#pig_pride

  • Le « coal rolling », pollution volontaire tournée contre les écolos, fait fureur aux Etats-Unis - Reporterre
    http://www.reporterre.net/spip.php?article6150

    Aux Etats-Unis, un nouveau genre de militants anti-écolos est né : au volant de leurs pick-up trucks trafiqués, ils crachent exprès d’épais nuages de fumée noire sur les cyclistes, les piétons, et surtout les conducteurs de voitures hybrides ou électriques. Objectif : éructer leur détestation d’Obama, de sa « politique verte » et des environnementalistes en général.


    Polluer, salir, dégueulasser l’environnement au nom de la liberté, oui, mais autant que ça se voit, n’est-ce pas ? A chacun son modus operandi : les politiciens conservateurs, c’est-à-dire républicains, clament leur négationnisme climatique et refusent de voter les lois limitant l’usage du charbon dans le mix énergétique des Etats-Unis, au prétexte de la défense de l’emploi et des profits des grandes compagnies.

    Sur le terrain, la partie la plus arriérée de leurs troupes d’extrême droite a trouvé ce moyen spectaculaire de revendication : pratiquer le « rolling coal », ou « coal rolling », autrement dit, le charbon roulant.

    Le 10 juillet, l’influent web magazine AutoBlog décrivait ainsi la nouvelle tendance (qu’il se garde de condamner ouvertement, mais dont on devine qu’elle le dégoûte un peu) :

    « Si vous n’êtes pas familier du phénomène, le ‘rolling coal’ est une manière de cracher à la gueule d’un autre véhicule. »

    Quand vous étiez ado, avez-vous jamais piloté avec délice une mob ou un scooter au pot d’échappement bricolé pour émettre le plus de bruit possible ? Pour réveiller une cité en pleine nuit ? Ou frimer auprès des filles et des copains ? C’était illégal, bien sûr, mais vous aviez l’impression d’être un vrai mec et d’emmerder le monde.

    En plus moderne, c’est la même chose avec une certaine race de red necks (bouseux) états-uniens : ils vivent plutôt dans des comtés ruraux ou dans des gros bourgs perdus. Leur culture, c’est sport à la télé, bière à gogo, armes en vente libre, et surtout culte des gros pick-up trucks, qu’ils bichonnent en leur ajoutant des roues surdimensionnées et des pots d’échappement verticaux, dans le style des camions sillonnant le continent nord-américain. Ces gros machos ont cette phrase basique tatouée sur le cerveau : « Fuck la gauche, fuck d’abord Obama ».

    Une réaction de conservateurs extrémistes aux mesures environnementales


    – "Vous avez gonflé votre Civic avec quinze livres d’énergie ? C’est adorable" -

    Le phénomène du coal rolling, pas nouveau dans le monde des amateurs de pick-up frimeurs, a pris son essor en juin, avec l’annonce le 2 juin par Obama de son plan contre le réchauffement climatique. Des mesures essentiellement administratives pour diminuer les émissions des centrales thermiques, favoriser les énergies renouvelables et les voitures non polluantes, le tout à partir de décrets, pour contourner l’obstruction systématique du Congrès.

    Ainsi que le souligne Newsweek, ce genre de réaction extrême « était sans doute inévitable », résultat du jusqu’au-boutisme anti-fédéral et anti-EPA (Environnemental Protection Agency) de certains Etats, tels l’Arizona et l’Idaho, où sévissent les négationnistes climatiques les plus virulents.

    « Cela débouche sur cette logique absurde du coal rolling, devenu récemment un véritable phénomène. Un sous-ensemble de conservateurs d’extrême droite a trouvé un moyen concret pour manifester son dégoût absolu de tout ce qui touche à la défense de l’environnement. »

    Des pages sont dédiées au coal rolling sur Facebook, Instagram et Tumblr, qui diffusent des milliers de photos et vidéos de pick-up lâchant leur suie noire sur des cibles - bicyclettes, voitures, marcheurs – ahuries et furieuses. Youtube offre aussi son lot de petits films soi-disant hilarants, consultés des centaines de milliers de fois, ce qui en dit long sur la popularité du truc.

    Certes, vu la tête des victimes, c’est parfois drôle, comme quand quelqu’un reçoit une tarte à la crème dans la figure. Mais, ainsi que le soulignent les contre-blogs et les articles parus dans la presse moins complaisante, c’est également très dangereux, quand la fumée aveugle totalement un conducteur de Prius sur l’autoroute, ou un groupe de randonneurs à vélo dans des lacets de montagne.

    La "culture" de la pollution

    Transformer son pick-up diesel en machine à fumée noire n’est pas sorcier, mais il faut être prêt à investir un peu d’argent pour modifier le moteur, le système d’échappement, et installer des commandes spéciales. Quelques centaines à quelques milliers de dollars, selon la quantité de pollution qu’on veut dégager à un moment précisément choisi.

    Le site de news Vocativ publie un excellent article sur la « culture » des amoureux de pick-up, pour qui cette manière de rouler virilement des mécaniques est un profond art de vivre.

    Il cite Robin, un jeune mécanicien de 25 ans de Caroline du Sud. Celui-ci pratique le coal rolling depuis qu’il a eu son premier pick-up, encore adolescent : « Ton pick-up n’est pas seulement là pour te transporter d’un point à un autre. Il représente ta personnalité. Le rolling coal, je ne sais pas l’expliquer, c’est juste marrant : conduire, balancer de la fumée, et se marrer. »

    Un acte politique


    D’autres ont un discours politique nettement plus élaboré, si l’on en juge par l’enquête de Slate, qui s’est attaqué aux origines et aux usages contemporains de la pratique.

    Le journaliste a rencontré un commerçant qui diffuse des kits à installer sur les pick-up diesel pour leur faire cracher la fumée. Il dit : « Je rencontre des tas de clients qui détestent Obama. Si le Président est pour l’environnement, s’il est pour ci ou pour ça, alors, eux, ils sont contre, par principe. Ils balancent cette merde de leur camion, c’est leur façon de faire un bras d’honneur. Vous voulez de l’air pur et une empreinte carbone minimale ? On vous encule ! »

    Quand on sait que la pratique du coal rolling coûte cher non seulement en équipement préalable, mais aussi en gasoil, on peut s’étonner de cette façon de protester à base de gaspillage dispendieux.

    Selon Slate, il faut y voir la même logique politique que celle qui conduit les gens à acheter des armes et des munitions après une fusillade de masse. « A chaque fois, on entend dire que la gauche va se servir du drame pour interdire l’achat d’armes, alors on se dépêche d’en stocker. »

    En l’occurrence, il s’agit de gaspiller de l’essence tant que la pression des environnementalistes n’a pas encore fait grimper son prix à des niveaux européens.

    Une atteinte à la loi

    Inquiète des proportions prises par le coal rolling, l’EPA a fait savoir le 8 juillet que cette pratique violait le Clean Air Act. « Contourner les contrôles de pollution d’un véhicule est contraire à la loi. La pollution des pots d’échappement, en principe retenue par des technologies qui réduisent les émissions, contient des suies et des composés chimiques responsables de morts prématurées, de l’asthme, et d’autres impacts dangereux pour la santé. »

    L’EPA a annoncé qu’elle allait accroître ses contrôles auprès des vendeurs d’équipements induisant le coal rolling. Pourquoi ne pas tout simplement en interdire la vente ? Parce qu’on fait ce qu’on veut avec sa voiture, tant qu’on ne roule pas sur une voie publique.

    L’association américaine des amateurs de pick-up est très embarassée par cette mode du coal rolling, et le fait savoir dans un article comminatoire sur son site : « Arrêtons tout de suite ce type de comportement. Cela alimente bêtement les stéréotypes sur les amoureux des pick-up trucks. Nous sommes les premiers à défendre le droit d’expression, mais quand quelques moutons noirs focalisent autant d’attention parce qu’ils utilisent mal leur turbo diesel, on préfère les éjecter de la communauté. » Oui, attention à la fin, quoi !

    Bon, là, je sais pas quoi mettre comme tag, je crois que #gorafi_encore_plagié est loin de suffire, je vous laisse taguer à ma place.

    • Tout à fait @odilon, je faisais référence au pamphlet de Gilles châtelet « vivre et penser comme des porcs »
      Mais oui c’est insultant pour les vrais porcs :-)

      Ça me rappelle le raisonnement de ma fille aînée récemment, réagissant en sortant d’un magasin d’habits qui vendait des manteaux en fourrure de ratons-laveurs.
      « Heureusement que les ratons laveurs n’ont pas un cerveau d’humain ! »
      Pourquoi ?
      « Parce que s’ils avaient un cerveau humain ils s’auto-extermineraient pour revendre leur fourrure.. »

    • Oui moi aussi @aude_v, j’ai tiqué à ce reportage.
      Typiquement, l’usage du mot « fureur » dans le titre m’a déplu car je ne crois pas que cela fasse fureur du tout, il y a juste quelques gros beaufs qui s’y adonnent.

      Je trouve le sujet préoccupant, mais de là à le faire mousser en disant qu’il « fait fureur aux Etats-Unis », ça me grince, comme si la journaliste souhaitait importer une nouvelle super mode… J’aurais voulu en savoir plus sur ces gens qu’elle traite de ploucs, (Red-necks) car dans ce qui émerge, il y a l’idée de la vengeance, du report de la violence de l’énorme frustration d’une classe sociale délaissée d’où naissent les nouveaux fachos, un peu comme les séparatistes ukrainiens pro-russes qui tirent sur des avions qui passent au-dessus d’eux, surement pour rigoler.
      Et dernier point préoccupant que je vois dans cet article, c’est généralement l’incapacité des nouveaux écolos à considérer l’écologie comme dépendant absolument d’une pensée politique qui prend en considération globale la société et pas seulement les taux de CO2 ou de pesticides. Les communistes avaient au moins compris la nécessité éducative du prolétariat, et ces « ploucs » du « coal-rolling » sont aussi des prolos, avec toute une culture d’un autre monde. Je n’aime pas mépriser l’adversaire.

    • Je ne retrouve pas le post sur seenthis, mais ce mépris affiché envers les #rednecks me fait penser à la critique de cette comique officiant à la radio qui s’en prenait aux ploucs de banlieue qui la draguaient, non tant pour le harcèlement mais parce qu’ils ne lui arrivaient pas à la cheville. Ce mépris de classe est non seulement lourd à vivre, mais il véhicule une guerre sociale muette qui permet que ça ne pète pas à la gueule des puissants.

      Et si le backlash anti-écolo avait des causes qu’on ne pouvait pas écarter d’un revers de main

      Oui, tout à fait. Une fois, j’ai rencontré une maraichère bio qui m’avait donné envie de filmer son histoire : Son frère et elle s’étaient partagés les terres de la ferme de leurs parents, l’un en industriel, l’autre en bio. Le frère lui menait une guerre infernale l’accusant de servir quelques privilégiés alors que lui avait pour ambition de nourrir tout le monde…

    • Plus ou moins d’accord sur cet historique de la composition individualiste de l’écologie (même si après son article de NDDL, je doute franchement de la pertinence de certains propos de Kempf). Mais à qui donne-t-on l’ autorisation à (re)penser le monde et agir dessus si ce n’est à ceux qui ont atteints un certain niveau de confort social ?
      En france, l’hypocrisie du système éducatif élitiste qui reconstruit à l’envie, jusqu’au travers des médias, cette domination de classe et ce non pouvoir perdure assez loin pour que toute une frange de la population n’est aucun droit de parole et d’action politique.
      C’est de cette non existence, ce vide, trou noir du paysage politique, accompagnée de la détestation de ceux qui sont supposés diriger, qu’il faut, je suppose, comprendre les attaques contre « les écolos ».
      Si l’écologie, tout comme le féminisme ne s’ancrent pas dans une classe sociale définie, ils ne peuvent non plus constituer en soi des programmes politiques alors que le fantasme du salariat et du capitalisme perdure. Et pour faire encore plus clair, je ne peux penser l’écologie sans révolution.