person:guillaume ancel

  • « Rwanda, la fin du silence » : un ancien officier français raconte

    http://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/03/15/operation-turquoise-les-revelations-d-un-officier-francais_5271183_3212.html

    Extraits de « Rwanda, la fin du silence, témoignage d’un officier français », de Guillaume Ancel, et qui paraît vendredi 16 mars aux éditions Les Belles Lettres.

    [En juin 1994, au moment où la France décide d’intervenir au Rwanda, Guillaume Ancel est officier de guidage de tir aérien. Ce pays de la région des Grands Lacs est alors plongé en plein génocide contre les Tusti mené par les Forces armées rwandaises et par les milices extrémistes hutu, proches du gouvernement intérimaire, soutenu par Paris. Parallèlement, le Front patriotique rwandais, dominé par les Tutsi, a lancé une offensive pour mettre fin aux massacres et s’emparer du pays. Le livre de Guillaume Ancel contredit la version officielle d’une intervention avant tout « humanitaire ». Selon lui, la France a tardé à prendre ses distances avec le régime génocidaire. Extraits.]

    Base militaire de Valbonne, près de Lyon, France. 22 juin 1994

    (…) En fin d’après-midi, un officier du bureau des opérations entre brusquement et me remet personnellement un exemplaire numéroté d’un ordre préparatoire, dont manifestement Colin () dispose déjà. Il s’agit de réaliser un raid terrestre sur Kigali, la capitale du Rwanda, pour remettre en place le gouvernement, ordre expliqué par quelques schémas et des hiéroglyphes militaires appelés « symboles » :

    Nous débarquerons en « unité constituée » à Goma [principale ville de l’est du Zaïre, près de la frontière rwandaise], et l’opération s’appuiera sur la vitesse et la surprise liées à notre arrivée ultrarapide. A ce stade, la mission n’est pas encore confirmée, mais elle devient très probable.

    Cet ordre ne me surprend pas vraiment. J’apprécie les subtiles analyses de politique internationale et les débats sur la pertinence des interventions, mais en l’occurrence nous serons projetés à 6 000 kilomètres de la métropole pour faire notre métier, qui est de mener des opérations militaires, et celle-ci rentre dans nos cordes.

    En théorie, c’est assez simple, je dois dégager un couloir en guidant les frappes des avions de chasse, couloir dans lequel la compagnie de légionnaires s’engouffre, suivie par d’autres unités aguerries. La rapidité est telle que les unités d’en face ne doivent pas avoir le temps de se réorganiser tandis que nous rejoignons aussi vite que possible la capitale, Kigali, pour remettre les insignes du pouvoir au gouvernement que la France soutient.

    Tactiquement, c’est logique, puisque nous nous exerçons depuis plusieurs années à ce type d’opération avec les unités de la Force d’action rapide qui seront déployées sur ce théâtre, comme si nous allions jouer une pièce maintes fois répétée. En pratique, c’est évidemment risqué, très violent et nous sommes suffisamment entraînés pour savoir que ce raid terrestre ne se passera jamais comme nous l’avions prévu.

    (…)

    *Aéroport de Goma, Zaïre. 26 juin 1994

    Un officier d’état-major nous rend visite sur notre campement de fortune. J’aimerais l’interroger sur la suite de la mission puisque nous étions censés arriver par surprise pour mener une action offensive, mais il ne me répond pas et se contente de récupérer avec d’inhabituelles précautions l’ordre préparatoire reçu à Nîmes [où est basé le 2e régiment étranger d’infanterie, de la Légion étrangère]. Normalement, en opération, le simple fait d’ordonner la destruction d’un ordre écrit suffit, mais cet officier vérifie chaque exemplaire page par page, comme si ce document ne devait plus exister…

    (…)

    Aéroport de Bukavu, Zaïre. 30 juin 1994

    (…) La forêt de Nyungwe constitue un îlot tropical sur la route menant à Kigali via Butare, à moins d’une centaine de kilomètres de notre position. Les légionnaires l’ont survolée en hélicoptère et me l’ont décrite comme très dense, quasi impénétrable pour une unité armée et motorisée, en dehors de la route nationale qui la traverse d’est en ouest, comme un canyon de verdure verticale.

    Nous devons – comprendre « nous allons tout faire pour » – stopper l’avancée militaire des soldats du FPR [Front patriotique rwandais, rébellion d’obédience tutsi, dirigée par Paul Kagame] quand ils arriveront à l’est de la forêt et qu’ils devront s’engouffrer sur cette unique route pour la traverser. Dans notre jargon, c’est un coup d’arrêt, qui consiste à bloquer brutalement l’avancée ennemie par une embuscade solidement adossée au massif forestier, à un endroit précis qu’ils ne pourront contourner.

    Je n’ignore pas la difficulté de la situation, car les légionnaires n’ont pas d’armes lourdes. Même les mortiers légers dont ils disposent n’ont toujours pas leurs munitions et ce sera difficile de tenir face aux soldats du FPR connus pour leur discipline et leur endurance. Un détail, nous sommes 150, les éléments en face seraient au moins dix fois plus, rien que sur cette route. Aussi, pour contrebalancer ce déséquilibre, il nous faut les avions de chasse… et je suis bien placé pour savoir que le dispositif d’appui aérien n’est pas rodé.

    Aéroport de Bukavu, Zaïre. 01 juillet 1994

    (…) Nous rejoignons le tarmac, sur lequel nous attendent cinq hélicoptères de transport Super Puma. Le sifflement de leurs turbines crisse dans nos tympans. Les lumières de position des hélicos forment une ligne vers l’est où le ciel s’éclaire lentement des signes précurseurs du lever du jour. Nous embarquons dans le premier hélicoptère, sur ces sièges en toile toujours trop étroits, les sacs comprimés entre nos genoux. Les visages des légionnaires sont fermés. L’intérieur de la cabine est faiblement éclairé par une lumière blafarde qui ajoute au sentiment de tension. J’observe Tabal, très concentré sur la suite, il me renvoie sa mine confiante, celle de la Légion étrangère qui ne doute pas, ne tremble pas.

    Plus un mouvement, les pilotes ont terminé leur procédure de décollage, les rotors se mettent à tourner, faisant vibrer tout l’appareil. J’aperçois par la porte latérale, grande ouverte, la courbe d’un soleil orangé qui émerge maintenant à l’horizon. Notre hélico se soulève par l’arrière, les têtes rentrent dans les épaules, la mission est lancée, nous partons au combat.

    Brusquement, sur le tarmac, un officier surgit de l’estancot qui sert d’état-major aux forces spéciales et fait signe, les bras en croix, de stopper immédiatement l’opération. L’hélicoptère atterrit brutalement, à la surprise générale. Je défais ma ceinture de sécurité et saute par la porte pour rejoindre le stoppeur, c’est le capitaine de Pressy, en charge des opérations pour ce secteur. Il comprend à ma mine mauvaise que j’ai besoin d’explications.

    « Nous avons passé un accord avec le FPR, nous n’engageons pas le combat. »

    Les rotors s’immobilisent, et les hommes descendent sans attendre des cabines restées ouvertes, avec leurs sacs immenses et leurs armes sur l’épaule.

    Tabal me rejoint avec calme, et Pressy reprend :

    « Les Tutsi stoppent leur avance et nous allons protéger une zone qu’ils n’occupent pas encore, à l’ouest du pays. Ce sera une “zone humanitaire”, qui passe sous notre contrôle.

    – Si je comprends bien, on renonce à remettre au pouvoir ce qui reste du gouvernement ?

    – Oui, pour l’instant, nous allons vite voir quel cap nous prenons maintenant. »

    Tous ces militaires étaient déterminés à aller se battre, et ils ont été stoppés dans leur élan, comme si, au bout de la nuit, un responsable politique avait enfin décidé que ce combat ne pouvait pas avoir lieu. Les soldats désarment bruyamment leur arsenal après avoir ôté les chargeurs. Nous sommes un peu groggy, à la fois soulagés mais aussi frustrés.

    Je retourne aux grandes tentes avec Tabal, qui se moque gentiment en s’interrogeant sur la fonction que je vais maintenant pouvoir occuper. J’étais le responsable des frappes aériennes, il me propose de devenir « responsable des frappes humanitaires », ironisant sur la tonalité nouvelle et un peu surprenante de notre intervention, car c’est la première fois que nous entendons parler d’« humanitaire ».

    Aéroport de Cyangugu, Rwanda. Juillet 1994

    Je suis vraiment contrarié.

    En rentrant tard dans l’après-midi sur la base de Cyangugu, je trouve un groupe de journalistes qui assiègent le petit état-major, ils attendent un point de situation et s’impatientent bruyamment. Je ne veux pas m’en mêler, je les contourne discrètement pour aller poser mes affaires sous mon lit et faire le point avec Malvaud, l’officier rens [de renseignement].

    Le lieutenant-colonel Lemoine, l’adjoint de Garoh, m’intercepte et me demande de l’aider : les journalistes ne devaient pas rester au-delà de 15 heures, mais leur programme a été prolongé sans son avis. Ils attendent un brief alors « qu’un convoi de camions doit quitter la base pour transporter des armes vers le Zaïre ». Je ne comprends pas de quoi il parle, mais Lemoine me propulse devant les journalistes sans me laisser le temps de poser plus de questions.

    Les journalistes m’entourent aussitôt, comme s’ils m’encerclaient. Je parle doucement pour les obliger à se concentrer sur mes propos. Je leur fais un brief rapide sur la situation dans la zone et sur mes activités de recherche et de sauvetage de rescapés. La plupart s’en contentent, cependant un reporter du journal Le Monde n’en reste pas là :

    « Capitaine, vous désarmez les Rwandais qui traversent votre zone ? Même les militaires des FAR [Forces armées rwandaises] ?

    – Bien sûr, nous protégeons la zone humanitaire sûre, donc plus personne n’a besoin de porter une arme dans ce périmètre.

    – Et pourquoi vous ne confisquez pas aussi les machettes ?

    – Pour la simple raison que tout le monde en possède. Dans ce cas, il faudrait aussi supprimer les couteaux, les pioches et les bâtons ! »

    Rire de ses confrères, mais la question est loin d’être anodine ; ne rien faire dans ces situations alors qu’on en a le pouvoir, c’est se rendre complice. J’aperçois dans leur dos, de l’autre côté de la piste, une colonne d’une dizaine de camions transportant des conteneurs maritimes, qui quittent le camp en soulevant un nuage de poussière.

    Le journaliste n’abandonne pas.

    « Et les armes saisies, qu’en faites-vous ? »

    Je n’ai pas envie de mentir ni de nous mettre en difficulté, alors j’esquive avec un sourire.
    « Nous les stockons ici dans des conteneurs, et nous attendons que leurs propriétaires les réclament. »

    Les journalistes rient encore, ils doivent penser que je suis plein d’humour. Ils plient bagage après m’avoir remercié et remontent dans l’avion qui les attend enfin sur la piste.

    J’attends avec impatience le débriefing du soir auquel assistent tous les chefs de détachement du groupement. Nous sommes une douzaine autour de la table et j’aborde sans attendre le sujet du convoi, pour lequel on m’a demandé de détourner l’attention des journalistes. Je sens que Garoh hésite et cherche ses mots :

    « Ces armes sont livrées aux FAR qui sont réfugiées au Zaïre, cela fait partie des gestes d’apaisement que nous avons acceptés pour calmer leur frustration et éviter aussi qu’ils ne se retournent contre nous. »

    Je suis sidéré.

    « Attendez, on les désarme, et ensuite on va leur livrer des armes, dans des camps de réfugiés, alors que ce sont des unités en déroute, sans doute liées aux milices et, pire encore, au ravage de ce pays ? »

    Garoh me répond avec son calme imperturbable,

    « Oui, parce que les FAR sont à deux doigts d’imploser et d’alimenter effectivement les bandes de pillards. En donnant ces armes à leurs chefs, nous espérons affermir leur autorité. De plus, nous ne sommes que quelques centaines de combattants sur le terrain, et nous ne pouvons pas nous permettre le risque qu’ils se retournent contre nous, alors que le FPR nous menace déjà. »

    Lemoine, son adjoint, ajoute pour l’aider :

    « Ancel, nous payons aussi leur solde, en liquide, pour éviter qu’ils ne deviennent incontrôlables, ce que nous sommes souvent obligés de faire dans ces situations. »

    Je trouve le raisonnement court-termiste et indéfendable : comment avaler qu’en livrant des armes à ces militaires nous améliorons notre propre sécurité ? Je leur rappelle que nous n’avons plus vraiment de doutes sur l’implication des FAR dans les massacres de grande ampleur qu’aucun d’entre nous ne nomme encore « génocide ». Mais Garoh stoppe là le débat, même s’il semble troublé aussi par cette situation.

    Après cet événement, j’ai demandé aux pilotes d’hélicos et aux gendarmes chargés du contrôle des armes saisies de les balancer au-dessus du lac Kivu. Garoh aurait pu s’y opposer, mais il a validé cette pratique…

    Retour à Bisesero, ouest du Rwanda

    (…)

    Comme je l’ai relaté, au lever du jour du 1er juillet, cette mission de combat contre les ennemis des génocidaires a été annulée in extremis. J’en connais désormais plus de détails grâce au témoignage d’Oscar, un des pilotes de chasse engagés dans cette opération et dont je raconterai le parcours un peu plus loin.

    En croisant nos témoignages, il apparaît que cette mission a été annulée par le PC Jupiter situé sous le palais présidentiel de l’Elysée, alors que les avions de chasse, des Jaguar, étaient déjà en vol pour frapper, et que nous-mêmes décollions en hélicoptère pour rejoindre la zone de guidage. Pourtant, le PC Jupiter n’a pas vocation à diriger ce type d’opération, qui est plutôt du ressort du bien nommé Centre opérationnel interarmées. C’est une procédure tout à fait inhabituelle que m’a décrite mon camarade et, compte tenu de ma compréhension du sujet, il est probable que les événements se soient enchaînés ainsi : cette opération de combat contre le FPR a été décidée sans réel contrôle politique, mais l’intervention des Jaguar a déclenché une procédure quasi automatique de confirmation auprès du PC de l’Elysée, qui s’en est effrayé. En effet, l’engagement au combat d’avions de chasse est considéré comme stratégique du fait de leur puissance de feu, ainsi que du risque médiatique : difficile de faire croire qu’un bombardement n’a pas été organisé, tandis qu’il est toujours possible d’habiller un échange de tirs au sol en accrochage accidentel ou en riposte à une tentative d’infiltration.

    En conséquence, la patrouille de Jaguar, au moment de rejoindre la zone de combat, demande la validation de son engagement, sans doute par l’intermédiaire de l’avion ravitailleur KC135 qui les soutient et qui est équipé d’un système radio longue portée en l’absence d’Awacs. Le PC Jupiter alerte l’Elysée – l’étage du dessus –, qui découvre l’opération, prend brutalement conscience des conséquences possibles d’un tel engagement et l’interdit aussitôt.

    L’annulation, au tout dernier moment, de cette mission, par la présidence de la République, déclenche un débat – plutôt que d’en être l’issue – sur le risque que la France soit effectivement accusée de complicité de génocide et mise au ban des nations, alors même que la crise de Bisesero [un secteur de collines où des dizaines de miliers de personnes ont été massacrées] vient de débuter. Dans les jours qui suivent, des spécialistes de l’Afrique des Grands Lacs sont consultés, et probablement dépêchés sur place, pour négocier un compromis avec le FPR, c’est la suite de l’opération « Turquoise » avec la création d’une zone humanitaire sûre.

  • Les secrets de la France au Rwanda : les révélations d’un officier français

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    Ancien militaire, Guillaume Ancel a participé à l’opération « Turquoise ». Son livre contredit la version officielle d’une intervention avant tout « humanitaire ».

    Le livre s’intitule Rwanda, la fin du silence, témoignage d’un officier français (éditions Les Belles Lettres, sortie vendredi 16 mars). L’officier en question, c’est Guillaume Ancel, 52 ans, dont vingt passés dans l’armée. Comme d’autres, il a participé, en juin 1994, à l’opération « Turquoise » lancée par la France dans ce pays d’Afrique, théâtre du dernier génocide du XXe siècle (800 000 morts en trois mois, en majorité tutsi), orchestré par le gouvernement en place, à dominante hutu. Le récit que l’ex-capitaine tire de cette expérience contredit la version officielle d’une opération avant tout humanitaire. Pour lui, les autorités politiques et militaires de l’époque, sous la présidence de François Mitterrand, ont surtout cherché, du moins dans un premier temps, à sauver un régime « ami » emporté par la folie meurtrière.

    Un événement particulier a incité Guillaume Ancel à témoigner. Il remonte au 27 février 2014. Ce jour-là, la Fondation Jean-Jaurès, le think tank du Parti socialiste, organise à Paris un colloque à huis clos sur la politique africaine de François Mitterrand. Une quarantaine de personnes – juristes, historiens, diplomates… – y participent, sous la présidence de Paul Quilès, ancien ministre de la défense. Les intervenants se succèdent, tous si proches du PS que les contributions sont unanimes dans la louange.

    Vient alors le tour de M. Ancel de raconter sa guerre, lui qui était alors « officier de guidage de tir aérien », chargé de diriger au sol les missiles largués par l’aviation. Ce qu’il raconte va à l’encontre des propos des autres intervenants. D’après lui, « Turquoise » fut bien une opération de guerre avant de se muer en intervention humanitaire. « A ce moment-là, quarante mâchoires se décrochent », se souvient-il. La tension monte, l’atmosphère devient électrique. Paul Quilès intervient. « Sorti de son contexte, jeune homme, votre témoignage pourrait faire gravement douter les Français, dit-il en pointant un doigt rageur. Je vous demande, par conséquent, de ne pas raconter de telles choses, pour ne pas troubler la vision qu’ont les Français du rôle que nous avons joué au Rwanda. »

    Le « jeune homme » de 49 ans est stupéfait. Sa réponse fuse : « Le problème, il n’est pas dans mon témoignage, il est dans votre version officielle, qui est bien plus romancée que la mienne. » Rouge de colère, Paul Quilès finit par quitter la salle. Deux jours plus tard, M. Ancel entend les mêmes reproches menaçants, relayés par une de ses relations professionnelles : son histoire pourrait faire « gravement douter les Français ». « Ces menaces ont déclenché ma volonté de témoigner », affirme-t-il aujourd’hui.

    D’autres « anciens » ont brisé l’omerta

    Fils de bonne famille de la bourgeoisie lyonnaise, il n’avait pourtant rien pour sortir du rang. Il a fait son chemin dans l’artillerie, spécialité technique mais indispensable aux conflits modernes, et enchaîné les missions (Cambodge, Rwanda, ex-Yougoslavie). Diplômé de l’Ecole de guerre, il était programmé pour devenir général et transformer l’armée de terre, mais il a finalement décidé, en 2005, de changer de vie et de basculer dans le privé.

    Avant lui, d’autres « anciens » de « Turquoise » ont brisé l’omerta. Parmi eux, Jean-Rémi Duval, alias « Diego ». Engagé volontaire à 20 ans comme deuxième classe, il a gravi tous les échelons des forces spéciales, jusqu’à prendre le commandement du CPA 10, les commandos parachutistes de l’air alors basés à Nîmes. Le 27 juin 1994, au Rwanda, c’est lui qui découvre avec ses hommes les rescapés tutsi des collines de Bisesero, 2 000 survivants sur environ 50 000. Il leur promet de revenir les protéger aussi vite que possible, mais ceux-ci devront finalement attendre trois jours le retour des Français ; trois jours où ils subiront plusieurs assauts meurtriers des milices hutu. Pourquoi les Français ont-ils tant tardé à intervenir ? L’épisode reste nébuleux et fait l’objet d’une vive polémique : Duval assure avoir informé aussitôt son supérieur direct, ce que ce dernier conteste.

    Si « Diego » a toujours refusé de témoigner publiquement, il s’est expliqué devant la Mission d’information parlementaire en 1998, puis en 2007 face aux enquêteurs qui l’interrogeaient dans le cadre d’une information judiciaire pour « complicité de génocide ». « Sans rentrer dans les détails, indique-t-il alors aux policiers, disons qu’à la fin de ma carrière, soit au moment de ma retraite [il a quitté l’armée en septembre 1995], j’étais en désaccord avec la politique française menée d’une manière générale en Afrique et notamment au Rwanda. Je n’ai pas de précision à donner à ce sujet, mais cela n’a fait que précipiter mon départ. » Défendre son honneur sans rompre avec la solidarité de corps : l’exercice est délicat pour ceux qui ont quitté le service actif.

    Les foudres du commandement

    En 2005, un autre ancien de « Turquoise » se rebelle, publiquement cette fois, sur France Culture : l’adjudant-chef Thierry Prungnaud, une légende du GIGN, l’unité d’élite de la gendarmerie. Considéré comme un tireur d’élite d’exception, il a participé, pendant dix-huit ans, aux opérations les plus délicates. Engagé dans « Turquoise » en 1994, il affirme avoir été berné par ses chefs du commandement des opérations spéciales, qui lui auraient parlé lors du « briefing de situation », de massacres commis par des Tutsi sur les Hutu, et non l’inverse. Puis, il raconte comment son supérieur direct lui aurait interdit d’aller à la rescousse des survivants de Bisesero et comment, avec d’autres camarades, il a désobéi pour essayer de les sauver.

    Prungnaud est bien placé pour mesurer l’ampleur du drame puisqu’il a lui-même formé, en 1992, un groupe de choc au sein de la garde présidentielle rwandaise, devenue entre-temps un des fers de lance des tueries. Lorsqu’il en prend conscience, ses convictions de gendarme républicain sont ébranlées. En 2010, alors que son témoignage de 2005 n’a pas soulevé de réactions outrées, il s’attire les foudres du commandant de l’opération, le général Lafourcade. Ce dernier publie un livre (Opération Turquoise : Rwanda, 1994, Perrin, 2010), et conteste, dans un entretien au Point, le récit de Prungnaud : « Pour ce brillant et très courageux soldat, la situation vécue au Rwanda a été très difficile, je regrette vivement qu’à partir de ce témoignage pour le moins suspect, on conclue que les Français ont laissé tuer les Tutsi de Bisesero, donc qu’ils sont complices du génocide. C’est terrible ! »

    Exigence de vérité

    A l’heure de publier à son tour son récit, Guillaume Ancel ne cache pas ses propres faiblesses. Le 11 juillet 1994, il a commis un crime de guerre. En récupérant des armes dans une villa avec son équipe de légionnaires, il croise un groupe de génocidaires. « L’un des miliciens se tourne vers moi et me provoque du regard, il porte un gilet pare-éclats ensanglanté, au camouflage de l’armée belge avec la bande patronymique du sergent P. Van Moyden », écrit-il. Comme neuf de ses compagnons d’armes, ce sous-officier belge a été lynché, le 7 avril 1994, parce qu’il protégeait la première ministre Agathe Uwilingiyimana, assassinée par la garde présidentielle rwandaise. Or, quelques années auparavant, M. Ancel a connu le sergent Van Moyden lors d’un stage européen. Il ordonne à ses hommes de récupérer le gilet. « Alors, les légionnaires ouvrent le feu presque simultanément, dans un bref échange de tirs, sans rafales, juste des tirs ajustés, écrit-il. Les miliciens sont trop lents pour riposter efficacement, ils s’effondrent en quelques secondes. » Un crime de guerre, aujourd’hui prescrit, mais qui pèse sur sa conscience.

    « Qu’est-ce que je gagne dans cette polémique sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi ?, s’interroge-t-il. Rien d’autre que des ennuis et des tensions. Je redoute que mes compagnons d’armes craignent que je les mette en cause, alors que j’ai admiré leur professionnalisme et leur courage, sur le terrain. Je crains aussi que ce débat n’ait pas lieu. Ce que je dis devrait susciter l’effroi. Je ne prétends pas avoir raison, je dis simplement que mon témoignage est incompatible avec la fable humanitaire. » Cette exigence de vérité est le point commun de tous les militaires français marqués par le génocide rwandais. L’ex-capitaine Ancel voudrait que ceux dont il a recueilli les confidences « off » – en changeant leurs noms – pour nourrir son témoignage s’expriment un jour comme lui, à visage découvert.

  • Rwanda : « On était venus empêcher la victoire de ceux qui combattaient les génocidaires » - Libération
    http://www.liberation.fr/planete/2018/03/15/rwanda-on-etait-venus-empecher-la-victoire-de-ceux-qui-combattaient-les-g

    Guillaume Ancel, capitaine de l’armée française en 1994, a participé à l’opération « Turquoise ». Il publie aujourd’hui un livre sur cette intervention qui, d’après son témoignage, visait à protéger le gouvernement rwandais en déroute.

    C’est un soupçon monstrueux qui ne cesse de ressurgir, depuis près de vingt-cinq ans : la France a-t-elle déclenché une opération humanitaire dans un pays d’Afrique avec comme but inavoué de sauver un gouvernement qui venait tout juste de massacrer près d’un million de personnes ? L’accusation peut paraître énorme. Elle revient pourtant régulièrement, comme un serpent de mer qui interroge, encore et encore, le rôle pour le moins ambigu de la France lors du génocide qui s’est déroulé au Rwanda en 1994.

    Cette année-là, dans ce petit pays de l’Afrique des Grands Lacs, une extermination est déclenchée contre la minorité tutsie du pays. Pour y mettre un terme, alors que la communauté internationale a vite plié bagage, il n’y aura que l’offensive d’un mouvement rebelle, le Front patriotique rwandais (FPR), formé quatre ans plus tôt par des exilés #tutsis. Contre toute attente, le #FPR fait reculer le gouvernement génocidaire. Et c’est au moment où le FPR semble proche de la victoire finale que la France décide soudain d’intervenir. Sous label « humanitaire ». Guillaume #Ancel y était. Officier intégré dans une unité de la Légion étrangère, il a participé à cette opération « #Turquoise », dont il raconte la face cachée, dans le livre qu’il publie aujourd’hui (1).

    Depuis que vous avez quitté l’armée en 2005, et même encore récemment, vous avez souvent témoigné sur l’opération Turquoise. Pourquoi publier encore un livre aujourd’hui ?
    Pour empêcher que le silence ne devienne amnésie, et sur les conseils d’un historien, Stéphane #Audoin–Rouzeau, qui m’a aidé à écrire ce livre. C’est le témoignage écrit cette fois-ci, de ce que j’ai vécu, ce que j’ai vu. En nous envoyant là-bas, personne ne nous a briefés avant le départ. On ne savait rien. C’est totalement inédit dans les pratiques de l’armée. Et ce n’est qu’en arrivant sur place qu’on a compris : en guise « d’action #humanitaire », on était d’abord venus pour stopper le FPR, donc empêcher la victoire de ceux qui combattaient les génocidaires. Qu’on a tenté de remettre au pouvoir, puis qu’on a aidé à fuir, avant de les réarmer de l’autre côté de la frontière au Zaïre [aujourd’hui république démocratique du Congo, ndlr]. C’est comme si à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le corps expéditionnaire français avait été envoyé aux côtés des nazis pour stopper, par exemple, l’avancée des troupes russes. En aidant les nazis à se réarmer, faute d’avoir pu finalement les réinstaller au pouvoir. L’opération Turquoise a été menée « au nom de la France ». Mais vingt-quatre ans plus tard, on refuse toujours d’en ouvrir les #archives. Pour quelle raison, si ce n’était qu’une simple opération humanitaire ?

    Au sein de l’armée il y a d’autres témoignages qui contredisent le vôtre…
    En réalité, il y a surtout très peu de témoignages. Beaucoup se taisent car il existe une culture du silence dans l’armée française, qu’on ne retrouve pas d’ailleurs chez les Anglo-Saxons. Il y a pourtant cet ancien officier du GIGN qui a raconté l’horreur d’avoir compris qu’il avait formé des troupes qui commettront ensuite le génocide. Parmi les anciens de Turquoise, certains, en revanche, répètent la parole officielle, par peur d’être mis en cause. Mais il y a aussi cet ancien commandant de marine qui, lui, explique clairement qu’il était là pour aider ceux qui commettent les massacres ! J’ai également des camarades qui avaient écrit au ministre de la Défense, à l’époque de l’opération, pour dénoncer le réarmement des troupes génocidaires en déroute. Ils se sont fait tacler.

    Mais pour quelle raison la France se serait-elle fourvoyée dans ce bain de sang ?
    Aucun responsable ne s’est réveillé un matin, en se disant « tiens je vais aider ceux qui commettent un #génocide ». Mais il y a eu une part d’aveuglement, dans le cercle étroit autour du président François #Mitterrand. Quand le génocide commence, la France vient de passer quatre ans aux côtés du régime rwandais. Sur place on a vu le fichage des Tutsis, on a su pour l’entraînement des miliciens, les premiers pogroms, simple répétition du « grand soir ». Et on n’a pas réagi. En revanche dès le début du génocide, des divergences apparaissent au sein même des services de renseignements : la #DGSE pointe tout de suite la responsabilité du pouvoir en place dans l’organisation de massacres et conseille de s’en dissocier. Puis, la direction du renseignement militaire va contredire cette analyse, tenter de détourner l’attention sur la responsabilité du FPR dans l’attentat contre l’avion du président rwandais Juvénal #Habyarimana [attentat du 6 avril 1994, considéré comme l’événement déclencheur du génocide] avec une photo de missiles qui avait tout d’une manip.

    Or quand l’avion du président Habyarimana est abattu, après des mois de tensions, ce dernier venait justement d’accepter de partager le pouvoir avec le FPR. Au fait, pourquoi n’a-t-on jamais retrouvé la boîte noire ? L’un des premiers sur les lieux du crash, c’est un officier français : Grégoire de Saint Quentin. Mais quand je l’ai rencontré et que je lui ai demandé ce qu’était devenue la boîte noire, il s’est brusquement refermé comme une huître. Il n’est pas en cause, on lui a ordonné de se taire.

    Vous refusez d’accuser vos anciens compagnons d’armes, qui n’auraient fait qu’« obéir aux ordres », mais vous évoquez aussi ce prisonnier qui aurait été jeté d’un hélicoptère pendant l’opération Turquoise. Est-ce que l’armée n’est pas parfois hors contrôle dans ces opérations ?
    C’est un cas particulier. Une équipe qui, je pense, a disjoncté toute seule. Pour le #Rwanda, ce qui est inquiétant, c’est ce lourd silence qui continue à s’imposer, et la gravité des faits qui pourrait impliquer une complicité de génocide. Mais aujourd’hui, alors que les questions sécuritaires sont de plus en plus fortes, on est de moins en moins informé sur les opérations militaires, en #Afrique notamment. Sur le moment c’est parfois périlleux de dévoiler les détails d’une opération. Mais après coup ? Si l’opinion, les médias, ne se montrent pas plus exigeants sur ce qui est fait en notre nom à tous, c’est la démocratie qui est en péril.
    (1) Rwanda, la fin du silence (éditions les Belles Lettres), 21 euros
    Maria Malagardis

    En parlant de soupçon au début de l’interview c’est comme si Libération découvrait ce que de nombreux livres, chercheurs et témoignages n’ont cessé de répéter depuis plus de 20 ans. Ce ne sont pas des soupçons, ce sont des faits avérés mais niés par les responsables politiques français contre toute évidence. Les mots sont importants.
    #françafrique #armée

    • déjà en 2014…

      Guillaume Ancel. Hanté par Turquoise - Libération
      http://www.liberation.fr/planete/2014/07/02/guillaume-ancel-hante-par-turquoise_1055863

      Il atterrit au bord du lac Kivu, à la frontière du Rwanda et de ce qui était alors le Zaïre (devenu république démocratique du Congo). Finalement, il n’y aura pas de raid sur la capitale. « Mais nous étions bien venus pour nous battre et trouver le moyen de sauver le pouvoir en place alors en pleine débandade », souligne-t-il. Quelques jours plus tard, un deuxième ordre pour stopper la progression des rebelles sera aussi annulé in extremis. « Ce n’est qu’après cette deuxième annulation que l’opération Turquoise devient vraiment humanitaire et qu’on va être encouragés à aller sauver des rescapés », explique-t-il. Il en garde le souvenir de s’être enfin rendu utile : « Chaque vie sauvée était une victoire. »Mais au niveau politique, un certain flou demeure. « On a renoncé à sauver ouvertement le régime génocidaire mais on lui a permis de traverser la frontière. Et on lui a fourni des armes », accuse l’ex-officier qui fut le témoin direct d’une livraison d’armes, « cinq à dix camions qui ont franchi la frontière dans la seconde partie de juillet. Moi, ce jour-là, j’étais chargé de "divertir" les journalistes présents sur place. »

  • Témoignage : Vent glacial sur Sarajevo

    Carnet de guerre d’un officier en première ligne lors du siège le plus long qu’ait connu une capitale à l’époque contemporaine, Vent glacial sur Sarajevo est un témoignage sans concession sur l’ambiguïté de la politique française durant le conflit en ex-Yougoslavie.

    Cette « capitale assiégée que nous n’avons pas su protéger », Guillaume Ancel la rejoint en janvier 1995 avec un bataillon de la Légion étrangère. Sarajevo est encerclée depuis déjà trois ans et sa population soumise aux tirs quotidiens des batteries d’artillerie serbes. L’équipe du capitaine Ancel a pour mission de guider les frappes des avions de l’OTAN contre elles. Des assauts sans cesse reportés, les soldats français recevant à la dernière minute les contre-ordres nécessaires pour que les Serbes ne soient jamais inquiétés. Sur le terrain, les casques bleus français comprennent qu’on ne leur a pas tout dit de leur mission et se retrouvent pris au piège.

    « Six mois d’humiliation » résume #Guillaume_Ancel qui dresse un constat sévère des choix faits par le gouvernement d’alors. En témoignant de l’opération à laquelle il a participé, il raconte ces hommes, ces situations, cette confusion et le désarroi qui, jour après jour, ronge ces soldats impuissants.

    Ancien officier de la #Force_d’Action_Rapide, saint-cyrien, Guillaume Ancel a participé notamment à l’intervention de l’ONU au Cambodge en 1992, à l’opération Turquoise en 1994, pendant le génocide des Tutsis au Rwanda, et aux missions en ex-Yougoslavie en 1995 et 1997. Il a quitté l’armée de terre en 2005 pour rejoindre le monde des entreprises.

    https://www.courrierdesbalkans.fr/Temoignage-Vent-glacial-sur-Sarajevo
    #France #Sarajevo #ex-yougoslavie #histoire #Bosnie #siège #livre #témoignage #guerre #conflit
    cc @ville_en

  • Simulacre & postmodernité au combat
    http://www.dedefensa.org/article/simulacre-postmodernite-au-combat

    Simulacre & postmodernité au combat

    25 septembre 2017 – Un couple de jeunes gens de ma famille m’a confié pour une lecture qui devrait m’intéresser, Vent glacial sur Sarajevo, de Guillaume Ancel (Belles-Lettres, mai 2017). L’auteur est un ancien saint-cyrien, ancien officier de l’armée française (jusqu’en 2005). Affecté dans les années 1990 à la Force d’Action Rapide, il fut détaché dans plusieurs opérations de l’ONU, notamment à Sarajevo en 1995-1997. C’est de ce dernier épisode que j’extrais un passage dont je vous recommande la lecture, ci-dessous.

    J’y suis tombé par hasard, dans un premier feuilletage ultra-rapide du livre, p.150-151, et j’ai retrouvé l’extrait sur la page du site Belles-Lettres consacré au livre. Le hasard est un compagnon de très bonne compagnie, qui doit avoir des consignes (...)

  • Philosophe & postmodernité au combat
    http://www.dedefensa.org/article/philosophe-postmodernite-au-combat

    Philosophe & postmodernité au combat

    25 septembre 2017 – Un couple de jeunes gens de ma famille m’a confié pour une lecture qui devrait m’intéresser, Vent glacial sur Sarajevo, de Guillaume Ancel (Belles-Lettres, mai 2017). L’auteur est un ancien saint-cyrien, ancien officier de l’armée française (jusqu’en 2005). Affecté dans les années 1990 à la Force d’Action Rapide, il fut détaché dans plusieurs opérations de l’ONU, notamment à Sarajevo en 1995-1997. C’est de ce dernier épisode que j’extrais un passage dont je vous recommande la lecture, ci-dessous.

    J’y suis tombé par hasard, dans un premier feuilletage ultra-rapide du livre, p.150-151, et j’ai retrouvé l’extrait sur la page du site Belles-Lettres consacré au livre. Le hasard est un compagnon de très bonne compagnie, qui doit avoir des consignes (...)

  • La #France accusée d’avoir réarmé les génocidaires rwandais, par Sabine Cessou (Les blogs du Diplo, 30 juin 2017)
    https://blog.mondediplo.net/2017-06-30-La-France-accusee-d-avoir-rearme-les-genocidaires #st

    C’est une bombe qu’a lancée le dernier numéro de la revue XXI, paru le 28 juin, avec son enquête sur les crimes commis par la France en Afrique. Au sommaire, la revue revient sur trois exemples. Tout d’abord, le massacre commis au camp de Thiaroye au Sénégal en 1944 à l’encontre de « tirailleurs », et qui a fait l’objet en 1988 d’un film du réalisateur sénégalais Ousmane Sembène, interdit en France pendant dix ans. Ensuite, l’agenda caché de la France, qui a poussé en vain à une sécession d’une partie du Nigeria, sous couvert de mission humanitaire au Biafra. Et puis son rôle en 1994 au #Rwanda, qu’on savait déjà plus que problématique, mais qui s’avère carrément scandaleux et criminel.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/72915 via Le Monde diplomatique

  • Génocide au Rwanda : des révélations sur le rôle de la France

    http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/06/27/genocide-au-rwanda-des-revelations-sur-le-role-de-la-france_5151690_3212.htm

    Selon la revue « XXI », un ordre officiel avait été donné pendant l’opération « Turquoise » de réarmer les génocidaires des tutsis, quelques mois après les massacres.

    Intitulé « Réarmez-les », l’article de Patrick de Saint-Exupéry, cofondateur de la revue, s’appuie sur le témoignage d’un haut fonctionnaire qui a pu consulter les archives sur le conflit rwandais. Lorsque l’Elysée annonça en 2015 l’ouverture de ces archives, deux hauts fonctionnaires furent en effet chargés de vérifier leur contenu. L’ancien officier de l’armée de terre Guillaume Ancel est l’un d’eux. Il décrit dans l’article le document officiel donnant l’ordre de réarmer ceux qui viennent de commettre le génocide, pendant l’opération militaire « Turquoise », officiellement organisée par la France pour « mettre fin aux massacres ».

    L’enquête de la revue XXI relate les débats que l’ordre de réarmement a provoqué chez les officiers français, certains demandant à pouvoir exercer leur droit de retrait pour ne pas l’exécuter. Mais la directive est finalement confirmée, et l’ordre est signé par le secrétaire général de l’Elysée de l’époque, Hubert Védrine.

    L’ouverture des archives sur le Rwanda, pourtant annoncée par François Hollande, n’a pas été effective en raison du « constat qu’a réalisé ce haut fonctionnaire qui a vu des documents extrêmement compromettants », expose le journaliste.

  • Guillaume Ancel : « il faut rechercher les éjecteurs desmissiles »
    http://survie.org/billets-d-afrique/2014/238-septembre-2014/article/guillaume-ancel-il-faut-rechercher-4765

    Le 6 avril 1994, l’avion du président rwandais est abattu par un missile, ce qui est considéré par beaucoup comme le signal de déclenchement du génocide des Tutsi. Vingt ans après, les juges français chargés de l’instruction sur cet attentat ont indiqué courant juillet 2014 qu’ils ne peuvent pas en déterminer les auteurs. Guillaume Ancel, ancien capitaine de l’armée française dans l’opération Turquoise (cf. Billets n°237, juillet-août 2014), apporte de nouveaux éléments. Billets : Quelles sont vos (...)

    #238_-_septembre_2014

    / #Rwanda, #Salves, #Justice, Une

  • Entretien avec Guillaume Ancel : « On aurait dû les arrêter »
    http://survie.org/billets-d-afrique/2014/237-juillet-aout-2014/article/entretien-avec-guillaume-ancel-on-4752

    Guillaume Ancel est un ancien militaire français. Il était capitaine quand il a été envoyé au Rwanda dès le début de l’opération Turquoise. Il est récemment sorti de sa réserve en publiant un livre, Vents sombres sur le lac Kivu, puis un blog et des entretiens. Pour Billets d’Afrique, il revient, entre autres, sur la confusion entretenue par les autorités françaises sur les buts de la mission confiée aux militaires ; sur le fait que le 29 juin 1994, quand des rescapés tutsi sont tués à Bisesero, son unité (...)

    #237_-_juillet_août_2014

    / #Complicité_de_la_France_dans_le_génocide_des_Tutsi_au_Rwanda, #Salves, (...)

  • Guillaume Ancel répond aux accusations du colonel Hogard, qui a tenté de discréditer son témoignage
    http://nepassubir.blog.lemonde.fr/2014/04/12/contrepoint

    Pour qu’il n’y ait aucun doute sur mon rôle pendant l’opération Turquoise, et aider les personnes qui présentent des symptômes d’Alzheimer, je mets en ligne quelques documents (qui ne sont pas confidentiels puisque je n’en ai gardé aucun, conformément aux règles strictes des Armées)

    Pour rappel, voici la superbe tribune de pure communication offerte par Jean Guisnel au colonel Hogard afin de discréditer le témoignage de Guillaume Ancel :
    http://www.lepoint.fr/editos-du-point/jean-guisnel/rwanda-1994-il-n-a-jamais-ete-question-d-un-raid-sur-kigali-09-04-2014-18113

    Et le témoignage initial :
    http://www.franceculture.fr/2014-04-07-nouvelles-revelations-sur-l-operation-humanitaire-francaise

    #Rwanda #armée @rezo

  • « L’opération Turquoise au #Rwanda était offensive avant d’être #humanitaire »
    http://www.france24.com/fr/20140407-france-operation-turquoise-rwanda-offensive-humanitaire-guillaume

    Mais selon l’ancien capitaine français, avant de devenir humanitaire, #Turquoise a clairement été une opération offensive. Un raid terrestre, qui devait être accompagné de frappes aériennes, avait été programmé pour aller jusqu’à Kigali. Son objectif : contrer militairement l’avancée du #FPR. « Moi je suis parti avec l’ordre opérationnel de préparer un raid sur Kigali. Quand on fait un raid sur Kigali, c’est pour remettre au pouvoir le gouvernement qu’on soutient, c’est pas pour aller créer une radio libre », explique Guillaume Ancel, qui a quitté l’armée en 2005, avec le grade de lieutenant-colonel. « L’ordre que j’ai reçu pour partir au Rwanda était extrêmement offensif », affirme-t-il. L’ex-militaire affirme avoir ensuite reçu, entre le 29 juin et le 1er juillet, un autre ordre, qui « était d’arrêter par la force l’avancée des soldats du FPR » : « On n’est toujours pas dans une mission humanitaire. »

    Selon lui, la #France aurait ensuite continué à soutenir le gouvernement génocidaire rwandais et son armée en rendant, vers la mi-juillet, « à ce qui restait des forces armées rwandaises, les dizaines de milliers d’armes » que les militaires français avaient confisquées dans la zone humanitaire. « On a clairement été à l’origine d’une continuation des combats [...], qui ont fait de nouveau des centaines de milliers de morts », admet-il.

  • Nouvelles révélations par un militaire sur l’intervention française au Rwanda
    http://www.franceculture.fr/2014-04-07-nouvelles-revelations-sur-l-operation-humanitaire-francaise

    20 ans jour pour jour après le début du génocide des Tutsi au Rwanda, et alors que le président Kagame vient de mettre en cause la France, un ancien officier de l’armée française apporte un nouvel éclairage sur l’opération Turquoise (23 juin-22 août 1994). Des frappes aériennes avaient été programmées sur Kigali.

    @rezo

    • Guillaume Ancel explique qu’il était parti en juin 1994 pour le Rwanda où des frappes aériennes étaient prévues. Il devait être au sol, près des cibles, pour guider précisément ceux qui devaient bombarder. Il explique qu’il ne partait en mission que quand c’était vraiment nécessaire, en Afrique ou en Yougoslavie. Il dit "il est nécessaire d’avoir quelqu’un au sol près des cibles pour éviter de bombarder l’ambassade de Chine".

      Il semble donc qu’à Belgrade en 1999, soit le militaire de service était en retard pour prendre son poste, ou alors vraiment incompétent.

    • Il faut écouter ce qu’il raconte de sa mission (it’s a must) surtout les 4 minutes sous sa photo.

      France-culture :

      Si elles sont avérées, ces révélations sont de nature à remettre en cause la version « officielle » qui circule depuis 20 ans maintenant.

      Elles apportent en tout cas de l’eau au moulin de l’association Survie, qui dénonce depuis des années « la complicité » de l’Etat français avec le Rwanda des génocidaires.

      L’ONG réclame notamment la création d’une commission d’enquête parlementaire qui étudierait l’ensemble des éléments sur la politique menée par l’Etat français au Rwanda, ainsi que la déclassification de tous les documents.

    • Je viens de tout écouter plusieurs fois. Guillaume Ancel aborde trois points qui mettent à mal la version officielle française. Ces points ne sont pas nouveaux, ils sont décrits et analysés par les associations, mais ce qui est très nouveau, c’est que ce discours est tenu pour la première fois par un militaire français de haut niveau ayant participé à l’opération Turquoise. Et ce qu’il dit est proprement hallucinant.

    • On m’a demandé d’occuper la presse pendant qu’on embarquait les armes confisquées dans des conteneurs pour les rendre à ceux qui étaient dans les camps des FAR.

      ... Pour éviter que les soldats ds FAR se retournent contre l’armée française qui a aussi payé ces soldats pour les « apaiser »...