person:jean guignebert

  • "« La libération des ondes » ou la radio soumise aux pouvoirs"
    http://syntone.fr/la-liberation-des-ondes-ou-la-radio-soumise-aux-pouvoirs

    « La libération des ondes » est le titre d’un documentaire télévisuel qui retrace l’histoire de la relation entre le pouvoir et la radio en France.

    Egalement repéré par la @sparf
    http://seenthis.net/messages/376593

    #vidéo #Aurélie_Luneau #Cécile_Méadel #histoire #Jean_Guignebert #Jean-Noël_Jeanneney #Karine_Le_Bail #Pierre_Crénesse #Pierre_Schaeffer #radios_libres #Stéphane_Manier #Vanessa_Doussot #radio #ORTF

  • Libération des ondes, par les ondes

    Il y a 70 ans, ça canardait dans les rues de Paris, écrit @thbaumg qui reproduit sur un autre réseau un témoignage de 1944 jamais publié, d’un homme de #radio disparu en 2013, Pierre Arnaud, alias « PIerre-Arnaud de Chassy-Poulay » qui travaillait alors avec Pierre Schaeffer et les équipes du Studio d’Essai. Il raconte comment ils ont préparé la libération des ondes et accompagné par la radio les combats de la #Libération de Paris :

    Début 1944, je fus officiellement embrigadé avec les autres dans l’activité clandestine de notre équipe qui allait assurer la libération de la Radio (c’est ce qu’écrit le certificat que m’a envoyé Résistance-PTT notant la date de début mars 1944, trois mois avant le débarquement).

    Jean-Louis, un ingénieur du son responsable technique du Studio d’Essai, m’avait convoqué un jour pour me dire : « Tu sais que nous préparons la Libération et que tous nous travaillons depuis déjà assez longtemps pour la #Résistance. Si personne ne te l’a dit officiellement, je suis chargé aujourd’hui de te l’apprendre ! Bien sûr je ne te parlerais pas de tout cela s’il n’était pas indispensable que tu acceptes le petit risque que je vais te proposer de prendre. Nous devons installer ici un émetteur qui diffusera les premières émissions de la Radio au moment de la Libération. Il ne peut pas être question de l’installer dans l’hôtel particulier, ce serait trop dangereux. Alors on va te demander de louer une seconde chambre de bonne près de la tienne au fond du couloir. On s’est arrangé pour en obtenir l’usage. On y installera l’émetteur ce qui permettra de mettre l’antenne sur le toit, cachée par les cheminées. Comme il faut l’alimenter en courant, je me suis mis en rapport avec l’équipe clandestine de notre compagnie d’électricité. Le fil montera le long de l’immeuble jusqu’à tes deux chambres, paraissant alimenter la tienne. En effet, en te fournissant le courant, sous prétexte que tu es employé ici, cela servira d’alibi et personne n’imaginera que le câble va plus loin. En échange, tu vas bénéficier de la fourniture gratuite de courant qui te permettra de te chauffer et de faire ta cuisine et tu ne connaîtras par les coupures de courant car tu seras branché sur le réseau prioritaire des hôpitaux... et des services allemands ! D’accord ? »

    Vous comprenez maintenant le double sens pour moi du mot « résistance », qui s’applique aussi au seul accessoire que je me suis empressé d’acheter : un réchaud avec un seul rond — c’était suffisant pour faire cuire les nouilles, quand il y en avait !

    L’émetteur fut installé avec peine, en raison de son poids et des difficultés de l’escalier en colimaçon. Il sera déménagé dans les derniers jours avant la Libération pour rejoindre le 107 rue de Grenelle. Un de nos techniciens, André Papiau, ayant été capturé par les Allemands, on ne pouvait pas prendre le risque d’aveux extorqués par la force, qui auraient pu compromettre toute notre équipe et les projets accompagnant la Libération attendue.

    Je passe rapidement sur le déménagement par nos soins de l’émetteur clandestin, sur la charrette du bougnat auvergnat voisin, afin d’éviter qu’il soit repris par les Allemands, à qui un autre groupe d’action l’avait subtilisé. Après que nous l’eûmes descendu à grands efforts dans l’escalier, pas plus accueillant à la descente qu’à la montée, je l’ai à moitié dissimulé par mon imperméable, jeté dessus. C’était dans les jours précédant la Libération.

    L’émetteur, lourd comme un bœuf charolais, faisait plier les roues de la charrette. Lors de la traversée du Boulevard St Germain désert, le canon d’un char allemand tirait, on ne sait trop pourquoi, ni sur qui, depuis le Palais Bourbon dans l’enfilade du boulevard. Notre charroi était très lourd et nous ne pouvions pas accélérer. Après quelques minutes de palabres, nous nous sommes aperçu que le canon tirait régulièrement et qu’entre deux tirs, en quittant la rue de Villersexel, nous avions juste le temps de passer vers la rue de Grenelle. Le prochain tir nous fit partir comme au stade et le coup suivant ne fut tiré qu’après que nous ayons fait notre meilleur temps dans notre rythme, plus proche de l’escargot que celui de la gazelle. Nous avons démarré les émissions sur cet émetteur, cinq jours avant la Libération, ayant misé sur le fait que certains services annexes allemands commençaient à déménager et que les appareils de repérage goniométriques devaient avoir quitté Paris.

    La #révolte était commencée, sporadiquement, dans les rues, et m’étant installé au standard de notre studio, j’appelais au téléphone tous mes amis dans chaque quartier de Paris. Chaque fois que l’un d’eux me signalait une barricade, une contre-attaque de quelques militaires allemands ou quelque autre incident, j’appuyais sur un bouton qui branchait directement sur l’antenne le micro placé devant moi, et je transmettais le récit de mon correspondant.

    Nous avons diffusé l’appel aux armes et fait sonner les cloches dans la nuit qui a précédé l’arrivée du char de Leclerc devant l’Hôtel de Ville. Par téléphone, le journaliste Pierre Crénesse, qui avait rejoint notre équipe depuis quelques semaines et le comédien Pierre Asso ont raconté en direct sur l’antenne depuis le bistrot voisin les événements glorieux de ces jours.

    Le 25 août 1944, nous étions libres enfin, comme déjà une bonne partie de la France, mais pour ce qui nous concerne nous conservions de nombreuses occupations - au pluriel cette fois-ci !

    Dès le 26 ou 27 août, nous avons pris possession de l’appartement du Comte de La Palme, propriétaire de l’immeuble et de notre hôtel particulier, qui avait quitté les lieux sans doute pour se réfugier dans sa campagne, car nous étions en août. Nous nous sommes donc installés dans ses meubles et dans le salon salle à manger, je recevais à la porte ceux qui venaient de débarquer de Londres : dont les fameux « Français qui parlaient aux français » avec, entre autres, Jean Marin et Jean Oberlé.

    Je me souviens également du passage de Darryl Zanuck. Le producteur de cinéma Hollywoodien était en uniforme de colonel de l’armée américaine. Il venait nous dire que, président d’un chaîne de Radio dans son pays, il avait amené avec lui le premier émetteur qu’il destinait à lancer les activités de la radio privée en France libérée : « Vous m’avez battu, dit-il, en démarrant cinq jours avant notre arrivée », et il fit cadeau à la Radio de l’émetteur qui le suivait dans ses bagages. Il me donna personnellement une curieuse boîte ressemblant un peu aux futurs postes de radio portables mais en fait, à rien de ce qui existait à l’époque. Il y avait dessus une curieuse bobine de fil de fer. J’ai posé la mystérieuse boîte dans un coin et l’ai oubliée. Il faut dire que nous étions sur-occupés, car nous devions assurer les seules émissions existantes en français. En même temps, nous recevions des centaines de personnes et devions remettre sur pied la grande machine. Ce n’est que bien plus tard que j’ai compris que la boîte était un magnétophone sur fil ! Et dire que quatre ans après, j’allais fonder la première société au monde d’édition sur bande magnétique...

    Les « mondanités » ou opérations d’exception qui se déroulaient dans l’appartement de notre propriétaire ne réduisaient pas pour autant, on s’en doute, les activités de l’hôtel particulier et des studios. C’est d’ailleurs en raison de l’afflux de nouvelles personnes et du nombre d’émissions qui se succédaient que Pierre Schaeffer n’avait pas pu rester dans son bureau, plein du matin au soir comme un métro aux heures de pointe, et qu’il recevait dans le salon du Comte de La Palme.

    Deux histoires un peu amusantes, je l’espère, vont récompenser ceux qui ne trouveront que peu d’intérêt à la description rapide d’une partie des coulisses de cette période cruciale. La première concerne les nouveaux #journalistes qu’il était nécessaire d’engager pour le journal parlé. Il était impossible en effet de conserver ceux qui avaient accepté de travailler sous l’occupant et n’avaient, pour la plupart, jamais hésité à suivre leurs instructions. Je me souviens avoir remis leurs contrats, dans le couloir du bureau, et demandé de le signer, à plusieurs nouveaux journalistes qui venaient d’être engagés. D’après un formulaire que m’avait donné l’administrateur, je les avais préparés, Renée Djabri les tapait, et dès que la personne en question se présentait, je lui faisait lire le papier qu’il signait sur un coin de table, avant d’aller immédiatement se mettre au travail. Sont ainsi passés « entre mes mains » un certain nombre de gens dont les noms sont bien connus de mes contemporains : Pierre Dumayet et Pierre Desgraupes, Pierre Sabbagh, Raymond Marcillac mais aussi Loïs van Lee et Georges de Caunes. J’en oublie et non des moindres !

    Le deuxième souvenir est plus personnel. Pendant les dix jours qui ont précédé le 25 août, nous vivions en quelque sorte en état de siège. Personne ne pouvait ni n’avait le temps aller déjeuner et dîner chez lui ou dans les quelques restaurants restés ouverts et qui n’avaient d’ailleurs pratiquement plus rien à proposer à leur clientèle disparue. Pierre m’a donc demandé de renouveler l’opération beaunoise et d’alimenter les quelques cinquante personnes présentes sans arrêt dans la maison.

    Je n’avais plus cette fois-ci à ma disposition ni les ressources des fermes environnantes ni l’aide précieuse des employés municipaux de Beaune. Je suis donc allé au coin de la rue de l’Université et de la rue du Bac, au premier établissement qui se présentait : le « Restaurant des Ministères ». Après avoir expliqué au patron la situation, je lui ai demandé qu’il pouvait faire pour m’aider. Il réfléchit, manifestement contrarié, mais il me promit finalement de me fournir chaque matin et chaque soir le nombre de rations nécessaires d’un plat unique, réalisé avec des moyens qu’il ne m’a pas dévoilé. Nous avons mangé alors plus de pâtes, de lentilles ou mêmes de pommes de terre (qui étaient pourtant rares) accompagnant parfois quelque ragoût, que d’asperges ou de légumes exotiques mais c’était parfait dans les circonstances !

    La seule condition que le patron m’ait imposée était que je vienne chaque fois avec, dans la poche, un revolver pour faire semblant de le menacer si quelque personnage inconnu semblait s’intéresser à notre curieux manège. En cas d’enquête sur ses livraisons clandestines en un temps de disette où tout était rationné, il devait en effet pouvoir prétendre avoir agi sous la menace ! Le revolver, que j’ai trouvé par l’intermédiaire d’un ami, était en bois ! Heureusement il est resté dans ma poche et deux fois par jour, avec un autre technicien de l’équipe, je venais chercher et rapporter la marmite. Les scripts avaient amené de la vaisselle qu’elles lavaient dans un lavabo et... fouette cocher !

    L’autre condition du restaurateur était d’être payé à chaque livraison, ce qui était évidemment normal. Personne ne pouvait m’avancer l’argent mais il se trouve que depuis le mois d’avril, j’étais devenu totalement clandestin, ayant échappé à plusieurs réquisitions m’enjoignant à aller travailler dans l’Organisation Todt (allemande). N’étant plus payé par la Radio, je recevais des mains de Jean-Louis chaque mois un mystérieux billet de mille francs « venu de Londres ». Je me suis souvent demandé si c’étaient des faux billets, ou des vrais. Personne ne pouvait me le dire et j’ai finalement pensé qu’il valait mieux ne pas trop questionner les gens à ce sujet. J’ai donc payé les repas de ma poche, en en prenant livraison, exactement pendant douze jours : au total 6 000 francs. Le restaurateur m’a remis, un peu plus tard, des factures tout à fait correctes que j’ai naïvement transmises à l’Administration. Il se passa un long temps avant que l’on me réponde qu’aucun règlement ne prévoyant de nourrir les gens qui passent dans les bureaux de la Radio, on était au regret de me refuser le remboursement ! J’ai alors pensé que c’était en quelque sorte une compensation de la fourniture du courant gratuit dans ma chambre. Et puis je n’avais pas charge d’âmes, et je n’avais absolument pas le temps de « sortir ». Il me restait, deux jours avant la Libération, un billet de mille francs que je décidai de dépenser immédiatement, pensant qu’il ne vaudrait peut-être plus rien après la Libération. J’ai profité d’un moment de calme avant la tempête que l’on attendait, pour aller jusqu’aux Galeries Lafayette et j’ai acheté un service à déjeuner en terre cuite pour six personnes — c’est pratiquement tout ce qu’il y avait à vendre. Je me disais que si on « s’en sortait » (comme on le disait alors), peut-être aurais-je la chance de l’utiliser un jour pour déjeuner sur le perron d’une belle villa, avec une future petite famille (très utopique à l’époque !). Aujourd’hui il ne doit rester qu’un petit pot à lait de ce service très laid.

    Les premiers jours de septembre 1944, nous avons rapidement quitté l’appartement du Comte de La Palme pour le 107 rue de Grenelle. Jean Guignebert avait été nommé Ministre de l’Information, le titulaire clandestin du titre Pierre-Henri Teitgen ayant été capturé par les Allemands, juste avant la Libération. Jean Guignebert, qui fut ensuite patron d’un grand groupe de presse Amaury, éditeur du Parisien Libéré, était dans le schéma précédent le futur Directeur Général de la Radio. Pour assurer son intérim, en attendant le retour espéré de Teitgen, il fit alors nommer Pierre Schaeffer comme son directeur adjoint, « chargé de fonctions à la Direction de la Radio ». Heureusement Teitgen fut libéré assez rapidement et reprit son poste, Guignebert le sien et cela donnera plus tard à Pierre Schaeffer l’occasion de moins se consacrer à l’administration qu’à ses projets artistiques.

    Puisque j’avais plus ou moins assuré une sorte de coordination à tous les niveaux dans les derniers jours du Studio d’Essai et que j’étais au courant d’à peu près tout et déjà en contact avec toutes sortes de gens et d’organismes depuis la Libération, Pierre Schaeffer me prit comme assistant lorsqu’il emménagea à la Direction Générale, rue de Grenelle. En fait le 107 était le Ministères des PTT et la direction de la Radio Nationale était dans un annexe situé Cité Martignac. Mon bureau donnait accès d’un côté à celui de Jean Guignebert, de l’autre côté, je commandais la porte de Pierre Schaeffer. Mon travail essentiel se résumait soit à empêcher la plupart des innombrables visiteurs à gaspiller tout le temps de mon patron, et à les dispatcher vers les divers services concernés qui commençaient à se reformer ou à être développés ; soit au contraire à faire venir ceux dont l’appui ou le talent étaient souhaitables pour prendre ou reprendre du service à la Radio et qui n’avaient pas l’idée de venir d’eux-mêmes !

    Il n’était pas question de chasser tous les anciens personnels en fonction sous le régime de Vichy, sauf pour des raisons de « collaboration avérée et crapuleuse ». Ceux-ci relevaient de la justice et malheureusement, pendant trop longtemps d’un horrible « Comité d’Epuration » ultra syndicalisé et politique, dont on m’avait d’ailleurs demandé de faire partie pour y représenter les syndicats chrétiens. Je dois dire qu’après une seule séance, j’ai décidé de ne point y retourner en raison des positions extrêmes qui y étaient prises et de l’absence totale d’autres personnes plus neutres, comme je l’étais naturellement ! Heureusement aussi, assez vite l’Etat reprit les rênes du pouvoir et parvint à juger en la matière de façon moins arbitraire.

    Indépendamment de ce genre de problèmes, il fallait à la fois accueillir les employés classiques, leur confirmer leur poste ou les placer ailleurs, enfin leur dire ce qu’ils avaient à faire. Il fallait aussi récupérer certains fonctionnaires mis à l’écart pour des raisons racistes ou revenant des camps de prisonniers, rétablir des services fonctionnels, redistribuer les places de direction des services et en profiter pour clarifier le système, résultant de la stratification des administrations successives des #PTT, ce qui est une des maladies du #service_public, pour laquelle on cherche (et cherchera jusqu’au Jugement Dernier des médications efficaces). Enfin, nous devions mettre en place des mesures d’urgences pour rétablir les installations techniques dont une partie avait été détruite. Etc, etc...

    Il n’est pas dans mes intentions de doubler les historiens de cette époque difficile. Je me souviens d’ailleurs avoir été interviewé longuement au Studio d’Essai, deux ou trois jours après la libération de Paris par l’un d’eux : Adrien Dansette, qui prenait méticuleusement en note ce que je lui disais, mettant des notations indiquant s’il s’agissait de faits dont j’étais sûr ou de récits venant d’ailleurs. Il me dit alors qu’il était extraordinaire pour un homme de bibliothèques, habitué à chercher les solutions dans des documents anciens, de se muer en reporter en direct de l’histoire. Je n’ai jamais eu le temps alors de rechercher ce qu’il a publié et j’espère toujours tomber sur un de ses livres, peut-être moins pour connaître les faits que pour voir comment il a assuré la présentation de ces témoignages.