person:john coltrane

  • https://www.lesallumesdujazz.com/actualite-andre-francis-figure-incontournable-du-jazz-s-est-eteint

    http://desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_mating_call.mp3

    Je suis arrivé au jazz par la bifurcation possible entre la très mauvaise musique que j’écoutais alors et les passerelles possibles avec Weather Report et Miles Davis, puis j’ai écumé le catalogue d’ECM pour arriver à Ornette Coleman en passant par son disque avec Pat Metheny (voilà des aveux qui me coûtent assez cher), et ce n’est qu’à partir de ce moment que je me suis dit que le mieux sans doute serait d’aller puiser directement à la source, donc Ornette Coleman mais aussi John Coltrane, Thelonious Monk, Charles Mingus, Eric Doplphy etc… et à force de faire le saumon dans ce patrimoine je suis arrivé jusqu’aux disques que mon père écoutait quand j’étais enfant, donc le Modern Jazz Quartet, le Miles Davis de Kind of Blue, Cannonball Adderley etc…

    Ce n’est que bien plus tard que j’ai eu un peu de curiosité pour ce qui s’était passé encore avant et pour cela il y a un outil bien pratique, les petits coffrets d’André Francis et Jean Schwarz, intitulé Les Trésors du jazz que j’ai cessé d’acheter à leur parution quand leurs auteurs étaient arrivés à l’année 1958, parce qu’après cela c’est 1959, l’année de Kind of Blue et là je ne manque pas de repères.

    Je dois donc à André Francis de savoir un peu comment tout a commencé, ce qui n’est pas rien quand on y pense. Et de fait, quand on écoute ces petits coffrets on a souvent le sentiment qu’un grand frère nous prêts ses disques, mieux nous les fait écouter en montant le son sur les passages importants.

    Maintenant, j’écoute surtout de la musique improvisée, mais je vois bien où cela a commencé.

    Ce matin j’écoute Tad Dameron, jouant Mattin Call (il y a un petit jeune talentueux au ténor). La boucle est bouclée. Merci Monsieur Francis.

    • Je crois que le premier disque de jazz que j’ai vraiment écouté c’est le duo Couturier-Céléa, The Game. A l’époque j’avais aussi commencé à explorer la musique classique et surtout Bartók et Satie. Après, je me suis installée au Mans, le festival de jazz a été sans doute influent.

  • Depuis le début de l’été, je suis happé par un livre incroyable dont je ne peux pas dire que je sois tombé dessus autrement que par hasard, je n’en avais jamais entendu parler (en dépit que ce livre ait obtenu le prix Décembre 2017, ce qui devait le ranger en évidence sur les tables des libraires que je fréquente pourtant assidument). Le titre du livre, Le dossier M. et le nom de son auteur, Grégoire Bouillier, ne me disaient rien. Ça avait l’air d’être un sacré pavé, un livre de 900 pages, pensais-je, dont j’ai lu le début, un peu sarcastique : « qui peut encore écrire des romans de 900 pages ? » La phrase en exergue est une phrase célèbre de John Coltrane (Je pars d’un point et je vais jusqu’au bout) ce qui ne manque pas de gagner un peu ma confiance, quant à l’incipit de cette affaire, il m’a poussé à trouver un siège dans la librairie et à en lire les 30 premières pages, entièrement ferré, puis interdit quand j’ai compris que ces premières pages était là uniquement pour faire diversion et qu’un récit énorme, 900 pages tout de même ! était tapis sous ce faux-départ comme une girolle qui se cache sous une lauze au pied d’un châtaignier. J’ai acquis le livre séance tenante et c’est tout juste si je ne le lisais pas en marchant, voire en conduisant. Arrivé à la maison, je réalise qu’en fait le livre est double, il y a deux tomes de 900 pages, un roman contemporain de 1800 pages c’est assez original pensé-je, retournant derechef à la librairie acheter le tome 2, captif, déjà captif. Et depuis je suis perdu dans ce livre dans lequel je progresse avec ma lenteur de dyslexique, non sans me rappeler, je sais c’est à peine croyable, mon plaisir de lecture il y a plus de vingt ans d’A la recherche du temps perdu de Proust, pour la première fois, dans un style assez différent, il faut bien le dire, ici la phrase est courte et pas toujours élégante, mais le récit lui, est vertigineux.

    Je note que je suis plus que contemporain de Grégoire Bouillier qui me rend trois ans et c’est effectivement un plaisir proustien que de lire ses souvenirs d’enfance et d’adolescence qui datent de la même époque que les miens, oui, je me souviens parfaitement qu’à époque l’école élémentaire était non mixte, j’en ai connu la toute fin.

    Il y a des passages de ce livre dont j’ai parfois le sentiment que quelqu’un a reçu des données toutes personnelles en provenance de ma mémoire pour les inclure dans un récit (les pages à propos de rugby, comment dire ? ), sans parler des séries télévisuelles telles que Zorro et comment l’affreux J.R. de la série Dallas (notre choix iconographique) a tué non seulement Zorro, mais a ouvert le monde à l’expression la plus folle de son cynisme actuel.

    Tandis que je lisais le livre dans les Cévennes et donc déconnecté, je relevais bien que, de temps en temps, Grégoire Bouillier faisait un peu le malin en expliquant qu’il ne pouvait pas faire tout rentrer dans son livre (qui fait 1800 pages, donc on peut effectivement se demander ce qui ne rentre pas dans 1800 pages) et que du coup il mettait tout ce qui dépassait sur internet, depuis que je suis rentré des Cévennes, je me suis connecté au site cité dans les marges du livre, et j’ai pris un peu la mesure de la folie du gars, effectivement, il y a des passages sur Internet qui sont encore plus développés que dans le livre et je découvre donc que Zappa, qui est tout juste mentionné comme un type qui lui débouché les oreilles dans le livre, au cours d’un concert, et bien il les lui a débouchées le même jour que les miennes, lors du même concert le 18 mai 1982 (c’était mon premier concert et je n’en revenais pas), donc oui, le gars Bouillier et moi, on se sera croisés au moins une fois, ce qui a tendance à me faire sourire.

    En tout cas, ce qui est en ligne, cette manière de surplus, est bel et bien en ligne, ici, http://ledossierm.fr les pages plus développées à propos de rugby que je jurerais presque avoir écrites (mais je ne serais jamais parvenu à cela, croyez-moi), elles sont bien là : http://ledossierm.fr/dossier-m-piece-n03 et le ticket de concert de Zappa en 82 il est bien là aussi :

    http://www.desordre.net/musique/zappa.mp3

  • Musiques pour vol-au-vent
    http://www.radiopanik.org/emissions/pbg/musiques-pour-vol-au-vent

    Bouchées mignonnes et à la reine, aux fruits ou au poulet, à la Nantua ou financière, une heure de vol-au-vent sous toutes les couches de la pâte feuilletée, avec la Police du Bon Goût, la team radio qui a toujours une cuillère à la main. Avec plus d’une écrevisse dans son vol-au-vent, le PBG vous invite à une heure et demi de voyage musical dans la programmation transversale Oh vol !

    Trackist :

    Nikolaï Rimski-Korsakov - Le Vol Du Bourdon John Coltrane - Lazy Bird The Beatles - Tomorrow Never Knows Naoya Matsuoka & Wesing ‎– The September Wind Flying Lotus - GNG BNG Hervé Cristiani - Il est libre Max Flying Jazz Queens - Siyahamba 2562 - Nocturnal Drummers Nostalgia 77 Octet - Le Vent Boards Of Canada - Happy Cycling Flight Of The Conchords - Opening Theme Song Muslimgauze - All The (...)

    #planer #electro #disques #musique #OHVOL ! #hiphop #planer,electro,disques,musique,OHVOL !,hiphop
    http://www.radiopanik.org/media/sounds/pbg/musiques-pour-vol-au-vent_04305__1.mp3

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/images/sophie/sons/bill_evans_i_fall_in_love_too_easily.mp3

    J – 20 : Une bonne partie du week-end passée à lire le manuscrit de mon ami Daniel jusqu’à rêver d’aires d’autoroute la nuit, c’est qu’elles ont leur importance ces dernières dans ce relevé géographique fictif contemporain. Lecture studieuse dans le but de donner quelques éléments de recul à Daniel. Lecture interrompue sans vergogne dimanche après-midi par A. venue boire un ristretto . Lecture ponctuée par l’écoute de quelques disques magnifiques, Polka Dots And Moonbeans de Bill Evans, John Coltrane avec Duke Ellington, A Love Supreme de John Coltrane - une éternité que je ne l’avais plus écouté et on ne devrait jamais rester aussi longtemps sans l’écouter - , Capcizing moments de Sophie Agnel, Mysterioso de Thelonious Monk, Non-Bias organic de Jean-Luc Guionnet, The Montreal Tapes de Charlie Haden (Gonzalo Rubbalcaba au piano et Paul Motian derrière les futs) et Abbey Road des Beatles. Du café comme s’il en pleuvait pendant ces deux jours au soleil radieux. Et la musique toutes fenêtres ouvertes très rarement abimée par le passage extrêmement rare de quelques voitures, le quartier est désert, la fin du monde pourrait avoir ses avantages si l’on dispose encore d’électricité pour jouer ses disques ou encore de musiciens pour nous jouer de la musique, débarrassés, les musiciens de la chambre d’écho que doit représenter pour eux un enregistrement.

    Traversant dans les clous,
    Pieds nus
    J’ai eu envie d’écouter Abbey Road

    Bill Evans
    Thelonious Monk
    Sophie Agnel

    Février 2005 – suite. 50 km/h. Sortir de Strasbourg. La conduite de Gisse, une mélodie souple, soyeuse. En direction de Reims. 350 kilomètres environ. Sur autoroute. A4. La voiture est lancée, vitesse de croisière, un concentré de paysages aboutés. Un besoin de voix, pour nettoyer les substrats mélancoliques.
    - Yves ?
    - Oui.
    - Parle-moi de toi.

    Elle double, sereine, une suite de semi-remorques. Se rabat. Les panneaux : Sarrebourg, Haguenau, Wissembourg.

    - J’ai passé mes années lycée à Troyes. Trois ans. Le lycée était excentré en périphérie, entre un LEP et un IUT. Suis sorti par la petite porte. Sans mon baccalauréat. A défaut de pouvoir prendre le train des études supérieures, je mesuis dirigé vers l’arrêt de bus. Un bus s’est arrêté, je suis monté et me suis retrouvé au centre-ville. Un appart avec un copain. Le théâtre. Une place dans une librairie de livres anciens. Des liens tissés dès la seconde année de lycée. Dès la fin de la seconde, viré de l’internat. Sur le bulletin : Trop asocial pour s’assumer en collectivité. Je n’en tire aucune gloriole. Je ne savais même pas ce que c’était l’asociabilité. Autour de moi, ce qui avait teneur de liens, de gens, c’était de la subjectivité broyée. Je n’avais ni les moyens ni le temps de faire une
    introspection pour savoir ce qu’il y avait de périmé, de périssable en moi. Supposes que je revois certains profs aujourd’hui, je ne vais pas leur bouffer la trogne. J’ai laissé filer. Ils ont laissé filer. D’autres chats à fouetter. A partir de la première, quelqu’un du village m’emmenait le matin. Il travaillait dans un garage. Trente kilomètres en voiture. Mesure concise d’une nationale dans un décor de champs, de villages. Le soir je rentrais en stop, une fantastique galerie de portraits de la France de l’époque. Deux soirs par semaine, des cours de théâtre. Le matin, ce quelqu’un du village me déposait à un arrêt de bus. Direction le lycée. Dans le bus, parmi les passagers, des lycéens, des lycéennes. Un transport commun de tics, de cartables. De regards. Ses yeux, mes yeux. Des regards qui se croisent. Des attirances. J’étais en terminal, elle en première. Dans la classe d’un copain. Les heures de permanence, certaines pauses après le déjeuner, on les passait dans un bar, à quelques rues du lycée. Elle était longue, haute, d’apparence filandreuse. Yeux sombres, cheveux noirs. Issue de la bourgeoisie locale. Elle était avec ce copain. J’ai parlé. Littérature, musique, philosophie. Ce copain s’embarquait pour les Beaux-arts, laissant des croquis partout derrière lui. Nous en étions à partager à l’époque ce qui tenait lieu d’avant-garde musicale entre jeunes. Un rock des confins, industriel, froid. Un fort écho des lézardes en cours dans le champ industriel de l’époque. Par notes et voix interposées. Les délocalisations, la mise au pilori de centaines et de centaines d’emplois. L’industrie textile locale opérant un virage sous forme de ventes directes en usines plantées comme des décors dans des marques avenues. Les vraies usines démontées, pièces par pièces. Remontées en Tunisie, en Turquie. Optimiser les profits, réduire les conflits. Elle était issue de cette bourgeoisie textile. Je me disais souvent que si elle avait été d’un milieu modeste, elle aurait été quelconque. Quoi que sans doute avec toujours ce fond abrasif, délirant. Elle me plaisait. Une beauté décalée. Des échanges convulsifs et posés. Plus grande que moi. Je n’avais que mon bagou, une gueule attirante.

    Double file. Se déporter. Un camion en double un autre. Voie de gauche. Les voitures derrières qui ralentissent. Gisse se rabat. Appels de phare. Elle n’en a cure. Une conduite assumée.

    Extrait de Les Oscillations incertaines des échelles de temps de Daniel Van de Velde

    #qui_ca

  • J – 50 : Est entrée Shirley. Elle ne s’appelle pas Shirley. Shirley était une amie à Chicago. Elle faisait partie de la petite bande de personnes qui avaient de façon plus ou moins directe partie liée avec Leo’s le petit diner dans lequel étaient servis les meilleurs petits déjeuners de tout Chicago et sans doute de tout le Mid-West, à n’en pas douter de toute l’Amérique, bref de l’univers tout entier. Shirley qui était peintre est devenue informaticienne et c’est à ce titre qu’elle travaille désormais à IBM et qu’elle vient d’être dépêchée en France pour une mission d’une journée, venir nous offrir à nous pauvres informaticiens français la voix de la raison, la voix de Maman , comme on dit à IBM et comme on se demande depuis quelques années ce que cela veut dire, parle-t-on toujours de la maison mère pour quelques-uns d’entre nous chez le client, ou parle-t-on désormais de la Présidente Directrice Générale de la Très Grande Entreprise ? Shirley n’était pas une très grande peintre, elle était en revanche une amie adorable, elle et son mari étaient souvent prompts d’une part à nous inviter Cynthia et moi à passer prendre une bière ou à dîner, et de même Kevin, le mari de Shirley, nous faisait rire quand il rappelait utilement à Cynthia que quand je comprenais quelque chose avec retard — et Cynthia n’était jamais patiente, en rien d’ailleurs — il pouvait s’agir d’un temps de traitement de l’information pour passer cette dernière de l’anglais au français. Tu te rappelles quand même que notre Phil est français ? Cela avait le don remarquable d’amadouer Cynthia, ce qui n’était jamais un maigre bénéfice, Shirley est donc devenue informaticienne. Elle travaille chez Maman. Spécialiste d’une plateforme sur laquelle on peut construire des applications de stockage et de recherches d’informations et de documents de production. Elle est dans cette salle de réunion la seule interlocutrice qui ne parle pas français, du coup la dizaine de personnes dans cette salle de réunion que nous sommes, sommes tenus de parler en anglais, même entre nous. Shirley a apporté avec elle ses façons de faire du Mid-West, un nom de famille typiquement irlandais, un accent américain sans douceur, un franc-parler qui est à la fois poli mais aussi terriblement autoritaire, une manière d’être habillée comme un sac, des blagues toutes faites, et finalement, même dans les petites choses une manière de comprendre le monde seulement au travers d’un prisme terriblement autocentré. Côté Français, lors du nécessaire tour de table se produit un très remarquable ré-échantillonnage hiérarchique, non plus en fonction des postes que les unes et les autres occupent, mais désormais en fonction de la fluidité de l’anglais des unes et des autres, ce qui me fait instantanément monter en grade. Et du coup c’est une très curieuse réunion, en anglais devant un public qui ne comprend pas tout, avec une hiérarchie des intervenants entièrement remaniée, c’est par ailleurs une femme qui est à la tête de cette réunion, Shirley, en fait pas Shirley, mais, Toni, une femme qui lui ressemble beaucoup, qui ressemble même à la Shirley d’aujourd’hui, telle que je l’imagine sans l’avoir revue depuis plus de vingt-cinq ans, et finalement je suis plus ou moins à la tête de cette réunion pour la partie française, et cela ne tombe pas très bien parce qu’en ce moment je ne suis pas du tout au meilleur de mes capacités, lesquelles sont entièrement captives de pensées que je nourris pour une femme merveilleuse au point d’en perdre toutes mes capacités au point d’avoir de véritables hallucinations au point de projeter sur le cadre pas franchement égrillard d’une salle de réunion des images de nudité certes fort plaisantes mais néanmoins pas du tout à propos.

    Et j’en viens même, je perds les pédales, là c’est évident, à singer les manières de certains dirigeants lors de réunion de ce type, par briser là, prétexter d’avoir une autre réunion concurrente, continuez sans moi les gars et n’oubliez pas de m’envoyer le compte-rendu, je vous répondrais avec mes remarques, pour me jeter sur mon téléphone de poche et envoyer quelques messages à la femme merveilleuse de toutes mes pensées en ce moment, avec une orthographe aussi rigoureuse que celle de jeunes gens qui s’entretiennent subrepticement de la progression de leurs sentiments en plein cours.

    Le soir quand je parcours les messages en question, en écoutant un vieux disque de jazz, in a sentimental mood de Duke Ellington avec John Coltrane, et que je constate l’heure d’envoi et de réception de ces messages que je qualifierais pudiquement d’adolescent, lesquels horaires coïncident parfaitement avec les trois heures de cette réunion fleuve, en anglais, avec Shirley qui nous vient tout droit des Etats-Unis d’Amérique, envoyée par Maman, je m’interroge salement sur d’une part mon irresponsabilité, la toxicité de mes sentiments pour le moins volatiles et, finalement, les véritables enjeux de mon travail alimentaire, mon day job comme disent Shirley et ses semblables.

    Et j’éclate de rire tout seul dans mon canapé en me demandant quelle impression je ferai au jeune homme que j’ai été, à Cynthia, Shirley et Kevin et eux-mêmes aujourd’hui qu’ont-ils fait de leurs talents ? À quelle réunion de travail ont-ils participé aujourd’hui et se souviennent-ils de nos dîners entre amis, de nos bières au Czar bar ou au Gold Star , de nos parties de billard, des chantiers sur lesquels je donnais la main à Kevin ou encore à Glenn, sur lesquels j’aurais pu mourir cent fois en tombant d’échafaudages à la fois branlants et étroits, des soirées dans le sous-sol de la maison construite par Glenn, de nos interprétations très avinées de standards de rocks ou encore de nos parties de softball sur la grande étendue de pelouse de Wicker Park. C’était au millénaire précédent. Vraiment.

    #qui_ca

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_blue_train.mp3

    J-148 : Je me demande si je n’ai pas fini par obtenir la preuve ultime de la malhonnêteté des maisons de disques qui pendant des années nous ont vendu leurs galettes au prix de l’or ou du platine, non pas d’ailleurs que j’avais besoin d’une telle preuve pour savoir cette profession unanimement voleuse.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_good_bait.mp3

    Good bait avec Red Garland

    Le vendredi soir, en sortant du travail, c’est souvent que je vais à la librairie, je m’y achète un livre ou deux, de quoi étancher ma soif de lectures pour le week-end, et bien souvent également, je m’achète un vieux vinyle pour ce plaisir de le faire tourner tout le week-end, en général ce sont des rééditions, de très bonne qualité, de Blue note , des grands classiques de la fin des années 50, début des années 60, parfois ce sont des disques que j’ai enregistrés sur cassette au siècle dernier et que je retrouve avec plaisir, d’autres fois ce sont des disques que je ne connais pas encore, du Wayne Shorter d’avant la rencontre avec Miles et bien avant Weather Report , du Dexter Gordon, tel disque de Herbie Hancock avec un thème à tout casser - Watermelon man - en premier morceau de la première face, et naturellement c’est mon plaisir du samedi matin, je remets un peu d’ordre dans la maison, j’enchaîne les cafés, je bouquine pendant que la galette tourne et retourne.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_countdown.mp3

    Countdown de John Coltrane avec un Cedar Walton un peu dépassé par son soliste

    Depuis quelques temps mon libraire se désespère de ne plus pouvoir me procurer ces galettes, apparemment le catalogue de Harmonia Mundi est indisponible pour des questions judiciaires auxquelles je n’ai pas compris grand-chose, cela fait plusieurs mois que le libraire me dit que cela va revenir, force est de constater que les galettes ne reviennent pas, le bac est vide, littéralement.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_oleo.mp3

    Oleo , John Coltrane au ténor, Ray Draper au tuba qui dépote

    Du coup j’ai jeté un œil nonchalant, et pas très motivé, sur les CD, sauf que les CD, j’ai fait serment de n’en plus acheter qu’à la sortie des concerts notamment aux Instants Chavirés , parce que c’est un excellent moyen de découvrir de nouvelles choses, d’extrapoler dans des directions que l’on a appréciées en concert, sans compter que c’est presque comme de les acheter directement aux musiciens, d’ailleurs c’est que j’ai fait récemment en échangeant avec Axel Dörner et lui achetant deux de ces disques - et c’est littéralement dans les mains de ce trompettiste de génie que j’ai remis les vingt euros pour les deux disques, là on se dit qu’il n’y a pas tromperie, c’est direct du petit producteur au consommateur, si vous me passez l’expression -, un de ces deux disques d’Axel Dörner est une merveille, parmi les plus beaux de ma discothèque.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_wabash.mp3

    Wabash , Julian Cannonball Adderley et John Coltrane, Wabash, du nom d’une rue de Chicago où se trouvait un magasin de produits photo ( Central camera ), où j’ai acheté des kilomètres carrés de papier photo le vendeur était un sosie de Cannonball et cela le faisait rire que moi, blanc, je le sache.

    Des CD j’en ai acheté beaucoup, il y a une vingtaine d’années. En mai 1995, à la suite d’un pari idiot, mais à l’enjeu diabolique, avec mon père — mon père s’appelle Guy — j’ai arrêté de fumer. A l’époque je fumais un peu plus d’un paquet par jour. Cela a été une libération. J’avais fini par accepter de jouer et de parier avec mon père un dimanche soir où j’avais perdu deux heures, peut-être même plus, en écumant les rues de Paris pour trouver des cigarettes, j’avais trouvé la chose humiliante, rabaissant, j’avais soif d’émancipation, même si je ne savais pas très bien ce que cela voulait dire, j’ai décidé de jouer, d’accepter de perdre et aussi d’arrêter de fumer. Les débuts ont été pénibles. De cela je me souviens très bien - un ami tromboniste pourrait témoigner d’un séjour cévenol au cours duquel j’étais particulièrement à cran. Ce dont je me souviens aussi, c’est de m’être rendu compte, à l’époque chaque franc comptait, que ne fumant plus, je faisais chaque mois de très substantielles économies, il semble me souvenir qu’alors je gagnais 6500 francs mensuels nets et qu’une moitié de cette somme était mangée par le loyer et qu’à ce compte-là j’avais bien du mal à acheter du papier et des produits photographiques, je fabriquais moi-même les produits, mais films — en rouleau de trente mlètres qu’il fallait emmbobiner soit même, là aussi pour faire des économies — et papier, surtout le baryté, coûtaient une blinde. À l’époque j’empruntais compulsivement livres et CD à la médiathèque, j’ai dû lire la moitié de ce que la médiathèque comptait de livres du nouveau roman et emprunter et enregistrer, sur cassettes, un bon quart de leurs CD de jazz, nettement moins de classique, le classique c’est venu plus tard. Telle était mon économie, on ne plus tendue, à l’époque.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_billies_bounce.mp3

    Billie’s bounce , Red Garland avec John Coltrane.

    Par curiosité j’ai calculé que j’étais en train d’économiser 500 francs, presque, tous les mois, en ne fumant plus, ce qui équivalait, à l’époque - Chirac venait d’être élu après trente ans de gesticulations et simagrées pour être khalife à la place du khalife -, peu ou prou, au prix de cinq CD : j’ai décidé que désormais, puisque toutes ces années j’étais parvenu à trouver 500 francs par mois pour les brûler et m’intoxiquer de la fumée, chaque jour de paye, une fois par mois donc, j’irai chez le disquaire où je m’achèterais cinq disques, je sortais du magasin chaque fois en m’exclamant, pour moi-même, ils ne m’ont rien coûté. De cette manière j’ai constitué une bonne moitié de ma discothèque, l’autre moitié est venue à partir du moment, paradoxalement, où j’ai prêté serment de ne plus jamais acheter de disques puisque les majors avaient, semble-t-il, gagné leur patient et dégoûtant travail de lobbying et obtenu dans un premier temps la LEN, la loi sur l’économie numérique, et dans une deuxième temps la loi HADOPI, peigne-culs, cela n’a pas freiné mon appétence au téléchargement, au contraire, bien au contraire.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_things_aint_what_they_used_to_be.mp3

    Things ain’t what they used to be , John Coltrane et Paul Quinichette aux ténors, Frank Wess à la flute, et quelle ! et Cadar Walton qui a repris son souffle depuis Giant Steps and Countdown

    Par curiosité je regarde les bacs de CDS et j’avise un petit coffret d’une quinzaine de disques, des débuts de John Coltrane quand il était encore, essentiellement, un sideman de musiciens désormais moins connus que lui, mais qui, à l’époque, fin des années, étaient, par rapport au jeune Coltrane, des étoiles, Paul Quinichette, Tadd Dameron, Red Garland, Cannonball Adderley, dans les quinze disques que renferme ce petit coffret, je dois en avoir quatre ou cinq de ces disques, notamment celui avec Adderley, une merveille, et là où je m’attendais que ce petit coffret soit vendu, au bas mot, à une centaine d’euros, ce que j’aurais trouvé naturellement dégoutant, pas du tout, dix-neuf euros. Soit un euro vingt-six cents le disque.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_cattin.mp3

    Cattin’ , John Coltrane et Paul Quinichette aux ténors

    A ce prix-là, le jazz afficionado que je suis ne fait pas la fine bouche, et donc les quinze disques de Coltrane ont chaleureusement accompagné mon week-end, parmi lesquels j’ai eu le bonheur de retrouver Blue Train , une merveille, la chair de poule, dès le début, cette exposition du thème ampoulée mais magistrale, en pensée, j’ai revu mon appartement de l’avenue Daumesnil les soirées avec mon ami Pascal à se passer du Coltrane jusqu’au bout de la nuit en buvant du whisky - on commençait menu menu avec Blue Train , puis la période avec Miles, Kind of blue et ensuite Giant Steps , la période Atlantic et enfin la face nord avec la période Impulse ! de A Love Supreme à Ascension -, le disque avec Adderley donc, toujours émouvant - Adderley devait être un type bien, un type sympa, il devait exactement savoir que le jeune Coltrane allait bientôt tirer dans une toute autre catégorie que la sienne, du coup, c’est souvent qu’il laisse le premier solo au ténor, ce n’est évidemment pas Miles qui aurait fait cela -, mais aussi des trucs plus improbables, une collection de morceaux avec du tuba dedans et donc son association avec le ténor du jeune Coltrane, oui, je sais je suis en train de vous parler de mon train électrique dans le grenier, bref des morceaux que je connais et d’autres, l’essentiel de ces quinze disques, que je n’ai jamais entendus Dave !

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_mating_call.mp3

    Mating call , John Coltrane et Tadd Dameron

    N’empêche, à la fin de cet excellent week-end de musique et de cafés, sans compter un brin de lecture, notamment Littoral de Bertrand Belin, Je Paye d’Emmanuel Addely que j’ai enfin fini et le début de la Guerre du Cameroun (voir si, des fois, je en parviendrais pas à ressusciter la Petite fille qui sautait sur les genoux de Celine ), je me pose cette question : combien d’étagères aurais-je dû construire dans ma maison si les CDs avaient été à ce prix très raisonnable de 1,26 euros, lequel prix doit encore permettre à ces putains de maisons de disques de faire un peu de bénéfice, sinon, pensez s’il vous vendrez de tels petits coffrets ?

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_eclypso.mp3

    Eclypso , John Coltrane et toutes sortes de chats

    Ces gens-là nous ont volés, pendant des années, des lustres, des décennies. Ils ont continué de nous vendre des CD au prix des vinyles qui eux, apparemment, coûtaient nettement plus cher à fabriquer. Et ce sont les mêmes, vingt ans plus tard, qui ont ensuite œuvré dans les salons de l’Assemblée pour nous empêcher de partager ce que nous aimions tellement écouter ensemble jusqu’au bout de la nuit, en buvant un peu de whisky. Peigne-culs.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_tenor_conclave.mp3

    Tenor Conclave , John Coltrane avec Hank Mobley et Zoot Sims aux ténors, ça envoie un pue du bois quand même

    Et loué soit Coltrane ! Pa pa pa pam, Pom pom pom, Pa pa pa pam, Pom pom pom.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_polka_dots_and_moonbeans.mp3

    Polka dots and Moonbeans , John Coltrane, Donald Byrd, Hank Mobley, Elmo Hope, Paul Chambers et Papa Jones derrière les fûts.

    Exercice #47 de Henry Carroll : Liste de livres sur la photographie que vous aimeriez lire.

    Sur le sujet j’ai lu pas mal de choses au point que je ne sais pas si j’ai encore de l’appétit pour de telles lectures. Cela fait des années que je me dis que je devrais lire le livre d’André Rouillé sur la photographie contemporaine, il est même, ce qui est surprenant, dans la bibliothèque du Comité d’Entreprise de la Très Grande Entreprise qui m’emploie, mais sinon la question serait plutôt de savoir quels seraient les livres que j’aimerais relire sur le sujet de la photographie et alors la réponse est simple

    La chambre claire de Roland Barthes
    De la photographie de Susan Sontag
    L’ombre et son instant de Jean-Christophe Bailly.

    #qui_ca

  • J – 236 : grand moment d’hésitation au moment de sauter. De sauter dans ce véhicule en marche qu’est mon idée d’un projet de film documentaire à propos de la mère de mon ami Diketi, Renée. La petite fille qui sautait sur les genoux de Céline . Quelle est la part de mon hésitation qui serait une forme de capitulation non pas devant l’effort à accomplir, mais surtout l’effort d’aller au-devant des producteurs et leur arracher une manière de conviction ?

    Je n’ai aucun talent dans ce domaine, quand j’explique on ne comprend rien et quand je tente de convaincre, on se dit que je ne suis pas très calme.

    Mon ami Diketi est mort d’un Arrêt Vasculo-Cérébral en août 2014, dans la Drôme, au milieu des siens.

    Diketi était le compagnon de mon amie Laurence que je connais depuis le lycée. Il était aussi, il a joué ce rôle pendant deux ans, l’éducateur spécialisé de mon fils Nathan, un éducateur musical. Un art thérapeute. Diketi était par ailleurs un musicien qui jouait de toutes sortes d’instruments de musique, notamment des percussions, dont les origines étaient africaines, ou encore sud-américaines, tel le berimbau , plus rarement asiatiques du Sud-Est. Il venait le mardi soir, j’allais le chercher en voiture à la bouche de métropolitain de Marie de Montreuil, le plus souvent en compagnie de Nathan et lorsque nous arrivions à la maison je n’avais généralement pas le temps de faire une tasse de thé à Diketi tant Nathan l’emmenait prestement dans sa chambre pour jouer de la musique avec un des nombreux instruments que Diketi avait emportés dans son sac de sport boursoufflé par tous ces instruments, opulence qui tranchait singulièrement avec le physique longiligne de Diketi et son visage aux traits sculptés avec des outils tranchants. Pendant deux heures le son d’une franche rigolade très bruyante emplissait le reste de la maison, il était manifeste que Nathan prenait beaucoup de plaisir à cette séance dont nous avions convenu avec Diketi qu’elle devrait durer une petite heure et, tel que j’en avais convenu avec Diketi, une séance d’une heure pour la somme de vingt-cinq euros. Pas une fois la séance a duré moins de deux heures et pas une fois Diketi n’a accepté que je le dédommage pour cette heure supplémentaire dans laquelle il trouvait lui aussi son content.

    Lorsque Diketi redescendait de la séance, souvent nous avions été rejoints par Laurence et souvent aussi par B., ma compagne. Et nous improvisions un dîner à la bonne franquette, je garde de ces mardis soirs un souvenir enchan-té. Plus tard je raccompagnais Diketi et Laurence à la bouche de métropolitain de la Croix de Chavaux à Montreuil qui les ramenait directement à République où ils habitaient. Je pense que je n’oublierai jamais le souvenir exact du visage de Diketi qui, chaque fois, retardait, jusqu’à l’ultime moment, sa disparition dans la bouche du métropolitain, c’est d’ailleurs de cette façon que je l’ai vu pour la dernière fois.

    Je sais que je dispose dans mes archives d’un enregistrement d’une des séances de Diketi à la maison avec Nathan, mais je n’ai pas encore rassemblé le courage de le réécouter. De même, je sais que j’ai une fois pris une photographie de Diketi, qui, à ma connaissance, est la seule photographie que j’ai prise de lui, on le voit dans un coin du salon chez Laurence penché sur un petit instrument de musique dont j’ai oublié le nom et dont il jouait des mélodies à l’incroyable douceur, en improvisant.

    Nathan, mon fils, est, légèrement, handicapé, mental.

    Lorsque Laurence m’a appelé pour m’annoncer le décès de Diketi, il m’a fallu beaucoup de courage pour réunir les enfants, et, en pleurs moi-même, leur annoncer la mort de Diketi, ce qui a foudroyé mes filles Madeleine et Adèle et a attristé grandement Nathan, difficilement capable d’extérioriser ses émotions et il n’était pas non plus certain que la tristesse, malgré tout visible sur le visage de Nathan, ne soit pas davantage plus causée par celle de ses sœurs que par cette funeste nouvelle dont je n’étais pas sûr qu’il la comprenait vraiment. J’ai offert aux enfants que chacun notre tour, nous racontions un souvenir heureux que nous avions de Diketi. Madeleine s’est souvenue d’un repas du mardi soir où j’avais oublié, complétement, que Diketi, et Laurence dans une moindre mesure, étaient végétariens et j’avais dû cuisiner une carbonnade flamande ou je ne sais quoi de ce tonneau. Ce qui nous avait tous bien faire rire. Adèle s’est souvenue qu’un jour elle avait été invitée par Diketi à venir jouer de la musique avec Nathan et lui et que c’était un désordre sans nom dans la chambre de Nathan et qu’ils s’étaient bien amusés. Nathan a dit qu’il se souvenait que Diketi était son pschyichologue de musique. Cela n’avait rien de spécifique, comme j’avais suggéré que nous fassions, mais de la part de Nathan c’était assez remarquable. Et toi Papa ?, ont demandé les filles. J’ai répondu qu’un jour chez Laurence, alors que j’étais sur le point de repartir de chez eux, je ne parvenais pas à remettre la fermeture éclair de mon pull que cette dernière était coincée et que cela commençait à m’énerver et que Diketi m’a invité à me rasseoir, à respirer un grand coup et que, plus calme, en restant assis, dans le canapé ? là même où je l’avais photographier jouant de ce petit instrument contenu dans une petite calebasse ?, à refermer ma fermeture éclair qui s’est refermée sans aucune difficulté jusqu’au col. Diketi était ce genre de grand magicien modeste.

    Laurence m’avait aussi dit qu’une manière de céré-monie du souvenir aurait lieu dans un endroit dont elle n’avait pas encore l’adresse, mais à laquelle elle aimerait beaucoup que je vienne avec les enfants. C’était mi-septembre, un samedi soir, il faisait, dans les locaux de je ne sais plus quel syndicat à Pantin, une chaleur moite, presque irrespirable, ce qui n’avait pas l’air de beaucoup déranger une bonne partie des convives qui, pour le plus grand nombre, étaient africains, les Blancs, comme nous, en revanche, mélangeaient copieusement leur sueur à leurs larmes.

    Les proches de Diketi, sa sœur, son beau-frère, sa fille et Laurence se sont courageusement succédés pour dire, modestement, la très grande perte qu’était pour eux celle de Diketi, des paroles tour à tour simples, parfois coupées par l’émotion, relancées par le courage seul, et sans doute aussi l’amour que toutes ces personnes vouaient à Diketi et dont elles n’auraient pas voulu trahir la confiance, même au-delà de la mort.

    Un plantureux buffet, où chacun avait apporté des mets souvent délicieux, nous attendait et fut l’occasion pour tous de reprendre des forces, d’échanger avec bienveillance, tandis qu’un petit trio se mettait en place pour jouer avec qui voulait bien (qui savait), la tension retombait.

    Plus tard, alors que nous étions sur le départ, je me suis enhardi à aborder la sœur de Diketi que je ne connais-sais pas, après une crise de larmes incontrôlable de ma part, je lui ai dit que je voulais lui expliquer qui était Diketi pour ma famille, un ami pas seulement, mais aussi l’éducateur spécialisé de Nathan, mon fils handicapé. Le visage de la sœur de Diketi s’est illuminé, vous êtes le père de Nathan ? Oui. Il faut absolument que vous rencontriez ma mère, Diketi nous parlait de Nathan tellement souvent, vous êtes venu avec lui ? Oui. Où est-il ? C’est le grand gaillard un peu égaré près du buffet. Mais vous alliez partir c’est ça ? Oui. Vous êtes l’ami d’enfance de Laurence ? Oui. Où est Laurence ?, Ah Laurence te voilà, ton ami vient de m’expliquer qu’il était le père de Nathan, mais il faudrait absolument que nous rencontrions tous Nathan, ils s’en vont, est-ce que tu peux arranger un dîner chez toi, on apporte chacun quelque chose, de telle sorte que nous puissions rencontrer Nathan. Laurence a naturellement accepté.

    Un mois et demi plus tard, un samedi soir, nous étions tous les quatre, Madeleine, Nathan, Adèle et moi, invités chez Laurence dans son minuscule appartement. Nous nous étions chargés des desserts, nous avions apporté un gâteau de châtaignes qui avait déjà rencontré un bon succès lors de la cérémonie commémorative, une mousse au chocolat pour faire plaisir à Laurence et un autre dessert, dont je ne me souviens plus. Étaient déjà là quand nous sommes arrivés la sœur de Diketi, et son mari, et la mère de Diketi, Renée. Eût égard à mes rotules douloureuses, j’ai eu droit à la deuxième meilleure place sur le canapé du salon en compagnie de Renée, doyenne de cette soirée, dans laquelle il était admirable qu’effectivement les proches de Diketi étaient vraiment venus pour faire la connaissance de Nathan, c’est tout juste si Madeleine, Adèle et moi n’étions pas secondaires, ce qui, étant donné la nature du handicap mental de Nathan, était à la fois surprenant et inhabituel. Nathan découvrait depuis peu le jeu d’échecs et tous se relayèrent pour disputer des parties avec Nathan, ce qui était à la fois ce qui pouvait faire le plus plaisir à Nathan alors, mais surtout ne manqua pas de me faire penser à cette citation que l’on attribue généralement à Socrate que l’on peut apprendre beaucoup plus d’une personne en jouant avec elle pendant une demi-heure que pendant dix ans de conversation, c’était donc la meilleure façon qui soit de rencontrer Nathan.

    Sirah, la fille de Diketi arriva un peu plus tard avec son compagnon, dont j’eus à apprendre qu’il était cévenol et qu’il connaissait très bien la vallée de la Cèze. C’était la deuxième fois que je voyais Sirah, la fille de Diketi, dont il m’avait parlé avec cette admiration benoîte des pères. Je sa-vais que Sirah était doctorante, mais je ne savais pas dans quelle matière, aussi, pour lancer la conversation, je le lui demandais et comme elle me répondit qu’elle était effecti-vement thésarde en littérature comparée, je me jetais sur l’occasion pour lui demander de m’expliquer en quoi consis-tait, dans les grandes lignes, la littérature comparée ce que j’ignorais tout à fait, ce dont je ne me vantais pas. Les expli-cations de Sirah étaient limpides et intelligentes, tout à fait compréhensibles par un quidam de mon espèce, du coup je lui demandais quel était le sujet de sa thèse, et comme elle me répondait qu’il s’agissait des œuvres de fiction à propos de la Shoah, j’enfourchais sans délai ma Rossinante de Don Quichotte du Val de Marne pour lui dire, par exemple, tout le mal que je pensais à la fois de ce sujet, mais aussi de cer-tains livres qui avaient fait grand bruit ces derniers temps parmi lesquels les Bienveillantes de Jonathan Littel, un de mes moulins à vent préférés.

    Avec beaucoup d’adresse Laurence parvint à détour-ner le sujet de la conversation, en revanche une personne vibrait terriblement de l’autre côté du canapé, Renée, la mère de Diketi. Qui me prit à part pour me dire, vous savez quand j’étais petite fille je sautais sur les genoux de Céline. Vous voulez dire Louis-Ferdinand Céline, l’auteur de Mort à Crédit ? Lui-même.

    En fait je comprenais rapidement que ma péroraison avait eu au moins le mérite d’éveiller l’intérêt de Renée, elle enchaîna donc en m’expliquant qu’elle était la fille d’un très sale type qui avait été un très bon ami de Céline et qu’effec-tivement enfant, elle avait de nombreuses fois rencontré le docteur Destouches et que ce dernier l’avait plus d’une fois fait sauter sur ses genoux. C’est une chose de serrer une fois la main de John Tchikaï en se disant qu’elle avait serré celle de John Coltrane, pour avoir joué avec lui, et de s’en émer-veiller, et de s’en amuser, c’en est une autre de se dire qu’on est assis sur un canapé que l’on partage avec une dame, un peu âgée tout de même qui, enfant, avait sauté sur les ge-noux de Céline.

    En fait Renée, comme elle me l’a dit, avait des choses à dire et elle se demandait si d’aventure, une intuition, je n’étais pas la bonne personne pour cela.

    Son père, m’expliqua Renée, était un très sale type et peut-être avez-vous déjà entendu parlé de lui, il s’agit de René Girard, connu pour avoir fait fortune dans le cinéma comme accessoiriste mais aussi pour avoir été le fondateur, dès 1941, de l’Institut d’Étude des Questions Juives auquel il avait versé sa très importante bibliothèque antisémite, une vraie marotte. Effectivement pas du tout un type recom-mandable.

    Renée a eu cette parole déconcertante et prévenante pour me dire que si je vérifiais ceci sur internet je verrais que ce fameux institut a été en fait fondé par un certain Paul Sézille, mais qu’en fait ce dernier avait été le bras droit de son père qui, sentant, dès le début de 1944, que peut-être le Reich millénaire allait, heureusement, durer moins longtemps, s’est arrangé pour étancher la soif d’ambition de son second, ce que ce dernier aurait sûrement eu à justifier devant quelque tribunal s’il n’était pas mort prématurément de maladie en 1944. Et que donc le véritable instigateur de cet institut nauséabond était bien le père de Renée, René Girard, qui, de fait, ne fut pas du tout inquiété à la libération et a pu reprendre ses activités d’accessoiriste de cinéma avec une certaine fortune.

    Ce n’était pas facile de se dire que l’on est la fille d’un salaud selon l’expression, apparemment sincère, de Renée, elle avait essayé toute sa vie de se défaire de cet encombrant héritage, elle ne savait pas si elle y était parvenue, mais que voilà, elle avait de temps en temps le besoin, et le désir, de parler de ce genre de choses et qu’elle avait l’impression qu’avec moi, elle pourrait le faire. C’était quelque chose qu’elle sentait. Elle me disait par exemple qu’elle avait essayé la psychanalyse mais que cela ne l’avait pas suffisamment aidée. Que toute sa vie elle serait taraudée par cette idée qu’elle était la fille d’un salaud. Et une grande tristesse se lisait alors sur son visage.

    Mais Renée, Diketi est bien né en 1959 (je me sou-venais du poster avec ses dates de naissance et de décès à l’entrée de la commémoration) ? Oui. Vous vous êtes mariée en quelle année ? 1955, je crois. Et donc Rénée, vous vous demandez encore si vous vous êtes suffisamment départie de l’héritage de votre père, vous, une femme blanche, qui s’est mariée en France, en 1955 avec un Camerounais ? Je crois que vous pouvez être tout à fait rassurée sur ce point. Vous vous êtes très largement émancipée de cet héritage célinien et maurassien.

    J’ai promis à Renée que j’allais réfléchir à tout cela.

    La soirée s’est terminée tard dans une chaleur amicale merveilleuse, j’étais par ailleurs admiratif de ce qu’il n’était pas de trop d’appeler un véritable travail de deuil collectif qu’étaient en train de produire les proches de Diketi, soudés dans cette épreuve de la perte d’une figure centrale de leur famille. Je suis reparti en métropolitain avec les enfants et tandis que nous remontions vers la porte de Bagnolet où j’avais laissé la voiture, je pensais aux formes que pourraient prendre la collaboration avec Renée, un livre, un entretien audio phonique, un site internet, il me semblait cependant que le film documentaire serait le vecteur idéal pour ce qui semblait être, de la part de Renée, un désir de déposition .

    M’est alors venue cette idée étonnante, telle une ful-gurance, Diketi, mon ami Diketi, grand Noir, aux immenses dreadlocks , à la démarche chaloupée, au visage de grand guerrier de tribu, Diketi était le petit fils d’un abominable et zélé collaborateur, petit Français blanc minable. Cela n’avait pas de sens. Il était donc urgent de retrouver ce sens.

    Le film que je voudrais faire s’interroge à propos de ce qui n’a pas de sens.

    Philippe De Jonckheere, le Bouchet de la Lauze, le 18 août 2016.

    #qui_ca

  • Brother Yusef
    http://www.nova-cinema.org/prog/2016/154/nicolas-humbert-werner-penzel/article/brother-yusef

    Nicolas Humbert & Werner Penzel 2005, CH, video, vo st fr, 52’ « Brother Yusef » est le portrait de Yusef Lateef, saxophoniste renommé. Il vit loin des hommes et près des arbres. Une maison dans la neige. Le temps d’une visite, Humbert et Penzel effleurent l’âme de ce musicien sublime. Lateef a été l’ami de John Coltrane, a joué dans l’orchestre de Dizzie Gillespie, il se souvient, et puis veut oublier. Il écrit des poèmes et joue pour lui-même. Il cherche le calme et l’a peut-être trouvé. « I’ve seen the leaves waving at me. Sometimes I wave back. » •+ Null Sonne No (...) samedi 11 juin 2016 - 21h , Nicolas Humbert & Werner (...)

  • 637 GB de #jazz en free #download : on vous aide à vous y retrouver dans cette mine d’or
    http://www.goutemesdisques.com/news/article/637-gb-de-jazz-en-free-download-on-vous-aide-a-vous-y-retrouver-dan

    Via le très riche site archive.org, tous les enregistrements de #Niven sont désormais accessibles et #téléchargeables gratuitement. Chacune des 650 « #tapes » disponibles ici ont été #numérisées avec soin et constituent désormais une mine d’or pour les fans d’"early jazz". 1000 heures d’inédits, 637 GB que Niven laisse en héritage.

    Concrètement, chaque bande est soigneusement datée et disséquée titre après titre et la voix de Niven nous présente pour chacune d’elle le line-up complet.

    Au gré des découvertes, on peut entendre une émouvante version du Billie’s Blues de Billie Holiday (tape 6), une superbe interprétation de This is the Thing de Chet Baker de 1964 (tape 7), un enregistrement de 1971 de Thelonious Monk accompagné du génial batteur Art Blakey (tape 5) et un concert de Clifford Brown donné à Paris en 1953 où l’on retrouve Pierre Michelot, inoubliable bassiste d’Ascenceur pour l’échafaud (tape 3).

    Pas moins de 120 bandes consacrées à Duke Ellington nous apprennent également que Niven était certainement un grand admirateur du pianiste new-yorkais. Tout comme il vénérait (et on le comprend) Charlie Parker dont on retiendra cette tape 5 de 1950 à la qualité plus douteuse mais qui témoigne parfaitement de l’ambiance qui régnait à l’époque dans les boîtes de jazz.

    Toute l’histoire du jazz originel se déroule donc dans nos oreilles, du Dixie au Bop en passant par le Jazz New Orleans, le jazz vocal, le Swing et le jazz modal. Beaucoup de grands noms et de standards dans des versions inédites qui raviront les amateurs. On regrettera juste que Niven n’était sans doute pas très sensible à l’avant-garde car à l’époque sévissaient aussi non loin de chez lui Sonny Rollins, John Coltrane, Sun Ra ou Ornette Coleman... Mais c’est une autre histoire.

  • Tibo BRTZ : Ike’s Loops
    http://www.foxylounge.com/Tibo-BRTZ-Ike-s-Loops

    Le Ike’s Mood d’Isaac Hayes est un des morceaux les plus samplés par les rappeurs. Tibo « BRTZ », nous a sélectionné les meilleurs titres. Il y a quelques temps on avait publié une sélection de tracks #hip-hop qui samplaient John Coltrane, dans le même ordre d’idée, Tibo, du BRTZ Radio Show, a décidé de s’attaquer au morceaux piochant dans le célèbre Ike’s Mood d’Isaac Hayes. En résulte un mix en 34 mn, en 17 tracks aux sonorités variées qui vont de Quasimoto à C Murder, en passant par Kurupt et Slick Rick. (...)

    #Noze

    / #Playlists, #musiques, #soul, hip-hop, #boom_bap, #Interviews

    http://www.radiocampusparis.org/brtzradioshow

  • Big Daddy Trane
    http://www.foxylounge.com/Big-Daddy-Trane

    ❝Big Daddy Trane est une sélection fine de tracks #hip-hop contenants des samples de John Coltrane. On y trouvera, entre autre, du Aceyalone, du Juggaknots, du Nuthouse, du Fu-Schnickens, et encore du Pharcyde. Avec en prime, pour fêter les 20 ans de « Illmatic », une pochette en forme d’hommage à l’album culte de Nas. Appréciez ! Big Daddy Trane : John Coltrane in Hip-Hop Beats by Foxylounge on Mixcloud Listes des titres : John Coltrane - Venus (intro) Aceyalone - The Hunt Juggaknots - (...)

    / #musiques, #Playlists, #jazz, hip-hop, #boom_bap