La crise qui vient
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Dans ce texte, Marcel Roelandts souligne la très forte corrélation entre l’évolution du taux de profit et les crises économiques. Soutenant que ce taux restitue à la fois les conditions de production et de réalisation de la valeur, il plaide pour une vision multifactorielle des crises. Sur cette base, l’auteur examine les éléments structurels et conjoncturels de la crise à venir et discute de ses voies de sortie.(...)
Et demain ?
Comment le capitalisme pourra-t-il alors subsister dans ces conditions et comment pourra-t-il se sortir de cette nouvelle crise qui s’annonce encore plus grave que la précédente ? En s’appuyant sur le constat que, depuis les années 1980, il a pu sortir de chacune de ses crises en augmentant le degré d’exploitation des salariés, trois possibilités s’offrent à lui :
– La première consistera à mobiliser tous les moyens classiquement à sa disposition. Les dernières mesures prises par la BCE (Banque Centrale Européenne) rentrent dans ce cadre. Cependant, force est de constater qu’ils ont déjà très fortement été utilisés et que leur efficacité a progressivement décru au cours du temps jusqu’à s’être révélés à peu près nulle depuis 2009. Ainsi, ne dispose-t-il quasiment plus de l’arme des taux d’intérêt pour relancer la machine puisqu’ils sont déjà au plus bas et que leur diminution depuis 2007 n’a pas eu les effets escomptés. De même, compte tenu des niveaux atteints par l’endettement de tous les acteurs, mener des politiques de relance par ce moyen paraît peu probable ou sont par avance condamnées à l’échec, etc. Peu de latitude de ce côté-là donc.
– La seconde consisterait, via une guerre ou une crise dévastatrice, à mener une politique de dévalorisation massive du capital (tant fictif que productif) et de la main-d’œuvre afin de rétablir les conditions d’un nouveau cycle d’accumulation. Jusqu’à présent, une telle éventualité a été écartée pour deux raisons. La première c’est qu’elle lèserait inévitablement des fractions entières du capital. Ainsi, jusqu’à présent, les politiques menées ont consisté à préserver le capital productif et financier de toute faillite ou dévalorisation massive. Cela s’est fait de deux manières : d’une part, par le sauvetage d’institutions financières et d’entreprises68 en banqueroute via un transfert de leurs dettes privées vers les dettes publiques et, à travers les mesures d’austérité, par une ponction sur la plus-value ; d’autre part par l’injection massive de liquidités. La seconde, c’est qu’une telle dévalorisation d’ampleur pour des centaines de millions de salariés contient un risque social et politique non négligeable. En effet, malgré une combativité émoussée par le poids du chômage, les salariés conservent encore leur potentiel de contestation, d’autant plus qu’ils n’ont pas connu de défaite majeure dans des combats d’ampleur pour résister à la dégradation de leurs conditions de vie. Autrement dit, mener une telle politique d’attaques massives contre les salaires comporterait des risques encore jugés trop élevés jusqu’à présent.
– La troisième, et la plus probable, consistera à rétablir le taux de profit, qui est conjoncturellement à la baisse depuis 2013, ainsi qu’à préserver le capital productif et le secteur financier de toute dévalorisation massive de leurs actifs. Cette politique sera assumée par l’Etat qui la fera payer ensuite à la population via une nouvelle augmentation du taux d’exploitation imposé aux salariés. Cette politique, jugée socialement et politiquement la moins risquée, n’est cependant aucunement amenée à réussir comme l’a démontré la quasi-stagnation de la croissance qui s’est installée depuis 2009.
Rien dans la situation présente ne permet donc d’entrevoir une issue favorable aux contradictions du capitalisme. A terme, celui-ci nous conduit dans le mur. Mais si les crises n’engendrent pas automatiquement une remise en cause de ce système, son renversement ne se fera pas sans crise. Le seul véritable espoir serait alors qu’à la faveur de l’austérité accrue les salariés commencent à contester la logique capitaliste dominante et le pouvoir de la bourgeoisie, premiers pas vers la disparition de ce système qui nous mène à la ruine.