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  • La fabrique de l’islamisme (1) – Salimsellami’s Blog
    https://salimsellami.wordpress.com/2019/01/10/la-fabrique-de-lislamisme-1

    La fabrique de l’islamisme est un volumineux rapport (600 pages !!) produit en septembre 2018 par l’Institut Montaigne (un think tank – pour les snobs – une institution de réflexion pour les autres) avec tout de même un budget de 4,5 millions d’euros, en totalité d’origine privée, nous rassure-t-on. Ouf !Ce rapport a été élaboré sous la direction de Hakim El Karoui, agrégé de géographie, consultant auprès des plus grands de ce monde. Un parcours qui ressemble parfois à celui d’Emmanuel Macron, sans doute le fait du hasard. Hakim El Karoui a créé son propre cabinet de conseil stratégique Volentia et il a été à l’origine de structures comme le club 21e siècle ou Young Mediterranean Leaders.

    En quoi consiste ce travail ? La fabrique de l’islamisme est une compilation de documents et d’autres sources d’informations, comparable aux travaux préliminaires auxquels tout chercheur doit consacrer du temps. L’unique intérêt de ce travail est de vous mettre entre les mains, 14 siècles d’histoire de l’islam et de l’islamisme. Cependant, en fin de lecture, je ne suis pas certain que vous puissiez faire la distinction entre l’un et l’autre. L’auteur lui-même navigue à travers la mouvance islamiste, sans pouvoir distinguer la lumière de l’obscurantisme. Et pourtant, il nous indique que 72 % des musulmans de France, sont en parfait accord avec les valeurs de la République et donc 28 % qui ne le sont pas. Cependant ces chiffres ne suffisent pas à rassurer. Le doute subsiste autant que les amalgames.

    Mais qui est Hakim El Karoui ?Hakim El Karoui, n’est sans doute pas connu du grand public. Les seules informations rapportées brièvement par certains médias le présente comme un islamiste alors que son parcours objectif, est comparable à celui des grands commis de l’Etat. Soyons sérieux, ce n’est parce qu’il écrit sur l’islam et l’islamisme qu’il en devient un leader. D’autres ont écrit sur la drogue, sur les violences et autres sujets aussi sensibles, on ne les a pas taxés, pour autant, de dealers, de violeurs ou de terroristes. Curieusement, nous n’avions pas entendu le moindre soutien à Hakim El Karoui. Ses collègues et amis comme les autres, les musulmans comme les autres n’ont sans doute pas entendu les critiques acerbes déversées sur l’homme qui aurait toute la sympathie des travées du pouvoir. Il faut dire que ce sentiment ambigu que certains ont pour l’auteur résulte de l’ambigüité du rapport lui-même : la fabrique de l’islamisme ne démontre rien.

    Pourquoi ce travail ?Hakim El Karoui l’affirme sans détour aucun (p.12) les causes du succès de l’islamisme et du salafisme, une de ses composantes, en France, ne font pas l’objet de son travail. Il exclut également la recherche des « responsabilités des uns et des autres ». Ces aspects seront traités dans un prochain ouvrage, nous promet-il. Ce choix limite considérablement l’intérêt de ce volumineux travail.Hakim El Karoui reprend à son compte tout ce qui a été dit ou écrit sur le sujet : « l’islamisme serait la résultante d’une misère socioéconomique et l’abandon des banlieues par l’Etat ». C’est la thèse de FarhadKhosrokhavar, sociologue d’origine iranienne. Il suffit d’aller faire un tour du côté des grandes cités populaires pour le constater. Les plus hauts responsables du pays ont confirmé ces observations. Pour Olivier Roy, l’islamisme est lié à la volonté de radicalité des individus, ainsi la disparition de Daech n’entraîne pas celle des islamistes. Enfin pour Gilles Kappel, c’est l’islam lui-même qui se radicalise sous l’action des mouvements extrémistes. L’islamisme serait une sorte de « guerre civile » au sein de l’islam. Il serait aussi une réaction des musulmans face aux intrusions de l’occident (dans les pays musulmans : Irak, Syrie…). En somme, il faudrait un « petit chouia » de chaque ingrédient pour obtenir un plat indigeste.

    Les insuffisances méthodologiques ?Ce rapport présente des insuffisances manifestes. Il expose et tente même d’inculquer l’idée que l’islamisme en France a pour origine ce qui s’est produit au moyen orient, notamment avec la chute de l’empire ottoman. Naturellement le lien existe mais il n’est pas décisif. Les liens seraient à rechercher, juste en face, au Maghreb et en Afrique subsaharienne.

    De troublantes similitudes ? Depuis 30 ou 40 ans la situation des grandes banlieues françaises ne cessent de se dégrader : le système éducatif a lamentablement échoué et la justice avec les forces de l’ordre, sont très souvent décriées. 160 000 jeunes quittaient annuellement le système éducatif en situation d’échec, la masse qu’ils constituent aujourd’hui est d’au moins 3 millions d’individus. Avec le gouvernement précédent, Madame Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, annonçait, sans apporter la preuve, qu’ils n’étaient plus que 90 000. C’est encore, trop de personnes livrées à toutes les tentations y compris celle de l’islamisme.Manuel Valls, premier ministre qualifiait certaines banlieues de ghettos, beaucoup en avaient frémi et personne ne l’avait contredit, tant sa vision décrivait des situations fréquemment observées. Plus récemment encore, Gérard Collomb, l’avant-dernier ministre de l’intérieur, livrait un diagnostic encore plus sombre. Il faut lire et écouter le général d’armée Pierre de Villiers, pour comprendre la nécessité d’avoir de la hauteur sur une situation délicate mais aussi explosive (2). La situation dans ces ghettos est comparable à celle du Maghreb et plus particulièrement de l’Algérie qui, la première, a atrocement souffert de l’engagement islamiste. J’entends déjà les cris d’orfraie de ceux qui n’ont jamais pris la mesure du phénomène et qui ne sauront jamais proposer une solution adéquate.Comparons les deux situations : de part et d’autre de la Méditerranée nous retrouvons les mêmes ingrédients : dégradation continue du système éducatif, errance du système judiciaire (Il suffit de faire un tour sur les réseaux sociaux), misère socioéconomique et surtout une gestion catastrophique des nouvelles situations ayant en apparence une incidence mineure (Clientélisme électoral, attribution de subvention injustifiées, achat de la fausse paix sociale et disons le brutalement la multiplication des actes de corruption…) Il y a juste lieu de distinguer une nuance : d’un côté c’est un pays tout entier qui se trouve gangrené et de ce côté-ci c’est une multitude de territoires géographiquement éloignés les uns des autres mais en tous points ressemblants grâce aux interconnexions.La fabrique de l’islamisme aurait dû s’atteler à ce chantier. Elle le fera sans doute à l’occasion d’une prochaine contribution.Dans leur volumineux rapport, Hakim El Karoui et son équipe, ont négligé le Maghreb et l’Afrique subsaharienne au bénéfice du Moyen orient et de ses acteurs les plus actifs sur la question : le Qatar et l’Arabie Saoudite qui contrairement à ce que suggère ce document, n’ont pas une base populaire en France. Alors, naturellement, ils tentent d’en construire une par le biais du financement d’une foule d’actions toutes drapées d’un caractère social, évident ou pas. Il seraitpeut-être plus juste de dire que ces pays essaient plutôt d’acheter une base populaire qui sera leur relais en vue d’étendre leur vision de l’islam.
    Le rapport se termine par des rappels fort utiles avec un glossaire parfois approximatif : Oulamas – En principe sans s, mais les mauvaises habitudes ont pris le dessus – (Tiré de l’association des Oulamas, en Algérie) : veut bien dire savants mais au pluriel. Un savant se dit Alim ou Alem. Talibans : veut bien dire étudiants, tiré de l’arabe talib ou taleb et que la langue pachtoun a adopté avec une prononciation qui lui est propre. L’origine arabe du mot permet de faire immédiatement le lien avec El Qaïda…Des approximations de cette nature sont multiples et nous ne nous risquons pas à en faire un chapelet. Mais plus étonnant encore de la part de cet intellectuel, c’est le fait qu’il classe les soutiens à Tariq Ramadan et à Mennel Ibtissem (La lauréate de The Voice) dans la catégorie : islam politique. C’est ahurissant de la part d’une équipe qui prétend démonter les mécanismes de l’islamisme. Ces deux personnalités, l’islamologue et la chanteuse, ont sans doute des soutiens appartenant à l’islam politique mais pas que, mais et surtout, elles ont des soutiens qui n’ont rien à voir avec l’islam politique ou pas. C’est au nom d’une valeur républicaine : l’égalité de traitement que Tariq Ramadan est soutenu. Pourquoi est-il en prison alors que d’autres sur lesquels sont portées les mêmes accusations, sont en liberté. C’est injuste et c’est cette injustice qui renforce l’action des islamistes. La fabrique de l’islamisme a bien des grains de sables dans le mécanisme de son engrenage qui illustre ce rapport. M. Tariq Ramadan est, à présent, libre en attendant un éventuel procès et depuis, ses « soutiens issus de l’islam politique » sont de moins en moins nombreux et cela ne signifie nullement que l’islamisme a régressé…

    Conclusion :La fabrique de l’islamisme est sans doute utile pour muscler sa connaissance de l’islam et de l’islamisme mais elle n’est d’aucune utilité pour élaborer un plan d’actions. Les élus comme toutes les personnes en responsabilité se retrouveraient devant des questions sans réponses. Où est l’islam ? Où est l’islamisme ? Les amalgames ne feront qu’accentuer les incompréhensions.Au fronton de ce rapport on peut lire une citation attribuée à Michel Montaigne : « Il n’est désir plus naturel que le désir de connaissance ». Nous avions immédiatement pensé à une ouverture en direction, notamment des exclus du système éducatif qui ont, pour la majorité, une très grande soif d’apprendre. Il n’en est rien. C’est probablement le vœu de l’institut Montaigne d’inciter ceux qui en sont capables d’accéder à plus de connaissances.La République a besoin de reconquérir rapidement les territoires perdus, et ce sont des responsables de premier rang qui l’affirment. Naturellement, la rénovation urbaine est à poursuivre avec une réelle mixité sociale. Les établissements d’excellence dans les quartiers difficiles doivent être développés car ils ont une double vocation : favoriser la rencontre des populations tout en réalisant une insertion sociale active et une insertion professionnelle durable.Pour la reconquête de ces territoires, certains élus n’ont pas hésité à proposer l’intervention de l’armée et le renforcement des services de police et du renseignement, en somme à déclarer l’état de siège. C’est l’option répression qui ne peut être envisagée qu’en dernier recours. Dieu merci, nous n’en sommes pas là !Plus récemment encore dans le cadre du « plan banlieue » Jean-Louis Borloo a proposé, outre les premières actions indispensables à la rénovation urbaine, la mise en place de plateformes numériques, une solution totalement inadaptée. Non seulement ces plateformes ne trouveraient pas de clients locaux mais aussi risquent de démotiver pour longtemps des personnes en recherche de réelles solutions.

    La mesure de dédoublement du Cp et bientôt du Ce1 prise par l’actuel ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, est particulièrement pertinente. C’est une décision attendue depuis des décennies et qui aura pour effet de réduire considérablement les sorties prématurées du système éducatif. Cette réforme en profondeur réduira les déterminismes liés à l’échec scolaire. C’est aussi une contribution à la reconquête des territoires perdus. Malheureusement, ce ne sera pas suffisant. Il faudra résorber la masse de 3 millions de personnes qui essaient de vivre comme elles peuvent. L’état dispose d’un outil particulièrement performant mais hélas sous utilisé et disponible seulement là il y a déjà un grand nombre d’écoles, d’instituts et de centre de formation et de perfectionnement. Ce dispositif s’appelle le Daeu ou diplôme d’accès aux études universitaires… Nous l’avions expérimenté sur des territoires ruraux et les résultats sont tout simplement prodigieux. La généralisation aux zones urbaines s’impose comme une évidence. Au cours de cette préparation, l’usage d’outils numériques pourrait préfigurer les plateformes chères à M. Jean-Louis Borloo. Le Daeu c’est l’acquisition d’une relative maîtrise de la langue et la culture françaises, une base à partir de laquelle tout devient possible … (3)

    La reconquête des territoires perdus et la consolidation des autres se fera par l’éducation ou ne se fera pas. C’est cela la raison que suggère Hakim El Karoui. Naturellement, les autres mesures comme l’amélioration de l’habitat et des conditions de vie et la lutte contre les discriminations ouvriraient les perspectives nouvelles et sincères au vivre ensemble, dans le respect et la fraternité.

    1 – Note de lecture critique du rapport produit par l’Institut Montaigne : la fabrique de l’islamisme (Septembre 2018) Par Hacène Rabah Bouguerra,Psychologue du travail, spécialiste des questions d’éducation et d’orientation.

    2 – Qu’est-ce qu’un chef ? Général d’armée Pierre de Villiers, éditions Fayard, 14 novembre 2018.

    3 – Le Diplôme d’accès aux études universitaires (Daeu) : un ascenseur social ? Editions du bord du Lot, mai 213.

    Publié par Hacène – Rabah Bouguerra 

    https://danslenferdelarepublique.blogspot.com/2018/12/la-fabrique-d

  • Violences sexuelles : « La nature a remplacé la culture comme origine de la violence »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/09/olivier-roy-de-quoi-le-cochon-est-il-le-nom_5239199_3232.html

    Quelque chose vient de changer dans la dénonciation des agressions sexuelles. Qu’on se rappelle celles de Cologne lors du Nouvel An 2016, ou bien le débat sur la circulation des femmes dans les « quartiers » : la faute était attribuée alors à la culture des agresseurs (en l’occurrence, bien sûr, l’islam). Les agressions commises par des hommes occidentaux bien sous tous les rapports étaient soit minimisées, soit présentées comme relevant d’une pathologie individuelle. Et la solution était de promouvoir les « valeurs occidentales » de respect de la femme.

    Or avec l’affaire Weinstein et « balance ton porc », on a un renversement de perspective : le problème n’est plus la culture de l’agresseur (de toutes races et de toutes religions, éduqué, cultivé voire même, en public, grand défenseur des « valeurs occidentales »), c’est sa nature même de mâle, d’animal, de cochon. La nature a remplacé la culture comme origine de la violence. Mais on ne soigne pas le mal du mâle de la même manière quand il s’agit d’un retour d’animalité ou d’un conditionnement culturel.

    Ce changement de perspective (qu’il soit ou non pertinent, qu’il soit une vraie révolution ou bien un coup de mode) a de profondes conséquences anthropologiques. En effet, jusqu’ici, comme l’ont noté depuis longtemps les auteures féministes, toutes les grandes constructions idéologiques expliquant l’origine de la société s’entendaient pour faire de l’homme l’acteur du passage à la culture, et pour voir en la femme celle qui garde un pied (voire plus) dans la nature. Et pas la peine de revenir aux pères de l’Eglise.

    La philosophie des Lumières, qu’on crédite de nos « valeurs » séculières modernes, faisait de l’homme l’acteur du contrat social, qui arrachait l’humanité à un état de nature dans lequel restait largement immergée la femme, logiquement dépourvue de droits civiques jusqu’à récemment ; cette dernière mettait au monde l’être humain, l’homme en faisait...

    Ca a l’air très intéressant, comme toujours Olivier Roy, mais il en manque un gros bout...

    • Je trouve au contraire que c’est pas interessant du tout, du pure #mansplanning
      Par exemple le tag balance ton porc, si il parle de porc c’est parceque c’était le nom de Weinshtein à Cannes et que ce tag en francais à été lancé par une journaliste ciné qui le connaissait sous ce doux nom.
      L’essentialisation c’est Olivier Roy qui la fait et les anti-féministes, masculinistes et misogynes de toutes sortes (gauche comme droite). Balance ton porc ca veut dire Balance ton agresseur, pas balance ton homme ou balance tous les hommes.

      Ce qu’il appel origine « culturelle » rapport à l’islam c’est plutot des origines racistes et ce que les féministes entendrent par origine culturelle c’est pas réductible à l’islam. Cet Olivier Roy ne dit même pas que cette vision caricatural de la culture est profondément raciste. Ce qu’il fait s’appel du #fémonationalisme c’est à dire utiliser le féminisme a des fins racistes, ici réduire le sexisme à la seule culture musulmane.

      Les féministes qui parlent de #culture_du_viol et quant elles parlent de ceci elles ne désignent pas du tout spécifiquement ni uniquement l’Islam.

      Olivier Roy il ferait bien de lire les féministes au lieu d’écrire des choses racistes en se référant aux lumières (qui sont des machos qui ont expulsé les femmes de la république pour deux siècles) et de stigmatisé les victimes qui dénoncent leurs agresseurs sexuels (sois disant des femmes qui croient que les hommes sont tous les porcs). Elles ne désignent même pas les hommes en tant que classe, mais un système interne à nos sociétés et partagé par hommes comme femmes.

      #phallosophe #racisme #islamophobie #masculinisme #humanisme #lumière

  • Who are the new jihadis? | Olivier Roy
    https://www.theguardian.com/news/2017/apr/13/who-are-the-new-jihadis

    Radicals never refer explicitly to the colonial period. They reject or disregard all political and religious movements that have come before them. They do not align themselves with the struggles of their fathers; almost none of them go back to their parents’ countries of origin to wage jihad. It is noteworthy that none of the jihadis, whether born Muslim or converted, has to my knowledge campaigned as part of a pro-Palestinian movement or belonged to any sort of association to combat Islamophobia, or even an Islamic NGO. These radicalised youths read texts in French or English circulating over the internet, but not works in Arabic.

    Oddly enough, the defenders of the Islamic State never talk about sharia and almost never about the Islamic society that will be built under the auspices of Isis. Those who say that they went to Syria because they wanted “to live in a true Islamic society” are typically returnees who deny having participated in violence while there – as if wanting to wage jihad and wanting to live according to Islamic law were incompatible. And they are, in a way, because living in an Islamic society does not interest jihadis: they do not go to the Middle East to live, but to die. That is the paradox: these young radicals are not utopians, they are nihilists.

  • Toujours à côté de la plaque le Roy omniscient

    Olivier Roy : « Pour passer à l’action djihadiste, il ne reste plus que les “losers” »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/03/28/olivier-roy-pour-passer-a-l-action-djihadiste-il-ne-reste-plus-que-les-loser

    Olivier Roy : « Pour passer à l’action djihadiste, il ne reste plus que les “losers” »

    #djihadistes #jihade

  • #Olivier_Roy : « Le fondamentalisme ne suffit pas à produire de la violence »
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/061116/repenser-l-islam-310-olivier-roy-le-fondamentalisme-ne-suffit-pas-produire

    Olivier Roy explicite, dans son dernier livre, sa lecture du #djihadisme en termes « d’islamisation de la radicalité », pour saisir à la fois les effets boomerang de la « déculturation du religieux » et l’impact d’une terreur très moderne qui prospère sur la peur de l’islam.

    #Culture-Idées #apocalypse #Djihad #Essais #islam #islamologie #nihilisme #radicalisation

    • Et le coup de pied l’âne (ça ne choque personne ?) :

      Oui, il se trouve que les élites nationalistes étaient, au moment des indépendances, plus directement influencées par la culture laïque du colonisateur. Elles n’ont pas hésité à contrarier le sentiment religieux populaire, notamment pour affirmer le primat du développement économique sur les exigences de la culture religieuse. Bourguiba boit un jus en plein ramadan, Boumédiène met le Coran au défi de nourrir la population.

      Alors de manière pas du tout étonnante, toute cette interview est mot pour mot l’inverse de ce que raconte Georges Corm :
      https://www.youtube.com/watch?v=OCcCyKUSrjw

    • « l’islamisme représente une dynamique au travers de laquelle les acteurs de l’ex-périphérie coloniale ont entrepris de parfaire, sur le terrain symbolique cette fois, la rupture indépendantiste [c.-à-d. moderniste] » - me fait penser au mouvement Nation of Islam aux Etats-Unis où l’Islam a été utilisé dans un contexte non-arabe original mais également pour s’émanciper de la domination coloniale. #Nation_Of_Islam

    • (1) D’abord, il y a ce flottement sur ce que serait l’« islamisme » : une affirmation identitaire post-coloniale, mais comment il passe de cet aspect à l’islam politique, c’est-à-dire l’affirmation du rôle premier de l’islam dans la vie politique, ce n’est pas explicité. Et c’est le premier piège : on part d’une affirmation identitaire, d’une réaction au colonialisme, à l’autoritarisme, etc., et on se retrouve avec l’organisation du politique selon des règles religieuses. Or il y a une grande différence entre une affirmation identitaire personnelle par un retour à un certain mode de vie qui serait « islamique », et le rôle politique de la religion.

      (1b) Dans ce passage de l’identitaire au politique, il y a ainsi le glissement du personnel, de l’intime (beaucoup de gens sont religieux et veulent avoir un mode de vie en accord avec les préceptes de leur religion) au politique qui s’impose à tous (une identité musulmane imposerait des formes d’organisation politique islamiques). Ainsi le choix personnel devrait s’imposer à toute la société.

      Par ailleurs ça introduit des difficultés à discuter, car la critique du mouvement politique reviendrait, grâce à ce discours, à une critique d’un mode de vie, et donc à de l’islamophobie (difficulté accentuée, évidemment, par le fait que l’islamophobie a été et est centrale dans l’occident colonial et post-colonial ou néo-colonial). Et Burgat joue ce petit jeu de prétendre que la critique des groupes soutenus par l’Arabie séoudite serait de l’islamophobie. Voir ma remarque sur ce passage où il prétend qu’on réclamerait à l’Arabie et à l’Iran de « changer de culture » :
      https://seenthis.net/messages/313869#message313960

      (2) Burgat reprend ici l’idée assez banale chez les islamistes selon laquelle certaines idées de la modernité, dont la séparation du politique et du religieux (mais aussi, partant, le droit de discuter les interprétations des textes religieux, le rôle fondamental de l’éducation, l’émancipation des femmes…) seraient des éléments inauthentiques, exogènes, importés, voire hérités de la colonisation, et fondamentalement hostiles à l’islam. C’est ici l’intérêt de l’extrait de la conférence de Corm, qui fait remonter ces idées « modernes » à l’histoire médiévale de l’islam puis à la Nahda. Encore une fois, « Pensée et politique dans le monde arabe », de Georges Corm, est une épatante vulgarisation sur ce sujet.

      Et même si on n’accepte pas ces principes ont des racines profondes dans l’histoire de l’Islam, présenter des revendications politiques d’émancipation individuelle comme inauthentiques ou importées ou impérialistes, c’est tout de même une vieille lubie à manier avec précaution.

      Pour quelqu’un qui prétend dénoncer l’orientalisme, je trouve la position de Burgat fondamentalement contradictoire. D’ailleurs, repris par ses copains moins subtiles que lui, tels que Leverrier ou Caillet, ça donne des choses que j’ai régulièrement qualifiées d’orientalisme crasseux.

      Par exemple de chef-d’œuvre de Leverrier en 2014 :
      https://seenthis.net/messages/325084#message325089

      (3) De manière centrale, je trouve indéfendable sa façon de présenter l’islamisme comme quelque chose de simplement issu des peuples, de grassroot, quasiment spontané. Ici, on le retrouve dans sa mention des « élites nationalistes » qui « contrarient » le sentiment religieux des peuples.

      Alors évidemment il a des arguments tout à fait valables sur l’aspect populaire de nombreux islamismes : la destruction du politique et de toute forme de société civile par les colonisateurs et par les dictateurs, l’instrumentalisation du religieux par les colonisateurs et par les régimes autoritaires eux-mêmes, les invasions et les occupations…

      Mais dans le même temps, en se focalisant sur le « personnel » plutôt que sur les organisations politiques (retour au glissement du premier point), il occulte systématiquement les aspect politiques et géopolitiques de ces mouvements. Et notamment les très fortes subventions de la part des pays du Golfe, Arabie en tête.

      a. Par exemple, si l’on parle de revendication identitaire ou culturelles post-coloniale, alors pourquoi toute une partie des mouvements islamistes adoptent-ils des formes identitaires qui ne sont pas tirées de leurs traditions locales, mais considérées par beaucoup de leurs contemporains comme des produits d’importation. Georges Corm intègre d’ailleurs dans ses critiques l’influence de la révolution iranienne, qui serait parfois « visible » dans certains coins du Liban. Les copains de Burgat ont d’ailleurs eu beau jeu de dénoncer l’« iranisation » de quartiers de Damas en Syrie avec l’affichage de formes de religiosité et de processions « importées ». Curieusement, ils sont beaucoup moins choqués par le fait que leurs copains « adoptent » des versions de l’islam historiquement ultra-minoritaires dans les pays du Machrek ; ce qui évidemment interrogerait sur l’« authenticité » spontanée de ces mouvements.

      Évidemment, l’influence wahhabite est tout de même largement documentée et critiquée, et sa grande contribution à la #catastrophe_arabe.

      b. Mais l’aspect fondamental que Burgat évite dans son idée de revendication populaire grassroot, c’est qu’on ne parle jamais d’argent ni d’intrumentalisation politique par leurs gentils créanciers.

      Un document très intéressant à mon avis, c’est cette prestation de Burgat dans une commission parlementaire en France, exhortant nos élus à « par pitié, cessez de croire que les Séoudiens se lèvent le matin en rêvant d’exporter le wahhabisme », parce qu’en fait, ce qu’ils veulent c’est conserver le pouvoir à tout prix. C’est très vrai, et important à rappeler. Mais ce qui m’intéresse surtout au delà de ce truisme, c’est ce qu’il occulte : dans ce cas, pourquoi exportent-ils le wahhabisme et pourquoi financent-ils autant des mouvements islamistes et l’exportation de leur version de l’islam ? Si ce n’est pas pour des raisons religieuses, pourquoi y consacrent-ils des milliards de dollars ?

      Si, comme Burgat, on accepte l’idée que la conviction religieux n’est pas le moteur du régime séoudien, c’est donc que les mouvements soutenus, financés (voire pour certains armés) par les Séoudiens sont considérés par eux comme des agents de leur propre influence.

      c. Et si on suit la logique de cette volonté d’influence, et son alignement systématique avec les intérêts états-uniens, on ne peut plus prétendre à des mouvements ni authentiques ni grassroots. (Élément qui invalide, au passage, l’analogie avec les Black Panthers.)

      Le cas d’école en la matière, c’est le programme américain de distribution de livres scolaires totalement tarés en Afghanistan, prônant ce que serait un vrai musulman :
      https://seenthis.net/messages/299999

      (4) Assez habituellement, privilégier la revendication identitaire et réduire les enjeux économique et développementaux. Ce n’est pas formalisé d’une façon forcément évidente, mais ça ressort par endroits.

      (5) Un élément plus récent du discours de Burgat, c’est de vouloir une explication globale au sujet des jeunes jihadistes, en allant de la Syrie au Maghreb et en Europe. Ce qui se résume, dans une de ses tribunes, à dénoncer le déficit d’islam politique en France. Or on peut considérer que la position d’Olivier Roy est totalement pertinente quand il parle des jeunes français, mais pas du tout adaptée à la Syrie ; mais c’est ce que Burgat refuse, et je trouve cette volonté d’une explication globale à la fois inefficace et dangereuse.

    • Votre conclusion résonne comme une alerte : « Le partage ou la terreur »…

      Rien de très nouveau. Cette formule a fait l’objet d’une tribune dans Libération il y a dix ans déjà. Il ne s’agit pas de partager seulement des ressources économiques. Il faut également partager les ressources symboliques : le droit à la parole publique, la représentation politique - l’avis de l’autre en général. Il faut donc partager aussi les efforts de réforme et ne pas en attendre, sempiternellement, que de l’autre ! La redistribution sérieuse et sincère, qui reconnaît la place de l’autre, c’est effectivement la véritable « arme de destruction massive du terrorisme ». Mais personne ne veut l’employer : elle coûte trop cher.

      Dans le genre #partage : à part Gilles Kepel, Olivier Roy et François Burgat, il n’y aurait pas un.e politiste français.e d’origine arabe avec qui ils pourraient partager la tribune ?

      #Gilles_Kepel :
      https://seenthis.net/messages/539856

      #François_Burgat :
      https://seenthis.net/messages/539816

      #Olivier_Roy :
      https://seenthis.net/messages/535344

  • Olivier Roy : « Le salafisme n’explique pas le terrorisme ».

    Le politologue Olivier Roy critique la lecture qui s’est imposée ces derniers mois de la multiplication des attentats perpétrés au nom de l’islam. Il l’explique dans un nouveau livre.

    Comment lutter contre le terrorisme qui se réclame de l’islam ? D’abord en essayant de comprendre ses ressorts. Dans un nouveau livre, Le djihad et la mort (Seuil), le politologue et spécialiste de l’islam Olivier Roy rejette la lecture qui privilégie la dérive religieuse. Plutôt que d’évoquer une radicalisation de l’islam, il parle d’une islamisation de la radicalité, selon une formule qui a fait florès. Il s’en explique dans le cadre de cet entretien.

    Vous prenez le contre-pied d’une lecture religieuse et politique du phénomène terroriste au nom de l’islam. Ne prenez-vous pas le risque de minimiser le prêche islamiste ? La radicalisation de l’islam existe, le salafisme existe, il se répand parmi les jeunes en Europe et au Moyen-Orient. Mais je conteste l’idée que le salafisme est le sas d’entrée dans le terrorisme. Il y a quelques salafistes qui sont devenus terroristes, mais très peu. On connaît la trajectoire de beaucoup de djihadistes. Que constate-t-on ? Très peu sont passés par des mosquées salafistes. Il y a des réseaux, au Royaume-Uni, en Belgique, mais ils ne sont pas salafistes, ils sont djihadistes. Il est vrai que Daech (organisation Etat islamique) utilise un référentiel qu’il partage en partie avec les salafistes : la charia, la détestation des chiites, l’idée qu’il n’y a rien à négocier avec les juifs et les chrétiens, l’apocalypse. Il y a aussi de grandes différences. Les salafistes s’opposent au suicide. Daech met en scène une esthétique de la violence, fait l’apologie du viol et appelle les femmes à devenir djihadistes. Tout cela est étranger au salafisme. Noyer le djihadisme dans le salafisme, c’est ne pas comprendre les racines de la radicalisation. Cela dit, sur le plan sociétal, le salafisme pose de vrais problèmes de vivre-ensemble et d’intégration. Mais ce n’est pas un problème de terrorisme.

    Cette rupture avec les valeurs de la République qu’opère le salafisme ne prépare-t-elle pas le terrain à la dérive sectaire des terroristes ? Cela ne se passe pas ainsi. Prenez les frères Abdeslam, ils étaient loin d’être en rupture avec la société dans un monde salafiste. Ils tenaient un bistrot où on buvait de l’alcool et on dealait du haschisch. On n’a pas affaire à des gars qui se sont retirés de la vie sociale, qui ont mené une vie de prières, de halal, et qui, au terme d’un parcours religieux, décident de passer à la violence. Comment expliquer la soudaine augmentation de femmes, la plupart du temps converties, dans le djihad ? Pour les salafistes, elles doivent rester à la maison. Le salafisme n’explique rien, c’est une explication paresseuse.

    Vous contestez aussi l’idée que les actes de terreur de ces derniers mois puissent s’inscrire dans une stratégie de Daech visant à diviser les sociétés européennes, entre musulmans et non-musulmans, pour mieux préparer le terrain à un califat mondial... Cela ne fonctionne pas ainsi. Vous ne trouverez pas chez Daech de théories selon lesquelles les musulmans établis en Occident doivent se révolter. Daech tue plus de musulmans que de non-musulmans. Un tiers des victimes de l’attentat de Nice étaient musulmanes. On pourrait le dire à la rigueur pour Al-Qaida, quand l’organisation fait assassiner les journalistes de Charlie Hebdo. Là, il y avait un discours assez structuré des frères Kouachi : ils ont insulté le Prophète, ils doivent mourir. Mais les attentats revendiqués par Daech par la suite ne sont pas dans ce registre. Alors on invente des théories : au Bataclan, on dit que c’était les bobos qui étaient visés, à Nice les patriotes, ailleurs les policiers, à Rouen le christianisme. A la fin, on se dit qu’ils visent tout le monde : les musulmans, les juifs, les chrétiens. On fait une relecture paranoïaque des actions de Daech en s’appuyant sur un auteur, Al-Souri, qui n’a jamais été lu par les jeunes. Ces jeunes parlent de l’oumma global, des crimes des croisés, mais il n’y a aucune analyse sur la guerre civile en Europe. Pour eux, tous ceux qui refusent le djihad, le martyre, sont de mauvais musulmans. Ils n’ont aucune sympathie pour les musulmans d’Europe. On veut présenter Daech comme l’avant-garde des masses musulmanes. C’est une illusion d’optique.

    Vous dites que ce qui guide les terroristes n’est pas une utopie, mais la quête de la mort. Ce n’est pourtant pas un hasard si l’essentiel des attentats de ces dernières années est réalisé par des individus qui se réclament de l’islam ? Ils s’inscrivent dans une construction narrative islamique, c’est certain. Mais il n’y a pas qu’eux. Le pilote de Germanwings qui tue 200 personnes dans son suicide, on dit qu’il est fou parce qu’il n’a pas dit « Allahu akbar » . Aux Etats-Unis, il y a eu 50 Columbine depuis 1999, 50 gamins qui sont retournés dans leur école, armés, pour perpétrer un massacre. Il y a des tas d’exemples de ce type de comportement suicidaire. Il y a une catégorie qui se réclame de l’Etat islamique, ce qu’on appelle le terrorisme islamique. Ils sont musulmans, ils pensent qu’ils iront au paradis. Je ne dis pas que c’est un simple prétexte. Quand ils basculent dans le radicalisme, ils pensent réellement qu’ils vont aller au paradis. Mais ils ne sont pas utopistes. La mise en place d’une société islamiste ne les intéresse pas. Les personnes qui commettent des attentats au nom de l’islam en Europe depuis 1995 meurent tous ou presque. Conclusion : la mort est liée à leur projet.

    Vous contestez du coup que les terroristes actuels, agissant au nom de l’islam, aient un projet politique ? Il est faux de prétendre que les attentats de Daech représentent une victoire de l’islam politique. Daech suit une logique qui est profondément non politique, c’est apocalyptique. Ils font l’apologie du suicide que ce soit sur le terrain du Proche-Orient ou en Europe. La mort est au coeur du projet individuel des jeunes qui rejoignent Daech. S’il y a un projet politique de Daech, il est intenable. Ce n’est pas un projet du type Frères musulmans ou talibans. Les Frères musulmans veulent construire un Etat islamique dans un pays concret. Les talibans veulent créer l’Etat islamique d’Afghanistan. Daech dit que le califat est en perpétuelle expansion, qu’il ira du Maroc à l’Indonésie. C’est un projet intenable. C’est un projet de guerre. Daech ne cherche pas à mettre en place un Etat, il se comporte comme une armée occupante pour tenir le territoire. Daech s’est imposé car il y avait une population arabe sunnite qui avait de bonnes raisons de se révolter.

    En remettant en question l’idée de radicalisation de l’islam comme facteur de passage à l’acte, vous balayez également les programmes de déradicalisation... Ils servent à rassurer les parents. Mais ils ne marchent pas. Les filles en particulier le disent : mon projet était de mourir. Ce ne sont pas des naïfs qui commencent par faire leurs cinq prières par jour et qui ont été doucement amenés à poser une bombe. Ils ont voulu poser une bombe dès le début. La radicalité fait partie de leur choix. L’idée de leur présenter un islam modéré en pensant leur faire comprendre qu’il ne faut pas poser une bombe au nom de l’islam revient à croire que c’est leur pratique religieuse qui les a amenés à poser cette bombe. Ils adhèrent au discours de Daech, qui est religieux, pour aller à la violence. Les programmes de déradicalisation sont d’une totale absurdité.

    Que faire, alors ? Il faut les traiter en personnes libres. Pathologiser, médicaliser le terrorisme, cela revient à ne pas s’interroger sur le terrorisme. Il n’y a pas à négocier. Il faut les punir.

    Comment apaiser notre relation à l’islam ? Il faut penser l’islam par rapport à la majorité des musulmans et non par rapport aux terroristes, sans quoi on ne s’adresse qu’à ces derniers en leur donnant un rôle démesuré. Ils deviendraient alors nos interlocuteurs, ils auraient réussi leur coup. L’islam en Europe va s’européaniser, s’occidentaliser, cela se fera sur la durée. L’Eglise catholique a mis un siècle à s’adapter au modernisme. L’occidentalisation de l’islam va prendre quantité de formes. Mais elle ne peut dépendre d’une réforme théologique. Dans l’Eglise catholique, la réforme théologique est arrivée à la fin de l’évolution. Le Conseil Vatican II couronne un siècle d’adaptation au modernisme. Il en ira de même avec l’islam.

    PROPOS RECUEILLIS PAR Frédéric Koller
    Source : Le Temps, samedi 15 octobre 2016, p. 6.

    • Revue Radicalisation - Ecole thématique CNRS.
      Dispositifs et rapports sur la radicalisation.
      https://radical.hypotheses.org/681
      "RAPPORTS

      2003-2007, Allemagne, Rapports sur la radicalisation d’extrême droite de la ZDK Gesellschaft Demokratische Kultur.
      2010, France – « Jeunes et radicalisation islamiste
      Lille, 2008-2009″, Etude dirigée par l’Agence de Développement des Relations Interculturelles pour la Citoyenneté : Jeunes et radicalisation islamiste
      2010, Danemark – Research report prepared for the Centre for Studies in Islamism and Radicalisation (CIR), Aarhus University – radicalization_aarhus
      2010-2014, Europe – European Network of Deradicalisation – Rapport sur les dispositifs de « déradicalisation » (extrême droite, islamisme, etc.) en Europe – Survey on deradicalisation and disengagement – En français : Deradicalisation_FR – En anglais : Challenge_Extremism
      2013, France – Rapport « Des hommes et des dieux en prison » Céline Béraud, Claire de Galembert, Corinne Rostaing, De la religion en prison, PUR, Rennes, 2016.
      2014, Allemagne – Rapport sur l’extrêmisme de droite, de gauche et sur l’islamisme, Ministère de l’Intérieur : rapport_bundesministerium – Les chiffres en bref et en allemand : chiffres_bundesministerium & en anglais : chiffres_bundesministerium_EN"
      ...

      Au sujet de la revue .
      "Ce blog accompagne l’organisation, la tenue et les suites d’une école thématique CNRS « Processus et trajectoires de radicalisation ». Cette école thématique répond à une demande sociale et scientifique de formation sur les questions de radicalisations contemporaines, apparue notamment après les attentats de janvier 2015 à Paris. La montée en puissance des situations de crises sociales, économiques et politiques produisent différentes manières de se radicaliser, par les usages du social, du politique, du religieux et du sacré. "

  • Olivier Roy : « Le djihad et la mort »

    http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2016/10/15/olivier-roy-le-djihad-et-la-mort-932057.html

    La radicalisation de l’islam existe, le salafisme existe, il se répand parmi les jeunes en Europe et au Moyen-Orient. Mais je conteste l’idée que le salafisme est le sas d’entrée dans le terrorisme. Il y a quelques salafistes qui sont devenus terroristes, mais très peu.
    ...
    Noyer le djihadisme dans le salafisme, c’est ne pas comprendre les racines de la radicalisation. Cela dit, sur le plan sociétal, le salafisme pose de vrais problèmes de vivre ensemble et d’intégration. Mais ce n’est pas un problème de terrorisme.
    ...
    On veut présenter Daech comme l’avant-garde des masses musulmanes. C’est une illusion d’optique.
    ...
    Il est faux de prétendre que les attentats de Daech représentent une victoire de l’islam politique. Daech suit une logique qui est profondément non politique, c’est apocalyptique. Ils font l’apologie du suicide que ce soit sur le terrain du Proche-Orient ou en Europe. La mort est au cœur du projet individuel des jeunes qui rejoignent Daech. S’il y a un projet politique de Daech, il est intenable. Ce n’est pas un projet du type Frères musulmans ou talibans. Les Frères musulmans veulent construire un Etat islamique dans un pays concret. Les talibans veulent créer l’État islamique d’Afghanistan. Daech dit que le califat est en perpétuelle expansion, qu’il ira du Maroc à l’Indonésie. C’est un projet intenable. C’est un projet de guerre. Daech ne cherche pas à mettre en place un Etat, il se comporte comme une armée occupante pour tenir le territoire. Daech s’est imposé car il y avait une population arabe sunnite qui avait de bonnes raisons de se révolter. Il n’y a plus un seul Etat arabe sunnite dans la région à part la Jordanie.
    ...
    Les jeunes de Daech ne sont jamais insérés dans un mouvement social, ils ne vont pas à la mosquée ou alors ils contestent l’imam. Ils se radicalisent au contact d’un petit groupe de copains, en prison, et passent à l’acte. Il n’y a aucune propagande, sinon par l’action, un peu comme les anarchistes à la fin du 19e siècle. Mais elle n’est pas ciblée. C’est d’ailleurs ce que reproche Al-Qaida à Daech. Al-Qaida faisait des attentats symboliques. Daech fait feu de tout bois.
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    Les filles en particulier le disent : mon projet était de mourir. Ce ne sont pas des naïfs qui commencent par faire leurs cinq prières par jour et qui ont été doucement amenés à poser une bombe. Ils ont voulu poser une bombe dès le début. La radicalité fait partie de leur choix.

  • Olivier Roy : « La mort fait partie du projet djihadiste »

    Les jeunes radicalisés appartiennent à une nouvelle génération de djihadistes fascinés par la violence et le nihilisme, estime le directeur de recherche au CNRS.

    Directeur de recherche au CNRS, Olivier Roy enseigne à l’Institut universitaire européen de Florence, il vient de publier Le Djihad et la mort, ouvrage dans lequel il explique la nouveauté du terrorisme globalisé par « la quête délibérée de la mort » par les jeunes djihadistes. Auteur d’une oeuvre internationalement reconnue et largement débattue, il revient sur les origines et les moyens de résister à ce « Viva la muerte » mondialisé.

    Le djihadisme n’est-il qu’un nihilisme ou bien également un islamisme ?

    Le projet islamiste au sens strict (c’est-à-dire celui des Frères musulmans) est de construire un Etat islamique d’abord dans un pays donné, en obtenant le maximum de soutien populaire. Du Hamas palestinien au PJD [Parti de la justice et du développement] marocain, en passant par le Ennahda tunisien, les résultats sont variés, mais dans tous les cas le nationalisme l’a emporté sur l’islamisme. Les djihadistes, en revanche, s’inscrivent d’emblée dans la défense de l’oummah [communauté des croyants musulmans] globale et ne s’intéressent pas à la mise en place d’une société stable dans un pays donné. Le nihilisme n’est pas leur projet initial, bien sûr, mais devant l’échec de leur tentative de djihad mondial, ils se replient de plus en plus sur une vision apocalyptique et désespérée, qui, elle, est nihiliste. Et c’est cela qui attire des jeunes sans lien avec les conflits locaux, mais qui sont fascinés par le destin de martyr qui leur est soudain offert.

    Comment expliquer les causes de cette violence « no future » qui s’arrime à la religion musulmane ?

    Sans ignorer la longue généalogie du djihad dans le monde musulman, il faut bien constater que les formes de radicalité que l’on trouve dans le terrorisme et le djihadisme aujourd’hui sont profondément modernes. De Khaled Kelkal aux frères Kouachi, on retrouve les mêmes constantes, toutes très nouvelles : des radicaux venus d’Occident (en gros 60% de seconde génération et 25% de convertis), tous jeunes, tous en rupture générationnelle, tous « born again » ou convertis, tous s’identifiant à un djihad global qui se développe bien au-delà des formes de mobilisation classique (soutien aux luttes de libération nationale). La moitié d’entre eux ont, en France, un passé de petits délinquants. Et surtout, tous se font exploser ou se laissent rattraper par la police et meurent les armes à la main. Bref, pour presque tous, la mort fait partie de leur projet. Ce comportement n’est ni islamiste ni salafiste (pour les salafistes, seul Dieu décide de la mort).

    S’agit-il d’une variante, islamisée, d’un « Viva la muerte » globalisé ?

    Si on adopte une vision transversale (comprendre la radicalisation des jeunes djihadistes en parallèle avec les autres formes de radicalisation nihiliste) au lieu d’adopter une lecture verticale (que dit le Coran sur le djihad), on voit à quel point le nihilisme du terroriste islamique s’inscrit dans un modèle répandu, comme ces jeunes qui commettent des massacres de masse de type Columbine (deux lycéens américains retournent dans leur collège à Columbine en1999 pour massacrer leurs camarades et leurs professeurs), on trouve des analogies frappantes : annonce du massacre à l’avance sur Internet, mise en scène de soi-même avant et pendant (on se filme), référence apocalyptique (satanisme pour Columbine) et enfin suicide. Beaucoup d’observateurs ont remarqué à quel point le prestige de Daech [acronyme arabe de l’organisation Etat islamique] vient de sa maîtrise d’une certaine culture jeune (jeux vidéo, Call of Duty, mise en scène gore) ; Daech permet de se construire en héros négatif, qui occupera la « une » des journaux. Le nihilisme va de pair avec un narcissisme exacerbé : on s’assure, comme Amedy Coulibaly, que les télévisions sont bien là, on se filme en train de tuer, comme l’assassin du père Hamel et celui des policiers de Magnanville. Les décapitations lentement filmées, précédées de l’interrogatoire des prisonniers, suivies de leur dissémination sur Internet, est une technique mise au point par les « narcos » mexicains bien avant Daech. L’esthétique de la violence (que l’on trouve par exemple dans le film de Pasolini, Salo ) est une dimension importante de cette culture gore.

    Est-ce également un mouvement générationnel ?

    En plus de la fascination pour la mort, la dimension générationnelle est fondamentale chez les radicaux. Dans pratiquement toutes les cellules, on trouve au moins une fratrie (et des couples de frères pour le réseau Bataclan-Bruxelles). C’est énorme et inédit, aussi bien dans les groupes d’extrême gauche que dans la tradition radicale islamiste. Et quand ces jeunes ont des enfants, ils les abandonnent à l’organisation, comme s’ils ne pouvaient pas engendrer pour eux-mêmes, comme s’ils refusaient de s’inscrire dans la durée.

    D’où viennent cette haine générationnelle et cet iconoclasme culturel ?

    Les révolutions de jeunes ont été inaugurées par la Révolution culturelle chinoise. Si les révolutions attirent les jeunes, elles prétendent détruire un ordre ancien mais pas les anciens en tant que tels. Or la Révolution culturelle chinoise a visé non pas une classe sociale, mais la génération des parents : un rite d’appartenance était de dénoncer ses propres parents. La haine de la génération des parents va de pair avec l’iconoclasme : on détruit temples, statues et mémoire. Les Khmers rouges sont une parfaite illustration de cette révolution générationnelle. Mais la multiplication récente d’armées d’enfants-soldats (comme peut-être ce que prépare Daech s’ils en ont le temps) est aussi un signe de cette instrumentalisation d’une guerre de génération (ici manipulée, car les enfants ne choisissent pas). Les radicaux ne se révoltent pas au nom de leurs parents : ils dénoncent l’islam, ou plutôt le mauvais islam de leurs parents.

    Comment peut-on lutter contre la propagande de Daech ?

    On commet un contresens total sur la radicalisation djihadiste en pensant qu’elle est la conséquence d’un mauvais choix théologique : ces jeunes attirés par l’islam auraient, entend-on, mal compris le message et auraient suivi une fausse interprétation de l’islam. Bref, il suffirait de leur enseigner un « bon » islam pour les déradicaliser. Mais ils sont justement fascinés par la radicalité, pas par l’islam en tant que tel. Ils suivent le djihadisme parce qu’ils y trouvent ce qu’ils cherchent - la radicalité et la violence -, pas parce qu’ils se seraient malencontreusement trompés d’école. On ne guérit pas un joueur de poker en lui apprenant la belote.

    Ce qu’on appelle la « déradicalisation » n’est pas la solution, expliquez-vous, car « les djihadistes sont des militants ». Mais par quoi faudrait-il la remplacer, et quelles instances pourraient les faire parler ?

    Lors des procès aux assises des anarchistes autour de 1900 (comme celui d’Emile Henry en1894), on avait un forum de débat : le militant défendait ses idées (bien sûr, cela se terminait par la guillotine, mais on le prenait au sérieux). Or aujourd’hui, on fait tout pour médicaliser ou infantiliser le radical (et surtout la radicale : la djihadiste en burqa paraît incompréhensible). Je crois qu’il faut leur accorder la responsabilité, et donc, bien sûr, les punir, mais les pousser à parler politique au lieu de s’enfermer dans la secte.

    L’essor du salafisme, même dans sa version non violente, ne fournit-il pas malgré tout un cadre idéologique favorable au djihadisme ?

    En regardant de plus près, on voit que l’islam des radicaux et de Daech n’est pas vraiment salafiste, car ils ne sont guère obsédés par l’orthopraxie (le strict respect des règles) qui est la marque du salafisme. Mais le salafisme a une responsabilité non pas tant dans la radicalisation terroriste que dans la légitimation d’une sorte de séparatisme, celui de la communauté des croyants par rapport au reste de la société. La conséquence, c’est que le salafisme ne sait pas quoi répondre quand les jeunes radicaux poussent la logique de la rupture jusqu’au bout, car il n’a pas d’argument en faveur du « vivre-ensemble ». Et là il faut mettre les prédicateurs salafistes devant leur responsabilité qui est ici plus sociale que théologique.

    Pourquoi la recherche sur le djihadisme est-elle aussi divergente et divisée ?

    Il y a des enjeux intellectuels, voire idéologiques certains. La recherche en sciences humaines n’est pas une science exacte ; on s’identifie à son terrain, on peut aussi parfois le prendre en haine. Le chercheur fait partie de sa propre recherche. La réponse, c’est le débat dans le cadre assez normé de la rigueur universitaire. Mais le problème est que cette rigueur se trouve bousculée aujourd’hui par les exigences du marché. Il y a un marché de la recherche, à la fois structurel (répondre à des appels d’offres) et occasionnel, la vague de terrorisme a soudainement ouvert les vannes d’un financement dans l’urgence. Le premier qui présente un projet de recherche répondant aux attentes, ou plutôt aux angoisses, des autorités gagne le marché. D’où la tentation de délégitimer la concurrence.

    Comment résister à la terreur que veut répandre Daech ?

    Daech vit de la peur qu’il inspire. Car Daech n’est pas une menace stratégique. Le « califat » s’effondrera tôt ou tard et les attentats, aussi meurtriers soient-ils, ne touchent l’économie qu’à la marge et renforcent la détermination sécuritaire (l’Europe de l’Ouest qui doucement s’enfonçait dans un processus de désarmement y met fin). La crainte d’une guerre civile reste un fantasme, car Daech ne touche de jeunes musulmans qu’à la marge et ne fait rien pour gagner la population musulmane à sa cause (un tiers des victimes de l’attentat de Nice sont des musulmans). Il faut travailler avec les classes moyennes d’origine musulmane en ascension sociale, favoriser l’émergence non pas d’un islam français mais de musulmans français, en cessant de s’appuyer sur des pays étrangers, et en normalisant la pratique religieuse publique, c’est-à-dire en jouant la carte de la liberté religieuse, au lieu de s’enfermer dans une laïcité idéologique et décalée.

    Propos recueillis par Nicolas Truong

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/10/11/la-mort-fait-partie-du-projet-djihadiste_5011917_3232.html

    #OlivierRoy
    #Jihadisme

  • Pour qui le #burkini est-il « ostentatoire » ?
    excellent billet de d’André Gunthert – L’image sociale
    http://imagesociale.fr/3494

    Dans un pays où l’autorité et la verticalité semblent avoir définitivement remplacé les vertus démocratiques de tolérance ou de respect de la diversité des opinions, le moindre écart par rapport à une francité fantasmée devient source d’inquiétude, défi ou insulte. L’interdiction du burkini, qui prolonge le funeste héritage des lois contre le voile, ne concerne pas seulement un morceau de tissu, mais s’inscrit dans une culture des marqueurs identitaires, qui associe dans le plus grand désordre un bric-à-brac de différences visibles – interdits alimentaires, préceptes religieux, coutumes vestimentaires, etc… – mises en regard d’un catalogue tout aussi hétéroclite de comportements supposés conformes.
    Dans ce contexte d’un symbolisme rhizomatique qui surcharge chaque signifiant d’une lourde charge implicite, un apéro saucisson-pinard devient une manifestation identitaire parfaitement lisible, et un foulard la partie émergée de l’iceberg où se dissimule le terrorisme islamiste. Qui vole un œuf vole un bœuf, qui porte un hidjab cache probablement une ceinture d’explosifs, comme le montre un dessin de Plantu.

    Pour produire ce nouveau signe islamophobe, on oubliera que le burkini est une invention récente, destinée à rendre compatibles les prescriptions vestimentaires traditionnelles avec l’espace de la baignade, « qui fait sauter les fondamentalistes au plafond » (Olivier Roy). On oubliera surtout la diversité des contextes, à commencer par le fait qu’on ne peut pas confondre l’obligation du port d’un vêtement dans un pays musulman avec la liberté de choix qui s’exerce dans un pays démocratique, dont la conséquence logique est que ce port peut relever de finalités variées.

  • The arabs at war in Afghanistan, Hurst, Londres, 2015, 355 p.
    https://remmm.revues.org/9351

    The Arabs at War in Afghanistan est un livre original à plus d’un titre. Pour un lecteur français, qui plus est néophyte, il vient compléter deux écrits de référence sur le sujet, ceux d’Olivier Roy et de Gilles Dorronsoro1. Cet ouvrage n’est pas une autobiographie mais un dialogue à deux voix qui permettent la mise en récit d’une mémoire militante et milicienne, et offre une relecture de certains enjeux liés aux mouvements politiques nés en Afghanistan, notamment Al-Qaeda. Un dialogue, car il y a bien plus qu’un simple jeu de questions et de réponses entre les deux auteurs, Mustapha Hamid et Leah Farrall.

    3Le premier, plus connu sous le nom d’Abu Walid al-Masri, est un ancien des guerres d’Afghanistan. De nationalité égyptienne, il précède Oussama Ben Laden en terres afghanes : en juin 1979, soit six mois avant l’invasion soviétique de l’Afghanistan, il rejoint les rangs du Hizb I islami (Parti islamique) de Yunis Khalis, une formation idéologiquement proche des Frères musulmans. Il n’est pas encore un combattant mais écrit pour al-Ittihad (l’Union), un journal basé à Abu Dhabi. Levant des fonds provenant des pays du Golfe pour le compte de l’insurrection afghane, il est l’un des principaux acteurs des grands épisodes militaires de la guerre d’Afghanistan, tout au long des années 1980, et l’un de ses témoins privilégiés. En 1984, il fonde un camp d’entraînement militaire pour Afghans et activistes étrangers, à Qais, avec l’aide de Mawlawi Nasrullah Mansur. Ce dernier est le fondateur, en 1981, du Harakat i Inqilab i Islami (Mouvement de la révolution islamique), et l’un des futurs inspirateurs des Talibans. Mustapha Hamid s’en dit plus proche que d’Oussama Ben Laden et du Cheikh Abdallah Azzam, un Palestinien qui fonde, en octobre 1984, le Maktab al-Khadamat (le Bureau des services).

  • #Olivier_Roy: «Daech fait feu de tout bois»
    https://www.mediapart.fr/journal/international/250716/olivier-roy-daech-fait-feu-de-tout-bois

    Olivier Roy à Mediapart en 2014 Après la revendication par l’État islamique de l’attentat de #Nice puis de celui d’Ansbach, commis par des tueurs au profil psychologique lourd, assiste-t-on à une nouvelle métamorphose du djihadisme ? Entretien avec Olivier Roy, spécialiste de l’islam et du phénomène djihadiste.

    #International #Culture-Idées #Ansbach #Attentat #Daech #Etat_islamique #islam #radicalisation #terrorisme

  • Nice terrorist’s cousin reveals he is an ‘unlikely jihadist’ who flouted every rule of Islam | Daily Mail Online
    http://www.dailymail.co.uk/news/article-3691895/He-drank-alcohol-ate-pork-took-drugs-NOT-Muslim-Truck-terrorist-Mohamed

    EXCLUSIVE - ’He drank alcohol, ate pork and took drugs. He was NOT a Muslim - he was a s***’: Truck terrorist’s cousin reveals he is an ’unlikely jihadist’ who beat his wife and NEVER went to the mosque

    Truck terrorist who murdered 84 people in a horrific drive along the Nice seafront drank alcohol, ate pork and took drugs - all banned by Islam
    Cousin of his estranged wife said ’he was not a Muslim, he was a s***’ as he revealed he didn’t pray or go to mosque
    The couple separated after reports of domestic abuse two years ago and their divorce proceedings ’depressed’ him
    Detectives raided the family home and the flat where Bouhlel lived alone and took his wife into protective custody

    En termes plus savants, on appelle cela « l’islamisation de la radicalité » (Olivier Roy) mais c’est Gilles Kepel, « la radicalisation islamique » et « la guerre des civilisations » qu’on nous sert jusqu’à la nausée.

    Le même Kepel fait semblant de critiquer Valls qui utilise l’expression « guerre des civilisations » (http://video.lefigaro.fr/figaro/video/guerre-de-civilisation-kepel-juge-ambigus-les-termes-de-valls/4327653536001). Il vieillit et perd la mémoire (ou alors il se surmène) car c’est très exactement ce qu’il a dit, « à chaud » sur France-Culture : « C’est une guerre de civilisation qui menace la société dans toutes ses composantes. » (C’est à la minute 22 : http://www.franceculture.fr/emissions/l-invite-des-matins-d-ete/nice-apres-l-horreur-premieres-analyses-sur-un-terrorisme-3e?xtmc=gill

    )

    #palinodies #perroquets #girouettes

    • Nice : la fascination de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel pour l’ultra-violence l’a poussé à agir pour l’EI
      http://www.europe1.fr/societe/nice-la-fascination-de-mohamed-lahouaiej-bouhlel-pour-lultra-violence-la-pou

      Selon les informations d’Europe 1, ils ont découvert son obsession pour les vidéos les plus abominables diffusées sur Internet par l’organisation Etat islamique. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel regardait en boucle les séquences les plus abominables, celles où les atrocités sont filmées en détail. Or, on sait que depuis des années, le Tunisien infligeait des sévices à sa femme et ses enfants. A ce stade, les policiers sont convaincus que c’est avant tout sa fascination pour l’hyper-violence qui l’a poussé à s’intéresser tout seul à Daech. S’il a fini par commettre cet attentat, inspiré et incité par les messages de l’Etat islamique, c’est pour le « plaisir barbare » d’écraser un maximum de gens.

      Des considérations politiques plus que religieuses. Ce week-end, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a cependant évoqué la « radicalisation très rapide » de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. En réalité, depuis qu’il a décidé de passer à l’action, le Tunisien a commencé à épouser les codes religieux de Daech. Alors qu’il buvait régulièrement selon plusieurs témoignages, il a subitement arrêté de consommer de l’alcool. Auprès de son entourage, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel avait commencé à parler de l’Etat islamique, mais sous un aspect géopolitique. Il expliquait que le groupe terroriste devrait être reconnu comme un Etat à part entière, avec un territoire. Des considérations politiques mais pas spécialement religieuses, donc. On peut avoir affaire à une radicalisation mais dans la violence, plus que dans l’islamisme.

  • Gilles Kepel, l’islamo-gauchisme, la CGT et les hooligans

    On savait que Gilles Kepel avait deux obsessions. La première est le livre écrit en 2005 par Abou Moussab al- Suri, qui permettrait d’expliquer l’ensemble du phénomène djihadiste actuel ; si ce texte n’avait pas été conçu, nul doute que le monde actuel serait tranquille et que le terrorisme n’existerait pas. Seconde obsession, l’islamo-gauchisme, auquel il attribue la responsabilité d’avoir inventé une « soi-disant islamophobie », qui divise la société française et prépare la guerre civile.

    Il vient de franchir une étape dans son analyse, puisqu’il associe désormais la CGT à la stratégie des islamistes. Dans un entretien accordé à L’Express cette semaine, où il réitère une fois de plus ses attaques contre Olivier Roy (en fait, pratiquement personne dans la communauté scientifique ne trouve grâce à ses yeux), il revient sur la stratégie des djihadistes.

    Parmi les objectifs du djihadisme de troisième génération (...) figure une intention bien précise : faire en sorte que, par la multiplication des actions, les forces de sécurité soient épuisées. J’ai été frappé, le 14 juin, alors que France était sidérée par le double assassinat de Magnanville, que les forces de l’ordre soient mobilisées par les manifestations conduites par M. Philippe Martinez, clope au bec, mais qui a donné lieu à des débordements au cours desquels des casseurs se sont rués contre l’hôpital Necker.(...) Ajoutons que l’Euro de football a donné lieu également à une forte implication face aux hooligans. La survenue simultanée des trois phénomènes est sidérante. Face à eux, la France – l’Europe – ne montre, pour l’instant, que sa faiblesse et l’absence de figure d’autorité.

    Une photo de l’hôpital Necker, avec des policiers en première ligne, est accompagnée de cette citation :

    La survenue simultanée des trois phénomènes est sidérante. L’épuisement des fonctionnaires de sécurité est clairement recherché par les djihadistes.

    (rappelons que les images tournées lors de la manifestation montrent deux personnes, je dis bien deux, qui s’en prennent à Necker, sans que la police, sans doute trop fatiguée, intervienne)

    Si l’on comprend bien, les djihadistes sont tellement forts qu’ils manipulent la CGT – qui n’a, pour Gilles Kepel, aucune raison de défiler avec six autres syndicats – et les hooligans (ou peut-être même les organisateurs de l’Euro de football). Effectivement, face à une telle puissance des djihadistes, il faut que la France s’arme et qu’elle apprenne enfin à imposer une figure d’ordre. Et Gilles Kepel, qui dénonce la doxa politico-médiatique, alors qu’aucun chercheur n’est autant invité dans toutes les émissions de radio, télévision et dans la presse (même dans L’Humanité ), est prêt à fournir à la République et à sa police toutes les clefs pour venir à bout de cette menace. N’ayant pas obtenu de son ami Manuel Valls la création d’un grand institut (sous son égide bien sûr), nul doute qu’il se tournera vers Bernard Cazeneuve pour lui offrir ses recettes destinées à éviter le surmenage des policiers.

  • Romain Caillet est fiché S pour son passé de jihadiste, qui n’a plus rien à voir, bien sûr, avec son présent de salafiste modéré :
    http://teleobs.nouvelobs.com/actualites/20160504.OBS9881/romain-caillet-le-m-djihadisme-est-fiche-s.html?xtref=https://www.facebook.com/#https://www.facebook.com

    Au milieu des années 2000, Romain Caillet, qui intervenait sur les forums islamistes sous le pseudonyme de « Colonel Salafi », ne cachait pas ses positions en faveur du djihad. Vivant en Egypte, il suivait notamment les cours de l’institut Qortoba, fermé en 2005 à la demande des services de renseignements occidentaux qui y voyaient une officine de recrutement djihadiste. Il y fréquentait notamment les frères Clain, dont l’aîné, Fabien, réputé être aujourd’hui un cadre important de Daech, a revendiqué les attentats de novembre dernier pour le compte de l’organisation terroriste. Il le reconnaîtra au cours d’une garde à vue dans les locaux de la Sous-Direction anti-terroriste (SDAT) en janvier 2008. Il précisera :
    « Sur le djihad, je ne suis plus d’accord avec les Clain. Depuis mars 2007, je ne suis plus pour le djihad parce que je m’oppose au fait d’entraîner des jeunes pour se sacrifier à mourir sans avoir acquis au préalable les bases de l’islam. »

    Et de préciser, doctement : « Les dirigeants d’Al-Qaida sont des ignorants. » Dans cette confession inédite, que « TéléObs » a pu consulter, il fera également part de ses remords d’ancien propagandiste djihadiste : « J’espère ne pas avoir été la cause d’enrôlement de jeunes au djihad. J’ai essayé de réparer mes erreurs en postant [sur internet, NDLR] des repentirs publics. » Après cet interrogatoire, il changera effectivement de pseudo sur les sites islamistes, expliquant à ses correspondants son revirement : « Quand j’étais djihadiste, je dormais mal la nuit en pensant aux attentats. » La justice ne retiendra aucune charge contre lui.

    Mais de ce passé controversé, Romain Caillet a hérité d’une fiche « S » à son nom, toujours active dans les services antiterroristes aujourd’hui. Elle a notamment ressurgi en marge de la récente enquête sur l’affaire Sid Ahmed Ghlam, cette tentative d’attentat contre une église de Villejuif dans laquelle une jeune fille a été assassinée. Le seul tort de Romain Caillet était d’avoir été en contact avec un ancien ami du temps de l’Egypte, en relation avec le réseau terroriste.

    Pour mémoire les services libanais lui ont demandé il y a quelques temps de quitter le territoire : http://seenthis.net/messages/347851 , selon l’article pour des « raisons obscures ».

    • #Enorme comme dirait l’autre (même si ça circulait déjà sur Twitter, mais sans preuves).

      En revanche, comme pour son départ de Beyrouth, je pense qu’on va à nouveau traiter le sujet en évitant soigneusement certains éléments…

      – Ce type n’est pas sorti de nulle part : c’est un produit de l’écurie Burgat.
      – Il doit sa « crédibilité » à des instances de légitimation universitaires.
      – Il doit aussi sa crédibilité à des publications qui n’ont cessé de le citer.
      – Et ces instances (universitaires/médiatiques) ont continué à le légitimer alors même que « tous les voyants » étaient au rouge, et que sans même connaître les détails de son passé, on pouvait déjà trouver ses positions très identifiables.

      Il faut aussi s’interroger (ce qui ne sera pas fait, j’en suis certain) sur l’utilité de ses publications…
      – Caillet a été l’un des seuls analystes à donner du crédit au bouffon/escroc de Saïda, Ahmad Assir (alors qu’il bénéficiait lui-même d’une légitimation institutionnelle française).
      – Il a été clairement utile à légitimer la rébellitude syrienne, et cela en partenariat direct avec Burgat. (Thèmes : Al-Nusra est trop violent pour ne pas être une création du régime ; et : la rébellion n’est sectaire que comme conséquence des manipulations du régime, alors que les troupes pro-régime sont dès le début motivées avant tout par des considérations sectaires – ce qui mène au thème des « jihadistes chiites ».)
      – Presque accessoirement (mais c’était pour moi le signe le plus dangereux) : travail de délégitimation systématique de l’armée libanaise, et à l’inverse légitimation du terrorisme contre le Liban (un très beau moment : attentat dans Beyrouth présenté comme « l’anti-impérialisme » qui a changé de camp, puisque maintenant l’anti-impérialisme ce serait faire sauter des bombes pour libérer le Liban de l’occupation par le Hezbollah…).

      Et le détail qui ne sera jamais interrogé : pourquoi un ancien fanatique jihadiste passe-t-il son temps à dire toute son admiration pour l’armée israélienne ?

    • Bonjour, c’est passionnant ce que vous racontez. Donc le « djhadisme chiite » c’est une pure construction ? Al-Nusra est un un produit d’Assad ? Sinon, c’est un hasard si la position du Quai d’Orsay pro-rebelles en Syrie est proche de celle de Caillet ?

      Il y un papier de blog du Monde.fr sur le « djihadisme chiite » : http://syrie.blog.lemonde.fr/2015/04/13/les-djihadistes-chiites-lautre-menace-pour-lavenir-de-la-syrie-et

    • Vous avez mal saisi ce que disait Nidal sur al-Nousra.

      Al-Nousra est une excroissance de l’Etat islamique en Irak (alors filiale irakienne d’AQ) avant que les deux groupes ne se scindent à partir de 2013.
      C’est Caillet qui a prétendu au début (en 2012) qu’il se pourrait bien que ce soit une création d’Assad, selon lui pour discréditer la gentille rébellion syrienne : http://seenthis.net/messages/286112#message286294
      Ça m’étonnerait fort que quiconque ose encore soutenir publiquement une telle connerie, y compris Caillet - même si un de ses variantes a la vue dure : « Assad a créé Da’ich ».
      Pour quelqu’un qui prétend détenir son expertise de la fréquentation et de discussion avec des jihadistes, Caillet s’est posé là !

      Je m’appuie ici sur « Etat islamique, le fait accompli » pages 45-46 de Wassim Nasr. Un an après les supputations fantaisistes de Caillet, en avril 2013, al-Baghdadi (chef de l’Etat islamique en Irak) diffuse un communiqué audio où il raconte que c’est lui qui a décidé de la création d’al-Nousra comme branche armée de l’EII en Syrie et qu’il avait mandaté al-joulani pour cela et l’appelant « un de ses soldats ». Dans le même communiqué il ordonne la dissolution d’al-Nousra et sa fusion avec l’EII dans une nouvelle entité : l’EIIL (Da’ich).
      al-Joulani (chef d’al-Nousra) admettra dans une réponse à ce communiqué, les informations données par al-Baghdadi mais refuse la fusion dans l’EIIL et renouvelle son allégeance à al-Zawahiri et al-Qaïda.
      Début du conflit entre les deux groupes jihadistes...
      Un peu plus tard al-Zawahiri acceptera publiquement l’allégeance d’al-Joulani et al-Nousra deviendra « officiellement » l’"Organisation al-Qaïda au pays de Sham".

    • Autre aspect rigolo, comme le fait remarquer un bon copain : Caillet est une assez parfaite illustration de la théorie d’Olivier Roy (et donc un contre-exemple de la théorie de Burgat).

    • Je ne suis pas certain qu’il faille se réjouir de la possibilité d’être condamné (à la perte de son boulot, à la vindicte populaire) sur la base de simples fiches de police opportunément jetées en pâture, sans jugement, sans justice. Ce n’est une bonne nouvelle ni pour les chercheurs, ni pour les journalistes - quoi qu’on pense de ce qu’écrit RC (dans lequel il y a, à mon sens, sans doute plus d’absence de réflexion sur les contraintes de l’expression publique que de machiavélisme).

    • @argos : j’aurais pu le préciser ici, comme je l’ai fait hier sur Twitter : le thème de la fiche S n’est absolument pas intéressant (et plutôt contre-productif à mon avis). C’est tellement n’importe quoi qu’on pourra même trouver des gens à s’en gargariser. En revanche, le thème qui circulait de manière relativement souterraine sur Twitter (et sans preuves jusqu’à hier), ce sont ses messages en tant que « Colonel Salafi » sur Ansaar.info (et, selon ces méchants messages, sans doute sous une autre identité sur un autre site, je te laisse chercher). Quand quelqu’un parviendra à mettre la main sur les archives de ces messages (j’ai essayé, même Archive.org n’a pas grand chose à proposer), on pourra vraiment commencer à rigoler.

      J’ai modifié mon message, je n’avais pas vu ceci : BFMTV renvoie Romain Caillet : l’expert affirme qu’il ne se savait pas fiché
      https://francais.rt.com/france/20154-affaire-romain-caillet--bfm

      Suite aux révélations sur Romain Caillet, fiché S et proche de djihadistes, la chaîne d’information en continu a décidé de mettre un terme à leur collaboration. Depuis plusieurs mois, il officiait en tant que consultant sur le terrorisme.

    • Sur le fameux « Colonel Salafi », pas grand chose d’accessible sur le Web. Juste des mentions dans ce vieil article d’octobre 2004 : Internet : visite d’un site jihadiste en langue française
      http://www.terrorisme.net/p/article_133.shtml

      Le 8 octobre 2004, un membre du forum d’Ansaar.info utilisant le pseudonyme de Colonel salafi (sic) accompagné d’une photographie d’Ayman al-Zawahiri est fier de pouvoir annoncer la bonne nouvelle à ses camarades : « L’imam des Habaches s’est fait planter » (re-sic). Il fait référence à l’agression au couteau de la part d’un déséquilibré, dont a été victime le jour même l’imam du Centre islamique de Lausanne, qui appartient en effet au mouvement controversé des Habaches. Colonel salafi - on peut présumer qu’il n’a pas tout à fait atteint l’âge habituellement associé au grade dont son pseudonyme le pare... - affiche de petits « emoticons » (smileys) réjouis à la fin de son message. Pour toute réponse, Abou Aymane, superviseur du site, qui arbore pour sa part l’image d’un combattant masqué avec une mitraillette à la main, lance une aimable imprécation à l’intention des Habaches : « Qu’Allah leur envoie la peste ou le choléra ! »

      Bienvenue sur le site Ansaar.info, dont le forum affiche en bande de titre « Gloire et pureté à l’Islam ! », sur fond de mitraillette. Le type de vocabulaire utilisé, les discussions, montrent vite que la plupart des habitués du forum ne vivent pas dans le monde arabe, mais surtout dans des banlieues de grandes villes francophones d’Europe. « Rien en français ? », interroge une jeune fille aux inclinations jihadistes, déçue de ne trouver que des sites en arabe dans une longue liste de bonnes adresses recommandées aux admirateurs d’Oussama ben Laden et de ses pareils.

      […]

      De même, la libération des deux otages italiennes en Irak a été évoquée par Colonel salafi de façon approbatrice, sous le titre « Les innocents n’ont rien à craindre des mujahidin » :

      « Parce qu’en tant que militantes altermondialistes ; elles étaient forcément contre la guerre en Irak. Parce qu’elles effectuaient un travail humanitaire. Et enfin, parce que ce sont des femmes. Je pense que leur libération est conforme aux lois de la guerre selon la shari’a et que la da’wa des mujahidin en Irak touchera encore plus de coeurs, insha Allah. »

    • Ce serait pas possible de faire un papier posant des questions sur Caillet et de manière générale sur l’essor de la « jihadologie » ? Il manque vraiment un contre-argumentaire/enquête qui pose des questions sur ce groupe de jihadologues qui a le vent en poupe.

  • Gilles Kepel « L’émergence du salafisme est un signe des failles de notre société » | L’Humanité
    http://www.humanite.fr/gilles-kepel-lemergence-du-salafisme-est-un-signe-des-failles-de-notre-soci

    Dans l’entretien paru le 29 septembre 2014 dans le Monde, Olivier Roy note : « Il faut d’autant moins internationaliser le conflit que Daech a avant tout une stratégie locale, qu’il tente d’étendre à tout le Moyen-Orient, mais son objectif n’est ni New York ni Paris. » Alors que la messe est dite, les élucubrations coupées de la réalité continuent à circuler. Les idées d’Olivier Roy s’apparentent à des sophismes modernes, raison pour laquelle elles rencontrent du succès. Il justifie la paresse intellectuelle largement répandue sur cette question complexe. Tout le monde a l’impression de comprendre sans y avoir travaillé. Or, personne ne se rend en Syrie uniquement par le biais d’Internet. Cela passe par un réseau de pairs, par la progression du salafisme comme modèle de rupture en valeurs et culturelle. La porosité entre salafisme et djihadisme demeure grande, même si les salafistes affirment ne pas être violents. Culturellement, les djihadistes sont des salafistes. Parmi ces derniers, certains passent au combat armé, certains autres attendent les instructions de l’Arabie saoudite. Celle-ci pratiquait les accommodements avec ceux qui achetaient son pétrole, alors à 120 dollars le baril. À 27 dollars, il est possible qu’un certain nombre de cheikhs basculent dans la sympathie à l’égard de Daech et, ainsi, se débarrassent du régime saoudien. La réfutation des idées fausses, des sophismes et autres prénotions au sens de Durkheim, d’Olivier Roy et consorts est fondamentale. C’est un débat universitaire, un débat intellectuel, un débat éthique.
    ...
    Le processus de porosité entre les discours islamistes et gauchistes est exprimé en 1994 par The Prophet and the Proletariat, de Chris Harman, leader d’un mouvement trotskiste britannique, qui estime possible de pactiser avec l’islamisme dans certaines circonstances. Il trouvera sa prolongation en France avec l’engagement du Monde diplomatique et d’Alain Gresh, alors rédacteur en chef du mensuel, aux côtés de Tariq Ramadan au sein du Forum social européen (FSE) en 2003. Ramadan jouera un grand rôle dans ce rapprochement. Alors que la gauche traditionnelle n’arrivait plus à recruter la jeunesse, Ramadan participe aux divers rassemblements accompagné de ses adeptes de l’Union des jeunes musulmans, comprenant que cette alliance islamo-gauchiste était l’occasion espérée de pénétrer le système politique. Dans cette perspective, les croyances de ces nouveaux alliés ne sont pas susceptibles d’être critiquées, sous peine de rompre les liens instaurés à grand-peine entre l’ex-avant-garde marxiste, dont les soutiens populaires propres ont disparu, et les masses paupérisées des banlieues, désormais inéluctablement islamisées à leurs yeux. Le débat sur Charlie Hebdo pousse la rupture sur les valeurs au paroxysme. Ce journal satirique considère que la critique de la religion islamique est du même ordre que celle de la religion juive ou chrétienne. Alors qu’à l’autre bout du spectre, à l’image d’Emmanuel Todd, on estime que critiquer l’islam revient à cracher sur la religion des pauvres, des prolétaires. Or, il y a un hic dans ce raisonnement : une partie des islamistes n’a pas hésité à défiler lors des « manifs pour tous » avec des conservateurs et des réactionnaires.

    Dans le raisonnement de G. Kepel, je ne vois guère de place d’une part pour les alliances contre-nature (politique), manipulations et menées occidentales au Moyen Orient ; ni sur le travail de sape que notre modèle de développement socio-économique exerce contre la cohésion sociale et la solidarité.

  • L’Etat islamique est une révolution, par Scott Atran - L’Obs, via @le_bougnoulosophe
    http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20160129.OBS3681/l-etat-islamique-est-une-revolution-par-scott-atran.html

    Dans ce long texte, l’anthropologue Scott Atran, spécialiste du terrorisme, explique pourquoi, en fermant les yeux sur la capacité d’attraction de l’#EI, l’Occident commet une erreur stratégique majeure.

    La généalogie irakienne et carcérale (oubliée) de #Daech : Myriam BENRAAD, Irak, la revanche de l’histoire. De l’occupation étrangère à l’#Etat_Islamique, Paris, Vendémiaire, 2015, 288 p.
    http://historicoblog3.blogspot.be/2016/02/myriam-benraad-irak-la-revanche-de.html

    • Bien que complètement en retard sur plein de trucs j’ai pris le temps de lire ce long texte qui m’a terrifié. Je note juste un petit passage :

      Si nous n’ouvrons pas les yeux sur cette réalité et ces aspirations, et que nous refusons de les aborder autrement que par la force militaire, nous attiserons probablement ces passions et une nouvelle génération connaîtra la guerre, et pire encore.

      Je n’ose pas imaginer ce qui peut être pire que la guerre (et ce qui va avec, torture, sang, souffrance, exécution de masse, etc...).

      Ici aussi, une des portes d’entrée pour une réflexion sur la #terreur #barbarie #cruauté #révolution #force #puissance #guerre #organisation_politique

      Avec ce grand mystère qui reste, cette question à laquelle il faudra répondre : pourquoi l’EI a-t-elle cette formidable capacité d’attraction.

    • Noter tout de même que, après son signalement, @le_bougnoulosophe a posté toute une série de tweets, dont plusieurs critiquent vertement certains points :
      https://twitter.com/bougnoulosophe/status/694841673298345985

      1. Après lecture attentive de ce long article, quelques remarques :
      – On y trouve beaucoup d’approximations et d’affirmations gratuites.

      1.1. Dire que les quartiers pop. de France vibrent aux valeurs de Daech est une grosse (et dangereuse) imbécilité !

      1.2. Affirmer que le monde musulman et l’Europe ont des histoires distinctes et parallèles est une contre-vérité...

      1.3. La connaissance de l’histoire de l’Europe aussi laisse à désirer : Sait-il que l’Allemagne est devenue 1 « démocratie » en 1919 ? #Weimar

      1.4. Avoir le « Centre de Prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam » de Dounia Bouzar pour référence n’est pas 1 gage de sérieux

      1.5. La personne la plus crédible en France concernant le profil des jihadistes, c’est Farhad Khosrokhavar (personnage discret). #prisons

    • En effet, et je suis entièrement d’accord pour ces regards critiques. Il reste qu’il y a dans ce texte quelques pistes de réflexion à débattre et développer (c’est ce qui m’intéresse) à défaut de pouvoir prendre pour argent comptant tout ce qui peut s’écrire sur le sujet. Nous, qui ne sommes pas spécialistes, qui, intéressés par le sujet, cherchant des clés de lecture, des explications rationnelles, avons quand même un immense problème dans ce grand bazar de toute cette population d’expert/journalistes/chercheurs (ou pseudo) qui s’expriment et écrivent sur ce qui se passe en ce moment au Moyen-Orient. Nous sommes perdus dans cette autre bataille de la reconnaissance de qui dit que des conneries, ou un peu des conneries et beaucoup de trucs intelligents, ou beaucoup de conneries et un peu de trucs intelligents ou alors - mais j’ai l’impression que c’est très rare - que des trucs censés et intelligents. Comme en économie, il y a des grilles de lectures très différentes, ce qui est peut-être acceptable si on a derrière les arguments ou les données qui justifient ces grilles de lecture. Ce qui est impardonnable sans doute, c’est l’incompétence et le manque de savoir/culture sur ces sujets de personnalités qui malgré ces manques osent quand même s’exprimer publiquement. Il est très difficile de s’y retrouver, personne ne semble vraiment remporter une adhésion universelle.

      Je ne sais pas trop comment faire, mais pour le moment, je dois lire et rebondir sur les visions qui me semblent être sérieuses, solides et étayées - même dans des textes où il y a des réflexions à priori inacceptables. Le texte de Bradol que j’avais trouvé très puissant, très fort qui amenait un éclairage très particulier de ce qu’était l’EI n’est peut-être pas très solide sur certains points, mais l’année dernière, je n’avais pas les outils pour déceler les bugs.

      Il faut pourtant poursuivre nos efforts pour essayer de comprendre, visualiser, analyser, et réaliser la portée des transformations et développements géopolitiques (qui ont l’air d’être effrayants vu d’ici) en cours entre l’Afrique du Ouest et le Pakistan ; j’avoue que certains jours je suis complètement découragé et je pense que jamais je ne comprendrais quoique ce soit à cette histoire.

      Devant cette situation, Je pense à ce réalisateur de documentaire qui est parti six mois en Corée du Nord avec une bonne connaissance du pays et qui st rentré en disant qu’après six mois passé à y explorer ce qu’il pouvait, il avait l’impression de ne plus rien comprendre et que ce qu’il y avait vu invalidait tout ce qu’il avait appris avant son voyage !

    • Pour ma part :

      – toujours cet énorme problème qui consiste à réunir dans la même explication les combattants de l’EI, les habitants de Mossoul en Irak qui y seraient sympathiques, puis les Syriens et par je ne sais quelle extension les jeunes occidentaux qui rejoignent ces groupes (certain jihadologue de pacotille t’y mettant aussi la « rue sunnite » du Liban). Du coup le texte commence par critiquer la « naïveté » d’Olivier Roy, alors que celui-ci restreint clairement son éditorial de fin 2015 aux « jeunes Français, à savoir des “deuxième génération” musulmans et des convertis “de souche” », en lui opposant des citations d’habitants de Mossoul.

      – absence totale de questions géopolitiques (en général, quand on réclame la prise en compte des magouilles géopolitiques locales, régionales et globales, on se fait soit traiter de complotiste influencé par des complotistes arabes… ou alors on se fait imposer des lectures sur l’islam politique simplistes – se résumant régulièrement à la notion de « sunnites humiliés ») ; on reste au mythe du « mouvement grassroot », comme si aucun État local/régional/global n’avait soutenu, organisé, armé, manipulé ces groupes ou les groupes dont ils sont les héritiers ; (l’article, d’ailleurs, fait la comparaison avec une adhésion quasi-« spontanée » à un nazisme lui-même totalement déconnecté des enjeux politiques locaux, régionaux et internationaux de son époque) ;

      – l’aspect « mouvement révolutionnaire », pas faux sans doute, mais dans le même temps on rappelle que l’islam n’est pas l’explication, au motif que les jeunes occidentaux qui y vont n’ont qu’une connaissance très superficielle de l’islam (beaucoup n’ayant pas terminé « le Coran pour les nuls »). Du coup, pourquoi l’argument de l’adhésion à un projet révolutionnaire serait plus pertinente que l’autre, notamment avec cette façon de mettre dans le même sac les sunnites irakiens, les radicaux syriens et les jeunes occidentaux (dont une grosse partie de convertis et certains qui ont fait l’université) ? L’article fait des comparaisons historiques avec des mouvements politiques qui avaient soit une très lourde théorie à connaître (le texte prétendant d’ailleurs que les révolutions européennes, à partir d’un certain moment, n’étaient plus menées que par des jeunes intellectuels), soit l’immersion longue dans un environnement social et discursif explicatif… pour arriver à des jeunes pas foutus de connaître l’islam dont ils se revendiquent pourtant, qui vont imposer leur fantasme à la population d’un pays étranger, beaucoup n’étant pas baignés dans un environnement social et discursif en rapport avec la cause.

      – pas de mentions des processus de légitimation et de soutien dans nos propres sociétés, au sommet de nos propres États et par les puissances locales/régionales/globales, de cette « révolution ». Et cela aussi bien chez les « blogueurs influents » du réseau, chez les universitaires dont la narrative a dominé lourdement notre couverture des révolutions arabes, et chez nos gouvernants totalement alignés sur ces grandes démocraties exportatrices de pétrole et de wahhabisme ainsi que sur les intérêts et lubies israéliennes.

    • Je n’ai pas lu le texte de Scott Atran. Toutefois ce que je remarque, après avoir écouté le débat sur F2 hier soir : c’est que dans tous les cas - débats, écrits, interwiews, etc- où des propos pertinents voisinent avec des banalités et même des conneries, il n’est jamais question d’argent. Jamais !
      Ce qui m’amène à penser que, quand bien même les analyses réflexions sur le mécanisme d’attraction de l’EI sont très pertinentes - hier soir une femme responsable du service de « déradicalisation » a plutôt bien expliqué quels étaient les mécanismes psy mis en œuvre - et qui sont très élaborés, le système de recrutement est conçu par des types cultivés, formés à la manip - Enfermés que nous sommes du fait de la sidération provoquée par les images de violence, les attentats,.... nous restons à l’affût des seules réflexions sur l’attractivité.
      Si nous reconsidérons la période nazie : Avons nous conscience de l’investissement financier des élites économiques dans sa promotion ? La presse, la corruption des dirigeants politiques et syndicaux, le financement des milices..etc..etc.
      J’invite à écouter et lire Annie Lacroix Riz. Elle analyse très bien tout cela, à partir des faits.

    • Rémi, tu évoques l’argent, mais il y a un point très prosaïque que j’ai oublié (c’est étonnant, parce que c’est un point que j’aime toujours rappeler que les gens commencent à prendre une trop belle hauteur de vue sur les motivations des types d’ISIS). C’est-à-dire qu’on occulte systématiquement des motivations pourtant importantes : tu auras un salaire (pas minable pour la région), tu auras une maison (confisquée à quelqu’un, c’est toujours très pratique de se débarrasser d’une partie de sa propre population), tu auras une femme de ménage gratuite qui fera aussi office d’esclave sexuelle.

    • Tout à fait ! Et le caractère de masse que prend cette « mise en place » - c’est le cas de le dire- pour des milliers de types, ça se chiffre à combien, et...évidemment : d’où vient le financement ? Il serait intéressant de chiffrer tout ce qui a été investi : les salaires, l’armement, la logistique militaire - munitions, transports etc.. , la communication -ça ça coûte un brin- etc... je suis sûr qu’on serait écoeurés !!!

  • Olivier Roy : « La laïcité n’est pas une réponse au terrorisme »
    http://www.lesechos.fr/30/04/2015/lesechos.fr/02140075138_olivier-roy----la-laicite-n-est-pas-une-reponse-au-terrorisme-.

    Nous assistons au début d’une guerre de Trente Ans, par analogie à celle entre catholiques et protestants, qui a ensanglanté l’Europe au début du XVIIe siècle. L’islam est au confluent de trois crises majeures ; celle née du phénomène d’immigration massive en Occident (je ne crois pas à la thèse du « grand remplacement » mais il s’agit, quand même, d’un changement tectonique), celle née de la constitution d’Etats nations artificiels suite au démantèlement de l’empire ottoman après la Première Guerre mondiale et celle de la rivalité féroce entre l’Arabie saoudite, sunnite et arabe, et l’Iran, perse et chiite.
    En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/30/04/2015/lesechos.fr/02140075138_olivier-roy----la-laicite-n-est-pas-une-reponse-au-terrorisme-.

  • Les domestiques asiatiques moins bien traitées en Scandinavie que dans le Golfe ?
    http://orientxxi.info/magazine/les-domestiques-asiatiques-moins-bien-traitees-en-scandinavie-que-dans-l

    Signalé par un pote qui se reconnaîtra, une grosse tâche sur la serviette déjà pas très propre d’Orient XXI. Cet article nous explique que, en définitive, le petit personnel asiatique n’est pas tellement mieux traité, voire plutôt moins bien, « en Scandinavie que dans le Golfe ». « Sacrilège » comme il est dit dans le titre...

    Déjà, on pensait qu’Orient XXI s’intéressait à l’actualité du monde arabe. Or, là, il s’avère qu’il s’agit surtout de dénoncer les conditions d’exploitation des domestiques asiatiques en Europe du nord. Drôle de choix éditorial !

    Et puis, on a tout de même un peu l’impression que l’opération sert à nous expliquer que, finalement, ces pauvres Golfites ne sont pas si épouvantables que cela puisque les autres, les prétendus civilisés des démocraties représentatives exemplaires, font aussi mal.

    Enfin, pour couronner le tout, comparer des rétributions et des niveaux de vie pour expliquer que les choses ne sont pas comme on le pense généralement, c’est bien gentil, mais c’est un peu court : quid des situations et des recours juridiques par exemple ? quelle est la proportion des personnes concernées par rapport à la population totale ?

    L’article est signé par deux universitaires, importés comme de vulgaires « nannies » au Qatar. Le premier est plutôt un climatologue, et le second se présente ainsi : « geographer who examines the human capital dimensions of international economic development. More specifically, I study how places attract and utilize global human capital and foreign knowledge through migration, trade, and investment as means to generate local development capacity. » La troisième est plus sur le sujet ; elle a visiblement fourni les données locales en Scandinavie...

    Pas terrible Orient XXI !...

    • C’est vraiment un article indigne.

      Voir Amnesty par exemple sur ce sujet (l’année dernière) :
      https://www.amnesty.org/en/documents/MDE22/004/2014/en

      Le fait de comparer uniquement les salaires en occultant tout le cadre juridique autour est vraiment grave. Avec ce raisonnement, on peut très bien affirmer que les « nannies » sont tout aussi bien traitées au Liban qu’en Suède, puisque les salaires sont sans doute équivalents. C’est évidemment passer à côté de faits parfaitement connus au Liban (et dont on trouve en gros l’équivalent dans le rapport d’Amnesty sur le Qatar) : système de parrainage (kafala) imposant la dépendance totale des employées, confiscation du passeport, conditions de logement possiblement infectes, quasiment aucun recourt en cas de salaire impayé, très peu de recours contre les violences et l’exploitation abusive, faible protection en cas de viol, expulsions systématiques en cas de fuite de chez son patron, et une bonne moyenne d’un suicide par semaine et jamais d’enquête sérieuse suite à cette curieuse épidémie de bonnes qui enjambent le balcon. Au point qu’il y a quelques années, les Philippines ont interdit à leurs ressortissantes d’aller travailler au Liban.

      Il y a tout juste deux semaines, d’ailleurs, Amnesty rappelait que le système de parrainage (kafala) n’était pas encore aboli au Qatar, et que le nouveau système maintiendra le contrôle des employés sur les travailleurs immigrés :
      http://www.amnesty.fr/Presse/Communiques-de-presse/Cinq-annees-echec-sur-le-terrain-des-droits-humains-deshonorent-la-FIFA-et-l

      La réforme de la kafala, un système restrictif de parrainage, au cœur des problèmes rencontrés par les travailleurs migrants : des modifications restreintes promises en mai 2014 n’ont été introduites qu’en octobre 2015, et n’entreront en vigueur qu’à la fin 2016. Le nouveau système continuera à exiger que les migrants obtiennent l’aval de leur employeur pour changer de travail ou quitter le pays.

      […]

      « Dans le système de la kafala, il est bien trop facile pour un employeur peu scrupuleux de bénéficier de l’impunité lorsqu’il paie les salaires en retard, place les travailleurs dans des logements sordides et exigus, ou menace les travailleurs qui se plaignent des conditions. C’est pourquoi la kafala doit faire l’objet d’une refonte complète, et pas de réformettes », a déclaré Mustafa Qadri.

      « Les travailleurs migrants continuent à être confrontés à des obstacles et des retards lorsqu’ils se tournent vers la justice, et ils ne sont pas autorisés à fonder ou rejoindre des syndicats. Des milliers d’entre eux continuent à connaître des difficultés pour bénéficier de services de base, de santé notamment, à subir des retards dans l’obtention du permis de résident, ou à vivre et travailler dans conditions intolérables. »

      Je crois que je peux ressortir mon petit gif :

      Pour ceux qui découvrent la notion de #qatar_bashing, c’est expliqué là :
      http://seenthis.net/messages/301911

    • Et ça ne rate jamais :
      https://twitter.com/romaincaillet/status/677245820270460928

      Les domestiques asiatiques seraient-elles moins bien traitées en Scandinavie que dans les pays du Golfe ?
      http://orientxxi.info/magazine/les-domestiques-asiatiques-moins-bien-traitees-en-scandinavie-que-dans-l

      […]

      J’imagine déjà les complotistes en train de classer @OrientXXI dans la catégorie « mercenaires takfiris » à la solde de l’Otan et du Qatar

    • @gonzo : je pense que ton sentiment (« on a tout de même un peu l’impression que l’opération… ») qu’il s’agit de dédouaner les pauvres pétromonarchies injustement montrées du doigt vient de cette façon dans l’article de vouloir absolument rattacher la question de la domesticité aux « pays exportateurs de pétrole et de gaz faiblement peuplés », ce qui permet de mettre dans un même sac (ici explicitement dans une même liste très bizarre) les pays du Golfe, la Norvège, le Danemark, la Malaisie, Brunei, les Pays-Bas et le Canada :

      À l’inverse, les gouvernements des pays exportateurs de pétrole et de gaz faiblement peuplés proposent des cadres juridiques particuliers pour que des travailleurs étrangers temporaires (généralement asiatiques pour des raisons économiques), travaillent pour des salaires parfois dérisoires en toute légalité. C’est ce que l’on peut aujourd’hui observer dans les pays du Golfe, mais aussi en Norvège, au Danemark, en Malaisie, à Brunei, aux Pays-Bas ou encore dans certaines provinces faiblement peuplées du Canada : les effets locaux des pétrodollars se manifestent souvent par des flux de milliers de travailleurs temporaires et bon marché, le plus souvent asiatiques.

      […]

      Derrière ces statistiques, il y a une grande dynamique économique et sociale internationale longtemps ignorée qui révèle, au sein des pays exportateurs d’hydrocarbures, une division du travail et de la société assez radicale : d’un côté, les populations nationales, bénéficiant de divers avantages et prestations sociales, et de l’autre, les travailleurs temporaires étrangers, qui n’y ont pas droit.

      On pourrait déjà remarquer que certains de ces pays ne sont pas « faiblement peuplés » (Malaisie et Arabie séoudite ont chacun 30 millions d’habitants). Mais surtout que les problèmes de la domesticité ne semblent pas se limiter du tout aux pays producteurs de pétrole. Par exemple (message précédent) : le Liban. La question de la domesticité se pose également en Afrique, peut-être avec des conditions différentes – souvent, semble-t-il, des ressortissants du même pays –, mais où la racialisation des rapports de domination n’est pas forcément absente. Par exemple, en Afrique du Sud, un million de femmes employées domestiques :
      http://www.equaltimes.org/les-travailleurs-domestiques-en

      Les Sud-africains blancs travaillent rarement en tant que domestiques, et encore moins les hommes de peau blanche. Mais depuis des générations, des femmes noires et de couleur (métisses) se sont occupées des enfants et des maisons des autres – souvent aux dépens de leurs propres ménages.

      Approximativement un million de femmes sont employées en tant que main-d’œuvre domestique en Afrique du Sud.

      Il y aussi l’Asie, par exemple ici 300.000 employées domestiques étrangères à Honk Kong (qui n’est pas non plus exportateur d’hydrocarbures) :
      https://www.amnesty.org/fr/countries/asia-and-the-pacific/china/report-china

      Plusieurs milliers des quelque 300 000 employés domestiques étrangers de Hong Kong – des femmes en quasi-totalité – étaient victimes de traite à des fins d’exploitation et de travail forcé, et se retrouvaient lourdement endettés du fait de frais d’agence excessifs ou illégaux. La « règle des deux semaines » (selon laquelle les employés de maison étrangers dont le contrat de travail est terminé doivent trouver un nouvel emploi ou quitter Hong Kong dans les 15 jours qui suivent) et celle selon laquelle ces employés étaient logés au domicile de leur employeur les rendaient d’autant plus vulnérables à de possibles atteintes aux droits humains et aux droits en matière de travail. Violences physiques et verbales, restriction du droit de circuler librement, interdiction de pratiquer sa foi, salaires inférieurs au minimum légal, privation de périodes de repos suffisantes, cessations arbitraires de contrat, souvent en collusion avec les agences de recrutement, étaient autant de pratiques courantes chez les employeurs. Les autorités de Hong Kong ne contrôlaient pas correctement les agences de recrutement et ne sanctionnaient pas de manière appropriée celles qui se mettaient en infraction avec la loi.

      Et dans les pays où le choix des employées de maison n’est pas immédiatement racialisé, une bonne dose de mépris de classe ou d’autre structure d’aliénation/domination fera certainement parfaitement l’affaire. Ainsi en Inde (pas vraiment un pays « faiblement peuplé ») :
      https://fr.globalvoices.org/2013/12/26/159017

      L’Inde compte plus de quatre vingt dix millions d’employés domestiques, soit 20% de la population active, qui constituent une main d’oeuvre vitale pour le développement du pays mais qui disposent de très peu de droits. Les avantages tels que le salaire minimum fixe, le paiement des heures supplémentaires, le congé maternité, les soins médicaux et d’autres droits de base demeurent illusoires pour eux, en l’absence d’une législation nationale. Ils sont vulnérables face aux abus et à la pauvreté. La nature de leur travail, la relation informelle employé-employeur et leur lieu de travail demeurant un foyer privé, tous ces éléments font qu’ils ne sont concernés par aucune des lois du droit du travail indien.

      On pourrait continuer ainsi longtemps… l’idée de lier la domesticité aux pays exportateurs d’hydrocarbures apparaît donc totalement artificielle, d’où le doute sur l’intention derrière ce choix qui permet de mettre la Suède dans la même liste que le Qatar et l’Arabie séoudite.

  • Après le 25 novembre #Attentats #Paris #VosGuerresNosMorts :

    La guerre ne nous rend pas plus forts, elle nous rend vulnérables
    Dominique de Villepin, Libération, le 25 novembre 2015
    http://www.liberation.fr/debats/2015/11/25/la-guerre-ne-nous-rend-pas-plus-forts-elle-nous-rend-vulnerables_1416115

    A Saint-Denis, les pauvres n’ont pas le droit d’être traités en victimes
    Sibylle Gollac, Stéphanie Guyon, Julie Pagis, Etienne Penissat, Karel Yon, Libération, le 25 novembre 2015
    http://www.liberation.fr/debats/2015/11/25/a-saint-denis-les-pauvres-n-ont-pas-le-droit-d-etre-traites-en-victimes_1

    BRAVONS L’ETAT D’URGENCE, RETROUVONS-NOUS LE 29 NOVEMBRE PLACE DE LA REPUBLIQUE
    Frédéric Lordon, Directeur de recherche au CNRS, Pierre Alféri, Romancier, poète et essayiste Hugues Jallon, éditeur, écrivain, Ludivine Bantigny, Historienne, Eric Hazan, Editeur, Julien Salingue, Docteur en Science politique, Joelle Marelli, Philosophe, écrivain, directrice de programme au Collège international de philosophie, Jacques Fradin, Mathématicien, chercheur en économie, Ivan Segré, Philosophe, Nathalie Quintane, Poétesse, Christophe Granger, Historien, Nacira Guénif, Sociologue, Serge Quadruppani, Ecrivain, Joss Dray, Auteure-photographe, La parisienne libérée, Chanteuse, François Cusset, Professeur de civilisation américaine, Jean-Jacques Rue, Programmateur de cinéma et journaliste, Libération, le 25 novembre 2015
    http://www.liberation.fr/debats/2015/11/24/bravons-l-etat-d-urgence-manifestons-le-29-novembre_1415769
    https://www.change.org/p/la-rue-bravons-l-etat-d-urgence-retrouvons-nous-le-29-novembre-place-de-la-r

    "Nous ne céderons pas !"
    AFD International, Agir pour le changement démocratique en Algérie (Acda), Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (Acort), Association des Marocains en France (AMF), Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), Association des Tunisiens en France (ATF), Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine (Aurdip), Association française des juristes démocrates (AFJD), Association France Palestine solidarité (AFPS), Association Grèce France Résistance, Association interculturelle de production, de documentation et de diffusion audiovisuelles (AIDDA), Association pour la reconnaissance des droits et libertés aux femmes musulmanes (ARDLFM), Associations démocratiques des Tunisiens en France (ADTF), Attac, Cadac, Cedetim, Confédération générale du travail (CGT), Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal), Collectif national pour les droits des femmes (CNDF), Collectif 3C, Collectif des 39, Collectif des féministes pour l’égalité (CFPE), Comité pour le développement et le patrimoine (CDP), Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), Commission islam et laïcité, Confédération syndicale des familles (CSF), Collectif des musulmans de France (CMF), Coordination des collectifs AC !, Droit au logement (Dal), Droit solidarité, Droits devant !!, Emmaüs France, Emmaüs International, Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives (FTCR), Fédération nationale de la Libre pensée, Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH), Filles et fils de la République (FFR), Fondation Copernic, Fédération syndicale unitaire (FSU), Genepi, Ipam, La Cimade, La Quadrature du Net, Le Mouvement de la paix, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Le Gisti, Les Amoureux au ban public, Les Céméa, Maison des potes, Mamans toutes égales (MTE), Médecins du monde, Mrap, OIP - section française, Organisation de femmes égalité, Planning familial, Réseau éducation sans frontières (RESF), Réseau euromaghrébin culture et citoyenneté (REMCC), Réseau Euromed France (REF), SNPES-PJJ/FSU, Snuclias-FSU, Syndicat des avocats de France (Saf), Syndicat national des journalistes (SNJ), Unef, Union des travailleurs immigrés tunisiens (Utit), Union juive française pour la paix (UJFP), Union nationale lycéenne (UNL), Union syndicale de la psychiatrie (USP), Union syndicale Solidaires, L’Humanité, le 25 Novembre, 2015
    http://www.humanite.fr/appel-unitaire-nous-ne-cederons-pas-590848

    Alain Bertho : « Il faut être clair : un monde a pris fin, il n’y aura pas de retour en arrière »
    Interview d’Alain Bertho par Ivan du Roy, Basta, le 26 novembre 2015
    http://www.bastamag.net/Il-faut-etre-clair-un-monde-a-pris-fin-il-n-y-aura-pas-de-retour-en-arrier

    "Pas en notre nom"
    (manifs le 28 novembre 2015 dans toute l’Espagne)
    http://www.noasusguerras.es/francais

    #recension

  • signalé par @remi

    Le djihadisme est une révolte générationnelle et nihiliste, par Olivier Roy

    Même si je ne sais pas si les portraits des individus devenus terroristes sont rigoureusement exacts, je trouve l’approche intéressante, ne serait-ce parce que cela met en lumière des similitudes avec les assassinats de masse commis par des adolescents américains.

    http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2015/11/26/le-djihadisme-est-une-revolte-generationnelle-e

    En rupture avec leur famille, les djihadistes sont aussi en marge des communautés musulmanes : ils n’ont presque jamais un passé de piété et de pratique religieuse, au contraire. Les articles des journalistes se ressemblent étonnamment : après chaque attentat, on va enquêter dans l’entourage du meurtrier, et partout c’est « l’effet surprise : « On ne comprend pas, c’était un gentil garçon (variante : “Un simple petit délinquant”), il ne pratiquait pas, il buvait, il fumait des joints, il fréquentait les filles… Ah oui, c’est vrai, il y a quelques mois il a bizarrement changé, il s’est laissé pousser la barbe et a commencé à nous saouler avec la religion. » Pour la version féminine, voir la pléthore d’articles concernant Hasna Aït Boulahcen, « Miss Djihad Frivole ».

    Inutile ici d’évoquer la taqiya, ou dissimulation, car une fois born again, les jeunes ne se cachent pas et étalent leur nouvelle conviction sur Facebook. Ils exhibent alors leur nouveau moi tout-puissant, leur volonté de revanche sur une frustration rentrée, leur jouissance de la nouvelle toute-puissance que leur donnent leur volonté de tuer et leur fascination pour leur propre mort. La violence à laquelle ils adhèrent est une violence moderne, ils tuent comme les tueurs de masse le font en Amérique ou Breivik en Norvège, froidement et tranquillement. Nihilisme et orgueil sont ici profondément liés.

    Cet individualisme forcené se retrouve dans leur isolement par rapport aux communautés musulmanes. Peu d’entre eux fréquentaient une mosquée. Leurs éventuels imams sont souvent autoproclamés. Leur radicalisation se fait autour d’un imaginaire du héros, de la violence et de la mort, pas de la charia ou de l’utopie. En Syrie, ils ne font que la guerre : aucun ne s’intègre ou ne s’intéresse à la société civile. Et s’ils s’attribuent des esclaves sexuelles ou recrutent de jeunes femmes sur Internet pour en faire des épouses de futurs martyrs, c’est bien qu’ils n’ont aucune intégration sociale dans les sociétés musulmanes qu’ils prétendent défendre. Ils sont plus nihilistes qu’utopistes.

    Aucun ne s’intéresse à la théologie

    Si certains sont passés par le Tabligh (société de prédication fondamentaliste musulmane), aucun n’a fréquenté les Frères musulmans (Union des organisations islamiques de France), aucun n’a milité dans un mouvement politique, à commencer par les mouvements propalestiniens. Aucun n’a eu de pratiques « communautaires » : assurer des repas de fin de ramadan, prêcher dans les mosquées, dans la rue en faisant du porte-à-porte. Aucun n’a fait de sérieuses études religieuses. Aucun ne s’intéresse à la théologie, ni même à la nature du djihad ou à celle de l’Etat islamique.

  • Olivier Roy : « Le djihadisme est une révolte générationnelle et nihiliste »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/11/24/le-djihadisme-une-revolte-generationnelle-et-nihiliste_4815992_3232.html

    Daech puise dans un réservoir de jeunes Français radicalisés qui, quoi qu’il arrive au Moyen-Orient, sont déjà entrés en dissidence et cherchent une cause, un label, un grand récit pour y apposer la signature sanglante de leur révolte personnelle. L’écrasement de Daech ne changera rien à cette révolte.

    Le problème essentiel pour la France n’est donc pas le califat du désert syrien, qui s’évaporera tôt ou tard comme un vieux mirage devenu cauchemar, le problème, c’est la révolte de ces jeunes. Et la vraie question est de savoir ce que représentent ces jeunes, s’ils sont l’avant-garde d’une guerre à venir ou au contraire les ratés d’un borborygme de l’Histoire.

    Bref, ce n’est pas la « révolte de l’islam » ou celle des « musulmans », mais un problème précis concernant deux catégories de jeunes, originaires de l’immigration en majorité, mais aussi Français « de souche ». Il ne s’agit pas de la radicalisation de l’islam, mais de l’islamisation de la radicalité.

    Et puis un beau matin, ils se sont (re)convertis, en choisissant l’islam salafiste, c’est-à-dire un islam qui rejette le concept de culture, un islam de la norme qui leur permet de se reconstruire tout seuls. Car ils ne veulent ni de la culture de leurs parents ni d’une culture « occidentale », devenues symboles de leur haine de soi.

    La clé de la révolte, c’est d’abord l’absence de transmission d’une religion insérée culturellement. C’est un problème qui ne concerne ni les « première génération », porteurs de l’islam culturel du pays d’origine, mais qui n’ont pas su le transmettre, ni les « troisième génération », qui parlent français avec leurs parents et ont grâce à eux une familiarité avec les modes d’expression de l’islam dans la société française : même si cela peut être conflictuel, c’est « dicible ».

    Je trouve cette lecture de Roy très intéressante et surtout critique : elle se distancie d’une vision du terrorisme islamique axée sur le spectre du némi extérieur, qui nie les racines européennes de la radicalisation et son lien avec la question sociale.

    #terrorisme #islamisme #radicalisation

  • « Il ne s’agit pas de la radicalisation de l’islam, mais de l’islamisation de la radicalité. »
    http://contre-attaques.org/l-oeil-de/article/il-ne-s-agit

    Après le temps du deuil, les intellectues va-t-en guerre, promoteur de l’état d’urgence, accuse « la bête immonde », qui serait les « islamo-gauchistes ». Pour répondre à Gilles-William Goldnadel, avocat et écrivain, qui dans le Figaro ou Valeurs actuelles veut « liquider l’islamo-gauchisme », nous vous proposons une analyse d’Olivier Roy, politologue spécialiste de l’islam, sur les causes profondes des dérives terroristes. La France en guerre ! Peut-être. Mais contre qui ou contre quoi ? Daech n’envoie (...)

    #L'œil_de_Contre-Attaques

    / #carousel, #Ailleurs_sur_le_Web, #Terrorisme

    "http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/11/24/31003-20151124ARTFIG00115-goldnadel-pour-en-finir-avec-l-islamo-gauchisme.p"
    "http://www.valeursactuelles.com/politique/attentats-goldnadel-liquidons-lislamo-gauchisme-57413"
    "http://zinc.mondediplo.net/sites/44292"

  • Après les attentats, la querelle des interprétations, par Joseph Confavreux (Mediapart, 25/11/2015)
    https://www.mediapart.fr/journal/france/251115/apres-les-attentats-la-querelle-des-interpretations?onglet=full

    Toute interprétation manichéenne est frappée d’inanité au moment où l’ampleur de la situation impose un « impératif de complexité », pour reprendre les termes du sociologue Edgar Morin. Comme vient de le souligner un texte aussi solide que précis de la revue en ligne Ballast : « Ceux qui pensent contenir pareils enjeux dans une seule réponse (au choix : "la haine de la liberté et de la civilisation", "le vide spirituel et le matérialisme", "la pauvreté et le désespoir", "le capitalisme mondialisé", "l’impérialisme occidental", "le sionisme", "l’islam", "le système racial", "l’islamophobie d’État") n’élucident rien : ils ne révèlent que l’obsession qui les habite. »
    http://www.revue-ballast.fr/paris

    Déjà, après les attentats de janvier dernier, l’historien Patrick Boucheron et l’écrivain Matthieu Riboulet soulignaient la nécessité de « dédaigner toute parole qui prétendrait, ne serait-ce que furtivement, trouver dans la situation présente la confirmation d’une conviction précédemment formulée ».

    S’interroger sur les cibles choisies par les assaillants reste toutefois nécessaire, puisque comprendre les djihadistes permet non de les excuser, mais de mieux les combattre. Et l’analyse n’est pas du tout la même selon que l’on met l’accent, pour le dire vite, sur les modes de vie ou sur la politique extérieure de la France.

    (…)

    Mais il est évident que la grille de lecture religieuse est insuffisante. Comme l’expliquait récemment Jason Burke, auteur d’un livre important sur l’attrait du djihad pour les jeunes occidentaux : _« Ce que les djihadistes offrent à ces jeunes, c’est ce que la culture du « gangsta rap » offre aussi. Les images postées sur les médias sociaux depuis Raqqa ou Mossoul ressemblent au rap : des jeunes avec des armes qui se présentent comme dangereux. Ce qui distingue l’Etat islamique d’Al-Qaida, c’est qu’il offre aussi des opportunités sexuelles, des mariages, voire des esclaves. Al-Qaida imposait un célibat forcé, avec pour ses membres une très forte probabilité de mourir. L’Etat islamique est différent. Sa base syrienne est bien plus confortable, bien plus accessible, les communications y sont bien meilleures que dans la zone pakistano-afghane.

    Il y a des voitures de luxe où ses combattants adoptent la pose classique des gangsters. On peut aussi imaginer qu’on y protège les faibles, ou qu’on obéit à une injonction religieuse. Au lieu d’avoir une vie relativement peu intéressante quelque part en Europe, vous devenez « Abou Omar al Britani » ou que sais-je. Vous avez un statut qui ne se serait jamais offert à vous auparavant. Ce qui est très clair aussi, c’est que le djihadisme version Etat islamique est très peu exigeant en termes religieux. Vous ne devez renoncer à presque rien, à part peut-être l’alcool. Il ne demande rien de difficile en termes d’apprentissage religieux, de voyage spirituel que la foi véritable exige. Il y a très peu de foi, de spiritualité là-dedans. »_

    • Après les attentats, changer d’imaginaire, par Christian Salmon (Mediapart, 22/11/2015)
      https://www.mediapart.fr/journal/france/221115/et-maintenant-changer-d-imaginaire?onglet=full

      On le sait depuis le 11 septembre 2001, le défi du terrorisme n’est pas militaire, il ne vise pas à établir un rapport de force stratégique, il n’est pas essentiellement religieux non plus, contrairement aux apparences. Est-il idéologique ? Pas davantage, si l’on entend par idéologie une vision cohérente du monde, un corpus de doctrines ou de concepts que l’on s’efforce de transmettre par l’éducation ou la propagande. Son défi essentiellement est narratif.

      (…)

      Une remarquable enquête du Washington Post auprès de défecteurs de Daech emprisonnés au Maroc décrit l’appareil de propagande comme une superproduction d’une émission de téléréalité. « Des équipes de tournage se déploient à travers le califat tous les jours, les scènes de bataille et de décapitations publiques sont scénarisées et mises en scène à tel point que les combattants et les bourreaux effectuent souvent plusieurs prises successives d’une même scène. Appareils photo, ordinateurs et autres équipements vidéo arrivent régulièrement de Turquie. Ils sont livrés à une division de médias dirigée par des étrangers traités comme des “émirs” à égalité de rang de leurs homologues militaires. Ils sont directement impliqués dans les décisions sur la stratégie et le contrôle du territoire... Vidéastes, producteurs et éditeurs forment une classe privilégiée dont le statut, les salaires et les conditions de vie sont enviés par des combattants ordinaires. »

      L’article poursuit : « Rejetant les codes de lectures utilisée par Al-Qaïda, les vidéos de l’État islamique sont cinématographiques et mettent l’accent sur des scènes dramatiques, des transitions stylisées et des effets spéciaux. “Le groupe est très soucieux de son image”, selon un responsable américain du renseignement impliqué dans le suivi des opérations médias de l’État islamique. Son approche obéit aux principes de la construction d’une marque au même titre que Coca-Cola ou Nike. »

      #jeux_vidéo #néolibéralisme #individu

      Ca va aussi dans le sens d’Olivier Roy (on assiste « non pas une #radicalisation de l’islam mais une islamisation de la radicalité », Salmon dirait un « #storytelling islamisant ») : http://seenthis.net/sites/828567

      Cf. aussi, cité par Salmon, « La métamorphose opérée chez le jeune par les nouveaux discours terroristes »
      http://www.bouzar-expertises.fr/metamorphose

    • Vont dans le même sens que Salmon et Roy, à bien des égards :
      Alain Bertho http://www.bastamag.net/Il-faut-etre-clair-un-monde-a-pris-fin-il-n-y-aura-pas-de-retour-en-arrier

      Nous ne sommes plus dans une démarche historique. On ne parle plus d’avenir mais de gestion du risque et de probabilité. On gère le quotidien avec des responsables politiques qui manipulent le risque et la peur comme moyens de gouvernement, le risque sécuritaire comme le risque monétaire (la #dette), qui parlent beaucoup du réchauffement climatique mais sont incapables d’anticiper la catastrophe annoncée.

      Peter Harling http://orientxxi.info/magazine/tuer-les-autres-se-tuer-soi-meme,1103

      Il est relativement facile de se rendre en Syrie pour rejoindre les rangs d’un « djihad » en forme de questionnaire à choix multiples. Les candidats peuvent cocher les cases suivantes : look combattant, propos virils, maniement des armes, construction d’une image valorisante sur les réseaux sociaux, retournement des stigmates habituels en emblèmes et réalisation de soi instantanée à travers une forme d’héroïsme très moderne malgré les références superficielles au Prophète de l’islam.

      Cette nouvelle identité clef en main, mâtinée de jeux vidéos et de télé réalité, se construit dans une érotisation de la violence dont l’OEI est davantage le produit que l’origine. Cette pornographie se donne à voir dans le culte de la sécurité qui s’approfondit dans la sphère culturelle et politique américaine, par exemple, où les notions de justice, de droit, de défense et d’intérêt national sont de plus en plus associées à des corps « bodybuildés », des discours dopés à la testostérone, des armes qui relèvent du fantasme et des orgies de violence qui sont censées tout régler. Et la virilisation de la politique intérieure et étrangère est un phénomène éminemment contagieux, une épidémie globale.