Egypte : La dignité ne s’achète pas, mon fils. | Terrorismes, guérillas, stratégie et autres activités humaines
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Lors de ma première mission au Caire, il y a très longtemps, un de nos officiers sur place me dit, alors que je découvrais la ville et le pays : « Et surtout, tu ne vas jamais seul dans un commissariat. Tu n’es pas certain d’en ressortir. » Et il aouta, inquiétant : « On ne sait pas ce qui se passe dans les commissariats égyptiens. » Je n’ai pas oublié cette remarque, et tous ceux qui travaillent sur l’Egypte et/ou qui y ont vécu savent bien à quel point la police y est détestée et redoutée. Après la révolution, d’ailleurs, l’armée prit soin de la retirer des rues après de nombreux incidents. Le tour de passe-passe que s’apprêtaient à réaliser les généraux ne pouvait alors risquer d’être gâché par le comportement des policiers et la soif de vengeance de la population qu’il attisait.
Evitant avec une grande habileté l’écueil d’un film réquisitoire, genre qui accouche régulièrement d’œuvre lourdes et démonstratives, le cinéaste suédois Tarik Saleh a choisi de parler de cette Egypte corrompue dans un film, The Nile Hilton Incident, sorti en France en 2017 sous un titre à la référence transparente : Le Caire confidentiel.
Le film, tourné en grande partie au Maroc (pour d’évidentes raisons politiques), présente une intrigue policière fleurant bon Raymond Chandler. L’enquête sur l’assassinat d’une chanteuse dans un hôtel de luxe du Caire est l’occasion pour le réalisateur et scénariste de présenter l’Egypte à la veille de la révolution et de montrer l’ampleur et la profondeur de la corruption. Comme dans les classiques du roman noir, auquel Tarik Saleh rend un hommage plus qu’appuyé, il est question ici de flics pourris et piégés, de manœuvres politiques tordues et de femmes fatales, Hania Amar remplaçant Kim Bassinger. On ne cesse de penser, en particulier, au chef d’œuvre de James Ellroy, L.A. Confidential, sorti en 1990 chez Rivages, puis à sa magistrale adaptation au cinéma par Curtis Hanson, en 1997.