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  • Pascale Casanova : « La langue mondiale est aussi la langue du pouvoir »
    Par Jacques Drillon - Publié le 01 octobre 2018 à 12h37

    https://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20181001.OBS3200/pascale-casanova-la-langue-mondiale-est-aussi-la-langue-du-pouvo

    Pascale Casanova est décédée le 29 septembre à l’âge de 59 ans. Ancienne élève de Pierre Bourdieu, auteur et voix de L’Atelier littéraire sur France Culture, cette chercheuse et critique avait écrit « La République mondiale des Lettres », livre à succès traduit en anglais, japonais, espagnol ou coréen. Elle avait approfondi son étude des relations littéraires internationales avec « La langue mondiale », paru aux éditions du Seuil en 2015, dans lequel elle analysait l’anglais en tant que langue universelle. Nous reproduisons ci-dessous l’entretien paru dans « L’Obs » à cette occasion.

  • De l’impérialisme linguistique
    http://www.laviedesidees.fr/De-l-imperialisme-linguistique.html

    L’anglais, nouvelle #langue mondiale, domine après le français au XVIIIe siècle. En sociologue, Pascale Casanova montre que l’usage de la langue mondiale assure une autorité à ceux qui le maîtrisent. Mais que faire, puisqu’une langue mondiale doit exister pour permettre une communication universelle ?

    Livres & études

    / #domination, langue, #traduction

    #Livres_&_études

    • Oui, le livre ne parle que des langues et de leur position dans la hiérarchie mondiale. Il s’y intéresse à partir du bilinguisme, de la traduction, du rapport entre les langues, d’abord avec le passage (de relais) du latin au français puis regarde la manière dont le français domine les autres langues à partir de ses traductions (infidèles). Ainsi quelqu’un parlant sa langue maternelle et la langue mondiale, qu’on verrait a priori comme un privilégié, est ici présenté comme un dominé linguistique. Son bilinguisme est le signe que sa langue est en périphérie ; il doit régulièrement switcher entre deux langues selon la situation dans laquelle il se trouve.

      C’est assez frappant de voir comment le français se développe de manière extrêmement consciente et réfléchie, et comment les poètes de l’époque (~XVIe) invitent à s’accaparer le latin : on parle de vol, de pillage - il y a tout un vocabulaire guerrier et économique - dans le but non seulement d’enrichir une langue jeune peu adaptée à l’argumentation, mais aussi de la faire bénéficier du prestige du latin. Le développement du français se fait donc de manière paradoxale contre le latin (il s’agit de se faire sa place, de lutter contre l’idée que le latin est par nature parfait), mais en jouant aussi sur l’aura de celui-ci (les poètes français du passé sont au passage dénigrés, coupables de ne pas avoir suffisamment enrichi leur langue).

      Les traductions des anciens servent ainsi à s’accaparer le trésor d’une culture passée. On importe à la fois le savoir-faire et le prestige. Et pour se faire les traductions ne doivent pas être fidèles. C’est surprenant de voir qu’à l’époque on n’a aucun scrupule vis-à-vis de la source. La traduction ne visant qu’à enrichir ses propres langue et culture, si les pensées ou les mots ne semblent pas leur convenir, on les modifie. Il s’agit d’"annexer", de « naturaliser » ce que l’on trouve dans les originaux (latins, grecs, ou anglais, etc.). Quant au nom de l’auteur de l’original, il peut carrément disparaître. En Europe il semblait acquis que les traductions françaises n’étaient pas fiables, mais on n’y pouvait rien car le français dominait et l’élégance française jouait le rôle d’arbitre. (Pour concurrencer le français, l’allemand met alors en avant la notion de fidélité, et prétend être la langue idéale pour la traduction.)

      Casanova insiste pour dire que cette pratique n’est pas due à la paresse ou à la désinvolture des traducteurs, mais qu’elle est structurelle, propre à la position de domination de la langue. Dans la dernière partie du livre elle précise que c’est la même chose pour l’anglais aujourd’hui : les aspérités des originaux sont gommées pour qu’ils soient lus de manière fluide et facile, sans qu’on puisse penser qu’ils ont été écrits dans une langue étrangère ; les traducteurs sont « cachés » (on ne les mentionne parfois pas) ; un texte est souvent présenté de telle sorte qu’on peut croire qu’il a été écrit directement en anglais.

      Une question laissée sans réponse dans le livre (ou à laquelle il est dit qu’il n’y a que de mauvaises réponses) c’est : où commence la supériorité d’une langue ? Car, comme il est dit dans l’article « la langue mondiale n’est pas nécessairement celle du pouvoir économique ou militaire. »

  • Politique de l’histoire
    http://lmsi.net/Politique-de-l-histoire

    Devenue clef de lecture incontestée de la politique mondiale, la « haine de l’Occident » relève pourtant, non d’une évidence inscrite à même les bombes, mais d’une fabrique discursive qui a ses règles et ses acteurs, et d’une conception idéaliste de l’histoire qui empêche toute réponse politique au terrorisme. Tentative pour rouvrir, sous l’interprétation exclusive du conflit, le conflit des interprétations. Source : Les mots sont importants

  • & si on mettait le nationalisme en question ?
    http://www.fabula.org/revue/document7472.php

    Des littératures combatives est un ouvrage collectif publié sous la direction de Pascale Casanova chez Raisons d’agir. S’il offre plusieurs articles permettant d’enrichir la réflexion théorique et épistémologique sur le national, il n’échappe pas complètement à l’écueil de la description qui se détourne de cette approche en évitant de questionner la nature et la réalité même de ce qui est observé.
    L’ouvrage réunit neuf contributions dont un article (inédit en français) de Fredric Jameson, déjà publié en 1986 dans New political science sous le titre « Thirld‑World Literature in the Era of Multinational Capitalism » et présenté comme un contre‑modèle pour les études postcoloniales. L’objet du collectif est « d’observer les phénomènes littéraires à échelle nationale, mais à partir du “promontoire” mondial » (Braudel) (p. 11), en une démarche posée comme inverse de celle entreprise par les travaux précédents de P. Casanova, qui consistait à mettre au jour les formes d’autonomie de la littérature, vers la création d’un espace mondial non national. Il s’agit « d’internationaliser la pensée sur le national », en mettant à disposition du public francophone (français…) des pensées et des outils formulés ailleurs, ce qui permettra sans doute de lutter « contre l’illusion nationaliste » (p. 24‑25).