Contre Édouard Louis
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L’attaque la plus manifeste envers Édouard Louis consiste à s’interroger sur le parcours du transfuge de classe soupçonné de cacher une part de soi minable. Ceci est un nouveau « verdict », pour reprendre le terme de Didier Eribon, qui confine à l’assignation sociale, remettant « à sa place » l’auteur qui s’émancipe. Voilà l’attaque qui est faite à Édouard Louis en tant qu’individu même : celle de le ramener aux « siens » dans une acception bourgeoise de la reproduction sociale.
Soutenir Édouard Louis, c’est s’opposer fermement à un discours rétrograde, et affirmer un droit à l’émancipation, à la parole, en même temps que notre égale humanité.
Lors de la parution de son deuxième livre, le très cru Histoire de la violence, accusé de faire oeuvre de « kitsch naturaliste, tournant au procédé », l’auteur subit à nouveau l’accusation de mépris social. Le journaliste Jérémy Collado évoque « une autofiction qui sent bon la prolophobie » et qui, par l’assignation identitaire de ses personnages, « confine à l’excuse sociologique. » C’est précisément la thèse sociologique du livre qui dérange : « la volonté de faire de la sociologie écrase le lecteur, qui n’a aucune place. Et lui assène un message inéluctable : les institutions écrasent les hommes, le déterminisme les empêche d’avancer. » Puisque certains ont le droit d’être péremptoires, le journaliste ajoute qu’il est « idiot de poser ce déterminisme comme tout-puissant. »
Non content de dénier à Edouard Louis la qualité de sociologue, il l’exclut également du champ des écrivains, puisqu’il « écrit à la truelle » : « ‘’Tout est vrai là-dedans, rien n’y est exact’’, aurait dit Maurice Barrès, qui appartenait à la droite nationaliste antisémite, mais qui était écrivain. »
Ultime et insupportable attaque : si l’intellectuel est contré, l’homme dans sa construction identitaire est également chahuté : « l’auteur parvenait à perdre son identité d’Eddy Bellegueule pour devenir Édouard Louis, ce nom que même les Versaillais renieraient tant il sent la caricature. » Quelle violence. C’est un tour de force, pour qui fustige une lecture du monde par le prisme du déterminisme social, que de ramener Édouard Louis à ses origines, en tentant d’y démasquer celui qui ne pourrait être qu’un imposteur. Voilà pourquoi soutenir Édouard Louis, c’est s’opposer fermement à ce discours rétrograde, et affirmer un droit à l’émancipation, à la parole, en même temps que notre égale humanité.