person:pierre mendès

    • LE GRAND BLABLA !

      A peine commencé, le grand débat est déjà terminé. Chantal Jouanao a jeté l’éponge, devant le refus de l’Elysée de garantir un débat indépendant suivi d’effets, et aussi, un peu, devant la pression populaire sur son salaire à la tête de la Commission Nationale du Débat Public.

      De séminaire gouvernemental en éléments de langage ineptes, du style « Le grand débat ne doit pas devenir le grand déballage », la majorité a décidé de foncer toujours plus vite dans le mur du refus de l’écoute et du rejet du dialogue.

      La lettre aux Français d’un Président hors-jeu et hors-sol a fixé les termes d’un débat impossible où les lignes rouges de l’ISF et de la politique de privatisation libérale de l’Etat ne peuvent être franchies. Pire ! La lettre d’Emmanuel Macron propose des thèmes chers à l’extrême droite sur l’accueil des réfugiés, l’immigration ou l’identité, qui ne sont en rien portés par les revendications des gilets jaunes.

      Nous assistons donc, un peu goguenards et complètement désabusés à la promotion d’un coup de communication politique bancal, organisé par le gouvernement, pour le gouvernement, pour les derniers soutiens du gouvernement, donc un débat totalement inutile.

      Ce grand débat n’a qu’un objectif : remettre en scène le Président, qui fera un tour des régions, en présence des caméras et des militants triés sur le volet, pour montrer qu’il a compris le message des gilets jaunes, et qu’il est proche de son peuple désormais.

      Ce même Président qui a décidé d’annuler les voeux aux corps intermédiaires, jugés « trop chronophages et inutiles », ce Président qui résume un mouvement profond de contestation sociale à une foule haineuse. Ce même Président qui écrit une bien trop longue lettre aux Français, comme s’ils voulaient éviter d’avoir à mal jouer son rôle, une fois encore, devant les caméras officielles de l’Elysée.

      Le grand débat national s’avère en réalité une petite opération de communication sur le dos des maires, dont certains ont déjà refuser de se prêter au jeu, jugé sans doute trop chronophage et inutile, lui aussi.

      Le débat est impossible, tout comme cette cocasse et triste « guerre des cagnottes » qui n’a pas pu avoir lieu à cause de la censure d’une plateforme de dons en ligne qui a interprété ses conditions d’utilisations pour complaire aux injonctions du gouvernement.

      Il faut comprendre la cagnotte de soutien à l’ancien boxeur Christophe Dettinger, comme l’expression de défiance des invisibles, prêts à toutes les solidarités contre une oligarchie embastillée.

      Dettinger est devenue une icône, en miroir à Benalla, autre icône, qui se moque de la justice.

      C’est la comparution immédiate pour l’un et l’immunité et le faste des voyages avec passeports diplomatiques pour l’autre, dans une danse macabre sur les restes piétinés de la République.

      La volonté d’apaisement de l’exécutif n’existe pas.

      C’est un barrage autoritaire qui blesse les corps et empêche la parole qui se dresse face à une demande de plus de démocratie et de plus de justice. Une violente lutte de pouvoir où « ceux qui réussissent » empêchent « ceux qui ne sont rien » de construire leurs solidarités effectives.

      La Ve République n’est certainement pas l’incarnation suprême de l’idéal républicain.

      Pierre Mendès France jugeait que « La République doit se construire sans cesse car nous la concevons éternellement révolutionnaire, à l’encontre de l’inégalité, de l’oppression, de la misère, de la routine, des préjugés, éternellement inachevée tant qu’il reste des progrès à accomplir.”

      Il ne peut y avoir d’ordre républicain sans justice.

      Les thèmes du grand débat sont gravés sur le fronton de nos mairies : Liberté, Egalité, Fraternité.

      Tout le reste, c’est du vol.

      https://www.lemondemoderne.media/le-grand-blabla

    • Le municipalisme n’est pas une panacée !

      ... En effet ce que dit René Revol prouve à quel point Emmanuel Macron s’est trompé lorsqu’il a décidé de s’adresser au peuple par le truchement de sa représentation municipale.

      Par ailleurs, comment peut-on convaincre tout un chacun qu’il s’agit d’un « grand débat » alors qu’il n’est en réalité qu’un one-man-show guidé et animé par le Président répondant aux questions des membres d’une assemblée.

      Et ces questionneurs étant des édiles, on peut admettre qu’ils sont les porte-paroles de leurs administrés, mais ils ne sont que des interlocuteurs univoques puisque les points abordés ne sont suivis d’aucune solution et tout au moins, d’aucune réflexion contradictoire...

      C’est ainsi que la démocratie dite participative trouve ses limites démocratiques dans le grand tohu bohu d’une jactance qui est un leurre, un grand bluff, de la poudre aux yeux pour l’opinion publique !

      D’ailleurs « les gilets jaunes » ne s’y sont pas trompés et restent mobilisés pour faire comprendre à l’Elysée que sa grande opération de communication est inutile, intempestive et d’ores et déjà frappée d’obsolescence.

      Seule une série de référenda d’initiative citoyenne dont les questions seraient rédigées par la « France d’en bas » pourraient calmer la colère populaire et produire les réponses salutaires qu’exige le pourrissement de notre société.

      Les municipalités ne peuvent être que des courroies de transmission.

      Des vecteurs de la démocratie.

      https://blogs.mediapart.fr/vingtras/blog/200119/le-municipalisme-nest-pas-une-panacee

    • ... Cest à dire avec cette arme de dissuasion massive du mensonge des classes dominantes qui est désormais leur réponse à la colère populaire sans oublier l’utilisation éhontée de la force publique, casquée et bottée, avec matraques et flash-balls.

      En effet est-ce vraiment un débat public cette organisation des jactances du Président devant des assemblées de Maires alibis d’un « échange démocratique » puisqu’ils sont priés de bien vouloir formuler des questions cadrées dans la fameuse « lettre aux Français » qui n’est autre qu’un catalogue de l’écume des problèmes de la nation ?

      Est-ce en réalité animer la vie républicaine que d’en détourner le sens et d’en falsifier les valeurs ? Remplacer la libre discussion par un discours de campagne électorale ?

      Par le détournement sémantique du discours public sous l’apparence du bon sens, on maîtrise des salles a priori sceptiques voire hostiles et on donne aux medias (qui n’attendent que cela) l’impression de l’émergence d’un consensus...

      Un Barnum-circus de la démocratie représentative avec des notables, des naïfs et des gogos !

      Car la perfidie et le cynisme du pouvoir régalien sont sans limites : en 1871, l’ignoble Adolphe Thiers matait le petit peuple des insurgés parisiens avec ses canons et ses mercenaires, en 2019, le muscadin Emmanuel Macron a pris la décision de casser la « révolte des ronds points » avec les mots d’un charlatanisme bon enfant et agréé par « les honnêtes gens ».

      Ainsi, il n’y a de république que conservatrice et une démocratie ne peut être qu’une autocratie dirigée par un leader éclairé...!

      Imbu de sa personne, de sa supériorité intellectuelle et de sa facilité de parole, le leader dispose et impose ; il enfume et abuse. Une ritournelle qui a un doux parfum vichyssois :

      « Je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal »..."La terre, elle, ne ment pas "...etc

      Serait-il l’héritier d’un certain Maréchal...?

      NB/ le département de l’Hérault n’est pas dupe de l’enfumage présidentiel puisque seulement 19 Maires (sur 342) ont répondu présent à l’invitation du meeting macronien de Souillac !

      https://blogs.mediapart.fr/vingtras/blog/180119/perfidie-semantique

      « Une république à bout de souffle, confisquée par une caste bourgeoise empêtrée dans l’expertise technocratique et la religion du libéralisme, auto-satisfaite et arrogante, sûre d’elle et dominatrice grâce à sa maîtrise de la communication publique.

      Mais cette indécente démonstration de monopolisation du discours officiel avec le one-man-show normand est en réalité un chant du cygne.

      Oui, le ciel est noir. Mais le fond de l’air est jaune ! »

    • Macron face aux maires : la présidente Delga exprime « son malaise à Souillac, transformée en ville morte »
      https://www.midilibre.fr/2019/01/19/macron-face-aux-maires-la-presidente-delga-exprime-son-malaise-a-souillac-


      La présidente de la Région Occitanie Carole Delga avait fait le déplacement à Souillac dans le Lot.
      PHOTO ARCHIVES NASSIRA BELMEKKI

      La présidente de la Région Occitanie, Carole Delga, avait fait le déplacement ce vendredi 18 janvier dans le Lot, lors du deuxième acte du grand débat national avec les élus à Souillac.

      Comme le relate La Dépêche, ce qui l’a d’abord surpris, c’est l’aspect ville morte de Souillac. En effet, la président de Région explique : « Quand je suis arrivée vers midi, il n’y avait personne, sinon des représentants des forces de l’ordre. Pas un passant dans les rues, la plupart des commerces fermés. J’ai été très mal à l’aise. Comment, en effet, reprendre contact avec les citoyens, en particulier en milieu rural, si on aseptise les lieux ou l’on se rend ? Il y a comme une contradiction. Du coup, comme je ne pouvais pas concevoir d’aller dans une salle avec le président de la République sans échanger avec les habitants, je suis allé à leur rencontre. J’ai discuté avec des gilets jaunes et quelques rares personnes présentes. Ils ont été supers gentils. Une dame m’a même attribuée la fonction de maire de la région Occitanie » déclare Carole Delga, jointe par téléphone. « Cela manquait d’interactivité »

      En revanche, la présidente de la Région Occitanie n’est pas restée à Souillac pour écouter les réponses d’Emmanuel Macron. Toujours selon La Dépêche, Carole Delga n’a pas apprécié le format de ce débat. «  C’était très bien que les maires puissent exprimer leurs doléances ou revendications, mais cela manquait un peu d’interactivité. J’ai trouvé que ce débat nous enfermait. J’aurais préféré quelque chose de plus ouvert  » dit-elle.

  • Un hommage au grand géographe qu’était Marcel Roncayolo (1926-2018).

    https://www.editionsparentheses.com/spip.php?page=rubrique&id_rubrique=0

    « La ville comme territoire du géographe »

    « La ville est toujours la ville de quelqu’un. » Ainsi Marcel Roncayolo titrait-il un article publié il y a une dizaine d’années.
    Au terme d’une carrière de géographe de l’urbain marquée par le souci d’enrichir l’analyse de l’évolution des villes d’une composante humaine, sensible et biographique, Marcel Roncayolo revient à la ville de ses aïeux (à l’instar du Retour à Marseille de René Allio), comme un parcours à la fois introspectif et à même de révéler les soubassements émotionnels des idées qu’en tant que géographe il a développées.

    « C’est bien la lecture de Julien Gracq qui m’a donné ici le cœur de livrer une lecture renouvelée de la ville en “fouillant” mon expérience intime de Marseille, celle d’une ville à la fois transmise par les héritages familiaux, vécue pendant le temps formateur de l’enfance et de l’adolescence et analysée dans mes travaux de chercheur. Le témoignage que je livre dans cet ouvrage s’ancre sur les itinéraires qui, dans ma ville natale, le Marseille de l’enfance et de l’adolescence, m’ont ouvert à la connaissance du monde, ont façonné ma personnalité et modelé mon regard sur la ville, partant, ma conception de l’urbain. Raconter sa vie et raconter sa ville sont ainsi étroitement associés. »

    L’ouvrage se compose d’une première partie autobiographique, illustrée de documents personnels, où l’on découvre à travers les parcours qui lui étaient familiers à la fois sa ville subjective et une mise en perspective de ce qui le marquait déjà, enfant, dans cette ville-monde — état de la métropole et prémices de son évolution —, et d’une seconde partie constituée de balades — re-connaissance des lieux soixante ans après — effectuées dans les années 2000, en compagnie de Sophie Bertran de Balanda (architecte et urbaniste) qui en réalise l’iconographie à travers une centaine d’aquarelles exécutées sur le vif.

    Observateur de la ville contemporaine, longtemps marcheur inconditionnel, l’auteur nous ouvre les yeux, à travers ces promenades urbaines, sur l’importance des lieux que nous habitons et qui nous forment durablement.

    #géographie #urban_matter #macel_roncayolo

    • Message ds colègues de Nanterre :

      Chères et chers collègues,

      Nous avons le regret de vous informer du décès samedi dernier à Paris de Marcel Roncayolo, ancien professeur au département de géographie de l’UFR Sciences Sociales et Adminstration (SSA).

      Marcel Roncayolo (1926-2018)
      Un éclaireur solitaire

      Marcel Roncayolo, qui vient de nous quitter dans sa quatre-vingt-treizième année, était bien plus qu’un grand universitaire, spécialiste de géographie urbaine, une personnalité d’influence, un penseur faisant autorité sur les processus de l’urbanisation, et surtout un décrypteur sans égal de la « grammaire » de « sa » ville, Marseille. Longtemps ignoré du grand public et tenu à l’écart par ses pairs, surtout en France, il a ouvert en pionnier les chemins de la connaissance et de l’action, bien avant qu’en 2012, le jury du Grand Prix de l’urbanisme ne lui rende hommage pour l’ensemble de son œuvre.

      C’est qu’en priorité peut-être, Marcel Roncayolo privilégiait l’engagement dans la cité, la responsabilité, parfois discrète, de l’intellectuel dans la conduite des affaires et l’infléchissement politique, au meilleur sens du terme, des sociétés. Dès le milieu des années 50, jeune assistant à la Sorbonne, il collabore, aux côtés de son ancien condisciple normalien, Claude Nicolet, futur directeur de l’Ecole française de Rome, aux Cahiers de la République, très écouté, paraît-il, de son inspirateur, Pierre Mendès France, intéressé par ses analyses de géographie sociale (« Géographie électorale des Bouches-du Rhône », co-écrit avec Antoine Olivesi, dans les Cahiers de la Fondation nationale des sciences politiques, n°113, 1961). Plusieurs décennies plus tard, après son passage par l’Université de Nanterre, on retrouvera un souci identique de réunir dans un même lieu analyse et politique de la ville (Territoires en partage, Nanterre, Seine-Arche : en recherche d’identité(s), Parenthèses, 2006).

      Et l’itinéraire professionnel choisi par Marcel Roncayolo ne fait que corroborer l’alliance du projet social et de la carrière universitaire. En 1956, il préfère être agrégé-répétiteur -« caïman » - à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm plutôt que chercheur au CNRS, pour rester en contact avec les étudiants à former. Ses cours demeurent des modèles du genre. Il restera de cet engagement une préoccupation constante de formation des élèves et des futurs enseignants. Elu en 1965 directeur d’études à la 6e section de l’Ecole pratique des hautes études, il ne s’abandonne pas pour autant aux seules joies spéculatives des séminaires. Il endosse la charge de secrétaire de la Présidence auprès de Fernand Braudel dans les années d’élaboration de la future Ecole des Hautes études en sciences sociales, projet auquel il est resté fidèle toute sa vie professionnelle. Il teste aussi dans des « Semaines d’études à Sèvres » la création d’un enseignement économique et social dans les lycées et un baccalauréat de culture générale. L’essai débouchera sur la création très novatrice en 1977 d’une « agrégation de sciences économiques et sociales », dont Marcel Roncayolo laissera le pilotage a son ami l’inspecteur général, Guy Palmade.

      Car, dans le même temps (1978), Marcel Roncayolo prend la sous-direction de l’ENS, bientôt promue en direction-adjointe. Il y restera jusqu’en 1988, réformant au passage l’entrée à l’Ecole, en créant un deuxième concours littéraire, sans obligation de langues anciennes, mais introduction de sciences sociales. Evidemment, toutes ces charges administratives n’ont pas été
      sans conséquence sur l’aboutissement d’une thèse d’Etat, conçue dès le début des années 50, et finalement soutenue en Sorbonne en 1981 (« Ecrits sur Marseille : morphologie, division sociale et expression politique »). Ultime consécration, ou petite coquetterie, chez cet homme bardé d’honneurs et de considérations, elle lui vaut d’être élu professeur des Universités à Nanterre en 1986. Cela ne l’empêche pas de poursuivre ses séminaires, toujours très suivis, à l’EHESS, et d’assurer la direction de l’Institut d’urbanisme de Paris, à Créteil, de 1991 à 1994.
      Pourtant, depuis longtemps, l’essentiel est ailleurs, dans la diffusion des idées sur l’urbanisation, la géographie sociale, et la participation à de grandes aventures éditoriales. Véritable « inventeur » en France de l’Ecole de Chicago, redécouvreur d’Halbwachs, promoteur précoce du concept de « centralité » (colloque d’Amsterdam de 1966), Marcel Roncayolo se lance dans des écritures collectives ou assumées seul (Histoire du monde contemporain (Bordas, 1973, articles dans l’Enciclopedia Einaudi de son ami Ruggiero Romano), s’intéresse à la ville industrielle avec son complice l’historien Louis Bergeron et l’économiste Philippe Aydalot (Industrialisation et croissance urbaine dans la France du XIXe siècle, 1981), participe en 1985 avec le médiéviste Jacques Le Goff au colloque fondateur de la RATP à Royaumont (Crise de l’urbain, futur de la ville, « Propos d’étape »), contribue aux Lieux de mémoire de Pierre Nora (1984-1992 , « Le paysage du savant »). Mais la grande œuvre demeurera les deux tomes de l’Histoire de la France urbaine, patronnée par Georges Duby, où Marcel Roncayolo rédige des chapitres essentiels des deux tomes de La ville de l’âge industriel (1980) et de La ville aujourd’hui ; croissance urbaine et crise du citadin (1985). Maintes fois réédités en livre de poche (Points Seuil), c’est un succès de librairie. Il y manifeste toujours la même attention à traquer à travers les matérialités urbaines, permanences et continuités, mutations et résiliences, et discordances de temps des sociétés urbaines.

      Tour à tour géographe, historien, sociologue, économiste ou politiste, Marcel Roncayolo est inclassable, moins encyclopédiste qu’adepte d’une pluridisciplinarité active. Il est résolument convaincu de l’unité des sciences sociales, convoquant tour à tour Alain, Fustel de Coulanges, Mauss ou les sociologues américains. C’est sans doute cependant l’histoire qu’il a le plus étroitement articulée avec la matérialité de l’espace (Lectures de villes, formes et temps, 2002), au point qu’il fut souvent considéré comme un historien. Usant de la métaphore géologique, il considérait que la ville est à tout instant le résultat de l’affleurement de strates sociales, physiques, politiques d’âges divers. C’est pourquoi il préféra l’analyser à l’aune de la notion de territoire, plus propre à intégrer les temporalités, qu’à celle d’espace (Territoires, Editions Rue d’Ulm, 2016). Cette pluridisciplinarité pratiquée avec exigence le fait survivre aux modes qui ont tour à tour affecté la géographie contemporaine : la sociologie marxiste mécaniste, la modélisation quantitative, le fétichisme des représentations spatiales, et même aujourd’hui la toute puissance de la « géopolitique ». Un regret dans ce florilège : que le maître n’ait jamais songé à inscrire son cœur de doctrine dans une véritable somme synthétique. Un essai brillant, La ville et ses territoires (1990), des définitions souvent facétieuses dans ses réponses à Isabelle Chesneau (L’Abécédaire de Marcel Roncayolo, 2011), ne peuvent tout à fait en tenir lieu.

      A la réflexion, cette absence n’est pas un hasard. Si Marcel Roncayolo aimait la ville, toutes les villes, et certaines particulièrement, comme Rome, Paris et New-York, il restera le prince d’une seule ville : Marseille, à qui il vouera son dernier ouvrage (Le géographe dans sa ville, 2016), après lui avoir sept décennies auparavant consacré son premier article (« Evolution de la banlieue marseillaise dans la basse vallée de l’Huveaune », Annales de géographie, 1952). Itinéraire jalonné entre temps par des dizaines d’articles, une bonne poignée de livres et de manifestations dédiées à la métropole phocéeenne. La clef du mystère est peut-être la méfiance dans toute généralisation hâtive, dont ses maîtres en géographie urbaine, Raoul Blanchard pour les monographies, Pierre George pour les traités, l’avaient tour à tour vacciné. « D’abord il faut revenir à la géographie, en ce qui concerne la singularité des lieux, qui pourra éventuellement s’articuler à la notion d’héritage », répondait-il un peu mystérieusement à Villes en Parallèle en 2013 (« Carthagène Veracruz, villes-ports dans la mondialisation »).

      Pour terminer sur une note plus personnelle, celui que ses familiers appelaient « Ronca , » n’avait rien du savant austère. Il aimait la bonne chère, les matchs de l’OM (malheur à qui lui téléphonait ces soirs-là !), et, autant qu’il l’a pu, les promenades sur le Vieux Port, dans les grandes villes américaines ou les villes baroques siciliennes, et les étés dans le village corse de son épouse. Il chérissait sa famille, nombreuse, et par-dessus-tout, sa femme, Jeanie, trop tôt disparue. Qu’il repose en paix.

      Jacques Brun, Guy Burgel, Marie-Vic Ozouf-Marignier

  • Depuis le Patio, rencontre pour un printemps de résistance avec les exilé·e·s
    https://grenoble.indymedia.org/2018-02-12-Depuis-le-Patio-rencontre-pour-un

    Jeudi 15 février - de 17h30 à 22h Campus de l’Université Grenoble Alpes (Saint Martin d’Hères) En Amphi 1 de la Galerie des amphis Pierre Mendès France Le Patio Solidaire est un lieu de vie collectif et autogéré depuis début décembre pour et par des demandeur.euse.s d’asile dans un batiment désaffecté du campus de l’Université Grenoble-Alpes. Ce jeudi des camarades viennent de Lyon, Nantes, Paris, Calais, du Briançonnais, de la Roya et d’ailleurs, pour participer à une soirée d’échange autour des (...)

    #Agenda

    https://grenoble.aveclesexiles.info
    https://fr-fr.facebook.com/events/512020472513515

  • Le moment 1958 du nouveau président
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/130517/le-moment-1958-du-nouveau-president

    Tract du parti communiste français le 1er juin 1958 Le président Macron se veut clef de voûte conquérante. À la de Gaulle. Il a créé un parti de toutes pièces. Il fait plier ou promeut. En 1958, Pierre Mendès France ne voyait là qu’« abdication permanente du peuple au profit d’un seul homme »…

    #Culture-Idées #Charles_de_Gaulle #Emmanuel_Macron #Ve_République

  • Sortie de l’Union, #article_50 : c’est long et compliqué
    https://www.mediapart.fr/journal/international/240616/sortie-de-l-union-article-50-cest-long-et-complique

    Quel est le chemin pour que le Royaume-Uni quitte la maison européenne ? Une négociation de plusieurs années s’annonce pour redéfinir l’intégralité des relations des Britanniques avec l’Union européenne. Explications.> L’avertissement prophétique de Pierre Mendès France

    #International #Brexit #europe #Traité_de_Lisbonne

  • L’avertissement prophétique de Pierre Mendès #France
    https://www.mediapart.fr/journal/international/240616/l-avertissement-prophetique-de-pierre-mendes-france

    En 1957, lors du débat sur le #Traité_de_Rome, Pierre #Mendès_France mettait en garde contre un projet inspiré par « un libéralisme du XIXe siècle ». Cette mise en garde oubliée du plus démocrate et du moins nationaliste des hommes politiques marquants du siècle passé résonne dans notre présent où éclate la crise d’une #europe qui a perdu la confiance majoritaire des peuples.

    #International #Brexit

  • Comment @FNSciencesPo @Thomas_Laval (sic) tentent de salir la mémoire de Pierre Mendès France #antifa
    https://gauchedecombat.net/2016/05/30/comment-fnsciencespo-thomas_laval-sic-tentent-de-salir-la-memoire-de

    Ils osent tout, c’est à ça qu’on les reconnait. Dans la logique à présent bien connue du FN, et de l’extrême droite en général, de pratiquer une certaine forme de révisionnisme historique consistant à s’attribuer certaines figures symboliques de la gauche, et après avoir tenté de s’approprier la mémoire de Jaurès et d’autres figures de […]

    http://0.gravatar.com/avatar/9faa4d044bbecc32a5bef02aba121599?s=96&d=&r=G

  • Debout contre Vichy, par Antony Burlaud (mars 2016)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/03/BURLAUD/54949 #st

    A l’été 1940, le régime de Vichy commence à régler ses comptes. Parmi ses ennemis, deux cibles de choix : Jean Zay et Pierre Mendès France. Radicaux-socialistes, anciens des gouvernements Blum, « juifs », francs-maçons et antimunichois, ils représentent tout ce que le nouveau pouvoir abhorre.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/21020 via Le Monde diplomatique

  • Voter l’état d’urgence, c’est légaliser l’arbitraire
    http://www.vacarme.org/article2823.html

    Le Parlement français a approuvé la prolongation pour trois mois de l’état d’urgence à la suite des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis. D’où procède cet état d’urgence ? D’une loi votée le 3 avril 1955, préparée sous le gouvernement de Pierre Mendès France, mais votée sous le suivant, dirigé par Edgar Faure. Cet état a été en vigueur trois fois durant la guerre d’Algérie : 1955, 1958 au moment de la crise de la IVe République et en 1961 durant le putsch des généraux. Dès le départ, il y a une ambiguïté dans les termes de cette loi : l’état d’urgence est choisi plutôt que l’état de siège, afin de taire l’existence de la guerre d’Algérie mais aussi de nier le statut de combattants aux nationalistes algériens. Cette ambiguïté demeure aujourd’hui. Source : (...)

  • Daladiérisme, nous revoilà ! - Mediapart
    http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/090515/daladierisme-nous-revoila

    Retour sur une époque en miroir de la nôtre : quand le radical-socialiste Édouard Daladier, entre 1938 et 1940, liquidait les acquis du Front populaire. Il croyait adapter la #gauche aux temps modernes en se conciliant la #droite : il fit le lit de l’#extrême-droite. Ce fut le « daladiérisme », qui n’est pas sans résonner en ce printemps 2015.

    Déjà dans l’histoire de France, alors que montaient les périls, il est arrivé qu’une gauche de gouvernement fourbue, décomposée, fît le lit de l’extrême droite. Durant la guerre d’Algérie, #Guy_Mollet et son proconsul Robert Lacoste cassèrent du fellaga et la démocratie. Au point de frayer la voie, en 1958, à des factieux fascisants jouant la carte d’un général qu’ils espéraient aussi phalangiste qu’eux : de Gaulle. Mauvaise pioche, Charles XI allait se montrer républicain ! [on reconnait la tasse thé tiède de Médiapart]

    Ce qui n’empêcha pas les républicains – c’est-à-dire la gauche – de manifester le 28 mai 1958 à Paris. 500 000 personnes défilèrent contre une sorte de monstre du Loch Ness de la politique française : le césarisme. Aux yeux de ceux qui battaient le pavé, l’homme du 18-Juin récapitulait les deux Napoléon, Pétain, sans oublier un autre général, Boulanger.

    À gauche, le socialiste André Philip. Charles Hernu figure derrière l’ancien ministre de la défense Edouard Daladier...
    En tête de ce cortège vintage : François Mitterrand, facteur de modernité – son œil sait repérer l’objectif du photographe. À sa droite, un spectre chapeauté : Édouard Daladier (1884-1970). Toujours député du Vaucluse à 74 ans, se drapant dans les plis de la morale démocratique, ce revenant incarne pourtant un fiasco tragique : le glissement, entre 1938 et 1940, de la Chambre de Front populaire vers le bâton du maréchal Pétain.

    Ce fut le “daladiérisme”, qui n’est pas sans résonner en ce printemps 2015 : comment une gauche déboussolée croit pouvoir assécher la droite en épousant ses valeurs, au seul profit d’une extrême droite qui attend son heure...

    La période est connue à travers le prisme d’une politique extérieure confrontée au danger hitlérien, auquel tentèrent de parer les accords de Munich en abandonnant la Tchécoslovaquie au Führer (30 septembre 1938). Pourtant, les affaires intérieures françaises de l’époque s’avèrent symptomatiques : Daladier au pouvoir, c’est l’assujettissement du parti radical par son aile droite, au nom d’une nécessaire adaptation aux réalités modernes.

    Des caciques radicaux s´étaient toujours montrés réticents au Front populaire et à son programme. Ils freinaient des quatre fers dans des journaux alors influents : Émile Roche dans La République, ou Albert Milhaud dans L’Ère nouvelle. Ce dernier, cité par l’historien Serge Berstein, écrit ainsi, en janvier 1938 : « Dans le pays, il n’y a plus que deux partis, celui de l’#ordre et celui du désordre. Les bons apôtres diront que le parti de l’ordre, c’est la réaction. Le parti de l’ordre, c’est le parti du salut de la nation, de la République, de la démocratie. La France veut un #chef : elle préférera de beaucoup un chef légal à un chef révolutionnaire de gauche ou de droite. La formule du Front populaire portait en germe une contradiction interne, celle d’un gouvernement inféodé à des délibérations d’irresponsables du point de vue politique : elle est périmée. »

    Le 12 avril 1938, lorsque Édouard Daladier devient président du conseil en succédant au deuxième cabinet Blum, c’est pour liquider le Front populaire au nom de la #rigueur_budgétaire. Pendant quelques mois, à coups de ruses tactiques passant pour hésitations, le chef du gouvernement avance masqué. Il continue de donner des gages à sa gauche pour l’anesthésier.

    Pourtant le masque finit par tomber, avec le discours radiodiffusé du 21 août 1938 : « Il faut remettre la France au #travail. Ce ne sont pas des sacrifices que je demande aux Français, c’est un effort plus vigoureux… » Au prétexte de ne d’abord viser que les industries travaillant pour la défense nationale, il s’agit, de la part de l’ancien ministre de la défense de Léon Blum en 1936, de détruire la loi des 40 heures. La langue de bois de l’époque évoque un « aménagement » : supprimer le samedi chômé (finie “la #semaine_des_deux_dimanches”) et recourir aux #heures_supplémentaires. Ces dernières ne seront pas rémunérées « à un taux prohibitif » : le patronat exulte, qui vient de surcroît d’obtenir des #allègements_fiscaux.

    Albert Milhaud, coryphée de ce tournant réactionnaire effectué par une prétendue gauche en faveur d’une droite avérée, s’époumone dans L’Ère nouvelle, le 23 août 1938 : « Le discours du président Daladier sonne le glas des #vacances_illimitées dont, depuis 1936, une politique téméraire avait doté notre pays. »

    En octobre 1938, à la suite des accords de Munich qui jouent l’apaisement avec l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste au détriment du #pacte_franco-soviétique de 1935, les communistes – hier alliés au sein du Front populaire – deviennent #ennemis_intérieurs. Ne veulent-ils pas mettre le pays sens dessus dessous, tout en soufflant sur les braises de l’antifascisme au seul prétexte d’attirer les foudres hitlériennes sur les démocraties occidentales plutôt que sur la Russie stalinienne ? Édouard Daladier accuse le parti de Maurice Thorez « de saboter l’autorité gouvernementale en toute circonstance ».

    L’affrontement avec la gauche et les syndicats provoque une fronde : Pierre Cot, Pierre Mendès France ou Gaston Monnerville protestent contre les injustices politiques, économiques, fiscales et diplomatiques. Jean Zay, ministre de l’éducation nationale et des Beaux-Arts, prisonnier de la solidarité gouvernementale, n’en pense pas moins. Daladier passe en force, à coups de #décrets-lois, excipant de la menace extérieure pour faire taire, au nom des sentiments patriotiques, toute conscience progressiste.

    La droite, ravie de trouver un tel régisseur, lui donne quitus. Dans Le Figaro du 28 novembre 1938, un d’Ormesson de service, prénommé Wladimir, triomphe : « Tout ce qui a une âme et une volonté française est aujourd’hui derrière M. Daladier. »

    Le cocorico s’accompagne forcément du haro sur les #étrangers. Le 14 avril 1938, Albert Sarraut, ministre de l’intérieur radical-socialiste, réclame aux préfets « une action méthodique, énergique et prompte en vue de débarrasser notre pays des éléments indésirables trop nombreux qui y circulent et y agissent au mépris des lois et des règlements ou qui interviennent de façon inadmissible dans des querelles ou des conflits politiques ou sociaux qui ne regardent que nous » .

    Le 2 mai 1938, un décret signé Daladier se propose de « créer une atmosphère épurée autour de l’étranger de bonne foi » . Le 12 novembre 1938, un autre décret-loi, « relatif à la situation et à la #police_des_étrangers », complète le dispositif. Les expulsions sont facilitées. Et des « camps de concentration » sont créés pour les étrangers « indésirables » que l’on ne peut renvoyer dans leur pays (les républicains espagnols, puis les Allemands ou Autrichiens anti-nazis – souvent juifs –, sans oublier les « nomades »). La langue politico-administrative de l’heure stipule : « Le nombre sans cesse croissant d’étrangers résidant en France impose au gouvernement, investi du pouvoir législatif dans un domaine nettement défini, d’édicter certaines mesures que commande impérieusement le souci de la #sécurité nationale, de l’#économie générale du pays et de la protection de l’ordre public. »

    La guerre va durcir le trait. Le 1er septembre 1939, un décret-loi prévoit « le rassemblement dans des centres spéciaux de tous les étrangers de sexe masculin ressortissant de territoires appartenant à l’ennemi » âgés de 17 à 50 ans (étendu, dès le 5 septembre, de 50 à 65 ans). Le 18 novembre 1939, un décret-loi étend les mesures d’internement aux « individus dangereux pour la défense nationale et pour la sécurité publique » sur décision du préfet. Les communistes en font principalement les frais.

    Édouard Daladier laisse sa place de président du conseil à son ministre des finances Paul Reynaud le 20 mars 1940, qui passe le relais à son vice-président du conseil, le maréchal Pétain, le 16 juin 1940.

    Et le directeur du cabinet civil d’un Pétain devenu chef de l’État, Henry du Moulin de Labarthète, affirme benoîtement dans ses mémoires publiés à Genève en 1946, que le régime de Vichy s’est d’abord contenté de reconduire la législation française et son arsenal de camps, non sans se féliciter de son existence : « C’était ce que l’on appelait, au ministère de l’intérieur, l’héritage du “daladiérisme”. »

    Le ministre de l’intérieur du gouvernement de Vichy était en 1940 Marcel Peyrouton (1887-1983), brillant esprit de gauche avant-guerre, ayant épousé une demoiselle Malvy (issue d’une dynastie radicale exemplaire). Collaborateur indéniable parvenu à se faire acquitter par la Haute-Cour en 1948, il écrivait deux ans plus tard, avec une dose de mauvaise foi impudente qui vaut néanmoins le détour : « On a beaucoup parlé des camps administratifs ou de concentration, dont le gouvernement de Vichy, à l’imitation des nazis, aurait assuré l’ouverture et le peuplement. C’est inexact. C’est M. Daladier qui, en 1939, en fut le père. Il les réservait aux communistes. Le Maréchal en hérita. Mais en exigea l’aménagement. Des médecins les visitèrent, en proposèrent l’assainissement. Leurs plans furent retenus. De très nombreuses améliorations naturelles et morales y transformèrent les conditions de vie. Elles devinrent plus supportables, sans pour autant être agréables. »

    Il n’existe sans doute pas meilleur témoignage de la Schadenfreude (joie malsaine) qui saisit l’ultra droite française face à un héritage politique, délicieusement empoisonné, reçu de la gauche. Qu’est-ce qui peut bien pousser nos socialistes de gouvernement à persévérer dans cette vacillation diabolique ?

    Leçon d’Histoire pour une gauche au pouvoir. C’est ainsi que l’historien Jean-Noël Jeanneney titrait, en 1977, un livre consacré à la faillite du Cartel (1924-1926) : quand le radical-socialiste Édouard Herriot se heurtait au “mur d’argent”. On a beau lui faire la leçon, la gauche française continue de recevoir de bonnes leçons, mais n’en tire aucune leçon. N’est-ce pas ce dont attestent, sous nos yeux, le hollando-molletisme et le vallso-daladiérisme ?

  • Bonne mise au point sur la galaxie extrême-droite xénophobe, avec un petit passage assez juste sur le positionnement moderne du FN

    #Le_Pen #FN #Elections #européennes #Soral #antisémitisme #racisme #xénophobie #rouge_bruns

    À la recherche du nouvel ennemi •
    Philosophie magazine
    http://www.philomag.com/les-idees/a-la-recherche-du-nouvel-ennemi-9338

    Marine Le Pen : suggérer plutôt que dire
    Et le FN ? Lorsque son père tenait le parti, xénophobie anti-arabe (souvenirs de la colonisation, ce qui le poussait à valoriser les harkis) et antisémitisme cohabitaient. Jean-Marie Le Pen était devenu un spécialiste des dérapages contrôlés et des plaisanteries orientées. En 1956, il déclarait à Pierre Mendès France, qui était d’origine juive : « Vous cristallisez sur votre personnage un certain nombre de répulsions patriotiques, presque physiques. » En 1988, un an après avoir tenu les chambres à gaz pour un « point de détail » de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, il lançait son « Durafour crématoire » à l’encontre d’un ministre. Aujourd’hui, il soutient Dieudonné et se proclame toujours « ami de l’Iran, nation libre qui n’accepte pas le diktat d’autres pays ». Et sa fille ? Elle a choisi son ennemi en congédiant l’antisémitisme traditionnel du FN. Au moment même de son élection à la tête du FN, début 2011, elle déclare dans le quotidien israélien Haaretz que son parti a toujours été « prosioniste ». En décembre suivant, elle effectue une visite en Israël, essayant de séduire l’électorat des juifs français. En revanche, elle développe systématiquement une argumentation anti-islam. Elle affirme, contre les faits, que les non-musulmans ne peuvent toucher de la viande halal, ce qui induirait une discrimination à l’embauche dans les abattoirs. En décembre 2010, elle compare les prières de rues des musulmans à une « occupation », sans « blindés » ni « soldats », mais « occupation tout de même ». Elle réclame que les mosquées « soient modestes et qu’elles ne soient pas ostensibles avec des minarets qui s’élèvent de plus en plus haut », et que les fidèles les financent eux-mêmes. Dans une interview accordée en avril 2013 au quotidien turc Zaman, elle martèle : « Les Français se sentent agressés dans leurs habitudes. Les voiles, les exigences sur les lieux de prière, les demandes de nourritures spécifiques… tout ça est en contradiction avec notre culture. » Enfin, interpellée dans la rue le 19 mars dernier, elle affirme : « Le FN n’est pas antisémite. […] Et aujourd’hui, je vais vous dire où ils sont les antisémites, ils sont dans les quartiers, là où ils sont en train d’organiser le recrutement pour le djihad. » On comprend pourquoi Alain Soral a quitté en 2009 le FN qu’il avait rejoint quatre ans plus tôt. Dans sa lettre de rupture, il dénonce « la bande à Marine – cet agglomérat de multitransfuges, de marchands du Temple et de cage aux folles – qui a tout fait pour [lui] barrer la route et [le] neutraliser depuis deux ans, et ce malgré la confiance et l’amitié que [lui] accordait le Président »… Marine Le Pen et Alain Soral n’ont pas le même ennemi. Selon ce dernier, en choisissant l’anti-islamisme et en délaissant l’antisémitisme, le programme du FN ne vise plus qu’à « faire payer aux pauvres Noirs et aux pauvres Arabes, tous déclarés islamistes et complices du terrorisme, la souffrance imposée au peuple de France par les riches Blancs, pas toujours catholiques, planqués dans leurs paradis nomades, à New York et à Miami… ».
    « Marine Le Pen conserve, consciemment ou non, tous les canaux sémantiques de la pensée fasciste traditionnelle »
     
    Mais Marine Le Pen est-elle elle-même antimusulmane ? Elle refuse cette accusation et prétend, en républicaine fidèle au principe de laïcité, ne lutter que contre l’islamisme, acceptant parfaitement un islam vécu dans la sphère privée. Pour mieux comprendre, allons l’écouter lors de son dernier meeting pour les élections municipales, à la Maison de l’éducation permanente dans le centre de Lille, le jeudi 20 mars. Contrairement à une émission de radio ou de télévision, on assiste ici à un ensemble cohérent, un discours articulé, mais aussi à un spectacle total où le débit, l’intonation, le souffle jouent leur rôle dans la transmission du message. Désincarné, résumé en quelques phrases, celui-ci est presque inoffensif. Replongé dans son contexte et sa matière, ses allusions et ses réseaux de sens, c’est tout autre chose. Avant de passer la parole à Marine Le Pen, le candidat du FN à Lille, Éric Dillies, évoque des meurtres mystérieux au moment de l’accession de Martine Aubry à la mairie et mentionne en plaisantant, pour en suggérer le caractère immoral, des réunions politiques au Carlton. Bref, il décrit les dirigeants socialistes de la ville et leurs rivaux de droite comme les membres d’une caste mafieuse. La présidente du FN poursuit dans la même veine, visant à criminaliser les représentants politiques de tous bords. Considérant qu’ils ont « tous été pris la main dans le pot de confiture », elle appelle « le peuple français [à] prendre la décision de juger les dirigeants ». Adepte d’une version à peine édulcorée de la théorie du complot, elle avance que « tous les chiffres de la délinquance sont “bidonnés” » et que « la population française est sous-informée : mensonges, chiffres maquillés ». Quant à l’ennemi principal, elle n’en prononce même pas le nom. Les sons composant le mot islam ou musulman ne sont pas articulés. Quatre termes suffisent : « communautaristes », « intégristes », « cantines », « piscines ». En fait, les mots agissent ici comme des signaux faisant référence à des déclarations anciennes ou à venir sur les menus aménagés dans les cantines scolaires à l’attention des élèves musulmans, ou encore sur la question des horaires aménagés dans les piscines pour y éviter la mixité, chiffon rouge fréquemment agité par le FN.
    Telle est la nouvelle stratégie sémantique du FN, que l’on peut qualifier de troisième génération du discours xénophobe. Avant l’interdiction de tels propos, on avouait franchement sa haine des Juifs ou des Arabes. Une deuxième génération, celle de Jean-Marie Le Pen, a dû user de la périphrase, de la plaisanterie, de la suggestion, afin de faire comprendre aux électeurs la persistance d’un discours raciste et xénophobe tout en échappant au scandale et à la condamnation. Marine Le Pen représente la troisième génération. Inutile, désormais, de faire des signes d’intelligence. Il suffit d’évoquer les problématiques par quelques formules et de laisser l’imagination de l’auditeur faire le reste. Bref, on provoque l’association et on laisse libre chacun d’aller, ou non, jusqu’au bout. L’un comprendra intégriste/islamiste/musulman. L’autre s’arrêtera à l’islamiste. C’est le moyen habile choisi par Marine Le Pen pour adjoindre aux racistes traditionnels un nouveau public républicain.
    Peut-on encore qualifier ce discours de fasciste ? D’un point de vue explicite, non, nous l’avons vu. Reste que Marine Le Pen conserve, consciemment ou non, tous les canaux sémantiques de la pensée fasciste traditionnelle : détestation et criminalisation des élites, réveil d’émotions violentes, vocabulaire du corps (Hollande est ainsi décrit : « torse bombé, bras mous »), théorie du complot, défense des « valeurs traditionnelles » et du « patrimoine civilisationnel », peur de la « dénaturation » et appel à « la saine réaction du peuple français ». Les mots n’y sont plus guère, mais la structure, que chacun pourra incarner à son goût, demeure. Pas d’antisémitisme ? Non, mais la possibilité de remplir des blancs, lorsque Marine Le Pen critique François Hollande d’avoir affirmé qu’il n’aimait pas les riches avant de « se coucher » le même soir « devant la grande finance », ou lorsqu’elle attaque Nicolas Sarkozy pour avoir servi « les mêmes maîtres ». Qui donc ? Elle enfonce le clou : « les banquiers et la finance internationale », « les dirigeants du Medef à New York », Babylone du cosmopolitisme. Un antisémite saura parfaitement compléter, en pensée, avec sa famille ou avec ses amis, les chaînes sémantiques ici présentées de la manière la plus traditionnelle qui soit : les politiques valets de la finance internationale, avec l’aide des « communicants du système »… Elle fait culminer son discours avec une coquetterie qui rappelle son père, en évoquant la « reptation » de l’UMP face au parti socialiste, mêlant pédanterie et allusion physique. Enfin, un autre moment du meeting mérite d’être retenu. Marine Le Pen chauffe l’assistance à propos des Roms, troisième figure, nouvelle, de l’ennemi. Elle prétend que les autorités de l’État leur fournissent des logements gratuits en priorité, laissant sur le carreau les travailleurs français qui attendent toujours un habitat social. Elle finit par faire huer les Roms.
    Le discours du FN se situe sur un autre plan que les mouvements d’extrême droite que nous avons évoqués et qui professent un credo anti-islam ou antisémite brutal et presque explicite. Mais il est certain que Marine Le Pen, même si elle se refuse à prononcer certains mots, n’a pas rompu avec des structures mentales et linguistiques plus anciennes. La pensée fasciste est parvenue à son stade postmoderne. L’avenir nous dira s’il faut plutôt s’en réjouir ou s’en inquiéter.

  • L’austérité contre l’emploi n°029 Septembre 2013
    http://www.alternatives-economiques.fr/l-austerite-contre-l-emploi_fr_pub_1242_liv.html

    Quand la croissance n’est pas au rendez-vous, les politiques publiques doivent donner la priorité à la création d’emplois et non à l’austérité budgétaire. Tel est l’argument développé dans ces extraits de La Science économique et l’action, de Pierre Mendès France et Gabriel Ardant, publié en 1954. Pour le démontrer, ils s’appuient sur l’histoire : le mauvais exemple des politiques de Brüning et de Laval au début des années 1930, le bon exemple du New Deal de Roosevelt.

    Ces textes semblent avoir été écrits aujourd’hui tant ils font écho aux préoccupations économiques françaises sur l’austérité budgétaire et la montée du chômage. Une contribution très actuelle au débat politique européen !

    #économie
    #austérité contre l’ #emploi
    #Pierre-Mendès-France ( 1954 )
    #Gabriel-Ardant