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  • CONTRE LA CONSTITUANTE
    La démocratie directe sans le peuple ?

    « C’est ainsi qu’avance l’histoire, en se bouchant la mémoire comme on se bouche les oreilles. (…) Mais quoi ? L’histoire n’est amère qu’à ceux qui l’attendent sucrée... »
    Sandor Krasna, Sans Soleil, Chris Marker, 1983

    Depuis quelques années, le relatif regain d’intérêt pour la démocratie directe a engendré une multitude d’initiatives, essentiellement par l’intermédiaire de sites web, de blogs, de forums ou de listes de diffusion indépendants des groupuscules et partis politiques. Ces individus ou collectifs, issus ou non du mouvement des « indignés » français du printemps 2011, pourraient à l’avenir former un milieu politique fertile, à condition de rompre leur isolement réciproque pour éprouver leurs positions1.
    Depuis peu s’y développe un courant d’idées bien particulier, gravitant autour d’une idée centrale : la voie vers la démocratie directe passerait par la convocation d’une assemblée Constituante composée de personnes tirées au sort parmi la population et chargées d’établir une nouvelle constitution française.
    Cette approche rompt, salutairement, mais sans le dire, avec de nombreux présupposés idéologiques hérités des mouvements politiques qui ont ravagé le XXe siècle et qui visaient, eux aussi, un changement radical de société. Mais c’est, nous semble-t-il, pour retomber dans d’autres illusions. C’est donc à la discussion de celles-ci que ce texte voudrait inviter.

    LE COURANT PRO-CONSTITUANTE

    La nébuleuse dont il est ici question paraît largement s’inspirer d’Étienne Chouard. Celui-ci s’est politisé et fait connaître lors du référendum pour le Traité Constitutionnel Européen de 2005. Il avait alors présenté un contre-argumentaire qui avait rencontré un écho important. Prenant acte de la victoire du « non », et à rebours du vide politico-intellectuel contemporain, il a depuis entrepris une réflexion visant à avancer une alternative à l’Europe techno-bureaucratique. Cela l’a amené, de manière très cohérente et en découvrant l’histoire politique de la Grèce Antique, à cette proposition de Constituante tirée au sort, moyennant un blog prolifique (« Le plan C » 2). Peu à peu, d’autres initiatives lui ont emboîté le pas (« Le Mes — sage », « Gentils Virus », etc.) ou s’en sont inspiré plus ou moins explicitement (« Vraie démocratie », « Objectif démocratie », « La Constituante en marche », « La démocratie », « Les citoyens constituants », etc.) 3.
    Ce courant nous est proche à trois égards : d’abord, il part d’une critique du régime actuel, du mode électoral et du gouvernement représentatif, perçus comme l’expression politique de l’oligarchie qui domine la société. Cette contestation se fait dans des termes très proches de ceux que nous employons depuis des années. De même, sa référence à la Grèce Antique lui fait très clairement concevoir la démocratie directe à travers des notions oubliées : assemblées générales souveraines, mandats impératifs, destitution des délégués, tirage au sort, rotation des siège ou reddition des comptes. Enfin, son approche détone d’avec l’encombrant héritage marxiste-léniniste qui imbibe toujours, mezzo voce, les franges gauchisantes rêvant d’un Grand Soir organisé pour porter au pouvoir quelques détenteurs de la Vérité historique – ou d’avec son symétrique, un spontanéisme anarchisant misant angéliquement sur le surgissement soudain de rapports sociaux harmonieux et apaisés. Ces formes de messianisme allant de pair avec le fait de remettre toujours à plus tard la conception d’une autre organisation de la société, leur refus permet donc – à nous comme au courant pro-Constituante – l’ouverture de véritables chantiers politiques.

    PROJET ET CRITIQUES

    Pour autant, à l’examen, le projet de ces militants pro-Constituante présente une multitude de lacunes, d’incohérences ou de contradictions – que les contre-argumentaires proposés ne font qu’approfondir et multiplier4 – et qui ne peuvent que discréditer leurs porteurs et notre visée politique. Ce sont elles que nous allons pointer en suivant, étape par étape, le protoscénario que l’on peut déduire de leurs écrits. Résumons celui-ci en quelques mots :
    1) La Constituante est convoquée par un moyen ou un autre (référendum, initiative du Chef de l’État...) ;
    2) les délégués sont tirés au sort parmi la population ;
    3) ils travaillent durant un temps déterminé à l’élaboration d’une nouvelle constitution française instaurant la démocratie directe ; 4) cette Constitution est soumise à ratification par référendum.

    Voilà le projet, tel qu’il se présente dans sa version la plus répandue, et la plus sérieuse. Mais avant d’entrer dans le détail, livrons d’emblée l’axe principal de notre critique : Les proConstituantes veulent la démocratie directe, mais sans l’activité foisonnante d’un peuple visant une transformation sociale, idée à laquelle ils associent sans doute le déchaînement de la violence, alors que nous y entendons toute autre chose : l’auto-organisation des gens, c’est-à-dire la formation d’institutions autonomes locales se substituant aux pyramides hiérarchiques actuelles. Ce refus du soulèvement populaire et de l’élaboration d’une autre société par les premiers concernés amène paradoxalement les pro-Constituante à évincer de leur scénario le principal acteur : le peuple. Option sans doute renforcée par la conscience, ou du moins l’intuition, que les aspirations de nos contemporains sont sensiblement éloignées de ces visées.
    Cette éviction tacite des gens ordinaires porte donc les pro-Constituante à viser une action uniquement institutionnelle, légaliste et technique, sans qu’il ne soit jamais exigé du peuple, relégué au statut d’entité abstraite, autre chose qu’une adhésion formelle à l’idée surplombante d’une Constituante tirée au sort5. Jamais, nulle part, n’est envisagée sérieusement une pratique autonome des gens telle qu’elle a pu se déployer dans toutes les révolutions depuis deux ou trois siècles, en s’opposant à d’autres forces sociales. C’est pourtant par ce processus constituant que la collectivité invente une autre organisation sociale, et se crée elle-même en tant que sujet politique.
    En ne citant qu’à titre d’illustration l’histoire, l’héritage et l’expérience de la démocratie directe léguée théoriquement par les Lumières, puis pratiquement par les révolutions, le mouvement ouvrier et ses suites, nos pro-Constituante en évacuent le trait essentiel : la praxis, ce lien indissoluble entre la pensée et l’action politique populaire, qui fonde la légitimité de chacun à s’occuper des affaires de tous. Leur approche, on le verra, ne protège des crises et de la violence qu’au prix de l’échec et de la récupération politique. Elle s’interdit de penser réellement une autotransformation radicale de la société, qui ne peut demeurer à cette heure, faut-il le préciser, qu’une interrogation ouverte.

    Avant d’avancer quelques pistes en conclusion, nous évoquerons les soubassements idéologiques de cette mouvance qui prône une « révolution par le haut », à l’instar des tenants du « revenu garanti », qui apporteront quelques éléments de compréhension quant à l’aveuglement d’É. Chouard et de ses plus proches défenseurs vis-à-vis des milieux d’extrême droite ou complotistes6.

    1 – Processus de convocation de la Constituante

    Tel que le présentent les pro-Constituante, le processus amenant à la formation de l’assemblée Constituante est très flou : il est question de « pression populaire » et/ou de l’élection d’un Président de la République qui s’engagerait à convoquer ladite Constituante, sans plus de détail, comme beaucoup l’ont fait depuis (Mélenchon, Montebourg,...). Un peu plus conséquents et sérieux, des sites évoquent, mais par des processus identiques, l’établissement préliminaire de Référendums d’Initiatives Populaires, consultations initiées par une part significative de l’électorat, dont le modèle suisse est le plus connu.

    Improbabilité du Référendum d’Initiative Populaire (RIP)
    Ce 19 novembre 2013, l’Assemblée Nationale a bel et bien adopté le RIP... mais en le rendant totalement inapplicable7 ! Cet épisode laisse entrevoir ce qu’une telle initiative peut devenir dans le contexte actuel, avec d’un côté un pouvoir en panne de légitimité et de l’autre une population marquée par le chacun-pour-soi et qu’aucun projet commun ne rassemble plus. Les dominants seront d’autant plus enclins à récupérer ce type de consultation que dans les années qui viennent, les réactions de la population vont aller croissant face à la dégradation permanente de ses conditions de vie. Ces référendums ne seront alors qu’un moyen d’acheter momentanément la paix sociale au prix de quelques concessions, au coup par coup et sans remettre en question l’ordre social existant. Cela peut aussi devenir un moyen efficace de s’allier la population par un chantage à « l’unanimisme républicain » face aux multiples crises qui convergent et commencent à faire sentir leurs effets très concrètement. De son côté, une population conservatrice et paniquée peut transformer ce genre de consultation populaire en instrument au service du maintien de ses privilèges ou à l’adoption de mesures réactionnaires. L’exemple suisse, sans être univoque, est tout de même instructif.
    C’est pourquoi faire du RIP un fétiche est particulièrement mal venu. L’essentiel ici est moins le dispositif en lui-même que l’état d’esprit de la population, qui s’en empare (ou pas) pour en faire en fait (ou pas) un instrument démocratique au service du bien commun.

    Improbabilité d’un référendum sur une Constituante tirée au sort
    Mais passons sur les modalités de déclenchement d’un tel référendum, et abordons la question des résistances que pourrait soulever une question référendaire ne portant sur rien moins qu’un changement de régime politique.
    Il semble évident que toute initiative mettant sérieusement en cause les échelles de souveraineté en place verra se mobiliser contre elle l’État et tous ses services officiels ou secrets, tous les lobbys économiques internationaux, les médias et les personnalités et bien entendu tous les appareils politiques et syndicaux qui ne peuvent être qu’oligarchiques par essence8. Si jamais une campagne de référendum pour la désignation d’une assemblée Constituante tirée au sort a lieu, elle subira une offensive de dénigrement telle qu’on en a rarement vu dans l’histoire, renouant avec des pratiques immémoriales, mais oubliées des Européens repus (à noter que la société est à ce point délabrée qu’il suffirait même au pouvoir de suspendre simplement ses activités de maintien de l’ordre pour voir s’instaurer une terreur par en bas et susciter une panique sociale). À moins qu’elle ne subisse un escamotage ultérieur : l’expérience, inaugurale pour certains, du référendum de 2005 sur la constitution européenne finalement imposée deux ans plus tard par le parlement parle est édifiante. Que la population se révolte alors et le pays se retrouvera dans une situation de crise politique inédite. Son issue est prévisible : l’oligarchie en sortira par la voie royale ouverte par les contestataires eux-mêmes en convoquant effectivement une Constituante, mais composée cette fois de personnalités nommées par élections.
    C’est ce que propose par exemple actuellement le Parti de Gauche, qui y trouvera l’occasion d’y placer de nouvelles têtes fraîchement encartées et fermement tenues par la nomenklatura. Rien n’en sortira hormis la consolidation du pouvoir de quelques-uns. L’exemple, tant vanté, de « la révolution islandaise », et notamment sa Constituante invalidée en 2011 après trois mois de travail, devrait servir de leçon tant le feuilleton des forfaitures des briscards de la politique y est paradigmatique.

    2 – Désignation des délégués

    Mais admettons que le principe initial d’une Constituante tirée au sort soit finalement adopté. Un tel mode de désignation, résolument novateur dans la France d’aujourd’hui, pose un certain nombre de problèmes, et notamment celui de la représentativité, qui est pourtant le principal argument de ses partisans.

    L’autosélectivité des délégués
    Soit ce tirage se fait a priori au sein du corps électoral, soit il se fait parmi une liste de volontaires. Plaçons-nous dans le second cas (ou dans les deux en admettant le refus de siéger serait scrupuleusement respecté et qu’il sera un recours d’autant plus utilisé que chacun saura qu’il s’agit d’une magistrature absolument déterminante pour l’histoire du pays et que chacun sera au centre de toutes les attentions) : le filtre de l’autodésignation sera un biais inévitable.
    Nous retrouverons donc ces biais déjà bien connus par les jurés d’assises, mais démultipliés au centuple : ne siégeront que ceux qui considèrent leurs opinions présentables et s’estiment aptes à siéger, c’est-à-dire à faire partie de l’élite qui de facto dessinera l’avenir pour des décennies. Faut-il alors préciser que l’assemblée sera en majorité composée par la classe moyenne, masculine, blanche, éduquée, insérée, valide, citadine, etc.9 ? Les exceptions seront ramenées à leurs statuts de déviants lors des toutes premières délibérations solennelles par les mécanismes bien connus de disqualification et de conformisme groupal. Telle est la société actuelle et telle sera l’assemblée Constituante, si aucun processus ne vient bousculer au sein du peuple lui-même les représentations sociales qui maintiennent l’organisation sociale telle qu’elle est.

    Représentativité problématique
    Mais faisons momentanément fi de ces considérations psychosociologiques, et admettons que les quelques milliers de délégués seront « représentatifs » de la société actuelle, au pourcentage près – on attendra pour savoir les critères de cette « représentativité »... Ils compteront alors, comme le pointe par exemple très pertinemment « Objectif Démocratie » sans y répondre convenablement, 7 % d’illettrés et près de 30 % ne maîtrisant pas la lecture, facteurs qui ne disqualifient certainement pas à l’exercice démocratique, mais qui rend éminemment problématique un travail constitutionnel de type parlementaire. Bien plus : la Constituante sera, à l’image du pays, profondément et irrécusablement divisée entre classes sociales, classes d’âge, affiliation idéologiques voire appartenances religieuses ou ethniques, corporations, lobbys, etc.

    Sans aucun remaniement des opinions provoqué, comme en mai 68, par la créativité collective d’un bouillonnement social de la société, d’un peuple expérimentant et mettant à l’épreuve par son action même les idées, les principes et les affiliations les plus diverses, sans l’immense effort populaire nécessaire pour sortir des impasses idéologiques en inventant des idées nouvelles et en se réappropriant les expériences du passé, les débats de l’assemblée Constituante ne pourront que s’embourber dans tous les faux clivages contemporains ou en créer de nouveaux dans lesquels la population ne se reconnaîtra pas.

    3 – Travail de la Constituante

    Mais passons outre une fois de plus : voilà nos délégués lambda assis sur leurs sièges de l’assemblée, travaillant pour le bien du peuple, mais sans aucun contrôle de celui-ci... La situation rappelle celle dénoncée : Car on retrouve ici intacte l’idée selon laquelle le pouvoir de décision repose toujours entre les mains de quelques-uns, tandis que le peuple est invité
    à perdurer dans sa passivité, selon le principe fondamental du système représentatif10.

    Des délégués incontrôlables
    Car que la population se passionne pour ces débats ou en attende patiemment des solutions à ses problèmes, elle n’a rien à en dire, ces tirés au sort étant absolument souverains de leur jugement, s’informant, délibérant et décidant en leur for intérieur. Il faut être clair : Ils ont été nommés, eux, pour élaborer une nouvelle constitution, et on ne voit pas au nom de quoi ils auraient des comptes à rendre quant à leurs choix, ni à qui, pendant leur mandat comme après. Certes, certains parlent « d’ateliers constituants locaux » composés de citoyens chargés d’épauler les délégués dans leur travail. Mais si ces délégués décident sous influence, alors ces « ateliers », qu’ils soient de gauche ou d’extrême droite, seront de bien peu de poids face aux pressions extraordinaires auxquelles seront soumis nos élus, de la part de tout ce que l’oligarchie compte de think tanks, de groupes d’intérêts, de réseaux d’influence, de lobbys plus ou moins officiels, de circuits de corruption, de pressions mafieuses, etc. C’est, très exactement, ce qu’ont vécu les Tunisiens, ou même les Français devant le spectacle régulier de l’ascension hiérarchique dans l’entreprise ou dans les institutions républicaines... À moins d’isoler totalement les délégués de toute influence, donc de les couper radicalement d’une vie sociale qui faisait d’eux autre chose que des professionnels de la politique.

    Une constitution enfin démocratique ?
    Ces quelques milliers de personnes chargées d’écrire « seules » une constitution pour la France ont été désignés parce qu’elles ne sont justement pas spécialistes de la politique. Sans aucune préparation et provenant d’un peuple vivant dans l’apathie depuis des générations, sans aucune expérience du pouvoir réellement démocratique, ni même de pratiques sociales ou politiques un tant soit peu dégagée de la mentalité oligarchique, elles auront à fixer l’organisation de la vie politique d’un pays habité par 70 millions d’habitants et comptant parmi les dix grandes puissances mondiales. Enfants de De Gaulle, de Mitterrand et de Sarkozy, on voit mal nos délégués systématiser l’amateurisme en politique, instituer des assemblées souveraines, et démanteler l’État comme organe séparé du corps social, requisit minima pour parler raisonnablement de démocratie directe.
    Il y a fort à parier que nos représentants ne façonneront qu’une constitution qui ressemblera fort à celles que nous avons connues, sans doute agrémentée de quelques organes consultatifs ou contre-pouvoirs citoyens – c’est d’ailleurs la perspective explicite d’E. Chouard lui-même11.

    4 – Résultats possibles de cette Constituante & ratification

    Mais passons là encore et imaginons qu’enfin l’assemblée soit parvenue à se mettre d’accord sur un texte, et que celui-ci soit soumis à ratification à la population par référendum. De quoi cette Constituante sans révolution peut-elle accoucher ?

    Une constitution parfaite, mais inapplicable
    Commençons par le meilleur des cas : la constitution finale pose les principes d’une véritable démocratie directe, prononçant la dissolution de tous les corps oligarchiques qui régissent le pays, des ministères aux médias en passant par les trusts, et instaurant assemblées générales, contrôle des délégations, tirage au sort, autonomies locales, tribunaux populaires, etc. Supposons que la population française l’adopte par référendum et voici donc nos 40 millions de citoyens,
    à qui l’on a demandé d’attendre patiemment depuis le début, se réveillant un beau matin, conviés par injonctions gouvernementales à intervenir dans des assemblées où ils n’ont jamais mis les pieds, à prendre en charge des tâches dont ils n’ont même jamais entendu parler, contrôlant des délégués à l’aide de dispositifs jamais expérimentés, invité à réinventer un travail qu’ils n’ont jamais osé remettre en cause, à appliquer des lois incompréhensibles, etc. sans même parler des conséquences concrètes, matérielles et économiques des choix faits par leurs délégués, si jamais ceux-ci avaient pris conscience de l’inéluctable déplétion énergétique et opté pour une décroissance...
    Évidence première : une constitution ne vaut que si elle répond, peu ou prou, aux aspirations du peuple – et une démocratie directe imposée par en haut rappellerait de bien mauvais souvenirs, celui de Khadafi et de son funeste Livre vert pour ne citer que le plus caricatural, et parmi les derniers d’une longue série. Il y aurait, bien sûr, la possibilité d’une ratification article par article. Mais en ce cas les débats, tardifs, mais passionnés, qui se dérouleront alors ne manqueront pas de pousser à la réécriture du texte final, ne serait-ce que pour lui donner une orientation cohérente et significative. Il ne serait pas étonnant qu’une majorité de la population renvoie plutôt une nouvelle Constituante au travail, et continue à vaquer à ses occupations – en espérant que tous ceux qui voient tout ce processus d’un mauvais œil depuis le début veuillent bien garder l’arme au pied.

    Une crise politique sans précédent
    Car tel est l’enjeu : si la nouvelle constitution opère un réel changement vers un partage élargi du pouvoir, il y a fort à parier que ses opposants n’en resteront pas là, et ouvriront une crise politique profonde, sinon un affrontement, que les proConstituantes cherchent justement à contourner. Un bref regard sur le déclenchement de la guerre civile espagnole à l’été 1936 montre que les puissants se laissent rarement déposséder avec le fair-play souhaité.
    Plus grave encore : cela fait des décennies que les crises multiples qui traversent nos sociétés s’amplifient et commencent à interagir dangereusement. Et cela fait des décennies que les populations demandent massivement à d’autres de les résoudre. Qu’il s’agisse du chaos économique, des tensions internationales, de la fragmentation des territoires12, d’émeutes nihilistes ou de retour aux archaïsmes religieux, le contexte inévitablement précaire dans lequel travaillera la Constituante sera extrêmement anxiogène. Ni la population, encore une fois dépossédée des moyens de s’approprier la situation, ni l’Assemblée Constituante, rivée à sa tâche, n’auront de marge de manœuvre. La magie qui nimbe aujourd’hui le terme de « démocratie » pourrait bien se dissiper au contact de réalités désagréables – sans même évoquer les « opérations Condor » que des puissances étrangères, les milieux militaires et autres « services » français pourraient bien déclencher. Avaliser la nouvelle constitution sera alors plutôt une manière de faire cesser une dangereuse instabilité. Le cas égyptien de ce mois de janvier 2014 est encore instructif de ce point de vue.

    Retour à la normale
    Mais les idéologies contemporaines n’ayant jamais été remises en causes et l’époque des « trente glorieuses » restant l’horizon implicite de tous les comportements, tout porte plutôt à croire que l’assemblée accouchera d’une constitution sans grandes ruptures avec les précédentes. Bien sûr seront insérés ici ou là des articles novateurs, contrebalançant quelques profondes régressions dont notre époque a le secret. Mais le but final, avoué ou non, n’est-il pas essentiellement la réconciliation du peuple avec lui-même et avec ses élites enfin « moralisées » ?

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    « Le véritable esprit de 1789 consiste à penser, non pas qu’une chose est juste parce que le peuple le veut, mais, qu’à certaines conditions, le vouloir du peuple a plus de chances qu’aucun autre vouloir d’être conforme à la justice. »
    Note sur la suppression générale des partis politiques, Simone Weil, 1940, Climats, 2006.

    On le voit, de la convocation de l’assemblée Constituante au texte final, ce protoscénario est grevé d’approximation, d’illusions et de problèmes insolubles dans le cadre dans lequel il est posé. Ces insuffisances nous semblent faire système et révéler des biais idéologiques dont il faudrait dégager la réflexion.

    LES BIAIS IDÉOLOGIQUES DE LA DÉMARCHE

    On pourrait résumer les critiques précédentes à travers trois contradictions.

    L’écriture d’une constitution n’est pas adaptée à la situation actuelle.
    La question d’une autre constitution peut être un processus invitant chacun à envisager une autre société, à partir des expériences concrètes de chacun, mais elle ne peut qu’être l’amorce d’une réflexion générale sur le monde que nous voulons, et, avant toute chose, sur le monde tel qu’il est. En désignant la constitution comme « la cause des causes » (n’ont-ils jamais entendu parler du Royaume-Uni ?), les proConstituantes relaient la mystification des Modernes qui veut que le fonctionnement d’un pays se résume à quelques pages imprimées, conjurant la réalité immaîtrisable d’une collectivité s’autodéfinissant perpétuellement dans les comportements quotidiens de tout-un-chacun13. Une constitution est le condensé d’une destinée qu’un peuple se donne, en acte, l’avenir qu’une population vit, sinon déjà, du moins en puissance. La confusion mentale actuelle, la sénilité sans fin des vieilles lunes idéologiques, les mirages consuméristes, l’interpénétration voulue de la vie avec les réseaux étatiques, la renaissance des peurs et des haines archaïques, tout cela forme une pensée éclatée très éloignée de ce que requiert un projet de société populaire et vivant. Maintenir, hic et nunc, que la priorité doit être l’écriture d’une Constitution, quelles qu’en soient les modalités, c’est le faire, inéluctablement par contumace du peuple.

    Le tirage au sort n’est pas adapté à la société telle qu’elle est. Dispositif égalitaire, le tirage au sort des délégués, plus que tout autre, sous-entend une collectivité entièrement travaillée par la perspective individuelle et collective de l’exercice du pouvoir. Alors que les proConstituantes ne l’entendent que comme un moyen de créer une représentation vraiment représentative, le tirage au sort est autant un processus de désignation qu’un moyen d’autoéducation d’un peuple : il nécessite la régularité, la rotation des mandats et la généralisation, non seulement pour être représentatif au fil du temps, mais surtout pour devenir mode de gouvernement, et culture particulière d’une société qui fait corps avec ses institutions et s’édifie par leur entremise. Sinon, il n’est que déguisement de l’autodésignation des plus aptes, paravent à l’influence déterminante de quelques « conseillers », c’est-à-dire maintien des mécanismes de domination sous couvert de nomination de « bons élus », jaillis miraculeusement d’une plèbe perpétuellement passive. La diversité de son usage dans l’histoire14, et l’intérêt que lui portent les apprentis oligarques contemporains devrait faire réfléchir15.

    Le tirage au sort pour l’écriture d’une constitution. L’importance écrasante qu’est l’écriture d’une constitution est difficilement compatible avec son écriture par quelques délégués tirés au hasard et non contrôlés. À moins de supposer, perspective cauchemardesque, une population homogène et unanime – auquel cas la Constituante est une formalité de quelques jours – la discussion des grands principes politiques et philosophiques, la décision des grandes orientations du pays, la prévision des macro-mécanismes organisant l’essentiel de la société, la mise au point des dispositifs d’exercice et de contrôle du pouvoir, tout cela ne peut qu’avoir eu lieu au sein du peuple lui-même, engageant la quasi-totalité des individus dans une confrontation tous azimuts d’opinions. Les grands clivages de celles-ci doivent alors pouvoir se retrouver dans l’organe constituant et les délégués le composant doivent pouvoir être sommés de rendre régulièrement des comptes, sans que le hasard puisse donner l’avantage aux uns ou aux autres contre l’argumentation rationnelle et la délibération collective. Lier tirage au sort et écriture d’une constitution c’est, quel que soit le contexte, livrer l’avenir d’un pays aux mains de quelques-uns, aussi bien intentionnés soient-ils.

    UNE DÉMOCRATIE DIRECTE SANS PEUPLE

    Les proconstituantes reprennent donc des éléments propres à la démocratie directe, mais sans les extirper des fondements de ce qu’on appelle la « philosophie politique » moderne, qui allie le formalisme juridique, le système représentatif et l’aphonie du peuple. Plus grave encore : ils avalisent l’amnésie du XIXe siècle et entérinent le déni du XXe, en ignorant l’histoire moderne des peuples en quête de liberté. L’image qui se dégage de tout cela est bien celle d’une révolution sans peuple, guidée pacifiquement par quelques bons élus garantis par la seule technique du tirage au sort16. C’est là la solution trouvée pour contourner deux obstacles qui se dressent inévitablement face à quiconque se réclame de l’émancipation de tous et de chacun.

    C’est d’abord l’héritage inassumable de tous les courants marxistes-léninistes du XXe siècle, qui ont noyé l’aspiration à l’autonomie dans l’autoritarisme, la logomachie et la fossilisation, rivalisant avec les barbaries17 nazies, empêchant toute réappropriation des expériences populaires d’auto-institution de la société. Mais l’oubli n’est pas le deuil, et cette occultation, on l’a vu, condamne les proconstituantes à une terrible cécité.

    C’est, ensuite, l’époque contemporaine où les tenants de la démocratie directe se trouvent face à un peuple qui n’en veut que dans la mesure où elle sera la garante de petites jouissances privées que la crise économique, le pillage de la planète et l’attrait du modèle occidental condamnent à plus ou moins long terme18. Les mouvements qui se sont produits, qu’il s’agisse des mouvements sociaux français ou des « indignés » français ou grecs, sont marqués par la réaction face à la disparition progressive d’un monde qui promettait abondance et sécurité19. Cette réaction prend parfois des formes démocratiques, mais peut aussi s’incarner – et c’est de plus en plus souvent le cas – dans des mouvements d’extrême droite, nationaliste comme en Grèce, ou religieuses comme en régions musulmanes. Face à ce fait massif, nos proConstituantes tentent de faire l’économie de ce peuple trop incertain, de la même manière qu’à l’opposé, les démagogues par vocation hallucinent une population idéalisée et sans contradictions20. Dans les deux cas, une question, primordiale à nos yeux, n’est pas posée : celle du type d’individu que forme la société, qu’elle exige pour son maintien, qu’il s’agisse de l’individu actuel, son comportement, sa mentalité, ses réflexes, ses désirs et ses représentations, ou de l’individu requis pour et par une société démocratique21.

    Finalement, on peut inscrire cette idée d’une Constituante tirée au sort dans le courant des doctrines réformistes qui émergent systématiquement en période d’oligarchie délégitimée et de risques de déclassements massifs pour les classes moyennes en plein désenchantement : il y est question, à chaque fois, d’aménager le cadre existant en empruntant froidement quelques techniques ou dispositifs démocratiques plus ou moins radicaux, pour que se dégage une élite responsable capable de remettre le pays dans le droit chemin du progrès et de maintenir le niveau de vie. Ainsi, il n’y aurait qu’a convaincre chacun de la pertinence d’une Constituante tirée au sort, la magie du dispositif fera le reste, et si débat, conflit, déchirure ou violence il y a, ce sera dans l’enceinte feutrée d’une assemblée rassemblant ce peuple miniature que l’on pourra toujours congédier si d’aventure la pièce tournait mal. De ce point de vue, il est possible de comprendre les relations baroques qu’É. Chouard entretient avec des milieux nationalistes, antisémites ou complotistes : elles relèvent sans doute moins d’une volonté confuse de renouer avec une population depuis longtemps abandonnée par la gauche et l’extrême-gauche22 ou de tendances personnelles inavouées que de l’idée que tous les clivages seront surplombés et transmués par les séances de l’Assemblée Constituante, véritable boîte noire chargée (et sans doute investie tel par la population) de résoudre par procuration les problèmes colossaux que nous posent un XXIe siècle qui ne s’annonce pas chantant.

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    « Lorsque les hommes se rassemblent constamment par petits groupes et se parlent à l’oreille, le général a perdu la confiance de l’armée »
    Sun Tzu, L’art de la guerre

    Le lecteur sera déçu : il n’y aura pas, en conclusion, de Grande Solution proposée. Non pas que la question de l’avenir souhaitée ne se poserait pas, ou que le chemin menant à des sociétés viables et vivables ne se pose pas : tout au contraire, nombre de nos écrits depuis des années insistent, et traitent, de l’importance de ces interrogations hier si décriées. C’est plutôt que les réalités contemporaines, hétérogènes, enchevêtrées, complexes et instables, ne permettent aucun raisonnement toutes choses égales par ailleurs. Notre seule certitude – qui traverse tout ce texte : la transformation de la société visant la démocratie directe ne peut être qu’une autotransformation des institutions comme de l’individu, indissolublement lié, par l’action autonome des gens, ce qui revient à dire qu’elle doit être désirée, travaillée, mûrie dans le quotidien de chacun, qu’elle exige la lente autoformation d’un peuple à travers une myriade de contre-institutions. C’est ce que montre l’histoire bien comprise de la Grèce Antique comme celle des révolutions de ces derniers siècles23, et c’est ce qui semble être le point aveugle des proconstituantes.

    Il n’y a pas de Solution. Mais il y a une foule d’expériences historiques qu’il nous est impossible d’ignorer. On peut évoquer les sections révolutionnaires de 1789 et la Commune de Paris, bien sûr, mais même si on s’en tient au XXe siècle, on peut citer les soviets russes de 1905 et 1917, les Rätes allemands de 1918-1919, les collectivités révolutionnaires de l’Espagne de 1936, les conseils d’insurgés hongrois de 195 624, les comités de quartiers de mai 68. Plus récemment, en 2011, il y a eu les comités de sécurité du soulèvement tunisien25, les assemblées générales grecques26, espagnoles et mêmes américaines27. Que nous disent ces expériences ? Que l’aspiration du peuple à l’autogouvernement part toujours de formes d’organisation élémentaires, que les gens commencent toujours par élaborer une société à leur échelle, avec leurs moyens et la réflexion pratique qui est la leur.

    Il s’agit alors, d’abord et avant tout, d’un vaste mouvement de (re) socialisation, de libération de la parole dans les espaces les plus quotidiens, la rue, le quartier, le travail, la famille. La formation spontanée de ces groupes restreints rompt avec l’ordre ancien, relations sociales, réflexes conformistes, automatismes mentaux. Elle permet de faire le point sur la situation, de discuter de la marche à suivre et d’assurer un minimum de sécurité physique et affective pour chacun. Si le mouvement s’étend et prend de l’ampleur, progressivement, la coalition de ces petits groupes en assemblées locales institue une auto-organisation qui conduit à une gestion matérielle, par les gens eux-mêmes, des lieux d’habitation, de travail et de ravitaillement. Ces assemblées deviennent alors également le lieu de la confrontation, de l’élaboration et de la diffusion des opinions de tous, de la mise au point de formes d’action visant partout la destitution des dirigeants, l’auto-organisation de la population et la protection des personnes. L’étape suivante, la révolution proprement dite, la rupture d’avec l’ordre institutionnel existant, prend des formes différentes en fonction des lieux et des époques : il s’agirait pour nous de regrouper d’abord toutes ces collectivités en assemblées communales souveraines puis de les articuler les unes aux autres à des échelles plus grandes sous forme de fédérations puis de confédérations, déposant un à un tous les pouvoirs en place et s’y substituant, selon les principes de contrôle des délégués et de rotation des tâches.
    Ce n’est qu’alors que la question d’une nouvelle constitution pourra se poser, entérinant un fonctionnement inventé, fondé, expérimenté, et compris par tous.

    Ce processus28 ne garantit certainement pas l’instauration d’une démocratie directe. Les problèmes qui surgiront face à une population s’engageant dans une telle voie sont énormes – mais ce seront les nôtres. Il dessine, selon nous, la possibilité pour le peuple de se reconstituer en tant que corps et que sujet politique, de changer ses institutions en même temps qu’il se change lui-même, autotransformation individuelle et collective sans laquelle la démocratie directe n’est qu’un vain mot.

    Collectif Lieux Communs juin 2013 - janvier 2014
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    1 On lira à ce propos l’Introduction générale dans la brochure Démocratie directe : principes, enjeux, perspectives, première partie : Contre l’oligarchie, ses fondements politiques, sociaux et idéologiques, Avril 2013, disponible sur note site : https://collectiflieuxcommuns.fr/spip/spip.php?article679

    2 cf. http://etienne.chouard.free.fr/Europe

    3 cf. Dans l’ordre http://www.le-message.org, http://projetgentilsvirus.ouvaton.org/index.php/Accueil, http://lavraiedemocratie.fr, http://objectifdemocratie.org/pages/03alhome.html, http://laConstituanteenmarche.net, http://www.la-democratie.fr, http://lescitoyensconstituants.com

    4 On lira par exemple « Objections contre une Assemblée Constituante tirée au sort »
    http://projetgentilsvirus.ouvaton.org/index.php/Affichage_Objections_contre_le_Tirage_au_Sort

    5 Un site calcule par exemple qu’il suffirait de moins d’un an et demi pour convaincre toute la population française, si chaque militant convertissait 4 personnes par mois... C’est aussi le sens de l’initiative « Gentils Virus » ainsi dénommée pour propager la bonne nouvelle, comme si devenir partisan de la démocratie directe ne demandait finalement aucune grande remise en question quant au mode de vie actuel, et pas plus de temps que celui d’une contagion.

    6 Même sans avaliser l’hystérie collective des prétendus « antifascistes » qu’unit la haine gauchiste pour les réalités populaires, il est difficile d’admettre que l’intéressé refuse explicitement de clarifier ses positions vis-à-vis de gens tels qu’Alain Soral, Robert Ménard, Yvan Blot ou encore Robert Faurisson, par exemple.

    7 cf. l’article de Hélène Bekmezian dans Le Monde du 19.11.13 (repris sur notre site : https://collectiflieuxcommuns.fr/spip/spip.php?article714), sobrement intitulé : « Le référendum d’initiative partagée, trop compliqué pour être vraiment efficace », et celui de Roseline Letteron du site Contrepoints.org dont l’intitulé est plus évocateur : « Adoption du référendum d’initiative populaire, sans initiative populaire ». La nouvelle n’a étrangement pas été relayée sur les sites en question.

    8 Voir l’inusable R. Michels Les partis politiques — Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties, (1914, Flammarion,
    1971), dont un chapitre est disponible sur notre site.

    9 On lira par exemple avec intérêt « La Cour d’assises en examen. Réflexion-témoignage d’un juré sociologue » d’André-Marcel d’Ans, paru dans la revue Droit et Société n° 54, 2003, pp. 403 – 432, consultable ici : http://www.reds.msh-paris.fr/publications/revue/pdf/ds54/ds054-07.pdf

    10 On nous pardonnera de renvoyer les proConstituantes à leur bible, Principes du gouvernement représentatif de B. Manin (1995, Flammarion 1996), qui, rappelons-le, comporte plusieurs parties, dont certaines traitent de « la marge d’indépendance des gouvernements ».

    11 « Les grands principes d’une bonne Constitution, qui prouveraient la guérison de notre démocratie », octobre 2005 – 2007, pp.
    7 sqq. consultable ici : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Bonne_Constitution_Guerison_Democratie.pdf. Ou alors, comme l’intéressé l’envisage, nos délégués n’auront pas à se « renseigner » eux-mêmes sur toutes ces questions, mais seront
    « conseillés » par « des parlementaires et ministres » (id.)... Est-ce sérieux ?

    12 On lira par exemple le très stimulant Fractures françaises de C. Guilluy (Flammarion 2010), ou encore La crise qui vient, la nouvelle fracture territoriale de L. Davezies, (Seuil 2012), qui renouvellent l’approche de la « question sociale », cantonnée depuis des décennies, et à dessein par le pouvoir, à celle des « banlieues » et des critères ethno-raciaux.

    13 Ainsi, la constitution française de 1958 ne fait qu’entériner le déclin des conflits sociaux et politiques tels qu’ils ont bouleversé le continent depuis des siècles – et certainement pas le décréter. Le baptême du feu se fera dix ans plus tard, en mai 68, dont l’échec la consacrera.

    14 On lira par exemple de Yves Sintomer, « Petite histoire du tirage au sort en politique. D’Athènes à la Révolution française », La Vie des idées, 9 avril 2012. http://www.laviedesidees.fr/Petite-histoire-du-tirage-au-sort.html

    15 Voir par exemple « Au sort, citoyens ! », article de Pierre-André Achour (ancien secrétaire régional des Verts-Lorraine, président de Forum les débats) dans Libération du 11 avril 2013 (https://collectiflieuxcommuns.fr/spip/spip.php?article691) qui laisse imaginer une dérive à la florentine, où les dispositifs égalitaires comme le tirage au sort étaient l’objet de tous les soins
    de l’oligarchie qui en tirait sa légitimité. cf. sur ce point le clan des Médicis. Comment Florence perdit ses libertés
    (1200-1500) de J. Heers (Perrin 2008).

    16 Les variantes, comme l’organisation de constituantes départementales ou même municipales, maintiennent étrangement les mêmes principes, comme si c’était précisément la délibération populaire qu’il fallait éviter.

    17 cf. « Devant l’abîme de l’anéantissement, le pas de côté des hommes modernes », de L. Leylavergne, disponible sur le site.

    18 Voir à ce propos « Keynésianisme improbable » de Guy Fargette « Le Crépuscule du XXe siècle » n° 25, décembre 2012, disponible sur le site.

    19 Sur les premiers on lira « Notes sur le mouvement social d’octobre 2010 », brochure n° 16 une lutte à la croisée des chemins, mars 2011, sur les seconds notre tract « Mouvements des “’indignés”’ : potentialités, limite, perspectives », et sur les troisièmes :
    « Enjeux politiques et anthropologiques du mouvement grec pour la démocratie directe », dans la brochure n° 18bis le mouvement grec pour la démocratie directe. Octobre 2011, textes disponibles sur notre site.

    20 C’est ainsi qu’il faut comprendre le second volet de l’entreprise anxiolytique de E. Hazan & Kamo, Premières mesures révolutionnaires (La fabrique 2013), qui fait suite à l’antidépressif L’insurrection qui vient (La fabrique 2007). On s’interrogera au passage sur l’utilisation du pseudonyme Kamo, notoirement porté par un bolchévique compagnon de Staline.

    21 Et que laisse totalement dans l’ombre la formule de J.Rancière qui définit la démocratie comme « Le gouvernement de n’importe qui » : l’individu démocratique tel qu’il est apparu dans l’histoire, et tel qu’il disparaît sous nos yeux, n’est précisément pas n’importe qui.

    22 On lira à ce sujet l’œuvre de J.-C. Michéa, et notamment Les mystères de la gauche : de l’idéal des Lumières au triomphe du capitalisme absolu (Climats 2013), ou C. Guilluy, op.cit., et particulièrement le chapitre « La gauche française dans le ghetto ».

    23 Sur le lien entre les deux on lira, largement inspirée de C. Castoriadis, « Les anciens et les modernes », p. 41 sqq. dans l’article
    « La démocratie directe contre la “’démocratie représentative”’ » de notre brochure Démocratie directe... op. cit.

    24 Sur cet événement méconnu et recouvert par les héritiers des régimes totalitaires « de Gauche », cf. La source hongroise, de C.
    Castoriadis (1976), ainsi que Sur les conseils ouvriers de Hongrie, de H. Arendt (1958), regroupés en brochure sur notre site, rubrique « Brochures ».

    25 Voir « Retours de Tunisie », dans la brochure n° 17bis, Les soulèvements arabes face au vide occidental, L’exemple tunisien, seconde partie, mai 2011. À noter l’initiative Doustourna, « Notre constitution » (http://doustourna.org), qui visait l’établisse — ment d’une constitution à partir de délégués relayant les avis de la population rencontrée à travers une multitude d’assemblées tenues dans le pays.

    26 Voir les brochures n° 18 & 18bis, Le mouvement grec... op.

    27 On lira à ce propos de très bon article de Thomas Frank « Occuper Wall Street, un mouvement tombé amoureux de lui-même.
    Le piège d’une contestation sans revendication » (Le Monde Diplomatique janvier 2013) qui montre très bien un autre exemple de fétichisme qui vient combler un vide culturel et politique, et sans doute plus grave, une absence déréelle volonté de transformer les choses. Texte disponible sur le site.

    28 Ce thème sera largement traité dans le troisième volet (à paraître courant 2014) de notre brochure Démocratie directe : Principes, enjeux et perspectives, troisième partie : Ce que serait une société démocratique.

    • Le problème de Soral, c’est qu’il est sur un fantasme de dévoilement. Le problème c’est que son dévoilement est totalement orienté. Ce mec est totalement obsédé par l’anti-sionisme. C’est n’importe quoi. Et son propos sur les femmes, c’est fou. On s’est engueulé avec un ami qui m’est cher, Etienne Chouard, à cause de son lien vers Egalité et Réconciliation [NDLR : le site d’Alain Soral]. On a discuté avec Etienne, avec Frédéric Lordon, Bernard Friot, François Ruffin. On a essayé de dire à Etienne d’enlever ses liens vers Egalité et Réconciliation. Mais Etienne, c’est un self made man. Il n’est dans aucune organisation politique, il n’a pas de base politique et il défend la liberté d’expression comme Chomsky qui disait « les négationnistes ont le droit de s’exprimer ». Et Etienne, qui est un type gentil, c’est aberant qu’il se prenne les anti-fas sur la gueule. Mais je comprends que ça lui arrive. Etienne dit « il y a certaines choses que dit Soral que les autres ne disent pas ». Donc il pointe des trucs très particuliers. Sur la critique de l’anti-sionisme, il va chercher des israëliens de gauche, d’extrême gauche qui sont anti-sionistes, mais il met Soral. Nous, on dit « Soral n’est pas un intellectuel ! C’est un chef de parti ! Dégage Soral de ton sôte ! » et lui nous répond « Je refuse ! D’abord, je ne veux pas m’adresser qu’à la gauche mais aussi aux gens d’extrême-droite ! » En même temps, ce que fait Etienne Chouard c’est magnifique ! Ce qu’il a fait avec le traité constitutionnel de 2005, puis sur le tirage au sort, puis sur les ateliers constituants. Il fait écrire des ateliers constituants. Il dit aux gens : « Vous prenez un article de la constitution, n’importe lequel et on l’écrit ensemble ! Une constitution, ça sert à limiter les pouvoirs. » Les gens écrivent les articles de la Consitution ! Ça c’est de l’éducation populaire ! Moi je tire mon chapeau à Etienne. Pour l’instant, il se prend tous les anti-fas sur la tronche à cause de Soral. Mais Soral c’est un piège. Qu’est-ce que tu veux dire d’un piège ? Le principe même de Soral est qu’il est piégeant. Quand je tractais sur les marchés contre le traité constitutionnel européen, il y avait aussi d’autres gens qui tractaient contre : c’était les fachos. On était tous les deux pour le non, mais pas pour les mêmes raisons. Ce qui me pose un autre problème, c’est que je suis associé parfois sur certain site à Dieudonné. Je ne tape plus jamais mon nom sur Internet, ça me fait peur ! On dit « Dieudonné, Lepage, deux humoristes politiques » ! Je ne suis pas humoriste. C’est là où le système est très fort car s’il me récupère comme humoriste, c’est que je ne suis plus dangereux. Je suis un mec qui raconte une expérience dans un ministère et je trouve ça subversif. Mais si tu dis humoriste alors ça va, c’est tranquille…

      Soral, c’est très efficace, c’est flippant et le problème de l’extrême-droite c’est qu’il joue avec des arguments simples qu’on ne peut contrer qu’avec des raisonnements compliqués. C’est pour ça que l’extrême-droite y arrive. L’extrême-droite dit : « trois millions d’arabes, trois millions de chômeurs. » Si tu veux prouver que c’est faux, il faut que tu expliques le marché du travail. Pour ça, il faut faire de l’éducation populaire. Et l’éducation populaire, c’est long ! C’est long ! Donc Soral ne fait pas de l’éducation populaire mais des raccourcis.

      https://nagerentredeuxchaises.wordpress.com/2014/02/03/franck-lepage-le-pave-soral-cest-un-piege-quest-ce-

  • Ni patrie ni frontières n° 4-5 (juin-septembre 2003) en PDF : Etats-nations et guerre - Grèves d’avril-juin 2003 - Limites de l’antisionisme - Réduction du temps de travail chez Renault - Itinéraires militants - mondialisme.org
    http://mondialisme.org/spip.php?article2334

    Présentation

    Ce numéro double compte presque 240 pages (d’où l’augmentation de son prix) et est divisé en deux grandes parties.

    La première partie aborde la question du nationalisme et du cadre de la lutte des classes, sous des angles très différents. Joao Bernardo nous offre une analyse économico-politique originale des fonctions de l’Etat sous le capitalisme, Philippe Bourrinet une étude historique de la question nationale en Yougoslavie, Loren Goldner se livre à une critique incisive de l’idéologie du multiculturalisme qui n’est pas sans lien avec la crise de l’étatisme, notamment en France, Santiago Parrano s’intéresse aux faiblesses de l’anarchisme face aux questions internationales et l’équipe de Temps critiques analyse comment les guerres ont évolué depuis un siècle et les problèmes nouveaux qu’elles posent aux révolutionnaires. Clive Bradley, quant à lui, avance quelques hypothèses (très risquées) sur l’évolution de la situation irakienne. Colin Foster s’intéresse aux pseudo-théories sur le déclin américain et la rivalité euro-dollar.

    La pensée anarchiste de Victor Serge offre un résumé simple et synthétique de l’histoire de l’anarchisme, même s’il ne contentera sans doute pas les libertaires.

    Des JSU à la Résa d’Air France inaugure une série d’interviews de militants. Guy Fargette apporte Quelques précisions à propos de Huntington et de la politique étrangère américaine, en répondant à certaines questions sur son texte paru dans le dernier numéro. Le débat n’est pas clos.

    Le courrier des lecteurs présente quelques réactions hostiles au texte d’Eric Krebers et Jan Tas publié dans le numéro précédent de cette revue. A contrario, plusieurs personnes ont manifesté leur accord avec ce texte, ou en tout cas, avec son objectif principal (clarifier certaines positions et faire le ménage dans les rangs des manifs d’extrême gauche(1)). Elles ont évidemment communiqué leur soutien de façon plus laconique (coups de téléphone, e-mails, etc.) et leurs opinions ne sont pas reproduites ici. Qu’elles en soient remerciées.

    La seconde partie de ce numéro rassemble une série de tracts ou de textes sur les grèves d’avril-mai-juin 2003 et un texte du groupe Mouvement communiste sur ce qu’est véritablement la réduction du temps de travail aux usines Renault. Même s’il ne concerne pas la questions des retraites, ce dernier article nous a semblé avoir sa place dans ce numéro car il démontre que l’offensive patronale-étatique est multiforme mais vise à un seul objectif : diminuer les « coûts » de la force de travail par tous les moyens.

    (1) Force est de constater que Nicolas Sarkozy s’est montré plus « radical » (en paroles) que l’extrême gauche puisqu’il a obligé celle-ci à faire le ménage dans les deux dernières manif « antiguerre » du mois de mars 2003 et à se démarquer beaucoup plus concrètement des slogans et pancartes antisémites qu’elle ne l’avait jamais fait jusqu’ici ! Un comble quand on sait que ledit ministre de l’Intérieur continue allégrement à expulser de France des dizaines de travailleurs immigrés, qu’il les oblige à faire des grèves de la faim au péril de leur vie, que certains membres de son gouvernement ainsi que le président de la République lui-même n’ont pas hésité dans le passé à surfer sur les vagues du racisme, à conclure des accords secrets ou publics avec le Front national, etc. Un comble aussi quand on sait que l’extrême gauche n’est globalement pas antisémite : elle a « simplement » tendance à flatter les préjugés populistes et nationalistes de toute une frange de la gauche tiers-mondiste et altermondialiste ! Il est à craindre que ses militants n’aient tiré aucune leçon politique de cet épisode lamentable.

    Afin d’aborder la question du sionisme et de l’antisionisme plus en détail, le numéro 6 de Ni patrie ni frontières contiendra, sous réserve de changements, les textes suivants : Werner Cohn : Victimes ou nouveaux Shylock ? L’évolution de la position des trotskystes face à la question juive et au sionisme. Arlene Clemesha : Trotsky et la question juive. Martin Thomas : Le marxisme et la question juive. Stan Crooke : Les racines staliniennes de « l’antisionisme de gauche ». Nestor Makhno : Aux juifs de tous pays et La makhnovitchina et l’antisémitisme. Guy Ishak et Ella Goldman : Comment renforcer le mouvement de solidarité avec la Palestine en gagnant l’amitié des Juifs. Ronald Creagh : L’horreur ethnocratique, trois questions sur le Moyen-Orient. E. Krebbers et M. Schoenmaker : Pourquoi la campagne anti-AMI est potentiellement antisémite., etc.

    Bonne lecture !

    Y.C.

    N°4 /5– Août 2003 ETATS, NATIONS ET GUERRE – GREVES DE MAI-JUIN

    S. Parane : Hors-jeu international et jeu internationaliste. — J. Bernardo : Etat Restreint, Etat Élargi et corporatisme (1)— C. Bradley : — Hypothèses sur l’évolution de la situation en Irak. — C. Foster : Guerre contre l’Irak et conflit dollar-euro. — Temps critiques : L’unité guerre-paix dans le processus de totalisation du capital. — P. Bourrinet : La question nationale yougoslave. — L. Goldner : Multiculturalisme ou culture mondiale ?

    Victor Serge : La pensée anarchiste

    ITINERAIRES MILITANTS (1) Des JSU à Air France (première partie)
    LIMITES DE L’ANTISIONISME (3) Misère de l’antisionisme. — A propos du livre de Finkelstein et de la crapuleuse expression de « Shoah Business » — Lettre ouverte à la CNT-Vignoles (29 mars 2003 ! Et réponse de ladite CNT — M/. Abramowicz : La guerre des mots, le retour des nazis ? —Y. C. : Que se cache-t-il derrière le slogan de la « destruction » d’Israël —FA : (Lyon) : Palestine : pour un fédéralisme internationaliste.

    DEBATS : G. Fargette : Quelques précisions à propos de Huntington

    GREVES DE MAI-JUIN-2003 Y. C. : Quelques remarques sur les grèves d’avril-mai-juin 2003. — Des questions « oubliées » pendant le mouvement. — Quelques pistes. — Sur la « pédagogie » de la droite — A propos de la grève générale et des syndicats : quelques citations révélatrices — Grève générale et « trahisons ». Vrais débats, illusions et fausses polémiques — Textes de Convergences révolutionnaires, Pour Lire Pas Lu, Temps critique, Débat militant, Cercle de discussion de Paris, CNT-AIT, Collectif socialiste révolutionnaire, Lutte ouvrière.

    Mouvement communiste : Réduction du temps de travail = augmentation de l’exploitation.

    http://mondialisme.org/IMG/pdf/no_4_-5_.pdf

  • Ni patrie ni frontières n° 3 (mars 2003) en PDF : Que faire contre les guerres ? - mondialisme.org
    http://www.mondialisme.org/spip.php?article2333

    GUERRE, PATRIOTISME ET PACIFISME-

    E. Goldman : Le patriotisme, une menace contre la liberté (1911) (inédit) . P. Kropotkine : La guerre (1912). Extraits de La science moderne et l’anarchie. E. Goldman : L’alerte préventive conduit tout droit au massacre universel (1915) (inédit). E. Malatesta : Réponse au Manifeste des 16 (1916) L. Trotsky : Le pacifisme, supplétif de l’impérialisme (1917) L. Prouvost : Révolutionnaires et quakers devant la guerre (1924) L. Trotsky : La guerre et la Quatrième Internationale (1934) (extraits) B. De Light : Le problème de la guerre civile (1937) L. Trotsky : Après Munich une leçon toute fraîche. Sur le caractère de la guerre prochaine (1938) (extraits). Réponse à des questions concernant les Etats-Unis (1940) (extraits) —Manifeste de la Quatrième Internationale sur la guerre impérialiste et la révolution socialiste mondiale (1940) (extraits)

    DEUXIEME PARTIE : GUERRES DU GOLFE, IMPERIALISME ET PACIFISME

    R. Evans : Irak, trajectoire d’un État – FIDH : extraits de deux rapports. « Irak : une répression intolérable, oubliée et impunie » (2001) (88) et « Irak : une épuration ethnique continue et silencieuse »(2002) F. Sacher : Contre la guerre (2003) Article paru dans A contre courant N° 3, février 2003 FA : Irak, pétrole et géopolitique (2002) No pasaran : Guerre à la guerre (2001)
    Tracts contre la guerre : Mouvement communiste, Oiseau-Tempête, BIPR, CNT-FA-No pasaran, Scalp-Reflex

    Débats : alliances et divergences au sein du « mouvement antiguerre »
    A. Sofri : A Bagdad, le liberté (février 2003) Y.C. : Un bain de haine chauvine (février 2003) G. Fargette : Faiblesse des forces « antiguerre ».(2001) — Misère de l’antiguerre en Europe (2002) (123) — Débats stratégiques aux États-Unis (2002) — Faut-il confondre « choc » et « conflit » ? (2003)

    C. Foster : Treize questions sur le terrorisme, l’intégrisme et l’anti-impérialisme (octobre 2001). Y. C. : A propos des discours automatiques contre la guerre et l’impérialisme. Certitudes et questions (février 2003) E. Halberkern : Les causes profondes de l’ « affaire Lerner » (mars 2003) E. Krebbers et J. Tas : Amsterdam, avril 2002. La plus grande manifestation antisémite depuis 1945 ; Comment éviter quelques pièges antisémites.

    Chedid Khairy : Un titre et une illustration problématiques (février 2003) - Sacha Ismail : Qu’est-ce que la Muslim Association of Britain ? . Temps critiques : La guerre n’est plus le moteur de l’histoire (mars 2003). Solidarity : Soutenons les peuples d’Irak (février 2003) C. Bradley : Les travailleurs irakiens peuvent-ils changer le régime ? — Comment Saddam est parvenu au pouvoir (février 2003) Answer : Liste partielle des interventions de l’armée américaine à l’intérieur comme à l’extérieur des États-Unis de 1890 à 1999

    Ce numéro de Ni patrie ni frontières porte entièrement sur les guerres et leurs liens avec le fonctionnement du capitalisme et de l’impérialisme. Il rassemble des articles traduits et publiés pour la première fois, des extraits de textes révolutionnaires classiques déjà parus , des écrits de pacifistes radicaux, des tracts diffusés par différents groupes lors des récentes manifestations anti-guerre, etc. L’hétérogénéité de ce bulletin est évidemment délibérée et couvre presque un siècle du mouvement ouvrier, de 1911 jusqu’en 2003.

    Cette petite « anthologie » vise à passer en revue les différents arguments utilisés contre la guerre, voire en faveur de certaines guerres. Si ce numéro contient d’inévitables répétitions, il permet quand même au lecteur attentif de cerner certains des problèmes moraux et politiques posés la guerre, mais aussi de repérer les principales divergences qui séparent anarchistes, marxistes et pacifistes.

    Comme le dit l’un des auteurs, les militants révolutionnaires ne sont pas des avocats qui puisent dans n’importe quel argument pour faire triompher leur cause. Notre opposition à la guerre actuelle contre l’Irak doit être fondée sur des principes politiques solides.

    Cette minuscule revue a fait le pari (utopique ?) de stimuler l’esprit critique et de remettre en cause les « discours automatiques » de l’extrême gauche. Puisse la lecture de ce numéro donner envie au lecteur de combler ses lacunes, de remettre en cause ses a priori et… renforcer sa détermination à lutter pour la révolution socialiste !

    P.S. : La confection de ce numéro aurait été impossible sans l’aide d’Internet et surtout sans le travail des animateurs des sites : Alliance for Workers Liberty, Bibliolib (libertaire), BIPR, CNT, De Fabel van de illegaal, Fédération anarchiste, FIDH, Marxist Internet Archive, No Pasaran, Oiseau-Tempête qui mettent un nombre considérable de textes à la disposition de tous… ceux qui disposent d’un ordinateur. Qu’ils en soient donc chaleureusement remerciés, même s’ils ne partagent pas mes positions politiques et s’ils n’ont aucune responsabilité dans l’utilisation que je peux faire des textes disponibles sur leurs sites.

    Je tiens à remercier aussi Guy Fargette, Ernest Harberkern, Eric Krebbers, Chedid Khairy, Fabrice Sacher et Jan Tas, pour m’avoir permis de reproduire leurs textes, ainsi que tous ceux qui, par leurs critiques orales ou écrites, m’ont aidé à préciser mon point de vue. (Y.C.)

    Guerre, patriotisme et pacifisme

    Cette première partie de Ni patrie ni frontières rassemble des textes classiques écrits entre 1911 et 1940. Ceux-ci illustrent différents points de vue révolutionnaires — ou pas — sur le patriotisme, la guerre et le pacifisme.

    Emma Goldman ne s’est pas contentée d’écrire, elle a milité pendant toute la Première Guerre mondiale contre la guerre et pour la révolution, ce qui lui a valu de passer de nombreux mois en prison et finalement d’être expulsée vers l’URSS (avant de quitter à son tour ce pays, deux ans plus tard, mais ceci est une autre histoire).

    Le premier texte de Trotsky sur le pacifisme démonte avec férocité cette idéologie et ses ambiguïtés.

    Barthélemy de Vigt, militant pacifiste libertaire, montre (involontairement) comment le pacifisme radical tente de concilier l’inconciliable. Il faut souligner que cet homme a payé très cher sa fidélité à ses idées et pour cela, même si l’on ne partage pas ses positions, mérite au moins le respect. Trop souvent, les critiques du pacifisme oublient la détermination et le courage de ceux qui veulent atteindre le même but qu’eux mais avec des moyens différents.

    Dans ses différents textes écrits en 1934, 1938 et 1940 (1), Trotsky tente, face à la Seconde Guerre mondiale qui approche, de définir une stratégie révolutionnaire. Ceux qui liront ces quatre textes pour la première fois seront peut-être étonnés de découvrir ce que l’ex-dirigeant de l’Armée rouge pensait de l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1938 ou de l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1940. Précisons que plusieurs dizaines de militants du SWP (groupe trotskyste américain) passèrent la guerre sous les verrous pour avoir défendu courageusement leurs idées.

    Depuis cinquante ans, les massacres, les guerres civiles, les conflits directs et indirects entre les impérialismes russe et américain, etc., n’ont cessé d’ensanglanter la planète, épargnant seulement le territoire des Etats-Unis et une partie de l’Europe. Même si ces textes sont datés, ils ont le grand mérite de rappeler certains principes et de montrer que les problèmes complexes que nous affrontons aujourd’hui se sont déjà posés dans le passé.

    (1) Les passages consacrés à l’URSS (et à la défense de cet « Etat ouvrier dégénéré » selon Trotsky) ont été supprimés dans les extraits choisis, parce que l’Union soviétique a disparu. Il m’a semblé que les analyses de Trotsky sur l’impérialisme, les guerres, le pacifisme, la défense nationale, etc., gardent toujours leur pugnacité, quand ce n’est pas leur lucidité. Elles permettent également de comprendre les positions des groupes qui se réclament de son héritage aujourd’hui — l’original valant toujours mieux que la copie. Que les mânes de Lev Davidovitch Bronstein me pardonnent…

    ***

    Guerres du Golfe, Impérialisme et anti-impérialisme

    Les textes qui suivent rassemblent des points de vue révolutionnaires assez convergents sur certains points essentiels (l’opposition à l’intervention américaine) mais présentent aussi des divergences importantes. Nous avons également inclus, pour commencer, quelques extraits de deux rapports de la Fédération internationale des droits de l’homme rédigés en 2001 et 2002 à partir de témoignages recueillis parmi des réfugiés, politiques ou non, en Jordanie, en Syrie, etc. Il faut savoir que l’Irak compte actuellement 23 millions d’habitants et qu’au moins TROIS MILLIONS ont fui leur pays. Lorsque l’on parle de dictature en Irak, ce mot passe-partout n’a pour beaucoup pas grand sens. De l’extrême gauche tiers-mondiste aux chevènementistes qui admirent le grand républicain laïc que serait Saddam Hussein, en passant par certains pacifistes et les tiers-mondains du Monde diplomatique, on trouve beaucoup d’hypocrites ou d’ignorants.

    La description concrète des tortures, exécutions, assassinats et déportations de masse, etc., pratiquées par le régime irakien depuis plus de trente ans avec le soutien actif des Giscard, Mitterrand et Chirac, avec la complicité de tous les grands partis de gauche et de droite, devrait faire réfléchir un peu tous ces anti-impérialistes de pacotille qui passent l’essentiel de leur temps à dénoncer « les Américains » ou Bush, et oublient allégrement les responsabilités de leur classe dominante, donc notre responsabilité (à nous militants luttant en France) dans la perpétuation du sanguinaire régime irakien et de toutes les dictatures que soutient la République impérialiste et coloniale française.

    C’est seulement en dénonçant d’abord l’impérialisme français et notre propre bourgeoisie, en se réclamant du combat de la classe ouvrière contre tous les États et toutes les bourgeoisies, que l’on peut être crédible lorsque l’on dénonce l’impérialisme américain ou le sionisme. Dans le cas contraire, on n’est qu’un chauvin déguisé ou un internationaliste du samedi soir.

    http://www.mondialisme.org/IMG/pdf/no_3_-que_faire_contre_les_guerres_.pdf

  • Ni patrie ni frontières n° 2 (décembre 2002) en PDF - mondialisme.org
    http://www.mondialisme.org/spip.php?article2332

    Edito

    Dans sa partie thématique, ce numéro est principalement consacré aux rapports hommes-femmes à travers les questions de la famille, du mariage, de la morale sexuelle et du viol. En découvrant les textes de Voltairine de Cleyre, Lindsey German, Wendy McElroy et Arturo Peregalli., le lecteur décèlera rapidement les différences d’approches entre marxistes et anarchistes sur ces questions sensibles, Voltairine de Cleyre et Wendy McElroy étant certainement les auteures qui prennent le plus de risques en défendant leurs conceptions personnelles.

    Dans Traditions politiques américaines et défi anarchiste Chris Crass nous donne quelques clés pour comprendre la place de Voltairine de Cleyre dans la pensée politique libertaire.

    De l’action directe (1912) n’est pas consacré à la situation spécifique des femmes mais ce texte montre que Voltairine de Cleyre ne peut être réduite à une icône féministe, comme le font celles qui dissimulent les positions politiques radicales de cette militante du mouvement ouvrier et théoricienne anarchiste. Ce texte s’adresse à un public américain et puise ses exemples dans l’histoire du Nouveau Continent. Voltairine de Cleyre tente de convaincre ses compatriotes que l’action directe n’est pas une spécificité anarchiste, et est pratiquée par toutes les tendances politiques, voire même par la plupart des individus à un moment ou l’autre de leur vie. Mais elle plaide aussi pour la révolution sociale, aux Etats-Unis comme dans le monde entier.

    Excellente pédagogue, Voltairine de Cleyre part du vécu de ses lecteurs ou de son auditoire, des faits historiques qu’ils connaissent, pour les amener à une réflexion plus générale sur le rôle de la violence dans l’histoire. Loin d’opposer, de façon dogmatique ou caricaturale, action politique (légale/ parlementaire/gouvernementale) et action directe (illégale/extraparlementaire/ populaire), elle montre finement quels liens s’établissent entre ces formes d’action et pourquoi l’action directe est indispensable. Si les formes de lutte radicales qu’elle décrit ont — hélas ! —pratiquement disparu aux Etats-Unis et dans les pays occidentaux développés, les explications politiques fondamentales de l’auteure gardent toute leur force. Le mariage est une mauvaise action (1907) est une conférence donnée dans le cadre d’un débat contradictoire. Contrairement à ce que ce titre pourrait suggérer, Voltairine de Cleyre ne se livre pas ici à une plaisante polémique anticléricale ou à une défense légère du libertinage ; elle nous offre une réflexion philosophique originale à la fois sur l’évolution de l’humanité et le rôle de la liberté individuelle.

    Loin d’être datées, ou dépassées, les réflexions de Voltairine sont essentielles. D’abord parce que le féminisme révolutionnaire des années 60 et 70 a disparu, notamment en France. En partie à cause d’une évolution interne au mouvement féministe et en partie grâce aux manœuvres de récupération des appareils politiques, la lutte des femmes s’est pratiquement réduite à de minables histoires de quotas pour accéder à la mangeoire électorale, ou à des débats « psy », comme en témoigne la multiplication des émissions télévisées consacrées à la vie privée. Ces débats aboutissent, selon les cas, à infantiliser, culpabiliser, ou criminaliser tous les hommes (tous incapables d’effectuer la moindre tâche domestique, tous harceleurs impénitents, ou tous violeurs) et renvoient les femmes à des « solutions » individuelles : elles sont censées résoudre seules les problèmes de leur couple, de leurs enfants, de leurs compagnons ou maris, etc. Une telle façon de poser les problèmes ne peut que renforcer les rancœurs et les haines, la « guerre des sexes ».

    Les textes de Voltairine de Cleyre sont également importants parce qu’ils expriment une saine révolte qui relie la libération des femmes à la lutte contre l’exploitation. Voltairine paya très cher son opposition au système capitaliste. Cette militante a toujours vécu et combattu aux côtés des ouvriers, et n’a jamais cherché la moindre position de pouvoir. On est à des kilomètres de toutes ces petites et grandes bourgeoises qui paradent aujourd’hui sur les plateaux de télévision (1).

    Dans La famille aujourd’hui (1989), Lindsey German décrit le rôle économique et idéologique de la famille, en particulier dans la classe ouvrière britannique. Si ce texte a une tonalité plus impersonnelle que celui de Voltairine, il a le mérite d’indiquer les tendances contradictoires qui influencent le destin de la famille aujourd’hui et de ne pas idéaliser la famille ouvrière comme le fit une certaine tradition marxiste, social-démocrate puis stalinienne. Nous présenterons, dans un prochain numéro, d’autres textes de Lindsey German, plus polémiques, sur le Mouvement de libération des femmes dans les pays anglo-saxons et la critique des théories du patriarcat.

    Wendy McElroy se situe dans une perspective radicalement opposée à celle de Lindsey German. Se réclamant de l’anarchisme individualiste américain, elle prône l’autodéfense des femmes qui passe, selon elle, par l’apprentissage du maniement individuel des armes et la défense de la propriété privée (!?). Ses références répétées à Camille Paglia, intellectuelle très conservatrice, n’inspirent guère confiance. Mais au-delà de ces réserves, l’essentiel, dans La nouvelle mythologie du viol et son utilisation politique, est ailleurs. L’article de Wendy McElroy constitue une excellente réponse à tous ceux, de droite ou de gauche, féministes ou pas, qui essaient de politiser ou de raciser la question du viol (2). A ce titre, il m’a semblé utile de publier ce texte décapant, même s’il ne vient pas du « camp » révolutionnaire.

    Arturo Peregalli, militant marxiste italien, décédé l’année dernière, s’est intéressé, entre autres, à l’évolution des positions du Parti communiste italien sur les femmes, comme en témoigne son texte Femme, famille, morale sexuelle, PCI (1945- 1970). Son article très vivant fourmille d’informations concrètes ; il montre bien comment les partis staliniens ont toujours eu une position extrêmement conservatrice sur l’émancipation des femmes et à quel point ces appareils ont contribué à entretenir leur soumission vis-à-vis du Parti et des hommes en général.

    Chris Crass, militant anarchiste, présente une Discussion entre plusieurs militants du mouvement antiguerre aux États-Unis. Son rapport est suivi d’une interview.

    Les luttes paysannes et le mouvement des sans-terre au Brésil (2000) a été écrit par Maxwell Teixeira da Paula, militant anarchiste, et déjà publié dans le N°8 de l’Oiseau Tempête. A l’heure où le Brésil vient d’élire un président « de gauche », il est important de revenir sur l’une des questions essentielles pour le peuple brésilien : celle de la terre. A travers plusieurs descriptions concrètes, ce texte démonte les processus de récupération et de bureaucratisation qui se mettent en place chaque fois que les exploités tentent de remettre en cause l’ordre existant. Et il décrit le jeu trouble du PT depuis des années, mise au point nécessaire face à ceux qui, après Castro, Guevara, Torrijos, Ortega, Marcos et Chavez, cherchent une nouvelle fois à nous faire prendre des vessies pour des lanternes avec le camarade-président Lula.

    Les deux textes de Nicolas, du Cercle social — Paradis fiscaux, néo-réformisme et rôle de l’Etat (2000) et Idéologie et fonctionnement d’ATTAC (2001) — ont été publiés dans la revue Maïra et se trouvent également sur le site demainlemonde. Ils exposent très concrètement les contradictions de l’organisation altermondialiste, sans tomber dans la polémique sectaire ni les imprécations.

    Principes du verbalisme radical (1989) de Guy Fargette démonte et épingle quelques mécanismes élémentaires, mais pernicieux, chez les « révolutionnaires de la phrase » et les « bavards d’arrière-salles de café ». « Toute ressemblance avec des personnages réels » est… parfaitement délibérée ! Bonne lecture ! (Y.C.)

    (20/12/2002)

    P.S. : Ce numéro paraît en décembre… mais la page de couverture est datée du mois de novembre ! Il n’a pas été matériellement possible de sortir Ni patrie ni frontières à une échéance plus rapprochée. Le rythme trimestriel (septembre, décembre, mars et juin) semble donc s’imposer, sauf si ce projet suscitait soudain une avalanche de vocations… Le prochain numéro portera sur la question nationale et la révolution permanente. Pour le moment, il est prévu de publier des textes de Hal Draper, Voltairine de Cleyre, Emma Goldman, Tony Cliff, Neil Davidson, Donny Gluckstein, C.L.R. James, Murray Bookchin, George Novack et Paolo Casciola, mais le sommaire évoluera peut-être si nous dénichons des textes qui dialoguent mieux ensemble. Vos suggestions sont les bienvenues !!!

    (1) Curieusement, lorsqu’un homme accepte une position de pouvoir, on n’a guère de mal à comprendre qu’il se compromet pour un plat de lentilles. Par contre, lorsqu’une femme intègre l’élite politique, économique ou médiatique, c’est à la fois une « libération individuelle » et une contribution à la Cause des Femmes. Ce tour de passe-passe permet de justifier trahisons et appétits carriéristes.

    (2) Le 4 octobre 2002, Libération a publié, dans ses pages Rebonds, un article incroyable d’une sociologue sur les prétendues « tournantes » : commentant le procès d’Argenteuil et les condamnations de 5 à 12 ans d’emprisonnement qui ont été prononcées (« La disparité des peines entre le viol collectif et certains crimes de sang amène à réfléchir sur ce qu’on attend d’une sanction », ajoute notre auteure pour nous faire croire à son esprit critique) Elisabeth Zucker-Rouvillois (co-auteure d’un livre intitulé Reconsidérer la famille) explique en substance que les viols collectifs seraient en quelque sorte un rite de passage jouissif pour les adolescents dans les quartiers populaires. Citons un extrait de sa prose : « Pour un adolescent qui découvre les pulsions de son corps, le viol collectif cumule de nombreux avantages, s’il n’est pas sanctionné. Il permet d’affirmer sa supériorité mâle hétérosexuelle, alors même qu’il est dans l’acte sexuel commun avec ses pairs garçons dans l’accomplissement même de son homosexualité qu’il dénie et réprouve ; il se déculpabilise par le rabaissement de la sexualité. Ce viol garantit aussi de ne pas consommer l’inceste avec sa mère, puisque celle qu’il force est précisément, par son apparence, son émancipation affichée et sa conduite, pour lesquelles elle doit être punie, à l’opposé de cette mère qu’il protège et qu’il hait à la fois parce qu’elle le tue et l’étouffe de son amour ou le déçoit sans cesse par son indifférence à son égard et par sa soumission à l’ordre mâle auquel elle l’oblige. Celle qu’il viole n’a plus de visage. En revanche, il est fixé sur l’approbation et les encouragements de ses copains et complices avec qui il n’aspire qu’à la fusion. Ce tableau fait horreur mais il est hélas familier à l’inconscient le plus archaïque de tout un chacun pour peu qu’il s’interroge. » (Les passages soulignés l’ont été par moi.)

    Il faudrait consacrer une longue réponse à cet étalage de pseudo-connaissances psychanalytiques, qui fait partie d’un processus plus large : l’utilisation pernicieuse de la psychologie et de la psychanalyse comme grille de lecture systématique de tous les phénomènes sociaux ou politiques. Ce procédé cache le plus souvent des préjugés sociaux ou raciaux, ou camoufle simplement des enjeux de pouvoir. Cet article sur un viol collectif à Argenteuil et le procès qui a suivi concentre tous les lieux communs actuellement répandus dans le corps enseignant, chez les travailleurs sociaux et les psychologues scolaires, et bien sûr chez un certain nombre d’hommes politiques, de féministes et de militants de gauche. Derrière des propos apparemment sophistiqués, se cachent en fait de sordides intérêts : certaines femmes et certains hommes, appartenant à des associations ou à des partis politiques très divers, orchestrent et politisent les conflits entre des individus de sexe différent. A la haine (maladroitement dissimulée) contre les « classes dangereuses » viennent s’ajouter maintenant la peur et la haine du sexe (ou du « genre ») dangereux : le sexe mâle. A la criminalisation systématique de la jeunesse populaire masculine, des hommes et des hétérosexuels s’ajoutent deux autres éléments répugnants : dans les grands médias d’information, ces réflexions sont presque toujours énoncées à propos des habitants des quartiers ouvriers et, de plus, d’origine étrangère. La loi française interdisant de nommer l’origine nationale ou ethnique des jeunes violeurs d’Argenteuil, les considérations psychanalytiques de notre sociologue (ou d’innombrables journalistes) servent à raciser (de manière dissimulée) le problème du viol, comme si les Français (et d’ailleurs tous les Européens) de « pure souche » ne pratiquaient pas le viol, individuel, et collectif depuis des siècles, de la Saint-Barthélemy à la guerre d’Algérie en passant par la campagne de Russie. Enfin, si l’on peut ajouter à ces propos sur « ces gens-là » (terme utilisé par les médias et les intellectuels à propos des musulmans ou des jeunes immigrés ou descendants d’immigrés) quelques considérations sur le machisme de la religion musulmane, la boucle est bouclée. Le lundi 16 décembre 2002, dans la même soirée, deux chaînes de télévision différentes se consacraient l’une aux luttes des femmes dans le tiers monde et l’autre aux immigrés en Europe. Invités et journalistes reprenaient jusqu’à la nausée ces amalgames entre mâles et violeurs ; musulmans et exciseurs ; maris violents et étrangers « extra-communautaires » ; prolétaires et brutes épaisses ; Africains, Turcs ou Arabes et ignorants, etc. Dans un cas, la chaîne bénéficiait de la caution de femmes politiques algériennes, marocaines, jordaniennes, somaliennes et burkinabés ; dans l’autre, Arte avait invité des hommes censés représenter les immigrés et leurs descendants français ainsi qu’un criminologue allemand, grand spécialiste de la compassion et de la psychologie !

    http://www.mondialisme.org/IMG/pdf/no_2.pdf

  • Race, culture, peuple, racisme, civilisation : quelques définitions provisoires
    http://www.mondialisme.org/spip.php?article1827

    Ce texte a été écrit en février 2012 pour enga­ger une dis­cus­sion avec les cama­ra­des du GARAP. Ce n’est qu’une ébauche qui deman­de­rait à être considé­rab­lement améliorée et dis­cutée. Il nous a semblé utile de le repro­duire ici puis­que les défi­nitions pro­posées ont un rap­port avec le « débat » avec #Guy_Fargette et le col­lec­tif #Lieux_Communs, débat sus­cité par “Soulèvements arabes” : il est temps de dire “Bye, bye, Castoriadis ! ..

    http://seenthis.net/messages/66343#message66345

  • Fargette, claquettes et lieux communs
    http://www.mondialisme.org/spip.php?article1826

    Parmi la plét­hore de gros malins qui ont cru se mon­trer très nova­teurs à l’extrême gauche en repre­nant des concepts et des « réfle-xions » qu’ils esti­maient tel­le­ment supéri­eures aux « dogmes » du vieux mou­ve­ment ouvrier et qui se sont fina­le­ment retrouvés à dire la même chose que Marine Le Pen ou Claude Guéant, le triste mon­sieur Fargette qui publie aujourd’hui une atta­que contre Ni Patrie Ni Frontières n’aurait certes pas retenu notre atten­tion.

    Sauf peut-être à titre de cas d’école, à l’usage des jeunes géné­rations, tant il sait cumu­ler en un seul texte, ce qui est géné­ra­lement dif­fusé dans une œuvre entière, en matière de proxi­mité avec la sém­an­tique et la vision de l’Histoire de l’extrême droite.

    #Luftmenschen, 22 avril 2011