person:sophie bessis

  • L’antisionisme est une opinion, pas un crime - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2019/02/28/l-antisionisme-est-une-opinion-pas-un-crime_1712216

    Tribune. Monsieur le Président, vous avez récemment déclaré votre intention de criminaliser l’antisionisme. Vous avez fait cette déclaration après en avoir discuté au téléphone avec Benyamin Nétanyahou, juste avant de vous rendre au dîner du Crif.
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    Monsieur le Président, vous n’êtes pas sans savoir que la Constitution de la République énonce en son article 4 que « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions. » Or, l’antisionisme est une opinion, un courant de pensée né parmi les juifs européens au moment où le nationalisme juif prenait son essor. Il s’oppose à l’idéologie sioniste qui préconisait (et préconise toujours) l’installation des juifs du monde en Palestine, aujourd’hui Israël.

    L’argument essentiel de l’antisionisme était (et est toujours) que la Palestine n’a jamais été une terre vide d’habitants qu’un « peuple sans terre » serait libre de coloniser du fait de la promesse divine qui lui en aurait été donnée, mais un pays peuplé par des habitants bien réels pour lesquels le sionisme allait bientôt être synonyme d’exode, de spoliation et de négation de tous leurs droits. Les antisionistes étaient, et sont toujours, des anticolonialistes. Leur interdire de s’exprimer en prenant prétexte du fait que des racistes se servent de cette appellation pour camoufler leur antisémitisme, est absurde.

    Monsieur le Président, nous tenons à ce que les Français juifs puissent rester en France, qu’ils s’y sentent en sécurité, et que leur liberté d’expression et de pensée y soit respectée dans sa pluralité. L’ignominie des actes antisémites qui se multiplient ravive le traumatisme et l’effroi de la violence inouïe dont leurs parents ont eu à souffrir de la part d’un Etat français et d’une société française qui ont largement collaboré avec leurs bourreaux. Nous attendons donc de vous que vous déployiez d’importants moyens d’éducation, et que les auteurs de ces actes soient sévèrement punis. Mais nous ne voulons certainement pas que vous livriez les juifs de France et leur mémoire à l’extrême droite israélienne, comme vous le faites en affichant ostensiblement votre proximité avec le sinistre « Bibi » et ses amis français.

    C’est pourquoi nous tenons à vous faire savoir que nous sommes antisionistes, ou que certains de nos meilleurs amis se déclarent comme tels. Nous éprouvons du respect et de l’admiration pour ces militants des droits humains et du droit international qui, en France, en Israël et partout dans le monde, luttent courageusement et dénoncent les exactions intolérables que les sionistes les plus acharnés font subir aux Palestiniens. Beaucoup de ces militants se disent antisionistes car le sionisme a prouvé que lorsque sa logique colonisatrice est poussée à l’extrême, comme c’est le cas aujourd’hui, il n’est bon ni pour les juifs du monde, ni pour les Israéliens, ni pour les Palestiniens.

    Monsieur le Président, nous sommes des citoyens français respectueux des lois de la République, mais si vous faites adopter une loi contre l’antisionisme, ou si vous adoptez officiellement une définition erronée de l’antisionisme qui permettrait de légiférer contre lui, sachez que nous enfreindrons cette loi inique par nos propos, par nos écrits, par nos œuvres artistiques et par nos actes de solidarité. Et si vous tenez à nous poursuivre, à nous faire taire, ou même à nous embastiller pour cela, eh bien, vous pourrez venir nous chercher.

    Premiers signataires : Gilbert Achcar universitaire Gil Anidjar professeur Ariella Azoulay universitaire Taysir Batniji artiste plasticien Sophie Bessis historienne Jean-Jacques Birgé compositeur Simone Bitton cinéaste Laurent Bloch informaticien Rony Brauman médecin François Burgat politologue Jean-Louis Comolli cinéaste Sonia Dayan-Herzbrun sociologue Ivar Ekeland universitaire Mireille Fanon-Mendès France ex-experte ONU Naomi Fink professeure agrégée d’hébreu Jean-Michel Frodon critique et enseignant Jean-Luc Godard cinéaste Alain Gresh journaliste Eric Hazan éditeur Christiane Hessel militante et veuve de Stéphane Hessel Nancy Huston écrivaine Abdellatif Laâbi écrivain Farouk Mardam-Bey éditeur Gustave Massiah économiste Anne-Marie Miéville cinéaste Marie- José Mondzain philosophe Ernest Pignon-Ernest artiste plasticien Elias Sanbar écrivain, diplomate Michèle Sibony enseignante retraitée Eyal Sivan cinéaste Elia Suleiman cinéaste Françoise Vergès politologue.

    Liste complète des signataires disponible sur : https://bit.ly/2BTE43k

    • Aujourd’hui, aucun #fondamentalisme sur la planète ne s’oppose à l’ordre libéral capitaliste qui y règne en maître. Que ce soit dans le monde arabo-musulman, en Inde où le premier ministre Narendra Modi défend un hindouisme radical, mais organise une société capitaliste néolibérale, en Pologne où les catholiques ultras sont au pouvoir, nulle part il n’y a d’opposition au règne de la marchandise.

      #capitalisme #regne_de_la_marchandise

  • « Ramener le gouvernement israélien au respect du droit n’est en rien une manifestation d’antisémitisme »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/05/15/ramener-le-gouvernement-israelien-au-respect-du-droit-et-a-la-raison-n-est-e

    L’Europe doit cesser de regarder ce conflit comme une séquelle de ses responsabilités dans le génocide des juifs et de la manière dont y ont été traités les survivants. Ramener le gouvernement israélien au respect du droit et à la raison, dénoncer sa politique, n’est en rien une manifestation d’antisémitisme. Antisémitisme, dont nous combattons les manifestations insupportables qui se produisent partout en Europe.

    Nous appelons l’Union européenne à promouvoir une conférence internationale en charge du règlement du conflit sur la base des résolutions des Nations unies, à peser par tous moyens, y compris par des sanctions, sur les autorités israéliennes et à reconnaître l’Etat de Palestine. La France doit agir en ce sens, en procédant elle-même à cette reconnaissance sans délai.

    #justice #Israël #palestine

    • voilà

      Israël fête ses 70 ans d’existence. Sa proclamation en 1948 au lendemain de la seconde guerre mondiale marquée par le génocide des juifs d’Europe, a été accueillie dans le monde comme un refuge pour les survivants et comme un espoir. En même temps, elle a dépossédé les Palestiniens d’une partie importante de leur pays et représenté pour eux une catastrophe, la Naqba. Soixante-dix ans plus tard, l’Etat d’Israël est une réalité, comme l’est aussi le fait que des millions de Palestiniens vivent dans une situation insupportable d’occupation, d’enfermement à Gaza, de discriminations en Israël ou d’exil.

      Depuis 1948, ces deux réalités s’entrechoquent entraînant du sang et des larmes, entravant l’avenir des peuples de la région et produisant ses effets jusqu’en Europe et dans le reste du monde. L’occupation et la colonisation poursuivies par Israël depuis 1967 de territoires ne faisant pas partie de ses frontières internationalement reconnues aggravent une situation régionale, par ailleurs, bouleversée par de nombreux conflits et fait peser de lourdes menaces sur la paix mondiale.

      Ce qui n’est pas supportable, c’est la négation assumée des droits du peuple palestinien par la force brute de la répression et des armes. S’appropriant les terres, cantonnant les Palestiniens à des territoires de plus en plus réduits, les différents gouvernements israéliens détruisent de plus en plus sûrement tout espoir que deux Etats puissent vivre en paix, côte à côte, avec Jérusalem comme capitale commune. Le résultat de leur politique interroge, certes, sur la possibilité de cette solution.

      Peser sur les deux parties
      La poursuite continue de la colonisation, conduisant à l’installation de quelque 700 000 colons en Cisjordanie, a sapé les espoirs suscités par le processus d’Oslo. Mais il est clair que l’hypothèse louable d’un seul Etat ouvert à tous avec les mêmes droits se heurte aux aspirations nationales des deux peuples. L’établissement de deux Etats dans les frontières de 1967, garantissant une solution aux réfugiés et établissant Jérusalem comme capitale des deux pays, reste, au moins à court et moyen terme, la seule solution viable.

      Il est illusoire de penser que laisser le gouvernement israélien et l’autorité palestinienne face à face permettrait d’avancer dans cette voie. Seule l’intervention de la communauté internationale permettra de peser sur les deux parties, en particulier sur les autorités israéliennes qui se sentent revêtues de l’impunité que leur confère le soutien indéfectible des Etats-Unis.

      C’est donc à l’Union européenne d’agir. L’Europe doit cesser de regarder ce conflit comme une séquelle de ses responsabilités dans le génocide des juifs et de la manière dont y ont été traités les survivants. Ramener le gouvernement israélien au respect du droit et à la raison, dénoncer sa politique, n’est en rien une manifestation d’antisémitisme. Antisémitisme, dont nous combattons les manifestations insupportables qui se produisent partout en Europe.

      Nous appelons l’Union européenne à promouvoir une conférence internationale en charge du règlement du conflit sur la base des résolutions des Nations unies, à peser par tous moyens, y compris par des sanctions, sur les autorités israéliennes et à reconnaître l’Etat de Palestine. La France doit agir en ce sens, en procédant elle-même à cette reconnaissance sans délai.

      Les signataires de la tribune : Tewfik Allal, militant associatif ; Jean-Christophe Attias, directeur d’études à l’EPHE ; Bertrand Badie, professeur à l’IEP Paris ; Françoise Basch, universitaire ; Sophie Basch, professeur à Sorbonne Université ; Esther Benbassa, sénatrice EELV, universitaire ; Sophie Bessis, historienne, Françoise Blum, ingénieure CNRS ; Barbara Cassin, chercheur CNRS ; Mouhieddine Cherbib, militant associatif CRLDH Tunisie ; Alice Cherki, psychanalyste ; Catherine Coquery-Vidrovitch, historienne ; Michel Deyfus, directeur de recherche au CNRS ; Dominique Guibert, président de l’AEDH ; Christiane Hessel, présidente d’honneur de Les enfants, le jeu, l’éducation ; Alain Joxe, directeur d’études à l’EHESS ; Robert Kissous, militant associatif ; Abdelatif Laabi, écrivain ; Nicole Lapierre, socio-anthropologue, directrice de recherche émérite au CNRS ; Henri Leclerc, président d’honneur de la LDH ; Jean-Claude Lefort, député honoraire ; Catherine Lévy, sociologue CNRS ; Gilles Manceron, historien ; Michel Mousel, militant politique ; Fabienne Messica, sociologue ; Bernard Ravenel, historien ; Vincent Rebérioux, LDH ; Malik Salemkour, président de la LDH ; Abraham Ségal, documentariste ; Taoufiq Tahani, universitaire, président d’honneur de l’AFPS ; Athéna Tsingarida, professeure à l’Université libre de Bruxelles ; Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH ; Marie-Christine Vergiat, députée européenne ; Georges Vigarello, EHESS ; Sylviane de Wangen, comité de rédaction de Confluences Méditerranée.

    • Non à l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme
      Bertrand Badie, Etienne Balibar, Fethi Benslama, Sophie Bessis, Rony Brauman, Alice Cherki, Suzanne Citron, Sonia Dayan-Herzbrun, Michel Dreyfus, Ivar Ekeland, Jeanne Favret-Saada, Marcel-Francis Kahn, Catherine Lévy, Gilles Manceron, Gustave Massiah, Elise Marienstras, Fabienne Messica, Véronique Nahoum-Grappe, Emmanuel Naquet, Jacques Rancière, Bernard Ravenel, Carole Reynaud-Paligot, Michel Rotfus, Elisabeth Roudinesco, Shlomo Sand, Michel Tubiana, Dominique Vidal…
      Libération, le 4 juillet 2017

      Le 1er juin, le Parlement européen a adopté une résolution sur une cause essentielle et qui mérite un traitement sérieux : la lutte contre l’antisémitisme. Or, cette résolution, qui reprend l’une des deux propositions déposées, celle des groupes conservateurs (PPE), libéraux (Alde) et socialistes (S&D), pose de sérieux problèmes. Elle s’appuie, en effet, sur la définition de l’antisémitisme proposée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, l’International Holocaust Remembrance Alliance (Ihra), dont le grave défaut est de s’écarter de son objet en multipliant les références à l’Etat d’Israël.

      Ce n’est pas à un Parlement de définir des notions qui font l’objet d’un vaste débat historiographique et de centaines de travaux critiques. Et le texte de l’Ihra est loin d’être une référence indiscutable. Il affirme d’emblée que : « Les manifestations de l’antisémitisme peuvent inclure le ciblage de l’Etat d’Israël » et mentionne à neuf reprises cet Etat ; même si ses auteurs se voient contraints d’ajouter : « Cependant, une critique d’Israël similaire à celle menée contre n’importe quel autre pays ne peut être vue comme antisémite. » Quand il donne ensuite des « exemples contemporains d’antisémitisme dans la vie publique, les médias, l’école, le monde du travail ou la sphère religieuse », il met sur le même plan quatre exemples de propos haineux, stéréotypés, fantasmés ou négationnistes relevant incontestablement de l’antisémitisme, et sept autres portant sur l’Etat d’Israël, sa « politique actuelle » et ses « actions ».

      C’est cette définition de l’antisémitisme par l’Ihra que la résolution votée par le Parlement européen invite les Etats membres, les institutions et les agences de l’Union à adopter et à appliquer.

      Or, si l’on peut considérer qu’il existe dans certaines attaques formulées contre Israël des dérives antisémites, les critiques de la politique des gouvernements israéliens ne peuvent en aucun cas être assimilées à de l’antisémitisme sans nuire tout à la fois au combat contre l’antisémitisme et contre le racisme, et à la liberté d’opinion nécessaire au fonctionnement de nos démocraties.

      C’est ce qu’ont exprimé au Parlement européen les députés de gauche et écologistes (GUE - NGL et Verts - ALE) qui refusent cette instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme et souhaitent inscrire celle-ci dans le combat, essentiel et universel, contre toutes les formes de racisme et de discriminations. Oui, on peut lutter contre l’antisémitisme et défendre les droits des Palestiniens. Oui, on peut lutter contre l’antisémitisme tout en condamnant la politique de colonisation du gouvernement israélien.

      La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations ne se divise pas.

    • Aussi dans l’Huma:

      Non à l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme
      Bertrand Badie, Étienne Balibar, Fethi Benslama, Sophie Bessis, Rony Brauman, Alice Cherki, Suzanne Citron, Sonia Dayan-Herzbrun, Michel Dreyfus, Ivar Ekeland, Jeanne Favret-Saada, Marcel-Francis Kahn, Catherine Lévy, Gilles Manceron, Gustave Massiah, Élise Marienstras, Fabienne Messica, Edgar Morin, Véronique Nahoum-Grappe, Emmanuel Naquet, Jacques Rancière, Bernard Ravenel, Carole Reynaud Paligot, Michel Rotfus, Élisabeth Roudinesco, Shlomo Sand, Enzo Traverso, Michel Tubiana, Dominique Vidal...
      L’Humanité, le 5 juillet 2017
      http://www.humanite.fr/non-linstrumentalisation-de-la-lutte-contre-lantisemitisme-638380

    • Suite là:

      Non à l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme
      Bertrand Badie, Etienne Balibar, Fethi Benslama, Sophie Bessis, Rony Brauman, Alice Cherki, Suzanne Citron, Sonia Dayan-Herzbrun, Michel Dreyfus, Ivar Ekeland, Jeanne Favret-Saada, Marcel-Francis Kahn, Catherine Lévy, Gilles Manceron, Gustave Massiah, Elise Marienstras, Fabienne Messica, Véronique Nahoum-Grappe, Emmanuel Naquet, Jacques Rancière, Bernard Ravenel, Carole Reynaud-Paligot, Michel Rotfus, Elisabeth Roudinesco, Shlomo Sand, Michel Tubiana, Dominique Vidal…
      Libération, le 4 juillet 2017
      https://seenthis.net/messages/612824

  • #Bouteldja, ses « sœurs » et nous. | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/melusine-2/blog/200616/bouteldja-ses-soeurs-et-nous

    Les réactions enthousiastes comme critiques suscitées par le dernier livre d’Houria Bouteldja ont largement ignoré les pages que l’auteure consacre aux « femmes indigènes » et à la place qui devrait être la leur dans la lutte antiraciste. Ce texte souhaiterait combler cette lacune, en refusant l’injonction à l’allégeance communautaire et en proposant un #antiracisme résolument féministe.

    (…)

    Bouteldja appelle ses sœurs à la reddition en leur proposant une alternative mensongère : négocier des compromis avec le #patriarcat #indigène plutôt que se laisser aller à des compromissions avec le patriarcat blanc séducteur et menteur. « Je partage les rênes de ma vie avec [ma mère], et avec toute ma tribu. De toutes façons, si je les leur avais retirées, je les aurais données aux #Blancs. Plutôt crever. » Consciente de l’étau dans lequel les femmes racisées sont piégées, « entre le patriarcat blanc et dominant et le “nôtre”, indigène et dominé », elle nous demande de choisir entre la loyauté à la communauté et la trahison individualiste. Ce dilemme est une arnaque et Bouteldja entretient l’idée qu’antiracisme et féminisme sont incompatibles, au nom de différences de nature entre les cultures – idée qu’elle partage d’ailleurs avec les mouvements féministes réactionnaires.

    #féminisme #racisme

  • Au dîner du CRIF, Manuel Valls a passé les bornes – par Sophie Bessis, Alice Cherki, Suzanne Citron, Mohammed Harbi, Gilles Manceron, Véronique Nahum-Grappe et Bernard Ravenel
    http://www.humanite.fr/au-diner-du-crif-manuel-valls-passe-les-bornes-601831

    Nous sommes profondément choqués par les propos du premier ministre Manuel Valls qui a affirmé, le 7 mars, lors du dîner du CRIF, que l’antisionisme est « tout simplement le synonyme de l’antisémitisme et de la haine d’Israël ». Il a repris les accusations de Benyamin Netanyahu prétendant que ceux qui critiquent sa politique de colonisation des territoires palestiniens occupés en 1967 sont des antisémites. Manuel Valls a aussi stigmatisé « l’antisémitisme dans les quartiers populaires d’une jeunesse radicalisée », faisant écho aux propos l’an dernier le président du CRIF qui attribuait « toutes les violences antisémites » en France aux « jeunes musulmans ». Cette accusation à l’emporte-pièce, comme l’assimilation de tout antisionisme à de l’antisémitisme, par lesquelles Manuel Valls cherche à imposer à la France des conceptions très personnelles, sont inadmissibles.

  • De l’expression « judéo-chrétien »

    Revenant sous toutes les plumes, au détour de chaque phrase, l’expression « judéo-chrétien » ne suscite aucune question, tant la juxtaposition de ces deux adjectifs paraît relever de l’évidence. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi, et la fortune de ce terme est plus suspecte que son actuelle banalité tendrait à le faire croire.

    Certes, ses occurrences savantes remontent loin dans le temps, et il doit, entre autres, son existence à l’antériorité historique du judaïsme et du christianisme sur l’islam, dernier-né de la révélation monothéiste. Sans prétendre entrer dans un débat théologique ou historique, on gardera également à l’esprit que l’Europe est « fille de la Bible et de la Grèce », pour reprendre la définition qu’en donne le philosophe Emmanuel Levinas. Mais le passage de l’expression dans le langage courant, où elle se signale depuis une vingtaine d’années par son omniprésence, a pris un tout autre sens, si on veut bien examiner l’usage politique qui en est fait.

    Tout, dans la civilisation occidentale, est désormais judéo-chrétien, si bien qu’elle se résume à peu près totalement dans cette double matrice dont les deux composantes semblent être siamoises. Ses valeurs, ses fondements, sa culture en découlent entièrement. Les hommes politiques s’en réclament pour justifier leurs actions. Un candidat à l’élection présidentielle américaine de 2000 [3] assurait ainsi qu’« être la seule superpuissance donne aux États-Unis des responsabilités, en particulier celles d’intervenir à l’extérieur pour protéger les valeurs judéo-chrétiennes ».

    Le monde est partagé entre les « cultures judéo-chrétiennes » et les autres. En France, on consacre en 1998 un colloque à « L’intégration politique des Français musulmans et leur place dans l’espace judéo-chrétien ».

    Écrit-on sur l’économie ? On y fait référence. Sur la culture ? La référence devient obligée. Et, toujours, ce double adjectif renvoie exclusivement à l’aire occidentale. La littérature actuelle ne repère, en effet, nulle trace de « judéo-christianisme » hors des frontières que l’Occident s’est données. Ce succès sans équivalent - même le mythe surexploité du « matin grec » n’en a pas connu de tel - ne semble pouvoir s’expliquer que par le triple processus d’ occultation , d’ appropriation et d’ exclusion qu’autorise l’usage systématique de ce terme.

    D’occultation d’abord, si l’on veut bien considérer que cet accouplement permet de jeter un voile sur près de deux millénaires de haine antijuive et sur la longue négation par l’église catholique de sa filiation abrahamique. Chacun peut convenir, en effet, qu’une civilisation ne saurait haïr ce qu’elle désigne comme une part d’elle-même. L’instauration puis la sacralisation d’une identité « judéo-chrétienne » ont permis de clore sans autre forme de procès l’ère de l’antijudaïsme chrétien. Les pays de tradition chrétienne peuvent ainsi s’exonérer à bon compte de leur passé, et d’une partie de leur présent.

    Mais l’essentiel n’est peut-être pas là. Cette nouvelle identité collective que l’Occident se donne officiellement, après avoir si longtemps répudié le cousinage entre ces deux versions de la révélation abrahamique, permet surtout d’annexer le juif au seul espace occidental et de s’assurer du même coup la propriété exclusive de la part d’universel dont il est crédité.

    De fait, l’émergence du judéo-chrétien comme sujet collectif escamote le juif, cette éternelle incarnation de l’autre qu’on fait venir d’un lointain d’ailleurs oriental [4], mais dans lequel il fallait bien reconnaître le premier énonciateur historique de l’universel monothéiste. Finies les questions insolubles de filiation ou d’héritage, l’avènement d’un « judéo-chrétien » indifférencié fait apparaître l’Occident comme l’inventeur unique de l’universel, toutes les racines y étant, par ce procédé, rapatriées. Quand il ne peut être rejeté dans une totale altérité, l’autre est en quelque sorte absorbé, avec l’ensemble de ses propriétés.

    Érigé en noyau dur de l’identité occidentale, et d’elle seule, le « judéo-chrétien » fonctionne enfin comme une machine à expulser. L’islam devient en effet, grâce à cette construction, le tiers exclu de la révélation abrahamique, donc de cet universel monothéiste dont on a fait l’annonciateur des droits profanes et de la modernité. Hors quelques cercles oecuméniques à l’audience limitée, il ne viendrait à l’idée d’aucun utilisateur de l’objet courant judéo-chrétien d’y inclure l’islam ou, au moins, d’établir des correspondances avec lui.

    Qu’il soit - en termes de pratiques religieuses et d’interdits qui l’accompagnent - plus proche du judaïsme qu’aucun des deux du christianisme, qu’il y ait puisé une part essentielle de son inspiration, que le texte coranique soit truffé de références aux deux révélations qui l’ont précédé n’y font rien.

    L’universel judéo-chrétien, dont l’Occident s’est institué le seul propriétaire, renvoie à l’islam à son altérité et lui désigne son territoire, celui de la spécificité. À supposer qu’on la reconnaisse, l’existence d’un triptyque abrahamique est strictement confinée à la sphère religieuse. Elle ne déborde ni dans les champs de la culture, ni dans ceux du politique où l’institution de la césure entre les trois versions de la révélation renforce la frontière entre le Nord, patrie des deux premières, et les Suds, où campe la troisième.

    Si cette annexion-exclusion a connu le succès que l’on sait, c’est cependant qu’au-delà de l’Occident l’ensemble des protagonistes concernés par l’affaire se sont emparés de l’objet pour pousser à l’extrême son instrumentalisation. En l’utilisant systématiquement pour les besoins de son argumentaire nationaliste et de sa lutte contre Israël, le monde arabe a largement contribué à en élargir l’usage. Le « complot judéo-chrétien », dont la création de l’État hébreu - corps étranger installé par les armes au coeur du Dar El Islam - est l’illustration la plus scandaleuse, est ainsi devenu un élément central de son discours anti-occidental. De l’Iran au Maroc, toutes les composantes de la nébuleuse islamiste en font depuis des décennies un usage débridé.

    Le « judéo-chrétien », voilà l’ennemi dont la redoutable puissance est tout entière consacrée à affaiblir l’Islam, l’ultime prophétie, ayant seule vocation à devenir universelle.

    À l’occidentalisation du « judéo-christianisme » a donc correspondu sa diabolisation par un Islam cadenassé dans ses spécificités et refusant de se reconnaître dans un universel avec lequel il pourrait pourtant légitimement revendiquer sa filiation.

    Mais l’usage généralisé de l’expression dans le monde arabe n’est pas seulement d’ordre réactif. Par un processus inverse à celui de l’Occident, il s’en est également servi pour expulser de lui-même sa part juive. La désignation du judéo-chrétien comme fait de culture exclusivement occidental a permis d’y ensevelir le judéo-arabe, de censurer l’existence historique du judaïsme oriental et d’en effacer les traces des mémoires collectives.

    Chassé de l’universel occidental par la fortune politique d’un terme à l’étonnant destin, le monde arabe s’en sert lui aussi pour occulter et pour exclure.

    Le monde juif, quant à lui, paraît à première vue se tenir éloignés de cet objet qu’il est le seul à ne pas sacraliser. Il n’a pas moins aidé à la généralisation de son usage en rompant, lui aussi, avec sa part d’Orient. Ses expressions politiques dominantes ont vu dans la captation du judaïsme par l’Occident à un des moyens d’ancrer leur destin à ce dernier et de renforcer, face à l’ennemi arabe, des solidarités fondées sur un solide euro-centrisme et porteuses des mêmes exclusions. Né d’un nationalisme moderne et d’une idée de l’État-nation dont l’Europe a été l’accoucheuse, fondé et gouverné pendant des décennies par les représentants juifs de l’intelligentsia européenne, l’État d’Israël n’a cessé de se vouloir occidental, s’attachant avec constance à conjurer tout risque d’orientalisation.

    Ses élites ont fidèlement intériorisé, pour ce faire, un discours de la suprématie élaborée pour d’autres dominations.

    Si les Palestiniens - citoyens de seconde zone d’Israël ou habitants occupés de Cisjordanie - continuent d’en faire les frais, sa population juive venue du monde arabe s’est également vue confiner dans une profonde marginalité intellectuelle et politique et dans un total déni d’existence culturelle. Et ses intellectuels, y compris quand ils se situent dans le camp de la paix, ont le plus grand mal à placer leur pays dans un Orient dont tout l’éloigne, sauf sa position géographique. Le danger qu’il y glisse ne peut être prévenu, estiment-t-il, que par des signes d’appartenance sans équivoque à la planète occidentale. Tous ces signes, quel qu’il soit, sont donc les bienvenus.

    [Sophie Bessis , "L’#Occident et les Autres"]

    [3] John McCain, cité par Le Monde, 17 février 2000
    [4] dans toute la littérature occidentale jusqu’à l’époque contemporaine, le juif et une des incarnations de l’Oriental, dans ses attributs vestimentaires comme dans ses habitudes alimentaires, et le ghetto est le plus souvent décrit comme une épave d’Orient poussée au coeur de la cité européenne. La quasi-totalité des écrits antisémites propose d’ailleurs, quand il n’envisage pas de les exterminer, de renvoyer les Juifs « en Asie », comme le souhaitait Proudhon.

    http://dico.pourlapalestine.be/detail.php?r=325

  • 8 mars : naître fille, c’est devoir surmonter beaucoup d’obstacles https://youtu.be/IH-__ZgEb1M

    #FIDH #8mars

    Les femmes et les filles font face à une série de discriminations tout au long de leur vie, qui compromettent fortement leurs perspectives d’avenir. À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, la FIDH illustre ce sombre constat au travers d’une vidéo réalisée par l’Agence Babel, avec la voix de la réalisatrice américaine Randa Haines . La FIDH rappelle que ce combat ne doit pas être celui d’une seule journée et appelle à se mobiliser au quotidien pour faire progresser les droits de femmes.

    Le 8 mars, le monde entier célèbre les femmes. Une journée sur 365. Une seule journée dans un monde où, de leur naissance à leur mort, les femmes subissent pourtant discriminations et violences à chaque étape de leur vie. La préférence pour les garçons, encore largement répandue, incite de nombreuses familles en Inde, en Chine ou encore dans le Caucase à avoir recours à des avortements sélectifs fondés sur le sexe de l’enfant à naître. D’après les Nations Unies, il manquerait jusqu’à 200 millions de femmes dans la population mondiale. La discrimination à l’encontre des femmes commence ainsi avant même la naissance.

    « Beaucoup de petites filles dans le monde sont confrontées à de terribles violations, qui sont spécifiques à leur condition de fille. Les mutilations sexuelles, les mariages précoces, le refus d’éduquer les filles sont autant de pratiques néfastes qui compromettent l’avenir des femmes, mais aussi des sociétés toutes entières » a déclaré Khadija Cherif, coordinatrice du Groupe d’action pour les droits des femmes de la FIDH.

    D’après l’UNICEF, au moins 200 millions de filles et de femmes ont subi des mutilations génitales dans 30 pays, 700 millions de femmes ont été mariées pendant leur enfance. Selon l’UNESCO, 63 millions de filles ne sont pas scolarisées dans le monde.

    De nombreuses femmes n’ont pas la maîtrise de leur procréation. Chaque année, 22 millions de femmes et de filles doivent recourir à un avortement dans de mauvaises conditions sanitaires, mettant ainsi leur santé et leur vie en danger.

    La violence des hommes est un fléau auquel de nombreuses femmes sont confrontées au cours de leur vie. Selon l’Organisation mondiale de la santé, près d’une femme sur trois est victime de violences physiques ou sexuelles de la part de son partenaire intime ou de quelqu’un d’autre à un moment de sa vie. La violence sexuelle est parfois utilisée comme une arme politique, pour empêcher la participation des femmes aux affaires publiques ou comme stratégie dans le cadre de conflits armés.

    « Qu’elle résulte de la pratique ou qu’elle soit inscrite dans la loi, la discrimination fondée sur le sexe est une constante. Elle s’exprime sous différentes formes, mais aucune femme n’échappe à la discrimination sexuelle. » a déclaré Sophie Bessis, chargée de mission de la FIDH pour les droits des femmes.

    Certaines législations s’inspirant de la charia réduisent une femme à la moitié d’un homme en matière d’héritage ou de témoignage. Contrairement aux hommes, elles sont parfois dans l’impossibilité de transmettre leur nationalité à leurs enfants, sont soumises à des conditions plus restrictives dans les procédures de divorce, ou sont particulièrement ciblées par des législations archaïques punissant l’adultère de flagellation ou de lapidation. D’après les Nations unies, moins de 20 % des propriétaires fonciers dans le monde sont des femmes, et ce chiffre tombe en dessous de 5 % pour l’Afrique du Nord et l’Asie de l’Ouest. Dans les pays de l’OCDE, le salaire des femmes est inférieur d’environ 15 % à celui des hommes.

    « Nous avons voulu illustrer ce constat affligeant pour sensibiliser aux obstacles spécifiques rencontrés par les femmes tout au long de leur vie et inciter à une mobilisation constante en faveur des droits des femmes, qui ne se limite pas à une seule journée » a déclaré Karim Lahidji, président de la FIDH.

  • La #France n’a aucune intention de revoir ses relations avec l’#Arabie_saoudite et le #Qatar »
    http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/11/26/la-france-n-a-aucune-intention-de-revoir-ses-relations-avec-l-arabie-saoudit

    Sophie Bessis :

    Au total, l’Arabie saoudite a dépensé des dizaines de milliards de dollars dans l’ensemble du monde musulman pour construire des mosquées, former des imams, financer des écoles coraniques enseignant cette forme particulière d’#islam. Avec cette force de frappe financière considérable, elle a pu faire progressivement de ce qui était une secte ultraminoritaire dans le monde musulman la forme dominante de l’islam sunnite aujourd’hui.
    Depuis 1979 au moins, l’Arabie saoudite est un des principaux bailleurs de fonds des mouvements #extrémistes sunnites, armés ou non. Par la suite, l’Arabie saoudite et d’autres monarchies du Golfe, avec des modalités différentes, ont financé des mouvements extrémistes, armés ou non, dans l’ensemble du monde #musulman.

    [...]

    La France doit comprendre que son discours auprès des peuples du #Maghreb et du #Moyen-Orient demeurera inaudible tant que sa diplomatie restera aussi éloignée de son discours. Quant à l’#Europe, politiquement, elle n’existe pas.

    [...]

    Bien entendu, l’action de l’Arabie saoudite est un obstacle de taille à la #sécularisation dans le monde #arabe. Le financement massif par ce royaume d’une #prédication_extrémiste dotée de moyens considérables a ralenti, voire stoppé dans certains pays les tendances à la sécularisation qui se développaient depuis les indépendances. Il faut citer les cas des pays du Maghreb, de l’Egypte notamment, où la prédication d’imams importés de la péninsule Arabique ou formés dans les écoles saoudiennes ont renforcé les tendances les plus conservatrices au sein de l’opinion de ces pays.

    Les chaînes satellitaires des monarchies du #Golfe jouent également un rôle très important dans le #formatage des opinions du monde arabe. Or, cette #propagande considère que toute entreprise de sécularisation relève de l’athéisme ; elle propage une version que l’on peut qualifier d’obscurantiste du message coranique.

    Il est donc clair que le rôle joué par les #monarchies du Golfe et l’Arabie saoudite en particulier a été un important facteur de #régression et de ralentissement du processus de sécurisation à l’œuvre dans le monde arabe.

    #wahhabisme #extrémisme #indigents_arabes

    #quand_même_ya3né

  • Après les attentats, la querelle des interprétations, par Joseph Confavreux (Mediapart, 25/11/2015)
    https://www.mediapart.fr/journal/france/251115/apres-les-attentats-la-querelle-des-interpretations?onglet=full

    Toute interprétation manichéenne est frappée d’inanité au moment où l’ampleur de la situation impose un « impératif de complexité », pour reprendre les termes du sociologue Edgar Morin. Comme vient de le souligner un texte aussi solide que précis de la revue en ligne Ballast : « Ceux qui pensent contenir pareils enjeux dans une seule réponse (au choix : "la haine de la liberté et de la civilisation", "le vide spirituel et le matérialisme", "la pauvreté et le désespoir", "le capitalisme mondialisé", "l’impérialisme occidental", "le sionisme", "l’islam", "le système racial", "l’islamophobie d’État") n’élucident rien : ils ne révèlent que l’obsession qui les habite. »
    http://www.revue-ballast.fr/paris

    Déjà, après les attentats de janvier dernier, l’historien Patrick Boucheron et l’écrivain Matthieu Riboulet soulignaient la nécessité de « dédaigner toute parole qui prétendrait, ne serait-ce que furtivement, trouver dans la situation présente la confirmation d’une conviction précédemment formulée ».

    S’interroger sur les cibles choisies par les assaillants reste toutefois nécessaire, puisque comprendre les djihadistes permet non de les excuser, mais de mieux les combattre. Et l’analyse n’est pas du tout la même selon que l’on met l’accent, pour le dire vite, sur les modes de vie ou sur la politique extérieure de la France.

    (…)

    Mais il est évident que la grille de lecture religieuse est insuffisante. Comme l’expliquait récemment Jason Burke, auteur d’un livre important sur l’attrait du djihad pour les jeunes occidentaux : _« Ce que les djihadistes offrent à ces jeunes, c’est ce que la culture du « gangsta rap » offre aussi. Les images postées sur les médias sociaux depuis Raqqa ou Mossoul ressemblent au rap : des jeunes avec des armes qui se présentent comme dangereux. Ce qui distingue l’Etat islamique d’Al-Qaida, c’est qu’il offre aussi des opportunités sexuelles, des mariages, voire des esclaves. Al-Qaida imposait un célibat forcé, avec pour ses membres une très forte probabilité de mourir. L’Etat islamique est différent. Sa base syrienne est bien plus confortable, bien plus accessible, les communications y sont bien meilleures que dans la zone pakistano-afghane.

    Il y a des voitures de luxe où ses combattants adoptent la pose classique des gangsters. On peut aussi imaginer qu’on y protège les faibles, ou qu’on obéit à une injonction religieuse. Au lieu d’avoir une vie relativement peu intéressante quelque part en Europe, vous devenez « Abou Omar al Britani » ou que sais-je. Vous avez un statut qui ne se serait jamais offert à vous auparavant. Ce qui est très clair aussi, c’est que le djihadisme version Etat islamique est très peu exigeant en termes religieux. Vous ne devez renoncer à presque rien, à part peut-être l’alcool. Il ne demande rien de difficile en termes d’apprentissage religieux, de voyage spirituel que la foi véritable exige. Il y a très peu de foi, de spiritualité là-dedans. »_

    • Après les attentats, changer d’imaginaire, par Christian Salmon (Mediapart, 22/11/2015)
      https://www.mediapart.fr/journal/france/221115/et-maintenant-changer-d-imaginaire?onglet=full

      On le sait depuis le 11 septembre 2001, le défi du terrorisme n’est pas militaire, il ne vise pas à établir un rapport de force stratégique, il n’est pas essentiellement religieux non plus, contrairement aux apparences. Est-il idéologique ? Pas davantage, si l’on entend par idéologie une vision cohérente du monde, un corpus de doctrines ou de concepts que l’on s’efforce de transmettre par l’éducation ou la propagande. Son défi essentiellement est narratif.

      (…)

      Une remarquable enquête du Washington Post auprès de défecteurs de Daech emprisonnés au Maroc décrit l’appareil de propagande comme une superproduction d’une émission de téléréalité. « Des équipes de tournage se déploient à travers le califat tous les jours, les scènes de bataille et de décapitations publiques sont scénarisées et mises en scène à tel point que les combattants et les bourreaux effectuent souvent plusieurs prises successives d’une même scène. Appareils photo, ordinateurs et autres équipements vidéo arrivent régulièrement de Turquie. Ils sont livrés à une division de médias dirigée par des étrangers traités comme des “émirs” à égalité de rang de leurs homologues militaires. Ils sont directement impliqués dans les décisions sur la stratégie et le contrôle du territoire... Vidéastes, producteurs et éditeurs forment une classe privilégiée dont le statut, les salaires et les conditions de vie sont enviés par des combattants ordinaires. »

      L’article poursuit : « Rejetant les codes de lectures utilisée par Al-Qaïda, les vidéos de l’État islamique sont cinématographiques et mettent l’accent sur des scènes dramatiques, des transitions stylisées et des effets spéciaux. “Le groupe est très soucieux de son image”, selon un responsable américain du renseignement impliqué dans le suivi des opérations médias de l’État islamique. Son approche obéit aux principes de la construction d’une marque au même titre que Coca-Cola ou Nike. »

      #jeux_vidéo #néolibéralisme #individu

      Ca va aussi dans le sens d’Olivier Roy (on assiste « non pas une #radicalisation de l’islam mais une islamisation de la radicalité », Salmon dirait un « #storytelling islamisant ») : http://seenthis.net/sites/828567

      Cf. aussi, cité par Salmon, « La métamorphose opérée chez le jeune par les nouveaux discours terroristes »
      http://www.bouzar-expertises.fr/metamorphose

    • Vont dans le même sens que Salmon et Roy, à bien des égards :
      Alain Bertho http://www.bastamag.net/Il-faut-etre-clair-un-monde-a-pris-fin-il-n-y-aura-pas-de-retour-en-arrier

      Nous ne sommes plus dans une démarche historique. On ne parle plus d’avenir mais de gestion du risque et de probabilité. On gère le quotidien avec des responsables politiques qui manipulent le risque et la peur comme moyens de gouvernement, le risque sécuritaire comme le risque monétaire (la #dette), qui parlent beaucoup du réchauffement climatique mais sont incapables d’anticiper la catastrophe annoncée.

      Peter Harling http://orientxxi.info/magazine/tuer-les-autres-se-tuer-soi-meme,1103

      Il est relativement facile de se rendre en Syrie pour rejoindre les rangs d’un « djihad » en forme de questionnaire à choix multiples. Les candidats peuvent cocher les cases suivantes : look combattant, propos virils, maniement des armes, construction d’une image valorisante sur les réseaux sociaux, retournement des stigmates habituels en emblèmes et réalisation de soi instantanée à travers une forme d’héroïsme très moderne malgré les références superficielles au Prophète de l’islam.

      Cette nouvelle identité clef en main, mâtinée de jeux vidéos et de télé réalité, se construit dans une érotisation de la violence dont l’OEI est davantage le produit que l’origine. Cette pornographie se donne à voir dans le culte de la sécurité qui s’approfondit dans la sphère culturelle et politique américaine, par exemple, où les notions de justice, de droit, de défense et d’intérêt national sont de plus en plus associées à des corps « bodybuildés », des discours dopés à la testostérone, des armes qui relèvent du fantasme et des orgies de violence qui sont censées tout régler. Et la virilisation de la politique intérieure et étrangère est un phénomène éminemment contagieux, une épidémie globale.

  • Tous les jours quand j’écoute la radio depuis dimanche dernier, je tombe sur un gugusse qui explique qu’il va donc « maintenir » la sortie de son produit commercial, le lancement de son disque, film, festival, tu sais il a beaucoup douté, mais après avoir beaucoup beaucoup réfléchi avec son équipe, il s’est dit que sortir son produit commercial ce serait une façon de résister au terrorisme. J’ai même entendu ce sketch « la-démocratie-qui-résiste-aux-terroristislamistes » pour l’ouverture des grands magasins le dimanche.

    En revanche, une manifestation de citoyens, qui me semble être carrément un des fondements de la démocratie, hé ben ça c’est interdit. Même si tu as beaucoup beaucoup réfléchi avec ton équipe et que tu te dis que ce serait une bonne façon de résister-tout-ça, hé ben c’est non tu peux pas.

    • Personne n’a pensé proposer la résistance du Peuple, armé s’il le faut, pour assurer la sécurité de tous, combattre les idées criminelles, aider les jeunes paumés, à faire des choses utiles.

    • Une armée constituées uniquement de professionnels, et dont le commandement suprême est entre les mains du pouvoir, sans contrôle populaire, ça ne me rassure pas du tout !
      On peut me raconter ce que l’on veut, mais la suppression du service militaire n’a pas été un progrès démocratique. Même si on sait que ce n’est pas toujours drôle, qu’il pouvait y prévaloir une culture des valeurs « virilistes » et violentes - perso je ne me suis pas du tout marré tous les jours -.
      Valmy, où l’armée du peuple fait face à la coalition contre-révolutionnaire, la Commune de Paris sont des exemple du contrôle populaire de la force armée. Il y en a beaucoup d’autres. La guerre d’Algérie n’a pas tournée au massacre total, en raison , entr’autres de la présence des appelés, et rappelés. La révolution des œillets au Portugal s’est faite a partir de l’intervention de militaires et d’officiers. Et plus près de nous : l’armée Nationale syrienne qui se bat pour faire face a cette coalition internationale est constituée de conscrits.

  • « Nous payons les inconséquences de la politique française au Moyen-Orient », Sophie Bessis, #Mohamed_Harbi
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/11/17/nous-payons-les-inconsequences-de-la-politique-francaise-au-moyen-orient_481

    Sur l’islamisme d’abord. Depuis le début de sa montée en puissance, dans les années 1970, les dirigeants occidentaux se sont convaincus qu’il devenait la force politique dominante du monde arabo-musulman. Addiction au pétrole aidant, ils ont renforcé le pacte faustien les liant aux Etats qui en sont la matrice idéologique, qui l’ont propagé, financé, armé. Ils ont, pour ce faire, inventé l’oxymore d’un « #islamisme_modéré » avec lequel ils pouvaient faire alliance.

    Le soutien apporté ces derniers mois au régime turc de M. Erdogan dont on connaît les accointances avec le djihadisme, et qui n’a pas peu contribué à sa réélection, en est une des preuves les plus récentes. La France, ces dernières années, a resserré à l’extrême ses liens avec le Qatar et l’#Arabie_saoudite, fermant les yeux sur leur responsabilité dans la mondialisation de l’extrémisme islamiste.

    Le #djihadisme est avant tout l’enfant des Saoud et autres émirs auxquels elle se félicite de vendre à tour de bras ses armements sophistiqués, faisant fi des « valeurs » qu’elle convoque un peu vite en d’autres occasions. Jamais les dirigeants français ne se sont posé la question de savoir ce qui différencie la barbarie de Daesh de celle du royaume saoudien. On ne veut pas voir que la même #idéologie les anime.

    • Je ne suis pas convaincu que « les dirigeants occidentaux se sont convaincus que l’islamisme devenait la force politique dominante du monde arabo-musulman », je crois plutôt qu’ils ont tout fait, et avant même 1970, pour qu’il le devienne afin de contrer le nationalisme laïque.

    • Colluding with Extremists
      Interview with New Left Project about Secret Affairs, 8 March 2010
      No longer online
      https://markcurtis.wordpress.com/interviews

      Le livre raconte l’histoire de la longue histoire de la collaboration britannique avec l’Islam radical, y compris des groupes terroristes. Le 7/7 et l’actuelle menace terroriste diffuse en Grande-Bretagne est en quelque sorte un produit de la politique étrangère britannique - les bombardements ont dérivé d’une infrastructure terroriste établie par un État pakistanais longtemps soutenu par Whitehall et impliquant des groupes terroristes pakistanais qui avaient bénéficié d’actions secrètes britanniques dans le passé.

      Tout au long de la période d’après-guerre la Grande-Bretagne a secrètement appuyé des groupes radicaux islamiques en Afghanistan, Iran, Irak, Libye, dans les Balkans, en Syrie, en Indonésie et en Égypte, et le livre a pour but de documenter ces faits à partir des dossiers britanniques déclassifiés.

      Le livre tente de montrer comment la collusion britannique avec l’islamisme radical est intimement liée à son déclin impérial d’après-guerre - les responsables politiques ont été opportunistes et pragmatiques, dépourvus de toute boussole morale, et ont eu pour but de contrer les forces nationalistes [des pays musulmans] dans une tentative désespérée de maintenir leur pouvoir dans un monde en mutation.

      La collusion avec l’islamisme radical a été dictée par l’utilité. Au-delà des relations privilégiées avec l’Arabie saoudite et le Pakistan - qui sont de profondes alliances stratégiques - la politique de la Grande-Bretagne a été marquée par l’opportunisme de circonstance, en sachant que cela s’est exprimé assez régulièrement.

      Maintes et maintes fois, les documents de planification déclassifiés révèlent que les autorités britanniques étaient parfaitement conscients du fait que leurs collaborateurs étaient des anti-occidentaux [...] dépourvus de valeurs sociales libérales, ou tout simplement des terroristes.

      Whitehall n’a pas travaillé avec ces forces parce qu’elle était en accord avec elles, mais simplement parce qu’elles ont été utiles à des moments précis. Les groupes islamistes semblent avoir collaboré avec la Grande-Bretagne pour les mêmes raisons de commodité et parce qu’ils partagent la même haine du nationalisme populaire [en pays musulman] que les Britanniques.

      Quand il s’agit de politique étrangère en général, les dossiers déclassifiés sont très clairs - les deux objectifs de base sont de maintenir le statut de puissance de la Grande-Bretagne dans le monde et de s’assurer que le fonctionnement de l’économie mondiale se fasse dans les intérêts des sociétés britanniques et occidentales. Ce dernier objectif a une variété d’effets graves, surtout un ordre commercial et financier internationaux grossièrement abusifs qui maintiennent des centaines de millions de personnes dans la pauvreté.

      Ces deux objectifs sont parfois appelés « intérêts nationaux », mais ceci est bien entendu trompeur - ce sont les intérêts d’une élite affairiste et politique. Le système politique, en Grande-Bretagne est tellement antidémocratique que les décideurs sont capables de s’en tirer avec ces seules politiques.

    • Mohamed Harbi
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Mohammed_Harbi

      Il est l’un des premiers historiens à décrire le fonctionnement du FLN de lintérieur dans son livre Aux origines du FLN. Le populisme révolutionnaire en Algérie (1975). Il y dévoile notamment le fossé entre les idéaux de certains de ses membres et les méthodes adoptées par le parti nationaliste : « nos idéaux étaient en contradiction avec les moyens qu’imposaient nos dirigeants pour les faire triompher. Libertaire de conviction, [...] je me retrouvais dans une organisation où l’autoritarisme plébéien inculquait à chacun que le mal se convertit en bien sitôt qu’il se fait au nom de la révolution. Je souffrais du recours à des pratiques telles que l’égorgement, les mutilations (nez ou oreilles coupées) et du discrédit que les tueries faisaient peser sur nous... »

  • Le premier génocide XXe siècle

    par Paul Delmotte

    Professeur de Politique internationale et d’Histoire contemporaine retraité de l’IHECS

    via Jean-Marie Chauvier

    Politiques, médias et stars du JT l’ont répété : le génocide des Arméniens, dont nous venons de commémorer le centenaire, fut le premier du siècle dernier. Pourtant, au tout début de ce XXe siècle, « âge des extrêmes » comme l’a dit Eric Hobsbawm, un autre génocide fut perpétré. Par les troupes de l’armée impériale allemande : celui des Hereros et des Namas, dans l’actuelle Namibie. Curieusement, ni les travaux des Nations-unies au début des années 1980, ni les excuses, en 2004, des autorités allemandes ne semblent avoir suffi à ancrer la mémoire de cette tragédie. Faut-il forcément avoir « mauvais esprit » pour attribuer cette ignorance tenace et cet oubli généralisé à la couleur de peau des victimes ?

    Le génocide, selon la définition de Rafael Lemkin (1944), se caractérise, non pas tant par le nombre de ses victimes, mais par « l’intention d’extermination, totale ou partielle, d’une population ». Lemkin avait entamé dans l’entre-deux-guerres, des travaux eux-mêmes inspirés par le génocide arménien et les massacres des Assyriens d’Irak - déjà ! - en 1933. Travaux qui furent alors ignorés ou écartés. Quoique né en 1900, le juriste polonais n’avait-il pas eu vent de la tragédie sud-ouest-africaine ? Il est vrai que c’était avant la décolonisation... Et que « seuls » quelque 85.000 Hereros et 20.000 Namas périrent entre 1885 - début de la conquête allemande du Sud-ouest africain (aujourd’hui Namibie) - et 1911.

    Résistances africaines
    Le public européen n’est guère familiarisé avec les faits de résistance dont les Africains firent preuve face à la colonisation européenne et à sa « mission civilisatrice ». En dehors de grandes figures maghrébines, comme Abdelkader ou Abdelkrim, qui chez nous a entendu parler d’Omar Tall ou de Samory pour l’Afrique occidentale « française » ? Ou de M’Siri, « roi du Katanga » abattu par le capitaine belge Bodson ? Ces derniers ne furent - ne sont - le plus souvent dépeints que sous les traits de satrapes fanatiques, cruels, polygames et esclavagistes. Les Mau-mau kenyans n’ont laissé que le souvenir de leurs atrocités, l’Europe « zappant » celles de leur répression. Seul le Negus d’Éthiopie a échappé à cette diabolisation : il est vrai qu’il s’était rangé du côté des Alliés. Et était chrétien.
    Un bref regard sur l’histoire de la Namibie montre l’ âpreté de la résistance à la colonisation allemande. C’est en 1885, , dans le sillage du fameux Congrès de Berlin, que le 2e Reich entama la colonisation de ce territoire du « Sud-ouest africain » décrété « protectorat » allemand et situé entre l’Angola portugais et l’Afrique du Sud britannique. Le second Reichskomissar y fut Heinrich GÖRING, père d’Hermann. Son « règne » (1884-1890) se traduisit par une politique de confiscations des terres et de « transferts » de populations.
    De « concessions » arrachées en opérations militaires, d’expéditions « punitives » en manipulation des rivalités ethniques, le protectorat s’agrandit, e. a. dans l’objectif d’accéder au Zambèze et, de là, aux possessions allemandes d’Afrique de l’Est, le Tanganyika, l’actuelle Tanzanie. D’où le curieux appendice territorial - le « tuyau de poêle » de la Bande de Caprivi, au Nord-est - octroyé aux Allemands en 1890 par les autres Puissances. Il s’agissait aussi de contrôler le commerce avec le Bechuanaland, autre protectorat instauré par les Britanniques dans leur conflit avec les Boers.

    Vernichtungsbefehl

    Dès 1889, le chef herero Kamaharero dénonça le traité de « protection » imposé par Berlin. Quatre ans plus tard, les Namas, qui refusaient la « protection » allemande, virent des dizaines de leurs femmes et enfants massacrés par les troupes coloniales. Leur chef fut exécuté. Son fils acceptera la « protection » du Reich l’année suivante. Ce qui n’empêchera, en août 1894, les Allemands de perdre 27% de leurs effectifs lors d’une offensive contre ces mêmes Nama dans les monts Naukluft.
    Dès 1896, des condamnations aux travaux forcés furent prononcées, des chefs exécutés, des camps de concentration établis sur le modèle de ceux « inventés » l’année précédente par le général espagnol Valeriano WEYLER dans sa répression des insurgés indépendantistes cubains. En 1897, des « réserves » furent créées pour les Namas. Elles s’ouvriront aux Hereros en 1904.
    C’est en janvier 1904 qu’éclata le grand soulèvement : le dirigeant herero, Samuel Maharero, fit détruire les lignes télégraphiques et de chemin de fer allemandes. Des centaines de colons furent tués. Les femmes et les enfants, dit-on, furent épargnés. Une humanité que l’on ne retrouvera pas chez les troupes impériales. Berlin envoya alors quelque 15.000 hommes en renfort. Ce qui n’empêcha pas une défaite allemande à Oviumbo, en avril. L’état-major chargea alors le général Lothar Von Trotha de mener « une extermination totale » des insurgés. Von Trotha signa un Vernichtungsbefehl, un « ordre de destruction », stipulant que « chaque Herero, armé ou non armé, sera abattu ». En août suivant, à la bataille du Waterberg, les troupes impériales encerclèrent les combattants de Maharero, qui furent contraints de fuir dans le Kalahari, où les Allemands empoisonnèrent les puits et avaient ordre de tirer à vue... Comme les Arméniens à Deïr-es-Zor douze ans plus tard, des milliers d’entre eux périrent dans le désert. Quelque 65.000 Hereros et 20.000 Namas moururent aussi dans les camps de concentration comme ceux de Shark Island, inspirés de ceux ouverts par les Britanniques dans leur guerre contre les Boers et expressément localisés dans un région froide qu’évitaient les Hereros.

    En 1902, le Sud-ouest africain comptait 200.000 hab. dont 1500 Allemands. En 1904, les Herero étaient au nombre de 80.000. En 1911, ils n’étaient plus que 15.000. La population indigène avait chuté de 80%.

    Le véritable crime...

    Dans L’Occident et les autres. Histoire d’une prédominance (La Découverte, 2001), Sophie Bessis distingue les trois traits essentiels qui fondent l’unicité du génocide commis par les nazis : ses modalités pratiques - la mort industrielle ; son caractère « inutile » par rapport à d’autres génocides présentés comme « utilitaires », et le fait que le « passage à l’acte » ait eu lieu en Europe même. « Ni l’obsession de la pureté, ni la conviction de faire partie d’une humanité supérieure, ni la volonté de se tailler un espace vital, poursuit-elle, ne sont le propre des génocidaires hitlériens [...] Le mal était depuis longtemps banalisé ». Bessis prend certes quelque distance avec les propos d’Aimé Césaire, député de La Martinique, poète et chantre de l’anticolonialisme (1913-2008) : ce que « le très chrétien bourgeois du XXe siècle [...] ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’Homme... C’est le crime contre l’homme blanc » . Césaire cependant, juge Bessis, mène à s’interroger sur les héritages que la civilisation occidentale a légués au nazisme, thème que, pendant les décennies qui ont suivi 1940-1945, seule l’École de Francfort a osé aborder. L’historien Arno Mayer a montré comment les dispositions du Vernichtungsbefehl de Von Trotha ont continué à circuler dans les états-majors. Et Le médecin hygiéniste allemand Eugen FISCHER, fondateur (1927) de l’Institut d’hygiène raciale de Berlin (1927), qui fut l’une des sources de Mein Kampf et le « mentor » du Dr. Mengele, son assistant à l’université, avait « étudié » les Herero et les Namas...

    #génocide #massacres #namibie #hereros @namas

  • Deux alliés contre l’universalisme des droits de l’homme : La double impasse. L’Universel à l’épreuve des fondamentalismes religieux et marchands, de Sophie Bessis
    http://www.nonfiction.fr/article-7381-deux_allies_contre_luniversalisme_des_droits_de_lhomme.htm

    Sophie Bessis est historienne et auteure de plusieurs ouvrages, en particulier sur le monde arabe. Dès l’introduction de La Double impasse, l’auteure présente sa thèse. Elle s’oppose à l’idée selon laquelle les fondamentalismes religieux seraient une réaction au manque de sens des sociétés marchandes. Les fondamentalismes religieux, en particulier liés à l’islamisme politique, n’effectuent pas une critique du libéralisme économique. Au contraire, ils s’en accommodent fort bien. Mais le fond de sa thèse se trouve au-delà : elle soutient également que fondamentalismes religieux et économie marchande doivent être opposés à l’universalisme démocratique. En effet, les deux nient le citoyen pour le réduire dans un cas au consommateur et dans l’autre, le fondre dans la communauté religieuse. A partir de là, trois grandes parties organisent l’ouvrage.

    […]

    A gauche, la critique de l’universel est devenu synonyme de l’anti-colonialisme. L’islamisme politique serait alors le stade suprême de la décolonisation. L’auteure critique également le discours qui tend à faire de l’islam la religion des opprimés et à remplacer l’expression racisme anti-arabe ou maghrébin, par islamophobie. Se trouve ainsi dans sa ligne de mire, le Parti des Indigènes de la République. Sophie Bessis s’attaque également à l’ambiguïté de la notion d’islamisme modéré. Celle-ci lui apparaît moins comme un réel positionnement politique que comme une catégorie stratégique : il tend à désigner des mouvements qui ne s’attaquent pas directement aux intérêts occidentaux. A l’inverse de l’islamisme modéré, on a vu surgir sous la plume de certains théoriciens musulmans, l’expression d’extrémistes laïcs. En définitive, l’auteure défend la thèse que l’aspiration à la démocratisation des sociétés arabes et à leur sécularisation est soutenue par un large pan de ces sociétés, et pas seulement par des classes moyennes urbaines.

  • Les Arabes ne sont pas seulement musulmans
    http://orientxxi.info/lu-vu-entendu/les-arabes-ne-sont-pas-seulement,0750

    Elle [Sophie Bessis] critique plus fermement encore les Occidentaux qui ont relégué les Arabes et les musulmans dans leur identité religieuse, leur ôtant tout autre qualification. Les intellectuels de gauche, souligne-t-elle, sont même allés jusqu’à glorifier l’islam comme religion des opprimés et à le sacraliser comme facteur de la remise en cause du système économique et social dominant, alors même que les islamistes déclarent y adhérer.

    Ce faisant, tant à droite où la collusion avec les forces économiques et financières et les États du Golfe n’est un mystère pour personne, qu’à gauche par trahison des valeurs universelles, on fait le jeu de l’islamisme politique que l’on prétend combattre dans ses acceptions terroristes. En voulant faire croire que toute aspiration explicite à la laïcisation vaut trahison communautaire par transgression de l’identité, les Occidentaux, tout en noyant leur prise de position dans un langage compassionnel sur les malheurs du monde n’entraînant aucune conséquence politique, font le jeu d’une mondialisation dont ils ont perdu la maîtrise et qui crée partout l’insécurité sociale et l’affolement identitaire. Non seulement les universaux de la pensée sont foulés aux pieds, mais encore, toute tentative de modernisation est combattue.

  • « La crainte de devoir abandonner la position hégémonique qui a forgé leur relation au monde est synonyme, dans les consciences occidentales, de la peur de voir se dissoudre leur identité. » « L’Europe en même temps que son horizon s’élargit aux dimensions du monde et qu’elle prend connaissance de l’étonnante diversité d’une humanité moins homogène qu’elle ne l’imaginait, entreprend de réduire le territoire du genre humain à ses seules frontières, une fois son identité construite sur le rejet de tout ce qui altère l’image qu’elle veut avoir d’elle-même ». « Aussi elle s’institue la seule dépositaire de l’ensemble des attributs de l’humanité ». « D’un côté, l’universel reste prisonnier des limites qui lui ont été posées depuis son invention, de l’autre on existe d’abord contre, avant de commencer à explorer d’autres définitions de soi ». « La culture occidentale rendue tragiquement solitaire par l’ancienneté de son assurance, continue de vouloir définir seule les conditions d’accès à un universel moderne ». « Tandis que l’Autre est rejeté dans une altérité supposée être au pire un lieu de régression, au mieux un ailleurs admirable mais figé, d’où rien de neuf ne peut sortir » « Le discours dominant est bâti autour d’une lénifiante rhétorique ahistorique servant à établir une sorte de consubstantialité intemporelle entre l’humanisme et l’Occident ». « L’hyperpuissance mondiale, qui se pose en horizon indépassable de l’idéal démocratique, fait en outre bon marché des exigences de ce dernier en édictant les règles qui lui conviennent pour punir ses ennemis ou justifier des faits de guerre peu compatibles avec le modèle qu’elle prétend incarner. On ne dira jamais assez qu’une telle manipulation des principes, une telle déconnexion entre les dires occidentaux et la réalité de leur politique expliquent que les laissés pour compte du droit puissent applaudir aux sanglantes impostures d’un Ben Laden, et que les trois mille morts du World Trade Center n’aient pas fait vraiment scandale au Sud du monde. (...) Jamais, dans l’histoire récente, les principes sur lesquels reposent les droits universels n’ont été autant instrumentalisés pour servir la puissance, au point qu’on peut parler pour ce début du XXIe siècle d’un apogée de l’hégémonie et d’une cristallisation sans précédent des haines qu’elle suscite. » « Les diktats, les silences, les trucages, érigés en autant de stratégies par les diplomaties occidentales, ont contribué à renforcer les tenants des pires replis identitaires dans les pays du Sud et à affaiblir les explorateurs locaux de modernités endogènes fondées sur la croyance en l’universalité de la liberté. »

    Sophie Bessis, L’Occident et les Autres

    http://www.peripheries.net/article253.html