person:philippe watrelot

  • Jean-Michel Blanquer, le plus macroniste des ministres (Revue de presse)

    Comme nous l’indiquions précédemment, le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer est jusqu’à présent le bon élève du gouvernement : il porte, en idéologue et sans faiblir des réformes essentielles dans un domaine qui ne l’est pas moins, applique avec soin les méthodes ultra-libérales et le bréviaire macronien, et communique habilement, ce qui fait de lui un des ministres les plus populaires.
    Cf. https://seenthis.net/messages/726234

    La rentrée est néanmoins chargée en polémiques :
    – Réforme du lycée, du baccalauréat et du lycée professionnel
    – Réforme d’instances participant à la gouvernance du ministère (CSP, CNESCO)
    – Réforme de l’organisation territoriale et des modes de recrutement des recteurs
    – Mise en place des évaluations nationales
    – Annonce de la réforme de la formation initiale et continue avec la disparition des ESPÉ qui avait remplacé les IUFM
    – Vote de la première "Loi Blanquer", alors qu’il avait promis qu’il n’y en aurait pas, et qui est accusé de contenir en outre quelques cavaliers législatifs et des cadeaux à l’enseignement privé
    et en même temps, l’agenda de destruction du service public du gouvernement s’applique notamment aux enseignant·e·s : réforme du statut des fonctionnaires et réduction de leur nombre (donc précarisation et suppressions de postes).

    Du coup, le vrai visage éducatif du gouvernement commence à apparaître, à l’image de la Macronie il est : autoritaire, vertical, idéologisé jusqu’au sectarisme, ultra-libéral, anti-social et inégalitaire… revue de presse.

    – « Jean-Michel Blanquer est bien en train de bouleverser notre modèle éducatif » (Tribune collective, Le Monde)
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/10/12/jean-michel-blanquer-est-bien-en-train-de-bouleverser-notre-modele-educatif_
    – Education : Blanquer, saison 2 (Philippe Watrelot, Alternatives Économiques)
    https://www.alternatives-economiques.fr/education-blanquer-saison-2/00086586
    – L’Éducation nationale est-elle gouvernée par des despotes ? (Louise Tourret, Slate)
    http://www.slate.fr/story/168293/education-nationale-avenir-ecole-reformes-gouvernance-absence-debat-ministere
    – Rue de Grenelle, les signes d’une gouvernance dirigiste et autoritaire s’accumulent (Lucien Marbœuf, Blog L’Instit’humeurs)
    https://blog.francetvinfo.fr/l-instit-humeurs/2018/10/07/rue-de-grenelle-les-signes-dune-gouvernance-dirigiste-et-autoritai
    – Démissions et critiques en série : que se passe-t-il au Conseil supérieur des programmes ? (Fabien Magnenou, France Info)
    https://www.francetvinfo.fr/societe/education/demissions-et-critiques-en-serie-que-se-passe-t-il-au-conseil-superieur
    – Quelques arnaques de Blanquer et de son projet de loi (Claude Lelièvre, Blog)
    https://blogs.mediapart.fr/claude-lelievre/blog/151018/quelques-arnaques-de-blanquer-et-de-son-projet-de-loi
    – Lycée Blanquer : le grand bond en arrière (Philippe Boursier, Fondation Copernic)
    http://www.fondation-copernic.org/index.php/2018/10/24/lycee-blanquer-le-grand-bond-en-arriere

    #éducation #réformes #JeanMichelBlanquer

  • Le pire, ce n’est pas cet élève qui braque son enseignante : c’est l’indifférence (Louise Tourret, Slate.fr)
    http://www.slate.fr/story/168896/eleve-braque-enseignante-lycee-creteil-pas-de-vague-fait-divers-violence-ecole

    Et c’est bien la perversité d’un système qui juge, compare, veut évaluer sur des résultats tangibles. Selon la logique de ce système, les directions doivent faire en sorte que les résultats de leurs établissements ne soient pas trop mauvais. S’occupent-elles vraiment des problèmes, de ce qu’il y a derrière les chiffres ? C’est la plus grande question qu’on peut se poser concernant l’Éducation nationale.
    […]
    Mais que nous apprennent les décisions prises depuis la rentrée ? Ces arbitrages qui viennent du gouvernement et ces économies sur le nombre de fonctionnaires ? Qu’on est en train de supprimer des postes –1.800– alors que le nombre d’élèves augmente. Que les surveillants pourront remplacer les enseignants absents. Or on manque de surveillants. Et de professeurs.
    […]
    Pour contredire une formule bien connue, le fait divers ne fait pas diversion, il nous fait voir ce que nous (trop de gens) ne voulons pas regarder et dont il faut de toute urgence s’occuper plus largement. Ça commence par s’écouter et ne pas remettre en cause la parole de celles et ceux qui témoignent, ne pas nier les incidents individuels, entendre et respecter les collectifs qui se mobilisent et sont en première ligne pour défendre les élèves. Des élèves, car c’est bien ce qui compte, pour qui une scolarité dans un cadre normal est tout simplement un droit.

    #éducation #violence #moyens

    Autres articles autour de #PasDeVagues :
    – Violences scolaires : « Le sentiment d’abandon est totalement justifié » (Eric Debarbieux, Libération)
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/26/violences-scolaires-le-sentiment-d-abandon-est-totalement-justifie_168814
    – Professeur braqué à Créteil : méritocratie républicaine, avis de décès (Rodrigo Arenas, Hélène Rouch, Edouard Gaudot, Libération)
    https://www.liberation.fr/debats/2018/10/26/professeur-braque-a-creteil-meritocratie-republicaine-avis-de-deces_16880
    – Braquage(s) et effet d’aubaine... (Philippe Watrelot, Blog)
    https://philippe-watrelot.blogspot.com/2018/10/braquages-et-effet-daubaine.html

    À noter : certains commentateurs en viennent à critiquer l’usage de ce hashtag en raison du noyautage de celui-ci par la fachosphère et de sa récupération par des forces politiques réactionnaires de droite. Voir par exemple les billets de blog de B. Girard :
    https://blogs.mediapart.fr/b-girard/blog/221018/pasdevague-1-ces-profs-qui-detestent-les-eleves
    https://blogs.mediapart.fr/b-girard/blog/231018/pasdevague-2-autour-du-respect-amalgames-en-tout-genre
    https://blogs.mediapart.fr/b-girard/blog/251018/pasdevague-3-un-hashtag-au-peril-du-debat-politique
    Ou encore :
    https://twitter.com/peabodyjoshua/status/1054417877275688963

  • Comment le mois de naissance d’un enfant conditionne lourdement sa réussite à l’école (Atlantico.fr)
    http://www.atlantico.fr/decryptage/comment-mois-naissance-enfant-conditionne-lourdement-reussite-ecole-julien

    Des recherches menées ces dernières années aux Etats-Unis et en France, dont les vôtres en 2010, ont mis en évidence l’influence du mois de naissance sur la réussite scolaire. Outre-Atlantique ce sont les enfants nés en juin-juillet qui connaissent le plus de difficultés, quand en France ce sont les natifs de novembre-décembre.

    #éducation #scolarité #mois_de_naissance

    • À noter que l’interviewé propose une solution :

      Il faudrait prendre en compte cette donnée du mois de naissance au moment de la notation, ou lorsque l’on oriente les élèves.

      qui semble nettement moins pertinente que l’analyse de Philippe Watrelot sur un autre réseau social :

      Derrière cette question des mois de naissance, la question cachée c’est celle de l’échec des cycles. Tant qu’on raisonne en années scolaires et très rigides où il faut savoir lire à Toussaint ou à Noel, et qu’on pense en termes de “à l’heure" ou "en retard", on aura des articles sur les problèmes liés au mois de naissance.

      #cycles #année_scolaire

    • Ah c’est pour ça que j’ai toujours été un peu nul alors !

      À part ça, il y a des gosses qui sont à fond dans la lecture à tel âge tandis que leur copine c’est les maths, et inversement l’année suivante. Théoriquement il faut être attentif aux périodes de chaque enfant (cf Montessori entre autre), mais forcément, quand on veut faire le même programme pour tout le monde en même temps : ça ne marche pas. Et puis même quand on veut, faire attention à chaque élève ne signifie pas la même chose quand on en a 30 et quand on en a 20… À quand l’achat d’un stock d’instits en plus, à la place du stock de tablettes (bon ça coûte un peu plus cher, ok) ? :D

    • Dans le collège de ma fille, ils nous ont annoncé prendre en compte les rythmes d’apprentissage des enfants : certains vont acquérir les savoirs et savoir-faire au fur et à mesure, d’autres mettront plus de temps. Ce n’est pas grave. L’essentiel, c’est qu’à la fin de la 3e, tout le monde y soit arrivé. Ils pensaient aux maths, en particulier, où certains vont bloquer un an ou deux avant de passer un cap. Si ce n’est pas compris en 6e, on recommence en 5e... ou en 4e...

      Sinon, étant de début janvier comme ma fille, je confirme qu’on passe toujours pour des redoublantes, mais effectivement, un an de différence avec ceux de décembre surtout au jeune âge des apprentissages fondamentaux, ça fait une sacrée différence.

  • Prof, le plus vieux métier du monde (Slate.fr)
    http://www.slate.fr/story/77556/prof-le-plus-vieux-metier-du-monde

    […] pour les enseignants nés en 1950, l’âge moyen de départ à la retraite reste de 60 ans, mais pour ceux nés en 1978, par exemple, il sera de plus de 66 ans. […]
    C’est en fait la conjonction de deux tendances — la logique des réformes de retraites en effet et surtout l’arrivée tardive sur les estrades des écoles des jeunes enseignants […].
    Les profs commencent en effet à enseigner assez tard : 27 ans pour le premier degré et 28 ans pour le second, indique le ministère de l’Éducation nationale. La « mastérisation » a élevé le niveau de la qualification pour devenir professeur (bac + 5), ce concours est parfois réussi après plusieurs essais successifs, ou après des tentatives d’exploration vers d’autres métiers. […]
    L’image saisit tout de suite : 70 ans pour enseigner devant une classe de quatrième, cela parait indubitablement âgé. […]
    Le débat actuel sur les retraites a fait émerger le sujet de la pénibilité chez les fonctionnaires : le « compte personnel de pénibilité », qui devrait être instauré en 2015 pour les seuls salariés du privé, intéressent aujourd’hui des métiers du public comme les infirmières des hôpitaux.
    Mais les profs sont loin d’être concernés. Ils ne travaillent pas en horaires décalés et si l’on cherche des critères objectifs cette catégorie professionnelle bénéficie d’une longévité remarquable.
    […]
    Mais surtout Philippe Watrelot, qui est à la fois enseignant et formateur d’enseignants, considère le puissant décalage entre le métier rêvé, souhaité, (élèves attentifs et curieux, calme dans la classe) et la réalité (que je vous laisse imaginer) de classe pèse beaucoup sur le moral des professeurs. Pour le dire autrement : enseigner c’est « déceptif ».
    […]
    La souffrance au travail est un sujet qui monte chez les profs. En juin 2012, le rapport de la sénatrice Gonthier-Maurin tendait un miroir effrayant aux enseignants. L’élue y parle de travail « empêché » et de conditions dégradées. L’année dernière une enquête commandée par la MGEN (mutuelle des enseignants) et réalisée auprès de deux milliers d’enseignants de 400 lycées et collèges établissait qu’un professeur sur six souffre de burn out.
    […]
    Enfin, le problème que soulignent tous mes interlocuteurs demeure qu’il est difficile de sortir de l’enseignement.

    #éducation #métier #enseignants #travail #souffrance

    • Une thèse développée par Alain Accardo : le capitalisme marchand a vaincu le capital culturel.

      Comme ricane le richissime Warren Buffett : « La guerre des classes, c’est ma classe qui l’a gagnée ! ». Le patron a terrassé le professeur, le marchand a pulvérisé l’enseignant, le gestionnaire a éclipsé l’universitaire et autour de monsieur Bergeret ligoté au poteau d’infamie, Babbitt ivre d’orgueil fait la danse du scalp.

      De cette défaite historique, on peut craindre que les enseignants ne se relèvent jamais. C’est de cette intuition douloureuse qu’ils sont depuis longtemps malades et les jeunes générations (largement féminisées, symptôme infaillible de la dévalorisation sociale) plus encore que les anciennes pour s’être laissé embarquer dans le train de l’élitisme moderniste et managérial. Ils sentent bien, derrière les bricolages réformistes des « nécessaires évolutions », que la misère de leur position est irrémédiable dans un monde où ils pèsent moins que les gladiateurs et les histrions, un monde auquel leur mission était d’insuffler du sens et qui leur préfère désormais d’autres marchands de rêve.

      http://blog.agone.org/post/2013/10/26/Le-scalp-de-monsieur-Bergeret

    • Je trouve le texte d’Accardo un peu curieux, ds la stricte séparation qu’il semble faire, comme s’il n’y avait pas eu de « bourgeoisie éclairée », mécènes, salons, « protecteurs des sciences », « haute culture » légitimante venant redoubler la domination économique, comme si savants et artistes n’étaient pas eux-même le plus souvent des enfants de la bourgeoisie industrielle etc. En gros, il a l’air de faire une dichotomie entre l’instituteur et l’industriel sur une base politique et puis c’est tout, comme si le capital n’allait pas au capital qq soient ses formes. Ou alors je saisis mal.

    • @moderne (qui dit que)

      En gros, il a l’air de faire une dichotomie entre l’instituteur et l’industriel sur une base politique et puis c’est tout, comme si le capital n’allait pas au capital qq soient ses formes. Ou alors je saisis mal.

      Opposer l’instituteur à l’industriel est un fait marquant depuis l’époque de Jules Ferry. Serait-ce parce que l’instituteur est en première ligne sur le front de la misère sociale ? L’école primaire s’est fait forte d’accueillir tous les enfants sans distinction. Le collège et le lycée bénéficiaient d’un écrémage : il y avait le fameux certificat d’études qui était une première porte de sélection puis le Brevet (BEPC : brevet d’études principales du collège). Les enseignants du second degré se sont trouvés confrontés à des élèves de toutes catégories sociales et cette mixité sociale a contribué à déstabiliser bon nombres d’entre eux qui avaient la fâcheuse habitude pédagogique de ne faire cours que pour les « bons élèves ». Dans le premier degré, les enseignants se sont vite tournés vers l’innovation pédagogique pour maintenir l’intérêt des enfants pour les apprentissages fondamentaux et les connaissances plus orientées « culture générale ». Et là on peut effectivement prétendre que la plupart des instits ont oeuvré à développer chez leurs élèves une tête bien faite alors que dans le second degré, on met encore trop souvent le paquet sur une tête bien pleine. Alors, oui, l’instit a pu passer pour une sorte de dangereux révolutionnaire pendant que son alter ego du collège ou du lycée était mieux accepté par la bourgeoisie industrielle ou marchande.

    • a pu

      J’ai l’impression que le débat en cours n’est pas sans lien avec la question du recrutement. Il y a 10 ans quand je suis entré dans le métier, on croisait des instits qui étaient entrés à l’#École_Normale au niveau de la seconde (donc bac-2). Aujourd’hui, approchent de la retraite ceux qui ont intégré l’École Normale juste après le bac. Il y a 15 ans pour entrer à l’#IUFM, il fallait une licence (bac+3). Depuis la dernière réforme, il faut un master (bac+5) pour devenir instit’, pardon professeur des écoles. Sociologiquement, il n’y a plus de réelles différences entre les professeurs (des écoles ou du secondaire). En terme de salaire, oui, mais sinon…
      Avant l’instit’ était issu des milieux populaires ET sa formation relevait de la promotion sociale (l’ascenseur ?). Par exemple, par ici il y avait des instits, fils et filles de paysans, ailleurs d’ouvriers. Aujourd’hui, comme le professeur du secondaire, l’instit’ un universitaire (bac+5), son choix d’orientation relève davantage de la reproduction sociale. Socialement, l’instit’ d’aujourd’hui ne comprend pas ses élèves des quartiers populaires car il vient de la bourgeoisie (d’où son finkielkrautisme latent). Pédagogiquement, l’instit’ d’aujourd’hui est un bon élève qui a mené à bien sa scolarité (bac+5 !), il a donc intrinsèquement du mal à comprendre pourquoi ses élèves échouent là où il n’eut aucune difficulté lui-même.
      [J’en parle tranquillement, j’en suis de ces instits.]

      J’ai bien peur que « l’instituteur […] en première ligne sur le front de la misère sociale » ne soit que résiduel.

      Pour moi, l’institutorat est une forme d’artisanat. Du coup, j’ai fort regretté que la création des #ESPÉ ne valide la format universitaire plutôt que de (re)devenir une formation professionnelle. Un recrutement post-bac plus ouvert sociologiquement qui aurait pu mener les impétrants au concours à un bac+5 malgré tout.

      Puisqu’il semble que la formation des professeurs soit au centre des systèmes éducatifs les plus performants : http://seenthis.net/messages/189141

      NB : à noter que pour la profession des enseignants, la revalorisation en niveau d’étude s’est accompagnée d’une dévalorisation salariale et sociétale, ainsi que d’une féminisation de la profession.

    • @heautontimoroumenos (qui dit que)

      Pour moi, l’institutorat est une forme d’artisanat. Du coup, j’ai fort regretté que la création des #ESPÉ ne valide la format universitaire plutôt que de (re)devenir une formation professionnelle.

      Tout à fait d’accord, nous sommes des artisans voire même des artistes (je comparais ma préparation de classe à la mise en partition d’une symphonie pour orchestre, vu que j’ai le plus souvent exercé en milieu rural dans des classes à plusieurs cours. D’ailleurs ce côté bricolage artisanal et débrouille fut également raillé par certains de mes collègues, qui ne voyait dans cette façon de faire qu’une simple perte de temps.
      Maintenant la formation des enseignants fut-elle jamais « professionnelle » ? J’en doute. Étant passé par une formation en deux ans à l’École Normale (post bac+2 ans de glandouille en université), j’ai appris par l’expérience du terrain. Comme bon nombre de mes collègues d’alors. En discutant avec des plus jeunes, de ta génération, je pense, je me suis aperçu que la formation des PE (profs des ecoles) était toujours aussi indigente, trop « universitaire » et déconnectée des réalités du terrain.

    • il y a pas un logiciel open source pour extraire les phrases d’un texte et les chercher sur google… ? je sais que les facs paient très cher pour des logiciels de ce type, « assurance » contre « plagiat », mais ça pourrait avoir aussi des usages plus nobles

    • Le commentaire de Philippe Watrelot (http://philippe-watrelot.blogspot.fr) à propos de cet article pour alimenter le débat :

      Ma réaction est globalement négative. Si on peut éventuellement admettre que l’intention de cet enseignant vis-à-vis de ses élèves "n’était pas de les punir", comme il le dit lui même, ça ressemble quand même pas mal à un piège..
      De même lorsqu’il écrit "je leur ai démontré que, davantage que la paresse, c’est un manque cruel de confiance en eux qui les pousse à recopier ce qu’ils trouvent ailleurs" , je ne suis pas sûr qu’au final cela leur donne vraiment confiance dans l’enseignement et dans les adultes qui s’amusent à ce petit jeu...
      Mais surtout cela le conduit à des conclusions que je ne partage pas du tout.
      L’auteur conclut en effet que "les élèves au lycée n’ont pas la maturité nécessaire pour tirer un quelconque profit du numérique en lettres" et qu’il ne croit pas à une “moralisation possible du numérique à l’école”. Je crois qu’il se trompe. D’abord parce qu’il ne s’est pas donné les moyens de les initier/éduquer au numérique. Ensuite parce qu’un enseignant qui fait l’hypothèse que ses élèves ne sont pas capables d’apprendre n’est pas un vrai enseignant.
      Enfin, il a joué avec eux (en y passant beaucoup de temps !) de manière très cynique et perverse comme un savant fou jouerait avec des rats de laboratoire. C’est détestable. Et absolument pas pédagogique.
      Et puis enfin ce n’est pas le numérique qui est en cause mais la marchandisation des rapports humains. Quand j’étais gamin et même ado, il y a très longtemps, alors que le numérique n’existait pas et qu’on avait même pas de calculatrice (la règle à calcul et les tables de trigo , vous vous rappelez...), il y avait déjà des élèves qui vendaient des devoirs tout faits à d’autres. Et le numérique n’intervenait pas du tout là dedans…
      Mon sentiment de malaise à l’égard de ce récit s’est trouvé renforcé lorsque je me suis rendu compte que son auteur en faisait la promotion sur le fameux forum “néo-profs”.
      Un commentaire quelque lignes plus bas exprimait la satisfaction d’un des lecteurs de forum en ces termes : “Cynique et sadique, je suis fan !"
      Tout est dit…

    • Il y a quand même évidemment le problème de la remise en question et la vérification des sources, y compris (et surtout ?) lorsqu’il s’agit de Wikipedia. Alors, oui, ça vaut pour tous les medias, mais en l’occurrence c’est le web qui est utilisé, massivement.
      Il y a quelques années, j’avais fait « tenir » l’absurde contenu de http://wiki.ardkor.com/Candide pendant 24 jours sur la page « Candide » de Wikipedia.
      En 24 jours, et sur un ouvrage autant étudié, je suis sûr qu’il y a au moins un ou deux élèves qui ont violemment perplexifié leur correcteur, avec mes âneries.

      Bon, la méthode employée par l’auteur de l’article me semble légèrement plus fourbe que mon parpaing potache, en effet.

      @Fil http://www.copyscape.com n’est pas exactement ce que tu décris, mais peut aider, parfois.

    • @michel : comme @bob_ardkor, je pense que le job d’un prof est d’éduquer et en ce sens, sa démonstration est imparable : de la nécessité du doute dans la démarche de l’apprentissage et de la capacité à trier dans l’abondance d’info du Net.
      Je ne pense pas à un piège, mais plutôt à une démonstration nécessaire. S’il avait dit : « ne pompez pas sur le Net, pensez ! » et « si vous vous documentez sur le Net, pensez à vérifier l’info et à recouper vos sources et surtout, continuez à penser par vous-mêmes », je pense que l’impact pédagogique aurait été à peu près nul.

      Je pense au contraire que ce prof a eu raison. J’ai bon espoir qu’une bonne partie de ses élèves aura une approche plus intelligente de l’information en général et de ce que l’on peut trouver sur Internet, en particulier. Et par les temps qui courent, c’est une démarche salutaire.

    • @heautontimoroumenos tout a fait d’accord, de plus nous pouvons relever dans « La morale de l’histoire », ceci : "Leur servitude à l’égard d’internet va même à l’encontre de l’autonomie de pensée et de la culture personnelle que l’école est supposée leur donner." tiens ! L’école républicaine autonomise les élèves maintenant ? Peut être devrions nous rappeler dans quel but celle ci a été crée.
      Sinon passer un été pour préparer un piège minable de ce genre ....

      #professeur #solitude #bon_esprit

    • Je reproduis ici les commentaires d’un ami prof sur un autre réseau :

      J’ai ensuite montré que tout contenu publié sur le web n’est pas nécessairement un contenu validé, ou qu’il peut être validé pour de basses raisons qui relèvent de l’imposture intellectuelle.

      Je vois pas bien en quoi il s’agit d’une spécificité du contenu numérique. Tu peux faire la même critique de la légitimité du savoir avec l’industrie du livre, qui est tout simplement plus ancienne.

      Et enfin je leur ai démontré que, davantage que la paresse, c’est un manque cruel de confiance en eux qui les pousse à recopier ce qu’ils trouvent ailleurs, et qu’en endossant les pensées des autres ils se mettent à ne plus exister par eux-mêmes et à disparaître.

      je ne savais pas qu’on demandait à des élèves de 1ère de créer du savoir, j’aimerais bien savoir si l’auteur en question en crée du savoir... ‎

      Pour ma part je ne crois pas du tout à une moralisation possible du numérique à l’école

      Il n’est pas question de « moraliser le numérique » (je ne sais pas ce que ça veut dire), mais d’arrêter d’infantiliser les élèves et de les faire participer de manière critique à l’élaboration du savoir.

    • Je ne vois absolument pas ce qu’il y a de cynique là-dedans.

      Et ce n’est pas parce que ce prof a fait ça pendant l’été, qu’il a fait ça tout l’été.

      Et il ne dit absolument pas que ces élèves ne sont pas capables d’apprendre ! Il constate juste, factuellement, que là-tout-de-suite-maintenant, ces élèves-là de première n’ont pas la maturité nécessaire à utiliser correctement cet outil. Ça ne signifie en aucun cas qu’ensuite on ne peut pas leur apprendre, et encore moins qu’on ne peut pas l’apprendre en amont avant le lycée. Seulement, là pour l’instant, ce n’est pas le cas.

      Et c’est un professeur de littérature, ce n’est pas à lui de passer des heures/semaines/etc à apprendre aux jeunes à utiliser internet. Le temps n’est pas extensible. Leur apprendre à être critique et à recouper des sources, en général (pas spécialement pour internet), ça oui par contre.

      Et ce n’est pas parce que c’était « pareil avant avec les livres » que ce n’est pas pire maintenant avec Internet. Pour les populations numérisées (une grande partie des lycéens donc, dans notre société française) aller chercher un commentaire de texte est immensément plus facile et plus rapide, aussi bien chez eux (ou même dans un cybercafé s’ils font partie de ceux qui ne l’ont pas chez eux) ou même directement sur leur téléphone mobile, que du temps (encore récent) où il n’y avait que les livres et la bibliothèque municipale. Ça ne veut rien dire le « c’était pareil avant » : il y a des différences à la fois en terme d’échelle et en terme de qualité (pas dans le sens « bien ou mal » mais dans le sens que ce n’est pas le même contenu) que je trouve flagrante.

      #réactionnaire

    • Alors, oui, la charge contre le numérique est ridicule, alors oui, de bonnes âmes peuvent s’élever contre le procédé (et en poussant le bouchon, on pourrait même le qualifier d’escroquerie au sens pénal puisque ce prof a employé des manoeuvres frauduleuses et a probablement été rémunéré pour les fausses dissertations qu’il avait déposées sur les sites payants), alors oui l’école ne développe pas l’autonomie des élèves mais justement je rejoins totalement @RastaPopoulos : enfin un enseignant qui a bossé pour que des élèves aient un tantinet de regard critique sur le monde qui les entoure, qu’ils se posent des questions par eux-mêmes. Et des lycéens qui font l’expérience que la figure incarnant l’autorité peut sciemment les tromper, n’est-ce pas une bonne base à l’empirisme ?

    • Je trouve sa démarche limite. Vient-il de découvrir comme par magie que les élèves trichent ? Avant on se refilait des copies des élèves des années précédentes, maintenant on va sur le web... Quelle différence ?

      Le couplet sur « les élèves ne sont pas assez grands pour aller sur le web » est d’un crétinisme ahurissant. Je vais sur le web depuis que j’ai 12 ans et c’est d’ailleurs le web qui est à l’origine de la plus grande partie de mon savoir, parce que l’école elle m’a pas vraiment appris grand chose. Ça ne m’a pas empêché de me faire piéger par de fausses infos dans des livres, ou sur le web, ni d’apprendre par la suite que le web est aussi le meilleur moyen de discuter et combattre ces fausses pistes.

      Franchement ces discours à la con du genre « les jeunes sont pas matures machin » ça me fout la gerbe, c’est la même connerie que « ah les jeunes de mon temps ben il étaient mieux quand même » et révèle l’incompréhension permanente entre générations.

    • @baroug c’est toi la truie ! Employé au figuré (pas pour un fruit quoi) la « maturité » sur un sujet précis, c’est comme la « majorité » : on est majeur de quelque chose, c’est relatif. Un enfant peut donc très bien être assez mâture pour parler de tel ou tel sujet. Et là en l’occurrence l’auteur de la blague ne parlait pas de maturité dans l’absolu mais sur un sujet précis.