person:louis-napoléon

  • 2 décembre 1851 : le coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte
    http://forumamislo.net/index.php?act=ephem&s=t

    Au petit matin, le président de la République Louis-Napoléon Bonaparte (élu en décembre #1848) organise un Coup d’Etat dans le but de restaurer l’empire. Les murs de Paris sont placardés d’affiches annonçant la dissolution de l’Assemblée et du Conseil. Les nouvelles dispositions prises par le prince-président, prévoient aussi de consulter le peuple par voie de référendum sur l’instauration d’une nouvelle Constitution. Le neveu de Napoléon Ier choisit d’agir le 2 décembre en souvenir du sacre de son oncle et de sa grandeur militaire le jour de la bataille. Tout comme son aïeul il deviendra empereur sous le nom de Napoléon III, le 2 décembre 1852
    Karl #Marx a consacré un ouvrage à l’analyse de la situation politique française de cette époque, Le #18brumaire de Louis Bonaparte. Nous présentons ici le début de ce texte où il explique comment la lutte de classes en France créa des circonstances étranges et une situation telles qu’elle permit à ce personnage médiocre et grotesque de faire figure de héros...

    [...]

    • Extrait de Marx, de Pierre Fougeyrollas :

      Le #coup_d’Etat du 2 décembre 1851 par lequel #Louis-Napoléon s’empare de la totalité du pouvoir, en France, en attendant de devenir, l’année suivante, l’empereur #Napoléon_III, donne à Marx l’occasion de produire son œuvre historique la plus éclatante. Alors que #Victor_Hugo, dans l’Histoire d’un crime, se livre seulement à une dénonciation indignée de l’auteur du coup d’Etat et de ses complices militaires et civils, Marx montre dans Le Dix-Huit Brumaire de Louis Bonaparte l’enchaînement historique implacable qui a conduit du massacre des prolétaires parisiens, durant les Journées de Juin 1848, à la dictature d’un aventurier, porteur d’un nom illustre qui lui a valu, comme président de la République, le ralliement des ruraux, c’est-à-dire de la masse des paysans propriétaires.

      Marx analyse le bonapartisme comme un phénomène historique dans lequel la bourgeoisie menacée par une crise fondamentale est conduite à céder le pouvoir politique à un homme et, à travers lui, à un appareil militaire et administratif afin de sauvegarder et de conforter son pouvoir économique sur la société. C’est ce qui s’était passé, en 1799, quand la bourgeoisie française, menacée politiquement par l’instabilité du régime du Directoire, avait fait appel au « sabre » du général Napoléon Bonaparte ; c’est ce qui venait de se passer à nouveau, en 1851, en raison de l’impuissance de la #Seconde_République à donner une base stable à une bourgeoisie avide de profits et avant-tout soucieuse d’ordre. Par ailleurs, Louis-Napoléon qui avait naguère commis une brochure sur L’extinction du paupérisme, ajoutait à l’arsenal de son oncle une démagogie sociale dont le but était de « geler » la #lutte_des_classes en intégrant les organisations ouvrières à l’appareil de l’Etat. A la différence de #Proudhon qui se résigne au #Second_Empire dans l’espoir que le prolétariat en tirera des avantages sociaux, Marx, soucieux à l’extrême de l’indépendance de classe du mouvement ouvrier, dénonce, dès l’origine, le régime bonapartiste comme une entreprise d’asservissement de ce dernier. Durant tout le règne de Napoléon III, il ne cessera pas de combattre non seulement sa politique intérieure, mais encore sa politique étrangère, et de dénoncer le caractère aventuriste et belliqueux de ce qu’il appelle le « #Bas-Empire ».

      #marxisme #karl_marx #lutte_de_classe

  • Affaire Mohamed Merah : de l’importance de la lecture de Michel Foucault

    "L’utilisation politique des délinquants - sous la forme de mouchards, d’indicateurs, de provocateurs - était un fait acquis bien avant le XIXe siècle . Mais après la Révolution, cette pratique a acquis de tout autres dimensions : le noyautage des partis politiques et des associations ouvrières, le recrutement d’hommes de main contre les grévistes et les émeutiers, l’organisation d’une sous-police - travaillant en relation directe avec la police légale et susceptible à la limite de devenir une sorte d’armée parallèle -, tout un fonctionnement extra-légal du pouvoir a été pour une part assuré par la masse de manoeuvre constituée par les délinquants : police clandestine et armée de réserve du pouvoir. Il semble qu’en France, ce soit autour de la Révolution de 1848 et de la prise de pouvoir de Louis-Napoléon que ces pratiques aient atteint leur plein épanouissement . On peut dire que la délinquance, solidifiée par un système pénal centré sur la prison, représente un détournement d’illégalisme pour les circuits de profit et de pouvoir illicites de la classe dominante. L’organisation d’un illégalisme isolé et refermé sur la délinquance n’aurait pas été possible sans le développement des contrôles policiers. Surveillance générale de la population, vigilance « muette, mystérieuse, inaperçue... c’est l’oeil du gouvernement incessamment ouvert et veillant indistinctement sur tous les citoyens, sans pour cela les soumettre à aucune mesure de coercition quelconque... Elle n’a pas besoin d’être écrite dans la loi . » Surveillance particulière et prévue par le Code de 1810 des criminels libérés et de tous ceux qui, déjà passés par la justice pour des faits graves, sont légalement présumés devoir attenter de nouveau au repos de la société. Mais surveillance aussi de milieux et de groupes considérés comme dangereux par des mouchards ou des indicateurs dont presque tous sont d’anciens délinquants, contrôlés à ce titre par la police : la délinquance, objet parmi d’autres de la surveillance policière, en est un des instruments privilégiés. Toutes ces surveillances supposent l’organisation d’une hiérarchie en partie officielle, en partie secrète (c’était essentiellement dans la police parisienne le « service de sûreté » qui comprenait outre les « agents ostensibles » — inspecteurs et brigadiers — les « agents secrets » et des indicateurs qui sont mus par la crainte du châtiment ou l’appât d’une récompense ). Ils supposent aussi l’aménagement d’un système documentaire dont le repérage et l’identification des criminels constituent le centre : signalement obligatoire joint aux ordonnances de prise de corps et aux arrêts des cours d’assises, signalement porté sur les registres d’écrou des prisons, copie de registres de cours d’assises et de tribunaux correctionnels adressée tous les trois mois aux ministères de la Justice et de la Police générale, organisation un peu plus tard au ministère de l’Intérieur d’un « sommier » avec répertoire alphabétique qui récapitule ces registres, utilisation vers 1833 selon la méthode des « naturalistes, des bibliothécaires, des négociants, des gens d’affaires » d’un système de fiches ou bulletins individuels, qui permet d’intégrer facilement des données nouvelles, et en même temps, avec le nom de l’individu recherché, tous les renseignements qui pourraient s’y appliquer. La délinquance, avec les agents occultes qu’elle procure mais aussi avec le quadrillage généralisé qu’elle autorise, constitue un moyen de surveillance perpétuelle sur la population : un appareil qui permet de contrôler, à travers les délinquants eux-mêmes, tout le champ social. La délinquance fonctionne comme un observatoire politique. Les statisticiens et les sociologues en ont fait usage à leur tour, bien après les policiers. Mais cette surveillance n’a pu fonctionner que couplée avec la prison. Parce que celle-ci facilite un contrôle des individus quand ils sont libérés, parce qu’elle permet le recrutement d’indicateurs, et qu’elle multiplie les dénonciations mutuelles, parce qu’elle met des infracteurs en contact les uns avec les autres, elle précipite l’organisation d’un milieu délinquant clos sur lui-même, mais qu’il est facile de contrôler : et tous les effets de désinsertion qu’elle entraîne (chômage, interdictions de séjour, résidences forcées, mises à la disposition) ouvrent largement la possibilité d’imposer aux anciens détenus les tâches qu’on leur assigne. Prison et police forment un dispositif jumelé ; à elles deux elles assurent dans tout le champ des illégalismes la différenciation, l’isolement et l’utilisation d’une délinquance. Dans les illégalismes, le système police-prison découpe une délinquance maniable. Celle-ci, avec sa spécificité, est un effet du système ; mais elle en devient aussi un rouage et un instrument. De sorte qu’il faudrait parler d’un ensemble dont les trois termes (police-prison-délinquance) prennent appui les uns sur les autres et forment un circuit qui n’est jamais interrompu. La surveillance policière fournit à la prison les infracteurs que celle-ci transforme en délinquants, cibles et auxiliaires des contrôles policiers qui renvoient régulièrement certains d’entre eux à la prison. Il n’y a pas une justice pénale destinée à poursuivre toutes les pratiques illégales et qui, pour ce faire, utiliserait la police comme auxiliaire, et comme instrument punitif la prison, quitte à laisser dans le sillage de son action le résidu inassimilable de la « délinquance ». Il faut voir dans cette justice un instrument pour le contrôle différentiel des illégalismes. Par rapport à lui, la justice criminelle joue le rôle de caution légale et de principe de transmission. Elle est un relais dans une économie générale des illégalismes, dont les autres pièces sont (non pas au-dessous d’elle, mais à côté d’elle) la police, la prison et la délinquance. Le débordement de la justice par la police, la force d’inertie que l’institution carcérale oppose à la justice, cela n’est pas chose nouvelle, ni l’effet d’une sclérose ou d’un progressif déplacement du pouvoir ; c’est un trait de structure qui marque les mécanismes punitifs dans les sociétés modernes. Les magistrats ont beau dire ; la justice pénale avec tout son appareil de spectacle est faite pour répondre à la demande quotidienne d’un appareil de contrôle à demi plongé dans l’ombre qui vise à engrener l’une sur l’autre police et délinquance. Les juges en sont les employés à peine rétifs. Ils aident dans la mesure de leurs moyens à la constitution de la délinquance, c’est-à-dire à la différenciation des illégalismes, au contrôle, à la colonisation et à l’utilisation de certains d’entre eux par l’illégalisme de la classe dominante." ( Michel Foucault , Surveiller et punir )