person:elsa dorlin

  • Un « Féminisme pour les 99% »
    https://radioparleur.net/2019/06/05/un-feminisme-pour-les-99-rencontre-avec-nancy-fraser-et-elsa-dorlin

    Qu’est-ce qu’un « Féminisme pour les 99% » ? Au sein de la Parole Errante à Montreuil, Nancy Fraser, philosophe américaine majeure des Gender Studies et Elsa Dorlin, philosophe, militante et professeure à l’université Paris 8 se rencontrent pour en débattre. Les deux militantes féministes échangent autour de l’ouvrage du même nom Un féminisme pour les 99%. Un manifeste, co-écrit par Nancy Fraser, Tithi Bhattacharya et Cinzia Arruzza. Durée : 1h18. Source : Radio Parleur

    https://file.ausha.co/JiKO46k6YwcPYrwzoVCDMLdY1fIrOni77irMyCUd.mp3

  • Faire genres !
    http://www.radiopanik.org/emissions/les-promesses-de-l-aube/faire-genres--11

    Faire #genre ! glisse ses pieds dans les pantoufles des Promesses de l’Aube et vous propose une matinale antipatriarcale, queer et féministe.

    En ce 19 avril, Charlotte nous a parlé de #féminisme et de psychanalyse, en présentant le livre de Christiane Olivier « Les enfants de Jocaste ».

    Lisa a présenté un des courants du féminisme : le féminisme queer.

    Conseils lecture à ce sujet : Judith Butler « Défaire le genre », Teresa de Lauretis « Théories queers et culture populaire : de Foucault à Cronenberg », Gayle Rubin « Surveiller et jouir, anthropologie politique du sexe », Elsa Dorlin « Matrice de la race : généalogie sexuelle et coloniale de la nation française », Paul Preciado « Testo-junkie », Sam Bourcier « queer zones ».

    Sarah nous a parlé de Lacan et de ses théories sur le langage. L’extrait où (...)

    #féminisme,genre
    http://www.radiopanik.org/media/sounds/les-promesses-de-l-aube/faire-genres--11_06579__1.mp3

  • Eric Fassin - Le mot race – Cela existe (1/2) | AOC media - Analyse Opinion Critique
    https://aoc.media/analyse/2019/04/10/race-existe-1-2

    Pourquoi, malgré les malentendus possibles, s’exposer encore à utiliser le mot race aujourd’hui ? C’est que l’antiracisme ne peut plus se définir seulement dans les termes des années 1980 : à l’époque de la montée du Front national, on appréhendait le racisme comme une idéologie revendiquée, autrement dit, à partir des racistes. Or, dès les années 1990, il a bien fallu prendre conscience d’une autre forme de racisme, non moins grave dans ses conséquences : les discriminations raciales. Celles-ci procèdent de logiques systémiques ; il s’agit d’un racisme structurel, qui dépasse le racisme intentionnel. Cet élargissement de la définition, du racisme idéologique au racisme sociologique, implique un changement de perspective : partir des effets, plutôt que des intentions (bonnes ou mauvaises), c’est adopter le point de vue des personnes qui subissent la domination raciale, et non de celles qui en sont, fût-ce à leur corps défendant, les bénéficiaires. C’est la même démarche qui amène les études féministes à rompre avec une vision masculine pour appréhender les violences de genre dont les femmes sont victimes du point de vue des femmes.

    On peut donc être confronté, non seulement à un « racisme sans race » (comme on l’a déjà vu), mais aussi à un « racisme sans racistes » : au-delà des intentions individuelles ou des idéologies politiques, c’est un mécanisme social qui est à l’œuvre. Or c’est justement cette reformulation, où le sujet raciste n’est plus central, qui nous invite à penser en termes de race, autant voire plus que de racisme. Il s’agit moins de pointer des coupables que d’analyser, avec le concept de race, un fonctionnement. Et le déplacement de perspective, vers les victimes du racisme, permet également de penser la racialisation, en termes foucaldiens, à la fois comme assujettissement et comme subjectivation : c’est en ce double sens d’assignation et d’identification qu’on utilise le mot « racisé ».

    La « matrice de la race », pour reprendre le titre d’Elsa Dorlin, s’entend aussi de deux manières complémentaires, conjuguant les génitifs objectifs et subjectifs : la race a une matrice, et en même temps elle en est une. C’est ainsi qu’on peut comprendre la Critique de la raison nègre d’Achille Mbembe. Dans cet essai théorique, l’historien et politiste ne traite pas tant des Noirs ou des Blancs que, plus largement, d’un « devenir-nègre du monde ». En effet, « la critique de la modernité demeurera inachevée tant que nous n’aurons pas compris que son avènement coïncide avec l’apparition du principe de race et la lente transformation de ce principe en matrice privilégiée des techniques de domination, hier comme aujourd’hui. » Certes, les races n’ont pas d’existence scientifique, mais « le principe de race », c’est-à-dire la race, « cela existe », comme disait la sociologue féministe Colette Guillaumin.

    #Racisme #Eric_Fassin

  • je fais passer ce message de C. de Trogoff adressé à la liste du Terrier :

    Chers tous,
    il reste quelques TROU le queerzine de PCCBA avec de vrais bouts de textes dedans et même des dessins et de la BD...
    Albane Moll, Sidsel, L.L. de Mars, Lost-Opium, Célia Portet, Pole Ka, Jo H, Charon Mavado, Doublebob... vous livrent leurs visions queer, Jacques Ars nous raconte les luttes homos des années 80 et une archive d’ACTUEL nous rappelle les « New-York Dolls ».

    Vous pouvez le commander ici : http://le-terrier.net/pccba

    et elle ajoute (je l’ai pas lu moi-même mais ça a l’air vraiment pas mal)

    Et si les questions de genre ou de binarité vous intéressent je vous
    conseille la lecture de Thierry Hoquet « Le sexe biologique » (tome 1
    femelles et mâles ? Histoire naturelle des (deux) sexes) qui parce
    qu’il est moins connu que le « Trouble dans le genre » de Butler ou le
    « Testo junkie » de Preciado peut passer à la trappe et ce serait
    vraiment dommage.
    Proche d’Elsa Dorlin et de la cyborg philosophy, il se propose
    d’interroger la différence des sexes à travers le prisme (biaisé ?) de
    la science et les prolongements philosophiques et sociaux de nos
    connaissances actuelles en biologie.
    Le livre est extrêmement bien documenté avec une quarantaine de textes (d’Hippocrate à nos jours en passant par Darwin ; de Buffon à
    Fausto-Sterling en passant par Gourmont), analysés points par points, dessins, gravures, schémas.
    Bon, ensuite interro surprise sur la reproduction des algues et des
    bactéries, vous serez imbattables.

    #queer #transidentité

  • #Violence ?
    « Où sont les casseuses » ?
    Les #GiletsJaunes (mais pas que) à travers le prisme de la masculinité.
    Des casseurs, des gonades sur la table et un gouvernement viriliste... Paroles musclée d’Elsa Dorlin, révoltées par Victoire Tuaillon pour l’excellentissime émission Les couilles sur la table. (Difficile pour moi de me dire activiste non-violente sans réfléchir au poids des normes sociétales sur les femmes à ce sujet)
    https://www.binge.audio/ou-sont-les-casseuses-2

  • La légitime défense, une « arme au service des dominants »
    https://www.mediapart.fr/journal/france/071118/la-legitime-defense-une-arme-au-service-des-dominants

    Dans Légitime défense. Homicides sécuritaires, crimes racistes et violences policières (CNRS éditions, septembre 2018), Vanessa Codaccioni retrace l’évolution de cette notion, montrant comment l’État français a réussi, par une politique volontariste, à faire diminuer depuis les années 1990 ces homicides en légitime défense. L’historienne met également en garde contre la tentation, sur le modèle du Canada, d’étendre cette notion aux femmes battues qui tuent leur compagnon. Entretien.

    Vous décrivez un véritable Far West français dans les années 1980-1990. Comment expliquer cette multiplication des homicides présentés en légitime défense ?

    Vanessa Codaccioni : Il y a plusieurs raisons. La politisation de l’insécurité par le gouvernement, les médias ainsi que le marché de l’autodéfense va se conjuguer à la hausse des atteintes aux biens, qui débute dans les années 1950. Dans les années 1970, on atteint un pic de vols et cambriolages. De cette utilisation des chiffres du crime et de la peur du crime résulte une augmentation du sentiment d’insécurité de la population.

    Il y a une popularisation de la notion de légitime défense, qui était tombée en désuétude. Dans les archives du magistrat Étienne Bloch, fondateur du Syndicat de la magistrature, j’ai trouvé une petite note qui disait : « On ne parlait plus de la légitime défense et aujourd’hui on ne parle que de ça. » En 1978, une association nommée Légitime défense va médiatiser ce sujet, en appelant les citoyens à s’armer contre les délinquants, les voleurs, à leur tirer dessus, en leur promettant l’acquittement. Cette association fait croire qu’existe un droit à la légitime défense, ce qui est faux, et qu’en plus, il y a une impunité à tuer un supposé cambrioleur.

    Pourquoi la légitime défense n’est-elle pas un droit ?

    Historiquement, elle a toujours été considérée comme un droit. Si vous êtes attaqué, vous vous défendez, vous pouvez même tuer pour protéger votre vie. C’est un droit à l’autoconservation. Mais au Moyen Âge, une rupture se produit : on considère que ces actes de légitime défense sont assimilables à une forme de justice privée. Or la construction de l’État et d’une justice publique suppose l’éradication de cette justice privée. Les actes de légitime défense deviennent un crime excusé. Les juges vont vérifier qu’il y a bien eu légitime défense.

    C’est aussi un moyen pour le roi de disciplinariser les nobles. À partir du XVIe siècle, si un noble tue et se déclare en état de légitime défense, il doit demander le pardon du roi et des juges dans une cérémonie où il se met à genoux. On passe ainsi d’un droit à un crime excusable. Dans le premier code pénal de 1810, la légitime défense devient une cause d’irresponsabilité pénale, comme la folie. Si vous êtes reconnu en état de légitime défense, vous n’êtes pas jugé, vous êtes libre et n’allez même pas en prison.

    Un personnage relie votre précédent travail sur la justice d’exception et ce livre sur la légitime défense : François Romerio, ex-président de la Cour de sûreté de l’État et créateur de l’association Légitime défense.

    C’est un personnage incroyable. François Romerio est un juge de l’exception : un juge qui a toujours exercé des fonctions d’exception ou qui a toujours recherché la proximité avec les politiques. Cet ancien juge colonial a exercé en Indochine, où il mettait en œuvre une justice coloniale. Il était donc déjà habitué à des pratiques arbitraires. Il a été président des assises, puis de la Cour de sûreté de l’État de 1965 à 1975. Pendant dix ans, il a jugé les ennemis politiques : l’OAS [Organisation armée secrète], les manifestants de mai 1968, les maos de la Gauche prolétarienne, les premiers indépendantistes corses, basques, bretons. Et dans ses mémoires, François Romerio fait une distinction très claire entre les ennemis politiques et les droits-communs, pour lesquels il a une véritable aversion. Ce qui va se manifester dans la création de l’association Légitime défense, clairement dirigée contre ce qu’il appelle la « racaille » et la « vermine ».

    À la Cour de sûreté de l’État, avait-il une pratique aussi sévère ?

    Non, au contraire, il avait presque une forme d’admiration pour les ennemis politiques déférés devant ce tribunal d’exception [créé en 1963 et dissous en 1981 – ndlr]. Par exemple, il leur permettait de parler pendant des heures. Il acceptait que des militants du FLNC fassent de longues déclarations politiques. Les journalistes n’avaient jamais vu ça. En revanche, après son départ à la retraite, son discours devient extrêmement répressif. Il diffuse une idéologie sécuritaire très conservatrice. Il a un discours d’animalisation du délinquant : c’est un loup, c’est un chien, une bête sauvage. Et si c’est une bête, ce n’est donc pas un homme, on peut le tuer. Son discours est presque d’eugénisme : le délinquant ronge la société française. Il faut assainir la société, presque dans une perspective évolutionniste.

    Et, chose importante, François Romerio considérait que le délinquant n’est pas récupérable. Pour la droite et l’extrême droite, la criminalité ne peut s’expliquer par des facteurs sociaux – enfance difficile, parcours scolaire difficile, précarité – mais uniquement par l’égoïsme. C’est pour cela qu’il existe toujours un lien entre la légitime défense et la peine de mort. Vu que les délinquants ne sont pas récupérables, il faut les tuer par la peine de mort ou par la légitime défense. Quand on a commencé à évoquer l’abolition de la peine de mort, à la fin des années 1970, François Romerio a prévenu qu’il resterait la légitime défense, perçue comme un palliatif à cette abolition.

    Comment ce Far West se traduit-il dans les faits ?

    Entre 1978 et 1980, uniquement en termes de crimes sécuritaires, il y a 41 cambrioleurs ou voleurs supposés qui périssent dans le cadre de la légitime défense en France. La plupart sont des faux cas de légitime défense.

    Outre ces crimes sécuritaires, parmi les nombreux cas présentés comme des « affaires de légitime défense » par la presse, beaucoup sont en réalité, selon vous, des bavures policières et des « crimes racistes ». Comment l’expliquez-vous ?

    L’association Légitime défense naît d’un comité de soutien au brigadier de police Marchaudon qui, en 1977, a vidé son chargeur sur un jeune Algérien de 21 ans, Mustapha Boukhezer, qui rôdait autour d’un bureau de poste. En 1974, ce brigadier avait déjà tué un jeune Algérien de trois balles dans le dos, au métro Anvers. C’est un récidiviste.

    À partir des années 1970, les affaires de bavure policière sont beaucoup plus médiatisées. Les policiers ont toujours beaucoup tué, mais on parlait finalement peu de ces homicides. Pensez au silence qui a entouré le 17 octobre 1961. Mon hypothèse est qu’on en parle davantage parce que ces affaires sont dites « en légitime défense », qui est alors un sujet d’actualité.

    L’un des cas les plus connus est celui, en 1972, de Mohamed Diab, un chauffeur de poids lourd algérien tué d’une rafale de pistolet-mitrailleur par un sous-brigadier, au prétexte qu’il se serait rebellé dans le commissariat. Sauf que le sous-brigadier a dit, avant de le mitrailler : « Oui, je te tue, sale race, je te tue. » Le sous-brigadier ne sera jamais jugé, il bénéficiera d’une ordonnance de non-lieu. Il y a quelques rares procès de policiers, qui sont pour la plupart acquittés.

    Puis, parmi les homicides dits en légitime défense, il y a ce que j’appelle les homicides querelleurs. Ce sont des hommes qui se disputent, le beau-père et son ex-beau-fils, deux personnes en conflit dans une petite ville, et ça finit mal. Enfin, il y a énormément de crimes racistes qui sont justifiés par la légitime défense à partir de la fin des années 1970.

    Pour comprendre la légitime défense, vous vous intéressez au profil tant des auteurs que des victimes. Quel est-il ?

    Ceux qui tuent en état de légitime défense sont toujours des hommes. De 1978 au milieu des années 1990, il n’y a qu’un seul cas de femme, c’est l’affaire de la boulangère de Reims qui, en 1989, tue d’une balle dans la tête Ali Rafa parce qu’il aurait voulu voler des pains au chocolat. Le phénomène des femmes battues qui retournent la violence contre leur conjoint, à l’image de Jacqueline Sauvage, est extrêmement récent.

    Mon point de départ est de vouloir déconstruire cette idée selon laquelle la légitime défense est une arme pour les plus faibles. C’est le discours tenu historiquement par les juristes, les hommes politiques, les criminologues. Or, quand on regarde qui tue et qui est tué, on voit très bien que c’est l’inverse. La légitime défense est une arme au service des dominants, c’est-à-dire ceux qui ont toujours monopolisé la violence. Ce n’est qu’une disposition de plus qui permet aux détenteurs du monopole de la violence de tuer presque en impunité : des hommes qui ont des armes, des chasseurs, des policiers, des vigiles.

    Toujours des hommes d’âge mûr, blancs, qui exercent des professions qui peuvent leur attirer de la sympathie – commerçants, artisans, garagistes – ou dites respectables comme les policiers, les vigiles. Ce profil d’honnêtes gens leur sert au moment du procès. Ces hommes n’étaient pas prédestinés à tuer. Alors, s’ils sont des honnêtes gens, ce sont les personnes en face qui n’étaient pas des gens respectables. Cela joue en miroir contre ceux qui sont tués.

    Qui sont-ils ?

    Ce sont plutôt des jeunes en situation d’exclusion sociale, soit au chômage, soit exerçant des petits boulots précaires, souvent vivant en banlieue et souvent racisés, noirs ou arabes. Dans la période 1978-1990 sur laquelle j’ai travaillé, ce sont souvent des jeunes de banlieue issus de l’immigration maghrébine. La moyenne d’âge est de 22 ans. Certains sont très jeunes. Ce sont des « délinquants », des « racailles », donc, dans cette façon de penser, ils sont tuables, quel que soit leur âge. Il y a presque deux idéotypes opposés : les honnêtes gens ou les bons flics, et la racaille. Souvent, les personnes tuées avaient un passé de délinquance, étaient connues des services de police ou avaient un casier judiciaire. Et ça va justifier leur mort.

    De façon étonnante, vous racontez que l’association Légitime défense va militer pour faire passer ces procès du tribunal correctionnel aux assises.

    Les affaires de légitime défense sont des procès qui vont toujours être politisés. Il y a toujours un enjeu politique derrière : le droit de posséder des armes, de défendre sa vie, ses biens, son commerce, etc. Les affaires de légitime défense ont toujours été jugées au tribunal correctionnel, qu’il s’agisse de policiers ou de citoyens. Mais ce n’est pas la bonne juridiction pour politiser la légitime défense, car c’est un petit tribunal, qui ne permet pas de faire des grandes plaidoiries politiques, des grands défilés de témoins. Et les magistrats professionnels du tribunal correctionnel sont plutôt sévères envers les auteurs de légitime défense. Ils condamnent souvent symboliquement à du sursis ou à une peine d’amende pour signifier qu’il y a eu mort d’homme.

    Or le fait qu’un auteur d’homicide dit défensif soit condamné, même à du sursis, est inacceptable pour les avocats de Légitime défense. Ils vont demander que leurs clients soient passibles des assises, ce qui est du jamais-vu : des avocats qui demandent à aggraver la situation pénale de leurs clients. Ils disent : ce n’est pas un homicide involontaire puisque mon client avait vraiment l’intention de tirer sur cette personne. C’est très risqué, car les peines en cour d’assises peuvent être beaucoup plus lourdes. Mais c’est une stratégie payante : les jurys vont acquitter très majoritairement les tireurs.

    Au début des années 1980, l’État veut être de plus en plus sévère contre les auteurs de légitime défense en les traduisant devant les cours d’assises. Deux camps opposés, qui réclament l’un la limitation de la légitime défense, l’autre son extension, vont se retrouver sur la juridiction où les tireurs doivent être jugés, la cour d’assises.

    Comment les cours d’assises traitent-elles ces homicides ?

    Ma thèse est que la légitime défense impose aux jurés d’assises une problématique particulière. On passe de la question habituelle : « L’accusé est-il coupable ou innocent ? », à une autre question : « L’accusé a-t-il tiré en état de légitime défense ? ». Ce qui modifie complètement les questions des juges, la plaidoirie des avocats, la perception des jurés.

    Le juré d’assises va toujours s’identifier avec celui qui a tiré parce qu’il y a des proximités en termes de classe sociale et de vision du monde. Les jurés d’assises ont toujours été très sévères envers les atteintes aux biens. Dans une société où on martèle qu’il y a de l’insécurité, les jurés ont tendance à acquitter celui qui a tiré sur un voleur supposé, aperçu sur un toit, en train de s’enfuir dans leur jardin.

    Il y a cette croyance qu’on peut défendre ses biens par les armes, alors qu’en France l’atteinte aux biens a toujours été exclue des crimes de sang. On peut être excusé si on tue en état de légitime défense, quand on protège sa vie, mais pas quand on protège un bien, sauf si on entre chez vous la nuit ou qu’on essaie de vous voler avec une extrême violence.

    Le profil de la victime semble également déterminant. Qu’attend-on d’une bonne victime ?

    Les jurys d’assises ne jugent pas tant celui qui a tiré que celui qui a été tué. C’est le mort qui est en procès : avait-il une bonne vie ? Était-il un délinquant ? Était-il en train de commettre un crime ou un délit ? Dans ces procès, on assiste à une criminalisation post mortem de la personne tuée. Cela débouche souvent sur deux affirmations : soit « il l’a bien mérité », soit « il est responsable de son propre décès », s’il commettait un délit au moment où il a été tué. Par exemple, quand un voleur est tué, les avocats du tireur diront que ce sont les risques du métier.

    Les bonnes victimes de la légitime défense sont très rares. Il n’y a que trois configurations où les tireurs sont condamnés et où la famille de la victime peut obtenir justice. Premier cas, les jurés ne peuvent vraiment pas croire que la personne était en état de légitime défense parce qu’elle a inventé une menace ou a maquillé la scène du crime. Les jurés ne peuvent alors pas croire à sa peur.

    Deuxième cas, lorsque le tireur a un rapport problématique aux armes, est un fanatique des armes. C’est le cas du gardien de supermarché qui a tué Moussa Mezzogh, qui venait de dérober des blousons. Il a été condamné à cinq ans de prison, dont trois avec sursis. La police avait trouvé chez lui un arsenal.

    Le troisième cas, c’est lorsque le racisme est reconnu comme le mobile unique. Dans les crimes racistes, pour que la question du racisme apparaisse lors des audiences, il faut qu’il n’existe aucune autre possibilité. Pour que la thématique du racisme apparaisse, il faut que la personne tuée soit « blanche comme neige », si je peux me permettre l’expression : qu’elle n’ait aucun passé délinquant et ne fasse absolument rien au moment où elle est tuée.

    Les médias ont un rôle très important, car ils participent à l’idéologie de l’insécurité en mettant l’accent sur les faits divers. Et ils ont tendance à participer à la criminalisation post mortem de la victime. Soit ils ne parlent pas de la personne tuée, qui est invisibilisée, soit ils insistent sur sa mauvaise conduite.

    Aujourd’hui, hors quelques cas médiatisés comme celui du bijoutier de Nice, en 2013, les homicides en légitime défense ont diminué. Comment l’expliquer ?

    Il y a effectivement de moins en moins de cas de légitime défense mortels. Entre 2015 et 2017, il y a eu une cinquantaine de cas où l’argument de la légitime défense est avancé au procès, dont moins d’une dizaine mortels. Donc, moins de dix cas mortels en deux ans contre quarante cas mortels juste pour des cambriolages ou des vols en 1978 et 1980.

    Cela rentre dans un processus plus général de pacification des mœurs, mais aussi dans une politique volontariste de l’État français pour réduire la légitime défense. Il limite les ventes d’armes d’autodéfense les plus utilisées, notamment la carabine 22 long rifle. Dans les années 1980, on achetait ces armes à la FNAC, au BHV, sur catalogue à La Redoute, etc.

    Mais l’État ne pourra jamais limiter l’une des principales armes de légitime défense : le fusil de chasse. Les cas récents montrent que c’est ce fusil de chasse qui est utilisé dans les affaires mortelles dites de légitime défense.

    À partir de 1994, il inclut dans le code pénal des critères, issus de la jurisprudence, qui encadrent la légitime défense : l’immédiateté, la simultanéité, la proportionnalité et la nécessité d’avoir une menace réelle et non imaginaire. Et l’État impose ce qu’est une bonne autodéfense : appeler la police, ne pas garder d’argent chez soi, s’assurer contre le vol, ne pas ouvrir quand on frappe, être très méfiant. L’État français construit un sujet résilient, acteur de sa propre sécurité, qui développe des sentiments de suspicion envers autrui mais qui a confiance envers la police.

    Reste l’exception policière : les policiers ont eux, au contraire, connu ces deux dernières années une extension du champ de la légitime défense, au nom de la menace terroriste.

    La légitime défense policière s’analyse comme un dispositif d’exception qui, après les attentats du 13 novembre 2015 et après l’état d’urgence, est devenu permanent. J’ai découvert que la France avait déjà étendu la légitime défense pour les policiers à deux reprises, sous Vichy et pendant la guerre d’Algérie, en leur permettant d’utiliser plus facilement leurs armes. Ce sont les moments les plus répressifs de notre histoire récente, où on a inventé le plus de dispositifs d’exception et dans lesquels on va puiser des mesures aujourd’hui, dans le cadre de la lutte antiterroriste.
    Sous Vichy et pendant la guerre d’Algérie, on avait déjà aligné la légitime défense policière sur les règles d’ouverture du feu militaires, dans un cas, pour abattre plus facilement des résistants, dans l’autre, pour abattre des indépendantistes ou leurs soutiens. Mais après Vichy et après la guerre d’Algérie, on avait refermé cette parenthèse. La légitime défense policière était redevenue ordinaire.

    Après les attentats, au contraire, on a étendu par deux lois, en 2016 et 2017, la possibilité pour les policiers de tirer. C’était une très vieille revendication, à la fois des syndicats de policiers et de la droite et de l’extrême droite, au moins depuis le début des années 1980. Et tous les chefs d’État, gouvernements, tous les ministres de l’intérieur s’y étaient toujours opposés. Même Charles Pasqua, connu pour avoir couvert de graves bavures policières, était contre, car il disait que c’était trop dangereux. En 2015, dans le contexte traumatique post 13-Novembre et de l’état d’urgence où l’État a beaucoup demandé aux policiers, il a accédé à leurs revendications.

    Cela a-t-il eu un impact sur le nombre de personnes tuées par la police ?

    Je ne crois pas. Il y a eu 14 morts l’an dernier, or on sait que la police a tué plus de 450 personnes en 40 ans [de juillet 2017 à mai 2018, 14 personnes ont été tuées lors d’opérations policières, selon un recensement inédit de l’IGPN, qui ne comptabilisait pas ces morts auparavant – ndlr]. En revanche, il y a une augmentation exponentielle du nombre de tirs policiers. En 2017, la police a tiré 394 fois, soit une augmentation de 54,5 % par rapport à 2016. Il va falloir observer les effets de ces lois sur le temps long.

    Après les attentats à Londres de 2005, les officiers de Scotland Yard ont adopté la théorie du shooting to kill, qui vise à abattre le plus rapidement possible un potentiel terroriste avant qu’il ne déclenche une possible ceinture d’explosifs. Quelques semaines après l’adoption de cette doctrine, en juillet 2005, un électricien brésilien, Jean Charles de Menezes, a été tué de sept balles dans la tête, dans le métro londonien, par deux policiers qui l’avaient pris pour un suspect pakistanais. Cela a été considéré comme une affaire de légitime défense.

    Une nouvelle problématique s’est mise en place, qui est celle du « faire mourir le terrorisme ». Michel Foucault parlait des techniques du « faire mourir » et du « laisser vivre ». Aujourd’hui, il me semble que nous sommes dans une réflexion sur le « faire mourir les terroristes ». Comment les tuer ? À quel moment ? Cela répond à la militarisation de la police, qui fait suite à cette expression entendue partout après le 11 septembre 2001 : « On est en guerre. » Si nous sommes en guerre, alors la police doit pouvoir tuer, comme l’armée, et avoir une possibilité de tir plus étendue sans être inquiétée par la justice.

    Et chez nos voisins européens, comment cette législation sur la légitime défense évolue-t-elle ?

    C’est assez inquiétant. Nos voisins européens sont dans une démarche totalement différente de la nôtre sur la légitime défense citoyenne. Au début des années 2000, le Royaume-Uni a par exemple entamé une réflexion sur la possibilité d’étendre la légitime défense pour les particuliers, notamment quand il s’agit de cambriolage. En 2008, une loi a mis en place la légitime défense subjective, qui a toujours été refusée en France. C’est considérer que quelqu’un qui croyait honnêtement être en légitime défense ne sera pas inquiété par la justice. Celle-ci s’applique aussi aux policiers.

    Le pire à venir est en Italie. La Ligue du Nord a fait de la légitime défense un enjeu central de ses campagnes en politisant les affaires de vols, de cambriolages. En 2015, elle a réussi à la faire étendre. Et le ministre de l’intérieur Matteo Salvini, qui porte des tee-shirts en faveur de la légitime défense [comme ici, en mai 2017 – ndlr], défend des propositions de loi pour aller plus loin. Ce qui est très préoccupant, car il y a énormément d’armes en circulation en Italie, avec un fort lobby des armes. Et ce n’est pas un hasard si, depuis quelques mois, on assiste à une multiplication des fusillades racistes visant des Noirs.

    Sans parler de la République tchèque, qui dit qu’il faut s’armer contre les terroristes islamistes. Avec notre État centralisé très fort qui veut centraliser la violence, nous sommes un peu une exception par rapport à nos voisins.

    Aujourd’hui, certaines féministes revendiquent une extension de la légitime défense aux femmes battues, comme c’est déjà le cas au Canada, au vu notamment du cas de Jacqueline Sauvage, condamnée pour le meurtre de son mari. Cela vous semble-t-il souhaitable ?

    En France, les femmes battues ne sont jamais reconnues en état de légitime défense, car deux critères leur font défaut quand elles tirent. Celui de la simultanéité : il faut que la femme tue son compagnon violent au moment même où elle est battue, ce qui est extrêmement rare. C’était le cas d’Alexandra Lange qui, en 2009, a poignardé son mari au moment où il l’étranglait. Elle a été acquittée en avril 2012. Mais souvent, les femmes les tuent après la séquence de violence conjugale, soit d’une balle dans le dos, soit dans leur sommeil. Et il y a celui de la proportionnalité : peut-on tirer sur quelqu’un qui vous a donné une gifle ?

    Le cas le plus ahurissant est celui de Fatiha Taoui, condamnée en mars 2018 à cinq ans de réclusion criminelle, dont trois ferme, aux assises de la Haute-Vienne. Elle a été battue pendant plusieurs années, son mari avait été condamné trois fois pour violences conjugales et harcèlement, il avait des injonctions à ne pas s’approcher du domicile. Il défonçait sa porte à coups de hache, il la menaçait de mort, elle et ses enfants. Un soir, il est arrivé avec un fusil de chasse chez elle et elle l’a tué. Les juges ont trouvé son discours incohérent, car elle a affirmé l’avoir abattu dans un corps à corps, alors qu’elle a utilisé un fusil long. C’est représentatif, car les femmes qui tuent leur conjoint ne sont quasiment jamais reconnues en état de légitime défense.

    Au Canada, en 1990, une législation a créé la légitime défense différée. Elle supprime ce critère de simultanéité. Un expert décide si la femme qui a tué est atteinte d’un syndrome de la femme battue (SFB). Ce qui est une manière aussi de pathologiser ces femmes, mais cela leur permet de pouvoir mobiliser la légitime défense comme les hommes. On considère qu’elles ont tellement été battues qu’elles ne sont plus en état de décider si c’est bien ou mal au moment où elles tirent.

    Est-ce transposable en France ?

    Je suis réservée parce que la légitime défense a été faite pour les hommes, ceux qui disposent des armes, qui monopolisent la violence, qui vont à la chasse, qui sont inscrits dans un club de sport de tir. Ne faut-il pas laisser la légitime défense aux hommes et imaginer autre chose ?

    En tout cas, il faut être extrêmement prudent dès qu’on parle d’extension de la légitime défense, pour deux raisons. En Angleterre, on a étendu la légitime défense citoyenne. Immédiatement, ça s’est appliqué aux policiers. En 2014, Christian Estrosi (LR) et Éric Ciotti (LR) avaient déposé une proposition de loi pour étendre la légitime défense pour les commerçants. Ils ont justifié cette extension en prenant l’exemple des femmes battues au Canada ! C’est-à-dire que les causes féministes peuvent être utilisées pour justifier la légitime défense des dominants et des hommes.

  • Elsa Dorlin : La #violence comme seul moyen de faire histoire
    https://archive.org/details/CQFD_Elsa-Dorlin_VIOLENCE


    Elsa Dorlin : La violence comme seul moyen de faire histoire paru dans CQFD n°165 (mai 2018) , par Jean-Baptiste Bernard , illustré par Vincent Croguennec " Les livres, ceux qui comptent du moins, n’adviennent pas par hasard....This item has files of the following types : Archive BitTorrent, JPEG, JPEG Thumb, Metadata, Windows Media Audio

    #audio/opensource_audio

  • Elsa Dorlin : La violence comme seul moyen de faire histoire
    http://cqfd-journal.org/Elsa-Dorlin-La-violence-comme-seul

    Tel est le paradoxe des démocraties libérales. Elles prétendent que les individus sont libres, tout en déployant une répression militaire face à la création de formes de vie se situant hors du cadre de la production capitaliste néo-libérale. L’actuelle brutalisation des mouvements sociaux est destinée à faire passer aux gens l’envie de résister – mais aussi de vivre. Je pense à la journée festive organisé à Beaumont-sur-Oise fin avril par le collectif Vérité pour Adama : kermesse, jeux gonflables, initiation à la boxe… Les familles, les enfants rassemblés ont vu débarquer des fourgons de CRS, qui ont quadrillé le quartier comme s’il s’agissait d’un dangereux rassemblement terroriste.

    C’est la vie qu’on tente d’abattre. Il s’agit de faire peur, de faire mal, de marquer les corps de ceux qui s’opposent. C’est flagrant depuis les mobilisations contre la loi Travail. Je pense à certains de mes étudiant.e.s, qui ont participé au mouvement et ont subi les charges policières. Ils ont été marqué dans leurs corps. C’est une expérience qu’ils et elles ne sont pas prêts d’oublier – la peur s’est inscrite en eux comme une expérience première du politique. Dans ces conditions, la politisation est d’abord et avant tout une conversion de cette expérience de la peur : pour moi, ça relève de l’autodéfense

    https://soundcloud.com/radiocampus/podcast-elsa-dorlin-se-defendre-une-philosophie-de-la-violence-radio-gre

    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Se_d__fendre-9782355221101.html

    #démocratie_réelle #violence_d'Etat #répression #police #acab #Elsa_Dorlin,

  • Elsa Dorlin : La violence comme seul moyen de faire histoire | Jean-Baptiste Bernard
    http://cqfd-journal.org/Elsa-Dorlin-La-violence-comme-seul

    Les livres, ceux qui comptent du moins, n’adviennent pas par hasard. Ils débarquent un beau matin, et c’est comme s’ils prenaient la parfaite mesure de l’air du temps. De ce qui est en train de se jouer. Ouvrages précieux par ce que se situant sur l’étroit fil du moment – ils disent le déséquilibre du monde tout en donnant des clés pour ne pas tomber. Pour comprendre ce qui est en train d’advenir, là maintenant, tout de suite. Se défendre – Une philosophie de la violence est l’un de ces livres rares. Signé de l’universitaire Elsa Dorlin, professeure de philosophie à Paris 8, il revient sur l’histoire de l’autodéfense et creuse la question du rapport à la violence, de façon lumineuse et combative. Source : (...)

  • Se défendre | Comme un poisson sans bicyclette
    http://www.zinzine.domainepublic.net/?ref=3477

    Se défendre, oui mais contre quoi ? On évoque le livre récent d’Elsa Dorlin « Se défendre », avec l’exemple particulier du « Suffrajitsu », le jiu jitsu des suffragettes. Puis une intervention de Marion Castanet et des élèves du lycée de Carmejane sur le théme de l’autodéfense quand on est une jeune fille. Et encore, la répartie comme outil d’autodéfense, le taux de mortalité des femmes noires qui accouchent aux Etats-Unis. Et enfin La zone grise du consentement. Durée : 1h04. Source : Radio Zinzine

    http://www.zinzine.domainepublic.net/emissions/COM/2018/CUP20180216-27SeDefendre.mp3

  • « #Meetoo et #balancetonporc s’apparentent à des techniques de sabotage féministe »

    Qu’est-ce que l’autodéfense politique ? Dans quelles situations une action violente peut est-elle être considérée comme légitime pour se défendre face à une oppression ? Ce sont les questionnements ouverts par le travail d’Elsa Dorlin, professeure de philosophie à l’université Paris 8, dans son récent ouvrage Se défendre, une philosophie de la violence. De la lutte contre les pogroms aux actuelles luttes féministes, en passant par le mouvement des droits civiques, l’« autodéfense politique » des groupes dominés fait toujours face aux tentatives de disqualification des tenants de l’ordre établi, qui hésitent rarement, de leur côté, à faire usage de la force brute. Entretien. https://www.bastamag.net/Meetoo-et-balancetonporc-s-apparentent-a-des-techniques-de-sabotage-femini

    #DroitsCiviques

  • Autodéfense et politique de la rage. Extrait de « Se défendre », par Elsa Dorlin (2017)
    http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=180002

    Constituer la « #sécurité » comme norme de vie n’est possible qu’à la condition de produire des insécurités contre lesquelles l’État apparaît (et se présente) comme le seul recours. Dans les années soixante-dix, les groupes de lesbiennes noires, Women of Color, Third World, ne cessent de dénoncer cette logique qui a des effets sur l’agenda du féminisme. La violence policière dont elles (et aussi leurs enfants) sont parmi les cibles privilégiées, va de pair avec la construction raciste des femmes noires réputées à ce point capables de se défendre qu’elles n’auraient pas à être défendues, pire, qu’il est nécessaire de se défendre d’elles – et à plus forte raison lorsqu’elles sont en groupe. L’équipe de softball Gente, auto-organisée en groupe d’autodéfense féministe de lesbiennes noires fondé à Oakland, souligne en 1974 combien les lesbiennes de couleur paraissent « invisibles si elles sont seules, violentes si elles sont en groupe ». En mars 1984, le journal ONYX, premier périodique états-unien lesbien africain-américain, sort un numéro dont le dessin de couverture représente un groupe de femmes noires se défendant de la violence d’un policier blanc à cheval qui vient de frapper l’une d’entre elles, étendue sur le sol.

    La promotion d’un pacte de sécurité et son incorporation dans certains agendas militants ont donc eu pour ultime conséquence, non seulement de blanchir la violence d’État, mais aussi de prédéterminer des modes de contestation et de coalition, de créer un certain type de militance, une forme d’autodéfense protectionniste, délétère parce que articulée à une cartographie émotionnelle piégée. « Se défendre » a ainsi consisté à répondre à l’injonction de « se mettre en sécurité », à s’engager dans des actions de protection en fonction de la manière dont des quartiers, des rues, des identités, des individus ou des groupes affectaient des collectifs ou des causes ; ou en fonction de ce qui leur faisait violence (un individu « menaçant », « déviant », « étranger »). Les politiques sécuritaires ont ainsi été coproduites dans et par un « système de marques affectives » : une territorialité sentimentale qui non seulement quadrille des espaces, stigmatise des corps et naturalise le rapport agression/victimation, sécurité/insécurité, Nous/Eux, peur/confiance, mais, plus encore, opère une mutation des subjectivations politiques en sentimentalisme de la menace et du risque. C’est le tournant émotionnel des luttes qui se (re)joue ici. Et le dénominateur commun sur lequel des coalitions sont possibles devient à ce point indéfendable qu’il finit effectivement par relayer les stratégies de division opérées par les dispositifs de pouvoir.

    Il faut aussi prendre la mesure de ce que ces stratégies ont fait aux collectifs eux-mêmes, aux vies militantes, aux corps militants ; les impasses dans lesquelles ces derniers se sont épuisés, voire autodétruits. L’injonction à être safe, en sécurité « #entre_soi », « chez soi », équivaut à une politique de contrôle des mouvements de contestation qui s’avère des plus efficaces pour les cantonner. Acculer à des stratégies séparatistes plus ou moins réfléchies où les militant.e.s se protègent en délimitant des espaces « sécurisés », répondant de façon mimétique à un « pacte de sécurité », le relayant, le généralisant. Dans ces espaces prétendument safe, où l’on se retranche entre pair.e.s, ces dernier.e.s seraient, par définition, sans danger. L’entre-soi safe est alors défini par opposition à une extériorité insecure, suscitant la #peur ou la haine ; ce qui rend proprement impensable ou inacceptable de considérer que les rapports de pouvoir, la conflictualité, les antagonismes subsistent inévitablement à l’intérieur et s’exercent sans discontinuité. En restant dans un tel cadre d’intelligibilité imposé, la seule « défense » face à l’insécurité tapie dans l’intimité même des collectifs, pour ceux d’entre eux qui refusent légitimement de s’en remettre à la police ou à la justice d’État, est de cloisonner, quadriller, sécuriser encore un peu plus les lieux communautaires – isolant telle personne pour que sa seule présence ne fasse pas violence à telle autre ; excluant, excommuniant, tel.l.e pair.e, parce qu’elle/il a failli, trahi, en exerçant son pouvoir dans l’entre-soi. Des institutions judiciaires DIY se constituent alors comme des simulacres monstrueux : s’il s’agit de ne pas s’en remettre à la police et à la justice dominantes, on en autorise de fait des émanations qui colonisent les collectifs. Cette gestion au quotidien des violences intermilitantes, ne pouvant être vécues que sur le mode d’offenses et de blessures subjectives, est chronophage, anthropophage pour les collectifs. Elle entame l’imaginaire qui rend possible la création d’autres modalités de travail de la #violence. Elle est aussi émotionnellement et politiquement épuisante, elle désoriente les processus de conscientisation politique, elle abîme les engagements.

    • Aussi universels que soient les droits dont nous disposons tous en principe, dans les faits persistent des conditions subalternes : les êtres y subissent des oppressions contre lesquelles ils doivent se défendre... eux-mêmes. Parce que l’Etat, les lois, et la police censés garantir l’exercice de nos droits sont historiquement enclins à reproduire des logiques de domination qui les structurent, ces institutions constituent, pour une partie conséquente de la population, une menace plutôt qu’un recours.

      Aussi nos sociétés voient-elles se faire face d’un côté des sujets dignes d’être défendus, et de l’autre des corps condamnés à vivre sur la défensive ; c’est ici que la généalogie de l’autodéfense proposée par Elsa Dorlin est précieuse. En reconstituant la constellation des pratiques d’autodéfense que les opprimés ont eu à inventer, elle nous rend l’histoire souvent perdue de toutes les résistances qui ont pu s’élever contre l’esclavage, la colonisation, le patriarcat ou l’hétérocentrisme. On y croise des colonisés se jetant, armés de leur seule colère, sur les canons de leurs oppresseurs, des féministes suffragistes apprenant le Ju-Jitsu, des juifs d’Europe développant le Krav Maga ou des Blacks Panthers équipés de revolvers... Mais on y trouve aussi les prétendus justiciers des Comités de vigilants prônant la « défense des femmes » (blanches) et livrant des hommes noirs au lynchage, ou les dérives extrême-droitières de l’homonationalisme (voyant des homophobes chez tous les racisés), ou encore celles d’un sionisme nationaliste et militarisé reportant l’oppression sur les Palestiniens...

      Car la « défense des faibles » contient le meilleur et le pire, et, bientôt érigée en politique d’agression, elle devient la matrice d’une société fascisante. Comment se prémunir de telles dérives ? Comment penser l’autodéfense comme un droit individuel inaliénable sans s’acheminer vers une société de l’hyperviolence qui verrait chacun s’armer contre son prochain ? Elsa Dorlin ne craint pas d’explorer les paradoxes d’une « philosophie de la violence » sans cesse menacée de basculer dans le cycle infernal de l’éternelle vengeance... Au point de laisser son lecteur à la fois intensément stimulé et curieusement... désarmé, devant les apories qu’elle met au jour avec une grande rigueur. Aussi est-on tenté de s’en remettre finalement à la leçon qu’elle tire in extremis d’un roman féministe anglais paru en 1992, Dirty Week-end (Helen Zahavi) : au détour de l’analyse très fouillée qu’elle en propose, on aperçoit les contours d’une pratique émancipatrice de l’autodéfense, qui consisterait non pas à apprendre à se battre, mais à désapprendre à ne pas se battre. Transposé au champ plus général de la politique actuelle et de cet autoritarisme néolibéral qui nous tient cois et comme hébétés, ce simple petit adage - désapprendre à ne pas se battre - pourrait avoir, me semble-t-il, d’incommensurables vertus.

      Judith Bernard

      hors-serie.net

  • Tout le site « Hors-série » en libre accès ce week-end. L’occasion de télécharger la vidéo et/ou l’audio de cet entretien avec
    #Francis_Dupuis-Déri (mars 2017)
    La peur du peuple
    http://www.hors-serie.net/Dans-le-Texte/2017-03-18/La-peur-du-peuple-id223

    #Geneviève_Sellier (décembre 2017)
    https://seenthis.net/messages/651611

    #Christine_Delphy (octobre 2017)
    http://www.hors-serie.net/Aux-Sources/2017-10-14/Antiraciste-et-antisexiste-id267

    #Pierre_Tevanian (mai 2017)
    http://www.hors-serie.net/Aux-Sources/2017-05-13/La-mecanique-raciste-id234
    (parmi beaucoup de mecs, blancs, etc. - critique déjà faite, je crois, à l’encontre de ce site. Ici ?)

  • Akim Oualhaci, « Se faire respecter. Ethnographies de sports virils dans des quartiers populaires en France et aux États-Unis »
    http://journals.openedition.org/lectures/22350

    Les regards socio-anthropologiques sur les activités physiques et sportives sont armés de nombreuses enquêtes de terrain, en France et ailleurs dans le monde, depuis une cinquantaine d’années au moins. Les théories mobilisées sont désormais plurielles, après avoir longtemps prolongé, pour l’essentiel en France, les approches bourdieusiennes ou relevant d’une critique radicale. Dans cet ouvrage qui propose une ethnographie multi-site, Akim Oualhaci explore, largement dans le sillage de Loïc Wacquant mais pas uniquement, les dispositions d’engagement de jeunes adultes résidant dans des quartiers populaires dans des pratiques de #boxe anglaise et de bodybuilding aux USA, et de boxe thaïlandaise en France. Trois salles ad hoc ont été l’objet d’une observation, deux à New York et une en banlieue parisienne. Trois parties égrènent la restitution d’un travail réalisé dans le cadre d’une thèse soutenue en 2011.

    La première partie se centre sur les #corps masculins modifiés et stylisés par les pratiques de combat et de renforcement musculaire hyperbolique. Dans « ces quartiers urbains marginalisés [sic] », la #virilité populaire gagne une respectabilité tout d’abord locale, entre pairs, pour éventuellement s’étendre hors du quartier par l’intermédiaire des rencontres sportives. La place des femmes y est réduite, et le rapport au corps devient le vecteur d’une construction identitaire positive à force de rigueur, de codes valorisant le respect du travail, des partenaires d’entrainement et des adversaires.

    La seconde partie explore les rapports de domination et la prise d’autonomie via la carrière combattante, qu’elle soit professionnelle ou amateure. Selon l’auteur, paradoxalement, les transformations corporelles naturalisent les stéréotypes raciaux (les Noirs des ghettos américains sont musculeux alors que les Noirs-Maghrébins banlieusards français sont violents). Le travail corporel effectué avec ardeur par ces jeunes adultes vise à les rendre respectables, voire estimables, au moins dans l’entre-soi populaire. La #violence y est fortement contrôlée, éloignant d’autant les bagarres de rue et les comportements déviants fortement stigmatisés à l’intérieur des espaces enquêtés. Comme le défend Stéphane face à l’enquêteur : « J’essaye de leur faire comprendre, à ceux qui pensent que la boxe thaï est un sport de voyous, que c’est un sport avec des codes et beaucoup de respect… choses que les voyous ne connaissent pas ».

    La dernière partie de l’ouvrage, dont la lecture est agréable, défend la thèse d’une conformisation aux normes légitimes de ces populations populaires, notamment de cette jeunesse considérée indûment comme violente et déviante, par l’œuvre des entraineurs ou des anciens combattants qui leur transmettent des connaissances techniques mais aussi éthiques, patiemment et fermement. Les ethnographies montrent comment l’engagement de ces jeunes hommes dans des pratiques corporelles qui forgent à donner et recevoir des coups, à prendre une carapace musculaire plus importante (vecteur d’une place sociale désirée), devient progressivement, à force de méthode et de rigueur, une véritable école de la vie… dominée.

    #livre via @prac_6

    • Non ce n’est pas vraiment expliqué et je ne vois toujours pas le rapport avec le masculinisme. Si on le définit grosso modo comme un anti-féminisme militant c’est quoi le rapport ?
      Que tu parles de domination masculine comme elle existe partout certes, même si ça ne semble pas être le propos du livre (je peux me tromper étant donné que je ne l’ai pas lu). Mais parler de « masculinisme » WTF !
      Le milieu des sports de combat et des arts martiaux est un milieu que je connais et côtoie en tant que pratiquante depuis des années, qui plus est dans les quartiers populaires. Les motivations profondes qui traversent ces pratiques ne sont pas liées de façon prégnante à la question de la domination femmes/hommes. Les hommes ne s’entraînent pas à taper sur des sacs pour mieux défoncer leur meuf, il n’y a pas un projet derrière tout ça. Les conséquences sur ces relations peuvent paradoxalement aussi être des relations de rencontre, de séduction à la marge, autour des événements organisés par les clubs, autour des entraînements en commun, même si les gars sont toujours majoritaires en nombre.
      Les clubs sont incités à avoir une mixité de genre par les municipalités (ce qui favorise les subventions) tout comme pour les combattantes compétitrices. C’est logique : le discours politique présente toujours les mecs des cités comme des gros sexistes violents donc ces clubs ont des coercitions qui n’existent pas pour les clubs des autre types de quartiers.
      Après, ça arrive que quand tu débarques dans un cours au début les gars ne veulent pas s’entrainer avec toi, tout comme avec un gars débutant qui a l’air pas doué mais pour les meufs c’est pour toutes quel que soit leur niveau. C’est forcément lié à du mépris de genre mais j’ai connu la même chose quand j’ai fait une formation en informatique où il y avait très peu de meufs : c’est toujours comme ça quand tu es dans un milieu majoritairement masculin, ce n’est en rien spécifique au milieu des sports de combat.
      Tout ceci rend les choses beaucoup plus complexes que ça en a l’air.
      Fondamentalement ce type de questions devrait être traité par une meuf qui ferait une recherche sur le terrain en interrogeant d’autres meufs. Mais la problématique serait différente, ça ne parlerait pas du même sujet.
      J’ai l’impression qu’il y a un gros problème ici parmi certaines de vous dès qu’il y a un sujet abordé et que les relations de domination hommes/femmes n’y sont pas forcément évoquées. Moi j’en ai rien à battre en tant que féministe que les gars qui font une recherche ne parlent pas des relations avec les femmes, je préfère même qu’ils n’en parlent pas. C’est à nous de prendre la parole sur nous mêmes, les premières concernées. Pourquoi attendez-vous que ce soit les mecs qui mettent nos problématiques au centre ?
      Quand dans sa critique, Carine Guérandel dit que le livre « n’aborde pas la question des relations quotidiennes entre les hommes et les femmes » (qui est un sujet totalement différent d’ailleurs) ben ça ne m’étonne pas et ça ne me choque absolument pas. J’irais même dire que ça me rassure quelque part. À chacun·e son taf !

    • Tiré d’une interview d’Elsa Dorlin dont je n’ai pas lu le livre Se défendre, une philosophie de la violence :

      En France, vous avez repéré des mouvements d’autodéfense dans les quartiers ?
      Il y a une grande pratique de l’autodéfense et de l’ascèse martiale dans les quartiers ségrégués visés par le harcèlement policier : des corps s’entraînent, s’entraînent, s’entraînent… On adopte des postures corporelles très affirmées. Les arts martiaux ont une place importante dans la culture populaire. Le fait même de rester calme quand on est contrôlé trois fois par jour, c’est de l’autodéfense. Tout est fait pour cantonner ces corps qui s’entraînent et, surtout, éviter la confrontation. On a souvent décrit des régimes de domination qui ont pour modalité la répression sur les corps. Mais il y a une autre modalité de répression : différer sans cesse l’affrontement. Que ce soit par l’isolement géographique, par la mise en place de terrains de foot comme seules infrastructures publiques, d’exutoire. L’entraînement est une forme de ressassement mais c’est aussi une forme d’ascèse, c’est cultiver la révolte, se remodeler soi-même comme sujet politique. Refaire corps, c’est déjà de l’autodéfense.

      http://www.liberation.fr/debats/2017/12/08/elsa-dorlin-le-ju-jitsu-est-utile-contre-la-police-contre-les-maris-les-p

  • Louis et les robots : De la honte au temps de l’affaire Weinstein | Carbone (je découvre cette belle revue)
    https://carbone.ink/chroniques/louis-ck-et-les-robots

    C’était le roi du stand-up américain. Adulé sur scène par le grand public, il menait en parallèle sur les écrans une carrière d’auteur singulier qui lui valait jusqu’ici la reconnaissance de la critique. Un Woody Allen plus trash, plus violent et plus étrange. En septembre dernier, il présentait son dernier film, I Love you, Daddy, au festival de Toronto. Les premières réactions étaient élogieuses. On attendait le film sur les écrans français. Deux mois plus tard, la sortie est pourtant annulée. Entre-temps, Louis CK a été épinglé, à son tour, par la presse américaine pour son comportement avec les femmes. Dans le sillage de l’affaire Weinstein, l’adulation a désormais cédé la place à la honte. Mais justement : et si la honte était la grande affaire de Louis CK ? 

    Sur le sujet voir aussi l’entretien de Geneviève Sellier dans Hors-Série
    http://www.hors-serie.net/Aux-Ressources/2017-12-09/Cinema-un-homme-est-un-homme--id277

    Je ne verrai jamais I love you daddy, le premier long métrage de Louis CK, l’un des auteurs américains les plus passionnants de l’époque. Les distributeurs ont décidé de ne pas sortir le film après qu’il a reconnu s’être masturbé devant plusieurs femmes non consentantes. Ce n’est pas dans l’air du temps de le dire et mon surmoi féministe me conseille de me taire mais : je n’arrive pas à me réjouir de cette annulation. Non seulement Louis CK n’est pas Harvey Weinstein, mais je pense qu’on a intérêt à voir ses oeuvres, précisément parce qu’il y explore avec lucidité et finesse ses démons, ses névroses, ses failles. Manifester contre la célébration de la personne de Polanski à la Cinémathèque et tenter de faire déprogrammer sa rétrospective n’équivaut pas à demander la censure de ses oeuvres, qui sont de toute façon accessibles. En revanche, la décision de ne pas diffuser un film se rapproche déjà plus d’une (auto)-censure. Et éveille en moi des craintes. Je sais, la critique du politiquement correct et de la bien-pensance est le registre préféré de la droite de Trump. Mais je ne peux pas m’empêcher de frissonner à l’idée d’un cinéma aseptisé labellisé « éthique » où l’on ne trouverait plus que des femmes émancipées et des hommes troquant leurs cigarettes pour des carottes bios.

    Professeure émérite en études cinématographiques à l’Université Bordeaux Montaigne, Geneviève Sellier anime le blog Le Genre et l’Ecran, qui milite pour une « critique féministe des fictions audiovisuelles ». Autrement dit, elle incarne aux yeux des cinéphiles cette « police » féministe du cinéma tant redoutée. C’est donc à elle que j’ai proposé de faire une émission, histoire de faire un sort à mes angoisses de puritanisme. 

    via @laura_raim & @mona cc @lucile

    • Le premier texte sur louis CK est absolument ridicule. 52 minutes de chiale du macho blanc qui nous explique que son idole c’est le mozart du pauvre dominant blanc a la masculinité en périle (avec en plus la comparaison foireuse avec le jazz). Il veut pas avoir honte Olivier, ca le dérange pas que les femmes aient honte des violences sexuelles que les hommes leur inflige mais faut surtout pas questionner l’œuvre d’un homme blanc qui se branle sur ses collègue de travail et que Olivier aime bien.
      #fraternité #domination_masculine #déni #mâle_alphisme #mansplanning

    • C’est pas un macho blanc, @mad_meg, c’est une femme :)

      Je vais regarder l’entretien (je suis abonnée), mais j’avoue que cette présentation me consterne :

      Je ne peux pas m’empêcher de frissonner à l’idée d’un cinéma aseptisé labellisé « éthique » où l’on ne trouverait plus que des femmes émancipées et des hommes troquant leurs cigarettes pour des carottes bios.

      C’est triste ce manque d’imagination, non ? Autant dire « je ne peux pas imaginer d’autre univers que celui de mon aliénation ». Ça me rappelle les gens qui te disent que si on ne peut plus faire des blagues racistes/sexistes, on ne pourra plus rire de rien... (Et je ne comprends pas ce que cette histoire de cigarettes et de carottes bio vient faire là)

    • Ah bon Guillaume Orignac est une femme ? Si c’est le cas je corrige c’est une machotte et pas un macho. D’ailleur je sais pas pourquoi je l’ai appelé olivier ! Je parlais du texte sur carbone, pas de ASI.

      Pour l’histoire de la carotte bio c’est du troll multi niveaux :
      d’abord c’est sans aucun rapport avec le sujet,
      ensuite ca se moque du care (anti-tabac = santé = truc chiant de bonnes femmes ou de maman qui t’impose une cagoule qui gratte)
      ensuite ca se moque de l’alimentation végétarienne (le cri de la carotte + virilo-carnisme + anti-bio)
      ensuite il y a un sous entendu sur la fellation et la dévirilisation, avec la forme de la carotte, car tu as des femmes émancipée qui vont avec des hommes pompeurs de carottes bio. Et là du coup tu as une petite touche d’homophobie comme une cerise sur cette pièce monté au parfum crotte.
      –—

      Pour l’entretiens l’accroche est pourris je suis d’accord, mais ASI ca a toujours été plutot sexiste et anti-féministe comme émission. La conférence sur la nouvelle vague de Sellier est super et à mon avis c’est ce qu’elle raconte dans ASI.

      Sinon par rapport à Louis CK, ce qui est fabuleux c’est de voir qu’un homme blanc des classes moyennes au XXI peut encor jouer sur le registre de la virilité blanche menacée et se servir des agressions sexuelles qu’il commet comme élément de reconnaissance et de valorisation sociale.

    • (@rastapopoulos, je te conseille aussi celui avec Dupuis-Déri, j’imagine qu’il te plaira. En plus c’est un chouette gars dans la vraie vie et c’est notamment pour ça que je voulais partager.
      J’ai eu l’info du libre-accès par hasard en tombant sur un tweet de Mathilde Larrère. https://twitter.com/LarrereMathilde/status/949603794794504193 L’info n’est même pas sur le site officiel de HS ou ses canaux de diffusion, je crois.) (edit : ah si, pas sur twitter mais sur leur page facebook, et c’est donc bien jusqu’à « dimanche minuit ».)

  • Se défendre, une philosophie de la violence - d’Elsa Dorlin
    https://lundi.am/Se-defendre-une-philosophie-de-la-violence-d-Elsa-Dorlin

    Dans ce livre, Elsa Dorlin « retrace une généalogie de l’autodéfense politique », nous dit le texte de couverture. Il s’agit d’une double généalogie, ou de la généalogie de deux mouvements antagonistes : celle de la « légitime défense », autrement dit celle de la défense agressive des privilèges blanc et mâle, et celle de l’autodéfense des subalternes, « des résistances esclaves au ju-jitsu des suffragistes, de l’insurrection du ghetto de Varsovie aux Black Panthers ou aux patrouilles queer ». Dorlin commence par montrer comment l’avènement de la Modernité a reposé, entre autres conditions, sur « la fabrique des corps désarmés ». Mais pas n’importe lesquels : par exemple, le Code noir français (1685) défend « aux esclaves de porter aucune arme offensive, ni de gros bâtons », sous peine de fouet. Non seulement les esclaves ne devaient pas être armés, mais était prohibé tout ce qui pourrait leur donner l’occasion de « se préparer, de s’exercer à la révolte ».

    #esclavage #oppression (se défendre contre l’) #auto-défense vs #légitime_défense #cortège_de_tête

  • Les corps sans défense d’Elsa Dorlin
    https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/la-grande-table-2eme-partie-jeudi-12-octobre-2017


    https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/12360-12.10.2017-ITEMA_21461486-1.mp3

    La Grande Table reçoit Elsa Dorlin, professeure de philosophie politique et sociale au département de Sciences politiques de l’université Paris VIII

    Comment exister face à la violence ? Une question soulevée dans son essai par la philosophe Elsa Dorlin.

    Auteure de La Matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la Nation française (2006) et de Sexe, genre et sexualités. Introduction aux philosophies féministes (2008), elle publie aujourd’hui Se défendre, une philosophie de la violence, aux éditions de La Découverte.

    « Comment, en dehors de l’espace public, peut-on politiser cette peur à l’intérieur de soi, et en faire une action de défense ? »

    Une histoire de la violence, une généalogie de l’autodéfense politique, "pensée comme nécessité vitale, comme pratique de résistance". Qu’est-ce que la violence fait au corps et ce qu’elle met à nu ? quel sujet révèle-t-elle ?

    Politiser la peur que connaît le corps dans l’agression, c’est un moyen de faire prendre conscience de la violence des agresseurs.

    Depuis des décennies la paranoïa blanche américaine définit le corps africain-américain comme agressif, dangereux

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=92&v=eVMN0uZoBsA

    Traitement des esclaves aux Etats-Unis. Ici, les Cicatrices de Peter, pris en photo en 1863, en Louisiane

  • Sujets de colère : deux livres pour reprendre le pouvoir
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/260917/sujets-de-colere-deux-livres-pour-reprendre-le-pouvoir

    Arno Bertina © Francesca Mantovani/ Gallimard Refuser de n’être que l’objet de la politique ou de l’économie, en imposant de redevenir des sujets : voilà le programme de deux textes de cette rentrée littéraire, Des châteaux qui brûlent d’Arno Bertina, Se défendre. Une philosophie de la violence d’Elsa Dorlin.

    #Culture-Idées #Arno_Bertina ;_Elsa_Dorlin

  • La non-mixité raciale, outil d’émancipation ou repli communautaire ?
    http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2016/07/28/la-non-mixite-raciale-outil-d-emancipation-ou-repli-communautaire_49

    Pour le sociologue Eric Fassin, cette nouvelle génération a peu en commun avec les travailleurs immigrés ou les sans-papiers mobilisés depuis trente ans : elle a fait des études supérieures, elle aspire à des postes qualifiés, et elle a pris sa place dans le milieu de la recherche ou de l’art. Elle fait partie de la classe moyenne, mais elle vit des expériences de discriminations et de plafond de verre qui lui sont insupportables.

    « Si les non-Blancs ont commencé à se faire entendre, c’est parce qu’une nouvelle génération diplômée est apparue, explique le chercheur. Faire l’expérience du racisme quand on est en bas de l’échelle sociale, ce n’est pas surprenant. Mais quand on a réussi socialement, on ne s’y attend pas : l’exaspé­ration est d’autant plus grande. »

    Ces nouveaux militants sont bruyants, ils manient à merveille les réseaux sociaux et ils agacent d’autant plus qu’ils trouvent un écho réel auprès des jeunes qui leur ressemblent.

    Les activistes critiqués balaient cependant l’argument avec véhémence : ils ne dénoncent pas une réalité biologique, soulignent-ils, mais une réalité sociale. « Quelle hypocrisie ! s’agace ainsi Louis-Georges Tin, le président du CRAN. Personne n’est choqué par une autre non-mixité, celle qui est omniprésente dans les milieux des dominants. Ils cultivent l’entre-soi comme une stratégie de domination, en restant dans un monde d’énarques qui est masculin, quinquagénaire et bourgeois. Nous le faisons sur une autre logique, celle de l’ “empowerment”, en nous fondant sur le principe du “For us, by us”… et nous suscitons les critiques ! »

    Un paradoxe que souligne Patrick Simon, démographe, qui a codirigé la vaste enquête Trajectoires et origines (Insee-INED) :

    « Leurs détracteurs leur disent qu’ils n’ont pas le droit de parler de race. Mais comment nommer ce qui continue à peser sur le destin et les trajectoires sociales de ceux qui sont marqués par un ordre inégalitaire du fait des discriminations ethno-raciales ? Ces militants utilisent les armes de la sociologie critique pour montrer l’ampleur du racisme. Cela rend les gens très nerveux de se voir ainsi renvoyés à la position de dominants. »

    « Ces fortes résistances sont révélatrices de ce qui travaille le mouvement social et la gauche depuis des années, ajoute Catherine Achin, professeure de sciences politiques à l’université Paris-Dauphine. Il leur est impossible de penser l’intersectionalité, c’est-à-dire des rapports sociaux – sexe, race, classe – qui ne s’additionnent pas mais qui s’imbriquent les uns dans les autres. En France, être un homme maghrébin ou une femme noire, ce n’est pas la même chose qu’être un homme blanc ou une femme blanche. »

    « Se dire des choses entre soi »

    La volonté de partager des expériences et de construire une mobilisation autonome entre victimes d’une oppression n’est d’ailleurs pas nouvelle. C’est un vieil outil des luttes d’émancipation : il a été utilisé dans les années 1960 par le mouvement noir pour les droits civiques aux Etats-Unis, puis, dans les années 1970, par les féministes en France.

    « Le mouvement féministe a, lui aussi, été confronté à cette rhétorique critique : quand il organisait des réunions non mixtes, les hommes le taxaient de sexisme à l’envers, raconte Elsa Dorlin, enseignante-chercheuse en philosophie à Paris-VIII. A l’époque, il y avait une même inversion du lexique, comme si les dominants pleuraient parce qu’ils étaient accusés de domination. »

    #racisme #politique_France

    • « Sous couvert d’antiracisme, notre pays risque de voir émerger des “Ku Klux Klan inversés”, où le seul critère qui vaille sera la couleur de peau », a renchéri le président de la Ligue internationale contre le racis­me et l’antisémitisme (Licra), Alain Jakubowicz.

      Ku Klux Klan inversé ! Ca va loin dans le n’importe quoi. Cette comparaison me fait pensé au sketch de Dieudonné avec le colon israelien nazi, c’est la même idée. Sauf que Alain Jakubowicz irai pas dire que les colons israeliens sont des « nazis inversés » mais ca le dérange pas de parlé de Ku Klux Klan inversé...

      #inversion #renversionnite #nausée

    • Il est hallucinant ce Alain Jakubowicz et l’historique de la Licra. Sur wikipédia je trouve ceci :

      Procès pour racisme antiblanc (2012)
      Article détaillé : Racisme antiblanc ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Racisme_antiblanc

      Un homme de 28 ans, jugé pour des violences commises en 2010 dans le métro parisien et pour avoir insulté la victime en criant « sale Blanc, sale Français », avec la circonstance aggravante de « racisme », risque cinq ans de prison et 75 000 € d’amende.

      Pour la première fois dans ce type d’affaires, une association antiraciste, la LICRA, est partie civile. Elle entend consacrer son congrès annuel de mars 2013 à ce thème. Alors que Patrick Gaubert avait centré son action contre l’antisémitisme, le nouveau président Alain Jakubowicz entend sortir de cette thématique restrictive.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Ligue_internationale_contre_le_racisme_et_l%27antis%C3%A9mitisme#Proc.

      La comparaison avec le KKK est vraiment obscène. Venant du président d’une asso qui prétend lutter contre le racisme c’est encor plus consternant et revoltant. La LICRA se diversifie vachement, maintenant c’est la Ligue internationale contre le racisme anti-blanc, le sexisme anti-homme et l’antisémitisme anti-fabiusiste.

    • Quand au Cercle de la LICRA, ce n’est pas mieux

      Pour mener à bien ce travail et être influente sur les grandes décisions, la Licra s’enrichit d’un lieu de réflexion et d’influence, où se rencontrent responsables associatifs, chercheurs, universitaires, hauts fonctionnaires, chefs d’entreprise, personnalités du monde de l’art et de la culture, pour croiser expériences et analyses sur des thématiques qui font l’actualité et sur lesquelles la Licra est attendue. Ce lieu a vocation a devenir une plate-forme d’échanges et de débats de l’association, faisant le lien entre l’analyse et l’action. Il est la passerelle entre les animateurs des pôles, apporteurs d’idées et les militants de terrain qui souhaitent de plus en plus appuyer leur action sur une analyse argumentée. En disposant de son think tank, la Licra a son propre élément dynamisant, sa propre réflexion, libre et pluridisciplinaire, bousculant les idées reçues.

      pluridisciplinaire peut être, mais multicolore, certainement pas :
      http://www.lecercledelalicra.org/#accueil-2