person:patrick vassort

  • Sade et l’esprit du néolibéralisme, par Patrick Vassort (Le Monde diplomatique, août 2007)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2007/08/VASSORT/15004

    Le livre majeur de Donatien Alphonse François de Sade est Les Cent Vingt journées de Sodome (1785). Il y est question du « monde parfait » d’une société totalitaire, que le cinéaste italien Pier Paolo Pasolini, dans son film Salò (1976), a d’ailleurs transposé en pleine débâcle de l’Italie fasciste en 1944. Imaginant un enlèvement d’individus jeunes et vieux des deux sexes, parés de tous les vices et de toutes les vertus, par un groupe de jouisseurs libertins, le marquis de Sade bâtit le « monde parfait » de la production sexuelle avec pour finalité la « jouissance absolue » (celle des libertins). Cette jouissance n’étant finalement que le fantasme et la représentation d’une productivité record, elle-même absolue.

    Contemporain des débuts de l’industrialisation, Sade propose une vision plus radicale que celle des économistes physiocrates (1), ses contemporains, lesquels voyaient dans la rationalisation de l’agriculture le seul avenir de l’économie. Chez lui, le rapport au corps devient tayloriste avant Taylor (2). Car il répond aux exigences de la production sexuelle et corporelle dans le sens du plus grand rendement comme l’exige aussi la recherche névrotique du capital dans sa volonté de production, de reproduction et de développement.

    #capitalisme #productivisme #division_du_travail #totalitarisme #déshumanisation

  • Sade et l’esprit du #néolibéralisme, par Patrick Vassort (Le Monde diplomatique, août 2007)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2007/08/VASSORT/15004

    Contemporain des débuts de l’#industrialisation, Sade propose une vision plus radicale que celle des économistes physiocrates, ses contemporains, lesquels voyaient dans la #rationalisation de l’#agriculture le seul avenir de l’économie. Chez lui, le rapport au #corps devient tayloriste avant Taylor. Car il répond aux exigences de la production sexuelle et corporelle dans le sens du plus grand rendement comme l’exige aussi la recherche névrotique du capital dans sa volonté de production, de reproduction et de développement.

    Les Cent Vingt journées de Sodome font apparaître trois principales rationalisations : celle de l’espace, celle du temps, et celle du corps en tant qu’appareil de production. Trois rationalisations qui sont également à la base de l’économie politique des sociétés capitalistes.

    #capitalisme #réification #déshumanisation #zootechnie
    #prostitution #patriarcat

  • L’homme superflu de Patrick Vassort - Le passager clandestin
    http://www.lepassagerclandestin.fr/fr/catalogue/essais/lhomme-superflu.html

    Loin de la fin de l’histoire annoncée par certains, la modernité assaillit désormais de toute part l’humanité de l’homme. Le règne de la compétition généralisée soumet l’expérience vécue des individus et des groupes humains de la planète à des bouleversements perpétuels.

    L’idéologie capitaliste façonne les consciences et prédispose les masses – salariés et consommateurs – à subvenir aux besoins de la machine productiviste. Le capital est plus puissamment armé que jamais pour exercer une domination diffuse, mais totale (économique, culturelle, politique, sociale, psychologique…), sur les institutions, la nature et l’homme.

    Une telle domination ne peut tenir qu’à condition de passer pour naturelle. Partant d’une critique des travaux de Louis Althusser, l’auteur décrit l’émergence et le rôle de ces « appareils stratégiques capitalistes » mondialisés que sont le sport, l’éducation, les médias, l’industrie culturelle ou encore l’armée, dans la subordination des populations. Ce faisant, il met en lumière les catégories centrales du « projet » qui requiert désormais notre adhésion : l’élimination de la complexité et de l’altérité par l’accélération de la marchandisation et du divertissement, la production d’une masse atomisée d’individus privés de toute puissance d’agir, l’organisation des rapports de production autour de la notion de superfluité. Derrière ce projet capitaliste resurgit ainsi, sous un nouveau jour, l’un des traits majeurs des expériences totalitaires du XXe siècle, selon Hannah Arendt : la superfluité de l’homme lui-même comme principe ordonnateur du monde.

    http://www.lepassagerclandestin.fr/fr/typo3temp/pics/a0809f7603.jpg

    • est-ce qu’il évoque dans son livre le fait que le statut d’homme superflu (exclu du travail et de la société productiviste) a un corollaire qui est le temps libéré. Lequel permet aujourd’hui via internet et les médias zalternatifs à cet homme superflu de s’informer ? Ce qui le transforme en homme averti. Et un humain averti en valant 2, les maitres qui pensaient dominer ne dominent finalement plus grand chose. Sauf si ils éradiquent le net ou le transforment en outil de façonnage des consciences exclusivement à leur service. Ce qui est désormais impossible. Conclusion ???

    • De ce que la présentation indique, il y a au moins la question de l’accelleration et de la vitesse qui est rajouté. Mais on la retrouve déjà chez Virilio et chez Helmut Rosa.
      Après je pense qu’on peu très bien se passer de terme comme « superfluité »... Après vu l’angle d’attaque et la formation du monsieur (essentiellement socio sportive), j’ai peur que tout ou partie de la question écologique notamment des vivants non-humain passe a la trappe.

    • Un résumé ? Perso j’ai l’impression que ça mastique beaucoup d’existant, que ça sort un concept par ci par la, mais que ça n’apporte pas spécialement grand chose. Après, je ne demande qu’a me tromper :) Extrait de « Les Appareils Stratégiques Capitalistes (ASC) contre les Appareils Idéologiques d’État (AIE) » http://www.revue-interrogations.org/article.php?article=221

      Les appareils stratégiques capitalistes sont aujourd’hui en construction et chacun d’entre eux mériterait une étude exhaustive. La télévision, par exemple, est devenue un appareil stratégique transnational de structuration de l’idéologie capitaliste et de répression intellectuelle : choix des émissions, des images, des commentaires et des analyses politiques, économiques et sociales, normalisation internationale des programmes et copies de ces derniers, normalisation des retransmissions sportives en direct, création d’un vedettariat international a-culturel, journalistes, chanteurs, humoristes, philosophes et intellectuels cathodiques, servent la polymérisation de pensées de faible densité(29). Il serait également possible de désigner l’armée qui n’est pas qu’un appareil de répression. Ainsi l’armée américaine en Irak a été une force idéologique pour le gouvernement américain sur le plan intérieur mais également au niveau international. Elle n’agit pas que pour réprimer mais pour porter et construire des formes politiques mises en scènes idéologiquement(30) ce qui dépassent et débordent le conventionnellement attendu. Que cet appareil fonctionne à la violence, à l’extérieur des frontières, comme le note Althusser, cela ne fait aucun doute mais, dans le même temps, cette armée agit comme n’importe quel appareil idéologique. Georges W. Bush a profité de l’idéologie répressive et des actions militaires à l’extérieur du pays en déstabilisant la politique européenne, en prenant position politiquement et idéologiquement dans une région productrice de pétrole, en développant la notion de terrorisme, en acceptant l’idéologie techno-militaro-scientifique avec ses guerres de renseignement, de contre-renseignement, d’anti-renseignement. Les appareils idéologiques et de répression se rejoignent ainsi car, comme le notait Horkheimer et Adorno, s’est installée une forme apparemment plus souple d’autocontrôle individualisé(31), résultat, peut-être, de l’action combinée de ces appareils. De ce point de vue et plus que jamais, l’État est devenu inconscient, hors frontières, hors organisation politique démocratique et identifiable. Nous sommes face à une forme renouvelée de gouvernement mondial sans bâtisses, donc sans lieu physique, sans organisations politiques citoyennes identifiées comme centre institutionnel, sans élus. Les superstructures comme la Banque mondiale, l’OCDE ou la commission européenne, sont les appareils qui unissent ces doubles compétences de l’appareil idéologique et répressif et impulsent l’idéologie par toutes les structures institutionnelles nationales et internationales en interrelations de dépendance avec celles-ci. Or le centre névralgique de l’idéologie dominante, son principal vecteur, celui qui permet production et reproduction de biens et services, de l’appareil de production (capitaux et main d’œuvre), de l’idéologie, c’est la mise en compétition de l’ensemble des agents et acteurs sociaux, de l’ensemble des institutions, l’universalisation de la mise en concurrence, l’accélération constante de toutes les productions.

      De nombreux ASC sont, aujourd’hui, en cours d’élaboration. Ils possèdent des fonctions différentes mais tous visent à l’intégration des valeurs capitalistes au sein de toutes les communautés mondiales. Je pourrais citer l’appareil stratégique capitaliste informatif qui comprend les systèmes télévisuels, radiodiffusés, la presse écrite, les revues et les magazines, les supports informatiques. Les technologies soutiennent les techniques de l’information, ainsi la forme et le fond sont totalement liés. Herbert Marcuse avait déjà remarqué que « l’originalité de notre société réside dans l’utilisation de la technologie, plutôt que de la terreur, pour obtenir la cohésion des forces sociales dans un mouvement double, un fonctionnalisme écrasant et une amélioration croissante du standard de vie »(32). Mais cette utilisation qui permet l’engourdissement de la critique et fait disparaître l’opposition, comme le remarque encore Marcuse, construit de nouvelles formes de contrôle puisque le changement qualitatif de la société n’est plus à l’ordre du jour et que la compétition généralisée s’impose partout, la banalité du quotidien, qui comprend la banalité de la technicisation, la banalité du mal, la banalité scientifique, celle de la consommation de masse, chloroformise toute tentative radicale. L’appareil stratégique informatique détruit le temps et l’espace en divulguant une information transnationale ou supranationale en temps réel dont la mise en scène participe de la banalisation du quotidien, de la vie et de la mort, donc de la banalisation ontologique et systémique de l’homme.

      D’autres appareils stratégiques capitalistes peuvent être cités : il en va ainsi de l’appareil sportif ou de l’appareil éducatif. Chacun possède ses singularités, mais tous répondent à ces spécificités et les propositions suivantes sont les hypothèses indispensables à la construction théorique des ASC, à la compréhension du nouveau maillage idéologique mondialisé.

      1) Les ASC, comme toute institution, relèvent du mouvement général de la dialectique, et s’y trouvent en son sein l’unité des contraires. Ainsi les ASC sont toujours davantage que ce qu’ils paraissent. Au sein de la pensée dominante, l’autonomisation des fonctions « nobles » des ASC s’effectue aux dépens de fonctions inavouées, cachées ou scotomisées. De la sorte, les ASC semblent toujours être le résultat de la « raison », du « pragmatisme » ou de la « rationalité » en tant que valeur indépassable de la modernité afin d’assurer les meilleures conditions de vie ou le bonheur général.

      2) Là où l’appareil idéologique d’État s’inscrivait dans un processus historique, idéologique, national différencié et différenciant, les appareils stratégiques capitalistes visent à l’uniformité des institutions et des idéologies sans considération de frontières, de cultures et d’histoire, sans considération morale ou éthique. En ce sens les ASC sont plus que la transformation des AIE. Plus précisément, les AIE sont des appareils de transitions qui mènent, selon la logique capitaliste, à l’élaboration d’appareils susceptibles (les ASC) de soutenir un capitalisme mondialisé, n’ayant pas d’autres objectifs ni finalités que l’accroissement du capital et la reproduction du processus de production mondialisé au travers du développement des sciences et des techniques.

      3) Les ASC sont des appareils d’information et d’éducation de la masse informe. Cela concerne tant les modes d’information que peuvent être les différentes formes de presse (télévisuelle, radiophonique, écrite, internet), que les institutions d’éducation ou pédagogiques (écoles, universités, institutions éditoriales…), les institutions économiques ou politiques (OCDE, Parlement européen, Banque mondiale...).

      4) Les ASC sont les lieux de la compétition massifiée, dans le sens où la masse est cette partie de la population « déclassée » de toutes les couches sociales. Dialectiquement, les ASC visent à développer la « masse » au mépris de l’existence de populations et d’individus conscients. La masse est la « matière » indispensable au développement du capital, finalité visée des ASC. C’est pour cette raison que la masse ne se forme pas au niveau régional ou national mais se développe et prend sens, dans le capitalisme mondialisé, dans un espace supranational ou mondial.

      5) Les ASC visent à mette en compétition tous les acteurs, institutions, masses et individus afin de « naturaliser », dans un mouvement dialectique, la lutte de tous contre tous, de tous contre chacun et de chacun contre tous. Les outils principaux de cette compétition sont la vitesse (l’accélération) et la productivité (le rendement) qui permettent de hiérarchiser les différents niveaux de production, les différents producteurs, selon l’ensemble des critères et indicateurs capitalistes mondialisés. L’idée de progrès est liée à l’amélioration de ces indicateurs qui imposent la notion de développementalisme.

      6) Les ASC ont pour mission d’imposer les formes les plus aigues de la flexibilité et de la mobilité. C’est ainsi que l’on forme le nouveau prolétariat du tertiaire ou technologique, fait d’individus « technicisés » ou « technologisés ». C’est par les « techniques » que les individus deviennent les prothèses mêmes de leurs propres « sciences » et « techniques » dont les ASC défendent les logiques internes et externes de progrès.

      7) Les ASC transforment les lieux de l’intellectualité en lieux de production et modifient ainsi la valeur et la destination de l’activité intellectuelle. C’est ainsi que les laboratoires publics de recherche sont lentement instrumentalisés aux désirs du marché mondial et placé dans une situation de compétition généralisée. La « compétition des savoirs » qui se mesure à l’aune de résultats économiques, fait disparaître toute possibilité de négativité et de dialectique. La finalité visée est l’instrumentalisation de la connaissance par le capitalisme mondialisé.

      8) Les ASC forment les travailleurs sur des objets et des secteurs portés par l’industrie et l’économie. L’instrumentalisation des masses est quasi-totale dans l’émergence des projets politico-économiques de la classe dominante capitaliste. Les ASC rendent le travail et les travailleurs quantité négligeable car totalement interchangeables au sein de l’espace européen, dans un premier temps, mondial ensuite. Ils banalisent les formations et les diplômes de tout niveau, les savoirs et les compétences de toute nature en leur faisant perdre toute forme de complexité.

      9) Les ASC vont organiser les formes modernes de production capitalistes de tous les secteurs d’activité en augmentant la précarisation des individus, étudiants et travailleurs, leur flexibilité, leur mobilité spatiale et sociale sur le marché du travail, en les fragilisant et en créant de la chair à travail technologique.

      10) Les ASC organisent l’ordre par l’auto-répression et l’autocontrôle des individus dans les masses elles-mêmes organisées autour de la rareté. De la sorte, c’est au sein d’une société « kafkaïenne » que la démocratie, en tant que système politique du peuple conscient pour le peuple conscient et organisé par le conscient, tend à disparaître pour faire émerger une technocratie mondiale, représentant le centre dominant d’un pouvoir mondial déterritorialisé face à une périphérie dominée.

      11) Les ASC participent de la transformation des valeurs par la création d’ornements, de spectacles et de divertissements. L’ornement du travail étant la technique, la vie devenant spectacle (télévisé ou « webisé »), le détournement l’essence (la société dite des loisirs), l’existence elle-même devient une abstraction de par la valeur abstraite que le travail possède dans sa dimension technique, que la vie possède dans sa dimension spectacularisée qui ne dévoile rien du réel ni au spectateur ni à l’acteur lui-même, que l’essence possède dans sa dimension détournée. L’abstraction même de l’humanité est, pour partie, la disparition de l’humanité de l’homme.

      12) Les ASC détruisent subséquemment les notions d’art et d’œuvre (donc de chef d’œuvre). L’art en tant que réalisation transcendante de l’imagination de l’homme et l’œuvre en tant que réalisation d’une connaissance artisanale subjective devaient être les supports de vie des sujets en tant que la subjectivité reste l’essence de la vie et des valeurs de celle-ci. Les disparitions de l’art et de l’œuvre, de par la marchandisation, l’instrumentalisation, la décomplexification liée à l’accélération de la consommation industrielle sont la symptomatique d’une période de déshumanisation et de la mise en spectacle de celle-ci et de ses ornements.

      13) Les ASC participent de la structuration rationnelle spatiale dominante, de la politique urbaine dominante par la monumentalisation spectaculaire de l’espace vécu et son rendu médiatique. De la sorte, le spectacle du travail devient spectacle de l’architecture (Pékin, la Défense, Dubaï…), l’expression architecturale bétonnée s’imposant à « l’univers de chair » de l’intersubjectivité.

      14) Les ASC, participent de la rationalisation technique du temps (travail-loisir-travail) et de sa structuration. L’accélération de la production, l’accroissement de la productivité structurent le temps puisque la compétition est toujours une lutte contre ce dernier. La rationalisation du temps n’a plus de limites ni de fins, et participe de la production sans fin des « sciences » et des « techniques » et de l’accélération du rythme des innovations, des découvertes ou des « inventions ».

      15) Les ASC reposent sur un mythe. Ils se proposent d’être une forme non idéologique de formation, d’information, d’encadrement massif des individus qui reposerait sur une forme quasi idéalisée et démocratique de compétition des savoirs, des connaissances, des productions qui se pratiquera mondialement selon les mêmes formes, les mêmes règles. Le culte de la performance s’insère dans l’ensemble des rets de la vie humaine, tant intime que publique.

      16) Les ASC vont organiser de la sorte les logiques de qualification et d’exclusion car il n’y a pas de compétition sans vainqueur mais, également et dialectiquement, sans perdants. La recherche névrotique de croissance organisera obligatoirement et systématiquement la prospérité d’un petit nombre au détriment de la grande majorité dans un processus capitaliste dont la logique veut que les moins nombreux usent de leur richesse lorsque la majorité use son corps (physique, politique et social).

      17) Les ASC participent de la mobilisation générale et totale de l’appareil de production capitaliste et, de ce fait, les individus seront incapables de discerner derrière la « machinerie » ceux qui l’utilisent, ceux qui en tirent profit et ceux qui la subissent ou payent pour elle(33).

      Ces premières analyses générales des ASC peuvent, bien sûr, être complétées puisque relevant d’une forme « universelle », et les figures dialectiques des ASC peuvent s’exprimer dans la particularité ou la singularité. Mais ce qui reste signifiant est la structuration supranationale de ces appareils qui in fine nous intime l’obligation de construire une masse sans logique politique d’opposition au capital, de rébellion ou d’insurrection. Comme le souligne René Lourau, les appareils idéologiques, en tant qu’institution, ne sont jamais totalement ce qu’ils semblent être et derrière l’illusion de libération par choix individuel, s’inscrit le conformisme le plus dangereux et le moins pensé. Comprendre les ASC pour lutter contre, les déconstruire, les détruire est sans doute l’une de nos premières missions.

      Conclusion
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      Les appareils stratégiques capitalistes ne sont donc pas le résultat d’une désinstitutionnalisation mais d’une transmutation de ces institutions. Ils sont également le résultat d’une accélération sociale, politique et économique de la vie tout en participant dialectiquement de cette accélération. Cette dernière est l’indispensable outil de la mise en compétition globalisée des populations mondiales. C’est également l’appareillage technique de la constitution des masses et c’est pour cette raison que l’accélération continue de la vitesse qui détruit toute complexité est devenue l’un des principaux dangers en faisant de l’homme la prothèse ou l’appendice de la vitesse technique, économique et politique. La masse, constituée d’individus interchangeables à volonté, formés par les appareils stratégiques capitalistes, est le résultat du déclassement culturel et politique de tous au profit d’une domination supranationale capitaliste et technoscientifique peu identifiable. C’est peut-être ainsi que s’élabore les prémisses des nouvelles formes de totalitarisme, lorsque, comme le fait remarquer Hannah Arendt, « le totalitarisme ne tend pas vers un règne despotique sur les hommes, mais vers un système dans lequel les hommes sont superflus. Le pouvoir total ne peut être achevé et préservé que dans un monde de réflexes conditionnés, de marionnettes ne présentant pas la moindre trace de spontanéité. »(34) Les ASC, réduisant les formes de spontanéité permises par la complexité culturelle et politique, ne sont-ils pas ces dangereux outils d’un possible totalitarisme à venir ?