person:edward said

  • Sur l’#Europe_forteresse, quelques #critiques...

    Extrait d’un entretien avec #Sandro_Mezzadra :

    Vous réfutez la vision d’une Europe forteresse. Réfutez-vous aussi le durcissement des politiques migratoires mises en œuvre par les États membres de l’UE ?

    Je critique la vision unilatérale des frontières les réduisant à leur fonction de mur. Les #frontières excluent, séparent, c’est un fait. Mais elles ne sont pas que cela. Je ne cherche pas à nier la #violence qui s’exerce aux frontières, la manière dont des vies sont exploitées, enlevées. Mais il me semble qu’il faut changer de point de vue afin de retrouver un angle d’attaque plus efficace. Le concept d’Europe forteresse a été inventé dans les années 1990 pour dénoncer les politiques migratoires européennes. La référence de cette métaphore est militaire, puisque l’Europe forteresse désignait les fortifications nazies bordant les rivages de l’Atlantique. Cette image n’est pas inutile. Mais, au cours des dernières années, elle a été récupérée par les institutions européennes elles-mêmes, notamment par Frontex. À trop l’utiliser, on risque de faire le jeu des politiques qu’elle est censée combattre.
    Pour répondre à votre question, il n’existe pas de politique européenne migratoire commune. Mais il existe un cadre global, à travers la mise en place de règles minimales, l’identification de supposées “bonnes pratiques”, le déroulement de négociations informelles ou encore l’établissement de relations bilatérales. Ce cadre global tend à instaurer une politique de sélection inclusive. Le but des politiques migratoires européennes n’est pas de barrer la route aux migrants. Ça, c’est le spectacle. Des centaines de milliers de personnes entrent et s’installent légalement – mais aussi illégalement – chaque année dans l’Union européenne. Les États membres ne s’en plaignent pas. Au contraire, ils en ont besoin, pour des raisons économiques et démographiques identifiées depuis longtemps par Bruxelles. L’Europe vieillit, l’Europe a besoin de main-d’œuvre. Les systèmes de migrations saisonnières, de migrations circulaires, les systèmes à point sont appréciés. Ces dispositifs sélectifs sont compatibles avec la flexibilité exigée par les économies de marché.
    Les dirigeants et experts européens débattent du “management de l’immigration” et de “just-in-time” ou “to-the-point migrations”. Ils ont cru, un temps, comme en Italie, que les quotas étaient une solution adéquate. Or ceux-ci se sont avérés particulièrement rigides, donc inadaptés aux besoins des entreprises. Ce management a à voir avec une gestion entrepreneuriale. L’objectif est de diversifier les compétences des migrants. La figure du migrant peu qualifié, recruté comme OS dans l’industrie automobile, est dépassée en tant que point de référence normatif pour les politiques et expériences migratoires. La figure du migrant est multiple. Les statuts, les expériences des migrants sont plurielles. De même que la figure du citoyen et du travailleur s’est fragmentée, celle du migrant a explosé.

    https://editionsasymetrie.org/frontieres/2019/05/21/interview-mezzadra

    #Forteresse_Europe #Mezzadra #critique #migrations #réfugiés #récupération #vocabulaire #terminologie #mots

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    « La “forteresse”, une image dramatiquement fausse. Un article de @isskein

    Tous ces aspects vont à l’encontre du syntagme figé de “forteresse Europe”, dont le succès est grand dans les mouvements altermondialistes. Parfois utile pour mobiliser, il est calamiteux pour l’analyse et l’action. D’abord parce qu’il focalise sur la répression : si l’Europe mène une guerre aux migrants, dont les morts se comptent par milliers, du détroit de Gibraltar aux côtes maltaises et siciliennes, du tunnel sous la Manche à la frontière gréco-turque, on oublie trop souvent que la politique européenne est aussi fondée sur l’utilitarisme : “Nous avons besoin des immigrés, mais ils devront être choisis, contrôlés et placés” déclare Romano Prodi (11 sept 2000, dépêche Ansa). On oublie surtout que la fermeture et le contrôle des frontières sont mis en échec chaque jour : selon Europol chaque année près de 500.000 personnes réussissent à franchir “illégalement” les frontières de l’UE.
    Cette vision victimaire, paternaliste, strictement humanitaire, fait des migrants les victimes d’inévitables catastrophes dues à la globalisation néolibérale, des corps soumis voués à l’invisibilité, à l’errance et à l’attente, alors que, comme le font remarquer Étienne Balibar et Edward Saïd, ils ne sont ni “une masse fluctuante indifférenciée”, ni “d’innombrables troupeaux d’innocents relevant d’une aide internationale d’urgence”.
    Appliquée aux camps, l’image de la forteresse est tout aussi dramatiquement fausse. Ceux que l’on y enferme ne sont pas, comme le voudraient les différents corps policiers, administratifs et humanitaires qui les gèrent, des catégories (“clandestins”, “irréguliers”), mais des femmes et des hommes.
    Il y a une autonomie des migrations, qui les rend irréductibles aux lois internationales de l’offre et de la demande (le « push-pull » des théories classiques), car c’est un mouvement social autonome. Et les migrants sont des sujets, des femmes et des hommes qui, en exerçant quotidiennement leur droit de fuite et de fugue, mettent en question les frontières et la citoyenneté européenne.
    Il ne s’agit pas là de céder au romantisme de l’exil et du nomadisme, ou de considérer que la migration est en elle-même porteuse d’émancipation, mais de placer au premier plan la résistance et la dignité de sujets. »

    https://www.cairn.info/revue-multitudes-2004-5-page-61.htm

    ping @isskein @karine4

  • ’Orientalism,’ Then and Now | by Adam Shatz | NYR Daily | The New York Review of Books

    https://www.nybooks.com/daily/2019/05/20/orientalism-then-and-now

    Un retour sur l’histoire de l’orientalisme et sa « mutation » à l’époque actuelle.

    Edward Said’s Orientalism is one of the most influential works of intellectual history of the postwar era. It is also one of the most misunderstood. Perhaps the most common misunderstanding is that it is “about” the Middle East; on the contrary, it is a study of Western representations of the Arab-Islamic world—of what Said called “mind-forg’d manacles,” after William Blake. The book’s conservative critics misread it as a nativist denunciation of Western scholarship, ignoring its praise for Louis Massignon, Jacques Berque, and Clifford Geertz, while some Islamists praised the book on the basis of the same misunderstanding, overlooking Said’s commitment to secular politics.

    Since the book’s first publication in 1978, “Orientalism” has become one of those words that shuts down conversation on liberal campuses, where no one wants to be accused of being “Orientalist” any more than they want to be called racist, sexist, homophobic, or transphobic. That “Orientalist” is now a commonly applied epithet is a tribute to the power of Said’s account, but also to its vulgarization. With Orientalism, Said wanted to open a discussion about the way the Arab-Islamic world had been imagined by the West—not to prevent a clear-eyed reckoning with the region’s problems, of which he was all too painfully aware.

  • Edward Saïd — Wikipédia
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Edward_Sa%C3%AFd

    Un extrait de la fiche Wikipedia sur Edward Saïd, en fait l’intégralité de ce qui est résumé à propos de ce qui reste pour beaucoup son principal ouvrage, L’Orientalisme. A peine 4 lignes pour ses thèses, 26 pour présenter les réfutations apportées à ses thèses, à commencer par Bernard Lewis... Bon, c’est quand même mieux en anglais...

    En 1978, il publie son livre le plus connu, L’Orientalisme, considéré comme le texte fondateur des études postcoloniales. Il y mène une analyse de l’histoire du discours colonial sur les populations orientales placées sous domination européenne en développant quatre thèses, à savoir la domination politique et culturelle de l’Orient par l’Occident, la dépréciation de la langue arabe, la diabolisation de l’arabe et de l’islam, et la cause palestinienne. Le livre suscite des commentaires très divers, et notamment une célèbre controverse avec Bernard Lewis.

    Dans un article intitulé « La question de l’orientalisme » (The New York Review of Books, 24 juin 1982), Bernard Lewis répond aux attaques visant les orientalistes, et particulièrement à celles que leur adresse Edward Saïd. Bernard Lewis estime que la démonstration d’Edward Said n’est pas convaincante. Il reproche à Said11 :

    de créer artificiellement un groupe, les orientalistes, qui partageraient, en gros la même thèse, ce que Bernard Lewis juge absurde ;
    d’ignorer les travaux des orientalistes du monde germanique (ce qui « n’a pas plus de sens qu’une histoire de la musique ou de la philosophie européenne avec la même omission »), pour se focaliser sur les Britanniques et les Français, et de négliger, parmi ces derniers, bon nombre d’auteurs majeurs, comme Claude Cahen ;
    de préférer, souvent, les « écrits mineurs ou occasionnels » aux « contributions majeures à la science » ;
    de faire commencer l’orientalisme moderne à la fin du XVIIIe siècle, dans un contexte d’expansion coloniale de la Grande-Bretagne et de la France, alors que cette science émerge au XVIe siècle, c’est-à-dire au moment où l’Empire ottoman domine la Méditerranée ;
    d’intégrer dans son analyse des auteurs qui ne sont pas de vrais orientalistes, comme Gérard de Nerval ;
    de commettre une série d’entorses à la vérité et d’erreurs factuelles, notamment quand Edward Said accuse Sylvestre de Sacy d’avoir volé des documents et commis des traductions malhonnêtes (« Cette monstrueuse diffamation d’un grand savant est sans un grain de vérité »), ou lorsqu’il écrit que les armées musulmanes ont conquis la Turquie avant l’Afrique du nord (« c’est-à-dire que le XIe siècle est venu avant le VIIe ») ;
    de faire des interprétations absurdes de certains passages écrits par des orientalistes, notamment par Bernard Lewis lui-même ;
    d’utiliser deux poids, deux mesures : « les spécialistes soviétiques, en particulier quand ils traitent des régions islamiques et d’autres régions non européennes de l’Union soviétique, se rapprochent le plus — beaucoup plus que tous ces Britanniques et ces Français qu’il condamne — de la littérature tendancieuse et dénigrante, qu’Edward Said déteste tant chez les autres » ; or Said ne mentionnerait jamais les thèses contestables d’auteurs russes.

    Edward Saïd écrit alors une lettre à la New York Review of Books, publiée avec une réplique de Bernard Lewis12.

    Deux ans avant cette controverse, Jean-Pierre Péroncel-Hugoz avait publié dans Le Monde un compte-rendu de lecture recoupant certaines critiques de Bernard Lewis, en particulier le mélange fait entre des savants et des écrivains de fiction (« L’une des principales faiblesses de la thèse d’Edward Saïd est d’avoir mis sur le même plan les créations littéraires inspirées par l’Orient à des écrivains non orientalistes, dont l’art a nécessairement transformé la réalité, et l’orientalisme purement scientifique, le vrai. »), la focalisation excessive sur des aspects secondaires dans l’œuvre de certains orientalistes, et l’omission de nombreux spécialistes (Jean-Pierre Péroncel-Hugoz donne une liste, dans laquelle se trouvent Antoine Galland, Robert Mantran et Vincent Monteil)13.

    Tout en se déclarant d’accord avec Edward Saïd sur certains points importants, comme la définition du terme orientalisme, le philosophe Sadek al-Azem a conclu pour sa part, que le livre manquait trop de rigueur pour être vraiment concluant : « chez Saïd, le polémiste et le styliste prennent très souvent le pas sur le penseur systématique14. » Malcolm Kerr, professeur à l’université de Californie à Los Angeles puis président de l’université américaine de Beyrouth a porté une appréciation assez similaire sur l’ouvrage : « En accusant l’ensemble de la tradition européenne et américaine d’études orientales de pécher par réductionnisme et caricature, il commet précisément la même erreur15. »

    #edward_said #wikipedia

  • Un très beau texte
    Lettre à Alain Finkielkraut - Dominique EDDE - L’Orient-Le Jour

    https://www.lorientlejour.com/article/1160808/lettre-a-alain-finkielkraut.html

    Cher Alain Finkielkraut,

    Permettez-moi de commencer par vous dire « salamtak », le mot qui s’emploie en arabe pour souhaiter le meilleur à qui échappe à un accident ou, dans votre cas, une agression. La violence et la haine qui vous ont été infligées ne m’ont pas seulement indignée, elles m’ont fait mal. Parviendrais-je, dans cette situation, à trouver les mots qui vous diront simultanément ma solidarité et le fond de ma pensée ? Je vais essayer. Car, en m’adressant à vous, je m’adresse aussi, à travers vous, à ceux qui ont envie de paix.

    Peut-être vous souvenez-vous. Nous nous sommes connus au début des années 1980 à Paris, aux éditions du Seuil, et soigneusement évités depuis. Lors de l’invasion du Liban par Israël, vous n’aviez pas supporté de m’entendre dire qu’un immeuble s’était effondré comme un château de cartes sous le coup d’une bombe à fragmentation israélienne. Cette vérité-là blessait trop la vôtre pour se frayer un chemin. C’est l’arrivée impromptue dans le bureau où nous nous trouvions, de l’historien israélien Saul Friedländer, qui permit de rétablir la vérité. Il connaissait les faits. J’ai respiré. Vous êtes parti sans faire de place à ma colère. Il n’y avait de place, en vous, que pour la vôtre. Durant les décennies qui ont suivi, le syndrome s’est accentué. Vous aviez beau aimer Levinas, penseur par excellence de l’altérité, il vous devenait de plus en plus difficile, voire impossible, de céder le moindre pouce de territoire à celle ou celui que vous ressentiez comme une menace. Cette mesure d’étanchéité, parfaitement compréhensible compte tenu de l’histoire qui est la vôtre, n’eût posé aucun problème si elle ne s’était transformée en croisade intellectuelle. Cette façon que vous avez de vous mettre dans tous vos états pour peu que survienne un désaccord n’a cessé de m’inspirer, chaque fois que je vous écoute, l’empathie et l’exaspération. L’empathie, car je vous sais sincère, l’exaspération, car votre intelligence est décidément mieux disposée à se faire entendre qu’à entendre l’autre.

    Le plus clair de vos raisonnements est de manière récurrente rattrapé en chemin par votre allergie à ce qui est de nature à le ralentir, à lui faire de l’ombre. Ainsi, l’islam salafiste, notre ennemi commun et, pour des raisons d’expérience, le mien avant d’être le vôtre, vous a-t-il fait plus d’une fois confondre deux milliards de musulmans et une culture millénaire avec un livre, un verset, un slogan. Pour vous, le temps s’est arrêté au moment où le nazisme a décapité l’humanité. Il n’y avait plus d’avenir et de chemin possible que dans l’antériorité. Dans le retour à une civilisation telle qu’un Européen pouvait la rêver avant la catastrophe. Cela, j’ai d’autant moins de mal à le comprendre que j’ai la même nostalgie que vous des chantiers intellectuels du début du siècle dernier. Mais vous vous êtes autorisé cette fusion de la nostalgie et de la pensée qui, au prix de la lucidité, met la seconde au service de la première. Plus inquiétant, vous avez renoncé dans ce « monde d’hier » à ce qu’il avait de plus réjouissant : son cosmopolitisme, son mélange. Les couleurs, les langues, les visages, les mémoires qui, venues d’ailleurs, polluent le monde que vous regrettez, sont assignées par vous à disparaître ou à se faire oublier. Vous dites que deux menaces pèsent sur la France : la judéophobie et la francophobie. Pourquoi refusez-vous obstinément d’inscrire l’islamophobie dans la liste de vos inquiétudes ? Ce n’est pas faire de la place à l’islamisme que d’en faire aux musulmans. C’est même le contraire. À ne vouloir, à ne pouvoir partager votre malaise avec celui d’un nombre considérable de musulmans français, vous faites ce que le sionisme a fait à ses débuts, lorsqu’il a prétendu que la terre d’Israël était « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Vous niez une partie de la réalité pour en faire exister une autre. Sans prendre la peine de vous représenter, au passage, la frustration, la rage muette de ceux qui, dans vos propos, passent à la trappe.

    Vous avez cédé à ce contre quoi Canetti nous avait brillamment mis en garde avec Masse et puissance. Vous avez développé la « phobie du contact » à partir de laquelle une communauté, repliée comme un poing fermé, se met en position de défense aveugle, n’a plus d’yeux pour voir hors d’elle-même. Cette posture typique d’une certaine politique israélienne, et non de la pensée juive, constitue, entre autre et au-delà de votre cas, la crispation qui rend impossible l’invention de la paix. C’est d’autant plus dommage qu’il y a fort à parier que le monde dont vous portez le deuil est très proche de celui d’un nombre considérable de gens qui vivent en pays arabes sous la coupe de régimes mafieux et/ou islamistes. Pourquoi ceux-là comptent-ils si peu pour vous ? Pourquoi préférez-vous mettre le paquet sur vos ennemis déclarés que donner leur chance à de potentiels amis ? Le renoncement à l’idéal, dont j’évoque longuement la nécessité dans mon dernier livre sur Edward Said, est un pas que vous ne voulez pas franchir. J’entends par idéal la projection de soi promue au rang de projet collectif. Or, le seul rêve politique qui vaille, on peut aussi l’appeler utopie, c’est celui qui prend acte de la réalité et se propose d’en tirer le meilleur et non de la mettre au pas d’un fantasme. C’est précisément le contraire de l’idéal en circuit fermé qui fonctionne sur le mode d’une fixation infantile et nous fait brusquement découvrir, à la faveur d’une mauvaise rencontre, qu’il nourrit la haine de ceux qui n’ont pas les moyens de ne pas haïr. Cet homme qui vous a injurié a tout injurié d’un coup : votre personne, les Juifs et ceux que cette ignominie écœure. Il ne suffit toutefois pas de le dire pour le combattre et moins encore pour épuiser le sujet. À cet égard, je vous remercie d’avoir précisé à la radio que l’antisémitisme et l’antisionisme ne pouvaient être confondus d’un trait.

  • Lettre à Alain Finkielkraut, par Dominique EDDE (L’Orient-Le Jour), via @mona
    https://www.lorientlejour.com/article/1160808/lettre-a-alain-finkielkraut.html

    Cher Alain Finkielkraut, je vous demande et je demande aux responsables politiques de ne pas minorer ces petites victoires du bon sens sur la bêtise, de la banalité du bien sur la banalité du mal. Préférez les vrais adversaires qui vous parlent aux faux amis qui vous plaignent. Aidez-nous à vous aider dans le combat contre l’antisémitisme : ne le confinez pas au recours permanent à l’injonction, l’intimidation, la mise en demeure. Ceux qui se font traiter d’antisémites sans l’être ne sont pas moins insultés que vous. Ne tranchez pas à si bon compte dans le vécu de ceux qui ont une autre représentation du monde que vous. Si antisionisme n’est plus un mot adapté, donnez-nous-en un qui soit à la mesure de l’occupation, de la confiscation des terres et des maisons par Israël, et nous vous rendrons celui-ci. Il est vrai que beaucoup d’entre nous ont renoncé à parler. Mais ne faites pas confiance au silence quand il n’est qu’une absence provisoire de bruit. Un mutisme obligé peut accoucher de monstres. Je vous propose pour finir ce proverbe igbo : « Le monde est comme un masque qui danse : pour bien le voir, il ne faut pas rester au même endroit. »

    • Lettre à Alain #Finkielkraut - Dominique EDDE - L’Orient-Le Jour

      En général avec Finkielkraut ou BHL, je préfère quand on les ignore tant leur pensée est totalement oblitérée, mais la lettre de Dominique Edde est tellement belle (Merci @mona de me l’avoir fait connaître sur twitter) que ça méritait d’être dûment référencé ici, voire discuté. Je vous encourage chaudement à la lire avec attention.

      Morceaux choisis :

      « Vous êtes parti sans faire de place à ma colère. »

      « votre intelligence est décidément mieux disposée à se faire entendre qu’à entendre l’autre. »

      « nous sommes défaits. Oui, le monde arabe est mort. Oui, tous les pays de la région, où je vis, sont morcelés, en miettes. Oui, la résistance palestinienne a échoué. Oui, la plupart desdites révolutions arabes ont été confisquées. Mais le souvenir n’appartient pas que je sache au seul camp du pouvoir, du vainqueur. Il n’est pas encore interdit de penser quand on est à genoux. »

      « Ne faites pas confiance au silence quand il n’est qu’une absence provisoire de bruit. Un mutisme obligé peut accoucher de monstres. Je vous propose pour finir ce proverbe igbo : « Le monde est comme un masque qui danse : pour bien le voir, il ne faut pas rester au même endroit. »

      l’islam salafiste, notre ennemi commun et, pour des raisons d’expérience, le mien avant d’être le vôtre, vous a-t-il fait plus d’une fois confondre deux milliards de musulmans et une culture millénaire avec un livre, un verset, un slogan. Pour vous, le temps s’est arrêté au moment où le nazisme a décapité l’humanité.

      #antisémitisme #anisionisme #israël #palstine #occupation #démolition #colonisation #liban #humanité #extrémisme

    • Oui, le monde arabe est mort. Oui, tous les pays de la région, où je vis, sont morcelés, en miettes. Oui, la résistance palestinienne a échoué. Oui, la plupart desdites révolutions arabes ont été confisquées. Mais le souvenir n’appartient pas que je sache au seul camp du pouvoir, du vainqueur. Il n’est pas encore interdit de penser quand on est à genoux.

    • @val_k

      Cher Alain Finkielkraut,

      Permettez-moi de commencer par vous dire « salamtak », le mot qui s’emploie en arabe pour souhaiter le meilleur à qui échappe à un accident ou, dans votre cas, une agression. La violence et la haine qui vous ont été infligées ne m’ont pas seulement indignée, elles m’ont fait mal. Parviendrais-je, dans cette situation, à trouver les mots qui vous diront simultanément ma solidarité et le fond de ma pensée ? Je vais essayer. Car, en m’adressant à vous, je m’adresse aussi, à travers vous, à ceux qui ont envie de paix.

      Peut-être vous souvenez-vous. Nous nous sommes connus au début des années 1980 à Paris, aux éditions du Seuil, et soigneusement évités depuis. Lors de l’invasion du Liban par Israël, vous n’aviez pas supporté de m’entendre dire qu’un immeuble s’était effondré comme un château de cartes sous le coup d’une bombe à fragmentation israélienne. Cette vérité-là blessait trop la vôtre pour se frayer un chemin. C’est l’arrivée impromptue dans le bureau où nous nous trouvions, de l’historien israélien Saul Friedländer, qui permit de rétablir la vérité. Il connaissait les faits. J’ai respiré. Vous êtes parti sans faire de place à ma colère. Il n’y avait de place, en vous, que pour la vôtre. Durant les décennies qui ont suivi, le syndrome s’est accentué. Vous aviez beau aimer Levinas, penseur par excellence de l’altérité, il vous devenait de plus en plus difficile, voire impossible, de céder le moindre pouce de territoire à celle ou celui que vous ressentiez comme une menace. Cette mesure d’étanchéité, parfaitement compréhensible compte tenu de l’histoire qui est la vôtre, n’eût posé aucun problème si elle ne s’était transformée en croisade intellectuelle. Cette façon que vous avez de vous mettre dans tous vos états pour peu que survienne un désaccord n’a cessé de m’inspirer, chaque fois que je vous écoute, l’empathie et l’exaspération. L’empathie, car je vous sais sincère, l’exaspération, car votre intelligence est décidément mieux disposée à se faire entendre qu’à entendre l’autre.

      Le plus clair de vos raisonnements est de manière récurrente rattrapé en chemin par votre allergie à ce qui est de nature à le ralentir, à lui faire de l’ombre. Ainsi, l’islam salafiste, notre ennemi commun et, pour des raisons d’expérience, le mien avant d’être le vôtre, vous a-t-il fait plus d’une fois confondre deux milliards de musulmans et une culture millénaire avec un livre, un verset, un slogan. Pour vous, le temps s’est arrêté au moment où le nazisme a décapité l’humanité. Il n’y avait plus d’avenir et de chemin possible que dans l’antériorité. Dans le retour à une civilisation telle qu’un Européen pouvait la rêver avant la catastrophe. Cela, j’ai d’autant moins de mal à le comprendre que j’ai la même nostalgie que vous des chantiers intellectuels du début du siècle dernier. Mais vous vous êtes autorisé cette fusion de la nostalgie et de la pensée qui, au prix de la lucidité, met la seconde au service de la première. Plus inquiétant, vous avez renoncé dans ce « monde d’hier » à ce qu’il avait de plus réjouissant : son cosmopolitisme, son mélange. Les couleurs, les langues, les visages, les mémoires qui, venues d’ailleurs, polluent le monde que vous regrettez, sont assignées par vous à disparaître ou à se faire oublier. Vous dites que deux menaces pèsent sur la France : la judéophobie et la francophobie. Pourquoi refusez-vous obstinément d’inscrire l’islamophobie dans la liste de vos inquiétudes ? Ce n’est pas faire de la place à l’islamisme que d’en faire aux musulmans. C’est même le contraire. À ne vouloir, à ne pouvoir partager votre malaise avec celui d’un nombre considérable de musulmans français, vous faites ce que le sionisme a fait à ses débuts, lorsqu’il a prétendu que la terre d’Israël était « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Vous niez une partie de la réalité pour en faire exister une autre. Sans prendre la peine de vous représenter, au passage, la frustration, la rage muette de ceux qui, dans vos propos, passent à la trappe.

      Vous avez cédé à ce contre quoi Canetti nous avait brillamment mis en garde avec Masse et puissance. Vous avez développé la « phobie du contact » à partir de laquelle une communauté, repliée comme un poing fermé, se met en position de défense aveugle, n’a plus d’yeux pour voir hors d’elle-même. Cette posture typique d’une certaine politique israélienne, et non de la pensée juive, constitue, entre autre et au-delà de votre cas, la crispation qui rend impossible l’invention de la paix. C’est d’autant plus dommage qu’il y a fort à parier que le monde dont vous portez le deuil est très proche de celui d’un nombre considérable de gens qui vivent en pays arabes sous la coupe de régimes mafieux et/ou islamistes. Pourquoi ceux-là comptent-ils si peu pour vous ? Pourquoi préférez-vous mettre le paquet sur vos ennemis déclarés que donner leur chance à de potentiels amis ? Le renoncement à l’idéal, dont j’évoque longuement la nécessité dans mon dernier livre sur Edward Said, est un pas que vous ne voulez pas franchir. J’entends par idéal la projection de soi promue au rang de projet collectif. Or, le seul rêve politique qui vaille, on peut aussi l’appeler utopie, c’est celui qui prend acte de la réalité et se propose d’en tirer le meilleur et non de la mettre au pas d’un fantasme. C’est précisément le contraire de l’idéal en circuit fermé qui fonctionne sur le mode d’une fixation infantile et nous fait brusquement découvrir, à la faveur d’une mauvaise rencontre, qu’il nourrit la haine de ceux qui n’ont pas les moyens de ne pas haïr. Cet homme qui vous a injurié a tout injurié d’un coup : votre personne, les Juifs et ceux que cette ignominie écœure. Il ne suffit toutefois pas de le dire pour le combattre et moins encore pour épuiser le sujet. À cet égard, je vous remercie d’avoir précisé à la radio que l’antisémitisme et l’antisionisme ne pouvaient être confondus d’un trait.

      Peut-être aurez-vous l’oreille du pouvoir en leur faisant savoir qu’ils ne cloueront pas le bec des opposants au régime israélien en clouant le bec des enragés. On a trop l’habitude en France de prendre les mots et les esprits en otage, de privilégier l’affect au mépris de la raison chaque fois qu’est évoquée la question d’Israël et de la Palestine. On nous demande à présent de reconnaître, sans broncher, que l’antisémitisme et l’antisionisme sont des synonymes. Que l’on commence par nous dire ce que l’on entend par sionisme et donc par antisionisme. Si antisioniste signifie être contre l’existence d’Israël, je ne suis pas antisioniste. Si cela signifie, en revanche, être contre un État d’Israël, strictement juif, tel que le veulent Netanyahu et bien d’autres, alors oui, je le suis. Tout comme je suis contre toute purification ethnique. Mandela était-il antisémite au prétexte qu’il défendait des droits égaux pour les Palestiniens et les Israéliens ? L’antisémitisme et le négationnisme sont des plaies contre lesquelles je n’ai cessé de me battre comme bien d’autres intellectuels arabes. Que l’on ne nous demande pas à présent d’entériner un autre négationnisme – celui qui liquide notre mémoire – du seul fait que nous sommes défaits. Oui, le monde arabe est mort. Oui, tous les pays de la région, où je vis, sont morcelés, en miettes. Oui, la résistance palestinienne a échoué. Oui, la plupart desdites révolutions arabes ont été confisquées. Mais le souvenir n’appartient pas que je sache au seul camp du pouvoir, du vainqueur. Il n’est pas encore interdit de penser quand on est à genoux.

      Un dernier mot avant de vous quitter. Je travaille au Liban avec des femmes exilées par la guerre, de Syrie, de Palestine, d’Irak. Elles sont brodeuses. Quelques-unes sont chrétiennes, la plupart musulmanes. Parmi ces dernières, trois ont perdu un fils. Toutes sont pratiquantes. Dieu est pour ainsi dire leur seul recours, leur seule raison de vivre. Réunies autour d’une grande table, sur laquelle était posée une toile de chanvre, nous étions une douzaine à dessiner un cargo transportant un pays. Chacune y mettait un morceau du sien. L’une un tapis, l’autre une porte, une colonne romaine, un champ d’olivier, une roue à eau, un coin de mer, un village du bord de l’Euphrate. Le moment venu d’introduire ou pas un lieu de culte, la personne qui dirigeait l’atelier a souhaité qu’il n’y en ait pas. Face à la perplexité générale, il a été proposé que ces lieux, s’il devait y en avoir, soient discrets. À la suggestion d’ajouter une synagogue, l’une des femmes a aussitôt réagi par ces mots : « S’il y a une église et une mosquée, il faut mettre une synagogue pour que chacun puisse aller prier là où il veut. Et elle a ajouté avec le vocabulaire dont elle disposait : « Nous ne sommes pas antisémites, nous sommes antisionistes. » Toutes ont approuvé, faisant valoir que « dans le temps », tout ce monde-là vivait ensemble.

      Cher Alain Finkielkraut, je vous demande et je demande aux responsables politiques de ne pas minorer ces petites victoires du bon sens sur la bêtise, de la banalité du bien sur la banalité du mal. Préférez les vrais adversaires qui vous parlent aux faux amis qui vous plaignent. Aidez-nous à vous aider dans le combat contre l’antisémitisme : ne le confinez pas au recours permanent à l’injonction, l’intimidation, la mise en demeure. Ceux qui se font traiter d’antisémites sans l’être ne sont pas moins insultés que vous. Ne tranchez pas à si bon compte dans le vécu de ceux qui ont une autre représentation du monde que vous. Si antisionisme n’est plus un mot adapté, donnez-nous-en un qui soit à la mesure de l’occupation, de la confiscation des terres et des maisons par Israël, et nous vous rendrons celui-ci. Il est vrai que beaucoup d’entre nous ont renoncé à parler. Mais ne faites pas confiance au silence quand il n’est qu’une absence provisoire de bruit. Un mutisme obligé peut accoucher de monstres. Je vous propose pour finir ce proverbe igbo : « Le monde est comme un masque qui danse : pour bien le voir, il ne faut pas rester au même endroit. »

      Dominique EDDÉ est romancière et essayiste. Dernier ouvrage : « Edward Said. Le roman de sa pensée » (La Fabrique, 2017).

      –—
      Note de l’auteure

      Rédigée le 23 février dernier, cette lettre à Alain Finkielkraut a été acceptée par le journal Le Monde qui demandait qu’elle lui soit « réservée », puis elle a été recalée, sans préavis, 9 jours plus tard alors qu’elle était en route pour l’impression.

      L’article qui, en revanche, sera publié sans contrepoids ce même jour, le 5 mars, était signé par le sociologue Pierre-André Taguieff. Survol historique de la question du sionisme, de l’antisionisme et de « la diabolisation de l’État juif », il accomplit le tour de force de vider le passé et le présent de toute référence à la Palestine et aux Palestiniens. N’existe à ses yeux qu’un État juif innocent mis en péril par le Hamas. Quelques mois plus tôt, un article du sociologue Dany Trom (publié dans la revue en ligne AOC) dressait, lui aussi, un long bilan des 70 ans d’Israël, sans qu’y soient cités une seule fois, pas même par erreur, les Palestiniens.

      Cette nouvelle vague de négationnisme par omission ressemble étrangement à celle qui en 1948 installait le sionisme sur le principe d’une terre inhabitée. Derrière ce manque d’altérité ou cette manière de disposer, à sens unique, du passé et de la mémoire, se joue une partie très dangereuse. Elle est à l’origine de ma décision d’écrire cette lettre. Si j’ai choisi, après le curieux revirement du Monde, de solliciter L’Orient-Le Jour plutôt qu’un autre média français, c’est que le moment est sans doute venu pour moi de prendre la parole sur ces questions à partir du lieu qui est le mien et qui me permet de rappeler au passage que s’y trouvent par centaines de milliers les réfugiés palestiniens, victimes de 1948 et de 1967.

      Alors que j’écris ces lignes, j’apprends qu’a eu lieu, cette semaine, un défilé antisémite en Belgique, dans le cadre d’un carnaval à Alost. On peine à croire que la haine et la bêtise puissent franchir de telles bornes. On peine aussi à trouver les mots qui tiennent tous les bouts. Je ne cesserai, pour ma part, d’essayer de me battre avec le peu de moyens dont je dispose contre la haine des Juifs et le négationnisme, contre le fanatisme islamiste et les dictatures, contre la politique coloniale israélienne. De tels efforts s’avèrent de plus en plus dérisoires tant la brutalité ou la surdité ont partout des longueurs d’avance.

      Que les choses soient claires : l’antisémitisme n’est pas, de mon point de vue, un racisme comme un autre. Il est le mal qui signe la limite irrationnelle de l’humain dans notre humanité. Le combattre de toutes nos forces n’est pas affaiblir la Palestine, c’est la renforcer. Alerter un certain milieu intellectuel et politique sur les dangers d’une mémoire sioniste exclusive, c’est l’alerter sur la grave injustice qu’elle signifie, mais aussi sur le désastreux effet d’huile sur le feu antisémite que peut produire cette occultation de l’autre.

      D.E.

    • Et aussi

      Note de l’auteure

      Rédigée le 23 février dernier, cette lettre à Alain Finkielkraut a été acceptée par le journal Le Monde qui demandait qu’elle lui soit « réservée », puis elle a été recalée, sans préavis, 9 jours plus tard alors qu’elle était en route pour l’impression.

      L’article qui, en revanche, sera publié sans contrepoids ce même jour, le 5 mars, était signé par le sociologue Pierre-André Taguieff. Survol historique de la question du sionisme, de l’antisionisme et de « la diabolisation de l’État juif », il accomplit le tour de force de vider le passé et le présent de toute référence à la Palestine et aux Palestiniens. N’existe à ses yeux qu’un État juif innocent mis en péril par le Hamas. Quelques mois plus tôt, un article du sociologue Dany Trom (publié dans la revue en ligne AOC) dressait, lui aussi, un long bilan des 70 ans d’Israël, sans qu’y soient cités une seule fois, pas même par erreur, les Palestiniens.


      #le_monde

    • @touti : quand tu préconises Tor, c’est « Tor Browser » ou le réseau Tor ? J’ai pas encore osé me lancer dans ce truc car ça m’a l’air complexe.
      Sinon, j’utilise un service qui fournit des accès à des VPN, ce qui me permet de « délocaliser » mon IP, d’anonymiser mes connections et d’en crypter le contenu. Ça s’appelle « Cyberghost » et c’est payant aussi, mais bon ...

    • Oui TOR browser, et ça utilise le réseau TOR, faut arrêter d’avoir peur (les médias dominants ont bien travaillé avec le dark web, raaaa bouououuoouh TOR c’est le mal) , c’est aussi simple que n’importe quel navigateur.

    • Euh ... En fait, c’est pas le darquouèbe qui me fout les jetons, c’est la complexité technique du bouzin. Faudra que je teste sur une vieille machine sous Linux.
      Sinon, à propos de Cyberghost, un peu de doc ici même :
      https://www.tomsguide.com/us/cyberghost-vpn,review-4458.html

      Mais si j’arrive à maîtriser Tor (et son « brouteur »), j’abandonne derechef mon service payant. (Désolé @monolecte d’avoir squatté ton post avec mes angoisses techniques.)

    • Non mais ya rien à faire, tu ouvres TorBrowser et c’est fini. C’est juste un Firefox pré-configuré pour passer par Tor. Dès que tu l’allumes il fait un chemin au hasard dans les nœuds Tor, et du coup c’est comme si tu faisais ta requête depuis ailleurs (mais le nœud sortant est aussi en France). À tout moment t’as une entrée de menu « rouvrir avec un autre chemin » si tu veux le changer.

  • Antisémitisme et antisionisme : une assimilation absurde dans le monde arabe - Caroline HAYEK et Anthony SAMRANI - L’Orient-Le Jour
    https://www.lorientlejour.com/article/1158662/antisemitisme-et-antisionisme-une-assimilation-absurde-dans-le-monde-

    Au Proche-Orient, c’est le sionisme et plus largement la politique israélienne qui ont fait le lit de l’antisémitisme.
    Caroline HAYEK et Anthony SAMRANI | OLJ
    23/02/2019

    C’est un débat qui se joue en France mais qui est suivi avec attention de l’autre côté de la Méditerranée. Emmanuel Macron a annoncé mercredi vouloir intégrer l’antisionisme – dans le sens de la négation du droit d’Israël à exister – à la définition juridique de l’antisémitisme. Le président français considère que « l’antisionisme est une des formes modernes de l’antisémitisme », alors que les actes antisémites en France étaient en hausse de 74 % en 2018 par rapport à l’année précédente.

    Plusieurs voix critiques ont fait remarquer que cela pouvait conduire à des incohérences – la plus absurde étant d’être amené à considérer certains juifs antisionistes comme des antisémites – et à créer une confusion entre une idéologie politique et une identité religieuse. Cela revient aussi à faire le jeu du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, pour qui les deux termes sont indissociables, et à donner l’impression qu’il n’est pas permis en France de critiquer la politique israélienne, même si ce n’est pas du tout le sens de l’initiative présidentielle.

    Vue du monde arabe, l’assimilation entre ces deux termes apparaît pour le moins inadaptée. Si l’antisionisme peut parfois, comme en Europe, cacher des relents d’antisémitisme, c’est bien le sionisme qui apparaît comme la cause première de la montée de l’antisémitisme, et non l’inverse. L’antisémitisme est un terme inventé au XIXe siècle pour évoquer la discrimination à l’égard des populations juives au sein des sociétés européennes. Outre l’argument un peu simpliste que les Arabes sont eux-mêmes un peuple sémite, la notion n’a pas vraiment de sens dans le contexte arabe. Malgré un statut particulier les empêchant, à l’instar des chrétiens, d’accéder aux hautes fonctions politiques et administratives, les juifs étaient bien intégrés au sein des sociétés arabes et n’ont pas subi de persécutions comparables à ce qu’ont pu être les pogroms en Europe.

    « La communauté juive a connu un moment de gloire et de puissance à l’époque ottomane, notamment lors de l’arrivée massive des juifs chassés d’Espagne », note Henry Laurens, professeur au Collège de France et titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe, interrogé par L’Orient-Le Jour. « Avant la déclaration Balfour et tout ce qu’elle entraînera par la suite, les juifs sont une communauté parmi d’autres dans le monde arabe, qui, depuis l’ère ottomane en particulier, a été organisée sur une base communautaire », confirme à L’OLJ Gilbert Achcar, professeur à la School of Oriental and African Studies (SOAS, University of London), auteur d’un ouvrage sur Les Arabes et la Shoah : la guerre israélo-arabe des récits (2013).

    Dégradation continue

    La diffusion des thèses sionistes développées par l’intellectuel autrichien Theodor Herzl va peu à peu changer la donne jusqu’au tournant de la création d’Israël en 1948, véritable choc pour les populations arabes. Au début du XXe siècle, les populations locales ne font pas nécessairement la distinction entre juifs et sionistes, le second terme n’étant pas encore véritablement assimilé. « Les habitants de la Palestine historique avaient l’habitude de désigner les juifs comme juifs. Certains étaient sionistes, mais beaucoup ne l’étaient pas. Ils étaient pour la plupart des juifs religieux et asionistes ou antisionistes », décrit à L’OLJ Tarek Mitri, ancien ministre et directeur de l’institut d’études politiques Issam Farès de l’AUB.

    « Les Arabes ont d’abord connu le sionisme de façon indirecte, en lisant la presse européenne. En Palestine, les premières réactions ne sont pas nécessairement négatives, mais les choses changent à partir de la déclaration Balfour, et le sionisme est progressivement considéré comme un danger pour les Palestiniens d’une part, et pour les Arabes du Proche-Orient d’autre part. Cela conduit à une dégradation continue de la situation des communautés juives du Proche-Orient à partir des années 1930 », dit Henry Laurens.

    Les relations se compliquent à mesure que l’immigration juive s’accélère en raison de la répression dont ils sont victimes en Europe.

    « Dans les discours, il y avait une distinction entre les juifs et les mouvements sionistes. Dans la pratique, ce qui inquiétait particulièrement les Arabes, c’est le fait de voir une communauté parmi d’autres se doter d’un territoire, de passer de la communauté à la nation », note Henry Laurens.Dans les années 1930 et 1940, c’est l’histoire européenne qui rencontre frontalement celle du Proche-Orient, de façon encore plus brutale après l’Holocauste et jusqu’à la création de l’État hébreu. Durant cette période, le grand mufti de Jérusalem Hajj Amine al-Husseini – qui n’était toutefois pas représentatif des Palestiniens – va collaborer avec l’Allemagne hitlérienne, au départ pour contrecarrer les projets anglais d’établissement d’un foyer juif, jusqu’à approuver sa politique génocidaire contre les juifs. Cet épisode va être largement instrumentalisé par la propagande israélienne pour démontrer un soi-disant antisémitisme arabe, au point que Benjamin Netanyahu va même aller jusqu’à présenter le mufti comme l’inspirateur de la solution finale.

    Complotisme et négationnisme

    La création de l’État hébreu va profondément changer les rapports entre les juifs et les autres communautés dans le monde arabe. Si, pour les sionistes, l’aboutissement du projet étatique est avant tout le fruit d’une volonté collective de plusieurs décennies, il apparaît aux yeux des Arabes comme une injustice liée à un génocide dont ils ne sont en aucun cas responsables. Les juifs du monde arabe n’accueillent pas forcément avec enthousiasme la naissance d’Israël. « Les communautés juives du monde arabe, surtout d’Égypte et d’Irak, n’étaient pas vraiment tentées au début par la migration vers la Palestine. Mais il y a eu deux facteurs qui ont encouragé ce mouvement. D’une part, la politique israélienne qui a tout fait pour les attirer, au point que le Mossad a organisé des attentats contre des synagogues pour leur faire peur. D’autre part, il y a une méfiance arabe qui s’est installée et qui faisait que les juifs pouvaient être perçus comme une sorte de 5e colonne », explique Tarek Mitri.

    Après la proclamation de l’indépendance d’Israël par David Ben Gourion, l’antisionisme va devenir dominant dans le monde arabe. Le sionisme apparaît comme un projet colonial avalisé par les puissances occidentales visant à déposséder les Arabes de leurs terres. La distinction devient très nette dans les discours entre juifs et sionistes. « Dans leurs discours, Nasser ou Arafat ne font pas d’amalgame entre sioniste et juif, bien au contraire. Au début de son combat, le projet politique de Arafat était d’instaurer un débat laïc et démocratique en Palestine où juifs, chrétiens et musulmans coexisteraient », explique Tarek Mitri.

    Le double sentiment d’injustice et d’humiliation que les Arabes ont vis-à-vis de l’État hébreu va toutefois être le moteur d’un antisémitisme qui va avoir un certain écho au sein des classes populaires arabes – où le terme juif est parfois utilisé comme une insulte – et va être largement relayé par les mouvements islamistes. Cela va être particulièrement visible à travers la propagation de deux phénomènes intimement liés : le complotisme et le négationnisme.

    « Les théories du complot qui sont dans le discours antisémite occidental ont pu facilement trouver un public dans le monde arabe, parce que, de fait, c’est une région qui a connu de vrais complots, à commencer par les fameux accords secrets Sykes-Picot », constate Gilbert Achcar. L’idée complotiste des protocoles des sages de Sion, qui attribuent aux juifs des plans de domination du monde, est largement répandue au sein du monde arabe. « Chez les islamistes, il y a eu un moment où on a ressuscité une vieille littérature parareligieuse qui ridiculise et avilie les juifs. Ils puisent dans les textes sacrés ce qui est de nature à susciter la méfiance ou même la haine à l’égard des juifs », note Tarek Mitri.

    Le négationnisme concernant l’Holocauste trouve aussi ses adeptes, même s’ils restent minoritaires. Dans un article publié en 1998 dans le Monde diplomatique, le grand intellectuel palestino-américain Edward Saïd s’indignait que « la thèse selon laquelle l’Holocauste ne serait qu’une fabrication des sionistes circule ici et là. Pourquoi attendons-nous du monde entier qu’il prenne conscience de nos souffrances en tant qu’Arabes si nous ne sommes pas en mesure de prendre conscience de celles des autres, quand bien même il s’agit de nos oppresseurs ? » ajoutait-il non sans une certaine verve. « La plupart des gens qui ont un peu de culture savent que la Shoah n’est pas une invention, mais un certain négationniste a pu trouver un écho favorable chez les gens étroits d’esprit, qu’ils soient ultranationalistes ou intégristes », dit Gilbert Achcar.

    Ce dernier insiste toutefois sur le fait qu’il n’y a pas d’antisémitisme propre au monde arabe, mais que la diffusion des thèses antisémites dans cette région n’est pas comparable à ce qui se passe en Occident. « Toute l’équation entre le monde occidental et le monde arabe est complètement faussée par le fait que les juifs étaient opprimés pendant des siècles en Europe, tandis que dans le monde arabe, ce qu’on peut qualifier de haine envers les juifs est surtout le produit d’une histoire moderne marquée par la présence d’un État oppresseur, qui insiste lui-même à se faire appeler État juif », résume Gilbert Achcar. Et Tarek Mitri de conclure, pour insister sur la nécessité de distinguer les deux termes dans le monde arabe : « Il y avait une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU en 1975 qui disait que le sionisme était une forme de racisme et de discrimination. Elle a été révoquée en 1991, mais elle avait suscité un grand enthousiasme dans le monde arabe. »

  • The Knesset candidate who says Zionism encourages anti-Semitism and calls Netanyahu ’arch-murderer’ - Israel Election 2019 - Haaretz.com
    https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium.MAGAZINE-knesset-candidate-netanyahu-is-an-arch-murderer-zionism-e

    Few Israelis have heard of Dr. Ofer Cassif, the Jewish representative on the far-leftist Hadash party’s Knesset slate. On April 9, that will change
    By Ravit Hecht Feb 16, 2019

    Ofer Cassif is fire and brimstone. Not even the flu he’s suffering from today can contain his bursting energy. His words are blazing, and he bounds through his modest apartment, searching frenetically for books by Karl Marx and Primo Levi in order to find quotations to back up his ideas. Only occasional sips from a cup of maté bring his impassioned delivery to a momentary halt. The South American drink is meant to help fight his illness, he explains.

    Cassif is third on the slate of Knesset candidates in Hadash (the Hebrew acronym for the Democratic Front for Peace and Equality), the successor to Israel’s Communist Party. He holds the party’s “Jewish slot,” replacing MK Dov Khenin. Cassif is likely to draw fire from opponents and be a conspicuous figure in the next Knesset, following the April 9 election.

    Indeed, the assault on him began as soon as he was selected by the party’s convention. The media pursued him; a columnist in the mass-circulation Yedioth Ahronoth newspaper, Ben-Dror Yemini, called for him to be disqualified from running for the Knesset. It would be naive to say that this was unexpected. Cassif, who was one of the first Israeli soldiers to refuse to serve in the territories, in 1987, gained fame thanks to a number of provocative statements. The best known is his branding of Justice Minister Ayelet Shaked as “neo-Nazi scum.” On another occasion, he characterized Jews who visit the Temple Mount as “cancer with metastases that have to be eradicated.”

    On his alternate Facebook page, launched after repeated blockages of his original account by a blitz of posts from right-wing activists, he asserted that Culture Minister Miri Regev is “repulsive gutter contamination,” that Prime Minister Benjamin Netanyahu is an “arch-murderer” and that the new Israel Defense Forces chief of staff, Lt. Gen. Aviv Kochavi, is a “war criminal.”

    Do you regret making those remarks?

    Cassif: “‘Regret’ is a word of emotion. Those statements were made against a background of particular events: the fence in Gaza, horrible legislation, and the wild antics of Im Tirtzu [an ultranationalist organization] on campus. That’s what I had to say at the time. I didn’t count on being in the Knesset. That wasn’t part of my plan. But it’s clear to me that as a public personality, I would not have made those comments.”

    Is Netanyahu an arch-murderer?

    “Yes. I wrote it in the specific context of a particular day in the Gaza Strip. A massacre of innocent people was perpetrated there, and no one’s going to persuade me that those people were endangering anyone. It’s a concentration camp. Not a ‘concentration camp’ in the sense of Bergen-Belsen; I am absolutely not comparing the Holocaust to what’s happening.”

    You term what Israel is doing to the Palestinians “genocide.”

    “I call it ‘creeping genocide.’ Genocide is not only a matter of taking people to gas chambers. When Yeshayahu Leibowitz used the term ‘Judeo-Nazis,’ people asked him, ‘How can you say that? Are we about to build gas chambers?’ To that, he had two things to say. First, if the whole difference between us and the Nazis boils down to the fact that we’re not building gas chambers, we’re already in trouble. And second, maybe we won’t use gas chambers, but the mentality that exists today in Israel – and he said this 40 years ago – would allow it. I’m afraid that today, after four years of such an extreme government, it possesses even greater legitimacy.

    “But you know what, put aside ‘genocide’ – ethnic cleansing is taking place there. And that ethnic cleansing is also being carried out by means of killing, although mainly by way of humiliation and of making life intolerable. The trampling of human dignity. It reminds me of Primo Levi’s ‘If This Is a Man.’”

    You say you’re not comparing, but you repeatedly come back to Holocaust references. On Facebook, you also uploaded the scene from “Schindler’s List” in which the SS commander Amon Goeth picks off Jews with his rifle from the balcony of his quarters in the camp. You compared that to what was taking place along the border fence in the Gaza Strip.

    “Today, I would find different comparisons. In the past I wrote an article titled, ‘On Holocaust and on Other Crimes.’ It’s online [in Hebrew]. I wrote there that anyone who compares Israel to the Holocaust is cheapening the Holocaust. My comparison between here and what happened in the early 1930s [in Germany] is a very different matter.”

    Clarity vs. crudity

    Given Cassif’s style, not everyone in Hadash was happy with his election, particularly when it comes to the Jewish members of the predominantly Arab party. Dov Khenin, for example, declined to be interviewed and say what he thinks of his parliamentary successor. According to a veteran party figure, “From the conversations I had, it turns out that almost none of the Jewish delegates – who make up about 100 of the party’s 940 delegates – supported his candidacy.

    “He is perceived, and rightly so,” the party veteran continues, “as someone who closes doors to Hadash activity within Israeli society. Each of the other Jewish candidates presented a record of action and of struggles they spearheaded. What does he do? Curses right-wing politicians on Facebook. Why did the party leadership throw the full force of its weight behind him? In a continuation of the [trend exemplified by] its becoming part of the Joint List, Ofer’s election reflects insularity and an ongoing retreat from the historical goal of implementing change in Israeli society.”

    At the same time, as his selection by a 60 percent majority shows, many in the party believe that it’s time to change course. “Israeli society is moving rightward, and what’s perceived as Dov’s [Khenin] more gentle style didn’t generate any great breakthrough on the Jewish street,” a senior source in Hadash notes.

    “It’s not a question of the tension between extremism and moderation, but of how to signpost an alternative that will develop over time. Clarity, which is sometimes called crudity, never interfered with cooperation between Arabs and Jews. On the contrary. Ofer says things that we all agreed with but didn’t so much say, and of course that’s going to rile the right wing. And a good thing, too.”

    Hadash chairman MK Ayman Odeh also says he’s pleased with the choice, though sources in the party claim that Odeh is apprehensive about Cassif’s style and that he actually supported a different candidate. “Dov went for the widest possible alliances in order to wield influence,” says Odeh. “Ofer will go for very sharp positions at the expense of the breadth of the alliance. But his sharp statements could have a large impact.”

    Khenin was deeply esteemed by everyone. When he ran for mayor of Tel Aviv in 2008, some 35 percent of the electorate voted for him, because he was able to touch people who weren’t only from his political milieu.

    Odeh: “No one has a higher regard for Dov than I do. But just to remind you, we are not a regular opposition, we are beyond the pale. And there are all kinds of styles. Influence can be wielded through comments that are vexatious the first time but which people get used to the second time. When an Arab speaks about the Nakba and about the massacre in Kafr Kassem [an Israeli Arab village, in 1956], it will be taken in a particular way, but when uttered by a Jew it takes on special importance.”

    He will be the cause of many attacks on the party.

    “Ahlan wa sahlan – welcome.”

    Cassif will be the first to tell you that, with all due respect for the approach pursued by Khenin and by his predecessor in the Jewish slot, Tamar Gozansky, he will be something completely different. “I totally admire what Tamar and Dov did – nothing less than that,” he says, while adding, “But my agenda will be different. The three immediate dangers to Israeli society are the occupation, racism and the diminishment of the democratic space to the point of liquidation. That’s the agenda that has to be the hub of the struggle, as long as Israel rules over millions of people who have no rights, enters [people’s houses] in the middle of the night, arrests minors on a daily basis and shoots people in the back.

    "Israel commits murder on a daily basis. When you murder one Palestinian, you’re called Elor Azaria [the IDF soldier convicted and jailed for killing an incapacitated Palestinian assailant]; when you murder and oppress thousands of Palestinians, you’re called the State of Israel.”

    So you plan to be the provocateur in the next Knesset?

    “It’s not my intention to be a provocateur, to stand there and scream and revile people. Even on Facebook I was compelled to stop that. But I definitely intend to challenge the dialogue in terms of the content, and mainly with a type of sarcasm.”

    ’Bags of blood’

    Cassif, 54, who holds a doctorate in political philosophy from the London School of Economics, teaches political science at the Hebrew University of Jerusalem, Sapir Academic College in Sderot and at the Academic College of Tel Aviv-Yaffo. He lives in Rehovot, is married and is the father of a 19-year-old son. He’s been active in Hadash for three decades and has held a number of posts in the party.

    As a lecturer, he stands out for his boldness and fierce rhetoric, which draws students of all stripes. He even hangs out with some of his Haredi students, one of whom wrote a post on the eve of the Hadash primary urging the delegates to choose him. After his election, a student from a settlement in the territories wrote to him, “You are a determined and industrious person, and for that I hold you in high regard. Hoping we will meet on the field of action and growth for the success of Israel as a Jewish, democratic state (I felt obliged to add a small touch of irony in conclusion).”

    Cassif grew up in a home that supported Mapai, forerunner of Labor, in Rishon Letzion. He was an only child; his father was an accountant, his mother held a variety of jobs. He was a news hound from an early age, and at 12 ran for the student council in school. He veered sharply to the left in his teens, becoming a keen follower of Marx and socialism.

    Following military service in the IDF’s Nahal brigade and a period in the airborne Nahal, Cassif entered the Hebrew University. There his political career moved one step forward, and there he also forsook the Zionist left permanently. His first position was as a parliamentary aide to the secretary general of the Communist Party, Meir Wilner.

    “At first I was closer to Mapam [the United Workers Party, which was Zionist], and then I refused to serve in the territories. I was the first refusenik in the first intifada to be jailed. I didn’t get support from Mapam, I got support from the people of Hadash, and I drew close to them. I was later jailed three more times for refusing to serve in the territories.”

    His rivals in the student organizations at the Hebrew University remember him as the epitome of the extreme left.

    “Even in the Arab-Jewish student association, Cassif was considered off-the-wall,” says Motti Ohana, who was chairman of Likud’s student association and active in the Student Union at the end of the 1980s and early 1990s. “One time I got into a brawl with him. It was during the first intifada, when he brought two bags of blood, emptied them out in the university’s corridors and declared, ‘There is no difference between Jewish and Arab blood,’ likening Israeli soldiers to terrorists. The custom on campus was that we would quarrel, left-right, Arabs-Jews, and after that we would sit together, have a coffee and talk. But not Cassif.”

    According to Ohana, today a member of the Likud central committee, the right-wing activists knew that, “You could count on Ofer to fall into every trap. There was one event at the Hebrew University that was a kind of political Hyde Park. The right wanted to boot the left out of there, so we hung up the flag. It was obvious that Ofer would react, and in fact he tore the flag, and in the wake of the ruckus that developed, political activity was stopped for good.”

    Replacing the anthem

    Cassif voices clearly and cogently positions that challenge the public discourse in Israel, and does so with ardor and charisma. Four candidates vied for Hadash’s Jewish slot, and they all delivered speeches at the convention. The three candidates who lost to him – Efraim Davidi, Yaela Raanan and the head of the party’s Tel Aviv branch, Noa Levy – described their activity and their guiding principles. When they spoke, there was the regular buzz of an audience that’s waiting for lunch. But when Cassif took the stage, the effect was magnetic.

    “Peace will not be established without a correction of the crimes of the Nakba and [recognition of] the right of return,” he shouted, and the crowd cheered him. As one senior party figure put it, “Efraim talked about workers’ rights, Yaela about the Negev, Noa about activity in Tel Aviv – and Ofer was Ofer.”

    What do you mean by “right of return”?

    Cassif: “The first thing is the actual recognition of the Nakba and of the wrong done by Israel. Compare it to the Truth and Reconciliation Commissions in South Africa, if you like, or with the commissions in Chile after Pinochet. Israel must recognize the wrong it committed. Now, recognition of the wrong also includes recognition of the right of return. The question is how it’s implemented. It has to be done by agreement. I can’t say that tomorrow Tel Aviv University has to be dismantled and that Sheikh Munis [the Arab village on whose ruins the university stands] has to be rebuilt there. The possibility can be examined of giving compensation in place of return, for example.”

    But what is the just solution, in your opinion?

    “For the Palestinian refugees to return to their homeland.”

    That means there will be Jews who will have to leave their home.

    “In some places, unequivocally, yes. People will have to be told: ‘You must evacuate your places.’ The classic example is Ikrit and Biram [Christian-Arab villages in Galilee whose residents were promised – untruly – by the Israeli authorities in 1948 that they would be able to return, and whose lands were turned over to Jewish communities]. But there are places where there is certainly greater difficulty. You don’t right one wrong with another.”

    What about the public space in Israel? What should it look like?

    “The public space has to change, to belong to all the state’s residents. I dispute the conception of ‘Jewish publicness.’”

    How should that be realized?

    “For example, by changing the national symbols, changing the national anthem. [Former Hadash MK] Mohammed Barakeh once suggested ‘I Believe’ [‘Sahki, Sahki’] by [Shaul] Tchernichovsky – a poem that is not exactly an expression of Palestinian nationalism. He chose it because of the line, ‘For in mankind I’ll believe.’ What does it mean to believe in mankind? It’s not a Jew, or a Palestinian, or a Frenchman, or I don’t know what.”

    What’s the difference between you and the [Arab] Balad party? Both parties overall want two states – a state “of all its citizens” and a Palestinian state.

    “In the big picture, yes. But Balad puts identity first on the agenda. We are not nationalists. We do not espouse nationalism as a supreme value. For us, self-determination is a means. We are engaged in class politics. By the way, Balad [the National Democratic Assembly] and Ta’al [MK Ahmad Tibi’s Arab Movement for Renewal] took the idea of a state of all its citizens from us, from Hadash. We’ve been talking about it for ages.”

    If you were a Palestinian, what would you do today?

    “In Israel, what my Palestinian friends are doing, and I with them – [wage] a parliamentary and extra-parliamentary struggle.”

    And what about the Palestinians in the territories?

    “We have always been against harming innocent civilians. Always. In all our demonstrations, one of our leading slogans was: ‘In Gaza and in Sderot, children want to live.’ With all my criticism of the settlers, to enter a house and slaughter children, as in the case of the Fogel family [who were murdered in their beds in the settlement of Itamar in 2011], is intolerable. You have to be a human being and reject that.”

    And attacks on soldiers?

    “An attack on soldiers is not terrorism. Even Netanyahu, in his book about terrorism, explicitly categorizes attacks on soldiers or on the security forces as guerrilla warfare. It’s perfectly legitimate, according to every moral criterion – and, by the way, in international law. At the same time, I am not saying it’s something wonderful, joyful or desirable. The party’s Haifa office is on Ben-Gurion Street, and suddenly, after years, I noticed a memorial plaque there for a fighter in Lehi [pre-state underground militia, also known as the Stern Gang] who assassinated a British officer. Wherever there has been a struggle for liberation from oppression, there are national heroes, who in 90 percent of the cases carried out some operations that were unlawful. Nelson Mandela is today considered a hero, he was awarded the Nobel Peace Prize, but according to the conventional definition, he was a terrorist. Most of the victims of the ANC [African National Congress] were civilians.”

    In other words, today’s Hamas commanders who are carrying out attacks on soldiers will be heroes of the future Palestinian state?

    “Of course.”

    Anti-Zionist identity

    Cassif terms himself an explicit anti-Zionist. “There are three reasons for that,” he says. “To begin with, Zionism is a colonialist movement, and as a socialist, I am against colonialism. Second, as far as I am concerned, Zionism is racist in ideology and in practice. I am not referring to the definition of race theory – even though there are also some who impute that to the Zionist movement – but to what I call Jewish supremacy. No socialist can accept that. My supreme value is equality, and I can’t abide any supremacy – Jewish or Arab. The third thing is that Zionism, like other ethno-nationalistic movements, splits the working class and all weakened groups. Instead of uniting them in a struggle for social justice, for equality, for democracy, it divides the exploited classes and the enfeebled groups, and by that means strengthens the rule of capital.”

    He continues, “Zionism also sustains anti-Semitism. I don’t say it does so deliberately – even though I have no doubt that there are some who do it deliberately, like Netanyahu, who is connected to people like the prime minister of Hungary, Viktor Orban, and the leader of the far right in Austria, Hans Christian Strache.”

    Did Mapai-style Zionism also encourage anti-Semitism?

    “The phenomenon was very striking in Mapai. Think about it for a minute, not only historically, but logically. If the goal of political and practical Zionism is really the establishment of a Jewish state containing a Jewish majority, and for Diaspora Jewry to settle there, nothing serves them better than anti-Semitism.”

    What in their actions encouraged anti-Semitism?

    “The very appeal to Jews throughout the world – the very fact of treating them as belonging to the same nation, when they were living among other nations. The whole old ‘dual loyalty’ story – Zionism actually encouraged that. Therefore, I maintain that anti-Semitism and anti-Zionism are not the same thing, but are precisely opposites. That doesn’t mean, of course, that there are no anti-Zionists who are also anti-Semites. Most of the BDS people are of course anti-Zionists, but they are in no way anti-Semites. But there are anti-Semites there, too.”

    Do you support BDS?

    “It’s too complex a subject for a yes or no answer; there are aspects I don’t support.”

    Do you think that the Jews deserve a national home in the Land of Israel?

    “I don’t know what you mean by ‘national home.’ It’s very amorphous. We in Hadash say explicitly that Israel has a right to exist as a sovereign state. Our struggle is not against the state’s existence, but over its character.”

    But that state is the product of the actions of the Zionist movement, which you say has been colonialist and criminal from day one.

    “That’s true, but the circumstances have changed. That’s the reason that the majority of the members of the Communist Party accepted the [1947] partition agreement at the time. They recognized that the circumstances had changed. I think that one of the traits that sets communist thought apart, and makes it more apt, is the understanding and the attempt to strike the proper balance between what should be, and reality. So it’s true that Zionism started as colonialism, but what do you do with the people who were already born here? What do you tell them? Because your grandparents committed a crime, you have to leave? The question is how you transform the situation that’s been created into one that’s just, democratic and equal.”

    So, a person who survived a death camp and came here is a criminal?

    “The individual person, of course not. I’m in favor of taking in refugees in distress, no matter who or what they are. I am against Zionism’s cynical use of Jews in distress, including the refugees from the Holocaust. I have a problem with the fact that the natives whose homeland this is cannot return, while people for whom it’s not their homeland, can, because they supposedly have some sort of blood tie and an ‘imaginary friend’ promised them the land.”

    I understand that you are in favor of the annulment of the Law of Return?

    “Yes. Definitely.”

    But you are in favor of the Palestinian right of return.

    “There’s no comparison. There’s no symmetry here at all. Jerry Seinfeld was by chance born to a Jewish family. What’s his connection to this place? Why should he have preference over a refugee from Sabra or Chatila, or Edward Said, who did well in the United States? They are the true refugees. This is their homeland. Not Seinfeld’s.”

    Are you critical of the Arabs, too?

    “Certainly. One criticism is of their cooperation with imperialism – take the case of today’s Saudi Arabia, Qatar and so on. Another, from the past, relates to the reactionary forces that did not accept that the Jews have a right to live here.”

    Hadash refrained from criticizing the Assad regime even as it was massacring civilians in Syria. The party even torpedoed a condemnation of Assad after the chemical attack. Do you identify with that approach?

    “Hadash was critical of the Assad regime – father and son – for years, so we can’t be accused in any way of supporting Assad or Hezbollah. We are not Ba’ath, we are not Islamists. We are communists. But as I said earlier, the struggle, unfortunately, is generally not between the ideal and what exists in practice, but many times between two evils. And then you have to ask yourself which is the lesser evil. The Syrian constellation is extremely complicated. On the one hand, there is the United States, which is intervening, and despite all the pretense of being against ISIS, supported ISIS and made it possible for ISIS to sprout.

    "I remind you that ISIS started from the occupation of Iraq. And ideologically and practically, ISIS is definitely a thousand times worse than the Assad regime, which is at base also a secular regime. Our position was and is against the countries that pose the greatest danger to regional peace, which above all are Qatar and Saudi Arabia, and the United States, which supports them. That doesn’t mean that we support Assad.”

    Wrong language

    Cassif’s economic views are almost as far from the consensus as his political ideas. He lives modestly in an apartment that’s furnished like a young couple’s first home. You won’t find an espresso maker or unnecessary products of convenience in his place. To his credit, it can be said that he extracts the maximum from Elite instant coffee.

    What is your utopian vision – to nationalize Israel’s conglomerates, such as Cellcom, the telecommunications company, or Osem, the food manufacturer and distributor?

    “The bottom line is yes. How exactly will it be done? That’s an excellent question, which I can’t answer. Perhaps by transferring ownership to the state or to the workers, with democratic tools. And there are other alternatives. But certainly, I would like it if a large part of the resources were not in private hands, as was the case before the big privatizations. It’s true that it won’t be socialism, because, again, there can be no such thing as Zionist socialism, but there won’t be privatization like we have today. What is the result of capitalism in Israel? The collapse of the health system, the absence of a social-welfare system, a high cost of living and of housing, the elderly and the disabled in a terrible situation.”

    Does any private sector have the right to exist?

    “Look, the question is what you mean by ‘private sector.’ If we’re talking about huge concerns that the owners of capital control completely through their wealth, then no.”

    What growth was there in the communist countries? How can anyone support communism, in light of the grim experience wherever it was tried?

    “It’s true, we know that in the absolute majority of societies where an attempt was made to implement socialism, there was no growth or prosperity, and we need to ask ourselves why, and how to avoid that. When I talk about communism, I’m not talking about Stalin and all the crimes that were committed in the name of the communist idea. Communism is not North Korea and it is not Pol Pot in Cambodia. Heaven forbid.”

    And what about Venezuela?

    “Venezuela is not communism. In fact, they didn’t go far enough in the direction of socialism.”

    Chavez was not enough of a socialist?

    “Chavez, but in particular Maduro. The Communist Party is critical of the regime. They support it because the main enemy is truly American imperialism and its handmaidens. Let’s look at what the U.S. did over the years. At how many times it invaded and employed bullying, fascist forces. Not only in Latin America, its backyard, but everywhere.”

    Venezuela is falling apart, people there don’t have anything to eat, there’s no medicine, everyone who can flees – and it’s the fault of the United States?

    “You can’t deny that the regime has made mistakes. It’s not ideal. But basically, it is the result of American imperialism and its lackeys. After all, the masses voted for Chavez and for Maduro not because things were good for them. But because American corporations stole the country’s resources and filled their own pockets. I wouldn’t make Chavez into an icon, but he did some excellent things.”

    Then how do you generate individual wealth within the method you’re proposing? I understand that I am now talking to you capitalistically, but the reality is that people see the accumulation of assets as an expression of progress in life.

    “Your question is indeed framed in capitalist language, which simply departs from what I believe in. Because you are actually asking me how the distribution of resources is supposed to occur within the capitalist framework. And I say no, I am not talking about resource distribution within a capitalist framework.”

    Gantz vs. Netanyahu

    Cassif was chosen as the polls showed Meretz and Labor, the representatives of the Zionist left, barely scraping through into the next Knesset and in fact facing a serious possibility of electoral extinction. The critique of both parties from the radical left is sometimes more acerbic than from the right.

    Would you like to see the Labor Party disappear?

    “No. I think that what’s happening at the moment with Labor and with Meretz is extremely dangerous. I speak about them as collectives, because they contain individuals with whom I see no possibility of engaging in a dialogue. But I think that they absolutely must be in the Knesset.”

    Is a left-winger who defines himself as a Zionist your partner in any way?

    “Yes. We need partners. We can’t be picky. Certainly we will cooperate with liberals and Zionists on such issues as combating violence against women or the battle to rescue the health system. Maybe even in putting an end to the occupation.”

    I’ll put a scenario to you: Benny Gantz does really well in the election and somehow overcomes Netanyahu. Do you support the person who led Operation Protective Edge in Gaza when he was chief of staff?

    “Heaven forbid. But we don’t reject people, we reject policy. I remind you that it was [then-defense minister] Yitzhak Rabin who led the most violent tendency in the first intifada, with his ‘Break their bones.’ But when he came to the Oslo Accords, it was Hadash and the Arab parties that gave him, from outside the coalition, an insurmountable bloc. I can’t speak for the party, but if there is ever a government whose policy is one that we agree with – eliminating the occupation, combating racism, abolishing the nation-state law – I believe we will give our support in one way or another.”

    And if Gantz doesn’t declare his intention to eliminate the occupation, he isn’t preferable to Netanyahu in any case?

    “If so, why should we recommend him [to the president to form the next government]? After the clips he posted boasting about how many people he killed and how he hurled Gaza back into the Stone Age, I’m far from certain that he’s better.”

    #Hadash

    • traduction d’un extrait [ d’actualité ]

      Le candidat à la Knesset dit que le sionisme encourage l’antisémitisme et qualifie Netanyahu de « meurtrier »
      Peu d’Israéliens ont entendu parler de M. Ofer Cassif, représentant juif de la liste de la Knesset du parti d’extrême gauche Hadash. Le 9 avril, cela changera.
      Par Ravit Hecht 16 février 2019 – Haaretz

      (…) Identité antisioniste
      Cassif se dit un antisioniste explicite. « Il y a trois raisons à cela », dit-il. « Pour commencer, le sionisme est un mouvement colonialiste et, en tant que socialiste, je suis contre le colonialisme. Deuxièmement, en ce qui me concerne, le sionisme est raciste d’idéologie et de pratique. Je ne fais pas référence à la définition de la théorie de la race - même si certains l’imputent également au mouvement sioniste - mais à ce que j’appelle la suprématie juive. Aucun socialiste ne peut accepter cela. Ma valeur suprême est l’égalité et je ne peux supporter aucune suprématie - juive ou arabe. La troisième chose est que le sionisme, comme d’autres mouvements ethno-nationalistes, divise la classe ouvrière et tous les groupes sont affaiblis. Au lieu de les unir dans une lutte pour la justice sociale, l’égalité, la démocratie, il divise les classes exploitées et affaiblit les groupes, renforçant ainsi le pouvoir du capital. "
      Il poursuit : « Le sionisme soutient également l’antisémitisme. Je ne dis pas qu’il le fait délibérément - même si je ne doute pas qu’il y en a qui le font délibérément, comme Netanyahu, qui est connecté à des gens comme le Premier ministre de la Hongrie, Viktor Orban, et le chef de l’extrême droite. en Autriche, Hans Christian Strache. ”

      Le sionisme type-Mapaï a-t-il également encouragé l’antisémitisme ?
      « Le phénomène était très frappant au Mapai. Pensez-y une minute, non seulement historiquement, mais logiquement. Si l’objectif du sionisme politique et pratique est en réalité de créer un État juif contenant une majorité juive et de permettre à la communauté juive de la diaspora de s’y installer, rien ne leur sert mieux que l’antisémitisme. "

      Qu’est-ce qui, dans leurs actions, a encouragé l’antisémitisme ?
      « L’appel même aux Juifs du monde entier - le fait même de les traiter comme appartenant à la même nation, alors qu’ils vivaient parmi d’autres nations. Toute la vieille histoire de « double loyauté » - le sionisme a en fait encouragé cela. Par conséquent, j’affirme que l’antisémitisme et l’antisionisme ne sont pas la même chose, mais sont précisément des contraires. Bien entendu, cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas d’antisionistes qui soient aussi antisémites. La plupart des membres du BDS sont bien sûr antisionistes, mais ils ne sont en aucun cas antisémites. Mais il y a aussi des antisémites.

  • A quoi sert Kamel Daoud ? – Salimsellami’s Blog
    https://salimsellami.wordpress.com/2018/12/12/a-quoi-sert-kamel-daoud

    Kamel Daoud. D. R.                                                                                                                                                                                                                                                               
    Pour mes lectures estivales, je me suis fait violence, en glissant dans mes bagages les 464 pages de chroniques (2010-2016) publiées par Kamel Daoud chez Actes Sud. Je dois avouer ne pas avoir dépensé le moindre kopeck pour accéder aux écrits de cet ancien islamiste qui, quand cela est devenu lucratif, a découvert que « Dieu est athée ». Pas question donc de donner un centime de droits d’auteur à cette nouvelle, icône heureuse de nourrir l’orientalisme des néoconservateurs « atlantistes ». Un orientalisme qui est l’une des misères de l’histoire du monde arabe, un travers si bien dénoncé par notre merveilleux Edward Saïd.J’ouvre ce livre, juste après avoir lu le dernier chef-d’œuvre de Jean Ziegler : Le Capitalisme expliqué à ma petite-fille, publié aux éditions du Seuil. Le hasard, pour une fois, a bien fait les choses : lire le manuel de la générosité et de l’altruisme juste avant le grand traité de l’égoïsme met les idées à leur vraie place. Entre les deux livres, il y a un fossé, une tranchée genre 14/18. Daoud dangereux, peu fiable et néo-prosélyte comme tous les repentis, fait la promotion du capital et du libéralisme qui est son corolaire. Ziegler, lucide et généreux, dénonce ce monde de la finance sans lois et ses mortels ravages sur l’humanité. Deux mondes différents, et même opposés. Vieux baroudeur entre les destins de l’humanité, Jean Ziegler a vu trop d’hommes mourir, de faim et de guerre, pour un même effet, savoir que le libéralisme c’est la mort des pauvres, des peuples « en trop ». De ceux qui gênent. Kamel Daoud, à l’opposé, regrette l’absence d’un « capitalisme fort, de patronats puissants et créateurs de plus-values ».Une drôle de sensation m’habite, celle d’un barreur dans la nuit qui sait qu’il va croiser un iceberg. Daoud se dit Algérien, un peu comme moi, mais je ne retrouve en lui rien de notre bien commun, cet homme est de glace, froid et transparent. Du coup, je me sens Algérien comme Jean Ziegler. Alors que Daoud, tenancier de sa petite boutique « d’algérianité », vante une camelote de qualité « made in China » pour séduire les colons jamais guéris de Saint Germain des prés. C’est l’histoire dans l’autre sens, jadis c’est le « blanc » séduisait l’indigène avec de la verroterie. Au risque de perdre ses lecteurs, qui le prennent pour ce qu’il n’est pas, Daoud doit continuer de se poser en « Algérien », c’est son filon en or. Pensez donc, un Algérien musulman et athée, Arabe, qui déteste les Arabes et qui parle de tout cela « sans langue de bois », Netanyahou et Le Pen auraient rêvé de l’inventer. Pourtant, il est bel et bien là. Alors qu’il n’est qu’un ersatz de Bernard-Henri Lévy, une tête de gondole pour vendre des livres que personne ne lit, c’est-à-dire beaucoup de bruit pour rien, le vent de la barbe à papa. Lectures faites, je persiste et comprends mieux pourquoi Jean Ziegler n’est jamais promu par les médias qui se proclament « grands ».Invité à la télévision, Kamel Daoud est traité comme un saint, le tenant de la nouvelle lumière et du savoir avancé. Aux yeux des gogos, ce réactionnaire est « moderne » et « révolutionnaire ». C’est donc sans contradicteurs qu’il déroule sa pelote de lieux communs, l’image du bon nègre Banania qu’attendent les « néocons ». Récemment, je l’ai aperçu sur une chaîne de TV algérienne, avec toujours la même posture du penseur couché, criant : « Je sais me défendre. » Cependant, on ne sait contre quoi il se défend.Questionné sur l’invitation de Daoud, le nouveau commandeur, à l’ambassade de France lors de son passage en Algérie, E. Macron a répondu qu’il « veut entendre tout le monde ». Le Président français considère-t-il que Daoud c’est tout le monde ? Ou tous ceux qui résident dans le jardin des puissants ?Pour revenir à ce qui n’est pas de la littérature, disons que, dans son livre, Daoud nous invite à découvrir, ou redécouvrir, la crème de ses près de 2 000 textes écrits entre 2010 et 2016. Que seraient, nous affirme-t-il, les positions « des journaux et des élites contestataires ». Cette position est lacunaire puisque ce Don Quichotte algérien ne nous dit jamais ce qu’il conteste. Il n’a pas besoin d’exprimer de s’attacher aux détails du vrai : il est l’élite à lui seul, et doit être cru sur parole. Mais, patatras Daoud, par le contenu de son opus, atteint un objectif imprévu. Preuve à l’appui – l’existence de son livre –, il démontre que la censure qu’il prétend combattre n’existe pas en Algérie. En effet, comment publier impunément (et c’est tant mieux) autant d’ignominies sur un peuple et un pays « qui manquaient de la liberté de dire, de lire ou de regarder » ? Sacré Daoud, ce Daoud sacré.Si sa plume se fluidifie miraculeusement contre l’« Arabe et sa langue », le « musulman », et l’« Algérie », cela ne l’empêche pas de célébrer les « Printemps » alors qu’eux aussi sont censés être arabes. Il glorifie les révoltes sans citer un seul révolté. En réalité, il tente de nous faire croire que les révolutions se font sans révolutionnaires et que les chaos sont l’annonce des aubes nouvelles. Outre du Bernard-Henri Lévy ou du Debray, Daoud ne lit visiblement rien d’autre. Sans doute par crainte d’être chahuté par les mauvaises ondes de la vérité. Par exemple, il n’a pas pris connaissance de « la stratégie du choc », brillamment décrite par Naomie Klein, et il regrette sans rire et amèrement que l’anarchie, la destruction et la guerre civile n’aient pas déjà emporté l’Algérie.Chercheur, créateur de concepts, ce grand penseur nous indique avoir découvert que l’Occident a pour malheur d’avoir voulu incarner la Morale universelle. Sans doute voulait-il parler de l’extermination des Amérindiens, de la traite négrière, des colonisations, de l’utilisation de la bombe atomique sur des populations civiles à Hiroshima et Nagasaki ou encore du nazisme et du fascisme né en Occident ? Sacré Daoud.Et même lorsqu’il tente de dénoncer le traitement infligé aux migrants en Pologne, comme par instinct, sa plume fait une arabesque et va retrouver son sujet fétiche : l’Algérie. On peut en déduire que si les migrants sont mal traités en Pologne, c’est à cause de l’Algérie. Il en est de même d’une chronique sur la Roumanie puisque Daoud est universel. Pour lui, tous les chemins du malheur mènent à l’Algérie.Aux intellectuels et universitaires qui se sont opposés à ses positions (le mot idées serait flatteur), il répond, en se réfugiant dans un vocabulaire creux comme un tambour, que « c’est au nom de l’anticolonialisme et de l’inquisition qu’on lui interdit de penser ». Après sa tribune délirante sur des viols de Cologne qui n’ont jamais existé, dans laquelle il présentait l’Arabe comme une sorte d’être génétiquement violeur, les intellectuels qui ont protesté lui auraient organisé un procès stalinien. Il annonce même à grands fracas qu’il va quitter la scène, et prendre la porte. Ce qui serait une bonne idée, s’il la laisse ouverte, sera nous faire de l’air. Mais rassurez-vous, il y a le goût d’être sur les planches et celui des droits d’auteur : il revient par la fenêtre. Recyclant les clichés les plus éculés – mais toujours orientalistes –, il déverse incessamment une haine inégalée du « musulman ». Elle a un sens, son engagement dans la guerre du « choc des civilisations » le monstre agité par les forces les plus réactionnaires, celui qui marche main dans la main avec « le grand remplacement ».Il suffit de lire au hasard, avec rage et courage, cette phrase de Daoud : « Les derniers colons de ce pays plantaient plus d’arbres que ceux qui l’ont libéré… » Oubliant en passant la nature de celui qui tenait la pioche. Il va jusqu’à regretter l’attitude consensuelle montrée par Jean-Pierre Chevènement lors de son passage à Oran en septembre 2010, et plaide, lui Daoud, la cause des Français nostalgiques de « l’Algérie française ». Aidé de son cerveau servile, ce Zemmour algérien affirme, contre toute l’Histoire, que « c’est la France qui a décolonisé la terre ». Et le peuple algérien n’est pour rien dans la lutte pour une indépendance tombée du ciel colonial, une insulte à la vérité, à la mémoire, à l’histoire, aux universitaires, aux intellectuels. Ce concept de la « décolonisation » porté aussi par Daoud Kamel est, en fait, une ultime manœuvre coloniale. Avec Kamel Daoud, nous sommes dans le colonialisme d’outre-tombe. Son projet est clair, son flot de vomi, qui a pour but de flétrir tout ce qui est algérien, doit nous donner à croire que « l’indigène ne peut se libérer, on l’a donc décolonisé ».Moment de détente, ou de saine curiosité satisfaite, moi qui croyais pouvoir accéder à des confidences sur son passé « islamiste », j’ai été déçu par ce livre. Aucun signe, aucun mot, aucune confidence sur ses engagements auprès des forces violentes, qu’il qualifie lui-même de terroristes. Cette amnésie est confirmée, comme le démontre le livre Contre-Enquête (Editions Frantz-Fanon) d’Ahmed Ben Saada : Kamel Daoud est passé à autre chose, Allah est oublié.Jacques-Marie Bourget, journaliste français, et expert de notre monde, le qualifie de « grenouille autopsiée ». Pour Jacques-Marie Bourget, Daoud est « le supplétif des pires néoconservateurs français », « l’indigène alibi ». Et le grand et vrai écrivain Rachid Boudjedra a cloué le cercueil en le mettant à nu.Pour bien revendiquer son appartenance aux camps des civilisateurs, Daoud joint donc sa voix aux tenants du choc des civilisations, depuis en fait, depuis Mahomet et même avant, le seul but du musulman est de vaincre toute la planète. Ainsi, pour lui, pas de différence entre le sacrifice du militant anticolonial Ali La Pointe et le tueur toulousain Mohamed Merah. Pour bien nourrir les phantasmes et la haine, ce néo-harki de la pensée apporte sa contribution : il stigmatise les habitants des quartiers populaires, en s’interrogeant sur « les milliers de Mohamed Merah » qui sont « partout », « dans une salle de bains, l’arme au poing », ou quelque part, « debout au bas de l’immeuble ». Peut-être Daoud n’a-t-il pas lu les confidences d’Albert Chennouf-Meyer (Abel, mon fils, ma bataille. Ed. Du Moment, 2013), père d’Abel, l’une des victimes des tueries de Toulouse ? Et, suivant la doctrine et le mode de penser de ce nouveau philosophe, il est temps de nous poser, nous aussi, une question : « Combien de Daoud sévissent dans les rédactions des journaux algériens ? »Versant dans le tribalisme le plus rétrograde, il appelle de tous ses vœux, dans chaque région, à ne parler autrement qu’en dialecte local. Pour Kamel Daoud, la langue s’écrit « avec l’âme ». Dans une reptation de serpent, il veut voler ainsi à la rescousse de groupes qui prétendent dynamiter l’Algérie. Comme ces mouvements croupions et d’extrême droite qui prétendent défendre (sans doute mieux que Kateb Yacine) la langue et la culture berbères ! Puisqu’il ne lit que Debray et Bernard-Henri Lévy, il n’a pas ouvert le magnifique bouquin de Patricia M.-E. Lorcin Les Identités coloniales… une lecture capable de laver la tête de KD Kamel Daoud. Au-dedans. Le titre que mérite cette « somme » de Daoud est simple : « Chroniques de l’horreur. »Je n’ai trouvé qu’un point sur lequel on puisse gloser sur du Daoud, c’est quand il écrit : « On a détruit les libertés et les libérations acquises après le départ des colons. » Il est effectivement exact qu’un peuple martyrisé, abandonné dans le concert des nations, trop seul après sa révolution ait commis des erreurs et connu des errances. Il est effectivement exact que l’Algérie se cherche toujours. Mais oublier une guerre civile provoquée par les anciens Frères idéologiques de Daoud, ce n’est pas omettre un détail. Mais ce « lissage » permanent de l’histoire, sa recréation sont le carburant que permet à Kamel Daoud de poursuivre ses livres et chroniques de flagellations des « Algériens », de l’« islam », de l’« Arabe », du « régime ». Sans cette interminable mise à mort, le livre n’aurait que l’épaisseur d’un album à colorier.Il est drôle, piquant, amusant de retrouver soudain notre Kamel Daoud quand il revient à sa source d’inspiration première, le wahhabisme. Tout cela sur le mode mondain, chic-français, convenable. Notre immense écrivain, notre Hugo à nous, a découvert le Qatar et ses vertus, vertes comme le dollar. Pour Daoud, le Qatar n’est pas ce qu’il est, c’est-à-dire un pays sans Constitution, sans lois, corrupteur et esclavagiste ayant naguère condamné un poète à mort au prétexte qu’il avait souhaité la venue d’un « printemps » à Doha. Mais le Qatar, versus Bernard-Henri Lévy, n’est-il pas le prototype d’un islam moderne, compatible avec la démocratie et il distribue des prix littéraire, organise de généreux colloques ? Donc, pour Kamel Daoud, la monarchie du Qatar, c’est top. Je lis : « Le Qatar a réussi à exporter l’image d’un pays où l’on peut dire des choses, où l’on assume les relations internationales, même avec Israël, sans hypocrisie, où la liberté de culte n’est pas qu’une chasse aux casse-croûte et où les droits de la femme sont les plus respectés dans cette région du monde, la révolution Al-Jazeera a fini par ‘’enfoncer’’ encore plus le reste du monde ‘’arabe’’, en en soulignant, par contraste, le calendrier moyenâgeux. » Ce propos est outrancier dans un pays, je le répète, où le droit n’existe pas, sauf la Charia que l’on impose jusque dans le lycée, pourtant baptisé… Voltaire !Quel crédit accorder à ce faussaire erratique capable de célébrer Israël, tout en qualifiant cet Etat de « raciste » et « sans frontières ». Dans sa posture de penseur couché, il ne veut pas voir le droit international et islamise la cause palestinienne. Il l’arabise, l’islamise à sa façon, et n’irait pas jusqu’à lire les rapports de Goldstone et de Richard Falk ou tout simplement les livres de Shlomo Sand, Ilan Pappé et ceux du courant israélien des « Nouveaux historiens ». Pour Daoud, le summum de l’injustice, celle faite aux Palestiniens n’existe pas puisqu’il est impossible d’être « injuste » avec des « Arabes, des musulmans ». Peut-être, afin d’adoucir son regard, et rien que pour Kamel Daoud, l’Algérie devrait organiser un ghetto type « Gaza » ?Sans aucune honte, l’effroyable auteur bas de plafond ose écrire : « Le mort palestinien sera un homme tué lorsqu’il ne sera pas un barbu mort ou un Arabe bombardé. » Un passeport pour le crime et bientôt le génocide. Et ce n’est pas parce que dans sa bande Daoud n’est pas seul que l’effet de groupe constitue une excuse. Que valent au poids des piges, des cachets et des droits d’auteur, les plumitifs que l’on découvre à marée basse, au plus bas de l’humanité, rien d’autre que de la haine. Dans ma culture berbère universaliste (et non tribale), il existe un mot pour qualifier ce nuisible : azrem, le serpent                                        
        
    Par Boualem Snaoui                                                            https://www.algeriemondeinfos.com

  • Faut-il préférer le classique au dialectal ? Par Edward Said

    La langue arabe, la Rolls et la Volkswagen

    Dans le débat sur la réforme de l’islam, certains exigent des Arabes qu’ils modifient aussi leur langue en choisissant définitivement l’arabe classique des élites et en abandonnant le dialectal, parlé par le peuple. Avant sa mort, en septembre 2003, Edward W. Said a expliqué pourquoi cette exigence reflète une extraordinaire sous-estimation de la richesse de l’expérience quotidienne vécue qu’exprime la langue de la rue.
    –-> https://www.monde-diplomatique.fr/2004/08/SAID/11471


    Calligraphie de Hassan Massoudy

  • Freud and the Non-European
    In this excerpt from Freud and the Non-European, Edward Said describes his method of situating historic thinkers and writers “contrapuntally.”
    https://www.versobooks.com/blogs/4040-freud-and-the-non-european

    I feel I should add something else here. I have often been interpreted as retrospectively attacking great writers and thinkers like Jane Austen and Karl Marx because some of their ideas seem politically incorrect by the standards of our time. That is a stupid notion which, I just have to say categorically, is not true of anything I have either written or said. On the contrary, I am always trying to understand figures from the past whom I admire, even as I point out how bound they were by the perspectives of their own cultural moment as far as their views of other cultures and peoples were concerned. The special point I then try to make is that it is imperative to read them as intrinsically worthwhile for today’s non European or non-Western reader, who is often either happy to dismiss them altogether as dehumanizing or insufficiently aware of the colonized people (as Chinua Achebe does with Conrad’s portrayal of Africa), or reads them, in a way, “above” the historical circumstances of which they were so much a part.

    My approach tries to see them in their context as accurately as possible, but then - because they are extraordinary writers and thinkers whose work has enabled other, alternative work and readings based on developments of which they could not have been aware–I see them contrapuntally, that is, as figures whose writing travels across temporal, cultural and ideological boundaries in unforeseen ways to emerge as part of a new ensemble along with later history and subsequent art.

  • La Fabrique : 20 ans d’édition, et ce n’est qu’un début !
    https://la-bas.org/5146

    Vingt ans. Cela fait vingt ans qu’Éric Hazan, après une première vie comme chirurgien cardiaque puis une deuxième vie à la tête des Éditions Hazan (fondées par son père), édite une douzaine de livres par an à La Fabrique : le Comité invisible, Rancière, Bensaïd, Badiou, Lordon, Edward Saïd, Kristin Ross, Zygmunt Bauman… Une tentative modeste de « subvertir l’ordre existant ». Mais que peuvent vraiment les « petits » éditeurs face aux mastodontes en tête de gondole ? Un moustique qui pique le nez du conducteur peut faire balancer un car de CRS dans le ravin.Continuer la lecture…

    #Vidéo #Culture

  • Islam’s New ‘Native Informants’ | by Nesrine Malik | NYR Daily | The New York Review of Books

    https://www.nybooks.com/daily/2018/06/07/islams-new-native-informants

    Returning from Lebanon and Egypt in 2003, Edward Said wrote an angry dispatch in the London Review of Books on how the Iraq War as reported on Arabic TV channels portrayed a different conflict from the one reported by the American media, in which journalists were “as lost as the English-speaking soldiers they have been living with.” He argued that the stream of Western commentary “has obscured the negligence of the military and policy experts who planned it and now justify it.” The misguided belief that the Iraqis would welcome the Americans with glee after a period of aerial bombardment, a fundamental flaw in the planning of the military mission, he pinned squarely on the out-of-touch exiled Iraqi opposition and the two Middle East experts who, at the time, held the most sway over US foreign policy in the region: Bernard Lewis and Fouad Ajami.

    Said dismissed Bernard Lewis as an Orientalist, a generalist, and an ideologue. But the Lebanese-born Fouad Ajami was damned in fewer words: he was a “native informant.” By that was meant one who deploys “we,” Said wrote, “as an imperial collectivity which, along with Israel, never does anything wrong. Arabs are to blame for everything and therefore deserve ‘our’ contempt and hostility.” In a profile of Ajami written for The Nation that appeared at almost the same time, Adam Shatz observed that Ajami’s failure to predict the Saudi conveyor-belt of radicalization that brought about 9/11 (so focused was he on “the menace of Saddam and the treachery of Arafat) still had not dented his Middle East expert credentials as far as the US media were concerned. “America was going to war with Muslims,” Shatz wrote, “and a trusted native informant was needed.”

    Fifteen calamitous years later, the scorn that the late Ajami received at the time has been vindicated. But the term “native informant” has become a troubling one. As a derogatory description of an indigenous person considered a collaborator with the colonial or invading power, it sits too closely for comfort to slurs such as “house slave” and its derivatives. In the discipline of postcolonial studies, “native informant” was once useful in understanding the way certain cultural brokers from former colonies could benefit from helping more powerful Western authorities objectify their people. In an essay on the Lebanese-American academic Evelyne Accad, the scholar Dorothy Figueira described native informants as “disciplinary gatekeepers providing an authoritative version of history for the upper classes (reformers or nationalists), and the West.” But in a world where these “authoritative versions” are not simply academic, but can also be the ideological underpinnings of military aggression, the native informant’s role is that of enabler.

  • Commémoration pour les 70 ans de la Nakba (très belle vidéo de 7 minutes)
    Université de Genève, le 15 mai 2018
    https://www.youtube.com/watch?v=2vOS-LGGl-U

    La musique utilisée est Mawtini, l’hymne palestinien, mais chanté de façon triste par un chanteur de Ramallah, #Murad_Swaity :
    https://www.youtube.com/watch?v=QES53TRxafI

    Voici une autre version par la section de Gaza du Edward Said National Conservatory of Music. La vidéo date de 2015 : combien d’enfants de cette vidéo sont morts assassinés entre temps ? :
    https://www.youtube.com/watch?v=9plTVf-go6M

    #Palestine #Gaza #Nakba #vidéo #Musique #Musique_et_politique

  • Same As It Ever Was: Orientalism Forty Years Later
    ON EDWARD SAID, OTHERING, AND THE DEPICTIONS OF ARABS IN AMERICA

    January 23, 2018 By Philip Metres

    | Literary Hub
    https://lithub.com/same-as-it-ever-was-orientalism-forty-years-later

    “Why do they have to show that? That—that—violence,” I said to my mom hours later, burying my face in my pillow, unable to sleep, my little body convulsing with this strange grief.

    In the packed dark of our local theater, eleven years old, I’d been reeling, gripping the armrests in terror as Raiders of the Lost Ark flashed across the huge screen. The swashbuckling Indiana Jones had somehow escaped a trap-filled temple in Peru with the golden idol in hand, but his local guide hadn’t. The image of a wide-eyed brown-faced man with a spike piercing his forehead had seared itself in my mind, but now they were somehow in Cairo, and Indiana, having escaped a chase in the casbah, found himself face-to-face with a black-cloaked, scimitar-wielding Arab. Smiling, laughing even, the man flung and swung the comically large sword from hand-to-hand. World-weary, Indiana pulled out his pistol and blew him away. The crowd around me erupted in cheers. Was I supposed to laugh? Before I could react, we were off again, with our American hero, between local “savages” and Nazis, until in the fury of the opened ark, the bad guys’ faces literally melted off. Walking out of the theater, I did everything I could to hold back sobs.

    Growing up Arab American in the 1980s, I couldn’t escape these depictions of Arabs as vile, cruel terrorists. I was confused why so many movies I watched featured a bloodthirsty Arab vanquished by white American heroes. It wasn’t just Raiders, of course, it was also the weird creatures of the Tatooine desert in Star Wars, the vicious Sand People, who seemed more than a little familiar. And later, The Black Stallion Returns (1983), and not too long after that, the runaway time-traveling hit, Back to the Future (1985). What were Libyans doing in Hill Valley California, and why did they have plutonium? It was such a non sequitur that we never asked what they were doing there. Of course, the movie wanted us to say, those wretched Libyans! And like the Egyptian sword-wielder who was really a white stuntman, a whole parade of terrorists played by Israeli actors in “arabface” were trotted out in movie after movie produced by the Israeli-led Cannon Films.

    Later, when I read the work of Edward Said and Jack Shaheen, I learned that my experience—and these films—are not the exception. Shaheen’s Reel Bad Arabs: How Hollywood Vilifies a People (2001) looked at nearly 1,000 films and found only a dozen that depicted Arabs in a complex or positive way. Watching television, it was more of the same. I secretly loved the wrestler “The Iron Sheik,” who wore a keffiyah, robe, neat mustache, and played the heel. He was Iranian, actually, but he was as good as Arab to me (shout-out to my Iranian brothers and sisters). When he palled around with the Russian Nikolai Volkoff, I thought of the Russians as odd comrades. Of course, The Iron Sheik played the heel. Whenever the crowd began to jeer him—or anyone—I felt something churn in me. Some kind of fire ignited in my head. I was drawn to the one who was hated. Whether the person was black or brown or queer or just strange, I wanted to stand beside them.

  • Prof. Haidar Eid: “like Hamlet in his pretended madness who claimed to be reading “words, words, words” — with the implcation that words failed to signify anything.”


    The present book by Professor Haidar Eid, “Worlding” (Post) modernism: Interpretive Possibiities of Critical Theory, is an impressive contribution among many efforts to salvage from the shipwreck of literary theory elements that are usable and sane. The book’s dedication to Edward Said is an important sign of its underlying spirit and leitmotif. Long before the crisis of which Menand speaks, Said stated , in (1975):

    “For most of my generation, mind, culture, history, tradition, and the humanities both as words and as ideas, carry an authentic ring of truth, even if for one or another reason they do not lie easily within our grasp. I have no desire to have done with them, if only because as words and ideas they still seem partially to anchor the world we inhabit, if only because they also are still objects of our regard – and also because . . . they are machines to think with.” (Beginnings, Intention and Method 1975:19) (italics in original)

    (...)As Eid states in the Introduction, the reconstructed theory he envisions “ultimately aims to achieve . . . a dialectical critical theory that combines (post) modern and ‘traditional’ micro and macro analysis.” The formulation he calls for is “informed by theories of rationality, reason and knowledge without falling into essentialism and apriori epistemology.” What has happened under the influence of primarily French theorists, the system which suffered the “crisis” that Louis Menand located twenty-five years ago, was, Eid maintains, “the penetration of global capital in almost all fields of life as well as the disintegration of the liberal public sphere”.

    If we need a recent example of the penetration of global capital, we have only to look at Arundhati Roy‘s The Cost of Living documenting the devastation to the environment and the displacement of millions of lower-caste Indians by the government’s pursuit of massive dam projects, the profits from which accrue to political elites and multi-national corporations. An even more contemporary example comes with the global outrage at Israeli massacres in Gaza in which UN shelters, family homes, hospitals, power-generators, mosques, ambulances, playgrounds and schools are targeted with lethal force while Israel, backed by US weapons, prestige, and money, acts with complete impunity. US power blocks any functioning of the wider “liberal public sphere” to secure justice for the indigenous Palestinians, increasingly at the mercy of a highly militarized colonial settler state armed by the global superpower. In the face of widespread moral outrage at the magnitude and sheer malice of the onslaught, representatives of the hegemonic power(s) repeat justifications amounting to the centrality to the globsl capital system of what should be a pariah state. To establish this connection between theory and social justice, Eid quotes Edward Said’s comments on the political and economic ramifications of poststructuralism:

    It is significant that the emergence of so narrowly defined a philosophy of pure textuality and critical non-interference has coincided with the ascendancy of Reaganism, or for that matter with a new cold war, increased militarism and defence spending, and a massive turn to the right on matters touching the economy, social services, and organized labor. (Said, 1983: 4).

    http://www.palestinechronicle.com/worlding-post-modernism-interpretive-possibilities-of-critical-t

  • Un postcolonialisme à la française ?

    http://www.achac.com/blogs/188


    PDF : http://achac.com/colonisation-et-post-colonialisme/wp-content/uploads/2018/01/article-Cite.pdf

    La théorie postcoloniale, si elle demeure fortement controversée dans l’espace académique français, est désormais partie prenante des sciences sociales dans la plupart des pays où la recherche est dynamique, des États-Unis à la Grande-Bretagne, du Brésil à l’Inde, de l’Allemagne aux pays nordiques, des universités africaines aux universités sud-américaines. C’est un fait. Elle est un élément du débat intellectuel et pourtant elle occupe, dans le même temps, une position spécifique en France, fruit d’un contexte quasi unique dans le monde scientifique international. En France, elle est marginalisée dans le champ académique et particulièrement dans les sciences sociales.

    Aux États-Unis principalement, la théorie postcoloniale est enseignée depuis plus de trois décennies dans différents départements universitaires (littérature, histoire, sciences politiques…) aux côtés d’autres courants intellectuels (Ethnic Studies, Racial Studies, Gender Studies…), comme le souligne l’ouvrage que nous venons de codiriger en juin 2016 avec Dominic Thomas, Colonial Legacy in France. Fracture, Rupture, and Apartheid (Indiana University Press). A contrario, en France, elle fait l’objet d’une critique théorique et académique, qui s’articule à une critique politique et idéologique, laquelle renvoie au syndrome français face au passé colonial et à l’interprétation – ou à la négation – des conséquences à long terme de la colonisation sur la société française.

    Qu’est-ce que le postcolonialisme ? Ce courant, qui s’origine dans les travaux des subalternistes (collectif d’historiens indiens cherchant, dans les années 1970, à renverser l’historiographie de la décolonisation de l’Inde en montrant en particulier le rôle joué par les castes inférieures), et l’ouvrage inaugural d’Edward Saïd, L’Orientalisme (1978), qui déconstruit les discours de l’Occident sur l’Orient, peut être défini, très rapidement, comme un ensemble de recherches visant, d’une part, à rompre avec les chronologies fondées sur l’histoire politique, en contestant la « rupture » des décolonisations et en favorisant la longue durée et, d’autre part, à envisager la colonisation comme un processus dialectique affectant aussi bien les métropoles que les territoires colonisés, afin de se départir d’une vision occidentalocentrée de l’histoire. Mais l’objet du présent article n’est pas tant de revenir sur une longue définition des études postcoloniales ou de défendre les tenants de cette « théorie », de nombreux travaux et écrits l’ont fait avant nous, mais bien de souligner la spécificité du débat français en analysant sans tabou les blocages et les déraisons, les passions et les aveuglements, les enjeux aussi, comme les rapports de force.

  • Ramzy Baroud : "Thus, identifying with Black or Native Americans, the refugees of Syria, the victims of South African Apartheid or the Rohingya of Burma is hardly an act of political expediency, but a natural moral inclination. A culture even.

    Edward Said had convincingly articulated the concept of ‘global perspective’ that made the Palestinian struggle part and parcel of a global fight for social justice. For Palestinians, the lines have become truly blurred between their political identity, their own culture and that of a much greater fight with loftier goals.

    “In the case of a political identity that’s being threatened, culture is a way of fighting against extinction and obliteration,” Said wrote.

    “Culture is a form of memory against effacement.”

  • A propos de « Edward Said, Le roman de sa pensée » de Dominique Eddé | Rafik Chekkat
    http://www.etatdexception.net/a-propos-de-edward-said-roman-de-pensee-de-dominique-edde

    Toute discussion autour de l’œuvre d’Edward Said se heurte en France à une question liminaire : comment expliquer qu’un auteur de cette envergure n’ait pas toute la place qui lui revient dans le champ intellectuel de ce pays ? La publication de ses œuvres a emprunté un chemin chaotique. Non seulement beaucoup d’entre elles n’ont jamais été traduites, mais lorsqu’elles l’ont été, c’est souvent avec un décalage d’une décennie (si ce n’est plus) par rapport à l’édition originale. Et que dire de son ouvrage phare, L’Orientalisme, paru en France en 1980, mais resté très longtemps introuvable en librairies (il a fallu attendre une réédition de 2003, année de la mort de Said, pour que le livre soit de nouveau accessible au public). Source : Etat (...)

  • « Une amère déception » Edward Said sur sa rencontre avec Sartre, de Beauvoir et Foucault
    Etat d’Exception | Eugene Wolters | 25 septembre 2017 | Source : Critical Theory. |Traduit de l’anglais par SB, pour Etat d’Exception.
    http://www.etatdexception.net/une-amere-deception-edward-said-sur-sa-rencontre-avec-sartre-de-beau

    « Bien sûr, Sartre avait quelque chose pour nous : un texte préparé sur deux pages dactylographiées qui – j’écris entièrement sur la base d’un souvenir vieux de vingt ans – a loué le courage d’Anouar al-Sadate dans les platitudes les plus banales imaginables. Je ne me souviens pas qu’autant de mots aient été prononcés à propos des Palestiniens, du territoire ou du passé douloureux. Certes, aucune référence n’a été faite au colonialisme de peuplement israélien, semblable à bien des égards à la pratique française en Algérie […]. J’étais anéanti de découvrir que ce héros intellectuel avait succombé dans ses dernières années à un mentor si réactionnaire, et que sur la question de la Palestine l’ancien guerrier et défenseur des opprimés n’avait rien à offrir de plus que l’éloge journalistique le plus conventionnel pour un leader égyptien déjà largement célébré. Durant le reste de la journée, Sartre reprit son silence, et la discussion s’est poursuivie comme auparavant.

  • Il y a neuf ans, Mahmoud Darwich...

    إدوارد سعيد يقرأ درويش : تلاحم عسير للشعر وللذاكرة الجمعية | القدس العربي Alquds Newspaper
    http://www.alquds.co.uk/?p=768282

    Ici, en compagnie d’Edward Said, et la lecture du poème de Darwich en hommage à son ami :

    https://www.youtube.com/watch?v=Qfzt-LzqhJY

    Avec sa traduction en anglais ici : http://www.mahmouddarwish.com/english/Edward_Said.htm

  • Mirage gay à Tel-Aviv
    Israël, comme tous les pays encore prisonniers des religions monothéistes, reste très homophobes. Mais #Tel-Aviv est une des capitales mondiales de l’homosexualité. Depuis quelques années, la propagande israélienne mesuré le profit qu’elle pouvait tire de la sympathie des gays occidentaux grâce à ce pinkwashing , camouflage de l’occupation et de la colonisation de la Palestine. Cofondateur de Gai Pied , puis journaliste à Libération et à La Tribune , fin connaisseur d’Israël, Jean Stern était bien placé pour enquêter sur ce ripolinage particulier de la « marque Israël ».
    Il en présente les acteurs et en éclaire les mécanismes : Gay Pride, Chanteurs trans, campagnes de publicité, émissions de télévision, invitations - souvent refusées - de personnalités étrangères, films homosexuels grand public ou pornographies et, bien sûr, déclarations démagogiques du premier ministre Benyamin Netanyahou et consorts. Ce reportage n’oublie pas la #Palestine, où les #gays subissent à la fois l’oppression d’une société traditionaliste et le chantage des autorités d’occupation.
    Dominique Vidal _ Le Monde Diplomatique juin 2017

    #Israël #Jean_Stern #homosexualité #pinkwashing

    Dans cette enquête inédite et à contre-courant, Jean Stern démonte une stratégie marketing et politique orchestrée par l’État israélien – le pinkwashing – qui consiste à camoufler la guerre, l’occupation, le conservatisme religieux et l’homophobie derrière le paravent sea, sex and fun d’une plaisante cité balnéaire, Tel Aviv. De Tsahal, armée affichée « gay-friendly », au cinéma – porno ou branché – empreint d’orientalisme, en passant par la frénésie nataliste chez les gays via la gestation pour autrui, l’auteur raconte l’envers du décor d’un rouleau compresseur. Ce « mirage rose » est décrié par les homosexuels palestiniens et les militants radicaux LGBT israéliens, juifs comme arabes.

    http://www.editionslibertalia.com/catalogue/hors-collection/jean-stern-mirage-gay-a-tel-aviv
    #homophobie
    Cofondateur de GaiPied en 1979, puis journaliste à Libération et à La Tribune, Jean Stern a publié Les Patrons de la presse nationale. Tous mauvais (La Fabrique, 2012).

    Paru dans CQFD n° 154, mai 2017. @cqfd

    LE PINKWASHING À L’HEURE DE TEL AVIV (OU ISRAËL SE RACHÈTE UNE IMAGE PINK)

    Publié aux #éditions_Libertalia, le livre de Jean Stern est une enquête inédite qui décortique la stratégie marketing de l’État israélien draguant la communauté gay occidentale. Rencontre avec l’auteur, cofondateur de Gai Pied, puis journaliste à Libération et actuel rédacteur en chef de La Chronique d’Amnesty International.

    CQFD : « Mirage gay à Tel Aviv » est une enquête sur ce que l’on appelle le pinkwashing. Est-ce que tu peux nous expliquer de quoi il s’agit ?

    Jean Stern : Je vais prendre un exemple simple avec le « greenwashing », qui consiste pour les entreprises à repeindre en vert leurs actions, à mettre par exemple des plantes vertes dans les sièges sociaux. Le pinkwashing apparaît en 2008 avec l’idée d’attirer la communauté gay occidentale à Tel Aviv pour tenter d’« adoucir » l’image d’Israël et de développer un nouveau tourisme. À partir de 2009-2010, une vraie stratégie marketing est pensée, élaborée, construite par la mairie de Tel Aviv, les hôteliers et le ministère du tourisme pour tenter de changer l’image d’Israël. Il faut rappeler qu’Israël était en dehors des grands circuits touristiques mondiaux jusqu’à la fin des années 2000. Et le gouvernement israélien s’est dit : il va falloir mettre en avant nos atouts. Tel Aviv, balnéaire, dotée de nouveaux lieux de sociabilité et dont l’image était en train de changer offrait un vrai potentiel. Ils ont trouvé le slogan : « Tel Aviv, la ville qui ne dort jamais ». Un slogan festif adapté aux hétéros mais qui marche aussi bien pour les gays. Israël a alors ciblé les médias gays, invités des dizaines de journalistes LGBT à Tel Aviv, fait des opérations de promo dans les clubs gays etc. Mais le pinkwashing a aussi et surtout permis un discours idéologique, avec cette idée sous-jacente : il y a des droits pour les gays en Israël, et ils n’en ont pas dans le monde arabe.

    Dans ton livre, on entre dans le détail puisqu’on découvre qu’une boîte de com’ basée aux Pays-Bas a été embauchée pour faire ce travail de marketing…

    Oui, il s’agit d’Outnow, une entreprise habituée à travailler avec des marques comme Orange, IBM mais aussi avec des villes comme Berlin, Vienne ou Copenhague. À partir de 2008, le gouvernement israélien a mis en place la structure « Brand Israël » directement reliée au cabinet de la ministre des Affaires étrangères de l’époque, Tzipi Livni. Cette ancienne agente du Mossad, le service secret israélien, n’ignorait rien de l’image désastreuse de son pays. L’équipe de Livni a utilisé toutes les ressources du marketing pour l’améliorer. Des dizaines de millions de dollars ont été dépensés sur plusieurs années. Entre autres choses, le congrès de l’association mondiale du tourisme LGBT a été accueilli là-bas. Dès 2009-2010, un flux touristique s’est instauré. Aujourd’hui, des dizaines de milliers de touristes gays occidentaux se rendent chaque année à la semaine de la fierté gay, début juin. Un tourisme très rentable puisqu’il contribue à faire tourner les nombreux bars, clubs et hôtels de Tel Aviv. Même si Israël a investi beaucoup d’argent, le retour sur investissement est flatteur puisque cela a non seulement amené des gens à Tel Aviv mais a surtout contribué à changer l’image du pays chez les gays avec cette idée assez simplette mais qui hélas marche : « Un pays aussi sympa avec nous ne peut pas être aussi horrible qu’on le dit avec les Palestiniens. »

    Par ailleurs, on comprend dans ton livre qu’à travers ce plan marketing, Israël utilise le désir des gays occidentaux pour l’homme oriental.

    Israël a récupéré ce que l’on a appelé l’orientalisme sexuel dont on trouve les traces chez des écrivains du XIXe siècle comme Flaubert ou Gérard de Nerval. Dans son livre L’Orientalisme, Edward Saïd explique comment l’image du monde arabo-musulman était très liée au désir sexuel des hommes occidentaux pour « l’homme arabe ». Cet orientalisme sexuel a connu son âge d’or dans les années 1950-60 avec pas mal d’écrivains emblématiques qui s’installaient au Maroc, en Tunisie, mais aussi s’engageaient aux côtés des Palestiniens. Jusque dans les années 1970, nombre de gays occidentaux sont allés ainsi au Maroc, en Égypte ou en Tunisie, rencontrer des hommes arabes. Et de fait, ça marchait assez bien parce qu’on était dans une sorte de « pas vu pas pris » réciproque. Mais le durcissement des pays arabo-musulmans, comme le Maroc et l’Égypte, à l’égard des homosexuels, a rendu de plus en plus compliqué ce tourisme sexuel. Et puis le contexte post-11 septembre 2001 a fait qu’une partie des homosexuels sont devenus hostiles à l’islam, et aux Arabes en général. Cela a été la naissance de l’homonationalisme, et il faut aujourd’hui déplorer qu’une partie des homosexuels occidentaux soutiennent la droite et l’extrême droite dans la croisade mondiale contre l’Islam. Israël leur propose un genre de placebo d’Orient qui leur convient assez bien, et je raconte comment de ludique le séjour à Tel Aviv devient de plus en plus politique.

    Dans ce contexte particulier, comment vivent les homosexuels en Palestine ?

    Dans une société plutôt conservatrice et homophobe, les homosexuels sont harcelés, parfois arrêtés et torturés par la police palestinienne. Une situation qu’exploite Israël grâce à une unité de surveillance électronique (l’unité 8200). Il y a trois ans, 43 réservistes de cette unité ont publié un texte où ils dénoncent le travail qu’on leur demande. C’est-à-dire non pas la prévention du terrorisme mais la détection des homosexuels et des lesbiennes, des hommes adultères, des alcooliques, etc., afin de les soumettre à un chantage. Ceux qui acceptent de s’y soumettre deviennent des collabos et risquent la mort s’ils sont découverts. S’ils refusent, Israël peut les dénoncer à la police palestinienne, et c’est également un péril mortel pour eux. Derrière le sirupeux discours gay-friendly d’Israël que mon livre essaye de décrypter, il y a une réalité bien plus sombre. Mais en Israël, en dehors de Tel Aviv, la société reste majoritairement homophobe. Les jeunes LGBT sont harcelés, violentés. Au-delà de son objectif de faire oublier l’occupation de la Palestine, le pinkwashing est aussi un paravent qui cache la réalité peu reluisante de la société israélienne, homophobe, inégalitaire, de plus en plus raciste.

    Il y a aussi un chapitre sur l’utilisation de mères porteuses en Thaïlande, en Inde et ailleurs par les couples gays israéliens qui laisse sans voix…

    En commençant cette enquête il y a trois ans, j’étais surpris de croiser dans les rues de Tel Aviv des couples de garçons poussant des landaus avec des bébés. Je me suis aperçu qu’il y avait un baby-boom gay en Israël d’une ampleur considérable, unique au monde. On parle de plus de 10 000 naissances dans les couples de lesbiennes et de 5 000 dans les couples homosexuels à Tel Aviv depuis 2010. Pour les lesbiennes, c’est relativement simple puisque Israël est un des pays pionniers de la fécondation in vitro. Pour les gays c’est plus compliqué. Au début, ils ont eu recours à la coparentalité, avec des amies souvent lesbiennes. Et on se partage le temps de garde, une semaine chez l’un, une semaine chez l’autre. Mais petit à petit, ils ont préféré la gestation pour autrui (GPA), baptisée en Israël maternité de substitution. La GPA est devenue un vrai marché avec ses cours : c’est plus cher de louer une mère porteuse juive aux États-Unis qu’une femme non juive au Népal ou en Thaïlande. Pour donner une échelle des prix, cela va de 45 000 à plus de 150 000 dollars. Dans ce nouveau marché de l’enfant, fait d’hyper-capitalisme mêlé de nationalisme – il faut des fils pour peupler Israël – il y a quelque chose qui provoque le malaise. Il y aussi une sérieuse bagarre avec les religieux, dont le poids politique est important en Israël, sur la question de la judaïté de ces enfants. Pour la loi juive, on est juif par la mère. À l’exception de certaines mères porteuses aux États-Unis, la plupart ne sont pas juives. Ces questions éthiques sont en fait très politiques.

    Où est donc l’espoir ? Peut-être du côté du Black Laundry qui a marqué l’histoire de la défense des droits LGBT en Palestine / Israël dans les années 2000 ?

    Il y a eu effectivement au début des années 2000 un mouvement LGBT très novateur, Black Laundry, qu’on peut traduire par lessiveuse noire et qui prônait l’exact inverse du pinkwashing. Il y avait là aussi bien des filles, des garçons ou des trans palestiniens et israéliens. Ce mouvement mixte dans tout les sens du terme a su mener une lutte à la fois contre le pinkwashing alors naissant mais aussi et surtout contre l’occupation, qui est la question centrale en Israël. Ce mouvement a fini par se déliter et beaucoup de ses militants ont d’ailleurs quitté le pays pour Berlin. Mais après plus de dix ans d’atonie, et pendant que les homos réacs jouissent de leur bonne fortune dans leurs luxueux penthouses de Tel Aviv, on assiste depuis quelque temps à une petite renaissance de l’expression de la radicalité LGBT, notamment avec des groupes palestiniens qui tentent de se réapproprier la culture queer arabo-musulmane et de se développer à l’intérieur même des Territoires occupés. C’est difficile, car il leur faut combattre sur tous les fronts, dénoncer ce pinkwashing qui les présente comme des victimes de l’homophobie de leur société, alors qu’Israël contribue largement à leur oppression. Il ne faut pas se leurrer, le combat est très dur, contre la famille, la police, l’armée et un discours qui nie leur identité pour les LGBT palestiniens, contre une société parfois hystériquement homophobe et une extrême droite de plus en plus violente en Israël pour les LGBT israéliens. C’est d’ailleurs en Palestine et en Israël que les mirages du pinkwashing sont souvent le plus violemment critiqués, et cela a quelque chose de réconfortant, surtout vu de France, où il est si difficile de critiquer Israël. Toutes les arnaques ont cependant une fin.

    Propos recueillis par Martin Barzilai


    • @lundimatin

      En Tchétchénie, on persécute les homosexuels. Voici peu de jours, la radio rapportait que le gouvernement turc faisait tirer à balles en caoutchouc sur la Gay Pride place Taksim. Ces horreurs ne se produiraient certes pas en Israël. En effet, le pays est devenu « gay friendly ». C’est ce que nous rapporte Jean Stern dans ce #Mirage_gay qui est une enquête rondement menée sur l’entreprise de pinkwashing lancée par l’État israélien afin de séduire et d’attirer les homosexuels du monde entier. L’énoncé peut paraître caricatural, mais il ne l’est pas du tout. Nous avons bien affaire ici à une hénaurme opération de com’, comme aurait dit le père Ubu et qui, ce qui ne gâte rien, alimente aussi la pompe à phynances… « Lancée en 2009, la conquête publicitaire des gays aura pour cadre une opération plus globale, Brand Israel, “Vendre [lamarque] Israël”. Principe de base : faire oublier l’occupation de la #Palestine, voire son existence. » Le concepteur de l’opération est un diplomate, Ido Aharoni, qui a travaillé aux États-Unis avant de revenir au ministère des Affaires étrangères à #Jérusalem. Il expose ainsi sa stratégie : « Chasser de l’esprit mondial le mur de séparation, Jérusalem et les hommes en noir, l’aspect guerrier et religieux du pays [1] » et « faire du Web un allié » – en investissant pour cela tout l’argent nécessaire.

      https://lundi.am/Mirage-gay-a-Tel-Aviv-Jean-Stern

      Cofondateur de #GaiPied en 1979, puis journaliste à Libération et à La Tribune, Jean Stern a publié Les Patrons de la presse nationale. Tous mauvais (La Fabrique, 2012). En mars 2017 paraissait Mirage gay à #Tel_Aviv aux éditions Libertalia. En plus de cet entretien, vous pouvez lire une recension de l’ouvrage dans notre édition estivale.

      https://lundi.am/Pinkwashing-a-Tel-Aviv

  • Library of Congress | The Palestine Poster Project Archives

    http://palestineposterproject.org/special-collection/library-of-congress

    Déja sur les collines... J’avais raté ce site, sur lequel il y a des pépites.

    The Palestine Poster Project Archives
    The Liberation Graphics Collection of Palestine Posters - Nominated to UNESCO’s Memory of the World Program 2016-2017
    About the Palestine Poster Project Archives

    This website has been created to mark headway on my masters’ thesis project at Georgetown University. It is a work-in-progress.

    I first began collecting Palestine posters when I was a Peace Corps volunteer in Morocco in the mid-1970s. By 1980 I had acquired about 300 Palestine posters. A small grant awarded with the support of the late Dr. Edward Said allowed me to organize them into an educational slideshow to further the “third goal” of the Peace Corps: to promote a better understanding of other peoples on the part of Americans. Over the ensuing years, while running my design company, Liberation Graphics, the number of internationally published Palestine posters I acquired steadily grew. Today the Archives numbers some 5,000 Palestine posters from myriad sources making it what many library science specialists say is the largest such archives in the world.

    The Palestine poster genre dates back to around 1900 and, incredibly, more Palestine posters are designed, printed and distributed today than ever before. Unlike most of the political art genres of the twentieth century such as those of revolutionary Cuba and the former Soviet Union, which have either died off, been abandoned, or become mere artifacts, the Palestine poster genre continues to evolve. Moreover, the emergence of the Internet has exponentially expanded the genre’s network of creative contributors and amplified the public conversation about contemporary Palestine.

    My research has two major components: (1) the development of a curriculum using the Palestine poster as a key resource for teaching the formative history of the Palestinian-Zionist conflict in American high schools. This aspect of my work is viewable in my New Curriculum and; (2) the creation of a web-based archives that displays the broadest possible range of Palestine posters in a searchable format with each poster translated and interpreted.

    This library and teaching resource allows educators, students, scholars, and other parties interested in using the New Curriculum to incorporate Palestine posters into classroom learning activities. Titles included are from the Liberation Graphics collection, the Library of Congress, the Central Zionist Archives in Jerusalem, the International Institute of Social History in Amsterdam, Yale University, the University of Chicago and a host of other sources. To facilitate my research I have broken the genre of the Palestine poster into four sources, or wellsprings.

    These wellsprings are:

    1) Arab and Muslim artists and agencies

    2) International artists and agencies

    3) Palestinian nationalist artists and agencies

    4) Zionist and Israeli artists and agencies

    For the purpose of this research project, I have arbitrarily defined a “Palestine” poster as:

    1) Any poster with the word “Palestine” in it, in any language, from any source or time period;

    2) Any poster created or published by any artist or agency claiming Palestinian nationality or Palestinian participation;

    3) Any poster published in the geographical territory of historic Palestine, at any point in history, including contemporary Israel;

    4) Any poster published by any source which relates directly to the social, cultural, political, military or economic history of Palestine; and/or

    5) Any poster related to Zionism or anti-Zionism in any language, from any source, published after August 31, 1897.

    The majority of posters in this archives are printed on paper. However, an increasing number of new Palestine posters are “born digitally” and then printed and distributed locally, oftentimes in very small quantities. This localization represents a sea change in the way political poster art is produced and disseminated. Traditionally, political posters were printed in a single location and then distributed worldwide. The global reach of the internet combined with the rising costs of mass production is shifting production away from large centralized printing operations to a system controlled more by small end-users in myriad locations.

    Electronic, digitally created images included in this archives meet these requirements: they are capable of being downloaded and printed out at a size at least as large as 18” X 24” and they deal substantially with the subject of Palestine. Computer generated images will be identified as such. I am uploading posters in what may appear to be a haphazard order; actually the order is a reflection of the way(s) in which many of the posters were originally collected, stored, and digitized on CDs over the past fifteen years.

    As time and funds permit, I will be uploading the entire archives.

    I want to specifically thank the following people without whose assistance I would not have been able to even begin this research: Dr. Lena Jayyusi, for both her thorough critique of the New Curriculum as well as her steadfast moral support over many years; Dr. Rochelle Davis, my academic advisor at Georgetown who gave me the freedom to explore the questions of most interest to me and who encouraged me to look at the genre from visual anthropology and ethnographic perspectives; Catherine Baker, who has provided creative, editorial and moral support of incalculable value to me and to whom I am forever indebted; Dr. Eric Zakim, the director of the Joseph and Alma Gildenhorn Institute for Israel Studies at the University of Maryland at College Park whose translations of the Hebrew text in the Zionist/Israel poster wellspring and whose breadth of knowledge of Zionist history and iconography proved indispensable; Dr. Elana Shohamy of Tel Aviv University for opening up to me the worlds of Jewish language history, Israeli language policy and perhaps most importantly, the principles of language rights, and; Richard Reinhard whose early and complete review of the New Curriculum helped keep me on schedule and in focus.

    Special thanks are also due Jenna Beveridge, the Academic Program Coordinator at Georgetown’s Center for Contemporary Arab Studies, without whose guidance through the halls of academia I would have been hopelessly lost. There are, in addition, legions of people who over the years have encouraged me to persevere in this work. I will make it a point to thank them at regular intervals in the progress of this project.

    Dan Walsh Silver Spring, MD April 2009