person:jean baubérot

  • L’ouvrage « La tentation radicale » d’O. Galland et d’A. Muxel : une enquête défectueuse | Jean Baubérot
    https://blogs.mediapart.fr/jean-bauberot/blog/100418/l-ouvrage-la-tentation-radicale-d-o-galland-et-d-muxel-une-enquete-d

    Questions et réponses auraient été différentes si la composition de l’échantillon avait permis une véritable comparaison… et si la perspective avait été plus distanciée. La #laïcité en est un exemple type ou les préoccupations des acteurs adultes (proviseurs, enseignants[8]) sont reprises, sans tenir compte des travaux effectués sur la question. Ainsi est proposée l’affirmation : il est normal que « les jeunes filles qui souhaitent porter le voile en raison de leurs convictions religieuses ne puissent pas le faire à l’école ». Je suis sûr que, n’ayant pas accompli les longs dépouillements sophistiqués issus de tout le lourd dispositif mis en place par l’équipe, vous n’avez aucune idée du groupe qui s’est montré le moins en accord avec cet item, le groupe des « chrétiens » ou celui des « musulmans ». Je ne vous fournirai pas la réponse afin de maintenir l’insoutenable suspens qui va vous faire précipiter chez votre libraire favori pour acheter l’ouvrage !

    Je ferai seulement remarquer que la loi de 2004 interdit les « signes religieux ostensibles » et, avec la circulaire, nommément la kipa : tout le « système politique » s’est d’ailleurs évertué à nous dire qu’il ne s’agissait pas d’une loi « antivoile ». Galland serait-il en « rupture » avec ce système ? Bref, si la question avait été posée, selon les termes de la loi et à l’échantillon que je suggère, les résultats n’auraient sans doute pas été les mêmes.

    D’autre part, impertinent comme je suis, j’aurais complété la seconde question, l’affirmation « les cantines scolaires devraient servir des plats différents selon les convictions religieuses des élèves » par « …comme l’armée française le fait pour ses soldats »[9], histoire d’inciter les élèves à enrichir leur réflexion sur la laïcité, par la connaissance de la différence entre la laïcité scolaire et la laïcité militaire que, curieusement, aucun membre du « système politique » n’aborde.

    La laïcité elle-même est réduite à ces deux questions. Aucune question, par exemple, sur la présence ou non de crèches dans les bâtiments publics, ou sur les dites racines chrétiennes de la France… ou il aurait été, pourtant, intéressant de comparer les réponses des musulmans et des catholiques. Et je n’ai fait qu’une allusion à un autre sous-échantillon : les « sans religion ». Tout simplement parce que l’ouvrage ne fait état d’aucune question qui aurait pu mesurer leur propre « radicalité ». Pourtant, j’en ai une sur les lèvres : « est-il légitime de croire qu’il y a une seule vraie religion » ?

    • La fabrique du coupable musulman | Par Patrick Simon, Socio-démographe
      https://aoc.media/analyse/2018/06/15/fabrique-coupable-musulman

      Depuis une quinzaine d’années [1], les populations musulmanes sont au cœur de débats publiques virulents en France, comme dans de nombreux pays européens. Ils portent aussi bien sur l’organisation et la représentation de l’Islam, sur les formes d’expression religieuse dans l’espace public et dans les institutions, que sur les modalités de participation dans l’école (élèves et parents) ou les entreprises, et plus généralement tout ce qui rend visible l’existence de musulman.e.s . Les unes de la presse magazine s’enchaînent sans discontinuer, faisant mine de s’inquiéter comme l’Express du 26 septembre 2012 avec « La peur de l’islam » ou dénonçant cet « Islam sans gêne » (Le Point du 30 Octobre 2012), voire la « Conquête islamique » (Valeurs Actuelles du 4 octobre 2017). Les cassandres médiatiques diagnostiquent l’irrémédiable incompatibilité de l’islam et de la République et l’inassimilabilité des musulman.e.s, tandis que des responsables politiques de premier plan, dont un ancien premier ministre, convertissent la laïcité en machine d’exclusion massive. Le choc des attentats de 2015 a renforcé ce contexte de chasse aux sorcières et pendant que la spirale à stigmatisation s’emballe, les antiracistes se déchirent sur le vocabulaire approprié pour qualifier la situation : islamophobie ou racisme anti-musulman ?

      Dans ce contexte de surenchère où les faits divers déformés tiennent lieu de vérité sociologique, on attend des sciences sociales qu’elles informent le débat public avec des recherches documentées en prise avec les dynamiques sociales et politiques, nourries de travaux empiriques. Contrairement aux commentaires fréquents des pouvoirs publics, les recherches sur l’Islam et les musulmans en France se sont beaucoup développées, et le cumul des connaissances atteint désormais une masse critique très significative. C’est en revanche du côté des recherches quantitatives que le déficit perdure. Or les données statistiques tendent à fournir des arguments d’autorité dans les débats publics, et leur absence ne permet pas de contrer la contestation de nombre de travaux monographiques de qualité quand ils ne vont pas dans le sens des attentes politiques.

      Commentant en 2010 les données disponibles sur les personnes musulmanes, Claude Dargent relevait qu’elles étaient très largement lacunaires : non seulement la religion est rarement renseignée dans les grandes enquêtes de la statistique publique, mais même quand c’est le cas, les musulmans qui ne représentent que 7% de la population française ne constituent que de très petits effectifs dans les enquêtes et sondages en population générale. Le nombre de personnes musulmanes lui-même fait l’objet d’estimations les plus diverses et fantaisistes, avec des fourchettes de 5 à 10 millions de personnes pour l’ancien ministre de l’intérieur Claude Guéant, 8 millions pour le polémiste très droitier Jean-Paul Gourevitch qui voit des musulmans cachés partout, voire près de 30 millions pour les contempteurs du grand remplacement qui ont intérêt à faire du nombre pour crédibiliser leur rhétorique.

      Ces surenchères se nourrissent de l’idée qu’il n’est pas possible de connaître vraiment le nombre de musulmans, précisément parce que les données manquent, ou lorsqu’elles existent, qu’il y a un intérêt à minimiser leur présence. Les Français sont d’ailleurs ceux qui surestiment le plus la proportion de musulmans dans leur pays (à 31% au lieu de 7,5%) si l’on en croit le sondage « The perils of misperceptions » réalisé par Ipsos-Mori en 2016.

      Or les choses changent : l’enquête Trajectoires et Origines (TeO) réalisées en 2008-2009 par l’Ined et l’Insee comprend un échantillon représentatif de 5 700 personnes se déclarant musulmanes enquêtées en France métropolitaine, et d’autres enquêtes enregistrent la religion ce qui permet des analyses spécifiques sur les musulmans. On connaît donc avec une fiabilité certaine le nombre de personnes se déclarant musulmanes en 2008 – 4,1 millions – et on dispose d’informations détaillées sur leurs pratiques et trajectoires sociales. De nombreux travaux plus monographiques ont été conduits : les recherches sur l’islam en France éclairent de manière plus substantielle la situation des musulmans. Mais cela ne répond pas à l’accusation lancée aux musulman.e.s de ne pas jouer le jeu de l’intégration républicaine. Un nouveau type d’enquêtes est alors apparu pour instruire le procès : les musulman.e.s ne seraient-ils et elles pas en train de faire sécession, repliés sur leur communauté, en rupture avec la loi commune, résolument contre la laïcité mais également contre l’égalité entre femmes et hommes, homophobes, antisémites et pour faire bonne mesure se détachant de l’identité nationale française ?

      L’intérêt inquiet pour les attitudes, et plus largement les valeurs et représentations du monde des musulman.e.s, s’est ainsi retrouvé dans deux enquêtes récentes, celle conduite pour l’Institut Montaigne dans le cadre du rapport « Un islam français est possible » et l’enquête dirigée par Olivier Galland et Anne Muxel La tentation radicale. Je voudrais relier la discussion des résultats – fortement médiatisés – de ces deux enquêtes pour en interroger les prémices et les méthodes développées tant elles me semblent procéder d’une même logique de procès à charge à l’encontre des personnes musulmanes. Pour le dire simplement, il ne s’agit pas de reprocher aux enquêtes de traiter des formes de radicalité ou de fondamentalisme religieux, mais plutôt de discuter la manière de le faire et l’interprétation des résultats.

      L’institut Montaigne a publié en septembre 2016 un rapport intitulé « Un islam français est possible ». Son objet était principalement pour Hakim Ekl Karoui, son principal rédacteur, d’apporter une lecture critique de l’organisation institutionnelle de l’islam en France et de proposer une série de recommandations pour le réformer, qu’il a complétées par la suite dans un essai paru en 2018. Mais avant de développer ce qui fait l’essentiel de son propos, le rapport livre les résultats d’un sondage réalisée par l’IFOP sur un échantillon de 1 029 personnes se déclarant musulmanes ou « de culture musulmane », c’est-à-dire ayant au moins un parent musulman mais ne se considérant plus comme tel.

      L’enquête fournit des éléments de cadrage sur les pratiques religieuses des personnes interrogées, mais entreprend surtout de saisir leurs rapports à la société, aux normes et aux institutions, leurs valeurs et leur opinions et attitudes. En toile de fond se dessine l’enjeu de cette connaissance : « proposer des solutions susceptibles d’accélérer la sereine insertion de la majorité silencieuse [des musulmans], mais aussi des mesures destinées à combattre le fondamentalisme, tout en ramenant le plus grand nombre possible de musulmans – souvent des jeunes – tentés par l’intégrisme vers des croyances et des idées en phase avec les valeurs républicaines » [2].

      Pour identifier les personnes musulmanes, l’IFOP a exploité un panel de 15 459 personnes où la question de la religion est posée pour tirer un échantillon de 874 musulmans et 155 personnes « de culture musulmane ». La justification de la présence de ces 155 non-musulmans, mais venant de familles musulmanes, n’est pas très claire, alors que par ailleurs les attitudes des musulmans ne sont pas comparées à celles de non musulmans. Cette absence de comparaison conduit à « exemplariser » les valeurs, normes et attitudes enregistrées, comme si seuls les musulmans devaient les développer alors qu’elles pourraient s’appliquer à beaucoup de non musulmans.

      C’est le cas notamment des questions sur la laïcité, interprétées de manière relativement négative alors qu’elles abordent le sujet de façon ambiguë. À partir de la question : « En France, la laïcité permet-elle de pratiquer librement sa religion ? », les auteurs concluent à une contestation de la laïcité lorsque les réponses sont négatives. Or il n’est pas nécessaire d’être musulman pour considérer que la laïcité coercitive développée ces dernières années complique la pratique religieuse. On peut adhérer ou pas à cette interprétation de la laïcité, mais de là à en déduire une « attitude de retrait et de séparation du reste de la société », il y a un pas que les auteurs franchissent trop rapidement. A ce compte, une partie significative de la population non musulmane nourrit des visées fondamentalistes.

      Autre exemples d’ambiguïté des questions retenues pour tirer le portrait du rigorisme musulman : dans les questions relatives à la mixité entre les sexes, notamment le fait d’accepter de se faire soigner par un médecin d’un autre sexe que le sien, de serrer la main à une personne de l’autre sexe ou de lui faire la bise, les musulmans font preuve d’une relative absence de sélection sexuée : plus de 90 % acceptent de se faire soigner par une personne de l’autre sexe et 88 % à lui serrer la main. Le rapport relève néanmoins que 30 % ne font pas la bise. Mais en quoi cette attitude est-elle spécifique aux musulmans ? Sait-on seulement combien de non-musulmans n’ont pas envie de faire la bise à l’école, au travail et plus généralement dans la vie sociale ? D’autres indicateurs construits sur la position à l’égard du port du voile ou de la burqa, de la consommation halal ou de la loi religieuse comportent leur part d’ambivalence et pourraient conduire à des interprétations plus nuancées que celles qui sont développées.

      Le problème central avec ces questions à sens multiples est leur utilisation pour construire une typologie des musulmans en les classant « des plus modérés aux plus autoritaires ». Selon cette typologie , 46 % des personnes musulmanes ou de culture musulmane sont « totalement sécularisées ou en voie d’intégration dans le système de valeur de la France contemporaine », 25 % développent une forte identité religieuse mais « acceptent la laïcité » et 28 % « réunissent des musulmans qui ont adopté un système de valeurs clairement opposé aux valeurs de la République ». Ce dernier groupe, qualifié de musulmans « rigoristes », est présenté comme en rupture avec la société.

      Cette conclusion spectaculaire n’a pas manqué de susciter les commentaires politiques alarmistes sur les dérives des musulmans en France et de faire fleurir les raccourcis de « rigoristes » à « djihadistes ». Une illustration récente est venue de Gérard Collomb dans son interview sur BFM/RMC au sujet du port du voile par une représentante étudiante de l’UNEF à Paris 4. Le ministre de l’intérieur a ainsi jugé choquant le port du voile par la syndicaliste, se demandant si « cet islam veut converger avec la culture française » et enchaînant sur l’attirance de jeunes musulmans pour Daech en citant les 28% de l’enquête.

      On comprend un peu mieux le problème quand la seule comparaison dans l’enquête entre les attitudes des musulmans déclarés et des personnes de « culture musulmane » (mais qui ont dit qu’elles n’avaient pas de religion) montre une étrange proximité de positions : si 28 % des musulmans sont dans le groupe des « rigoristes », c’est le cas de 21 % des non-musulmans. C’est-à-dire que des personnes sans religion adhèrent à des attitudes présentées comme le signe d’une forme de radicalisme religieux. Ce problème dans le design des questions et leur interprétation pourrait ne relever que d’un débat scientifique si les conséquences politiques de la publication des résultats n’avaient pas produit des effets stigmatisants sur les musulman.e.s de France qui n’en demandaient pas tant.

      La radicalisation religieuse et politique est devenue une question brûlante pour la recherche après les attentats de 2015. Parmi les projets financés par le programme « Attentats-Recherche » du CNRS figure l’enquête dont est issu l’ouvrage La tentation radicale : enquête auprès des lycéens dirigé par Olivier Galland et Anne Muxel (PUF). L’enjeu de l’enquête est de mesurer l’impact des idées radicales et les facteurs de leur appropriation par les enquêtés. Le ciblage sur les musulmans n’est pas explicite au début mais devient évident dans la constitution de l’échantillon et dans le traitement de l’enquête. En effet, si le dispositif comprend une enquête quantitative auprès de lycéens âgés de 15 à 17 ans doublée d’entretiens individuels et collectifs avec ce même public et une enquête « témoin » avec des jeunes du même groupe d’âge, les lycées enquêtés ont été choisis dans 4 académies (Créteil, Aix-Marseille, Dijon et Lille) en sur-représentant les lycées professionnels et polyvalents de sorte à avoir une forte représentation de « lycéens d’origine populaire et immigrée », dont des élèves musulmans. De fait 26% des 6 814 lycéens enquêtés dans 23 lycées se déclarent de religion musulmane, ce qui est bien plus que la moyenne en France (7,5% en population générale, mais sans doute plutôt 10% pour ces classes d’âge).

      S’intéressant à la radicalité, les promoteurs de l’enquête en fournissent une définition générale visant « un ensemble d’attitudes ou d’actes marquant la volonté d’une rupture avec le système politique, économique, social et culturel, et plus largement avec les normes et les mœurs en vigueur dans la société » et entendent couvrir non seulement la radicalité religieuse mais également la radicalité politique (sans fondement religieux). Pour autant, les analyses traitent séparément ce qui relève du religieux (le chapitre 2 sur la radicalité religieuse par Olivier Galland) et du politique (le chapitre 4 sur la radicalité politique par Anne Muxel). Curieusement le livre ne traite pas de leurs interactions, c’est-à-dire des usages politiques du religieux ou inversement du rôle de la religion dans la radicalité politique, de telle sorte que les deux chapitres ne conversent pas entre eux.

      À aucun moment, Anne Muxel ne mobilise la catégorie du religieux dans ses analyses de l’extrémisme politique. Cette déconnexion est d’autant plus étonnante que les spécificités de la radicalisation religieuse sont fortement débattues et déterminent l’interprétation que l’on peut avoir des passages à la violence à fondement religieux : cela tient-il avant tout d’une disposition de la religion – essentiellement l’islam – à générer les comportements de rupture violente, dont le terrorisme, ou la violence religieuse n’est-elle qu’une dimension de la violence politique ? Pour manichéenne qu’elle soit, cette alternative résume une partie des débats et on attendait de l’enquête qu’elle démêle l’écheveau des déterminations de la radicalité.

      Ce n’est pas précisément ce qu’elle fait dans les différents chapitres qui balaient de nombreux thèmes brulants mais selon des perspectives hétérogènes et parfois contradictoires. Aux deux chapitres sur les radicalités religieuses ou politiques s’ajoutent des chapitres sur les réactions des lycéens aux attentats de 2015, la réception des théories du complot et les relations entre frustration, discriminations et radicalité. J’ai déjà exposé dans une tribune du journal Le Monde mes critiques sur la façon dont le chapitre d’Olivier Galland dresse un procès à charge contre les jeunes lycéen.e.s musulman.e.s, et je voudrais résumer ici l’argumentaire sur les problèmes de l’administration de la preuve dans cette enquête.

      Tout d’abord, l’absence de représentativité de l’échantillon ne serait pas problématique si les singularités des comportements n’étaient pas attribuées au groupe spécifique des musulman.e.s. Or une partie des attitudes en matière de normes sexuelles et sexuées, notamment l’homophobie supposée des musulmans, se rencontrent également dans des segments de la population française qui n’ont pas été enquêtés ici. Le biais d’observation renforce l’interprétation de particularisme musulman.

      Deuxièmement, et c’est là ma critique la plus importante, les questions utilisées pour construire les indicateurs de radicalité et d’absolutisme religieux sont mal construites, ambiguës et équivoques. Si les enquêtes en psychosociologie ont testé des grilles de questions sur les attitudes autoritaires, réactionnaires, libérales etc, la façon d’enregistrer de façon non équivoque les attitudes à l’égard de l’homosexualité, la laïcité, ou l’absolutisme religieux est relativement fluctuante. Dans cette enquête, l’homophobie est captée par une question formulée ainsi « l’homosexualité est une façon comme une autre de vivre sa sexualité ». Celles et ceux qui sont en désaccord avec cette phrase sont considérés comme hostiles à l’homosexualité, mais il aurait été préférable d’utiliser une question directe mettant en évidence une hostilité à l’égard de l’homosexualité plutôt qu’une appréciation de type sociologique : on peut très bien considérer qu’il y a une façon spécifique de vivre sa sexualité en tant qu’homosexuel.le sans que cela soit nécessairement négatif.

      L’indicateur d’absolutisme religieux est déterminant dans les analyses décrivant les liens entre religion et radicalité. Or il n’est construit qu’à partir de deux propositions – « Il y a une seule vraie religion » et « lorsque la religion et la science s’opposent sur la question de la création du monde, c’est plutôt la religion qui a raison » – dont le registre de signification déborde le domaine de l’absolutisme ou du rigorisme religieux. Les lycéens interrogés qui se disent musulmans sont 35% à avoir choisi la première réponse et 81 % la seconde, alors que les chrétiens ne sont respectivement que 10% et 27% à les ratifier. Les élèves sans religion sont évidemment très peu concernés par ces orientations. De façon prévisible, l’indicateur d’absolutisme distingue essentiellement des musulmans (75% des « absolutistes » sont musulmans), de telle sorte que tous les comportements raccrochés à l’absolutisme sont explicables par l’appartenance religieuse. Il y a là un mécanisme d’endogénéité, pour utiliser une expression courante en statistique, ou un biais tautologique. Ainsi donc, l’analyse singularise les musulmans dans un indicateur, et explique ensuite que c’est la religion qui détermine la tolérance à la violence ou la propension à la déviance.

      Là encore, la déviance est approchée à partir de questions qui associent des transgressions civiques, comme conduire sans permis ou tricher aux examens, à des version explicites de violence, comme affronter les forces de l’ordre et la police. Ces attitudes extrêmement hétérogènes sont néanmoins traitées comme un continuum et associées dans l’indicateur qui devient synonyme d’une forme de disposition à la violence radicale. Celle-ci devient religieuse si l’enquêté trouve « acceptable dans certains cas de combattre les armes à la main pour sa religion ». Or le contexte de ce recours aux armes est laissé indéterminé et la façon dont les lycéens comprennent cette proposition apparaît variable pour les auteur.e.s qui relèvent que les lycéens peuvent avoir à l’esprit le droit à se défendre de minorités religieuses persécutées.

      Les enseignements des groupes de discussion, qui ont été mis en place par les chercheurs en plus des questionnaires, soulignent la diversité des interprétations derrière les réponses à ces propositions. C’est pourtant sur cette base qu’Olivier Galland conclut à un « effet islam » sur l’adhésion à des idées absolutistes et à la justification de la guerre religieuse, tandis que les propriétés scoio-économiques ou l’expérience des discriminations n’expliqueraient pas ou très peu ces orientations. Que ces conclusions soient ensuite infirmées par le chapitre dédié aux discriminations ne conduit pas les promoteurs de l’enquête à modifier leurs conclusions générales.

      On retrouve avec cette enquête, et les raccourcis qu’elle propose, les limites observées dans l’enquête de l’institut Montaigne, à savoir la confection d’indicateurs ad hoc pour démontrer la rupture des musulmans avec les normes collectives, une forme de particularisme engageant à l’affrontement avec la société et, dans le contexte actuel d’actes terroristes, à une violence radicale qui trouverait sa source essentiellement dans l’engagement religieux. Il ne s’agit pas de critiquer le principe d’enquêtes sur les valeurs, les opinions et attitudes des musulman.e.s, jeunes ou moins jeunes, mais d’en discuter la construction et la mise en œuvre. Chacune présente des limites méthodologiques qui fragilisent leurs conclusions. Elles contribuent de fait à la fabrique de la figure des musulman.e.s en coupable idéal, réactionnaire potentiellement violent en rupture de République. Certes, ce ne sont que 28% de rigoristes pour l’institut Montaigne ou 32% d’absolutistes pour Galland et Muxel, mais le message que ces enquêtes font passer est très clair : il y a une propension endogène à l’islam qui génère les dispositions radicales et violentes. Inutile de chercher d’autres explications, qu’elles soient sociales, liées à des trajectoires ou des expériences de stigmatisation ou de discrimination.

      Olivier Galland avait d’ailleurs annoncé la couleur dans un article de la revue Le Débat, quelques mois avant la publication du livre. Profitant de la controverse ouverte par l’ouvrage de Gérald Bronner et Etienne Géhin contre la sociologie critique, il dénonçait à son tour la « sociologie du déni » qui ignore les ratés de l’intégration des jeunes d’origine immigrée, et tout particulièrement des musulmans en France. Prenant pour cible l’enquête TeO de l’Ined, il reprochait à Vincent Tiberj et à moi de ne pas avoir perçu les mécanismes de radicalisation religieuse à l’oeuvre et de développer « une conception victimaire de la population immigrée ».

      Il est vrai que dans cette enquête nous n’avons pas cherché à savoir si les immigrés et leurs descendants pensent bien ou mal, mais plutôt à savoir ce qu’ils font et, solidairement, ce que la société et les institutions leur font, c’est-à-dire s’ils ont accès dans les mêmes conditions que les autres aux ressources de la société. Et la réponse que fournie l’enquête TeO est que les promesses d’égalité contenues dans le modèle républicain sont plus ou moins tenues pour les immigrés et leurs descendants d’origine européenne, mais très peu pour ceux d’origine maghrébine ou africaine. Nous n’avons pas décidé que ces derniers étaient des victimes, et nous utilisons du reste très peu cette terminologie. Nous montrons les conséquences de structures inégalitaires dans la société française qui sont non seulement fondées sur la classe sociale, mais également sur l’origine ethno-raciale et, pour ce qui concerne les personnes se déclarant musulmanes, sur la religion. Les inégalités et discriminations qu’elles et ils rencontrent sont démontrées par les résultats des analyses conduites sur la masse de données produites par l’enquête sur l’éducation, l’emploi, le logement, la vie familiale, la santé et les relations sociales.

      S’agissant du sentiment national, nous avons non seulement demandé aux enquêtés s’ils se sentaient français, mais également s’ils pensaient qu’ils étaient vus comme des français. Là encore les résultats sont sans ambiguïté : alors que près de 90% des descendants d’immigrés du Maghreb ou d’Afrique sub-saharienne se sentent français, ils sont plus de 40% à dire qu’ils ne sont pas considérés comme tels dans leur quotidien. Les personnes se déclarant musulmanes déclarent encore plus que les autres ne pas être vues comme françaises. Cette assignation aux origines ou à la religion et ce défaut de reconnaissance sont partagés par les Français d’origine turque ou asiatique et même par les Français des départements de l’Outre-mer. Nous en concluons que ce déni de francité révèle un problème d’acceptation que la diversité des origines, de la couleur de peau ou des religions et qu’il est une donnée constitutive de la société française. Nous montrons alors combien on ne peut oublier le rôle que joue la société dans son ensemble dans les processus d’intégration, plutôt que d’instruire à charge en rejetant la faute sur les immigré.e.s et leurs descendant.e.s.

      À ce titre, nous faisons effectivement une sociologie du déni, celle qui s’intéresse aux processus d’exclusion et de rejet dont toutes les enquêtes devraient se préoccuper. L’information existe dans les deux enquêtes qui sont discutées ici, mais leurs auteurs ont choisi d’autres pistes d’analyse. Qu’il soit permis de considérer qu’elles échouent sur deux plans déterminants du point de vue des sciences sociales : elles ratent une partie essentielle des processus à expliquer et elles renforcent les préjugés à l’égard des musulmans en France.

      [1] Il y a toujours une part d’arbitraire à fixer le début d’une séquence historique. La construction d’un problème public procède par étapes et dans le cas du « problème musulman » celui-ci présente une généalogie ancienne réactivée par le cadrage des grèves dans l’industrie automobile en 1982 et 1983 et la première controverse sur le voile à l’école de Creil en 1989. On peut néanmoins situer la montée en puissance du « problème musulman » aux débats aboutissant au vote de la loi sur les signes religieux à l’école de 2004 (voir A.Hajjat et M.Mohammed, Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman », La Découverte, 2013).

      [2] Institut Montaigne, Un islam français est possible, Septembre 2016, p.14.

  • Mais où donc voyez-vous un « racisme d’État » ? - Basta !
    https://www.bastamag.net/Mais-ou-donc-voyez-vous-un-racisme-d-Etat
    https://www.bastamag.net/IMG/arton6502.jpg?1513607438

    Une nouvelle loi en préparation va encore davantage durcir la possibilité de trouver l’asile en France. La répression et les humiliations que le gouvernement infligent aux migrants font écho aux discriminations que continuent de subir nombre de citoyens français au prétexte de leurs origines. Un mal qui continue de s’étendre aux plus hautes sphères de la société.

    On les empêche de boire en été. On leur refuse un hébergement d’urgence en hiver. On détruit systématiquement leurs abris précaires. On les oblige à prendre des risques insensés pour franchir une frontière, comme s’ils n’avaient pas suffisamment frôlé la mort et souffert dans leur chair. On entrave leurs maigres possibilités de demander officiellement l’asile. Et on criminalise celles et ceux qui oseraient leur venir en aide. Ce « on » n’est pas l’Amérique de Trump, qui construit son mur anti-latino à la frontière mexicaine. Ce « on » n’est pas non plus le gouvernement polonais qui refuse l’asile au moindre réfugié, ni son homologue hongrois qui recrute des « chasseurs de migrants » [1]. Ce « on » est le gouvernement français, son affable président Emmanuel Macron et son ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. Celui-ci planche sur une circulaire qui remettrait en cause l’hébergement d’urgence inconditionnel pour tout être humain, quel que soit son statut [2].

    Les mesures anti-régulations et anti-égalitaristes ont d’abord déferlé contre le droit du travail et une fiscalité qui ne redistribuera plus les richesses. Certains ont pu trouver une maigre consolation en s’imaginant qu’avec le projet néolibéral du « président des riches », l’aspect « libéral » laisserait un peu l’Autre, le migrant, en paix. De Calais aux vallées des Hautes-Alpes, en passant par le quartier de La Chapelle à Paris, cette illusion s’est vite estompée. Aucune place pour les migrants dans la « start-up nation ». A moins de jouer à la mortifère loterie de la sélection « naturelle », de survivre à la Libye puis à la Méditerranée et enfin au passage des cols alpins (à écouter, ce reportage de France Culture), d’accepter une multitude d’humiliations une fois arrivé en France, de tenir trois mois enfermé dans un centre de rétention, comme le prévoit la loi sur l’immigration en préparation, et d’échapper à l’expulsion. Avec l’espoir de pouvoir un jour, peut-être, nettoyer les bureaux design, ramasser les poubelles cool ou livrer les repas disruptifs de la start-up nation. Enjoy !

    Pour ces migrants, leurs enfants et leurs petits-enfants devenus Français, les barrières grillagées ne se sont point affaissées pour autant. Accéder à un logement, trouver un emploi ou obtenir un crédit sera plus compliqué que si l’on est blanc, circuler dans l’espace public sans se faire contrôler constituera une gageure, comme le montre inlassablement les enquêtes successives sur l’état des discriminations en France, des discriminations qui continuent de frapper ceux qui les ont précédés en d’autres temps. Et s’ils – et surtout elles – osent exprimer une critique, un point de vue différent, ou se rendre trop visible, c’est la sanction, que leur histoire familiale soit empreinte ou non d’une migration. Même dans les hautes sphères de la société.

    On se souvient de la violence des insultes racistes proférées à l’encontre de l’ancienne ministre de la Justice Christiane Taubira, notamment lors de la « Manif pour tous ». On observe une campagne de dénigrement qui vise depuis l’automne la députée insoumise Danièle Obono pour ne pas s’être scandalisée face à des réunions organisés spécifiquement pour et par des « racisés », cibles de discriminations. Et c’est toujours la « start-up nation » qui exclut de son Conseil national du numérique, la militante antiraciste Rokhaya Diallo à cause de ses prises de position. « La France doit, une bonne fois, conjurer ses démons, sinon elle risque le pire », écrit l’historien et sociologue Jean Baubérot dans Mediapart. Un demi-siècle après les dernières décolonisations, cela commence à faire long.

    Ivan du Roy

    J’ai tout cité... car tout est clair et précis.

    #Racisme #France

  • Pour Rokhaya Diallo, contre l’ethnicisation de la République
    16 déc. 2017 Par Jean Baubérot Blog : Laïcité et regard critique sur la société
    https://blogs.mediapart.fr/jean-bauberot/blog/161217/pour-rokhaya-diallo-contre-l-ethnicisation-de-la-republique

    Je n’aime pas accuser celles et ceux auxquels je me heurte dans le débat, de « faute morale ». Je préfère, de beaucoup, tenter de faire en sorte que ce débat puisse être un échange d’arguments rationnels. Mais il est des moments où cette expression s’impose et où il faut prendre date face à l’Histoire.

    Il me semble très clair que l’exclusion de Rokhaya Diallo du Conseil National du Numérique constitue un événement que les historiens du XXIIe siècle retiendront comme un des indices des tentatives répétées d’ethnicisation de la République française qui, je l’espère, seront mises en échec dans la longue durée.

    Personne ne demande à personne de partager les idées de Rokhaya Diallo. Pour ce qui me concerne j’ai des connivences avec elle depuis que nous avons, ensemble, écrit un petit livre Comment parler de laïcité aux enfants (Le baron perché, 2015). Cet ouvrage se situe complètement dans la lignée de la laïcité de 1905 et je défie quiconque de prouver le contraire. Pour autant, nous ne sommes pas, Rokhaya et moi, des clones. Mais justement, ce qui a été intéressant, ce fut la rencontre de deux itinéraires différents. De montrer, à notre manière, le visage de la France, qui n’est pas « une et indivisible » comme le prétendent ceux qui n’ont pas lu la Constitution, mais « indivisible, laïque, démocratique et sociale ». (...)

  • Soutien à Jean Baubérot (Cercle des enseignant-es laïques)
    https://blogs.mediapart.fr/edition/ecole-et-laicite/article/311016/soutien-jean-bauberot

    Enseignant-es dans le 93 nous apportons tout notre soutien à Jean Baubérot, historien et sociologue avec qui nous avons rédigé un Petit manuel pour une laïcité apaisée et qui subit des attaques de la polémiste Caroline Fourest.

    #éducation #laïcité

  • Laïcité : le sociologue Jean Baubérot, attaqué par Fourest, répond (L’Obs)
    http://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20161014.OBS9851/laicite-la-reponse-de-jean-bauberot-a-caroline-fourest.html

    Le fondateur de la sociologie de la laïcité, qui vient de publier un “Petit Manuel pour une laïcité apaisée”, est violemment pris à partie par Caroline Fourest dans son livre. Il lui répond.

    #laïcités

  • Entretien avec deux membre du cercle des enseignant.e.s laïques,
    Questions de classe(s)
    http://www.questionsdeclasses.org/?Entretien-a-propos-du-Petit-manuel-pour-une-laicite-apaisee-a-l

    Entretien avec deux membre du cercle des enseignant.e.s laïques, Anaïs Flores et Jérôme Martin, co-auteur.e.s du Petit manuel pour une laïcité apaisée, un ouvrage important qui sort en cette rentrée 2016.

    Questions de classe(s) - Le Petit manuel pour une laïcité apaisée à l’usage des profs, des élèves et des parents, arrive en librairie dans une période où le thème de la laïcité déchaîne les passions. Pouvez-vous nous préciser dans quel contexte est née l’idée de cet ouvrage et comment il a été rédigé ?

    Anaïs Flores et Jérôme Martin - Enseignant-es en Seine-Saint-Denis, nous constatons que la laïcité déchaine les passions, mais essentiellement dans les médias et parmi les politiques. Parallèlement, nous expérimentons dans nos établissements les difficultés qu’engendrent de tels débats (stigmatisation des élèves et de leur famille, conflits autour de bandeaux, de jupes, etc.), l’application de la loi de 2004 interdisant le port ostentatoire de signes religieux à l’école, sans les définir précisément. Nous regrettions par ailleurs que les débats sur la laïcité masquent dans les médias et chez les politiques, la réalité des difficultés sociales, économiques que nous rencontrons sur le terrain. Oeuvrer à une laïcité apaisée, c’est aussi libérer la place médiatique pour les discussions sur les urgences de l’école.

    Le déclencheur a été la rencontre avec Jean Baubérot [1]. Nous avons passé plusieurs demi-journées à des discussions collectives, lui partageant son expertise sur la laïcité et son histoire, nous notre vécu quotidien, notre expérience des textes officiels et des classes. Le Petit manuel est une mise en forme de cet échange.

    QdC - Quelle est la finalité de ce petit guide ?

    Anaïs Flores et Jérôme Martin - En présentant une réflexion théorique articulée autour d’une mise en perspective historique, de témoignages précis et de pistes pédagogiques, nous voulions à la fois proposer un outil directement utile aux usagè-res de l’école publique et apporter une contribution au débat qui soit en lien avec des expériences concrètes. Des conflits peuvent être facilement désamorcés, pour peu qu’on ait les bons réflexes, qu’on ne prenne pas pour atteintes à la laïcité ce qui ne serait que des comportements d’enfants ou d’adolescent-es classiques, ou le résultat d’inquiétudes, de préjugés. Enfin, en montrant que la laïcité est un outil pour la liberté et le « vivre-ensemble », nous entendions parler à la première personne, en tant qu’enseignant-es dans des quartiers en difficultés – paroles que l’on n’entend guère dans le débat public. Dans les médias, la plupart des contributions, le plus souvent sur le mode incantatoire et visant à nourrir le conflit, le fantasme du choc de civilisations, sont le fait de personnes qui n’ont jamais mis un pied dans les établissements où nous travaillons.

    QdC - Au fil des pages, on comprend que cette laïcité « apaisée » entend s’opposer à une laïcité « falsifiée », comment définiriez-vous ces deux approches, leur histoire et leurs ressorts politiques ?

    Anaïs Flores et Jérôme Martin - Il est essentiel de débattre sur des concepts vrais, solides, clairs en les plaçant dans leur contexte historique. Une bonne part des conflits vient du fait que les participations au débat public mélangent la laïcité telle qu’elle est aujourd’hui définie par les textes, la laïcité telle qu’elle était à l’époque de sa constitution et celle que chacun-e voudrait qu’elle soit. La laïcité « falsifiée » résulte de cette confusion, quand on essaie par exemple de défendre la loi de 2004 en la présentant comme l’héritière logique de la loi de 1905. Cette dernière garantit la liberté de conscience dans son article 1, met fin au Concordat et au système des « cultes reconnus » ou prévoit le paiement des aumôniers dans des lieux fermés comme les prisons ou les écoles. Mais elle n’enjoint en rien à la neutralité religieuse des usage-res des administrations ou dans l’espace public.

    En affirmant une continuité entre la loi de 1905 et celle de 2004, on masque la rupture que cette dernière constitue dans notre régime juridique, puisque Ferry et Jaurès se sont précisément opposés à l’extension du devoir de neutralité aux usager-es des services publics, dans la rue, etc.

    La partie « Analyses » du Manuel (voir le sommaire en fin d’entretien, NDLR) vise ainsi à distinguer le régime juridique actuel de la laïcité, son histoire et les options philosophiques et politiques qui peuvent s’exprimer à leurs propos pour faire évoluer ce cadre juridique.

    La confusion entretenue depuis trente ans a permis à un discours réactionnaire de s’approprier la laïcité, alors que les réactionnaires l’ont traditionnellement combattue depuis un siècle.

    QdC - Comment se situer par rapport à une laïcité « de combat » qui a longtemps constitué un des marqueurs de la gauche de la gauche et avec lequel le livre semble prendre ses distances ? Une laïcité « apaisée » reste-t-elle une laïcité « engagée » ?

    Anaïs Flores et Jérôme Martin - Si nous nous sommes lancé-es dans la rédaction de ce manuel en tant que « Cercle des enseignant-es laïques », c’est que nous assumons un fort engagement sur cette question. La défense de l’école publique et son financement restent d’actualité. Mais l’évolution des débats sur la laïcité ont placé ce combat au second-plan. En faisant de la laïcité un simple devoir de conformité, d’uniformité et d’obéissance, mais aussi un prétexte à exclusion, on perd le sens de ce qui motivait la défense de la laïcité, par exemple en 1984 quand il s’agissait de défendre l’école publique. Pour le dire autrement, la « laïcité de combat », même à gauche, a changé de cible : ce ne sont plus les institutions religieuses et leur emprise sur l’école, qui sont visées (on l’a bien vu avec l’abandon des ABCD de l’égalité en 2004 sous la pression de lobbys religieux), mais certain-es élèves et leur famille.

    QdC - En quoi la laïcité « apaisée » est-elle aussi un enjeu pédagogique qui s’oppose à une conception « disciplinaire » et « identitaire » de l’école ?

    Anaïs Flores et Jérôme Martin - « La représentation de la salle de classe comme un camp retranché, véhiculée par un certain nombre de polémiste, contribue à augmenter les conflits et masque les réalités de l’enseignement », écrivons-nous dès le début de l’ouvrage (on peut lire des extraits de l’introduction à ce lien).

    Il y a un lien direct entre les débats sur la laïcité et les débats sur la place des élèves, leurs droits et leur liberté, au sein du système scolaire. La première « affaire des foulards » à Creil, à l’automne 1989, est aussi l’occasion pour les partisans de l’exclusion des élèves voilées, de critiquer la loi que le ministre Lionel Jospin a promulgué en juillet, et qui garantit aux élèves un certain nombre de droits (liberté d’expression, de réunion, etc.).

    Prenons un exemple simple : un élève objecte à un cours de physique et propose un argument religieux. Depuis Ferdinand Buisson et Ferry, il est demandé aux enseignant-es de ne pas répondre en imposant la science comme un dogme qui contredirait le discours religieux, mais en dialoguant avec l’élève pour l’amener à distinguer savoir et croire. Or, même s’il s’agit de conseils de plus d’un siècle, qui reconnaissent aux élèves le droit à l’expression, de telles recommandations, fournies à nouveau en 2015 dans le livret de la laïcité, ont été critiquées comme une remise en cause de l’autorité enseignante, et une trahison de la laïcité. Sous prétexte de soutenir l’autorité enseignante, on défend une véritable erreur intellectuelle puisqu’on laisse croire aux élèves que la science est, comme la religion, un dogme qui s’impose à elles et eux. L’autorité ne se décrète pas, elle se forge par le sens du dialogue, l’écoute, la confrontation des points de vue et la transmission des savoirs.

    Alors qu’on nous demande d’enseigner la laïcité, il nous semble essentiel de rappeler que l’école ne peut pas transmettre des valeurs sans les incarner. Le rôle de l’enseignant-e n’est ni la répression, ni le bourrage de crânes, mais bien d’apprendre aux élèves à se faire un avis par eux/elles-mêmes, en leur donnant tous les outils. Pourquoi exiger des futur-es adultes que sont nos élèves de « vivre ensemble » dans un restaurant ou à la plage, si l’école n’est pas un lieu où on montre comment cela est possible, où on vit et expérimente concrètement l’altérité, la différence.

    QdC - Le livre accorde une place à la question de l’égalité entre les hommes et les femmes… pour remettre en cause l’idée qu’il s’agirait d’un des fondements de la laïcité à la française. Pouvez-vous expliquer votre point de vue sur cette question ?

    Anaïs Flores et Jérôme Martin - Les fondateurs de la laïcité s’accommodaient de la non-mixté à l’école, des programmes séparés pour les garçons et les filles, tout comme ils se sont accommodés de la colonisation, voire l’ont promue. Le refus du droit de vote aux femmes a même été justifié au nom de la laïcité : trop religieuses, elles auraient été influencées par leur curé ! Postuler un lien historique entre laïcité et féminisme ne fait qu’ajouter de la confusion aux débats.
    Transformer le droit de se déshabiller ou de montrer ses cheveux en « devoir féministe » est un contresens, une récupération des combats anti-sexistes pour donner un vernis progressiste à des discours d’exclusion. On peut lire à ce propos une tribune que nous venons de publier sur Médiapart (voir à ce lien).
    Le port du voile a de multiples sens et ne peut se limiter à la seule pression patriarcale. D’ailleurs, même si c’était le cas, exclure des jeunes femmes pour cette raison relève de l’incohérence. C’est à chaque femme de construire les voies de son émancipation, et l’école doit les y aider, donc ne pas les exclure.
    Et pendant qu’on nous fait croire qu’il est féministe de renvoyer une jeune femme car elle porte une jupe au-dessus de son pantalon, on laisse le sexisme institutionnel forger le destin scolaire des élèves, par exemple dans l’orientation, par exemple dans la représentation des femmes dans les manuels, etc.

    QdC - Pouvez-vous préciser votre référence au concept d’islamophobie dans les débats sur la laïcité ?

    Anaïs Flores et Jérôme Martin - Nous expliquons dans le Petit manuel pourquoi nous utilisons ce terme, qui n’est contesté qu’en France pour des raisons qui ne nous semblent pas valables, et qu’on ne jugerait pas pertinentes dans le cas de l’antisémitisme. Cela correspond à une réalité, et il faut mettre un mot sur cette réalité. Le déferlement raciste de ces dernières semaines le prouve.
    On ne cesse de poser la question de la compatibilité entre l’islam, la République et la laïcité. Or, on méconnait la réalité historique : la France laïque n’a jamais traité la religion des musulman-es comme les autres. Ce fut le cas dans l’Algérie coloniale, où la loi de 1905 ne fut pas appliquée. C’est le cas depuis plus de trente ans, où les politiques ne cessent de vouloir imposer par le haut l’organisation générale de l’islam, sur lequel l’Etat aurait la main mise. C’est du gallicanisme, pas de la laïcité.
    Au nom de la lutte contre la « radicalisation », on suggère fortement l’idée d’une formation des imams aux valeurs de la République. Mais a-t-on suggéré une formation des curés à la lutte contre l’homophobie quand un très grand nombre d’entre eux se sont coordonnés pour tenir des prêches opposés au mariage pour tous le 15 août 2013 ?

    QdC - Un regret pour terminer. Ce manuel très complet, agrémenté d’une riche bibliographie qui n’oublie pas de citer « l’autre camp », ne présente pas le Cercle des enseignant-es laïques. Quels sont ses actions, son projet, sa composition ?

    Anaïs Flores et Jérôme Martin - Ce collectif s’est formé lors de la rédaction du Manuel, nous en sommes donc les cinq membres. Nous assurons pour le moment la promotion autour de la sortie du livre, en répondant par exemple à des invitations à des débats, comme celui qui se tiendra à l’Institut du Monde Arabe le 22 septembre prochain. Nous venons de déposer des statuts pour constituer le collectif en association, et nous espérons former un réseau de personnels éducatifs sur le sujet. On peut nous suivre sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Framasphère).

    Propos recueillis par Grégory Chambat pour Questions de classe(s)

  • Petit manuel pour une laïcité (enfin) apaisée à l’école : des extraits
    http://contre-attaques.org/ressources/article/petit-manuel

    Des enseignant-es et l’historien Jean Baubérot ont rédigé un Petit manuel pour une laïcité à l’usage des profs, des élèves et de leurs parents qui parait jeudi 25 août aux éditions La Découverte. On peut en trouver une présentation à ce lien. Nous publions des extraits de l’introduction et de la section consacrée aux sorties scolaires. Introduction (...) À la suite d’événements dramatiques comme les attentats de janvier et novembre 2015, l’attention politique et médiatique se focalise sur les établissements (...)

    #Ressources

    / #carousel, #Livres_et_revues, Laïcité, #École

    #Laïcité
    « http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Petit_manuel_pour_une_la__cit___apais__e-9782707190956.ht »

    • " La forme, c’est le fond qui remonte à la surface. " Victor Hugo

      Dans son livre « Les intellectuels faussaires, le triomphe médiatique des experts en mensonge », Pascal Boniface épingle Caroline Fourest qu’il affuble du titre de « serial-menteuse » : « Au tribunal de Fourest, l’acte d’accusation tient lieu de preuve. La vigueur de l’accusation est inversement proportionnelle à la rigueur de la démonstration. »
      Dans le chapitre qui lui est consacré Pascal Boniface écrit notamment :

      La grande force de Caroline Fourest est d’enfourcher des chevaux de bataille largement majoritaires dans l’opinion et plus encore parmi les élites médiatiques. Qui oserait se déclarer contre la laïcité, contre l’égalité hommes et femmes, pour la répression des minorités sexuelles ou en faveur de l’antisémitisme ? Ce qui pose problème, ce n’est pas que Caroline Fourest défend, c’est la façon dont elle le fait. Régulièrement, elle attribue à ses adversaires des positions, sans doute critiquables, mais qui ne sont pas les leurs, ou des faits répréhensibles.. inexistants.

      > Caroline Fourest, « sérial-menteuse » / Atlantico http://www.atlantico.fr/decryptage/caroline-fourest-tariq-ramadan-frere-tariq-bernard-henri-levy-149309.html

      > Entretien avec Pascal Boniface https://blogs.mediapart.fr/daniel-salvatore-schiffer/blog/041011/entretien-avec-pascal-boniface-propos-des-intellectuels-f

      Un des ouvrages de la journaliste, « La Tentation obscurantiste », a reçu en 2003 le prix du livre politique de l’Assemblée nationale. A son propos, cinq universitaires spécialisés dans l’étude de l’islam moderne et/ou de la laïcité, ont publié une tribune dans Le Monde," Les Lauriers de l’obscurantisme".

      Bruno Etienne, Franck Fregosi, Vincent Geisser, Raphaël Liogier et Jean Baubérot tenaient à mettre en garde l’opinion publique" contre « l’obscurantisme » de Fourest, contre sa « haine viscérale de la connaissance scientifique », contre son « trafic des émotions et des peurs » et contre son usage des « raccourcis ».

      La « méthode » (éminemment non scientifique) de sélection de la « vérité » consiste à prendre pour pertinent un discours caricatural, inquisitorial, pamphlétaire, truffé de préjugés, accessoirement d’erreur, et essentiellement destiné à dénoncé les « autres » : musulmans, islamologues refusant de se soumettre au sens commun, journalistes, hommes politiques, militants antiracistes, laïques pragmatiques.

      Bien moins que la paix sociale, cette désignation de l’autre ( et accessoirement de « sa » religion) permet d’éviter d’assumer ses propres turpitudes, ses propres préjugés. Elle permet d’éluder la question des alliances surprenantes entre les héros ’ hérauts) d’un républicanisme forcené et les nostalgiques d’une France éternellement monoconfessionnelle et mono-ethnique. Elle permet d’exploiter tranquillement, et avec la bonne conscience de la morale pseudo-universaliste le vieux fond de commerce de la peur de l’autre.

      > Les Lauriers de l’obscurantisme http://www.lemonde.fr/idees/article/2006/04/17/les-lauriers-de-l-obscurantisme_762492_3232.html

      En septembre 2015, Julien Salingue publie un article « Les coupables amitiés de Caroline Fourest (par Caroline Fourest) » qui fait le point sur la méthode et les obsessions de la « journaliste spécialisée dans l’à-peu-prisme. »

      (...) Dernier exemple en date, une attaque au vitriol contre le vainqueur des primaires du Labour britannique, Jeremy Corbyn, accusé (entre autres) de complaisance à l’égard de l’intégrisme et de l’antisémitisme.

      Une méthode éprouvée, dont le principal ressort est de déformer un peu, beaucoup, voire passionnément, la réalité, pour alimenter un propos à charge contre les cibles préférées de Caroline Fourest : les « islamistes ». Mais aussi les amis des « islamistes », les amis de leurs amis et, par extension, tous ceux qui connaissent quelqu’un dont le voisin a un jour partagé une banquette de métro avec la sœur d’un individu signataire par le passé d’une pétition également signée par un écrivain dont un article a été publié sur un site internet relayant ar ailleurs des articles révisionnistes.

      Pour rendre hommage à la journaliste et à ses méthodes de travail, nous avons décidé d’utiliser les mêmes procédés afin de révéler la face cachée de Caroline Fourest, à la manière de Caroline Fourest.

      > Le Blog de Julien Salingue http://resisteralairdutemps.blogspot.fr/2015/09/les-coupables-amities-de-caroline.html

      Saïd Bouamama, sociologue, et Pierre Tevanian, philosophe, pris à partie par Caroline Fourest après l’annulation d’un débat, en 2012 à la Fête de l’Humanité, publièrent un article « Caroline Fourest, l’incendiaire qui crie au feu ! » où sont mis en relief quelques procédés de la journaliste.

      Caroline Fourest est coutumière de ce type de campagnes, obéissant toujours au même schéma narratif (violence, agression, menaces, intégristes, escorte policière), contre des gens qui n’ont eu le tort que de la critiquer ou, au pire, de la chahuter. Il faudrait un jour que des journalistes d’investigation reviennent sur l’hallucinante campagne qu’elle avait lancée en 2004 contre l’Institut du monde arabe, suite à un débat tout à fait calme et policé (dont doit bien exister un enregistrement), et qui avait amené l’IMA à publier un démenti officiel. Un exemple plus récent est la manière dont un chahut tout à fait bon enfant (dont un enregistrement filmé existe sur youtube) a été transformé, par les soins de Caroline Fourest, en agression islamiste.

      > L’incendiaire qui crie au feu - Mediapart https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/180912/caroline-fourest-lincendiaire-qui-crie-au-feu

      Pour d’autres réjouissances : Caroline et l’inhumé malgré lui (2008), Caroline et l’agression des femmes voilés (2013), Caroline et l’arrachage des yeux (2014), Caroline entend des voix à Charlie Hebdo, Caroline et sa nouvelle croisade en Tunisie... voir :
      http://zec.hautetfort.com/archive/2015/01/11/caroline-fourest-clerc-obscur.html

      #Caroline_Fourest #serail_menteuse #clerc_obscur #obscurantisme "morale_pseudo-universaliste #Pascal_Boniface #Julien_Salingue #Saïd_Bouamama #Pierre_Tevanian #Bruno_Etienne #Franck_regosi, #Vincent_Geisser #Raphaël_Liogier Jean_Baubérot

  • « Islamophobie », un mot, un mal plus que centenaires
    Une ressource indispensable pour comprendre les polémiques que ce mot engendre,

    http://orientxxi.info/magazine/islamophobie-un-mot-un-mal-plus-que-centenaires,1155

    Historiquement, l’affrontement armé a encadré la totalité de l’histoire des rapports entre l’Occident et le monde musulman. Il fut le premier mode de contact, lors de la conquête arabe du sud de l’Europe, puis lors des Croisades, en Orient. Et si l’on s’en tient à la colonisation française à l’ère moderne, toutes les générations de Français depuis 1830 ont perçu des échos d’affrontements avec le monde arabo-musulman au sein de l’empire : prise d’Alger (1830), guerre menée par Abd el-Kader (1832-1847), révolte de Kabylie (1871), lutte contre les Kroumirs et établissement du protectorat sur la Tunisie (1880-1881), conquête du Maroc et établissement du protectorat sur ce pays (1907-1912), révolte en Algérie (1916-1917), guerre du Rif (1924-1926), révolte et répression en Algérie (mai 1945), affrontements avec l’Istiqlal et le sultan au Maroc (1952-1956), avec le Néo-Destour en Tunisie (1952-1954), cycle clos par la guerre d’Algérie (1954-1962). La parenthèse fut ensuite refermée...provisoirement, puisque le concept de « choc des civilisations » est revenu en force depuis le début du XXIe siècle.

    L’islamophobie, historiquement inséparable du racisme anti-arabe, a plusieurs siècles d’existence. N’est-il pas remarquable, par exemple, que certains éléments constitutifs de la culture historique des Français soient intimement liés à des affrontements avec le monde arabo-musulman ? Pourquoi Poitiers, bataille mineure, a-t-elle pris la dimension de prélude — victorieux — au « choc des civilisations » ? Pourquoi Charles Martel, un peu barbare sur les bords, est-il l’un des premiers héros de l’histoire de France, comme « rempart » de la civilisation ? Interrogez les « Français moyens », ceux en tout cas qui ont encore la mémoire des dates : Poitiers (732) arrive encore dans le peloton de tête, avec le couronnement de Charlemagne en 800, la bataille de Marignan en 1515 ou la prise de la Bastille en 1789.

    Pourquoi la bataille de Roncevaux en 778, où pas un seul musulman n’a combattu (les ennemis du preux Roland étaient des guerriers basques) est-elle devenue le symbole de la fourberie des Sarrazins, attaquant en traîtres à dix contre un ? Nul ancien collégien n’a oublié qu’il a fait connaissance avec la littérature française, naguère, par la Chanson de Roland. Et nul ne peut avoir chassé de sa mémoire la personnification du Bien par les chevaliers de lumière venant d’Occident et celle du Mal par les sombres guerriers de la « nation maudite / Qui est plus noire que n’est l’encre ». C’est plusieurs siècles avant les théoriciens et illustrateurs de la pensée coloniale que l’auteur écrit : « Les païens ont tort, les chrétiens ont le droit. » La guerre entre « eux » et « nous » commençait sous les auspices du manichéisme le plus candide. Oui, le racisme anti-arabe, longtemps (toujours ?) inséparable de l’islamophobie, a plusieurs siècles d’existence, remonte au Moyen-âge (croisades), puis à la Renaissance avec, notamment, les matamores, littéralement les tueurs de maures, de la Reconquista espagnole.

    Plus tard, à l’ère coloniale, l’hostilité fut énoncée avec la plus parfaite bonne conscience, sur le ton de l’évidence : « C’est évident : l’islam est une force de mort, non une force de vie »1. Persuadés d’être porteurs des vraies — des seules — valeurs civilisationnelles, les contemporains de la conquête, puis de la colonisation, allèrent de déboires en désillusions : les catholiques et les missionnaires constataient, navrés, que la religion musulmane était un bloc infissurable ; les laïques intransigeants se désolaient, rageurs, de voir que leur conception de la Raison ne pénétrait pas dans ces cerveaux obscurcis par le fanatisme… Dès lors, les notions d’« Arabes » — la majorité des Français appelaient Arabes tous les colonisés du Maghreb — et de musulmans se fondirent en une sorte de magma incompréhensible, impénétrable. Hostilité de race et hostilité de religion se mêlèrent en une seule « phobie ».

    Il revenait à Ernest Renan de synthétiser tout l’esprit d’une époque :

    L’islam est la plus complète négation de l’Europe. L’islam est le dédain de la science, la suppression de la société civile, c’est l’épouvantable simplicité de l’esprit sémitique, rétrécissant le cerveau humain, le fermant à toute idée délicate, à tout sentiment fin, à toute recherche rationnelle, pour le mettre en face d’une éternelle tautologie : “Dieu est Dieu“.

    La réforme intellectuelle et morale, Paris, Michel Lévy Frères, 1871.

    Un mot qui remonte à 1910

    Il faut nommer cet état d’esprit ; le mot « islamophobie » paraît le mieux adapté. Et contrairement à une vulgate répandue, il est plus que centenaire. La première utilisation du mot retrouvée date de 1910. Elle figure sous la plume d’un certain Alain Quellien, aujourd’hui oublié. Il proposait une définition d’une surprenante modernité :

    L’islamophobie : il y a toujours eu, et il y a encore, un préjugé contre l’islam répandu chez les peuples de civilisation occidentale et chrétienne. Pour d’aucuns, le musulman est l’ennemi naturel et irréconciliable du chrétien et de l’Européen, l’islamisme2 est la négation de la civilisation, et la barbarie, la mauvaise foi et la cruauté sont tout ce qu’on peut attendre de mieux des mahométans.

    La politique musulmane dans l’Afrique occidentale française, Paris, Émile Larose.

    Ainsi, dès sa première apparition écrite, le mot « islamophobie » était accompagné de celui de « préjugé » et du concept de « choc des civilisations ». Suivait une liste impressionnante de citations venant de tous les horizons, multipliant les reproches hostiles : l’islam était assimilé à la guerre sainte, à la polygamie, au fatalisme, enfin à l’inévitable fanatisme.

    La même année, Maurice Delafosse, étudiant lui aussi l’islam, cette fois en Afrique subsaharienne, l’emploie à son tour :

    Pris en bloc, et à l’exception de quelques groupements de Mauritanie encore hostiles à la domination européenne, l’état d’esprit des musulmans de l’Afrique occidentale n’est certainement pas opposé à notre civilisation (…). Quoi qu’en disent ceux pour qui l’islamophobie est un principe d’administration indigène, la France n’a rien de plus à craindre des musulmans en Afrique occidentale que des non musulmans (…). L’islamophobie n’a donc pas de raison d’être dans l’Afrique occidentale.

    Revue du Monde musulman, vol. XI, 1910.

    Deux ans plus tard, Delafosse publie son maître ouvrage, dans lequel il reprend mot à mot son article de 1910, en remplaçant seulement les mots « Afrique occidentale » par « Haut-Sénégal-Niger ».

    En 1912, le grand savant Louis Massignon rapporte les propos de Rachid Ridha, un intellectuel égyptien, lors du congrès international des oulémas. Évoquant les attitudes des différentes puissances à l’égard de l’islam, Massignon reprend le mot à son compte : « La politique française pourra devenir moins islamophobe » (sous-entendu : que les autres puissances coloniales). De façon significative, il titre son article « La défensive musulmane »3. On a bien lu : « défensive » et non « offensive ».

    Après guerre, Étienne Dinet, grand peintre orientaliste converti à l’islam et son ami Slimane ben Ibrahim réemploient le mot dans deux ouvrages, en 1918 puis en 19214. Dans le second, ils exécutent avec un certain plaisir un jésuite, le père Henri Lammens, qui avait publié des écrits à prétention scientifique, en fait des attaques en règle contre le Coran et Mohammed. Dinet conclut : « Il nous a semblé nécessaire de dévoiler, non seulement aux musulmans, mais aussi aux chrétiens impartiaux, à quel degré d’aberration l’islamophobie pouvait conduire un savant. »

    Le mot apparaît également dans la presse, justement dans une critique fort louangeuse du premier de ces ouvrages : « Le fanatisme de Mohammed n’est ni dans sa vie ni dans le Coran ; c’est une légende inventée par les islamophobes du Moyen Âge »5.
    Un mensonge historique qui dure

    Le mot (non la chose) va ensuite disparaître du vocabulaire jusqu’aux années 1970-1980. En 2003, deux écrivaines, Caroline Fourest et Fiametta Venner, publient dans leur revue un dossier au titre évocateur, « Islamophobes… ou simplement laïques ? »6. Le titre de l’article introductif utilise le mot « islamophobie » assorti d’un prudent — et significatif — point d’interrogation. Il commence par cette formule : « Le mot “islamophobie“ a une histoire, qu’il vaut mieux connaître avant de l’utiliser à la légère ». Certes. Mais elles se fourvoient et, exposition médiatique aidant, elles ont fourvoyé depuis des dizaines d’essayistes, probablement des milliers de lecteurs. Car elles affirment que les mots « islamophobie » et « islamophobe » ont été en quelque sorte des bombes à retardement déposées par la révolution iranienne, puis repris par des obscurantistes musulmans un peu partout en Occident. Les deux essayistes affirment en effet :

    Il [le mot « islamophobie »] a été utilisé en 1979 par les mollahs iraniens qui souhaitaient faire passer les femmes qui refusaient de porter le voile pour de “mauvaises musulmanes“ en les accusant d’être “islamophobes“. Il a été réactivité au lendemain de l’affaire Rushdie, par des associations islamistes londoniennes comme Al Muhajiroun ou la Islamic Human Rights Commission dont les statuts prévoient de “recueillir les informations sur les abus des droits de Dieu“. De fait, la lutte contre l’islamophobie rentre bien dans cette catégorie puisqu’elle englobe toutes les atteintes à la morale intégriste (homosexualité, adultère, blasphème, etc.). Les premières victimes de l’islamophobie sont à leurs yeux les Talibans, tandis que les “islamophobes“ les plus souvent cités par ces groupes s’appellent Salman Rushdie ou Taslima Nasreen !

    Cette version, qui ignore totalement l’antériorité coloniale du mot, sera reprise sans distance critique en 2010 par l’équipe du Dictionnaire historique de la langue française : « Islamophobie et islamophobe, apparus dans les années 1980… », donnant ainsi à cette datation – une « simple erreur » d’un siècle — un couronnement scientifique.

    Cette « erreur » reste très largement majoritaire, malgré les mille et un démentis. Caroline Fourest a ensuite proposé en 2004 dans son essai Frère Tariq, une filiation directe entre le khomeinisme et le penseur musulman Tariq Ramadan, qui le premier aurait tenté selon elle d’importer ce concept en Europe dans un article du Monde Diplomatique de 1998. En fait, si le mot y figure effectivement, entre guillemets, ce n’est que sous forme de reprise : « On peut parler d’une sorte d’ “islamophobie“, selon le titre de la précieuse étude commandée en Grande-Bretagne par le Runnymede Trust en 1997 »7. Il paraît difficile de faire de ce membre de phrase une tentative subreptice d’introduire un concept dans le débat français. D’autant… qu’il y figurait déjà. Un an plus tôt, dans le même mensuel, le mot était déjà prononcé par Soheib Ben Cheikh, mufti de la mosquée de Marseille : « La trentaine ardente et cultivée, il entend “adapter un islam authentique au monde moderne“, combattre l’ “islamophobie“ et, simultanément, le sentiment de rejet, de frustration et d’“enfermement“ dont souffrent les musulmans de Marseille »8.
    Le « sanglot » de l’homme blanc

    Pour les deux écrivaines déjà citées, c’est le mot même qui est pourtant à proscrire, car il est porteur de « terrorisme intellectuel », il serait une arme des intégristes dans leur lutte contre la laïcité, interdisant de fait toute critique de l’islam.

    L’essayiste Pascal Bruckner, naguère auteur du Sanglot de l’homme blanc, sous-titré Tiers-Monde, culpabilité, haine de soi (1983), pourfendeur plus récemment de la Tyrannie de la pénitence (2006), ne pouvait que partager les convictions de ses jeunes collègues :

    Forgé par les intégristes iraniens à la fin des années 70 pour contrer les féministes américaines, le terme d’“islamophobie“, calqué sur celui de xénophobie, a pour but de faire de l’islam un objet intouchable sous peine d’être accusé de racisme (…). Nous assistons à la fabrication d’un nouveau délit d’opinion, analogue à ce qui se faisait jadis dans l’Union soviétique contre les ennemis du peuple. Il est des mots qui contribuent à infecter la langue, à obscurcir le sens. “Islamophobie“ fait partie de ces termes à bannir d’urgence du vocabulaire ».

    Libération, 23 novembre 2010.

    Pour sa part, Claude Imbert, le fondateur et éditorialiste historique du Point, un hebdomadaire en pointe en ce domaine, utilisa — et même revendiqua — le mot dans une déclaration sur la chaîne de télévision LCI le 24 octobre 2003 :

    Il faut être honnête. Moi, je suis un peu islamophobe. Cela ne me gêne pas de le dire (…). J’ai le droit, je ne suis pas le seul dans ce pays à penser que l’islam — je dis bien l’islam, je ne parle même pas des islamistes — en tant que religion apporte une débilité d’archaïsmes divers, apporte une manière de considérer la femme, de déclasser régulièrement la femme et en plus un souci de supplanter la loi des États par la loi du Coran, qui en effet me rend islamophobe.

    Cette déclaration suscita diverses critiques, qui amenèrent le journaliste à répliquer, la semaine suivante, lors de la même émission : « L’islam, depuis le XIIIe siècle, s’est calcifié et a jeté sur l’ensemble des peuples une sorte de camisole, une sorte de carcan ». Il se disait « agacé » par l’accusation de racisme dont il était l’objet : « L’islamophobie (…) s’adresse à une religion, l’islam, non pas à une ethnie, une nation, un peuple, pas non plus à des individus constituant le peuple des musulmans… ».

    Est-il bien utile de poursuivre la liste de ces nouveaux combattants, de ces modernes « écraseurs de l’infâme »9 ? Chaque jour, parfois chaque heure, ils ont l’occasion de répéter leurs vérités, dans des hebdomadaires à couvertures en papier glacé, à la télévision, dans des cénacles, sans craindre des contradicteurs ultra-minoritaires… ou absents.

    Si l’utilisation du concept par certains musulmans fondamentalistes, à la moindre occasion, peut et doit irriter, il paraît cependant difficile de contester que des islamophobes existent et qu’ils agissent. Tout acte hostile, tout geste brutal, toute parole insultante contre un(e) musulman(e) parce qu’il (elle) est musulman(e), contre une mosquée ou une salle de prière, ne peut être qualifié que d’acte islamophobe. Et, puisqu’il y a des islamophobes, qu’ils constituent désormais un courant qui s’exprime au sein de la société française, comment qualifier celui-ci autrement que d’islamophobe ?

    Les musulmans de France n’ont nullement besoin d’avocats. Dans leur grande majorité hostiles à la montée — réelle — de l’intégrisme, ils placent leur combat sur le terrain de la défense d’un islam vrai, moderne, tolérant, tout en restant fidèle à la source.
    Réfuter la logique d’affrontement

    Parallèlement, une forte réaction s’est dessinée, par des auteurs ne se situant pas du tout dans une vision religieuse, pour réfuter et dénoncer la logique d’affrontement. Alors que l’usage même du mot apparaissait à beaucoup comme une concession aux terroristes (au moins de la pensée), Alain Gresh titra justement : « Islamophobie » un article novateur du Monde Diplomatique (novembre 2001). En 2004, le sociologue Vincent Geisser publiait aux éditions La Découverte la première étude synthétique sur la question, La nouvelle islamophobie. L’année suivante, un autre chercheur, Thomas Deltombe, décortiquait chez le même éditeur L’islam imaginaire. La construction médiatique de l’islamophobie en France, 1975-2005.

    Les essais plus récents d’Edwy Plenel, Pour les musulmans (La Découverte, 2013) et de Claude Askolovitch, Nos mal-aimés, ces musulmans dont la France ne veut pas( Grasset, 2013) ont entamé une contre-offensive. Ce dernier affirme, dans son chapitre de conclusion :

    Ce que la France a construit depuis vingt-cinq ans à gauche comme à droite, à force de scandales, de lois et de dénis, de mensonges nostalgiques, c’est l’idée de l’altérité musulmane, irréductible à la raison et irréductible à la République ; la proclamation d’une identité en danger, nationale ou républicaine, et tout sera licite — légalement — pour la préserver...

    Chez les catholiques progressistes, même réponse :

    Schizophrénie. Tandis que les révolutions arabes témoignent d’une soif de démocratie de la part des musulmans, la peur de l’islam empoisonne l’atmosphère en France et, à l’approche des élections, l’épouvantail est agité plus que jamais. Sarkozy n’a-t-il pas voulu un débat sur la place de l’islam dans la République ? Il reprend ainsi un des thèmes favoris du Front national.

    Revue Golias, n° 137, mars 2011.

    Autre écho contemporain, sous la plume de Jean Baubérot, spécialiste de la sociologie des religions et de la laïcité :

    De divers côtés, on assiste à la multiplication d’indignations primaires, de propos stéréotypés qui veulent prendre valeur d’évidence en étant mille fois répétés par le moyen de la communication de masse. L’évolution globale est inquiétante, et cela est dû à la fois à la montée d’extrémismes se réclamant de traditions religieuses (au pluriel) et d’un extrême centre qui veut s’imposer socialement comme la (non) pensée unique et rejette tout ce qui ne lui ressemble pas (…). L’Occident est le “monde libre“ paré de toutes les vertus face à un islam monolithique et diabolisé.

    Le Monde, 6 octobre 2006.

    Suit dans le même article un parallèle entre l’antisémitisme du temps de l’affaire Dreyfus et la montée de l’islamophobie au début du XXIe siècle : « De tels stéréotypes sont permanents : seuls changent les minorités qu’ils transforment en boucs émissaires. La lutte contre l’intolérance ne dispense pas de la lutte contre la bêtise haineuse ». En ces temps où les grands qui nous dirigent n’ont que le mot « guerre » à la bouche ou sous la plume, il est des phrases réconfortantes10.
    Alain Ruscio

    1Arnold Van Gennep, La mentalité indigène en Algérie, Mercure de France, septembre-décembre 1913.

    2À l’époque synonyme d’islam.

    3Revue du Monde musulman, vol. XIX, juin 1912.

    4La vie de Mohammed, Prophète d’Allah, H. Piazza & Cie ; L’Orient vu de l’Occident, Piazza & Geuthner.

    5Édouard Sarrazin, Journal des Débats, 6 août 1919.

    6Revue ProChoix, n° 26-27, automne-hiver 2003.

    7Commission présidée par le professeur Gordon Conway, Islamophobia : Fact Not Fiction, Runnymede Trust, octobre 1997.

    8Cité par Philippe Pons, juillet 1997.

    9NDLR. Surnom de Voltaire, pour qui l’« infâme » était le fanatisme religieux.

    10On notera la prise de position de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) qui a entériné le terme d’islamophobie dans son rapport de 201

  • « Islamophobie », un mot, un mal plus que centenaires

    http://orientxxi.info/magazine/islamophobie-un-mot-un-mal-plus-que-centenaires,1155

    Historiquement, l’affrontement armé a encadré la totalité de l’histoire des rapports entre l’Occident et le monde musulman. Il fut le premier mode de contact, lors de la conquête arabe du sud de l’Europe, puis lors des Croisades, en Orient. Et si l’on s’en tient à la colonisation française à l’ère moderne, toutes les générations de Français depuis 1830 ont perçu des échos d’affrontements avec le monde arabo-musulman au sein de l’empire : prise d’Alger (1830), guerre menée par Abd el-Kader (1832-1847), révolte de Kabylie (1871), lutte contre les Kroumirs et établissement du protectorat sur la Tunisie (1880-1881), conquête du Maroc et établissement du protectorat sur ce pays (1907-1912), révolte en Algérie (1916-1917), guerre du Rif (1924-1926), révolte et répression en Algérie (mai 1945), affrontements avec l’Istiqlal et le sultan au Maroc (1952-1956), avec le Néo-Destour en Tunisie (1952-1954), cycle clos par la guerre d’Algérie (1954-1962). La parenthèse fut ensuite refermée...provisoirement, puisque le concept de « choc des civilisations » est revenu en force depuis le début du XXIe siècle.

    L’islamophobie, historiquement inséparable du racisme anti-arabe, a plusieurs siècles d’existence. N’est-il pas remarquable, par exemple, que certains éléments constitutifs de la culture historique des Français soient intimement liés à des affrontements avec le monde arabo-musulman ? Pourquoi Poitiers, bataille mineure, a-t-elle pris la dimension de prélude — victorieux — au « choc des civilisations » ? Pourquoi Charles Martel, un peu barbare sur les bords, est-il l’un des premiers héros de l’histoire de France, comme « rempart » de la civilisation ? Interrogez les « Français moyens », ceux en tout cas qui ont encore la mémoire des dates : Poitiers (732) arrive encore dans le peloton de tête, avec le couronnement de Charlemagne en 800, la bataille de Marignan en 1515 ou la prise de la Bastille en 1789.

    Pourquoi la bataille de Roncevaux en 778, où pas un seul musulman n’a combattu (les ennemis du preux Roland étaient des guerriers basques) est-elle devenue le symbole de la fourberie des Sarrazins, attaquant en traîtres à dix contre un ? Nul ancien collégien n’a oublié qu’il a fait connaissance avec la littérature française, naguère, par la Chanson de Roland. Et nul ne peut avoir chassé de sa mémoire la personnification du Bien par les chevaliers de lumière venant d’Occident et celle du Mal par les sombres guerriers de la « nation maudite / Qui est plus noire que n’est l’encre ». C’est plusieurs siècles avant les théoriciens et illustrateurs de la pensée coloniale que l’auteur écrit : « Les païens ont tort, les chrétiens ont le droit. » La guerre entre « eux » et « nous » commençait sous les auspices du manichéisme le plus candide. Oui, le racisme anti-arabe, longtemps (toujours ?) inséparable de l’islamophobie, a plusieurs siècles d’existence, remonte au Moyen-âge (croisades), puis à la Renaissance avec, notamment, les matamores, littéralement les tueurs de maures, de la Reconquista espagnole.

    Plus tard, à l’ère coloniale, l’hostilité fut énoncée avec la plus parfaite bonne conscience, sur le ton de l’évidence : « C’est évident : l’islam est une force de mort, non une force de vie »1. Persuadés d’être porteurs des vraies — des seules — valeurs civilisationnelles, les contemporains de la conquête, puis de la colonisation, allèrent de déboires en désillusions : les catholiques et les missionnaires constataient, navrés, que la religion musulmane était un bloc infissurable ; les laïques intransigeants se désolaient, rageurs, de voir que leur conception de la Raison ne pénétrait pas dans ces cerveaux obscurcis par le fanatisme… Dès lors, les notions d’« Arabes » — la majorité des Français appelaient Arabes tous les colonisés du Maghreb — et de musulmans se fondirent en une sorte de magma incompréhensible, impénétrable. Hostilité de race et hostilité de religion se mêlèrent en une seule « phobie ».

    Il revenait à Ernest Renan de synthétiser tout l’esprit d’une époque :

    L’islam est la plus complète négation de l’Europe. L’islam est le dédain de la science, la suppression de la société civile, c’est l’épouvantable simplicité de l’esprit sémitique, rétrécissant le cerveau humain, le fermant à toute idée délicate, à tout sentiment fin, à toute recherche rationnelle, pour le mettre en face d’une éternelle tautologie : “Dieu est Dieu“.

    La réforme intellectuelle et morale, Paris, Michel Lévy Frères, 1871.

    Un mot qui remonte à 1910

    Il faut nommer cet état d’esprit ; le mot « islamophobie » paraît le mieux adapté. Et contrairement à une vulgate répandue, il est plus que centenaire. La première utilisation du mot retrouvée date de 1910. Elle figure sous la plume d’un certain Alain Quellien, aujourd’hui oublié. Il proposait une définition d’une surprenante modernité :

    L’islamophobie : il y a toujours eu, et il y a encore, un préjugé contre l’islam répandu chez les peuples de civilisation occidentale et chrétienne. Pour d’aucuns, le musulman est l’ennemi naturel et irréconciliable du chrétien et de l’Européen, l’islamisme2 est la négation de la civilisation, et la barbarie, la mauvaise foi et la cruauté sont tout ce qu’on peut attendre de mieux des mahométans.

    La politique musulmane dans l’Afrique occidentale française, Paris, Émile Larose.

    Ainsi, dès sa première apparition écrite, le mot « islamophobie » était accompagné de celui de « préjugé » et du concept de « choc des civilisations ». Suivait une liste impressionnante de citations venant de tous les horizons, multipliant les reproches hostiles : l’islam était assimilé à la guerre sainte, à la polygamie, au fatalisme, enfin à l’inévitable fanatisme.

    La même année, Maurice Delafosse, étudiant lui aussi l’islam, cette fois en Afrique subsaharienne, l’emploie à son tour :

    Pris en bloc, et à l’exception de quelques groupements de Mauritanie encore hostiles à la domination européenne, l’état d’esprit des musulmans de l’Afrique occidentale n’est certainement pas opposé à notre civilisation (…). Quoi qu’en disent ceux pour qui l’islamophobie est un principe d’administration indigène, la France n’a rien de plus à craindre des musulmans en Afrique occidentale que des non musulmans (…). L’islamophobie n’a donc pas de raison d’être dans l’Afrique occidentale.

    Revue du Monde musulman, vol. XI, 1910.

    Deux ans plus tard, Delafosse publie son maître ouvrage, dans lequel il reprend mot à mot son article de 1910, en remplaçant seulement les mots « Afrique occidentale » par « Haut-Sénégal-Niger ».

    En 1912, le grand savant Louis Massignon rapporte les propos de Rachid Ridha, un intellectuel égyptien, lors du congrès international des oulémas. Évoquant les attitudes des différentes puissances à l’égard de l’islam, Massignon reprend le mot à son compte : « La politique française pourra devenir moins islamophobe » (sous-entendu : que les autres puissances coloniales). De façon significative, il titre son article « La défensive musulmane »3. On a bien lu : « défensive » et non « offensive ».

    Après guerre, Étienne Dinet, grand peintre orientaliste converti à l’islam et son ami Slimane ben Ibrahim réemploient le mot dans deux ouvrages, en 1918 puis en 19214. Dans le second, ils exécutent avec un certain plaisir un jésuite, le père Henri Lammens, qui avait publié des écrits à prétention scientifique, en fait des attaques en règle contre le Coran et Mohammed. Dinet conclut : « Il nous a semblé nécessaire de dévoiler, non seulement aux musulmans, mais aussi aux chrétiens impartiaux, à quel degré d’aberration l’islamophobie pouvait conduire un savant. »

    Le mot apparaît également dans la presse, justement dans une critique fort louangeuse du premier de ces ouvrages : « Le fanatisme de Mohammed n’est ni dans sa vie ni dans le Coran ; c’est une légende inventée par les islamophobes du Moyen Âge »5.
    Un mensonge historique qui dure

    Le mot (non la chose) va ensuite disparaître du vocabulaire jusqu’aux années 1970-1980. En 2003, deux écrivaines, Caroline Fourest et Fiametta Venner, publient dans leur revue un dossier au titre évocateur, « Islamophobes… ou simplement laïques ? »6. Le titre de l’article introductif utilise le mot « islamophobie » assorti d’un prudent — et significatif — point d’interrogation. Il commence par cette formule : « Le mot “islamophobie“ a une histoire, qu’il vaut mieux connaître avant de l’utiliser à la légère ». Certes. Mais elles se fourvoient et, exposition médiatique aidant, elles ont fourvoyé depuis des dizaines d’essayistes, probablement des milliers de lecteurs. Car elles affirment que les mots « islamophobie » et « islamophobe » ont été en quelque sorte des bombes à retardement déposées par la révolution iranienne, puis repris par des obscurantistes musulmans un peu partout en Occident. Les deux essayistes affirment en effet :

    Il [le mot « islamophobie »] a été utilisé en 1979 par les mollahs iraniens qui souhaitaient faire passer les femmes qui refusaient de porter le voile pour de “mauvaises musulmanes“ en les accusant d’être “islamophobes“. Il a été réactivité au lendemain de l’affaire Rushdie, par des associations islamistes londoniennes comme Al Muhajiroun ou la Islamic Human Rights Commission dont les statuts prévoient de “recueillir les informations sur les abus des droits de Dieu“. De fait, la lutte contre l’islamophobie rentre bien dans cette catégorie puisqu’elle englobe toutes les atteintes à la morale intégriste (homosexualité, adultère, blasphème, etc.). Les premières victimes de l’islamophobie sont à leurs yeux les Talibans, tandis que les “islamophobes“ les plus souvent cités par ces groupes s’appellent Salman Rushdie ou Taslima Nasreen !

    Cette version, qui ignore totalement l’antériorité coloniale du mot, sera reprise sans distance critique en 2010 par l’équipe du Dictionnaire historique de la langue française : « Islamophobie et islamophobe, apparus dans les années 1980… », donnant ainsi à cette datation – une « simple erreur » d’un siècle — un couronnement scientifique.

    Cette « erreur » reste très largement majoritaire, malgré les mille et un démentis. Caroline Fourest a ensuite proposé en 2004 dans son essai Frère Tariq, une filiation directe entre le khomeinisme et le penseur musulman Tariq Ramadan, qui le premier aurait tenté selon elle d’importer ce concept en Europe dans un article du Monde Diplomatique de 1998. En fait, si le mot y figure effectivement, entre guillemets, ce n’est que sous forme de reprise : « On peut parler d’une sorte d’ “islamophobie“, selon le titre de la précieuse étude commandée en Grande-Bretagne par le Runnymede Trust en 1997 »7. Il paraît difficile de faire de ce membre de phrase une tentative subreptice d’introduire un concept dans le débat français. D’autant… qu’il y figurait déjà. Un an plus tôt, dans le même mensuel, le mot était déjà prononcé par Soheib Ben Cheikh, mufti de la mosquée de Marseille : « La trentaine ardente et cultivée, il entend “adapter un islam authentique au monde moderne“, combattre l’ “islamophobie“ et, simultanément, le sentiment de rejet, de frustration et d’“enfermement“ dont souffrent les musulmans de Marseille »8.
    Le « sanglot » de l’homme blanc

    Pour les deux écrivaines déjà citées, c’est le mot même qui est pourtant à proscrire, car il est porteur de « terrorisme intellectuel », il serait une arme des intégristes dans leur lutte contre la laïcité, interdisant de fait toute critique de l’islam.

    L’essayiste Pascal Bruckner, naguère auteur du Sanglot de l’homme blanc, sous-titré Tiers-Monde, culpabilité, haine de soi (1983), pourfendeur plus récemment de la Tyrannie de la pénitence (2006), ne pouvait que partager les convictions de ses jeunes collègues :

    Forgé par les intégristes iraniens à la fin des années 70 pour contrer les féministes américaines, le terme d’“islamophobie“, calqué sur celui de xénophobie, a pour but de faire de l’islam un objet intouchable sous peine d’être accusé de racisme (…). Nous assistons à la fabrication d’un nouveau délit d’opinion, analogue à ce qui se faisait jadis dans l’Union soviétique contre les ennemis du peuple. Il est des mots qui contribuent à infecter la langue, à obscurcir le sens. “Islamophobie“ fait partie de ces termes à bannir d’urgence du vocabulaire ».

    Libération, 23 novembre 2010.

    Pour sa part, Claude Imbert, le fondateur et éditorialiste historique du Point, un hebdomadaire en pointe en ce domaine, utilisa — et même revendiqua — le mot dans une déclaration sur la chaîne de télévision LCI le 24 octobre 2003 :

    Il faut être honnête. Moi, je suis un peu islamophobe. Cela ne me gêne pas de le dire (…). J’ai le droit, je ne suis pas le seul dans ce pays à penser que l’islam — je dis bien l’islam, je ne parle même pas des islamistes — en tant que religion apporte une débilité d’archaïsmes divers, apporte une manière de considérer la femme, de déclasser régulièrement la femme et en plus un souci de supplanter la loi des États par la loi du Coran, qui en effet me rend islamophobe.

    Cette déclaration suscita diverses critiques, qui amenèrent le journaliste à répliquer, la semaine suivante, lors de la même émission : « L’islam, depuis le XIIIe siècle, s’est calcifié et a jeté sur l’ensemble des peuples une sorte de camisole, une sorte de carcan ». Il se disait « agacé » par l’accusation de racisme dont il était l’objet : « L’islamophobie (…) s’adresse à une religion, l’islam, non pas à une ethnie, une nation, un peuple, pas non plus à des individus constituant le peuple des musulmans… ».

    Est-il bien utile de poursuivre la liste de ces nouveaux combattants, de ces modernes « écraseurs de l’infâme »9 ? Chaque jour, parfois chaque heure, ils ont l’occasion de répéter leurs vérités, dans des hebdomadaires à couvertures en papier glacé, à la télévision, dans des cénacles, sans craindre des contradicteurs ultra-minoritaires… ou absents.

    Si l’utilisation du concept par certains musulmans fondamentalistes, à la moindre occasion, peut et doit irriter, il paraît cependant difficile de contester que des islamophobes existent et qu’ils agissent. Tout acte hostile, tout geste brutal, toute parole insultante contre un(e) musulman(e) parce qu’il (elle) est musulman(e), contre une mosquée ou une salle de prière, ne peut être qualifié que d’acte islamophobe. Et, puisqu’il y a des islamophobes, qu’ils constituent désormais un courant qui s’exprime au sein de la société française, comment qualifier celui-ci autrement que d’islamophobe ?

    Les musulmans de France n’ont nullement besoin d’avocats. Dans leur grande majorité hostiles à la montée — réelle — de l’intégrisme, ils placent leur combat sur le terrain de la défense d’un islam vrai, moderne, tolérant, tout en restant fidèle à la source.
    Réfuter la logique d’affrontement

    Parallèlement, une forte réaction s’est dessinée, par des auteurs ne se situant pas du tout dans une vision religieuse, pour réfuter et dénoncer la logique d’affrontement. Alors que l’usage même du mot apparaissait à beaucoup comme une concession aux terroristes (au moins de la pensée), Alain Gresh titra justement : « Islamophobie » un article novateur du Monde Diplomatique (novembre 2001). En 2004, le sociologue Vincent Geisser publiait aux éditions La Découverte la première étude synthétique sur la question, La nouvelle islamophobie. L’année suivante, un autre chercheur, Thomas Deltombe, décortiquait chez le même éditeur L’islam imaginaire. La construction médiatique de l’islamophobie en France, 1975-2005.

    Les essais plus récents d’Edwy Plenel, Pour les musulmans (La Découverte, 2013) et de Claude Askolovitch, Nos mal-aimés, ces musulmans dont la France ne veut pas( Grasset, 2013) ont entamé une contre-offensive. Ce dernier affirme, dans son chapitre de conclusion :

    Ce que la France a construit depuis vingt-cinq ans à gauche comme à droite, à force de scandales, de lois et de dénis, de mensonges nostalgiques, c’est l’idée de l’altérité musulmane, irréductible à la raison et irréductible à la République ; la proclamation d’une identité en danger, nationale ou républicaine, et tout sera licite — légalement — pour la préserver...

    Chez les catholiques progressistes, même réponse :

    Schizophrénie. Tandis que les révolutions arabes témoignent d’une soif de démocratie de la part des musulmans, la peur de l’islam empoisonne l’atmosphère en France et, à l’approche des élections, l’épouvantail est agité plus que jamais. Sarkozy n’a-t-il pas voulu un débat sur la place de l’islam dans la République ? Il reprend ainsi un des thèmes favoris du Front national.

    Revue Golias, n° 137, mars 2011.

    Autre écho contemporain, sous la plume de Jean Baubérot, spécialiste de la sociologie des religions et de la laïcité :

    De divers côtés, on assiste à la multiplication d’indignations primaires, de propos stéréotypés qui veulent prendre valeur d’évidence en étant mille fois répétés par le moyen de la communication de masse. L’évolution globale est inquiétante, et cela est dû à la fois à la montée d’extrémismes se réclamant de traditions religieuses (au pluriel) et d’un extrême centre qui veut s’imposer socialement comme la (non) pensée unique et rejette tout ce qui ne lui ressemble pas (…). L’Occident est le “monde libre“ paré de toutes les vertus face à un islam monolithique et diabolisé.

    Le Monde, 6 octobre 2006.

    Suit dans le même article un parallèle entre l’antisémitisme du temps de l’affaire Dreyfus et la montée de l’islamophobie au début du XXIe siècle : « De tels stéréotypes sont permanents : seuls changent les minorités qu’ils transforment en boucs émissaires. La lutte contre l’intolérance ne dispense pas de la lutte contre la bêtise haineuse ». En ces temps où les grands qui nous dirigent n’ont que le mot « guerre » à la bouche ou sous la plume, il est des phrases réconfortantes10.
    Alain Ruscio

    1Arnold Van Gennep, La mentalité indigène en Algérie, Mercure de France, septembre-décembre 1913.

    2À l’époque synonyme d’islam.

    3Revue du Monde musulman, vol. XIX, juin 1912.

    4La vie de Mohammed, Prophète d’Allah, H. Piazza & Cie ; L’Orient vu de l’Occident, Piazza & Geuthner.

    5Édouard Sarrazin, Journal des Débats, 6 août 1919.

    6Revue ProChoix, n° 26-27, automne-hiver 2003.

    7Commission présidée par le professeur Gordon Conway, Islamophobia : Fact Not Fiction, Runnymede Trust, octobre 1997.

    8Cité par Philippe Pons, juillet 1997.

    9NDLR. Surnom de Voltaire, pour qui l’« infâme » était le fanatisme religieux.

    10On notera la prise de position de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) qui a entériné le terme d’islamophobie dans son rapport de 201

  • Jean Baubérot : « Dans la laïcité historique, il y a toujours eu une prise en compte des croyances » (Les Inrocks)
    http://www.lesinrocks.com/2015/08/17/actualite/jean-bauberot-dans-la-laicite-historique-il-y-a-toujours-eu-une-prise-en

    Quand Jules Ferry a créé l’école laïque, il a annoncé qu’il n’y aurait pas école le jeudi pour faciliter la tenue du catéchisme. Autrement dit, l’école laïque est neutre face à toutes les religions et les convictions, c’est-à-dire qu’elle n’enseigne pas une religion de manière doctrinale, mais elle respecte, autant que faire se peut, la liberté religieuse et convictionnelle des élèves.
    […]
    La neutralité de Jules Ferry est une neutralité accommodante, bienveillante envers la liberté de croire ou de ne pas croire. Ce n’est pas une neutralité de combat, visant les minorités, comme celle qu’invoque le maire de Chalon.
    […]
    C’est une position idéologique, donc on doit la combattre politiquement, comme une mesure anti-républicaine qui va contre le troisième terme de la devise de notre pays, la fraternité.
    […]
    Mais on ne sort pas des années Sarkozy et d’un brouillage idéologique comme ça, et il y a toujours des gens qui se servent du terme de laïcité pour cacher leur islamophobie.

    #éducation #école #laïcité #cantine

  • Quand des féministes soutiennent des lois racistes - Les mots sont importants (lmsi.net)
    http://lmsi.net/Quand-des-feministes-soutiennent

    La loi de 2004 interdisant le port du foulard dans les écoles publiques se base sur la croyance que les signes religieux sont contraires à la laïcité, c’est-à-dire au sécularisme politique. Celui-ci repose sur une loi – la loi de 1905. Cette loi abroge la loi précédente (datant de Napoléon) qui établissait des liens forts entre l’Eglise (surtout catholique) et l’Etat, qui rémunérait les prêtres, les pasteurs et les rabbins. La loi de 1905 mit en place une nouvelle règle, qui est de fait celle de tous les Etats modernes : pas de religion d’Etat, toutes les opinions et croyances – religieuses ou non – étant mises sur un pied d’égalité. Pas d’interférence du clergé dans les affaires de l’Etat, ni de l’Etat dans les affaires religieuses. La liberté de conscience implique la liberté d’expression, et cette liberté signifie que les opinions – sur n’importe quel sujet – peuvent être exprimées en public comme en privé.

    Aujourd’hui pourtant, cette loi est utilisée contre les Musulmans, car elle a subi une réinterprétation radicale de la part des politiciens, des journalistes et des lobbies ; elle a été, comme le dit Jean Baubérot, falsifiée. Elle est présentée comme disant le contraire exact de ce que la loi française et les Conventions internationales disent. Le président actuel, dans son dernier discours de campagne en 2012, a utilisé les mots des polémistes anti-musulmans : « la religion, a-t-il dit, est du ressort du privé, et même de l’intime ». Mais ni la loi française, ni les Conventions internationales ne font de distinction entre les opinions religieuses et les autres opinions : toutes ont le droit à l’expression publique. Or aujourd’hui, la réinterprétation de la loi de 1905 implique qu’on ne pourrait avoir d’expression religieuse que dans le secret de sa salle de bains.

    • Le problème n’est pas le signe religieux mais l’oppression des femmes, qui doivent se cacher, selon les hommes.
      Que les hommes se cachent, eux, et cela ne posera pas de problème à la société, ni religieux ni autre.
      Ce sont les hommes, oppresseurs, qui soutiennent des actes anti femmes, et pas le contraire.
      Retourner la situation contre les féministes fait partie d’une stratégie complète : les féministes sont leur premier ennemi, celles qui défendent le droit des femmes à exister comme bon leur semble, sans diktat des hommes (cachés derrière une religion, des livres, et autres interprétations toujours contre les femmes, car ils ont besoin de se cacher derrière des entités « plus grandes qu’eux » pour justifier de leur ségrégationnisme anti-femmes) sont leurs premier-ères ennemi-es.
      Non à la religion, ou tout autre groupe, qui relègue les femmes.
      Restez cachés chez vous, ou derrière des bouts de tissus, messieurs, si cela vous gêne de voir les cheveux d’une femme car ça vous excite et vous n’êtes pas capables de vous contrôler !

    • Restez cachés chez vous, ou derrière des bouts de tissus, messieurs, si cela vous gêne de voir les cheveux d’une femme car ça vous excite et vous n’êtes pas capables de vous contrôler !

      @perline : oui, bien dit !

      Et cette approche me fait réfléchir.. Qui suis-je pour imposer/interdire aux autres un accoutrement, une tenue, en fonction de ce que j’ai envie de voir ou ne pas voir ? Ai-je le droit d’interdire à l’autre de « m’infliger » la vue de ses cheveux, de ses seins ou de sa burka ?
      Le débat entre le droit à exister avec sa propre apparence et le droit à être préservé d’une violence symbolique subjective n’est pas évident.. Je penche pourtant pour le premier, si on penche pour le second on a à mon sens un important travail à accomplir sur soi même pour vivre en société...

      (ce qui ne signifie pas que je sois laxiste avec la burka : mais ce n’est qu’un symptôme d’une domination à combattre ailleurs.. interdire le symptôme ne nous guérira pas...)

    • @perline ca m’a pris du temps pour comprendre que ces féministes blanches ne sont pas toutes les féministes blanches. On peut être féministe et raciste et homophobe et féministe et aussi féministe et libéral ou tout ca a la fois.
      Par rapport à la question du voile j’ai trouvé que le discours de Casey dans l’interview qu’elle donne avec Virginie Despentes tres interessant. Elle dit que les femmes des cités ont bien vu que malgrés leurs bons résultats a l’école et tous leurs efforts, sont toujours au chômage et indésirables en France. Le port du voile est une manière d’envoyer chier les francais avec leur devise d’hypocrites.
      L’interview est ici http://www.surlmag.fr/casey-et-virginie-despentes-interview-part-1-2015

    • @mad_meg Ce n’est pas parce que des gens pas recommandables disent des choses vraies qu’il faut, pour ne pas leur être assimilés, dire le contraire, donc du faux.
      Tout le monde sait qu’il existe des maillots très couvrants, au coin de la rue, dans toutes les boutiques.
      Si on choisit une tenue religieuse (créée comme telle, nommée comme telle officiellement par sa créatrice) cette tenue est, comme de très nombreuses autres tenues publiques, un affichage, et, dans ce cas précis, une provocation, de la propagande, du prosélytisme, ainsi que de l’affichage du désir d’intégrer du restrictif (pour les femmes tiens tiens) dans les sociétés plus ouvertes.
      Ne pas aller vers un choix personnel d’ouverture, mais un choix collectif de restriction.
      Le nier c’est arriver à ce que font les gauchistes, l’UJFP et autres incapables de réfléchir universel, l’œil rivé sur le petit bout de la lorgnette.
      Et certains ici qui passent leur temps à faire de la propagande antisémite - sous couvert de antiisraélienne - sans que ça ne choque personne.
      A partir de la guerre d’Algérie, et de tout ce qui s’en est suivi, là-bas et ailleurs, on a décrété que, de manière générale, et définitivement, un groupe de gens est toujours et en général ostracisé et a toujours raison , et quiconque critique est (choisissez le mot que vous avez l’habitude d’utiliser).
      Ça me fait penser aux cocos défenseurs de l’URSS sans aucun regard critique, sans universalité de la vie humaine et de la vie tout court, qui défendait aussi les horreurs de l’URSS, en défendant l’URSS,car ils pensaient qu’en n’étant pas d’accord avec l’intégralité des actions de l’URSS, ils reniaient tout ce qu’ils y trouvaient de bien.
      Pour moi, mes valeurs n’ont pas de groupe constitué, elles sont des valeurs, que j’essaie de défendre. Pour tous et n’importe qui.
      Tout en détectant ceux qui utilisent ces valeurs ponctuellement, pour désigner à la vindicte un groupe, mais qui n’ont rien à faire de ces valeurs.
      La lâcheté et la flemmardise générales (je ne parle même pas des journalistes pis encore des décrétés philosophes) a réduit cette possibilité, cette manière de vivre et de penser, et d’argumenter sur des bases de valeurs, à rien.
      Qui a critiqué les hommes à couvre-chef (les trois religions monothéistes ont une référence à un couvre chef masculin - et un autre féminin -) ? Personne.
      Qui a critiqué les Musulmans (an pas anes) à se pavaner sur les plages habillés pour tout couvrir et coiffés entièrement ? Personne, car justement les hommes ont tous les droits, pas les femmes.
      J’ai rien vu discuter de tel nulle part.

    • @perline

      J’adore quand on me force à me libérer. Ça me soulage de l’insoutenable poids de mon autonomie. Et ça, vraiment, quand on s’empare de mon autonomie, j’adore. J’en redemande. J’aime quand un homme m’explique quel angle j’aurais dû prendre pour mon texte sur le féminisme, si j’avais vraiment voulu aller au fond des choses. J’ai presque envie de lui demander de l’écrire à ma place.

      De la même façon, je suis sûre que tout musulman doit crever d’envie qu’un Occidental comme le maire de Cannes ou bien Jean-François Lisée vienne le libérer. En tout cas moi, si j’étais par exemple Algérienne, je trépignerais d’impatience qu’un bon Français, dont les ancêtres ont décimé le tiers de mon peuple, vienne me civiliser jusqu’au bout des ongles en m’expliquant comment m’habiller convenablement pour ne pas le heurter.

      https://ricochet.media/fr/1327/burkini-qui-libere-qui-et-de-quel-droit

  • Les 7 #laïcités françaises de Jean #Baubérot
    http://www.wukali.com/Les-7-laicites-francaises-de-Jean-Bauberot-2084

    Pour l’auteur ces 7 conceptions de la laïcité s’articulent de façon variable autour de 4 concepts fondamentaux, tous aussi importants les uns que les autres : la liberté de conscience et de religion, l’égalité des droits, la séparation du politique et du religieux, la neutralité du l’État. La laïcité est plus qu’un compromis entre ces concepts c’est un équilibre pour que l’un ne « domine », n’exclut pas un ou des autres. Ce qui est fondamental c’est l’égalité des droits (et des devoirs) entre croyants et incroyants mais aussi entre les croyants de chaque religion.

  • Politique, revue de débats - Jean Baubérot, la laïcité au pluriel
    http://politique.eu.org/spip.php?article2731

    Baubérot prend le discours « laïque-républicain » à rebours : le besoin de réassurance, d’un monde plus lisible, plus prévisible, et donc plus conservateur, n’est pas seulement l’apanage d’une partie des musulmans de France. Il est aussi, et même sans doute, d’abord, au cœur de l’anti-islamisme laïque. Dans un rapport d’enquête de L’international Crisis Group, organisation euro-américaine de repérage des menaces stratégiques [4], fort peu suspecte de sympathie « islamophile », cette inversion ironique est explicitement notée : « Les musulmans de France s’avèrent finalement bien plus individualistes que prévu. À l’inverse, il y a bien un communautarisme républicain qui s’inscrit dans la tradition française de ghettoïsation sociale et d’instrumentalisation clientéliste des élites religieuses » (L’intégrisme républicain…, p. 86).

    #laicité #france #recension #Jean_Baubérot #Islam #narrative

  • Aux origines des controverses sur la laïcité, par @AlainGresh
    http://www.monde-diplomatique.fr/2003/08/GRESH/10342

    Un siècle plus tard, la #laïcité est devenue un bien commun des croyants et des non-croyants. Bien que l’on en parle souvent à tort et à travers. Quand le ministre de l’intérieur français, M. Nicolas Sarkozy, affirme que les femmes doivent paraître sur les photos d’identité tête nue, il pose un problème d’ordre public, pas de laïcité… Quand on évoque la mixité à l’école, il s’agit d’égalité entre garçons et filles, pas de laïcité — l’école laïque s’est accommodée, jusqu’à la fin des années 1960, de la séparation des sexes, et la République laïque, pendant des décennies, du refus du vote des femmes…

    La laïcité est-elle aujourd’hui menacée en France ? Faut-il se mobiliser comme en 1905 ? L’emprise des Eglises s’est affaiblie et aucune d’elles n’approche, de près ou de loin, la puissance envahissante de l’Eglise catholique au début du siècle dernier. En revanche, réfléchissant sur la formule « le cléricalisme, voilà l’ennemi », Jean Baubérot s’interroge : celle-ci « est restée une bannière pour la laïcité militante. Mais qui sont aujourd’hui les nouveaux clercs ? Quels sont ceux qui constituent une menace concrète pour la liberté de penser ? » Sont-ce prioritairement les religions organisées, ou plutôt les « cléricatures » de l’argent ou celles des #médias ?

    Au début du XXe siècle, la République devait ouvrir de colossaux chantiers, de l’instauration de l’impôt sur le revenu aux retraites ouvrières ; Jaurès avait compris que, pour surmonter ces défis, il fallait apaiser les querelles religieuses. Un siècle plus tard, la France est confrontée à d’immenses angoisses nées d’un néolibéralisme qui sape les fondements du pacte républicain. Sont-ce quelques dizaines de filles portant un foulard dans les établissements scolaires qui menacent ce pacte ? Ou les inégalités, les discriminations, les ghettos, le chômage, toutes ces friches exclues des « réformes » ? Face à ces diversions, il est bon de rappeler que Jaurès avait raison : la République française doit être laïque et sociale. Elle restera laïque parce qu’elle aura su rester sociale…

    • De 1905 à l’après-Charlie, la laïcité dans tous ses états
      http://www.telerama.fr/idees/de-1905-a-l-apres-charlie-la-laicite-dans-tous-ses-etats,122532.php

      La confusion ambiante vient du fait que deux laïcités se sont superposées dans notre pays [comme l’explique Jean Baubérot] : « La première fonctionne de façon immergée, silencieuse : il s’agit de toute la jurisprudence issue de la loi de 1905, qui permet à chacun d’exercer sa religion dans le calme et la sérénité. La deuxième, émergée, bruyante, fait débat : il s’agit d’une nouvelle laïcité, très différente de celle de 1905. Alors que la loi de séparation assurait la neutralité de la seule puissance publique, celle-ci cherche à étendre la neutralité à la société tout entière. » Petit à petit, ce n’est plus à l’Etat mais aux individus eux-mêmes que l’on demande d’être neutres, comme en témoignent la loi de 2004, qui interdit le port des signes d’appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées, la loi de 2010, interdisant la burqa dans l’espace public, ou l’affaire Baby Loup, qui a vu une employée portant le voile dans une crèche privée être condamnée et licenciée.

      Pour Vincent Valentin, et nombre de juristes, ce qui pose surtout problème, c’est le dévoiement du droit : les dérives liberticides inhérentes à cette nouvelle laïcité, et la confusion qu’elle instaure entre le public et le privé. « En étendant le principe de neutralité de l’autorité publique aux usagers eux-mêmes, on est passé d’une laïcité juridique à une laïcité culturelle, qui voudrait que le public se privatise et que le privé se publicise. L’Etat s’immisce dans des choix religieux qui devraient rester privés et les individus privés sont sommés de devenir laïques, athées. » Le juriste voit là un dangereux brouillage : désormais, ce n’est plus l’Etat qu’il faudrait séparer de la religion, mais la société elle-même, l’individu devant désormais être neutre « à l’école, autour de l’école, dans le travail, voire... dans l’espace public en général ». De façon insidieuse, la religion est en fait redevenue une affaire publique... Au risque de violer les libertés individuelles : « Tandis que la laïcité républicaine "originelle" (la laïcité de 1905) est étroitement associée aux idées de liberté et d’égalité, la nouvelle laïcité les remet en cause. »

  • Le FN, les « idiots », la laïcité et 2017
    http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-bauberot/270514/le-fn-les-idiots-la-laicite-et-2017

    Le FN monte, monte, depuis l’hiver 2010 capture la laïcité, s’en prétend le champion (Marine Le Pen, il y a deux mois, a affirmé que les municipalités FN allaient « rétablir la laïcité » là où elles se trouvent désormais au pouvoir), mais l’adversaire à combattre sans répit continue d’être ceux que l’on accuse d’adopter une laïcité un tantinet accommodante. Ce sont des « idiots utiles » et tout est dit ! Source : Jean Baubérot

  • « La France n’est pas laïque par essence » - côté quartiers - le blog d’Ixchel Delaporte
    http://quartierspop.over-blog.fr/2014/02/«la-france-n-est-pas-laïque-par-essence».html

    Entretien avec Jean #Baubérot :

    La #laïcité, c’est la liberté imposée aux religions et non la répression des religions. La neutralité et la séparation sont des moyens. Le but, c’est la liberté de conscience. La finalité de la laïcité vise la non-discrimination pour raison de religion mais cela concerne aussi les homosexuels qui veulent se marier et les citoyens qui veulent mourir dans la dignité.

  • 1- La laïcité en débat
    http://www.loldf.org/spip.php?article390

    Mercredi 2 octobre, nous avons diffusé la première partie d’une rencontre-débat autour de la laïcité, avec les sociologues Jean Baubérot et Nacira Guénif-Souilamas et animée par Salah Amokrane (Tactikollectif). Cette rencontre a été enregistrée à Toulouse en novembre 2011, dans le cadre du Festival (...) Source : Fréquence Paris Plurielle

  • 2- La laïcité en débat
    http://www.loldf.org/spip.php?article391

    Mercredi 9 octobre, nous avons diffusé la deuxième partie d’une rencontre-débat autour de la laïcité, avec les sociologues Jean Baubérot et Nacira Guénif-Souilamas et animée par Salah Amokrane (Tactikollectif). Cette rencontre a été enregistrée à Toulouse en novembre 2011, dans le cadre du Festival (...) Source : Fréquence Paris Plurielle

  • Jean Baubérot : voile en sortie scolaire : « La gauche doit être courageuse ! »
    http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20131223.OBS0580/voile-et-sorties-scolaires-la-gauche-doit-etre-courageuse.html

    Souhaite-t-on vraiment désocialiser les musulmanes en multipliant les restrictions à leur encontre ? Si, au prétexte qu’elles portent un voile, on continue à exclure ces femmes des sorties scolaires et du marché du travail, elles ne pourront plus travailler que dans des associations ou établissements scolaires musulmans. (...) Source : Le Nouvel Observateur

  • « Certains enseignants ont des idées fausses sur la laïcité » (Jean Baubérot, LePoint.fr)
    http://www.lepoint.fr/societe/jean-bauberot-certains-enseignants-ont-des-idees-fausses-sur-la-laicite-09-0

    Par ailleurs, il me semble que les professeurs eux-mêmes ne sont pas toujours très au clair sur le sujet. Je me suis rendu compte, lors d’interventions dans les établissements, que nombreux étaient ceux qui avaient sur la laïcité des idées fausses ou qui manquaient de connaissances. On va, par exemple, répéter indéfiniment que l’école est laïque, gratuite et obligatoire... sans préciser que c’est l’instruction seule qui est obligatoire ni évoquer l’enseignement privé catholique subventionné par l’État ou les cours de religion dans les écoles d’Alsace et de Moselle.
    […]
    Il faut commencer par faire des manuels sérieux, qui ne comportent pas d’erreurs, et, en effet, former les professeurs afin qu’ils puissent, dans un second temps, parler avec les élèves et conduire des débats. Il y a quelques années, deux enseignants de philosophie m’ont dit que, lorsqu’ils avaient parlé de Darwin en classe, des élèves s’étaient insurgés et avaient sorti le Coran. Or, en leur parlant, je me suis aperçu non seulement que leur savoir sur la théorie de l’évolution était complètement dépassé, ce que je peux comprendre, mais que la nature de leurs propos était complètement dogmatique. Eux-mêmes ne faisaient pas la distinction entre dogmatisme et savoir.

    #éducation #enseignants #laïcité #morale_laïque

  • Jean Baubérot: «Mon corps m’appartient»
    http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-bauberot/210613/mon-corps-m-appartient

    Le second point, c’est que la laïcité française n’est pas, dans ce domaine, du bon côté de la barrière, comme certains voudraient nous le faire croire. Au contraire : la sociabilité laïque a été longtemps une sociabilité essentiellement masculine, et il en reste d’ailleurs pas mal de traces. UN seul exemple : il m’est arrivé de participer à des tables rondes où de superlaïques défendaient l’égalité des sexes et la mixité de façon très militantes. Le seul petit détail qui clochait est que tous les orateurs et le président de séances étaient des hommes. Par contre, les personnes qui préparaient le verre de l’amitié qui suivrait les débats, elles étaient des femmes… Et les orateurs superféministes ne voyaient même pas la contradiction.

    La laïcisation s’est effectuée en lien avec des idéaux scientistes où, « la femme » était morale et religieuse et « l’homme » rationnel, philosophe. En fait, il s’agissait de stratégies familiales où l’on voulait avoir à la fois de la proximité et de la distance à l’égard de la religion pour pouvoir profiter de la cérémonialisation religieuse des grands moments de la vie sans être (trop) soumis aux curés. Le rôle de la femme consistait à gérer la proximité, celui de l’homme la distance, mais la représentation des choses essentialisait le rôle de chaque sexe.

    Même Jules Ferry, pourtant moins sexiste que beaucoup d’autres laïques de son époque, s’est écrié : « Il faut que la femme appartienne à la Science et non plus à l’Eglise ». A la Commission Stasi, un membre a repris le propos : « Il faut que la femme appartienne à la laïcité et non à l’intégrisme ! ». Je lui ai répliqué : et si « la femme » pouvait s’appartenir à elle-même ?

    #laïcité

  • Chasse aux foulards ou combat contre les discriminations ? | Jean Baubérot (Laïcité et regard critique sur la société)
    http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-bauberot/061211/chasse-aux-foulards-ou-combat-contre-les-discriminations

    Le foulard est de nouveau à l’ordre du jour. Après le jugement d’octobre dernier, validant la décision de la direction de la crèche Babyloup contre une de ses puéricultrices, qui portait un voile, deux autres affaires mettent le hidjab sur le devant de la scène. Source : Laïcité et regard critique sur la société