En 1793, 1794 et 1796, Jean-Jacques-Régis de Cambacérès présenta successivement trois projets de Code civil qui échouèrent devant les assemblées révolutionnaires :
Le 25 juin 1793, la Convention décréta que le comité de législation lui présenterait un projet de Code civil dans un mois. Toutefois, la discussion, engagée par un rapport de Cambacérès le 9 août, fut abandonnée en novembre après l’adoption de quelques articles, le projet étant renvoyé à une commission de six « philosophes » chargés de « purger » le code des préjugés des hommes de loi2.
Puis, conformément au décret du 27 germinal an II (16 avril 1794), la Convention élit le 3 floréal (22 avril 1794) une commission parlementaire composée de Cambacérès, Couthon et Merlin de Douai (Cambacérès et Merlin appartenant l’un et l’autre au comité de législation) et « chargée de rédiger en un code succinct et complet les lois qui ont été rendues jusqu’à ce jour, en supprimant celles qui sont devenues confuses »3. Le 23 fructidor an II (9 septembre 1794), Cambacérès présenta un rapport sur le second projet de code, composé de 297 articles, qui conservait les grandes lignes du précédent projet, au nom du comité de législation. En frimaire an III (décembre 1794), la Convention adopta les dix premiers articles, puis la discussion s’enlisa sur le droit des enfants naturels. Au bout du compte, en fructidor an III (septembre 1795), l’examen du code fut renvoyé devant une commission chargée de « réviser et coordonner » les articles adoptés durant les diverses discussions, enterrant le second projet.
Enfin, à la fin de 1795, une commission de classification des lois, présidée par Cambacérès, fut élue ; Jean-Étienne-Marie Portalis en était membre. En messidor an IV (juillet 1796), un troisième projet, plus complet, avec 1 104 articles, fut présenté. Après une intervention de Cambacérès à la tribune le 26 août 1796, un ordre de discussion fut adopté en l’an V et quelques articles adoptés, avant l’ajournement du débat en ventôse (mars 1797)4.
En fait, le Code civil uniforme était déjà presque entièrement rédigé à l’arrivée de Bonaparte au pouvoir (Coup d’État du 18 brumaire), mais les turbulences révolutionnaires n’avaient pas permis de valider le texte rédigé par Cambacérès.
Le régime du Consulat ayant enfin apporté à partir de 1799-1800 une certaine stabilité politique, le contexte était propice à la mise en forme effective de la codification du droit civil :
Bonaparte possédait la volonté d’un grand chef d’État, volonté d’unification politique et de puissance de l’État qui implique l’unification du droit,
la Révolution de 1789 a « contribué » au renouvellement des idées,
la nécessité de concrétiser le règne de la Loi semblait un impératif,
sur le fond, après dix années de Révolution, les Français aspiraient à la paix sociale et à la stabilité,
Bonaparte désirait en outre garantir un minimum de libertés civiles au citoyen.
Jacques, marquis de Maleville (1741-1824), président du tribunal de cassation, Auguste Gaspard, baron Boucher-Desnoyers (1779-1857), huile sur toile (1re moitié xixe siècle), Musée de l’Histoire de France (Versailles).
On peut voir derrière le magistrat un volume du « Code Napoléon ».
Ce fut le 14 août 1800 que le Premier consul désigna une commission de quatre éminents juristes : François Denis Tronchet, Félix Julien Jean Bigot de Préameneu, Jean-Étienne-Marie Portalis et Jacques de Maleville pour rédiger le projet de « Code civil des Français », sous la direction de Cambacérès.
L’hypothèse de son homosexualité et de son attirance pour les jeunes garçons repose sur des anecdotes et des allusions satiriques ; ainsi, on rapporte qu’alors que Cambacérès arrivait en retard, disant à l’empereur qu’il avait été retenu par des dames, Napoléon aurait eu ce bon mot : « Quand on a rendez-vous avec l’Empereur, on dit à ces dames de prendre leurs cannes et leurs chapeaux et de foutre le camp. » On cite aussi l’anecdote selon laquelle Talleyrand, voyant passer les trois consuls Bonaparte, Cambacérès et Lebrun, les nomma hic, haec, hoc (en latin : celui-ci, celle-là, ça), faisant référence à l’homosexualité de Cambacérès et à l’insignifiance de Lebrun7. Dans une pièce satirique parue en 18158, Cambacérès ne reconnait pas un jeune homme. « Allons, dit Napoléon à ce dernier, retournez-vous, que son altesse sérénissime vous reconnaisse. » Selon Frédéric Martel, il avait reçu le sobriquet de Tante Turlurette9. Pour des biographes comme Chatel de Brancion, cette réputation serait due à ses nombreux ennemis politiques qui avaient trouvé ce moyen pour l’atteindre à partir de sa situation de célibataire10.