux auteures qui le gênent aux entournures (et, au vu de son propos, ellils ne manquent pas), et que le milieu anti-industriel n’y voit aucun problème, voire communie dans la falsification, quand Porcher travestit la critique de l’exploitation animale traditionnelle en grand méchant loup industriel, ou pousse l’extravagance et la recherche de justification jusqu’à grimer la domestication en Potlatch ! ... et que le même milieu la trouve décidément très intéressante, j’en viens à penser que l’honnêteté intellectuelle et le courage de penser ne sont pas toujours chez celleux qui se revendiquaient, et se revendiquent toujours, comme héritiers d’Orwell.

      Et qu’accessoirement, quelques menus dévoilements, corrections et rectifications, histoire de contribuer à défalsifier un petit peu la pensée qui se veut critique, sont tout de même encore à la portée de qui veut bien s’en donner la peine.

    • Le contrôle de la reproduction est effectivement à la base de la domestication. Mais on peut aussi envisager d’autres formes de liens avec les animaux, développer une forme d’apprivoisement qui sans être exempt d’intérêt matériel (je pense notamment aux animaux utiles à la limitation des ravageurs en agriculture ou horticulture) n’impliqueraient pas nécessairement de captivité ni de contrôle de la reproduction, ni un tel arasement des instincts comme on en causait ici http://seenthis.net/messages/368600#message368613

      Et à nous ça nous permet de faire ce truc dégueu qu’on appelle l’agriculture et la civilisation.

      Ouais, l’agriculture fait le lit du capitalisme (voire du patriarcat aussi d’après certains auteurs).
      L’horticulture c’est moins enclin à tomber dans ces travers-là http://theanarchistlibrary.org/library/jason-godesky-thirty-theses#toc9

    • @koldobika

      Ce qui est remarquable dans les propos de J. Porcher, c’est le nombre de fois où l’on y croise des phrases qui sonnent, apparemment, à première lecture comme une condamnation sans appel de l’élevage . Comme celle-ci :

      Ce sont les productions animales dans leur ensemble, ici et ailleurs, qui imposent leur logique mortifère à nos existences.

      je la reproduit, parce que j’ai de la peine à y croire :

      Ce sont les productions animales dans leur ensemble, ici et ailleurs, qui imposent leur logique mortifère à nos existences.

      "dans leur ensemble" : il ne s’agit pas d’une condamnation de la seule industrie, apparemment. "Ici et ailleurs" : cela tend à confirmer cette compréhension. "qui imposent leur logique mortifère à nos existence" : on a une condamnation du caractère systémique du problème : les productions animale imposent une logique , mortifère qui plus est, à nos existences.

      Qui ne lit que cette phrase se dit : tient, encore une militante antispéciste qui va nous emmerder à nous faire la morale !

      Sauf que la phrase qui suit contredit radicalement ce propos :

      Les vaches ne vivent pas avec nous, ni nous avec elles depuis des milliers d’années pour le bénéfice des investisseurs, mais parce que la vie est plus belle ensemble que séparés .

      Magiquement, comme il y a une relation entre l’éleveur et l’animal, du point de vue de J. Porcher l’élevage non-industriel ne semble pas comporter, (ou annuler, compenser ?), la moindre part de cette sinistre « production animale » ?
      C’est donc que les animaux n’y seraient pas élevé dans le but d’être consommés ? Parlerait-elle donc d’improbables éleveurs vegans ?
      A moins que le lait, les œufs, la viande, le cuir, les plumes et j’en passe ne soient alors plus des produits . Mais alors que sont ils ? On ne sait plus trop. Une manne ? Des dons ? Des contre-dons ? l’élevage n’était donc pas un travail ? L’animal « élevé » faisait don de son plein gré, à sa guise, de son lait, de sa chair ? Ou en reconnaissance des bons soins ?Comment le sait-elle ? Comment trancher ?
      L’entendement pareil à un cabri, on essaie de faire retomber le raisonnement sur ses pattes. Mais le sol se dérobe ! - et déjà le couteau approche.
      Pour celleux qui mangent, la vie est belle ! Et probablement savoureuse.
      Quant aux savouré-e-s, hélas ! on déplore qu’ellils ne soient plus en mesure de manifester leur sentiment. Mais il est heureusement des bouches pleines qui se font un devoir de parler pour elleux !

    • @aude_v Il n’y a pas que la coccinelle, plein d’animaux peuvent participer à leur façon à une horticulture : oiseaux insectivores, hérissons, crapauds, couleuvres... Pour certains phylogénétiquement éloignés de nous les interactions seront très maigres (le cas extrême étant peut-être le lombric du compost), pour d’autres (oiseaux et mammifères notamment) on peut développer un apprivoisement mutuel mais sans les couper à terme de leur instinct.

      On fait vivre aux animaux qui vivent avec nous la même chose que ce qu’on vit nous

      Oui, et en ce sens le parallèle que fait Lorenz est carrément intéressant.

    • @Aude

      Cette discussion devient intéressante !

      logique de contrat entre femmes pauvres et mecs qui achètent leur ventre ou leur chatte, et on veillera à l’empowerment de tout le monde.

      Ce qui m’a le plus fâché dans cette affaire, c’est qu’Escudero rendait ainsi inaudible la critique féministe radicale qui m’a tout de même semblé articuler bien mieux que lui critique du sexisme et critique du libéralisme, y compris chez les féministes : puisqu’il la décrédibilisait en bloc, tout en se posant lui en chevalier blanc, pour le coup ! bref, de sa part, c’était dégueulasse à plusieurs niveaux. Sa manière de cibler Delphy m’a semblé particulièrement révélatrice.

      Je suis presque toujours du côté du manche. Sauf peut-être comme chair à travail. Encore que ce soit très relatif, et que j’en ai re-trouvé un il y a quelques mois.
      C’est confortable : c’est à dire que, si l’on essaie de penser quand même un peu, c’est donc très inconfortable.
      Comme l’écrivait l’excellent Albert Memmi il y a quarante ans à propos du sexisme sous le titre « plaidoyer d’un tyran » : à chaque fois que je l’ouvre ou presque, il me faut « souhaiter que l’on considère tout ce que je vais dire ici comme éminemment suspect ».

      je ne suis pas en désaccord avec la suite sur l’élevage et les animaux domestiques.

      Le fait est pour moi que vous comme moi nous arrivons après des millénaires de domestication. Comme nous arrivons après des millénaires de sexisme, ou des siècles de colonialisme et de racisme, et d’autres formes de discriminations... Nous en sommes pétris, et le monde a été façonné par ces hiérarchies.
      Quand Porcher écrit que « les productions animales dans leur ensemble, ici et ailleurs, [...] imposent leur logique mortifère à nos existences . », elle dit quelque chose qui me semble très profond.
      Je pense que la domestication est une catastrophe en son genre. Mais c’est une catastrophe qui par sa durée a produit un monde et des espèces.

      Je pense que nous commençons à peine d’en prendre conscience, et d’en mesurer les conséquences - tandis que l’industrialisation que nous avons aussi produit prononce à sa façon la liquidation de ce monde.
      Tout comme la profondeur du conditionnement de genre, ou la résistance du caractère systémique du racisme ne cessent de se montrer bien pires que nous ou d’autres avant nous on pu le penser.

      Je ne me pense pas particulièrement « thanatophobe », si je comprends ce que ce terme recouvre. Mais je pense qu’administrer la mort, dominer, est toujours catastrophique, y compris pour l’esprit de qui en est bénéficiaire. Et que tout discours humain tendant à légitimer l’administration de la vie des animaux « doit être considéré comme comme éminemment suspect ». Je pense que le Pouvoir - et le pouvoir, c’est toujours celui de contraindre, de faire souffrir ou in fine de mettre à mort - est catastrophique aussi chez qui l’exerce.

      Il y a une expression de James Baldwin qui me semble éclairante. Confronté à un antiraciste blanc, il avait eu cette expression : « Ce n’est pas tout ce que vous avez pu me faire qui vous menace.
      C’est tout ce que vous avez fait à vous-même qui vous menace . »

      En effet, les animaux d’élevages ne peuvent pas « être protégés et se reproduire à loisir ». C’est une évidence.

      Mais il serait bon de reconnaître que ce sont les êtres humains qui sont les seuls responsables et les seuls bénéficiaires de cet état de fait. Et que cette relation pose des problèmes qui dépassent la seule question des relations aux animaux non-humains.

      Pour ma part, je peine à concevoir qu’on condamne la domestication des humains et qu’on approuve dans le même temps celle des animaux. Il me semble que l’une a très probablement servi de matrice pour l’autre. Qu’en tout état de cause les deux sont vraisemblablement plus étroitement liées que l’on est invité à le penser communément, contrairement à ce que prétend la vieille idéologie humaniste qui utilise l’animal comme repoussoir.
      Qu’on ne met pas des individus face à des situations de dissonance comme celles que l’élevage et la domestication impliquent sans conséquences émotionnelles et psychiques qui se manifesteront aussi en dehors des situations d’élevage - ou des repas. Que nous n’apprenons pas à manger de la viande sans une certaine éducation à l’insensibilité et à la chosification d’êtres vivants.

      Que la civilisation et donc son agriculture, telles qu’elles se sont constituées au cours des millénaires qui nous ont précédé, méritent amplement, par bien des aspects, d’être qualifiées de « trucs dégueus ».

    • @Aude_V

      à propos de l’argument de Porcher : j’entends bien ce qu’y trouvent les éleveurs, ou des éleveurs plus encore que d’autres, en terme relationnel. Je le vis aussi.
      Il y a eu et il y a encore chez moi - chez nous - des « animaux de compagnie ». Si cela ne tenait qu’à moi, il n’y en aurait pas. Mais lorsqu’il y en a, je suis incapable de ne pas établir une relation forte avec eux.

      Le problème étant que cette relation n’est possible que dans un cadre de société organisée autour de l’élevage, de la domestication, et de tout ce qui s’ensuit.
      Qui souhaite cette relation ne peut pas dans le même temps refuser les abattoirs, les castrations, les femelles à lait et à portées, etc. Les deux sont indissociables.

      Qui souhaite cette relation ne peut pas se contenter du côté face, relationnel, de la pièce, et doit, d’une manière ou d’une autre, faire avec son côté pile, froidement gestionnaire, et sanglant.

      Présenter cette relation comme essentielle, indispensable, ou sa perte comme une catastrophe, est à mes yeux un argument pour rendre plus acceptable le carnage qui va avec, ou pour prétendre qu’il est vain de le critiquer, et en faire une sorte de fatalité. Ce que ne cesse de dire Porcher, c’est que les domestiqueurs souffrent eux aussi, mais que nous ne serions pas humains sans carnage.

      Je tiens que nous ne serions pourtant pas moins vivants et capables de sentiments et de relations - certes autres - si nous y mettions fin.
      Et je pense qu’"humain" est effectivement un terme indissociable d’un certain rapport aux animaux, d’une hiérarchisation. En cela je suis d’accord avec plus d’un antispéciste. Si « humains » désigne ce que nous sommes parce que nous nous distinguons ainsi des animaux, j’ai assez fortement envie d’essayer d’être autre chose.

      Dans « refuser d’être un homme », Stoltenberg parle de ces hommes qui veulent bien critiquer le patriarcat, mais qui veulent y rester des hommes. Et il en conclut qu’il s’agit d’une éthique de l’inaction. Parce qu’ « homme » désigne justement la place de privilégié au sein du patriarcat. Si je veux vraiment soutenir le combat féministe, je dois renoncer à « être un homme », à ce qui fait socialement de moi « un homme ». Thiers-Vidal dit sensiblement la même chose quant il parle de trahison. Je crois avoir compris que les féministes matérialistes tiennent des propos similaires. (Et si j’en reconnais la nécessité, je ne prétends pas y être parvenu).

      De même, en matière de racisme, l’on commence à comprendre que blanc et noir, ou arabe, ou musulman, sont des catégories politiques. Et qu’il ne s’agit pas seulement « de ne pas être raciste », mais encore de trahir sa blancheur . Enfin, je crois que du côté des amis de Charlie, on ne comprend pas très bien cela.

      Je pense que, si nous voulons enfin regarder en face la domestication, nous n’aurons pas d’autre choix que de décider aussi de renoncer à être des « humains » - ces « humains » qui ne se sentent tels qu’en opposition aux animaux sur lesquels ils s’arrogent tout pouvoir, et qui ont une peur sans nom de déchoir s’ils renoncent à leurs privilèges...
      Mais je sais à quel point « renoncer à être des humains » est entendu partout comme le nec plus ultra de la barbarie. Je sais que ça fait bien plus bizarre encore que le propos de Porcher. Inhumain, y’a pas pire.

      Je tiens notre civilisation, notre humanité pour le summum de la barbarie. Un summum qu’elle ne cesse de pousser plus haut.

    • je ne crois pas qu’elle puisse être remplacée par celle avec des animaux de rencontre aussi communicants que des insectes, oiseaux, reptiles.

      insectes et reptiles non mais oiseaux oui, et pas juste des animaux de rencontre. Tous les animaux ne sont pas migrateurs et ne sont pas que de passage, beaucoup vivent dans nos jardins, on peut les voir régulièrement. Pour ne prendre que des exemples proches, quand je bêche en automne il y a souvent un rouge-gorge qui s’approche, je me dis que c’est peut-être un descendant de celui que ma mère avait recueilli en janvier 1988 et qui revenait souvent nous voir ensuite. Un de mes oncles avait nourri un jeune merle paumé, une fois adulte et autonome il revenait souvent le voir. Mon grand-père avait tenté une approche avec un écureuil, ça avait presque marché.
      Mais sinon effectivement ces relations-là n’ont pas vocation à remplacer celles avec des animaux domestiqués car les animaux y restent sauvages et disposent de leur liberté d’aller et venir, de leur reproduction, de leur instincts.
      Tu me diras ce sont des relations exemptes d’obligations mutuelles, mais de mon point de vue ces relations-là doivent avoir lieu entre humains doués d’entendements compatibles.

    • S’engager réciproquement me semble plus profond et je trouve qu’il y a dans cette exigence-là de quoi changer plus de choses qu’en refusant d’entretenir des relations avec les animaux.

      Pour moi s’engager réciproquement (chose éminemment souhaitable et nécessaire dans tout lien) ne peut être fait qu’entre humains partageant un même entendement et un moyen de se comprendre (et un niveau suffisant d’équité, plus que d’égalité formelle). Avec un animal comme tu le dis la réciprocité est douteuse. D’autant plus s’il s’agit qu’on le bouffe à un moment.

    • Pense aussi à la relation d’élevage avec un chien. Celui-là on ne le bouffe pas mais on le rend stérile, contraint ses rapports sexuels ou tue ses rejetons. Parce que c’est comme ça qu’on élève les animaux, en substituant notre administration aux dangers qui les guettent dans le milieu naturel.

      C’est un cas très poussé d’arasement des instincts. Avec l’ancêtre non domestique du chien par exemple ça se passe pas comme ça. un chien c’est une sorte d’ado, un loup qui ne deviendrait pas adulte http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/24/nallez-plus-voir-les-loups-les-chiens-les-hommes-comme-avant-257253 (pas mal d’éléments intéressants dans cet article)

      Pour ma part plutôt que l’égalité formelle entre individus je préfère la recherche d’équité, et des liens fondés sur l’entraide et le respect de la parole donnée.

    • La seconde découverte récente qui nous éclaire sur ce contexte, c’est qu’on sait depuis 2013, toujours grâce à l’analyse de l’ADN, que le chien n’est pas ancien de 8 000 ou 10 000 ans comme on le croyait mais qu’il a été créé il y a 30 000 à 36 000 ans, soit 26 000 ans avant l’agriculture et l’élevage.

      Ça veut dire d’abord que le chien a été créé 26 000 ans avant le passage du mode de vie de chasseur-cueilleur au mode de vie sédentaire, 26 000 ans avant la civilisation en fait. Ça veut dire aussi que l’homme s’est baladé avec des chiens pendant 26 000 ans. Et même que, probablement avant ça, l’homme se baladait avec des loups pour chasser.

    • Suite à l’article de JP

      La viande heureuse
      Par Enrique Utria, spécialiste de philosophie morale
      http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/09/01/la-viande-heureuse_4742612_3232.html

      « Un animal qui vous offre sa vie », tel serait l’animal d’élevage. Le steak haché serait une forme de cadeau de Noël offert par la vache. Les animaux se rendraient à l’abattoir en camion pour que nous leur fracassions le crâne avec un pistolet percuteur. La « sociologue de l’élevage » Jocelyne Porcher, interrogée par Le Monde (« L’industrie porcine use et abuse des animaux sans contrepartie », Le Monde du 29 août), ne mobilise rien de moins qu’une théorie du don, à la façon de Marcel Mauss, pour légitimer l’abattage de milliards d’animaux.

      Nous offririons aux animaux une vie bonne et, en retour, dans une sorte de Potlatch, ils feraient don de leur vie. Cette fiction est bien sûr absurde. Nous nous approprions leur vie, choisissons le jour de leur mort et déclarons « nécessaires » leurs mutilations en fonction de nos intérêts. Dans ce contexte, on comprend que la sociologue de la viande, dans sa théorie du don, insiste davantage sur l’idée de dette que de don.

      Puisqu’il prend la vie de son cheptel, nous dit-on, l’éleveur lui doit une bonne existence. Cette idée est probablement partagée par les « amis des animaux ». Il n’est pas déraisonnable de penser un devoir de gratitude envers les êtres qui éclairent notre existence. Mais de là à imaginer que les abattoirs sont la condition de possibilité de tout compagnonnage avec les animaux, il y a un pas pour le moins étrange.

      après c’est paywall...

    • Je pense que la philosophie végane est née de l’éloignement au monde naturel. Dès que tu te rapproches un peu de la verdure, tu dois gérer des interactions avec le monde vivant non humain, et ça concerne pas juste les jolies rencontres avec les écureuils. Ça veut aussi dire gérer les bestioles qui mangent ce que tu plantes ou les rongeurs qui grignotent dans les murs et t’empêchent de dormir la nuit. Une fois que t’en en es à tuer des rongeurs, pourquoi pas des lapins ?

    • La mort à un coté très définitif tout de même @aude_v . Perso je suis d’accord avec les problèmes soulevés par les stérilisation, mutilation, captivité, contrôle de la sexualité, enclosure.... Comme je suis encore dans Federici et que je tag #dressage et #domestication pour parler de l’oppression des femmes ces mots raisonnent particulièrement pour moi en ce moment. Federici parle d’ailleurs dans un chapitre de la philosophie de Descartes et du lien entre cette mentalité mécaniste et de ce qu’ont subit les femmes et les travailleurs pauvres qui est comparable à ce que les non-humains domestiqué ont pu subir avec la mentalité capitaliste. Je vais copier ce passage plus tard car il aurais sa place ici à mon avis.

      Je précise que je mange de la viande et que j’ai un chat en captivité en appartement qui est stérilisé et équipé d’une puce RFID alors je ne suis pas antispéciste mais quant même j’ai des scupules et je sais que je ne suis pas raccord avec ce que je ressent de l’individualité des non-humains. Et j’en ai honte mais probablement pas encore assez pour parvenir à réprimer mon désir de rognons de veau sanguinolents ou de compagnie féline. Bref les végétariens et végétaliens peuvent me conspuer car il y a de quoi.

      La mise à mort c’est la dernières des violences, la négation de la vie dans les individus non-humains. On (les êtres vivants) peut toujours s’accommoder d’une vie affreuse (on s’habitue à tout, même à la domesticité), mais la mort à part quant elle te délivre (ce qui doit arriver à beaucoup de non humains qu’on élève dans les conditions abjectes que l’on sais) les vivants ne la désirent pas.
      Imaginons une gentille paysannerie respectueuse qui prendrait soin avec amour de ses brebis, truies, vaches et poules. Pourquoi ces êtres qui ont eu une chouette vie pleine d’amour voudraient qu’on les assassinent en pleine fleur de l’age ? On veux mourir quant on en a assez de la vie et les non-humains ne disent pas qu’ils veulent qu’on les tuent. Nous par contre ca nous arrangent bien de se faire croire que « c’est pour leur bien » ou qu’illes « consentent à l’oppression »...

      Ca ne me semble pas possible moralement de dire que des êtres vivants donnent leur vie volontairement pour qu’on se tapent une bonne bouffe ou qu’on maintienne nos cultures de terroirs.
      Ca me rappel ce que j’avais mis sur le #consentement et la métaphore de l’âne et de la carotte : http://seenthis.net/messages/396369#message396385

      edit - je ne veux pas dire qu’il n’y a pas des raisons compréhensibles pour le maintiens de certains types d’élevages. Mais la mise à mort, ca devrais être réservé aux non-humains agonisants. La viande devrait être celle d’animaux morts par accident, ou de maladie ou de vieillesse.

      @nicolasm j’avais pas vu ton message avant d’envoyer le mien. Je ne veux pas faire de yaka-fokon, je suis citadine et j’ai pas de notion de la masse de travail certainement dantesque que demande la terre. Mais peut être qu’héberger (ou favorisé les conditions d’installation libre) des chats pour qu’ils chassent les mulots, des rapaces et renards pour les lapins, des hôtels à insectes prédateurs de chenilles bouffeuses de patates... Peut être une approche plus animal-friendly qui permettrais de concilié la cohabitation des humains avec les non-humains.
      Le truc c’est que les humains ont les moyens techniques et morales de faire autrement alors je pense que c’est pas mal de chercher à moins tuer quant il y a des alternative. Un faucon ne va pas avoir d’alternative au fait de manger des rongeurs, nous par contre on peu choisir de manger des aliments qui ne causent pas de mort. Choix que je ne fait pas moi même par pure paresse et égoïsme alors je ne juge pas les tueurs de taupe et de lapinou ni même les mangeurs de chats et chiens et je ne cherche pas à faire de reproches à qui que ce soit.

    • hi hi @mad_meg je viens tout juste de commencer à lire Federici qui était à la maison depuis un an (manque de temps) et j’ai été tentée de faire le même rapprochement. Je ne suis pas encore végétarienne mais je consomme très peu de viande, de moins en moins et je pense qu’à un moment je m’en passerai totalement. J’aurai par contre plus de mal à me passer de fromage.

    • @odilon c’est totalement passionnant « Caliban et la sorcière » il m’en reste encore un morceau mais vraiment ca me retourne la tête tout ce qu’elle dit sur la renaissance. Tout ce que j’ai appris sur l’histoire « moderne » est complémentent changé. J’ai hâte qu’on en discute :).
      Sinon pour la viande je pense pouvoir m’en passé je l’ai fait quelques mois mais alors les oeufs et les laitages c’est pas possible. J’aime pas beaucoup de légumes alors des patates aux patates tous les jours ... et sans beurre .... pffff et puis des gâteaux vegans j’ai déjà gouter et ca m’a mis le moral dans les chaussettes.
      Mon objectif c’est deja de baisser ma conso en cadavres, ca sera deja pas mal par rapport à mes critères moraux. Par contre les oeufs et les laitages je ne pense pas ni vouloir ni pouvoir les supprimer ni même les réduir. Ma courte periode sans viande à été très ovo-fromagère d’ailleurs. En plus par rapport à la paysannerie et la culture tu terroir ca ne me semble pas souhaitable car c’est justement là que je peu suivre les discours de @aude_v, @nicolasm et JP. En tant que « fromage-qui-pue » il est pas question qu’on me prive de Saint Marcellin !!! Par contre avec mon histoire ovo-lactée il n’y a que les femelles qui vont être maintenu en captivité les mâles deviennent inutiles... Ah si on pourrait les saigner de temps en temps comme les MassaÏ le font avec les watusi. On peut faire du boudin sans tuer les bêtes, comme on le fait pour les don du sang et puis ca rendrait l’élevage des mâles un peu interessant car sinon ils vont être tuer à la naissance vu que les mâles ca ne produit pas grand chose d’intéressant à part de la violence.

    • Que moi j’ai toujours adoré les légumes et les fruits toutes catégories et les céréales. Les œufs aussi je m’en passe très bien (d’ailleurs je ne digère que les œufs extra frais, ça limite). Je ne consomme pas de lait frais non plus. Il n’y a que le fromage, genre langre, munster, et les biques dont je suis addicte.

    • @mad_meg

      [...]Peut être une approche plus animal-friendly qui permettrais de concilié la cohabitation des humains avec les non-humains.

      J’ai beau avoir deux chats, on a des soucis de souris, et les chats ne semblent pas efficaces quand les souris sont dans les murs ou le plafond. Je n’essaie pas de me justifier (j’ai pas de soucis moraux avec le fait de piéger des souris à la tapette) mais c’est plus facile d’adhérer à ou de concevoir une morale dans laquelle on ne tue pas quand on habite un désert urbain, où les km2 de bétons autour et les quelques mètres de hauteur aident à ne pas se soucier de la cohabitation avec les autres animaux.

      Le truc c’est que les humains ont les moyens techniques et morales de faire autrement alors je pense que c’est pas mal de chercher à moins tuer quant il y a des alternative.

      C’est un argument que je trouve assez faible. Et personnellement, je me demande bien ce que répondrait une végane à un pro-vie qui tiendrait le même raisonnement.

    • Chez moi se sont les chats qui foutent la zone dans le potager. En grattant la terre ils virent les semis et les jeunes plants, grrr. Ou alors ils se battent. Cet été deux matous du coin m’ont détruits des pieds de haricots, de maïs et mon unique pied de bourrache, grr grr. Depuis que je n’ai plus de chat, je donne à manger aux oiseaux du ciel et je fournis une pataugeoire (beaucoup de moineaux, un couple de tourterelles, plus ponctuellement des mésanges noires, des rouge-queues, un rouge-gorge, un accenteur mouchet) et c’est un beau spectacle qui me ravit. Il y a aussi pas mal de merles dans nos jardins, dont une merlette pas sauvage du tout.

    • Effectivement, ça n’utilise que des amendements végétaux. L’exemple le plus abouti que je connaisse est en Finlande, ils combinent brf et purin d’ortie (amendement de fond et purin à effet rapide), et cultivent une grosse proportion de fabacées et légumes racines, à la fois pour l’apport protéique/calorique et pour minimiser les besoins en azote.
      EDIT : précédemment cité ici http://seenthis.net/messages/219945#message222265

    • @Aude v

      Pour ce que j’ai pu en lire (principalement du côté des auteurs des "cahiers_antispécistes), ça n’est pas la seule mort qui est centrale, mais bien plus le fait de faire délibérément souffrir, et de considérer que le plaisir des humains justifie les souffrances qu’ellils infligent aux être non-humain. Par voie de conséquence, que les humain-e-s traitent les animaux en choses administrables - ce qui est aussi une définition de l’élevage, même traditionnel.

      Par ailleurs, je suis d’accord avec Mad meg : la mort a tout de même quelque chose de définitif .
      (Je ne sais pas de quand date l’expression « commettre l’irréparable » ?)
      j’ajouterai que cette idée confortable, selon laquelle la critique du spécisme pouvait être une conséquence de la peur de la mort telle que peut la produire la société industrielle me semblait crédible à moi aussi ... il y a quinze ans.

      Sur ce point, comme sur d’autres, après avoir lu chez certains auteurs antispécistes des textes dont la teneur, et surtout la rigueur m’a d’abord surpris, j’ai changé d’avis. Bien que je ne sois pas toujours d’accord avec elleux, (ne serait-ce que parce que je ne me définis pas comme « utilitariste ») je tiens des gens comme Bonnardel, Reus ou Olivier, par exemple, pour des intellectuel-le-s respectables, dont les propos méritent d’être critiqués avec des arguments tout de même mieux fondés que ce genre d’à priori - qui me semble tout de même un peu trop facile et teinté de mépris.

      Mais il y a quinze ans, je voyais la critique du spécisme comme un truc d’urbains qui ne savaient évidemment rien des « réalités de la vie à la campagne » et qui avaient probablement peur de la mort et de la violence.
      J’en aurais parlé comme J. Porcher, probablement.

      Depuis, c’est mon regard sur la manière dont je m’accommodais alors des souffrances infligées aux animaux qui a changé. Sur ce à quoi j’avais recours pour me dissimuler une réalité dont j’étais pourtant témoin. Comment, afin de ne pas être en contradiction avec moi-même, j’en faisais une douloureuse nécessité, une fatalité, un indépassable et sinon un impensable, du moins un objet dont la pensée ne pouvait qu’être un loisir inepte.
      Comment je naturalisais le fait que l’humanité considère acceptable, massivement, et banal, justifié, évident, nécessaire , de faire souffrir et mettre à mort les animaux.
      Comment, enfin, traiter à priori les antispécistes en enfants gâtés de l’industrie me permettait de protéger mes propres subterfuges, en me donnant une bonne raison de ne pas courir le risque de les confronter vraiment à leurs propos, que je ne lisais pas. Comment ce mépris me venait surtout de ce que l’idée même d’antispécisme m’était intolérable parce qu’elle venait justement me mettre en face de mes propres mécanismes de rationalisation - je n’aimais pas faire souffrir, je condamnais cela, mais ma vie de petit français de la fin du XXème siècle - j’aimais manger fromages et viandes, et porter des vêtements ou chaussures en cuir -impliquait que l’on fasse souffrir des animaux, beaucoup d’animaux, : il fallait bien que ce soit pour une bonne raison , le contraire n’était tout simplement pas possible .

      Comme ne cesse de le développer depuis plus de dix ans de façon désarmante de franchise Porcher, pour les humains qui en sont responsables, il faut que la mort des animaux ait du sens .
      Mais elle n’exprime là qu’un voeu : loin de justifier quoi que ce soit, pareil acharnement dans une telle voie, couplé aux impossibles acrobaties intellectuelles que demande de calquer là dessus une théorie du don qui n’avait rien demandé, me semble ne faire que mettre en lumière la violence de la dissociation qu’elle même éprouve, et la nécessité impérieuse de la résoudre.

      C’est à cette facilité qui était alors la mienne que je me refuse depuis plusieurs années sur cette question - ainsi que sur quelques autres. )

    • « C’est un argument que je trouve assez faible. Et personnellement, je me demande bien ce que répondrait une végane à un pro-vie qui tiendrait le même raisonnement. »
      @nicolasm juste sur ce point, je vais répondre à ce « pro-vie » fictif.
      Un fœtus n’est pas encore un être, il est une partie du corps de la génitrice et un tas de cellulles en develloppement. Et on n’avorte pas à partir d’un certain stade de develloppement. C’est à mon avis comparable à une sorte de parasite car il suce le sang de son hôte. C’est à l’hôte de faire le choix de porter ce tas de cellules en formation. J’ai jamais entendu ni lu de vegan dire qu’il fallait protéger les ténias et les douves du foie et en abrités dans son organisme parce que c’est des êtres vivants et qu’il faut les proteger de l’extinction. Si tu me trouve de la doc la dessus je veux bien mais je suis sceptique. Le foetus est dépendant d’une tierce pour sa survie et cette tierce personne est libre de la décision de savoir qui va squatter son corps.

      Ta comparaison ne marche pas. Il y a maintenant des fermes à mères porteuses en Indes et je ne pense pas que les vegans défendent cette pratique. Ca m’étonnerais même. Et je ne voie pas trop l’analogie entre foetus-génitrice et animal domestique-fermier

      @aude_v bon l’argument des croyances religieuses je pensais pas que tu me le sortirais. Je pense beaucoup de mal des religions elles servent justement de « lave-conscience » aux oppresseurs. La religion ca permet la legitimation de l’esclavage, de l’asservissement, les guerres, tortures, executions et j’en passe. Avec la religion on peu même défendre le cannibalisme alors la mise à mort de non-humains on peu aussi.
      Et pour ceci ;

      Dans un élevage de production laitière, les mâles passent à la casserole plus ou moins jeunes. Donc le fromage aussi, c’est la mort anticipée des animaux.

      j’en avais parlé aussi et j’avais proposé la technique des massaï avec les watusi. Je remet la partie ou je disait cela juste avant ta réponse. Je m’auto-cite désolé pour l’impolitesse ^^ :

      Par contre avec mon histoire ovo-lactée il n’y a que les femelles qui vont être maintenu en captivité les mâles deviennent inutiles... Ah si on pourrait les saigner de temps en temps comme les MassaÏ le font avec les watusi. On peut faire du boudin sans tuer les bêtes, comme on le fait pour les don du sang et puis ca rendrait l’élevage des mâles un peu interessant car sinon ils vont être tuer à la naissance vu que les mâles ca ne produit pas grand chose d’intéressant à part de la violence.

      Alors j’ai conscience que c’est utopique cette histoire de Watusi (et ca doit pas plaire aux vegans) et je parle toujours d’élevage dans des conditions de petite élevage comme ce que tu défend. Je ne cherche pas à défendre une exploitation industrielle des non-humains. Et je ne propose pas de faire des usines à sang de bœufs qu’on mettrais sous perfusion H24. On peu faire pas mal de choses sans mettre à mort et sans causer de souffrances si c’est la volonté qu’on a. Avec cette triade lait-ovules-sang on a de quoi rester gourmands, préserver le terroir et la culture paysanne, avoir des relations plus saines avec les non-humains qu’on garderais avec nous et tout ca sans les tuer.

      Federici parle de la tristesse des paysannes quant leur mari prenait leur cochon qu’elles avaient nourri et choyer pendant des années pour l’abattre. Elle explique que la mise à mort des animaux de ferme est aussi une forme de violence fait aux femmes car se sont elles qui s’occupent de ce type d’animaux. Le porc est nourri avec les reste des repas dont la femme était à charge, et dans les rites de mise à mort du cochon les femmes sont contraintes de préparé le cadavre de leur vieil ami pour le servir à la famille. Féderici dit que c’etait une grande souffrance pour ces femmes. J’ai la flemme de copier ce passage maintenant mais je vais le faire ce soir. :)
      Bonne journée

    • La mort n’est pas un drame quant elle est la délivrance d’une souffrance et je l’ai mentionner dès le debut. Dans le contexte d’un élevage paysan liée au terroir et qui prend soin de ses bêtes comme celui que tu semble defendre a mes yeux, les bêtes n’ont aucune raison d’être délivré de leur souffrances puisqu’elles ne souffrent pas. C’est dans l’industrie qu’elles souffrent et a part pour les malades et vieillards épuisés, il n’y a pas de raison de les euthanasier. Bon comme tu as dit que tu te retirais je laisse aussi la place. Et je reconnais que je suis mal placé pour parler de ce sujet vu que je suis une citadine et que mon expérience dé tout ce qui est agricole passe grossomodo par @seenthis
      Bonne journee a toi faut que je retourne bosser aussi ?

    • Ah bon y a p’u personne ?

      J’explique mieux mon parallèle véganisme / pro-vie :

      Dans les deux cas on a des personnes qui disent qu’on ne peut pas prendre le droit de tuer un être vivant (foetus / animal non humain), qui ont notamment pour argument qu’on peut faire autrement (adoption / végéculture + végétalisme). Les deux se basent sur des considérations morales, et techniques (système nerveux, ou autres développements).

      Je dis pas que les deux positions vont de pair, juste que j’aimerai qu’un végan comprenne que ma position face au véganisme peut être comme leur position face aux anti-avortement.

    • franchement @nicolasm ta comparaison me blesse. Pour moi un fœtus n’est pas encor vivant comme l’est un animal et il est physiquement dépendant de la génitrice. alors qu’un animal n’est pas dépendant physiquement d’un agriculteur à part peut être des vers parasites de l’intestin.
      Bonne soirée.

    • Ah désolé mon but n’est pas de blesser. Je fais juste un parallèle de démarche, pas de valeurs. Mon but n’est pas débattre de si l’animal mérite la vie ou si le foetus mérite la vie. On peut tout à fait être végan et pro-choix, je dis juste que les végans pourraient envisager le débat avec les omnivores en pensant à un débat avec des pro-vies pour pouvoir comprendre ce que se joue dans le débat, car souvent les végans sont pro-choix et donc se retrouvent dans l’autre rôle (celui de l’omnivore) vis à vis d’un pro-vie (défense d’un être vivant incapable de se défendre lui même).

    • Moi aussi je suis choquée. La grande majorité des végétariens ne consomment pas de viande par choix, un choix qui n’engage que soi-même et que je trouve parfaitement respectable. Les anti-avortement imposent leur point de vue aux autres, se sont des militants, leur point de vue n’est pas respectable parce qu’il ne respectent pas les choix différents et ne prennent pas en considération les situations comme une grossesse due à un viol. Je trouve aussi irrespectueux de vouloir imposer le régime omnivore à ceux qui ne veulent pas, en utilisant des arguments à la noix. Si la mort violente n’est pas un drame, alors allons-y, ils restent quelques éléphants et rhinos à flinguer, sans parler des primates, bref, à quoi bon s’en soucier, le projet c’est le bon plaisir de l’humain (enfin pas tous, faut pas exagérer non plus) rien que l’humain et le reste du monde à son loisir. Personnellement je trouve pas le projet folichon. Historiquement les humains n’ont jamais consommer de viande autant qu’aujourd’hui, c’est un phénomène récent. Il n’y a pas si longtemps, les familles paysannes tuaient le cochon une fois l’an et c’étaient à peu près la seule viande qu’elles mangeaient. Et quand je dis famille, c’est pas un couple et ses deux enfants, c’est les grands-parents, les oncles et tantes, etc... Je ne comprends que pour défendre l’élevage, on dénigre les végétariens, c’est absurde, pour moi c’est pas une argumentation valable.

    • Au stade où on en est, ll va bien falloir envisager que la mort joue un rôle important si l’on veut remettre en cause l’élevage : la situation dont on hérite ne permet pas d’en faire abstraction

      Supprimer l’élevage aujourd’hui, c’est certainement mettre en œuvre un plan d’extermination à une échelle industrielle...

      (C’est le même paradoxe qui fait que le démantèlement de l’industrie nucléaire est une activité qui ne peut être qu’industrielle et confiée à des nucléaristes)

    • Je repasse par ici. C’est chouette cet outil que tu prépare @archiloque !
      Cette discussion m’a permis de franchir le cap du végétarisme avec quant même une exception menstruelle car quant j’ai mes règles j’ai trop envie de foie. je dois manquer de fer. Je me souviens avoir vu des videos de crudivores posté sur seenthis et il y avait aussi des instincto-pates ou -peute (je me souviens plus) qui mangeaient à l’instinct. Ça consistait à mettre plusieurs fruits différents autour de soi, de les renifler et de manger ce qui nous semble avoir la meilleur odeur. Ca m’avait plu.
      A cause du manque de fer j’ai essayé avec les pois chiches (parait il riches en fer) mais c’est pas pareil ca me frustre alors que le reste du temps la viande ne me manque pas du tout, voire me dégoute. En 40 ans j’ai mangé tellement de cadavres que je suis pas à un foie près. Et peut être qu’a la ménopause j’aurais plus ces envie sanguignolantes ^^

      C’est l’occasion de faire un nouveau mot qui va pas servir beaucoup, #Végétaro-menstruo-hépathophagisme hihi ca peu aussi faire un bon titre de film d’horreur

    • @mad_meg pour assimiler le fer des pois chiches, mange du boulghour avec et non traité car il faut le plus complet possible, le son de blé contient 16 mg de fer/100 g
      A propos, le pain complet en boulangerie contient plus de produits chimiques qu’un pain blanc.

  • Déconstruire la virilité
    http://chaotiqueneutre.tumblr.com/post/112694157258/deconstruire-la-virilite#disqus_thread
    plusieurs liens sur le sujet

    Monde du travail

    "Des rituels virils pour conjurer la peur", Christophe Dejours sur la souffrance au travail
    http://www.liberation.fr/economie/2005/05/31/des-rituels-virils-pour-conjurer-la-peur_521732

    Représentations

    Vidéo : how movies teach Manhood
    http://www.ted.com/talks/colin_stokes_how_movies_teach_manhood

    Cinéma : Gloire aux costauds
    http://www.lecinemaestpolitique.fr/gloire-aux-costauds

    Vidéo : Sexism, Strength and Dominance : Masculinity in Disney Films
    https://www.youtube.com/watch?v=8CWMCt35oFY

    Education

    3rd grade teacher reminds boy writing is for girls…
    http://thesocietypages.org/socimages/2014/03/21/3rd-grade-teacher-reminds-boy-that-writing-is-for-girls

    When boys misbehave it’s adorable
    http://thesocietypages.org/socimages/2014/05/09/when-boys-misbehave-its-adorable

    The real boy crisis : 5 ways America tells boys not to be “girly”
    http://www.salon.com/2013/09/25/5_ways_america_tells_boys_not_to_be_girly

    Sylvie Ayral, La fabrique des garçons, Sanction et genre au collège
    http://gc.revues.org/2107

    Définir et déconstruire la virilité

    Vidéo : Be A Man, by Joe Ehrmann
    https://www.youtube.com/watch?v=jVI1Xutc_Ws

    Virilité et violence
    http://antisexisme.net/2011/10/22/virilite-et-violence

    Détruire la virilité
    http://www.crepegeorgette.com/2013/10/30/detruire-la-virilite

    Résumé de Refuser d’être un homme de John Stoltenberg
    http://www.crepegeorgette.com/2013/10/09/virilite-stoltenberg

    #virilité #homme #hommes #féminisme #condition_masculine #violence #domination

    • dans le #travail, nous apprenons à trahir les autres, et nous nous trahissons nous-mêmes… d’où les #suicides

      quelques notes constructives :

      il faut rompre avec l’exaltation de la #performance_individuelle, et retrouver une démarche de #qualité — parce que dans l’ombre on dégrade tout ce qui relève de la #coopération

      tout ce qu’on croit gagner d’un côté, on le perd de l’autre, et on constate même, au final, une perte de #productivité

      il faut s’intéresser au #travail_collectif, à la mise en commun du savoir, de l’expérience, de l’intelligence, de la parole… ce qui nécessite des espaces de #délibération — il y a un gisement de bonne volonté dans le monde du travail

      … repenser toute la méthode de #management des #entreprises, faire de la coopération verticale ainsi que de la coopération avec le client (ou le patient, l’élève…)

    • A verser au dossier « tempérer ses propos » :
      christophe dejours : plume&plume
      http://plumeplume.blogs.nouvelobs.com/tag/christophe+dejours

      Par #normopathie, Christophe Dejours désigne des personnalités qui se caractérisent par leur totale normalité, des êtres conformistes sur les plans social et professionnel. « Peu fantaisistes, peu imaginatifs, peu créatifs, ils sont en général remarquablement intégrés et adaptés à une société où ils se meuvent aisément et sereinement sans être perturbés par la culpabilité, dont ils sont indemnes, ni par la compassion, qui ne les concerne pas ; comme s’ils ne voyaient pas que les autres ne réagissent pas tous comme eux ; comme s’ils ne percevaient même pas que d’autres souffrent ; comme s’ils ne comprenaient pas pourquoi d’autres ne parviennent pas à s’adapter à une société dont les règles, pourtant, leur semblent relever du bon sens, de l’évidence, de la logique naturelle. (...) » (p. 143, en note)

    • Issue à la sclérose d’un système qui a généralisé la concurrence de tous contre chacun en guise d’organisation. Système qui exploite notre instinct de prédation pour tirer son énergie de fonctionnement. Oui, ça peut tenir quelques décennies encore, mais ce système s’écroulera de lui même quand les humains auront mieux compris la supercherie et auront appris à s’en détacher.

      Dans l’entreprise où je bosse, on essaie de bannir toute idée de concurrence, l’organisation mise sur l’autonomie et la coopération, sur le respect et la confiance plutôt que sur la compétition et l’autorité. Jusqu’ici ça donne de très bons résultats. Résultats qu’on essaie de restituer au mieux dans notre « écosystème » économique, au lieu de vampiriser pour faire valoir notre archaïque privilège de propriétaires capitalistes.
      Je ne crois plus trop à l’idée que la table rase soit le meilleur chemin pour réunir une mutation.

    • Christophe Dejours nous explique pour ceux qui l’ont lu que l’entreprise peut-être à la fois un lieu d’émancipation et de transformation de l’individu quand le travail n’est pas subi. On peut y trouver le meilleur comme la prévenance, la solidarité, le respect, mais aussi le pire, le chacun pour soi, la lâcheté, le harcèlement, l’humiliation...
      A chacun d’incarner sa fonction,son métier, sa mission... avec ce qu’il est ! L’entreprise sait parfaitement utiliser la nature et la personnalité de chacun. A nous de ne pas l’accepter !

      Il faut occuper l’espace qu’incarne l’entreprise comme un « champ » politique et y faire entrer de nouveaux droits comme la reconnaissance de la citoyenneté dans l’entreprise avec tout ce que cela implique. le droit considère que le risque économique est pris par l’entreprise et qu’il est donc normal que le salarié soit soumis à un rapport de subordination.
      Je crois que nous touchons là, une problématique majeure entre employeurs, employés. Comment équilibrer un réel rapport de forces sans qu’aucune des deux parties ne soit lésée ?

      Mon inquiétude aujourd’hui c’est de constater que le droit du travail s’écrit dans « l’entreprise » au nom du bon fonctionnement du dialogue social et non à l’assemblée nationale seule représentante de la souveraineté nationale.
      Aujourd’hui nous sommes bien obligés de constater au nom du maintien de l’emploi, la capitulation du législateur face à l’entreprise toute puissante !

    • @bp314 : ça y est j’ai visionné.
      L’issue dont je parle est justement l’issue de l’effondrement du système par perte de confiance totale des travailleurs dans les organisations classiques (évoqué à 5mn15).

      Concernant le concept de « coopération verticale », le terme fait peur, je le reconnais, moi ça me fait penser à collaboration avec toute la connotation historique de ce mot. Pour moi le manager est avant tout un coordinateur d’actions et un agrégateur de responsabilités. Un animateur, consacré sur sa mission à lui, plus large et d’autant plus anticipatrice que ce qu’il doit agréger est important.

      La cible est une organisation où chacun se sente entrepreneur de son poste, responsable de sa mission, gratifié de sa contribution à l’équipe, à ses « clients » bénéficiaires de son action, gratifié par le soutien et la reconnaissance de l’équipe, gratifié par la réussite de l’oeuvre collective.
      Le collectif fait le reste, et très franchement, moi qui déteste l’autorité, ça tombe bien, on n’en fait quasiment jamais usage. Quand on se considère tous en adultes responsables, on se comporte tous en adultes responsables, tout le monde assume, tout le monde y trouve son compte..

      @pariaurbain : oui la tendance actuelle à négocier et légiférer hors du champ républicain (démocratique si on veut), dans les murs mêmes de l’entreprise, fait peur et risque d’accélérer l’effondrement qu’évoque C. Dejours. On le voit pour l’ANI.
      On parle que de flexibilité, compétitivité et concurrence, comme si on avait pas encore touché le fond...

      Tout l’enjeu va consister, pour les entreprises bienveillantes à devenir suffisament fortes pour être les locomotives de la mutation, en poussant les entreprises conventionnelles à s’aligner, un peu comme la filière bio pourrait y arriver dans l’agriculture si la population l’y aidait. Et ce sera plus facile pour le boulot que pour le bio. Il est plus facile de vivre sans bosser dans une entreprise que de vivre sans manger des trucs de l’industrie agro-alimentaire.

      Mais il est certain qu’un coup de pouce politique semble le plus adapté. Rien est exclu. Quand tout se casse la gueule, on peut envisager de voir une reprise en main politique. Regarde sur la question fiscale en Europe. Il aura fallu 25 ans pour qu’ils reconnaissent qu’il faut faire quelque chose...

    • Christophe Dejours nous explique pour ceux qui l’ont lu que l’entreprise peut-être à la fois un lieu d’émancipation et de transformation de l’individu quand le travail n’est pas subi.

      Peut-être chez les bisounous : chez les humains, l’entreprise est le lieu dans lequel l’humain se rend sous peine d’être exclus et condamné à errer, dormir dans le froid et mourir de faim. On s’y rend aussi de plus en plus souvent forcé par la loi, à l’heure et au lieu dit, pour quelques jours, quelques heures, en attendant d’être affecté ailleurs.

      Ha, qu’il est plaisant de voir que chez les intellectuels en cravate aux mains blanches on croit encore en les célèbres vertus du travail forcé !

      L’issue ? J’ignore quelle sera l’issue et, comme tout productif, au fond peu m’importe. Mais j’imagine qu’un jour viendra où nul ne pourra plus prétendre faire sa part d’oeuvre sociale en se qualifiant d’intellectuel tout en s’ornant des fruits du labeur d’autrui.

    • @tbn : néolibéralisme ? Comment ça ? Sortir de l’exaltation de la performance individuelle et de la concurrence pour passer à la « coopération » c’est du néolibéralisme ?

      @bp314 : quand ce monsieur guindé à l’apparence il est vrai peu sympathique ira jusqu’au bout de sa démarche, il se rendra compte que l’entreprise « bienveillante » ne peut pas être capitaliste, puisque le capitalisme est une prédation sur le travail d’autrui, le capitalisme ne peut fournir le climat de confiance indispensable à la « coopération » dont parle ce monsieur. Laissons lui du temps, pour moi il est sur la bonne voie.

      Ou bien on peut toujours sinon continuer à souhaiter que le travail reste un enfer, pour être sûr de ne pas se compromettre avec le capitalisme, drapé dans notre beau statut immaculé de victime. Mais personnellement ce n’est pas ma tasse de thé...

      Quant à la fin du travail... Je ne crois pas que l’humain pourra se passer d’activités collectives socialement valorisantes, et j’espère pas d’ailleurs.. Je crois qu’il y a confusion entre le mot travail et des concepts plus spécifiques « production de biens matériels » et « exploitation de l’activité d’autrui » qui sont devenus l’horizon indépassable du travail en régime capitaliste..

    • il se rendra compte que l’entreprise « bienveillante » ne peut pas être capitaliste, puisque le capitalisme est une prédation sur le travail d’autrui, le capitalisme ne peut fournir le climat de confiance indispensable à la « coopération » dont parle ce monsieur. Laissons lui du temps, pour moi il est sur la bonne voie.

      J’entends l’argument, mais je vais m’efforcer de le réfuter.

      Ce n’est pas pour des raisons morales ou de compétence technique qu’on réserve les professions intellectuelles aux diplômés : c’est parce que leurs diplômes garantissent le niveau d’éducation requis pour qu’ils ne puissent ignorer certaines choses.

      Par exemple l’évidence que vous exprimez. Et qu’exprime encore bien mieux l’extraordinairement non-diplômé Didier Super : http://www.youtube.com/watch?v=ODXOvPrCuUs

      Machiavel constatait autrement qu’on ne peut distinguer le machiavélisme de l’ignorance et donc, que feindre l’ignorance était toujours le meilleur moyen de parvenir à des fins raisonnées. C’est pour se protéger de cet alibi d’ignorance que les républiques éduquent leurs élites et, en théorie, présument de leur parfaite connaissances des enjeux relevant de la responsabilité sociale qu’on a quand on s’exerce en vertu d’un titre républicain.

      Autrement dit, non, cet intellectuel professionnel ne peut prétendre à l’alibi d’ignorance : ce qu’il fait est un choix.

    • D’ailleurs, il n’y a pas d’autre mot que #propagande_libérale pour parler de l’éducation actuelle infligée et censée sortir les enfants de l’ignorance…

      http://www.onisep.fr/Choisir-mes-etudes/Au-lycee-au-CFA/Au-lycee-general-et-technologique/La-classe-de-seconde-generale-et-technologique/Les-enseignements-d-exploration-en-seconde/Sciences-economiques-et-sociales

      Un enseignement d’exploration obligatoire en classe de seconde, à raison de 1h30 par semaine, permettant une initiation à l’économie et à la sociologie pour découvrir la société dans laquelle on vit.

      Avec ceci qui m’a fait bondir :

      Formation et emploi : le diplôme : un passeport pour l’emploi ? Le chômage : des coûts salariaux trop élevés ou une insuffisance de la demande ?

      C’est le programme officiel.

  • Tu seras fort mon fils
    http://www.crepegeorgette.com/2012/03/09/tu-seras-fort-mon-fils

    Christophe Dejours montre les rituels existant encore dans certains corps de métier pour « être un homme » : « Est un homme véritablement viril celui qui est insensible à la souffrance, ne refuse jamais une tâche par peur, et inflige lui-même la souffrance ou la douleur à autrui. Celui qui déroge à cette loi est un gars qui n’en a pas, un « pédé » : l’insulte est toujours sexualisée. Ces comportements ne sont pas de simples manifestations stupides de virilité. Ce sont des dispositifs mis en place pour combattre la peur, des stratégies collectives de défense. »

  • Le monde subjectif au travail par Christophe Dejours

    Christophe Dejours est un psychiatre et psychanalyste français, fondateur de la psychodynamique du travail.
    Ses thèmes de prédilection sont l’écart entre travail prescrit et réel, les mécanismes de défense contre la souffrance, la souffrance éthique ou bien encore la reconnaissance du travail et du travailleur.
    Il est aussi professeur titulaire de la chaire de psychanalyse-santé-travail au Conservatoire national des arts et métiers et directeur du laboratoire de psychologie du travail et de l’action.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Christophe_Dejours

    http://www.youtube.com/watch?v=yeLNObFIwv0