person:fausto giudice

  • Vivants comme morts, les improbables bâtisseurs du projet sioniste restent invisibles - RipouxBlique des CumulardsVentrusGrosQ
    http://slisel.over-blog.com/2017/09/sioniste-restent-invisibles.html

    « Aidez-le à bâtir la Palestine » : affiche de l’Agence juive par Modest Stein, 1930
    L’amour israélien pour les travailleurs de la construction a pris fin une fois que les travailleurs ont cessé d’être juifs
    Les nouvelles sur leur mort ne font que des entrefilets. Tout au plus une phrase dans un bulletin d’information, quelques lignes dans le journal, et encore. Tous les deux ou trois jours, parfois plus d’une fois par jour, un travailleur de la construction meurt ou est blessé au travail quelque part en Israël. Ils n’ont ni nom, ni âge, ni lieu de résidence, ni même un visage ou une famille en deuil – tout ce qui est humain chez eux nous est étranger. Il n’y a personne pour faire leur éloge, personne pour tenir une oraison funèbre, personne pour raconter comment ils sont morts. Un travailleur de la construction est tombé – et c’est tout. Même des jeunes avec des couteaux aux points de contrôle reçoivent plus d’attention. Les travailleurs de la construction sont transparents dans leur vie sur les échafaudages et sont également invisibles dans la mort.
    Ce sont les gens qui construisent nos maisons, les bâtisseurs du pays, les derniers des bâtisseurs du projet sioniste. Par une chaleur torride, dans le froid mordante, ils sont sur les échafaudages, du crépuscule de l’aube au crépuscule, des ombres de personnes que personne ne remarque, dont personne ne se soucie de la mort.
    On a cessé d’aimer les travailleurs de la construction dans ce pays une fois que les travailleurs ont cessé d’être des juifs. Presque personne n’est jugé pour leur mort, qui est presque toujours due à la négligence criminelle des employeurs – et cette attitude, il faut l’admettre franchement, provient aussi des origines des travailleurs, qui font de leur existence le synonyme de « vies bon marché ».
    Ils sont généralement palestiniens ou chinois. Ils vivent comme des mouches et ils meurent aussi comme des mouches.
    Mohammed Hussein était le 23ème travailleur de la construction tué cette année et le sixième au mois d’août, autant que l’on sache. Âgé de vingt-sept ans, il avait pris femme il y a deux ans et lui avait construit une maison. Il laisse un nourrisson d’un an, une jeune veuve en fin de grossesse, des parents endeuillés et des frères et sœurs, qui étaient assis cette semaine dans leur maison de la ville de Biddya, dans le centre de la Cisjordanie, pleurant leur mort.
    Ici, il n’y a pas de drapeaux nationaux ni d’affiches de victoire ; Hussein n’était pas un chahid, un saint martyr ou un héros. Pourtant, tout le monde dans sa ville savait qu’il avait été tué, et les citadins nous ont indiqué sa maison cette semaine.
    À 10 minutes seulement de la colonie urbaine d’Ariel, Biddya était, jusqu’à la deuxième intifada, un symbole des années d’abondance entraînées par le commerce avec Israël. C’était le centre commercial du shabbat pour les Israéliens avant qu’il y ait des centres commerciaux climatisés dans tout le pays, et avant qu’il y ait une intifada de kamikazes. La ville est restée relativement riche, la plupart de ses jeunes hommes travaillent en Israël et presque tout le monde y parle l’hébreu.
    En face de l’épicerie du quartier, à côté de la mosquée, dans la partie orientale de la ville, Mazen Yakoub, qui travaille l’aluminium, nous montre le chemin de la maison des parents de son voisin et bon ami, feu Mohammed Hussein. Avant cela, il nous montre la nouvelle maison construite par Mohammed : une structure stylisée et bien conçue, avec des couleurs de terre cuite. Hussein l’a construite de ses propres mains au long de sept années – chaque fois qu’il avait un peu d’argent, il ajoutait un pilier, un mur, jusqu’à ce qu’elle soit finie, avant son mariage. Maintenant, la nouvelle maison est abandonnée : les proches du défunt se sont rassemblés dans la maison des parents, à faible distance de là.
    L’expression sur le visage de Ziyad Hussein, le père endeuillé, alors qu’il ouvre la porte, est un mélange de lassitude, de chagrin et d’étonnement. Qui donc en Israël s’intéresse à la mort de son fils ? Depuis que Mohammed a été tué le mercredi 23 août, personne n’a appelé Ziyad – pas la société pour laquelle il a travaillé, ni aucun responsable du gouvernement israélien. Pas de condoléances, aucune expression de chagrin. Personne n’a même pris la peine d’expliquer ce qui s’est passé, comment son fils a été tué. Il a vu le corps, à l’intérieur d’un sac mortuaire, au pied du squelette du bâtiment, peu de temps après l’accident. Le père lui-même travaillait à quelques centaines de mètres de son fils ce jour-là. Les deux ont contribué à la construction de Bnei Brak, une ville largement ultra-orthodoxe proche de Tel Aviv.
    Ziyad, qui a un permis de travail en Israël, comme son fils Mohammed, est un vétéran des chantiers – 35 ans sur des échafaudages, dans chaque ville israélienne que vous pouvez imaginer. Il a 56 ans, est père de sept enfants, et il travaille dur pour subvenir aux besoins de sa famille. Il se lève à 3h30 tous les jours pour être sur le chantier vers 6 heures du matin, après avoir enduré les humiliations du poste de contrôle et les autres épreuves du voyage. Un bus pour les travailleurs avec un chauffeur de la ville arabe israélienne de Kafr Qasem les emmène, lui et des dizaines d’autres à leur travail via le point de contrôle de Na’alin.
    La journée de travail de Ziyad se termine à 16 heures, mais il fait presque nuit quand il arrive chez lui. Pour cinq jours par semaine à ce rythme, il gagne entre 5 000 et 6 000 shekels par mois (= de 1100 à 1400 €).
    À l’âge de 19 ans, immédiatement après avoir terminé ses études secondaires et passé ses examens, Mohammed a également commencé à travailler dans le bâtiment en Israël. Il est le seul fils qui a suivi les traces de son père : les deux autres fils gèrent une boulangerie à Biddya. Le premier travail de Mohammed était dans la colonie d’Elkana. Il a ensuite changé pour Bnei Brak. Dans la ville natale de la famille, on dit que « la moitié (des hommes) de Biddya est à Bnei Brak ».
    La vie de Mohammed était un peu plus confortable que celle de son père. Il gagnait plus d’argent parce qu’il était plus jeune, et il pouvait également quitter son domicile plus tard tous les jours, vers 6 heures du matin, car le sous-traitant de son chantier faisait le ramassage des travailleurs.
    Au cours des derniers mois, les deux membres de la famille Hussein ont travaillé sur des sites incroyablement proches, le père rue Sokolof, le fils rue Chaim Pearl, pour différents patrons. « Chacun pour soi », dit Ziyad. Ils n’ont jamais fait la route ensemble,ne se sont jamais rencontrés à Bnei Brak. Ziyad n’a vu pour la première fois le lieu de travail de son fils, si proche de lui, que lorsque le corps de Mohammed était allongé là.
    Il y a deux ans et demi, Mohmmed a épousé une fille nommée Zouhour, de sa ville. Elle a maintenant 20 ans. Ils sont entrés dans la nouvelle maison au coin de là où nous sommes ; Leur premier enfant, un garçon, Abdelkader, est né il y a environ un an. Zouhour attend un autre fils dans un mois. Il y a une photo de famille dans le téléphone portable de leur voisin, Mazen Yakoub : la mère, le père et le bébé dans un moment de joie, il y a moins d’un mois.
    Mardi soir, la semaine dernière, Mohammed est allé à la maison de ses parents avec Zouhour et Abdelkader. C’était sa coutume d’y aller après le travail pour le dîner ou le café. Après quoi, Ziyad allait se coucher et la jeune famille rentrait chez elle. Le lendemain, vers 14 heures, Ziyad a reçu un appel du lieu de travail de son fils sur la rue Sokolov : Votre fils, Mohammed, a été tué dans une chute. Ziyad a immédiatement abandonné ce qu’il faisait, et un chauffeur l’a conduit en toute hâte au chantier. Il est arrivé alors que le corps de son fils, enveloppé dans un sac en plastique, était placé dans une ambulance. Il a pu identifier Mohammed – son visage avait l’air « régulier », dit-il -, avant d’être interrogé par la police à propos de son fils. Ensuite, le père est rentré chez lui en taxi.
    Tout ce que Ziyad sait, c’est que Mohammed est tombé du cinquième étage de l’enveloppe du bâtiment sur lequel il travaillait. C’est là toute l’information qu’il possède. Le corps de son fils a été emmené à l’institut de médecine légale à Abu Kabir à Tel Aviv et a été renvoyé à la famille le lendemain. Mohammed a été enterré dans le cimetière de Biddya.
    Après l’Aïd El Kbir, la Fête du Sacrifice, qui a lieu ce week-end, Ziyad reprendra son travail à Bnei Brak. Il dit qu’Allah a décidé que son fils ne vivrait que 27 ans. Cela soulage quelque peu la douleur. Mazen, le voisin, dit que si Mohammed avait été israélien, sa mort aurait été traitée différemment. Mazen lui-même a connu une chute il y a quatre ans, alors qu’il était encore travailleur de la construction, du troisième étage d’un immeuble sur la rue Sokolov, mais, heureusement, il n’a subi que des blessures légères.
    Les travaux ont été interrompus temporairement au 15 de la rue Chaim Pearl. Au cœur de Bnei Brak, en face d’une « petite yeshiva pour des jeunes gens remarquables », se trouve le chantier d’un bâtiment étroit et haut. Les panneaux d’affichage demandent aux fidèles d’assister aux prières de Selihot, récitées pendant les jours redoutables précédant la Roch Hachana. Le chauffeur d’un camion transportant des planches, qui est stationné à côté du chantier, dit tranquillement : « C’est crimionel, tout ça », et souligne des défauts de sécurité très visibles.
    Ce chantier ne comporte aucun panneau indiquant le nom de l’entrepreneur ou d’autres professionnels engagés. Rien. Seule une paire de gants médicaux abandonnés par terre atteste de ce qui s’est passé ici. Pas besoin d’être un grand expert pour repérer les dangers qui guettent sur ce chantier. Une pile de parpaings perchés au bord du deuxième étage menace de nous tomber dessus. La passerelle étroite au quatrième étage, sur laquelle les travailleurs se tiennent, semble tenir par un fil. Les inspecteurs de sécurité du ministère du Travail, des Affaires sociales et des Services sociaux n’étaient pas au courant de l’existence de ce chantier, de sorte qu’ils ne l’ont jamais visité.
    On peut gager à coup sûr que le travail ici reprendra bientôt, comme si de rien n’était. Personne n’a parlé d’indemnisation à Ziyad et il n’a aucune idée de ce qu’il faut faire.
    À Biddya, un bébé naîtra dans un mois, nommé Mohammed, d’après le père qu’il ne connaîtra jamais.
     
    Par Gideon Lévy | 31/08/2017
    Article original : http://www.haaretz.com/israel-news/.premium-1.809947
    Traduit par Fausto Giudice
    URL : http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=21385

  • Sahara occidental : la honte d’une Espagnole | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2016/05/19/sahara-occidental-la-honte-dune-espagnole

    Au fond du puits de notre oubli. C’est là que sont les Sahraouis. Je viens de lire que le 15 avril le syndicaliste sahraoui Brahim Saika, 32 ans, est mort dans un hôpital à Agadir (Maroc). Brahim avait été arrêté le 1er avril en sortant de son domicile pour participer à une manifestation pacifique. « Il a été emmené au poste de police de Guelmim, où il a été torturé pendant des heures », rapporte la délégation sahraouie en Espagne. Brahim a alors décidé de commencer une grève de la faim pour protester contre les mauvais traitements. Je suppose qu’ils l’ont laissé en très mauvais état, puisque seulement cinq jours plus tard, il était dans des conditions si graves qu’il a été transporté à l’hôpital. Jeune et fort, il est mort à une vitesse inhabituelle, et les autorités ont apparemment refusé de le faire autopsier. J’écris ces lignes quatre jours après son décès, et pour le moment la nouvelles n’est presque pas sortie dans les médias, à part quelques sites. J’imagine le pauvre Brahim recourant à la seule arme extrême de lutte dont il disposait, la mort par inanition, en espérant que ce dernier cri d’angoisse et de dénonciation serait finalement entendu. Mais même son agonie n’a pas réussi à nous atteindre.

    Maintenant, c’est moi qui ai envie de crier en écrivant ceci, parce que chez moi aussi, les Sahraouis s’étaient presque effacés de la mémoire ; et ceci bien que je sois allée à plusieurs reprises dans les camps de réfugiés, que je me soie toujours sentie très proche de leur cause, et que j’aie écrit une vingtaine de reportages et d’articles à leur sujet. Mais les années passent comme une pluie de plomb, et l’implacable politique marocaine de répression et d’écrasement, de concert avec l’indifférence épouvantable de la communauté internationale, ont réussi à enterrer vivant ce petit peuple héroïque et tenace. Et le pire est que l’indifférence est non seulement celle des gouvernements mais aussi des organisations prétendument progressistes, car on parle beaucoup des Palestiniens, mais personne ne dit rien des pauvres Sahraouis, bien que leur situation soit encore plus critique. Bien sûr, ils sont une poignée de gens sans pétrole ni intérêt géostratégique. Personne ne semble se soucier de leur souffrance.

    Honte. J’éprouve une honte personnelle pour mon amnésie, mais surtout, je ressens une honte collective infinie, parce que c’est l’Espagne qui est à blâmer pour ce drame. Pendant près de cent ans, nous les avons colonisés avec nonchalance : pendant toute cette période, un seul Sahraoui est arrivé à l’université (il devint médecin). À la mi-1975, nous leurs avons promis l’indépendance, et les innocents Sahraouis y ont cru. Trois mois plus tard, le 14 novembre, était signé à Madrid un accord partageante le Sahara occidental entre le Maroc et la Mauritanie : « Nous avons été trahi et vendus comme des moutons ». Les Espagnols se retirèrent à toute vitesse et le Maroc a envahi le Sahara de manière brutale. Tous ceux qui pouvaient, hommes et femmes, enfants et personnes âgées, ont fui dans le désert sans nourriture et avec pour seuls bagages les vêtements qu’ils portaient, pendant que les Marocains les bombardaient au napalm. Au cours des premières semaines, des milliers d’enfants moururent de maladies et de faim. Finalement, l’Algérie leur a proposé de s’installer dans la Hamada, le désert le plus inhospitalier au monde, un enfer de pierre où seuls vivent les scorpions et les serpents. Et ils y sont toujours.

    Ils sont environ 125 000 et vivent depuis 40 ans sous des tentes provisoires de réfugiés. Sensés, pacifiques et stoïques, ils ont tout essayé sans recourir au terrorisme, et voici comment nous les avons récompensés : par une ignorance olympique de leurs droits et de leur douleur. Le Maroc a failli encore et encore aux obligations impliquées par les résolutions de l’ONU et a commis toutes sortes d’exactions, mais l’Espagne continue à embrasser ce monarque alaouite que notre couronne aime tant. Et non seulement nous n’avons jamais défendu les Sahraouis, mais nous avons aussi été le principal fournisseur d’armes au Maroc, ces armes avec lesquelles il les anéantit. Je ne veux même pas imaginer le désespoir que doivent ressentir les réfugiés, dans leur sombre conviction noire qu’il n’y a pas d’issue : « Le Maroc nous tue à petit feu ». Toute cette souffrance pourrait un jour se transformer en violence terroriste et alors nous les condamnerons et nous nous frotterons les mains. Une fois qu’ils seront devenus les méchants, notre culpabilité se dissipera.

    Rosa Montero

    Traduit par Fausto Giudice Фаусто Джудиче فاوستو جيوديشي

    Source : http://elpaissemanal.elpais.com/columna/verguenza

    #Sahraoui #colonialisme #prison #Sahara_occidental

  • TLAXCALA

    http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=8053

    La Realpolitik brouille la ligne rouge US sur la Syrie


    Pepe Escobar

    Traduit par MecanoBlog
    Edité par Fausto Giudice فاوستو جيوديشي

    Les armes de destruction massive (ADM) sont de retour. C’est comme si nous n’avions jamais quitté les jours glorieux de George « Dubya » Bush. Non, ils n’ont pas trouvé l’inexistante planque de Saddam sur eBay. Il s’agit bien de celle de Bachar al-Assad. Et ce n’est pas que les armes de destruction massive soient un prétexte à une invasion et une occupation, mais les ADM servent de motif pour livrer ce que l’administration Obama définit par le doux euphémisme d’ « activité militaire cinétique* ».

    Le tout est d’autant plus suspect que Damas avait signalé qu’il n’utilisera jamais d’armes chimiques contre les « rebelles ». Voici ce que le président Barack Obama a déclaré : « cela constituerait une ligne rouge pour nous [si] nous commencions à voir des quantités d’armes chimiques circuler ou être utilisées. » [1]

    Alors maintenant, même quelques containers de gaz moutarde en position légèrement instable dans dépôt peuvent constituer un casus belli. Mais est-ce si clair ? Obama a a dit que c’était « une » ligne rouge – ce qui implique qu’il peut y en avoir d’autres (cachées) non spécifiées.

    Obama a également souligné les « craintes » de Washington qu’en Syrie les armes de destruction massive « tombent entre les mains des mauvaises personnes. » Etant donné que la CIA est dans la manœuvre – aux côtés des piliers que sont l’Arabie saoudite et le Qatar au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG) – afin de militariser la myriade de gangs que constitue l’Armée Syrienne Pas Exactement Libre (ASL), dont des centaines de djihadistes salafistes -, il s’agit d’une confession frappante qu’en fait, ce sont les « mauvaises personnes ». Ergo, les « bonnes personnes » sont le régime Assad.

    Était-ce un message codé d’Obama à la Turquie – signifiant : si vous envahissez le nord-ouest de la Syrie, devenu pratiquement une zone autonome kurde, vous devrez le faire tout seul, sans l’OTAN et sans le Pentagone ? Était-ce un message adressé aux « mauvaises personnes », alias les « rebelles », que, à part les manigances à l’efficacité douteuse de la CIA, vous devrez vous débrouiller seuls ?

    Ces deux possibilités ont été avancées sur le site web de Moon of Alabama. [2]

    Pourtant, l’administration Obama a peut-être fini par comprendre que la possibilité d’un après-Assad en Syrie dirigée par les Frères Musulmans syriens (FM) – infiniment plus cruels et sectaires que la version égyptienne – ne serait pas exactement un pari judicieux.

    La Maison Blanche et le Département d’Etat sont furibonds de la purge à la tête du Conseil suprême des Forces armées par le président égyptien Mohammed Morsi et de ses voyages diplomatiques à venir – que le ciel nous en préserve – à Pékin et au sommet du Mouvement des Non-Alignés (MNA) à Téhéran. Si les Frères Musulmans en Egypte peuvent réussirce genre de prouesses, imaginez en Syrie, qui n’était même pas dans la sphère d’influence de Washington.

    Alors pourquoi ne pas laisser le tout traîner vers une libanisation – ou plutôt une somalisation – scénario qui abattrait les quilles de l’armée syrienne et affaiblirait le gouvernement central de Damas, éclipsant ainsi sa « menace » au cas où le duo belliciste Bibi-Barak en Israël lançait une attaque sur l’Iran ?

    Carlos Latuff

    Etoffez votre démocratie par des bombes

    Voyons comment la situation se présente. Les Trois (dis)Grâces – Hillary Clinton, Susan Rice et Samantha Power – et leur doctrine R2P (« responsabilité de protéger ») a été appliquée « avec succès » en Libye, et a lamentablement échoué en Syrie.

    Il n’y aura pas de « zone d’exclusion aérienne » – dans les faits une déclaration de guerre. Il n’y aura pas de bombardement « humanitaire », il a été bloqué au Conseil de sécurité de l’ONU pas moins de trois fois par la Russie et la Chine.

    De plus, l’hystérique « guerre contre les terro » vieille de dix ans s’est avérée être une escroquerie intergalactique ; la CIA, aux côtés de la Maison des Saoud et du Qatar, est de nouveau côte-à-côte avec une palette de djihadistes salafistes du genre Al-Qaïda qui combattent allègrement une république arabe laïque.

    La question clé de la Syrie est comment la Russie et la Chine perçoivent la ligne rouge d’Obama.

    Voici la réponse russe [3]. Sa ligne directrice est que les USA doivent respecter les « règles du droit international », et non pas celles de « la démocratie par les bombes », et que seul le Conseil de sécurité a le pouvoir d’autoriser une attaque contre la Syrie. Une fois de plus, la Russie et la Chine, trois fois déjà, ont dit non à la guerre.

    Voici la réponse chinoise [4]. Une réponse qui n’est pas parvenue par la voie diplomatique, comme le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, mais par un éditorial de l’agence de presse Xinhua, qui dans le contexte chinois signifie la version officielle de Pékin. Le titre est plutôt explicite : « Par sa mise en garde sur le « ligne rouge », Obama cherche un nouveau prétexte pour une intervention en Syrie. »

    Et l’agence écrit textuellement – résumant la politique étrangère US selon Pékin : « Il n’est pas difficile de constater que, sous le couvert de l’humanitaire, les USA ont toujours essayé d’écraser les gouvernements qu’ils considèrent comme une menace pour leurs soi-disant intérêts nationaux et afin de les remplacer par des sympathisants de Washington. »

    Tous les acteurs clés ici –USA, Russie et Chine – savent que Damas ne commettra pas la folie d’utiliser (ou de faire « circuler ») des armes chimiques. Donc, pas étonnant que Moscou et Pékin suspectent fortement que cette astuce de « ligne rouge » ne soit qu’une nouvelle manœuvre de diversion d’Obama, du genre « Leading from behind » ("diriger en coulisses") en Libye (une foutaise : en fait, l’attaque sur la Libye a été démarrée par AfriCom, puis a été transférée à l’OTAN).

    Comme l’Asia Times Online n’a cessé de le rapporter depuis plus d’un an, une fois de plus la situation dans son ensemble est claire : il s’agit d’un combat titanesque entre l’OTAN-CCG d’une part et les membres des BRICS , la Russie et la Chine, d’autre part. L’enjeu n’est rien de moins que la primauté du droit international, qui n’a cessé d’être violé depuis au moins la pulvérisation de l’agent Orange sur tout le Vietnam, en passant par l’invasion de l’Irak par « Dubya » Bush en 2003, pour toucher le fond du gouffre avec le « bombardement humanitaire » de la Libye. Sans parler d’Israël qui menace tous les jours de bombarder l’Iran – comme s’il s’agissait d’une visite à un traiteur casher.

    Bon, on peut toujours rêver du jour où un monde multipolaire donnera un carton rose (avis de licenciement) aux traceurs de lignes rouges.

    Notes

    1. Obama Threatens Force Against Syria, New York Times, 20 août 2012

    2. http://www.moonofalabama.org/2012/08/obama-to-assad-do-whatever-you-need-to-do.html, Moon of Alabama, 21 août 2012.

    3. Russia warns West on Syria after Obama threats, Reuters, 21 août 2012.

    4. Obama’s “red line” warnings merely aimed to seek new pretext for Syria intervention, 22 août 2012.

    Merci à Tlaxcala
    Source : http://www.atimes.com/atimes/Middle_East/NH24Ak03.html
    Date de parution de l’article original : 24/08/2012

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