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  • Avant les Gilets jaunes, voici comment Facebook a changé les conditions de la démocratie

    Tunisie, États-Unis, Venezuela… #Facebook a changé les règles de la démocratie bien avant les Gilets jaunes en France.

    L’essor du mouvement des Gilets jaunes est un exemple de plus de l’influence de Facebook dans la sphère politique. Depuis près de dix ans, le premier réseau social au monde offre un « terrain fertile » aux militants et aux colères en tout genre, remarque Fabrice Epelboin, enseignant à Sciences-Po et spécialiste des médias sociaux. Utilisé comme outil de communication, d’organisation voire de manipulation dans les cas les plus controversés, Facebook s’invite dans les scrutins ou mouvements sociaux ces dernières années.

    . La #Tunisie et les #révolutions_arabes

    C’est en Tunisie, en 2011, qu’il joue pour la première fois un rôle déterminant. Parce qu’il permet de libérer la parole et de contourner la censure, de publier des photos et des vidéos de la répression et d’organiser la mobilisation, Facebook prend une place centrale. Il permet « la naissance d’une nouvelle forme de contestation sociale », souligne Fabrice Epelboin.

    La colère des Tunisiens, qui a éclaté après l’immolation par le feu du jeune marchand de fruits et légumes Mohamed Bouazizi, prend alors « une trajectoire exponentielle » qui aboutira au départ du président Ben Ali. Cette « révolution Facebook » en inspirera d’autres dans le monde arabe, notamment en Égypte, où le réseau social a aussi été déterminant.

    2. #Occupy_Wall_Street et les citoyens

    Quelques mois plus tard, Facebook joue un rôle de catalyseur dans le mouvement Occupy Wall Street, lancé à New York pour dénoncer les abus du capitalisme financier. Des pages locales se créent dans la plupart des grandes villes américaines et aident le mouvement à se répandre à travers les États-Unis.

    Facebook permet aux « 99% », comme ils se surnomment, de recruter des activistes et de partager des informations. Sur le même modèle, le mouvement des Indignés, lancé en Espagne en mai 2011, s’était aussi appuyé sur Facebook pour grandir, tout comme la « révolution des parapluies » à Hongkong en 2014 ou plus récemment, Nuit debout en France en 2016.

    3. L’élection américaine et ses polémiques

    Mais la force de frappe de Facebook lui vaut également son lot de polémiques. Pendant la campagne présidentielle américaine de 2016, le réseau social sert de caisse de résonance aux fausses informations qui visent Hillary Clinton et le camp démocrate.

    Par ailleurs, l’équipe de Donald Trump s’appuie sur les services de la société britannique Cambridge Analytica, qui exploite les données privées de dizaines de millions d’usagers du réseau à leur insu pour cibler précisément les attentes de son électorat. Un scandale planétaire qui poursuit encore Facebook. Lundi, son PDG, Mark Zuckerberg, a promis que des mesures contre les ingérences seraient mises en place en vue des élections européennes.

    4. Au #Brésil, #Bolsonaro et sa campagne 2.0

    Fin 2018, le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro utilise également Facebook pour faire campagne durant la présidentielle brésilienne. Poignardé à l’abdomen par un opposant à quelques semaines du scrutin, il multiplie les vidéos en direct pendant sa convalescence et court-circuite ainsi les canaux médiatiques traditionnels.

    Dans un pays réputé pour son « appétence pour les réseaux sociaux », selon Fabrice Epelboin, il utilise également WhatsApp, la messagerie qui appartient à Facebook, pour diffuser sa rhétorique sécuritaire et nationaliste auprès des 120 millions d’utilisateurs brésiliens. Une campagne 2.0 qui lui permet d’être largement élu fin octobre.

    5. Le #Venezuela et la parole de l’opposition

    Ces derniers jours, la crise au ­Venezuela a mis en lumière l’usage politique des réseaux sociaux par l’opposition. Facebook, comme Twitter et Instagram, permet en effet à Juan Guaidó – qui s’est autoproclamé président le 23 janvier – et à ses partisans de contourner la censure imposée par le régime aux télévisions et aux radios.

    De quoi excéder Nicolás Maduro, qui dénonçait en octobre 2017 la « dictature » des réseaux sociaux. L’observatoire de l’Internet NetBlocks a d’ailleurs signalé que Facebook, comme d’autres plateformes, avait été coupé de « façon intermittente » ces derniers jours.

    https://www.lejdd.fr/Medias/Internet/avant-les-gilets-jaunes-voici-comment-facebook-a-change-les-conditions-de-la-d
    #réseaux_sociaux #démocratie #résistance #révoltes #USA #printemps_arabes #Etats-Unis #gilets_jaunes

  • Tunisie. La révolution à venir devra être sociale | Thierry Brésillon
    https://orientxxi.info/magazine/tunisie-la-revolution-a-venir-devra-etre-sociale,2821

    Huit ans après l’immolation de Mohamed Bouazizi et le début du soulèvement populaire parti des zones marginalisées du territoire, la question sociale semble toujours attendre sa réponse. La classe politique a-t-elle raté l’occasion de sortir la Tunisie du piège de l’extraversion, à l’origine des disparités régionales ? Le 17 décembre 2010, quand Mohamed Bouazizi s’immolait devant le gouvernorat de Sidi Bouzid, sa protestation n’était pas seulement le résultat ponctuel d’une rupture du pacte moral implicite (...) Source : Orient XXI

  • En Tunisie, l’exil sans fin d’une jeunesse naufragée - Libération
    http://www.liberation.fr/planete/2018/06/04/en-tunisie-l-exil-sans-fin-d-une-jeunesse-naufragee_1656619

    De la région minière de Metlaoui aux îles Kerkennah, d’où ils partent pour Lampedusa, « Libération » a suivi la route qu’empruntent les jeunes Tunisiens sans avenir, celle qu’avaient prise les passagers du bateau qui a sombré samedi en Méditerranée. Sept ans après la révolution, si la dictature a disparu, les espoirs de vie meilleure se sont fracassés, grossissant les rangs des candidats au départ.

    Des dizaines de cadavres ont été engloutis par la #Méditerranée après le naufrage, samedi soir, d’une embarcation au large de l’archipel des Kerkennah. A son bord, entre 180 et 200 personnes, selon les estimations des survivants. Soixante-huit émigrants ont été secourus par la marine tunisienne, et 48 corps sans vie ont été repêchés. Les recherches ont repris lundi avec l’aide de neuf unités navales, un hélicoptère et des plongeurs.Les passagers étaient presque tous tunisiens.

    Sept ans après la révolution, les jeunes fuient leur pays. Depuis le début de l’année, 2 780 Tunisiens ont choisi l’exil clandestin en Italie, selon l’Office international des migrations. Libération a suivi leur parcours entre le bassin minier de #Gafsa et les îles des pêcheurs de #Kerkennah. La route s’étire sur 300 kilomètres, en comptant le crochet par Sidi Bouzid. L’itinéraire barre horizontalement la Tunisie, passant des terres contestataires des « zones intérieures » à la riche cité côtière de Sfax. C’est celui qu’empruntent les chômeurs pour monter dans des bateaux qui rejoignent l’île italienne de #Lampedusa, porte d’entrée de l’Europe.

    A Metlaoui : « Ici, c’est le phosphate ou Lampedusa »

    La terre ne donne rien de végétal, à #Metlaoui. Même les oliviers ont renoncé à s’y accrocher : le sol semble mort, brûlé par un soleil trop grand et un ciel trop bleu. Les hommes, comme les plantes, n’ont pas grand-chose à faire ici. Ils sont pourtant venus fouiller le sol, et ils ont trouvé dans les replis des montagnes nues qui découpent l’horizon de la ville la plus grande richesse du pays, le phosphate. Autour de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), a poussé la ville minière, à la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui encore, la société étatique gratte chaque année 5 millions de tonnes de cette roche utilisée dans la composition des engrais.

    A la sortie ouest de Metlaoui, en direction de la frontière algérienne, un café sans nom jouxte un garage. Un auvent fournit de l’ombre. Mais en milieu d’après-midi, c’est à l’intérieur de la vaste pièce blanche aux murs nus qu’il fait le plus frais. Au fond de la salle sans fenêtre, cinq hommes attendent sur des chaises en plastique. Ce sont les seuls clients. Les aînés ont des moustaches, les jeunes du gel dans les cheveux. Le plus âgé, Mohamed Atrache, est un employé de la CPG à la retraite. Comme son père, et son grand-père avant lui, embauché en 1917. Quand son fils a été pris à son tour, en janvier, il a pleuré de joie. « Il avait tenté de passer en Europe, explique-t-il. A trois reprises. La première fois, le bateau est tombé en panne. La seconde, il a été arrêté par la police. La troisième, le temps était trop mauvais. »

    « A Metlaoui, le phosphate est le rêve de tous les jeunes. C’est ça ou Lampedusa », résume Ahmed Jedidi, 26 ans, titulaire d’un master de civilisation française. Il y a beaucoup de diplômés comme lui, à Metlaoui. Ahmed a été brièvement arrêté, en 2016, pour avoir pris la tête du mouvement des jeunes chômeurs qui avaient bloqué l’activité de la CPG pour exiger des embauches. La crise a duré deux mois et demi. Pourtant, la CPG recrute. Vorace, elle saute d’un gisement à l’autre, fourrageant dans les montagnes pour expédier ses wagons de cailloux noirs vers la côte. Elle a besoin de bras et de cervelles quand elle découvre un nouveau filon. La société organise alors des concours. En 2016, elle a recruté 1 700 techniciens. L’an dernier, 1 700 ouvriers non-qualifiés. C’est un pacte tacite : la compagnie doit nourrir la ville, sans quoi la ville mord la compagnie. Au total, depuis la révolution de décembre 2010, le nombre d’employés a été multiplié par trois, alors que sa production s’est effondrée. La CPG est devenue une soupape sociale pour éviter l’explosion de cette région contestataire.

    Khams Fajraoui, 21 ans, a échoué au concours de janvier. Il est le seul à rester muet autour de la table du café, il ne parle pas le français. Il a une crête sur la tête, des chaussettes dans des claquettes, et un regard fixe. Il est le benjamin d’une famille de cinq frères et sœurs, tous au chômage. Son père est décédé il y a cinq ans. Il fait les moissons, là où le blé pousse, plus au nord. Hors saison, il gagne 10 à 15 dinars (3 à 5 euros) trois fois par semaine en chargeant et déchargeant les camions du souk de Metlaoui. Il ne partira pas en Europe car « ses oncles et ses tantes lui ont demandé de rester ». Il veut un travail, « n’importe lequel ».

    « Ma femme ne m’a rien dit quand il est parti »

    Saïd Bkhairya avait aussi défendu à son fils d’émigrer. Un jour, en son absence, Koubaib, 17 ans, est parti quand même. Il faut passer sous l’ancien tapis roulant qui acheminait le phosphate vers la ville pour arriver chez Saïd. Ce cordon ombilical qui relie la mine à Metlaoui est comme une guirlande de tôle suspendue au-dessus de son quartier. Dans la cour de sa maison fatiguée, il a planté un citronnier. Black, le chien de Koubaib, est attaché derrière le poulailler. « Ma femme ne m’a rien dit quand il est parti. Elle avait peur de ma réaction », dit Saïd. Elle est assise à côté de lui sur le canapé. La mère a dans la main le smartphone qu’elle a acheté pour communiquer avec Koubaib sur Skype. Sa vue est mauvaise, elle doit approcher le visage tout près de l’écran pour appeler son fils. La conversation dure quelques secondes, deux ou trois phrases. « Il est fatigué, il couche dehors, explique-t-elle. Il ne fait rien, il demande de l’argent. »

    Saïd a déjà deux crédits à rembourser. Il envoie irrégulièrement des petites sommes à Koubaib, qui vivrait à Mestre, près de Venise. « Je m’en fous. Dès que j’aurai amassé assez, moi aussi, un jour, je partirai », assure Wael Osaifi, un cousin de Koubaib, après que son oncle a quitté la pièce. Il a été blessé il y a cinq ans dans un accident de voiture au terme d’une course-poursuite avec la police. Wael passait de l’essence de contrebande depuis l’Algérie. « Il y a un type qui organise les départs, il est très discret. C’est une mafia. Les prix ont augmenté. C’était 3 000 dinars, maintenant c’est 5 000 [environ 1 630 euros]. J’ai des amis en Italie, certains travaillent, certains trafiquent. » A Metlaoui, il boit parfois des bières avec des amis dans une maison abandonnée. « On n’a rien d’autre à faire. Les prix sont devenus invivables. Avec Ben Ali [le dictateur renversé par la révolution, ndlr], on avait une meilleure vie, lâche-t-il. Le paquet de cigarettes Royale valait 3,5 dinars, aujourd’hui c’est 5,5 dinars… » Koubaib a quitté Metaloui il y a dix mois, en même temps qu’un groupe de 18 jeunes de la ville. « Pour certaines familles, c’est un investissement », regrette Saïd. Sur les photos que le fils envoie depuis l’Italie, il a l’air très jeune. Il ressemble beaucoup à son petit frère, qui sert le jus de mangue aux invités. Sur les images plus anciennes, Koubaib pose souvent avec son chien. Dehors, Black aboie de temps en temps depuis qu’il est parti.

    A Gafsa : « Un travail légal, c’est une question de dignité »

    Leur énergie a quelque chose de déconcertant dans une ville comme Gafsa. On ne devine pas, en passant devant cette rue morne de la « capitale » régionale, qui affiche un taux de chômage à 26 % (plus de 40 % pour les jeunes diplômés), qu’un tel tourbillon d’activité agite le second étage de cet immeuble de la cité Ennour. Sirine, Nejma, Abir et Khora, une Française en stage, font visiter le local de leur association, Mashhed. Elles ont entre 19 ans et 23 ans. « Les séminaires ou les concours de jeunes talents, ce n’est pas notre truc, annonce Sirine, longs cheveux noirs et chemise rayée. Notre finalité, c’est la transformation sociale. On ne fait pas de l’art pour l’art. On ne veut pas non plus "sensibiliser". On fait, c’est tout ! Des poubelles dans la rue, des projections de cinéma, des lectures, des journaux, des festivals, du montage, des jeux, des manifestations… »

    Chacune a une clé du local. Elles passent à Mashhed le plus clair de leur temps. S’y engueulent, s’y échappent, s’y construisent. L’association compte 70 membres actifs et 300 adhérents. Les garçons sont les bienvenus, mais ce sont de toute évidence les filles qui mènent la danse. Les filles, elles, n’embarquent pas pour l’Europe.

    Sirine : « Mon petit frère a voulu partir, ça a choqué mes parents, on a essayé de lui faire entendre raison. »

    Abir : « C’est la faute d’un manque de communication dans les familles. Les gars ne trouvent personne avec qui partager leurs soucis. »

    Najla : « La France, ce n’est pourtant pas le paradis ! La fuite, c’est débile. Moi, je pense qu’on peut faire en sorte d’être heureux là où on est. C’est dans la tête, le bonheur. »

    Abir : « Ce n’est pas que dans la tête ! Il n’y a pas de travail. Tu sais combien c’est, un salaire de serveur, aujourd’hui ? »

    Khora : « Justement, je ne pige pas comment vous faites pour sortir et faire des festins tout le temps, alors que vous êtes au chômage ! Moi, quand je suis chômeuse, je reste chez moi à manger des pâtes. »

    Najla (en riant) : « C’est la solidarité arabe. Toi, tu ne connais pas ça ! »

    La nuit tombe vite sur Gafsa. A 22 heures, la ville s’éteint presque complètement. A la terrasse du café Ali Baba, désert, deux hommes fument dans le noir. Le gérant de l’établissement et son ami. Ils parlent de la révolution. Quand on leur demande leur avis sur la chose, Abdeslam, 28 ans, demande s’il peut répondre en anglais. « Notre déception est immense, parce que l’espoir qu’avait suscité la chute de Ben Ali était immense, explique-t-il. On ne sait pas qu’un café est amer tant qu’on n’a pas goûté un café sucré. Maintenant, on sait. »

    Il a voulu étudier le droit, s’est inscrit à l’université de #Sousse, sur la côte. Mais n’a jamais achevé sa formation, bouffé par les petits boulots qu’il effectuait pour payer ses études. Aujourd’hui, il travaille de temps en temps sur un chantier de bâtiment. « Des docteurs qui construisent des immeubles, c’est ça, la Tunisie », poursuit-il. Au fil de la discussion, le débit d’Abdeslam s’accélère. Son ami s’est levé pour ranger les tables. « Je ne veux pas partir sur la mer, je m’y refuse et puis j’ai peur. Je veux une vie adaptée, c’est tout. Je me fiche d’avoir une belle maison et une grosse voiture. Un travail légal, c’est tout ce que je demande, c’est une question de dignité. » Sa voix tremble dans le noir. Les cigarettes s’enchaînent.

    On ne pose plus de questions depuis longtemps, mais la détresse pousse Abdeslam à parler encore, de plus en plus vite. « A l’école, j’étais bon en philosophie. Je lis encore Kant, Spinoza, Heidegger, Sartre… Pourtant, cette société me méprise. Gafsa enrichit l’Etat, mais l’Etat nous crache dessus », conclut-il. Sa vieille mobylette est garée toute seule dans la rue vide. Il l’enfourche, plié en deux, pour aller dormir chez ses parents. Le gérant a fini de balayer, il tire le rideau de fer.

    A Bir el Haffey : « Aujourd’hui, le tourisme s’est effondré »

    Sur la route qui relie Gafsa à Sidi Bouzid, les voyageurs imaginent souvent être témoins d’un mirage. Au bord de la chaussée, des fourrures brillent au soleil, exposées dans toute leur splendeur. Du castor, du poulain, de l’ours, du lapin, du léopard… Cette panoplie appartient à un commerçant, d’un naturel méfiant. « Depuis la révolution, il y a des espions de la CIA et du Mossad partout, croit-il savoir. Il y a quinze ans, je cherchais des tours de cou, on m’a refilé un grand sac avec des manteaux à poils. J’ai commencé comme ça », dit-il pour justifier son activité insolite. Qui peut bien acheter ces fourrures à l’orée du Sahara ? « Détrompez-vous, les gens s’arrêtent. Avant, j’avais des Canadiens, des Allemands, les guides me les ramenaient. Aujourd’hui, le tourisme s’est effondré. J’ai tout de même de temps en temps des Algériens ou des Libyens. »

    A Sidi Bouzid : « Ils font ça juste pour avoir l’air beau »

    Dans son bureau, flotte un mélange de sueur et de parfum. Zeinobi Khouloud, 28 ans, gère une salle de sport, l’une des rares activités offertes aux jeunes de Sidi Bouzid. Derrière elle, des gants de boxe et des boîtes de protéines sont exposés sur l’étagère. Son père a ouvert le club, Abidal’s Gym, il y a deux ans, au rez-de-chaussée d’un immeuble dont les étages supérieurs ne sont pas terminés. La famille est rentrée d’Arabie Saoudite après la révolution, mais s’est à nouveau éparpillée pour faire des affaires. Zeinobi, elle, est restée dans la petite ville du centre de la Tunisie, connue dans le monde entier depuis qu’un vendeur de légumes du nom de Mohamed Bouazizi s’y est immolé, le 17 décembre 2010, pour protester contre la confiscation de sa charrette par la police. Son geste désespéré a été le point de départ d’une révolution qui a emporté le dictateur Ben Ali, avant de déborder dans tout le monde arabe.

    Sept ans plus tard, le visage géant de Bouazizi s’affiche en noir et blanc sur la façade d’un bâtiment municipal. Sa charrette emblématique a maladroitement été statufiée sur un terre-plein central. Mais même ici, les jeunes disent être déçus par les fruits du printemps tunisien. « Le chômage est toujours là, les jeunes n’ont rien à faire, c’est pour ça qu’ils viennent ici, décrit Zeinobi. Leurs parents les poussent à venir à la salle pour qu’ils ne traînent pas dans la rue toute la journée. Ils oublient leurs problèmes en faisant du sport. » Dans la salle, on croise des adolescents à lunettes avec des muscles de personnages de jeu vidéo. La plupart ont les cheveux rasés sur les côtés. Abidal’s Gym propose des cours de taekwondo, de muay-thaï, d’aérobic, de kick-boxing, mais ce sont avant tout les appareils de musculation, « importés d’Espagne », qui attirent les jeunes à 30 kilomètres à la ronde. « Ils font ça juste pour avoir l’air beau », se moque Zeinobi. Parmi les 900 clients, quelques femmes, « surtout l’été », précise-t-elle. « Les femmes ont beaucoup de responsabilité dans notre région, elles n’ont pas de temps libre. »

    Sur la route de Regueb : « 3 euros le kilo avant, 8 maintenant »

    La route est encadrée par les figuiers de barbarie de trois mètres de haut, dans lesquels viennent se ficher de loin en loin des sacs en plastique échappés des décharges à ciel ouvert.

    Dans un champ, un âne détale après avoir arraché le piquet qui le retenait prisonnier. Il s’éloigne en direction des collines pelées comme les bosses d’un chameau. Ce sont les derniers reliefs à franchir avant de basculer définitivement dans la plaine de Sfax, à l’est du pays. Sur leurs flancs, des restes de minuscules terrasses en pierre sèche, que plus personne n’est assez fou ou courageux pour cultiver désormais. Il reste uniquement des bergers dans cette vallée. Les plus vieux sont toujours bien habillés, en pantalons de ville et en vestes sobres. Leur mouton, au goût particulier, est réputé dans toute la Tunisie. Mais son prix a augmenté, passant de « 3 euros le kilo avant la révolution à 8 euros maintenant », reconnaît un vendeur de viande grillée installé au bord de la route. La raison en est simple : le prix des aliments pour le bétail a flambé depuis 2011, explique-t-il.

    A Regueb : « Notre seul loisir : aller au café »

    Nabil, 35 ans, mâchouille l’embout en plastique de sa chicha. Il recrache la fumée entre ses dents jaunies en fixant une partie de billard : « C’est tranquille, Regueb. Trop tranquille. Notre seul loisir, c’est d’aller au café. » Son ami Aymen, 25 ans, a ouvert cette salle de jeu il y a deux ans. En plus de la table de billard, il a installé neuf ordinateurs, deux PlayStation, un baby-foot. Investissement total : 2 600 euros. L’affaire ne marche pas : « Les jeunes jouent sur leurs téléphones. » Aymen va revendre, ou fermer. L’an prochain, de toute manière, il doit effectuer son service militaire.

    « Je voulais créer une petite unité de fabrication d’aliments pour le bétail, mais il fallait des papiers, et pour avoir ces papiers, on me demandait de l’argent, ressasse Nabil. L’administration est corrompue, j’ai dû renoncer. » Il vit chez ses parents, avec sa femme. Lui a pu se marier, mais « c’est rare, parce que c’est compliqué, sans travail », avoue-t-il.

    A Sfax : « Ici, les gens respectent le travail »

    Les industries de #Sfax signalent la ville de loin. La deuxième ville du pays est aussi son poumon économique. Les arbres d’ornementation sont étrangement taillés au carré, les rues sont propres, l’activité commerciale incessante dans la journée. La richesse des Sfaxiens est proverbiale, en Tunisie. Pourtant, Mounir Kachlouf, 50 ans, avoue qu’on s’y ennuie aussi. « Où tu vas sortir, ici ? Même moi, le week-end, je vais à Sousse ou à Hammamet ! » Il est le gérant du café-restaurant Mc Doner, installé le long de la petite promenade de Sfax, qui se vide de ses promeneurs au crépuscule. « Depuis 2002, on nous promet un port de plaisance, une zone touristique, mais on ne voit rien venir », dit-il. Le patron a même une théorie sur les raisons de cet échec : « Les Sfaxiens ont de l’argent. La Tunisie a besoin qu’ils le dépensent ailleurs pour faire tourner l’économie. S’ils développaient Sfax, les gens n’auraient plus besoin de sortir ! »

    Un groupe de six jeunes femmes pressées longe la corniche, valises à roulettes sur les talons. Elles rentrent de vacances. Le lendemain, elles reprendront toutes le travail. L’une est « technicienne d’esthétique et coach personnel », les autres sont vendeuses de tissu de haute couture dans une boutique de la médina. « Nous, les Sfaxiens, on est comme les Chinois, on travaille tout le temps, surtout les femmes, s’amuse Yorshelly. C’est bien pour l’économie, mais ça rend la ville fatigante, polluée, embouteillée. Il y a du travail ici, enfin, surtout pour les non-diplômés. » Aucune d’entre elles n’est mariée. « Il y a un gros problème de "racisme" chez les familles sfaxiennes, glisse Marwa. Les parents veulent que l’on épouse un Sfaxien. Nous, honnêtement, on s’en fiche. »

    Un homme a tendu l’oreille, inquiet qu’on dise du mal de sa ville dans un journal français. Il insiste pour témoigner lui aussi. « Je m’appelle Mahdi, j’ai 31 ans, je suis électricien, j’aime mon pays, je vis à Sfax car ici, les gens respectent le travail, dit-il, énervé. Les jeunes veulent de l’argent facile. Je les vois rester au café toute la journée. Je leur dis : "Venez bosser avec moi, il y a de quoi faire." Mais ils préfèrent être assis à boire et fumer ! »

    A Kerkennah : « La traversée est 100 % garantie »

    C’est l’île des départs. D’ici, près de 2 700 Tunisiens ont pris la mer depuis le début de l’année pour gagner Lampedusa, à 140 kilomètres en direction du Nord-Est. En 2017, ils étaient plus de 6 000. En 2018, ils représentent le plus important contingent de migrants arrivés en Italie, devant les Erythréens et les Nigérians. La traversée dure une nuit. Contrairement à une idée reçue, les émigrants ne montent pas sur des canots pneumatiques ou des barques vermoulues, comme en Libye voisine. A Kerkennah, les #passeurs comme les passés sont tunisiens. Un lien social les attache malgré tout, on ne risque pas des vies de compatriotes à la légère. « La traversée est 100 % garantie, c’est comme un aéroport », décrivait Ahmed Souissi, 30 ans, coordinateur de l’Union des diplômés chômeurs, quelques semaines avant le naufrage d’une embarcation surchargée le week-end dernier, au cours duquel plus de cinquante migrants sont morts noyés. « Les émigrants partent sur des bateaux de pêche qui ont été au préalable dépouillés de tous leurs accessoires. Quand on voit un bateau nu, on sait qu’il va y avoir un départ. »

    Il faut traverser les marais salants du centre de l’île, puis les grandes étendues vides piquées de tristes palmiers sans palmes (elles sont utilisées dans la fabrication des pêcheries fixes au large de Kerkennah) pour trouver la route du chantier, installé dans une ferme derrière le village de Chergui. Une dizaine de squelettes de navires flottent dans le ciel, au-dessus des copeaux de bois. Les charpentes sont en bois d’eucalyptus. Certaines sont déjà coloriées en rouge ou en bleu. Un peintre dont la blouse ressemble à une toile de Pollock désigne du bout de son pinceau la seule embarcation toute noire : « C’est le bateau utilisé par [le futur président] Bourguiba pour fuir en Egypte pendant la période coloniale, explique-t-il. Quelqu’un y a mis le feu il y a trois ans. On travaille à sa restauration. »

    Mohamed et Karim s’affairent sur le bâtiment le plus avancé du chantier. Ils sont tourneur soudeur et chaudronnier, et s’occupent de toute la partie métallique : armatures, bastingage, proue, etc. « Les migrants partent sur des 12-mètres comme celui-là, dit le premier, sans s’arrêter de souder. Il y a tellement de chômage que la police ferme les yeux. » Pollution des eaux, dégradation des fonds marins, réchauffement : « Les pêcheurs ont de moins en moins de poissons depuis deux ou trois ans, ils ont besoin d’un revenu, complète le second. Certains vendent leur bateau, des passeurs les remplissent avec 100, 120 jeunes, et les mènent à Lampedusa. Les bateaux restent là-bas. »

    Le leur est une commande de Boulababa Souissi. Le capitaine est dans sa cabine, la buvette improvisée du chantier, une canette de bière à la main. « Dans cinq jours, à ce rythme-là, c’est fini, savoure-t-il, l’œil guilleret. J’ai fait venir un moteur d’occasion d’Italie. Je vais enfin retourner pêcher. » Il baptisera son chalutier Oujden, le prénom de sa fille. Coût : 50 000 euros. Le précédent va-t-il continuer à naviguer ? « Il ne remontera plus de poisson », lâche le capitaine.

    Les visiteurs débarquent à Kerkennah, 15 500 habitants, par un ferry arrivant de Sfax. Puis, une route remonte l’archipel du Sud au Nord. La simplicité des maisons - des agrégats de cubes blancs - leur donne un air moderne. Des constructions, ou des agrandissements, sont souvent en cours. « C’est l’argent des harragas », ricane une femme, en passant devant un portail refait à neuf. Les « harragas », « ceux qui brûlent » en arabe, est le terme utilisé pour désigner les clandestins. « Ils ne se cachent même plus, comme au début. Dans une petite île où tout le monde se connaît, on les repère tout de suite, indique Ahmed Souissi. Pour la police, c’est difficile de contrôler les ports de Kerkennah. Les bateaux peuvent sortir de n’importe quelle ville ou plage. D’ailleurs, tout le monde les voit. » Ne sont-ils pas arrêtés ? « Les flics arrivent trop tard. Ou n’arrivent jamais. Pourtant, ça ne demande pas beaucoup d’intelligence de savoir qui organise les passages, dit l’activiste. Mais l’État n’est pas pressé de voir la fin des subventions européennes au titre de la lutte anti-immigration. Et puis, je crois que ça arrange tout le monde que les jeunes chômeurs sortent de Tunisie. »

    Tout au bout de la route, il y a le port de Kraten. En direction du Nord, quelques îlots plats, rocailleux, taches claires dans la mer sombre, sans vague. Les derniers mètres carrés solides de Tunisie. En cette fin de matinée, les pêcheurs démêlent et plient les filets, au soleil. Les camionnettes frigorifiques des acheteurs sont déjà reparties, à moitié vides. Sur le ponton, on marche sur des carcasses de crabes bruns qui craquent sous les chaussures. Les Tunisiens ont surnommé cette espèce « Daech ». « Ils sont arrivés d’Egypte il y a quelques années, et ils remontent le long de la côte, commente un marin, l’air dégoûté. Ils mettent les pêcheurs sur la paille : ils coupent les filets, ils bouffent le poisson ! Si ça continue, ils vont débarquer en Europe. La pêche n’est plus rentable. » Lui est là pour aider son père ce dimanche, mais en semaine il occupe un emploi de professeur de sport à Sfax.

    Au petit café de la jetée, le patron moustachu sert l’expresso le plus serré de Tunisie en bougonnant. Il jure qu’aucun bateau ne part de « son » port. « Les jeunes, ils peuvent aller se faire foutre, ils ne pensent qu’à l’argent. » Contre le mur, un pêcheur de 55 ans, « dont trente-quatre en mer », pull rouge et bonnet bleu, philosophe : « Cette révolution était un don. Elle nous a montré qu’on peut régler nous-mêmes nos problèmes, on doit garder ça en tête. Ce crabe Daech, par exemple, on ne doit pas le détester, Dieu nous a envoyé cette satanée bête pour qu’on corrige nos façons de pêcher. On me regarde comme un vieux fou quand je critique les collègues qui pêchent au chalut en ravageant les fonds, mais ce sont eux qui ont fait disparaître les prédateurs des crabes », assène Neiji.

    Son français est chantant. Il fait durer son café. « Les jeunes qui partent, c’est aussi naturel, reprend-il. Sans cela, ils rejoindraient peut-être le vrai Daech, qui sait ? C’est la logique humaine d’aller tenter sa chance. Moi, si je n’avais pas une femme et trois filles, je crois que j’aurais aussi filé. » Neiji tire sur sa cigarette en aspirant la fumée très lentement, avant d’expirer sans bruit. « Ce va-et-vient, c’est la vie. Les pêcheurs sont des gens intelligents, il faut me croire. »
    Célian Macé

    Très bon reportage, avec photos dans l’article source. La fin de l’article avec les propos du pêcheur, est à méditer.

    #chômage #tunisie #émigration #jeunesse #Afrique

  • Bruno Astarian et R. F. - Ménage à trois : Episode 7 – #Tunisie 2011 : entre révolte fiscale et droit au développement
    http://www.hicsalta-communisation.com/accueil/menage-a-trois-episode-7-tunisie-2011-entre-revolte-fiscale-

    Nous abordons maintenant le cas de la Tunisie, pays où la « révolution de jasmin » éclate en décembre 2010. Elle ouvre la période dite des printemps arabes. Par rapport aux cas que nous avons traités jusqu’à présent, elle présente la caractéristique d’être franchement interclassiste. Rappelons quelques dates : en décembre 2010, la révolte éclate à Sidi Bouzid après le suicide par le feu de Mohamed Bouazizi. Elle se répand rapidement dans les villes avoisinantes, puis dans tout le pays jusqu’à Tunis même. Le 14 janvier, Ben Ali s’enfuit. Son premier ministre, Mohamed Ghannouchi, le remplace provisoirement. Il reste premier ministre de deux gouvernement successifs (14-17 janvier 2011 ; 17 janvier-27 février 2011). Il est contraint de démissionner par des manifestations massives et le deuxième sit-in de la Kasbah (place du centre de Tunis où se trouve le siège du gouvernement). La situation ne s’est jamais stabilisée depuis 2011. Les gouvernements qui se sont succédés, d’abord dominés par les islamistes d’Ennahda, puis contrôlés par les « sécularistes » de Nidaa Tounès (parti qui regroupe beaucoup d’anciens ben-alistes) ne sont jamais parvenus à une formule de gestion unifiant les fractions socio-régionales antagoniques du capitalisme tunisien, Tunis et le Sahel d’un côté, l’intérieur et le Sud de l’autre. Ce blocage a provoqué de multiples émeutes, manifestations, grèves et sit-ins dans tout le pays, et a finalement abouti à l’explosion générale de janvier 2018.

    #théorie #communisme #communisation

  • La révolution surgit comme un voleur dans la nuit

    Richard Pithouse

    http://lavoiedujaguar.net/La-revolution-surgit-comme-un

    La vie, la vie ordinaire, suit certains rythmes. Nous grandissons, les saisons changent et nous occupons de nouvelles places dans le monde. Quand vous n’êtes plus un enfant, vous laissez de côté toutes les choses enfantines et vous passez à l’étape suivante de votre vie. Mais il existe une multitude de gens en ce monde qui n’ont pas la possibilité de faire construire une maison, de se marier, de s’occuper de leurs enfants et de leurs parents vieillissants. Il existe une multitude de gens qui vieillissent sans pouvoir sortir d’une existence misérable et épuisante. Ils réussissent parfois tout juste à rassembler quelques sous en vendant des tomates ou des chargeurs de téléphones portables dans la rue, pour louer un taudis au fond d’une cour.

    Mohamed Bouazizi faisait partie de cette multitude. Il est né en 1984 en Tunisie dans la ville de Sidi Bouzid. (...)

    #Afrique_du_Sud #Tunisie #Égypte #mouvement_social #révolution

  • Pas trouvé cet article sur le fil de @mdiplo alors je re-linke (comme un gros re-lou)

    Nuages sur la Tunisie, par Akram Belkaïd (Les blogs du Diplo, 14 mai 2017)
    http://blog.mondediplo.net/2017-05-14-Nuages-sur-la-Tunisie

    Mercredi 10 mai 2017, la petite localité de Tebourba, située à 35 kilomètres à l’ouest de Tunis, dans le gouvernorat (préfecture) de La Manouba, a été le théâtre d’affrontements entre jeunes et forces de sécurité, ces dernières usant de gaz lacrymogènes pour disperser plusieurs centaines de manifestants en colère. À l’origine de ces violences, la tentative d’immolation par le feu d’un jeune vendeur de fruits à la sauvette empêché de travailler par les policiers. Cela rappelle sans conteste l’événement fondateur de la révolution tunisienne de décembre 2010-janvier 2011, quand des représentants de l’ordre confisquèrent sa marchandise à Mohamed Bouazizi, le poussant à s’asperger d’essence avant de l’enflammer pour mettre fin à ses jours (17 décembre 2010).

    Autres actualités plus récentes :

    http://dndf.org/?p=15885

    Des affrontements entre des manifestants et les unités sécuritaires ont été observés dans la soirée de ce lundi 22 mai 2017, au centre-ville de Kébili.
    Selon MosaïqueFM, deux véhicules des unités sécuritaires ont été incendiés par ces manifestants qui ont tenté aussi de faire irruption dans le siège de la Garde Nationale.
    Tataouine : Un manifestant meurt écrasé par une voiture de la Garde nationale, le ministère de la Santé évoque « l’accident »

    #Tunisie #révoltes #misère

  • A Kasserine, le feu couve sous les cendres de la révolution tunisienne
    http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/01/21/a-kasserine-le-feu-couve-sous-les-cendres-de-la-revolution-de-2011_4851276_3

    Les affrontements se sont poursuivis les jours suivants dans cette ville située à 280 km au sud-ouest de Tunis, malgré un couvre-feu décrété mardi par les autorités et qui n’est visiblement pas respecté. Cinq ans après la révolution contre la dictature de Zine El-Abidine Ben Ali, née de l’immolation par le feu du vendeur ambulant Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid (située à moins de cent kilomètres de Kasserine), l’exclusion sociale et les disparités régionales persistent dans cette région particulièrement déshéritée de Tunisie.
    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/01/21/a-kasserine-le-feu-couve-sous-les-cendres-de-la-revolution-de-2011_4851276_3

  • ’The Outpost’ Is Trying to Bring Liberal Change to the Middle East | VICE | United Kingdom

    http://www.vice.com/en_uk/read/the-outpost-middle-east-magazine-399

    Three years ago, when Ibrahim Nehme launched The Outpost, the Arab region was in a state of flux. In Tunisia, one year earlier, Mohamed Bouazizi had set himself on fire and unknowingly become a catalyst for what was soon to become the Arab Spring. Years of suppressed frustration across the Middle East and North Africa were unleashed in the region’s various public squares by a politically-active youth with a vision for a new Arab world, free of corruption and dictatorial regimes.

    The Outpost is a bi-annual magazine published out of Beirut. It calls itself “a magazine of possibilities” and believes in the power of editorial to inspire a new wave of change in the Arab world – not an easy task back in 2011, and even less so today, with Syria still engulfed in both civil war and the rise of the Islamic State.

    #monde_arabe #révoltes_arabes #revue #journalisme

  • The Algerian Exception -
    http://www.nytimes.com/2015/05/30/opinion
    By KAMEL DAOUD

    ORAN, Algeria — Algeria is indeed a country of the Arab world: a de facto dictatorship with Islamists, oil, a vast desert, a few camels and soldiers, and women who suffer. But it also stands apart : It is the only Arab republic untouched by the Arab Spring of 2010-2011. Amid the disasters routinely visited upon the region, Algeria is an exception. Immobile and invisible, it doesn’t change and keeps a low profile.

    This is largely because Algeria already had its Arab Spring in 1988, and it has yet to recover. The experience left Algerians with a deep fear of instability, which the regime of President Abdelaziz Bouteflika, in power since 1999, has exploited, along with the country’s oil wealth, to control its people — all the while deploying impressive ruses to hide Algeria from the world’s view.

    October 1988: Thousands of young Algerians hit the streets to protest the National Liberation Front (F.L.N.), the dominant party born of the war for independence; the absence of presidential term limits; a mismanaged socialist economy; and a tyrannical secret service. The uprising is suppressed with bloodshed and torture. The single-party system nonetheless has to take a step back: Pluralism is introduced; reforms are announced.

    The Islamists came out ahead in the first free elections in 1990, and again in the 1991 legislative elections — only to be foiled by the military in January 1992. Long before Gen. Abdel Fattah el-Sisi in Egypt, Algeria had invented the concept of therapeutic coup d’état, of coup as cure for Islamism. At the time, the military’s intervention did not go over well, at least not with the West: This was before 9/11, and the world did not yet understand the Islamist threat. In Algeria, however, Islamism was already perceived as an unprecedented danger. After the coup followed a decade of civil war, which left as many as 200,000 people dead and a million displaced, not to mention all those who disappeared.

    When in 2010-2011 the Arab Spring came to Tunisia, Libya and Egypt, Algerians hoped for change, too. But their fear that war or the Islamists would return was greater still. “We have already paid,” the vox populi said, and the government joined in, intent on checking any revolutionary urge.

    At the time I wrote: “Yes, we have already paid, but the goods have not been delivered.” The regime had slowly been gnawing away at the democratic gains made in October 1988: freedom of speech, a true multiparty system, free elections. Dictatorship had returned in the form of controlled democracy. And the government, though in the hands of a sickly and invisible president, was brilliant at playing on people’s fears. “Vote against change” was the gist of the prime minister’s campaign for the 2012 legislative elections.

    The government also exploited the trauma left by France’s 132-year presence, casting the Arab Spring as a form of neocolonialism. To this day, the specter of colonialism remains the regime’s ideological foundation and the basis of its propaganda, and it allows the country’s so-called liberators — now well into their 70s — to still present themselves as its only possible leaders. France’s direct intervention to oust Muammar el-Qaddafi in Libya only played into their hands; it looked like the sinister workings of their phantasmagorical triptych of enemies: France, the C.I.A. and Israel. Enough to quiet any populist ardor and charge the opposition’s leaders with being traitors and collaborators.

    And so it was that as soon as January 2011 the early stirrings of protest were promptly quashed. The massive police apparatus played a part, as did state television, with stations taking turns reminding the people of a few chilling equations: democracy = chaos and stability = immobility.

    Money also helped. Oil dollars may make the world go round, but they have kept Algeria still. In the contemporary mythology of the Arab Spring, Bouazizi the Tunisian is the unemployed man who topples a dictator by setting himself on fire in public. This hero could not have been Algerian: In this country, Mohamed Bouazizi would have been bought off, corrupted.

    The Algerian regime is rich in oil and natural gas. And at the outset of the Arab revolts, it reached into its pockets, and gave out free housing, low-interest loans and huge bribes. Oil money was distributed not to revive the economy or create real jobs, but to quell anger and turn citizens into clients. Wilier than others, the government of Algeria did not kill people; it killed time.

    While distributing handouts thwarted a revolution, it did trigger thousands of small local riots — 10,000 to 12,000 a year, by some estimates. But these protesters were not demanding democracy, just housing and roads, water and electricity. In 2011 a man set himself on fire in a town west of Algiers. Reporters flocked to him, thinking they had found a revolutionary. “I am no Bouazizi,” said the Algerian, from the hospital bed in which he would not die. “I just want decent housing.”

    Meanwhile Mr. Bouteflika, ailing and absent, managed to get himself re-elected in 2014 without ever appearing in public, campaigning mostly by way of a Photoshopped portrait plastered across the country. The best dictatorship knows to stay invisible. Local journalists are under strict surveillance; the foreign media’s access is restricted; tourism is limited; few images of Algeria are broadcast internationally.

    The only spectacle to come out of Algeria these last few years was of some Islamists taking hostages in the Tiguentourine gas field in January 2013. But the government, by responding firmly, was able to project the image of a regime that, though no ideological ally of the West, could nonetheless be counted on as a dependable partner in the global war against terrorism. To a Morsi, an Assad or a Sisi, Western governments prefer a Bouteflika, even aging and ailing and barely able to speak. Between antiterrorism and immobility, Algeria has succeeded in selling itself as a model even without being a democracy. No small feat.

    But the situation is untenable. Politically, the Algerian regime has become the Pakistan of North Africa, with both money and power in the hands of a caste that the West thinks of as a difficult partner. Algeria is too vast a country to be run by a centralist government, and no new leaders have emerged who could ensure a guided transition. The Islamists are on the rise. Oil prices are dropping. The Algerian exception cannot last much longer.

    Kamel Daoud, a journalist and columnist for Quotidien d’Oran, is the author of “The Meursault Investigation.” This essay was translated by Edward Gauvin from the French.

    NEXT IN OPINION

  • Injustices foncières, contestations et mobilisations collectives dans les espaces ruraux de Sidi Bouzid (Tunisie) : aux racines de la « révolution » ? | sjjs.org
    http://www.jssj.org/article/injustices-foncieres-contestations-et-mobilisations-collectives-dans-les-espac
    via @cdb_77

    Le 17 décembre 2010, lorsque Mohamed Bouazizi s’immole devant le siège du gouvernorat[1] de Sidi Bouzid, ses proches et d’autres habitants de la région engagent une mobilisation qui gagne d’autres espaces, et conduit quelques semaines plus tard au départ du président tunisien Z. Ben Ali. Avant de se diversifier largement, les slogans et revendications se focalisent sur l’accès à l’emploi, aux revenus, à une vie digne. Quasi aucune référence directe n’est faite à la région de Sidi Bouzid, ou à son activité principale, l’agriculture. Une lecture géographique incite pourtant à interroger l’importance du lieu et de ses spécificités dans les dynamiques sociales mises en place à partir de cette date à Sidi Bouzid et dans l’ensemble du pays.

    #foncier #terres #cartographie #injustices #Tunisie

    • La mobilisation [...] s’est rapidement reconstituée après l’immolation, en s’appuyant sur les relations de parenté élargies et les réseaux de solidarité existant dans la ville de Sidi Bouzid, entre les habitants des quartiers aux conditions de vie précaires. Le mouvement a été rejoint par des syndicalistes, juristes, avocats et figures locales de l’opposition (que Salah connaissait en partie et sur qui il savait pouvoir compter pour sa défense dès la mobilisation à Regueb), et s’est peu à peu amplifié. Il s’est ensuite déplacé vers les quartiers périphériques de la ville, dont une part importante des habitants provient des espaces ruraux environnants, avant de gagner d’autres localités du gouvernorat puis d’autres régions en Tunisie.

      et pan dans la gueule de la « révolution facebook/twitter »...

      Avec l’intégration des exploitations familiales dans le système de production capitaliste, la terre a remplacé le troupeau comme principal facteur de production (Attia 1977), et a vu son prix augmenter très fortement dans certaines localités. La terre est donc au cœur d’enjeux économiques ; elle est devenue une importante variable d’ajustement financière pour les familles ayant de faibles revenus, et le support privilégié d’investissements pour ceux qui souhaitent faire fructifier leur capital.

      C’est une tentative de rattrapage du niveau de productivité requis pour être concurrentiel au niveau global, de la part d’une économie « en retard »

      Ce rattrapage est cependant illusoire : quand on s’élance bien après le signal du starter, on est de fait disqualifié dans la course. Le problème est que le flingue du starter se retourne vers ceux qui renâclent à participé à la course...

      A Regueb, un montage vidéo réalisé par un jeune retrace le déroulement chronologique de la première émeute suivant l’immolation (« Regueb 24 décembre 2010. Solidarité avec Sidi Bouzid[7] »). La séquence d’ouverture du film, qui coïncide avec les témoignages recueillis par ailleurs, montre que le rassemblement a lieu devant la BNA, où un feu est allumé avant que le groupe ne se dirige vers le poste de police (Vezien Saint-Araille, 2014). Le distributeur automatique sera brûlé le lendemain. Au-delà de la tentation de récupérer l’argent, il apparaît que c’est la banque qui est l’objet des premières contestations, symbole de l’accès à la terre, des saisies controversées et des logiques clientélistes, mais aussi du système inéquitable d’investissement et de subventions agricoles.

      on peut penser que la demande de réalisation d’une zone industrielle vient aussi de résidents des petites villes de la zone, réclamant un emploi hors agriculture dans la mesure où ce secteur, tel qu’il est organisé actuellement, ne répond pas aux besoins de tous. Plus qu’un droit à un espace industrialisé ou urbanisé, il faut sans doute y voir une demande de reconsidérer les droits au sein des espaces ruraux : droit à l’emploi, voire droit d’exercer dans un autre domaine que l’agriculture. Les slogans scandés à Regueb quelques jours après l’immolation de Bouazizi, notamment « les terres sont vendues et les citoyens sont affamés », rappellent que la terre demeure un actif économique. Le droit revendiqué est celui de pouvoir en dégager des revenus suffisants, du moins de ne pas être lésé par rapport à des producteurs dont les revenus sont essentiellement non agricoles.

      L’injustice se joue donc sur le terrain de l’accès à un revenu qui s’est imposé jusqu’à reléguer d’autres revendications sur un second plan (ou de les instrumentaliser pour la seule lutte qui permet de trouver réellement une place)

      Cette tendance à la confrontation entre deux espaces n’exclut pas des interdépendances, notamment à travers la main d’œuvre souvent issue du premier et qui travaille dans le second. Mais elle conduit à une transformation de l’espace rural existant, à travers un processus de prolétarisation et avec, parfois, la disparition de la dimension familiale des douars au fil des rachats de terre et des maisons réinvesties par les ouvriers des nouvelles propriétés. C’est alors le droit d’habiter qui est remis en cause, car la terre n’est pas qu’un support du logement ni un actif économique, c’est aussi une part de l’identité. Pour beaucoup, la terre constitue un patrimoine familial et l’histoire des ancêtres ; elle participe du sentiment d’appartenance, de la dignité et de l’honneur.

      Pour autant, on ne peut pas dire que tous les habitants partagent cette valeur symbolique de la terre. Du moins, celle-ci n’est pas forcément prédominante et s’efface parfois au profit d’une valeur marchande et financiarisée, ce qui explique aussi que les transactions foncières hors héritage aient augmenté fortement en quelques années. Sans être exclusives, ces valeurs et les appartenances multiples (tribales, de classe, d’âge, de secteur d’activité, de lieu de résidence) sont mobilisées en alternance selon le contexte et les intérêts en jeu. C’est ce qui explique qu’un petit agriculteur tenant un discours négatif envers les « étrangers » qui ont acheté des terres à Regueb peut néanmoins travailler comme gérant d’exploitation ou comme ouvrier chez l’un d’entre eux.

  • La jeunesse tunisienne, une force vive condamnée au sommeil
    http://orientxxi.info/magazine/la-jeunesse-tunisienne-une-force,0773

    Quatre ans après la mort de Mohamed Bouazizi, le faible taux de participation des jeunes Tunisiens au premier tour de la première élection présidentielle libre du pays est alarmant. Seuls 53 % des 18-40 ans ont voté alors que le taux de participation national a été de 64 %. Peu représentée dans la classe politique dirigeante, la jeunesse peine en effet à concrétiser ses objectifs de justice sociale tout en comptant sur les libertés acquises pour continuer à lutter.

    Pas de changements non plus au niveau des disparités régionales. Les jeunes de Sidi Bouzid et de Kasserine, régions berceaux du soulèvement, sont toujours parmi les plus affectés par le chômage. Cependant, contrairement aux idées reçues, ce sont ceux de la capitale qui sont les plus touchés. Une tendance qui pourrait s’expliquer par la croissance démographique que la capitale a connue après les grandes vagues de migrants qui s’y sont installés durant les dernières décennies. Il n’empêche qu’ils sont toujours favorisés sur d’autres plans, tels que l’accès à l’enseignement supérieur. Une étude sur le sujet2 fait état d’une situation inchangée trois ans plus tard. À titre d’exemple, un bachelier de Tunis a six fois plus de chances d’accéder aux filières médicales qu’un bachelier de Siliana et douze fois plus de chances qu’un bachelier de Tataouine. Un bachelier de Sfax a sept fois plus de chances d’accéder à une formation d’ingénieur que son homologue de Tataouine, et un bachelier de Tunis a 26 fois plus de chances d’accéder à une grande école de gestion que son homologue de Gabès.

    la liberté d’expression et la liberté d’organisation sont les principaux acquis de la révolution malgré quelques rechutes passagères. « Ce sont ces deux acquis qui nous permettront de poursuivre la bataille. Hier, on combattait la dictature avec des fourchettes. Aujourd’hui, nous avons des bazookas », affirme Kaloutcha.

    Entre 2010 et 2013, le nombre d’associations en Tunisie a quasiment doublé entre 2010 et 20143. Le pays a connu un véritable « boom » associatif depuis la révolution et surtout après la mise en place d’un nouveau cadre légal organisant les associations en septembre 2011. L’étude de la Banque mondiale4 précise que « malgré les faibles taux de participation à des associations, 9 jeunes Tunisiens sur 10 accordent de l’importance au bénévolat au sein des organisations de la société civile ». Nolens volens, certaines associations fondées et pilotées par des jeunes jouent un rôle très important dans le processus transitionnel.

    Exemple youth decides http://www.rfi.fr/hebdo/20141114-tunisie-election-presidentielle-internet-application-politique-jeunesse

    #Tunisie #Chômage #Démographie #Éducation #Élection_présidentielle #Jeunes #Transition_politique #printemps_arabe

  • #Mohamed_Bouazizi, l’ouvrier agricole : relire la « #Révolution » depuis les campagnes tunisiennes

    On pourrait commencer l’histoire au début des années 2000. Mohamed, orphelin de son père, devient responsable de sa fratrie et doit subvenir aux besoins de sa famille. Lorsque son oncle maternel, Salah, achète une #terre_agricole de 18 hectares dans la région de #Regueb (gouvernorat de Sidi Bouzid, Tunisie), Mohamed commence à travailler sur l’exploitation. Lui, Salah et d’autres membres de la famille ainsi que des #ouvriers_saisonniers s’occupent des #oliviers et des #cultures_maraîchères irriguées (tomates, melons). Le projet semble bien lancé, profitant de l’#eau_souterraine de bonne qualité et du #micro-climat qui fait la réputation de cette région et de ses cultures primeurs.
    Après trois années, Salah doit commencer à rembourser les premières échéances du #crédit_agricole qui lui a permis de lancer son exploitation. Mais à partir de 2006, il rencontre des difficultés financières, et ses revenus de préparateur dans une pharmacie de Sidi Bouzid ne lui permettent pas d’éviter son #endettement auprès de la #Banque_nationale_agricole.


    http://irmc.hypotheses.org/1572

    #Tunisie #agriculture #dette

    cc @odilon

  • Mohamed Bouazizi, l’ouvrier agricole : Relire la « révolution » depuis les campagnes tunisiennes
    http://www.jadaliyya.com/pages/index/18630/mohamed-bouazizi-louvrier-agricole_-relire-la-%C2%AB-r%C3%A9

    Comment expliquer ces silences narratifs, alors que certains travaux biographiques ont évoqué le passé rural et agricole de Mohamed Bouazizi [2] ? Pourquoi certaines catégories d’appartenance ont-elles été supprimées (ouvrier agricole, habitant d’une région à dominante rurale, militant contre une dépossession foncière) là où d’autres semblent avoir été créées (chômeur, diplômé, giflé) ?

  • « Prendre la Place » : ce mot d’ordre circule dans le Monde et en Europe ; que nous dit-il à nous, pour ici et maintenant ?
    http://ouvriersgensdici.free.fr/spip.php?article236

    RENCONTRE LE JEUDI 20 JUIN, 18H
    « Prendre la Place » :

    1) On peut y voir principalement une série d’émeutes ou de soulèvements plus profonds qui vont jusqu’à faire tomber des gouvernements (Tunisie, Egypte...). Soulèvements qui affirment (comme en Tunisie suite au suicide de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid) que le mépris à l’encontre d’une partie de la population doit cesser.

    2) On peut y voir une réponse de la masse des « laissés pour compte », aux exhortations des puissants à se sacrifier en silence pour permettre à la bourgeoisie de se sortir très bien de la crise qu’elle a elle même créée. Prendre la place (comme à Madrid, Puerta del Sol) est alors sûrement un moyen pour beaucoup de sortir de ce silence imposé.

    3) On peut y voir le désir et la nécessité de parler, de se rencontrer, de casser l’anonymat et l’indifférence, afin de briser la paralysie dans laquelle la complexité de la situation actuelle peut nous plonger.

    Il y a sûrement de tout cela Place Taksim, Place Tahir, Puerta del Sol etc...

    Prendre la place interroge aussi SUR LA PLACE qu’ont ou n’ont pas certains dans le pays. Quelques exemples :

    • Le fait que le gouvernement pourchasse quotidiennement les Roms, considérés désormais comme des sous-hommes : les autorités n’ont pas eu un mot pour les familles après que certains soient morts brûlés dans leur campement parce qu’on leur a refusé un accueil décent. Cela ouvre les portes au pire : des gens se permettent de faire fuir les Roms de leur campement, d’autres y mettent le feu. Des élus reprennent ces actions à leur compte.

    • Le fait que des lois spéciales, lois d’exception, permettent de rayer juridiquement des gens de la carte (loi CESEDA contre les habitants qui n’ont pas la nationalité française mais vivent en France et participent du pays) ;

    • La persécution opérée par des polices spéciales (PAF) dont la mission est de traquer tout ce qui « ressemble à un étranger » (dernier exemple avec des arrestations devant l’association d’accueil TO7 à Toulouse) ;

    • L’humiliation et le mépris des autorités (mairie, conseil général, préfecture) qui veulent déloger de force des habitants, malgré leur volonté déclarée de rester dans leur logement et dans leur quartier (comme ce qui se passe actuellement à la Reynerie au Mirail). Ce à quoi les gens concernés répondent en affirmant : « Nous ne sommes pas de la poussière ; partir ou rester, c’est à nous de décider ».

    A l’heure où les Etats (quels que soient les gouvernements) fondent leur politique et leur propagande sur le fait qu’il n’y aurait plus de place pour tous, donc plus de droits et plus de respect pour tous, il est logique que la question de la place, CELLE QUI EST DENIEE A CERTAINS, devienne une question centrale d’aujourd’hui. Question posée à quiconque s’intéresse à ce qui arrive réellement dans le pays, au sort qui est fait à une partie des habitants, et à CE QU’IL EST POSSIBLE D’ENONCER ET DE METTRE EN ACTION.

    Prendre la place, cela peut être une façon d’affirmer sa propre existence, et de signifier que tous, donc chacun, doit être pris en compte, reconnu, respecté. Il s’agit de droits pour tous, de dignité et de refus du mépris.

    Nous vous proposons d’en débattre lors de la rencontre du 20 Juin à 18h.

    Rue du Lieutenant Colonel Pelissier, Métro Capitole, Toulouse Espace DURANTI, salle au 3° étage

    Dans le cadre des « Rencontres pour penser l’Aujourd’hui », proposées par CEUX QUI VEULENT LE PAYS POUR TOUS.

    http://ouvriersgensdici.free.fr/IMG/pdf/rencontre_du_20_juin.pdf

  • #Nationalisme & #religions contre la #justice_sociale & la #liberté - #Anarchosyndicalisme ! n°131
    http://www.cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article541

    Le 17 décembre 2010 Mohamed Bouazizi ne s’est pas immolé pour un drapeau ni contre une caricature, il ne s’est pas immolé pour défendre ses traditions ni pour que son pays entre en guerre contre le voisin. Il s’est immolé parce que ses conditions de vie étaient insupportables. A sa suite, en Tunisie d’abord puis dans le monde entier, des millions de personnes ont compris cet acte comme un message de révolte de l’Etre humain contre un système d’oppression généralisée.

    Deux ans ne sont pas encore écoulés depuis ce geste que force est de constater combien ce message limpide s’est corrompu. Moins de deux ans, c’est ce laps de temps qui a suffi pour qu’une savante combinaison de propagande nationaliste ou religieuse, propagée par des minorités grassement rétribuées et relayée par des médias mercenaires, vienne obscurcir les esprits. Aux millions de travailleurs exploités, aux populations précarisées, mal logées et réduites à la disette, les politiciens de tous les pays n’ont pas apporté de réponse. Bien au contraire, ils ont mis en route la classique panoplie de crises en tous genres, puis ils ont grand ouverts les macabres bazars de drapeaux et de livres saints pour lesquels, à l’heure voulue, celui qui s’en sera imprégné sera invité à bien vouloir se faire tuer.

    #Démystification

  • How the #West de-democratised the #Middle_East

    Rather than promote democracy in the Middle East, the West has a long history of doing the exact opposite.
    Melbourne, Australia - With the momentous convulsion in the Middle East sparked by Mohamed Bouazizi’s martyrdom in January 2011, it is time to ask what happened to the question which for long dominated Western discourse on the Middle East: Is Islam compatible with democracy? The predominant answer for many years was “no”. Among others, Elie Kedourie, MS Lipset, and Huntington advocated such a position. Bernard Lewis, “the most influential postwar historian of Islam and the Middle East”, who offered “the intellectual ammunition for the Iraq War”, was most vociferous in upholding this position. Their main argument was that, unlike Christianity, Islam was unique in not differentiating religion from the state and hence democracy was impossible in Muslim polities. Against this doxa, I make three arguments.

    First, the position that Islam is incompatible with democracy was false from the beginning, because it served imperial ambitions of the West and violated Muslims’ self-perception that, not only is Islam compatible with democracy, it was one of the engines of democratic empowerment.

    Second, I argue that the West’s discourse of democratisation of the Middle East is dubious because it hides how the West actually de-democratised the Middle East. My contention is that, from the 1940s onwards, democratic experiments were well in place and the West subverted them to advance its own interests. I offer three examples of de-democratisation: The reportedly CIA-engineered coup against the elected government of Syria in 1949, the coup orchestrated by the US and UK against the democratic Iran in 1953 and subversion of Bahrain’s democracy in the 1970s. I also touch on the West’s recent de-democratisation in Iraq and Afghanistan.

    Third, I explain that the Middle East was de-democratised because the West rarely saw it as a collection of people with dynamic, rich social-cultural textures. The Western power elites viewed the Middle East as no more than a region of multiple resources and strategic interests; hence their aim was to keep it “stable” and “manageable”. To Ernest Bevin, foreign secretary (1945-51) of imperial Britain, without “its oil and other potential resources” there was “no hope of our being able to achieve the standard of life at which we [are] aiming in Great Britain”.

    http://www.aljazeera.com/indepth/opinion/2012/03/201232710543250236.html

    #democracy

  • Par le feu de Tahar de Ben Jelloun : le récit de la première saison de la révolution arabe « Bibliomancienne
    http://bibliomancienne.wordpress.com/2011/08/22/par-le-feu-de-tahar-de-ben-jelloun-le-recit-de-la-premier

    La relation entre le printemps arabe et les réseaux sociaux a été déjà largement analysée et documentée, par écrit comme en vidéo. On dit que les conditions en termes d’infrastructures, d’équipements pour les TIC, de culture des réseaux sociaux, étaient suffisamment favorables pour que l’étincelle médiatique contribue à l’embrasement de la révolution. Mais la chute imminente de Tripoli et de son despote font partie de la chaîne des événements que déclencha un jour de décembre Mohamed Bouazizi, un jeune diplômé, humilié, bafoué, sans droit, qui s’est immolé. Depuis, les émotions, les narrations, les voix sont transportées, au propre et au figuré.

  • Iconoclasme, décidément. La #révolution de la gifle - Libération
    http://www.liberation.fr/monde/01012342664-la-revolution-de-la-gifle

    Lamine al-Bouazizi est un responsable syndical de Sidi Bouzid, qui porte le même nom que le héros local, sans lien de parenté avec lui.

    Après Amina Arraf, Mohamed Bouazizi, autre exemple de falsification, sauf que ça a mieux marché, et que Bouazizi était bien réel lui. #infowar

    Dans le jardin public de Sidi Bouzid, transformé en café en plein air, Lamine al-Bouazizi [...] raconte l’histoire de la fameuse gifle : « En fait, on a tout inventé moins d’une heure après sa mort. On a dit qu’il était diplômé chômeur pour toucher ce public, alors qu’il n’avait que le niveau bac et travaillait comme marchand des quatre-saisons. Pour faire bouger ceux qui ne sont pas éduqués, on a inventé la claque de Fayda Hamdi. Ici, c’est une région rurale et traditionnelle, ça choque les gens. Et de toute façon, la police, c’est comme les Etats-Unis avec le monde arabe : elle s’attaque aux plus faibles. » Le militant, fluet et malicieux comme un lutin, sort son téléphone de sa poche dans un sourire : « Ça, c’est le diable, c’est notre arme. Il a suffi de quelques coups de fil pour répandre la rumeur. De toute façon, pour nous, c’était un détail, cette claque. Si Bouazizi s’est immolé, c’est parce qu’on ne voulait pas le recevoir, ni à la mairie ni au gouvernorat. » Le bouche-à-oreille s’est révélé d’une redoutable efficacité : l’après-midi même, quelque 2 000 personnes manifestaient devant le gouvernorat [...]

    Pour étayer sa démonstration, Lamine al-Bouazizi livre un détail aussi troublant qu’inattendu : le propre frère de Fayda Hamdi, Fawzi, enseignant à Sidi Bouzid et militant de la centrale syndicale UGTT, a participé délibérément à l’intox. « Ce qui comptait pour lui, c’était la lutte politique, l’efficacité. Il ne se doutait pas qu’elle en paierait les conséquences. » Joint au téléphone, Fawzi Hamdi répond laconiquement qu’il « ne veut pas parler à la presse ».

  • La Dignité arabe, de la citerne d’Abul Khaizuran à la citerne de Mohamed Bouazizi الكرامة العربية، من خزان أبو الخيزران إلى خزان محمد بوعزيزي
    A la mémoire de Ghassan Kanafani et Lamis...

    Aux Colibris étouffés dans leur citerne…

    Chahid Slimani

    إلى روح غسان كنفاني و لميس

    إلى كل من يختنق ذاخل خزان

    شهيد اسليماني

    http://chahidslimani.over-blog.com

  • Tunisia : Arabic Pinochet Government Respond to Peaceful Protests by Live Ammunition Orchestrating AlJazeera and Seizing AlMowqef Newspaper - Arabic Network For Human Rights Informations
    http://www.anhri.net/en/?p=1884

    The Arabic Network for Human rights Information today denounced the security siege and the ruthless assaults on protesters and demonstrators in the recent protests in many Tunisian cities against unemployment and deteriorating economic conditions. Many Tunisians were arrested and tortured in police stations. Security opened fire on demonstrates leading to one young man killed and many injured. The Tunisian government is leading a crackdown on alJazeera for covering the riots and the security encroachments.
    It all started on 17/12/2010, when a policeman in in Sidi Bouzeid stopped Mohamed Bouazizi, 26 years, a university graduate and a vegetable street vendor. The policeman insisted that Bouazizi should get a street vendor license or get off the market. The young man would leave his place in the market, so police forces ruthlessly beat him up in public and slapped him on the face. Bouazizi simply burnt himself publicly in protest to such insults stirring public rage. Citizens staged massive marches to support Bouazizi and to protest to extreme poverty and unemployment prevailing in Tunisia. Security responded by cordoning the city and forcibly dispersing citizens. Massive arrests were reported from the city.The young man taking his life two weeks ago sparked riots all over Tunisia not only in Sidi Bouzeid, but in Tunis, Qasrain, Qabis, Binzert, Sousa, BinQirdan, Qairowan, Gafsa, QarQena, elKaf, Baga and Qibly. Citizens staged massive protest that were violently suppressed.
    On 25/12/2010, security tortured a citizen in Bouzyan police station in Sidi Bouzeid city. They just threw him on the street before the police station as he was in a very bad condition. When citizens demonstrated in front of the police station, police tried to disperse them by force and opened fire leading to the murder of Mohamed elBashir elMemary, 28 years, a university graduate. Two were injured but were promptly hospitalised.
    Four Tunisian have been killed so far in the riots. Bouazizi took his own life, Mohamed el elMemary was shot dead by security, Lutfi Kadri from Sidi Bouzeid drowned himself in a well protesting against unemployment and Hussein elFalhy climbed a lamp post to protest, but was killed by an electric shock on 22/12/2010.

    #Tunisie #répression