• Ligne de chemin de fer, ceinture verte, développement de la voiture individuelle
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    Lisons ou re-lisons Mumford ! Dans son livre majeur publié en 1961 « La Cité à travers l’Histoire » (trad. de : The City in History, its Origins, its Transformations and its Prospects), Lewis Lire la suite...

    #Alternatives_à_la_voiture #Fin_de_l'automobile #Livres #Marche_à_pied #Ressources #Transports_publics #Vélo #banlieues #campagne #histoire #périurbanisation #planification #société #trains #transports #transports_en_commun #urbanisme #usa #ville

  • #François_Piquemal : « la #rénovation_urbaine se fait sans les habitants des #quartiers_populaires »

    Il y a 20 ans naissait l’#Agence_Nationale_pour_la_Rénovation_Urbaine (#ANRU). Créée pour centraliser toutes les procédures de #réhabilitation des quartiers urbains défavorisés, elle promettait de transformer en profondeur la vie des habitants, notamment en rénovant des centaines de milliers de logements. Malgré les milliards d’euros investis, les révoltes urbaines de l’été 2023 ont démontré combien les « #cités » restent frappées par la #précarité, le #chômage, l’#insécurité et le manque de #services_publics. Comment expliquer cet échec ?

    Pour le député insoumis #François_Piquemal, qui a visité une trentaine de quartiers en rénovation dans toute la #France, la #rénovation_urbaine est réalisée sans prendre en compte les demandes des habitants et avec une obsession pour les #démolitions, qui pose de grands problèmes écologiques et ne règle pas les problèmes sous-jacents. Il nous présente les conclusions de son rapport très complet sur la question et nous livre ses préconisations pour une autre politique de rénovation urbaine, autour d’une planification écologique et territoriale beaucoup plus forte. Entretien.

    Le Vent Se Lève – Vous avez sorti l’an dernier un rapport intitulé « Allo ANRU », qui résume un travail de plusieurs mois mené avec vos collègues députés insoumis, basé sur une trentaine de visites de quartiers populaires concernés par la rénovation urbaine dans toute la France. Pourquoi vous être intéressé à ce sujet ?

    François Piquemal – Il y a trois raisons pour moi de m’intéresser à la rénovation urbaine. D’abord, mon parcours politique débute avec un engagement dans l’association « Les Motivés » entre 2005 et 2008 à Toulouse, qui comptait des conseillers municipaux d’opposition (Toulouse est dirigée par la droite depuis 2001, à l’exception d’un mandat dominé par le PS entre 2008 et 2014, ndlr). C’est la période à laquelle l’ANRU est mise en place, suite aux annonces de Jean-Louis Borloo en 2003. Le hasard a fait que j’ai été désigné comme un des militants en charge des questions de logement, donc je me suis plongé dans le sujet.

    Par ailleurs, j’ai une formation d’historien-géographe et j’ai beaucoup étudié la rénovation urbaine lorsque j’ai passé ma licence de géographie. Enfin, j’étais aussi un militant de l’association Droit au Logement (DAL) et nous avions de grandes luttes nationales sur la question de la rénovation urbaine, notamment à Grenoble (quartier de la Villeneuve) et à Poissy (La Coudraie). A Toulouse, la contestation des plans de rénovation urbaine est également arrivée assez vite, dans les quartiers du Mirail et des Izards, et je m’y suis impliqué.

    Lorsque je suis devenu député en 2022, j’ai voulu poursuivre ces combats autour du logement. Et là, j’ai réalisé que l’ANRU allait avoir 20 ans d’existence et qu’il y avait très peu de travaux parlementaires sur le sujet. Bien sûr, il y a des livres, notamment ceux du sociologue Renaud Epstein, mais de manière générale, la rénovation urbaine est assez méconnue, alors même qu’elle est souvent critiquée, tant par des chercheurs que par les habitants des quartiers populaires. Donc j’ai décidé de m’emparer du sujet. J’en ai parlé à mes collègues insoumis et pratiquement tous ont des projets de rénovation urbaine dans leur circonscription. Certains connaissaient bien le sujet, comme Marianne Maximi à Clermont-Ferrand ou David Guiraud à Roubaix, mais la plupart avaient du mal à se positionner parmi les avis contradictoires qu’ils entendaient. Donc nous avons mené ce travail de manière collective.

    LVSL – Ce sujet est très peu abordé dans le débat public, alors même qu’il s’agit du plus grand chantier civil de France. Les chiffres sont impressionnants : sur 20 ans, ce sont 700 quartiers et 5 à 7 millions de personnes, soit un Français sur dix, qui sont concernés. 165.000 logements ont été détruits, 142.000 construits, 410.000 réhabilités et 385.000 « résidentialisés », c’est-à-dire dont l’espace public environnant a été profondément transformé. Pourtant, les révoltes urbaines de l’été dernier nous ont rappelé à quel point les problèmes des quartiers en question n’ont pas été résolus. On entend parfois que le problème vient avant tout d’un manque de financement de la part de l’Etat. Partagez-vous cette analyse ?

    F. P. – D’abord, les chiffres que vous venez de citer sont ceux du premier programme de l’ANRU, désormais terminé. Un second a été lancé depuis 2018, mais pour l’instant on dispose de peu de données sur celui-ci. Effectivement, lors de son lancement par Jean-Louis Borloo, la rénovation urbaine est présentée comme le plus grand chantier civil depuis le tunnel sous la Manche et les objectifs sont immenses : réduire le chômage et la précarité, renforcer l’accès aux services publics et aux commodités de la ville et combattre l’insécurité. On en est encore loin.

    Ensuite, qui finance la rénovation urbaine ? Quand on regarde dans le détail, on se rend compte que l’Etat est peu présent, comme le montre un documentaire de Blast. Ce sont les collectivités locales et les bailleurs sociaux qui investissent, en plus du « 1% patronal » versé par les entreprises. Concernant l’usage de ces moyens, on a des fourchettes de coût pour des démolitions ou des reconstructions, mais là encore les chiffres varient beaucoup.

    LVSL – Vous rappelez que les financements de l’Etat sont très faibles dans la rénovation urbaine. Pourtant, certains responsables politiques, comme Eric Zemmour, Jordan Bardella ou Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’Etat à la ville de Macron, estiment que trop d’argent a été investi dans ces quartiers…

    F. P. – C’est un discours que l’on entend souvent. Mais on ne met pas plus d’argent dans les quartiers populaires que dans d’autres types de territoires. Par exemple, on mentionne souvent le chiffre de 90 à 100 milliards d’euros en 40 ans, avec les douze plans banlieue qui se sont succédé depuis 1977. Dit comme ça, ça semble énorme. Mais en réalité, cela représente en moyenne 110€ par habitant et par an dans les quartiers de la politique de la ville (QPV), un chiffre inférieur aux montants dépensés pour les Français n’habitant pas en QPV. Néanmoins, nous manquons encore d’informations précises et j’ai posé une question au gouvernement pour avoir des chiffres plus détaillés.

    LVSL – Parmi les objectifs mis en avant par l’ANRU dans les opérations qu’elle conduit, on retrouve tout le temps le terme de « mixité sociale ». Il est vrai que ces quartiers se sont souvent ghettoïsés et accueillent des populations très touchées par la pauvreté, le chômage et l’insécurité. Pour parvenir à cette fameuse mixité, il semble que l’ANRU cherche à gentrifier ces quartiers en y faisant venir des couches moyennes. Quel regard portez-vous sur cette façon d’assurer la « mixité sociale » ?

    F. P. – D’abord, il faut questionner la notion même de mixité sociale. Ce concept, personne ne peut être contre. Mais chacun a une idée différente de comment y parvenir ! Pour la droite, la mixité sociale passe par le fait que les classes moyennes et populaires deviennent des petits propriétaires. Pour la gauche, c’est la loi SRU, c’est-à-dire l’obligation d’avoir 25% de logement public dans chaque commune, afin d’équilibrer la répartition sur le territoire national.

    Peu à peu, la gauche et la droite traditionnelles ont convergé, c’est ce que le philosophe italien Antonio Gramsci appelle le « transformisme ». En réalité, c’est surtout l’imaginaire de la droite s’est imposé : aujourd’hui, vivre en logement public n’est pas perçu comme souhaitable, à tort ou à raison. Ceux qui y vivent ou attendent un logement public ne voient cela que comme une étape dans leur parcours résidentiel, avant de devenir enfin petit propriétaire. Dès lors, habiter en logement public devient un stigmate de positionnement social et les quartiers où ce type de logement domine sont de moins en moins bien perçus.

    Concrètement, ça veut dire que dans un quartier avec 50 ou 60% de logement public, la politique mise en œuvre pour parvenir à la mixité sociale est de faire de l’accession à la propriété, pour faire venir d’autres populations. Ca part d’un présupposé empreint de mépris de classe : améliorer la vie des personnes appartenant aux classes populaires passerait par le fait qu’elles aient des voisins plus riches. Comme si cela allait forcément leur amener plus de services publics ou de revenus sur leur compte en banque.

    Quels résultats a cette politique sur le terrain ? Il a deux cas de figure. Soit, les acquéreurs sont soit des multi-propriétaires qui investissent et qui vont louer les appartements en question aux personnes qui étaient déjà là. C’est notamment ce que j’ai observé avec Clémence Guetté à Choisy-le-Roi. Soit, les nouveaux propriétaires sont d’anciens locataires du quartier, mais qui sont trop pauvres pour assumer les charges de copropriété et les immeubles se dégradent très vite. C’est un phénomène qu’on voit beaucoup à Montpellier par exemple. Dans les deux cas, c’est un échec car on reproduit les situations de précarité dans le quartier.

    Ensuite, il faut convaincre les personnes qui veulent devenir petits propriétaires de s’installer dans ces quartiers, qui font l’objet de beaucoup de clichés. Allez dire à un Parisien de la classe moyenne d’aller habiter à la Goutte d’Or (quartier populaire à l’est de Montmartre, ndlr), il ne va pas y aller ! C’est une impasse. Rendre le quartier attractif pour les couches moyennes demande un immense travail de transformation urbanistique et symbolique. Très souvent, la rénovation urbaine conduit à faire partir la moitié des habitants d’origine. Certes, sur le papier, on peut trouver 50% de gens qui veulent partir, mais encore faut-il qu’ils désirent aller ailleurs ! Or, on a souvent des attaches dans un quartier et les logements proposés ailleurs ne correspondent pas toujours aux besoins.

    Donc pour les faire quitter le quartier, la « solution » est en général de laisser celui-ci se dégrader jusqu’à ce que la vie des habitants soit suffisamment invivable pour qu’ils partent. Par exemple, vous réduisez le ramassage des déchets ou vous laissez les dealers prendre le contrôle des cages d’escaliers.

    LVSL – Mais cet abandon, c’est une politique délibérée des pouvoirs publics, qu’il s’agisse de l’ANRU ou de certaines mairies ? Ou c’est lié au fait que la commune n’a plus les moyens d’assurer tous les services ?

    F. P. – Dans certains quartiers de Toulouse, que je connais bien, je pense que cet abandon est un choix délibéré de la municipalité et de la métropole. Par exemple, dans le quartier des Izards, il y avait un grand immeuble de logement public, certes vieillissant, mais qui pouvait être rénové. Il a été décidé de le raser. Or, beaucoup d’habitants ne voulaient pas partir, notamment les personnes âgées. Dans le même temps, d’autres appartements étaient vides. Certains ont été squattés par des réfugiés syriens, avant que le bailleur ne décide de payer des agents de sécurité pour les expulser. Par contre, ces agents laissaient sciemment les dealers faire leur business dans le quartier !

    Dans d’autres cas, le bailleur décide tout simplement d’abandonner peu à peu un immeuble voué à la démolition. Donc ils vont supprimer un concierge, ne pas faire les rénovations courantes etc. Et on touche là à un grand paradoxe de la rénovation urbaine : en délaissant certains immeubles, on dégrade aussi l’image du quartier dans lequel on souhaite faire venir des personnes plus aisées.

    LVSL – Il semble aussi que la « mixité sociale » soit toujours entendue dans le même sens : on essaie de faire venir ces ménages plus aisés dans les quartiers défavorisés, mais les ghettos de riches ne semblent pas poser problème aux pouvoirs publics…

    F. P. – En effet, il y a une grande hypocrisie. Faire venir des habitants plus riches dans un quartier prioritaire, pourquoi pas ? Mais où vont aller ceux qui partent ? Idéalement, ils visent un quartier plus agréable, qui a une meilleure réputation. Sauf que beaucoup de maires choisissent de ne pas respecter la loi SRU et de maintenir une ségrégation sociale. Résultat : les bailleurs sociaux ne peuvent souvent proposer aux personnes à reloger que des appartements trop chers ou inadaptés à leurs besoins.

    Donc on les déplace dans d’autres endroits, qui deviennent de futurs QPV. A Toulouse par exemple, beaucoup des personnes délogées par les programmes de rénovation urbaine sont envoyées au quartier Borderouge, un nouveau quartier avec des loyers abordables. Sauf que les difficultés sociales de ces personnes n’ont pas été résolues. Donc cela revient juste à déplacer le problème.

    LVSL – Ces déplacements de population sont liés au fait que les programmes de rénovation urbaine ont un fort ratio de démolitions. Bien sûr, il y a des logements insalubres trop compliqués à rénover qu’il vaut mieux détruire, mais beaucoup de démolitions ne semblent pas nécessaires. Pensez-vous que l’ANRU a une obsession pour les démolitions ?

    F. P. – Oui. C’est très bien montré dans le film Bâtiment 5 de Ladj Ly, dont la première scène est une démolition d’immeubles devant les édiles de la ville et les habitants du quartier. Je pense que l’ANRU cherchait à l’origine un effet spectaculaire : en dynamitant un immeuble, on montre de manière forte que le quartier va changer. C’est un acte qui permet d’affirmer une volonté politique d’aller jusqu’au bout, de vraiment faire changer le quartier en reconstruisant tout.

    Mais deux choses ont été occultées par cet engouement autour des démolitions. D’abord, l’attachement des gens à leur lieu de vie. C’est quelque chose qu’on retrouve beaucoup dans le rap, par exemple chez PNL ou Koba LaD, dont le « bâtiment 7 » est devenu très célèbre. Ce lien affectif et humain à son habitat est souvent passé sous silence.

    L’autre aspect qui a été oublié, sans doute parce qu’on était en 2003 lorsque l’ANRU a été lancée, c’est le coût écologique de ces démolitions. Aujourd’hui, si un ministre annonçait autant de démolitions et de reconstructions, cela soulèverait beaucoup de débats. A Toulouse, le commissaire enquêteur a montré dans son rapport sur le Mirail à quel point démolir des immeubles fonctionnels, bien que nécessitant des rénovations, est une hérésie écologique. A Clermont-Ferrand, ma collègue Marianne Maximi nous a expliqué qu’une part des déchets issus des démolitions s’est retrouvée sur le plateau de Gergovie, où sont conduites des fouilles archéologiques.

    LVSL – Maintenant que les impacts de ces démolitions, tant pour les habitants que pour l’environnement, sont mieux connus, l’ANRU a-t-elle changé de doctrine ?

    F. P. – C’est son discours officiel, mais pour l’instant ça ne se vérifie pas toujours dans les actes. J’attends que les démolitions soient annulées pour certains dossiers emblématiques pour y croire. Le quartier de l’Alma à Roubaix est un très bon exemple : les bâtiments en brique sont fonctionnels et superbes d’un point de vue architectural. Certains ont même été refaits à neuf durant la dernière décennie, pourquoi les détruire ?

    Maintenir ces démolitions est d’autant plus absurde que ces quartiers sont plein de savoir-faire, notamment car beaucoup d’habitants bossent dans le secteur du BTP. Je le vois très bien au Mirail à Toulouse : dans le même périmètre, il y a l’école d’architecture, la fac de sciences sociales, plein d’employés du BTP, une école d’assistants sociaux et un gros vivier associatif. Pourquoi ne pas les réunir pour imaginer le futur du quartier ? La rénovation urbaine doit se faire avec les habitants, pas sans eux.

    LVSL – Vous consacrez justement une partie entière du rapport aux perceptions de la rénovation urbaine par les habitants et les associations locales, que vous avez rencontré. Sauf exception, ils ne se sentent pas du tout écoutés par les pouvoirs publics et l’ANRU. L’agence dit pourtant chercher à prendre en compte leurs avis…

    F. P. – Il y a eu plein de dispositifs, le dernier en date étant les conseils citoyens. Mais ils ne réunissent qu’une part infime de la population des quartiers. Parfois les membres sont tirés au sort, mais on ne sait pas comment. En fait le problème, c’est que l’ANRU est un peu l’Union européenne de l’urbanisme. Tout décideur politique peut dire « c’est pas moi, c’est l’ANRU ». Or, les gens ne connaissent pas l’agence, son fonctionnement etc. Plusieurs entités se renvoient la balle, tout est abstrait, et on ne sait plus vers qui se tourner. Cela crée une vraie déconnexion entre les habitants et les décisions prises pour leur quartier. La rénovation se fait sans les habitants et se fait de manière descendante. Même Jean-Louis Borloo qui en est à l’origine en est aujourd’hui assez critique.

    A l’origine, les habitants ne sont pas opposés à la rénovation de leur quartier. Mais quand on leur dit que la moitié vont devoir partir et qu’ils voient les conditions de relogement, c’est déjà moins sympa. Pour ceux qui restent, l’habitat change, mais les services publics sont toujours exsangues, la précarité et l’insécurité sont toujours là etc. Dans les rares cas où la rénovation se passe bien et le quartier s’améliore, elle peut même pousser les habitants historiques à partir car les loyers augmentent. Mais ça reste rare : la rénovation urbaine aboutit bien plus souvent à la stagnation qu’à la progression.

    LVSL – L’histoire de la rénovation urbaine est aussi celle des luttes locales contre les démolitions et pour des meilleures conditions de relogement. Cela a parfois pu aboutir à des référendums locaux, soutenus ou non par la mairie. Quel bilan tirez-vous de ces luttes ?

    F. P. – D’abord ce sont des luttes très difficiles. Il faut un niveau d’information très important et se battre contre plusieurs collectivités plus l’ANRU, qui vont tous se renvoyer la balle. Le premier réflexe des habitants, c’est la résignation. Ils se disent « à quoi bon ? » et ne savent pas par quel bout prendre le problème. En plus, ces luttes débutent souvent lorsqu’on arrive à une situation critique et que beaucoup d’habitants sont déjà partis, ce qui est un peu tard.

    Il y a tout de même des exemples de luttes victorieuses comme la Coudraie à Poissy ou, en partie, la Villeneuve à Grenoble. Même pour l’Alma de Roubaix ou le Mirail de Toulouse, il reste de l’espoir. Surtout, ces luttes ont montré les impasses et les absurdités de la rénovation urbaine. La bataille idéologique autour de l’ANRU a été gagnée : aujourd’hui, personne ne peut dire que cette façon de faire a fonctionné et que les problèmes de ces quartiers ont été résolus. Certains en tirent comme conclusion qu’il faut tout arrêter, d’autres qu’il faut réformer l’ANRU.

    LVSL – Comment l’agence a-t-elle reçu votre rapport ?

    F. P. – Pas très bien. Ils étaient notamment en désaccord avec certains chiffres que nous citons, mais on a justement besoin de meilleures informations. Au-delà de cette querelle, je sais qu’il y a des personnes bien intentionnées à l’ANRU et que certains se disent que l’existence de cette agence est déjà mieux que rien. Certes, mais il faut faire le bilan économique, écologique et humain de ces 20 ans et réformer l’agence.

    Jean-Louis Borloo est d’accord avec moi, il voit que la rénovation urbaine seule ne peut pas résoudre les problèmes de ces quartiers. Il l’avait notamment dit lors de l’appel de Grigny (ville la plus pauvre de France, ndlr) avec des maires de tous les horizons politiques. Je ne partage pas toutes les suggestions de Borloo, mais au moins la démarche est bonne. Mais ses propositions ont été enterrées par Macron dès 2018…

    LVSL – Justement, quelles répercussions votre rapport a-t-il eu dans le monde politique ? On en a très peu entendu parler, malgré les révoltes urbaines de l’été dernier…

    F. P. – Oui, le rapport Allo ANRU est sorti en avril 2023 et l’intérêt médiatique, qui reste limité, n’est arrivé qu’avec la mort de Nahel. Cela montre à quel point ce sujet est délaissé. Sur le plan politique, je souhaite mener une mission d’information pour boucler ce bilan de l’ANRU et pouvoir interroger d’autres personnes que nous n’avons pas pu rencontrer dans le cadre de ce rapport. Je pense à des associations, des collectifs d’habitants, des chercheurs, des élus locaux, Jean-Louis Borloo…

    Tous ces regards sont complémentaires. Par exemple, l’avis d’Eric Piolle, le maire de Grenoble, était intéressant car il exprimait la position délicate d’une municipalité prise entre le marteau et l’enclume (les habitants de la Villeneuve s’opposent aux démolitions, tandis que l’ANRU veut les poursuivre, ndlr). Une fois le constat terminé, il faudra définir une nouvelle politique de rénovation urbaine pour les deux prochaines décennies.

    LVSL – Concrètement, quelles politiques faudrait-il mettre en place ?

    F. P. – Des mesures isolées, comme l’encadrement à la baisse des loyers (réclamé par la France Insoumise, ndlr), peuvent être positives, mais ne suffiront pas. A minima, il faut être intraitable sur l’application de la loi SRU, pour faire respecter partout le seuil de 25% de logement public. On pourrait aussi réfléchir à imposer ce seuil par quartier, pour éviter que ces logements soient tous concentrés dans un ou deux quartiers d’une même ville.

    Ensuite, il faut changer la perception du logement public, c’est d’ailleurs pour cela que je préfère ce terme à celui de « logement social ». 80% des Français y sont éligibles, pourquoi seuls les plus pauvres devraient-ils y loger ? Je comprends bien sûr le souhait d’être petit propriétaire, mais il faut que le logement public soit tout aussi désirable. C’est un choix politique : le logement public peut être en pointe, notamment sur la transition écologique. Je prends souvent l’exemple de Vienne, en Autriche, où il y a 60% de logement public et qui est reconnue comme une ville où il fait bon vivre.

    Pour y parvenir, il faudra construire plus de #logements_publics, mais avec une #planification à grande échelle, comme l’avait fait le général de Gaulle en créant la DATAR en 1963. Mais cette fois-ci, cette planification doit être centrée sur des objectifs écologiques, ce qui implique notamment d’organiser la #démétropolisation. Il faut déconcentrer la population, les emplois et les services des grands centres urbains, qui sont saturés et vulnérables au changement climatique. Il s’agit de redévelopper des villes comme Albi, Lodève, Maubeuge… en leur donnant des fonctions industrielles ou économiques, pour rééquilibrer le territoire. C’est ambitieux, quasi-soviétique diront certains, mais nous sommes parvenus à le faire dans le passé.

    https://lvsl.fr/francois-piquemal-la-renovation-urbaine-se-fait-sans-les-habitants-des-quartier

    #quartiers_populaires #urbanisme #TRUST #Master_TRUST #logement #aménagement_territorial #écologie

  • « Affirmer que la #transition_énergétique est impossible, c’est le meilleur moyen de ne jamais l’engager »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/22/affirmer-que-la-transition-energetique-est-impossible-c-est-le-meilleur-moye

    Partant du double constat selon lequel il n’y a jamais eu, par le passé, de remplacement d’une source d’énergie par une autre ; et que les transformations énergétiques se sont toujours faites de manière additive (les énergies s’ajoutant les unes aux autres), certains historiens en déduisent, à tort selon nous, qu’il n’y aurait aucun horizon pour une sortie des fossiles. Cette sortie des fossiles (le « transitioning away from fossil fuels », dans le langage forgé à la COP28) serait donc condamnée par avance.

    Tel est le message récurrent de Jean-Baptiste Fressoz [chroniqueur au Monde] notamment, dans ses ouvrages ou tribunes, qui visent toutes à réfuter ce qu’il considère comme « la fausse promesse de la transition ».

    Or, ce déclinisme écologique est non seulement grandement infondé, mais également de nature à plomber les ambitions dans la lutte contre le changement climatique. Affirmer que la transition est impossible, c’est le meilleur moyen de ne jamais l’engager. A rebours de ce défaitisme, nous voulons ici affirmer, avec force, qu’il est possible de réussir cette transition.

    Certes, à l’exception des années de crise – financière en 2008-2009, sanitaire en 2020-2021 –, les émissions de CO2 n’ont jamais cessé d’augmenter, bien que sur un rythme ralenti, d’environ + 1 % annuel au cours des années 2010, contre + 3 % annuels dans les années 2000. Car, dans le même temps, la population mondiale continuait à augmenter, tout comme la satisfaction des besoins énergétiques d’une part croissante de cette population.

    Pourtant le désempilement des énergies a déjà lieu dans certaines régions du monde : c’est le cas en Europe, par exemple, qui a engagé sa transition énergétique. Parallèlement, des acteurs de plus en plus nombreux – Etats, entreprises, chercheurs, citoyens – intègrent aujourd’hui la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans leurs stratégies et comportements. L’ambition n’est pas encore assez affirmée, la mise en œuvre des transformations pas assez rapide et efficace, mais le mouvement est enclenché. Comment l’ignorer ?

    Sobriété, efficacité et investissements
    Le 11 janvier, Fatih Birol, directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), indiquait que les capacités installées dans l’année en énergies renouvelables avaient augmenté de 50 % entre 2022 et 2023. Pour la part des renouvelables dans la production d’électricité, l’AIE attend le passage de 29 % à 42 % en 2028 (de 12 % à 25 % pour les seules énergies éolienne et solaire). Depuis 1975, le prix des panneaux photovoltaïques est passé de 100 dollars par watt à moins de 0,5 dollar par watt aujourd’hui, soit une réduction de 20 % du coût pour chaque doublement des capacités installées ; c’est la mesure du taux d’apprentissage de la technologie. Et alors que la question du stockage de l’électricité devient de plus en plus cruciale, on constate le même taux d’apprentissage pour les batteries : depuis 1992, chaque fois que double le nombre de batteries produites, leur coût diminue de 18 %.

    Il est clair que ces progrès spectaculaires ne contredisent pas la thèse de l’additivité des énergies : si depuis 2016 les investissements dans les énergies décarbonées dépassent largement les investissements dans les énergies fossiles, ces derniers ont à nouveau augmenté après la baisse de 2020. Et la sortie des fossiles ne se vérifiera vraiment que le jour où l’augmentation de la production d’énergie décarbonée sera supérieure en volume à celle de la consommation totale d’énergie.

    Pour atteindre cet objectif, sobriété et efficacité énergétique sont indispensables afin de maîtriser la croissance de la demande. Mais il est également évident que sobriété et efficacité ne suffiront pas. Pour atteindre le plafonnement des émissions avant 2030, il faudra décupler les investissements dans ces énergies décarbonées, et notamment dans les pays du Sud, afin de faire baisser le volume des énergies fossiles : c’est la condition sine qua non pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Nous sommes conscients qu’il s’agit d’un processus long et difficile, mais osons le dire : il n’y a pas d’autre solution, et nous pouvons y arriver.

    De nouvelles alliances s’imposent
    Serions-nous condamnés par l’histoire ? Faut-il prendre acte de notre impuissance supposée, ou poser un renversement complet du système comme condition préalable à la transition ? Dans les deux cas, cela serait très risqué, et franchement irresponsable.

    Car il n’y a pas de fatalité ! On trouve sur le site du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) une citation d’Albert Camus : « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prédire, mais de le faire. » C’est dans cette perspective que s’inscrivent tous les acteurs des COP et des négociations internationales – que certains stigmatisent comme un « grand cirque » –, pour qui « dire, c’est faire ».

    Evidemment, dire ne suffit pas, et il faut aussi mobiliser des moyens puissants, politiques et financiers. Il faut également affronter ceux – lobbys industriels et politiques – qui, par fatalisme ou par intérêt, freinent cette transformation. Enfin, comme le suggère le philosophe Pierre Charbonnier, la création de nouvelles alliances s’impose entre ceux qui ont compris que la transition servait leurs intérêts, et surtout ceux de leurs enfants.

    La démarche des sciences de la nature et de la physique consiste à s’appuyer sur des constats d’observation pour en tirer des lois immuables. Elle s’applique mal cependant aux sciences sociales. Mais ces obstacles ne doivent pas empêcher de penser l’avenir, à la manière de Gaston Berger, le père de la prospective, qui ne cessait de rappeler : « Demain ne sera pas comme hier. Il sera nouveau et il dépendra de nous. Il est moins à découvrir qu’à inventer. »

    Signataires : Anna Creti, économiste, chaire Economie du climat, université Paris-Dauphine ; Patrick Criqui, économiste, CNRS, université Grenoble-Alpes ; Michel Derdevet, président de Confrontations Europe, Sciences Po ; François Gemenne, politiste, HEC Paris ; Emmanuel Hache, économiste, IFP énergies nouvelles et Institut de relations internationales et stratégiques ; Carine Sebi, économiste, chaire Energy for Society, Grenoble Ecole de Management.

  • Des #cités_antiques en #Amazonie | CNRS Le journal
    https://lejournal.cnrs.fr/articles/des-cites-antiques-en-amazonie

    La vallée d’#Upano se situe dans la région amazonienne du piémont andin. Elle est insérée entre deux cordillères et mesure une centaine de kilomètres de long sur une vingtaine de large. Elle est surplombée par le #volcan_Sangay, en état constant d’éruption depuis des décennies et dont les rejets rendent la région particulièrement fertile. Les agriculteurs locaux m’ont dit qu’ils obtenaient trois récoltes de maïs par an, c’est énorme !

    […] Nous avons identifié et fouillé des plateformes en terre qui servaient à isoler des bâtiments du sol humide, ainsi que des places, des chemins et des routes. La première occupation de la vallée commence environ en 500 avant notre ère pour durer jusqu’en 400-600 de notre ère.

    […] La vallée d’Upano a abrité de véritables cités, densément peuplées et conçues en damier en pleine #forêt_tropicale. Leur réseau est incroyablement complexe, avec des rues, des chemins vers les rivières, des routes primaires et secondaires… Les grands axes sont parfaitement rectilignes, faisant jusqu’à treize mètres de large, et traversent la vallée en faisant fi de son relief naturel. Ils coupent aussi bien des ravins que des élévations. Un tel réseau réclame une véritable #planification, ce qui montre que les différentes implantations de la vallée sont contemporaines.

    L’insistance à passer outre tous les obstacles, alors qu’il serait souvent plus simple de les contourner, suggère fortement que ces routes avaient une fonction symbolique. Elles peuvent avoir été un moyen d’imprimer dans le sol les relations entre voisins, et servir à des processions et des visites ritualisées, comme on peut encore le voir dans les villages annulaires du haut Xingu en Amazonie brésilienne.

    Certaines plateformes sont encore plus hautes, jusqu’à dix mètres. Ici, pas de soubassements d’habitations, mais on suppose que ces espaces étaient plutôt consacrés à des cérémonies collectives. De tels systèmes urbains ont été découverts chez les Mayas du Guatemala ou à Teotihuacan, au Mexique. La grande différence est qu’il n’y a pas de constructions en pierre dans l’Upano. En plus, il n’y a aucun site semblable en Amazonie précolombienne, y compris au Brésil.

    […] Leur culture disparaît brusquement après un millénaire, autour de 400-600, sachant qu’il n’y avait alors pas d’écriture dans la région.

    […] J’ai une hypothèse, hélas non confirmée, sur cette disparition. Les fouilles ont montré, au-dessus des derniers niveaux d’habitation, plusieurs couches noires qui évoquent des éruptions volcaniques. Mais, les datations ne correspondent à aucun évènement suffisamment catastrophique pour faire fuir tout le monde. C’est peut-être une série d’éruptions plus petites, mais plus nombreuses, qui a fini par décourager les habitants, ou alors une #crise_climatique. Ils auraient alors pu partir vers le sud, au Pérou, où l’on retrouve des céramiques similaires à celles d’Upano. Seule une société spécialisée et stratifiée a pu construire un réseau aussi vaste et complexe que dans la vallée d’Upano. Or, on sait que les sociétés urbanisées et hiérarchisées sont moins résilientes aux aléas climatiques. Peut-être que cette civilisation a tout simplement implosé au profit d’un retour à une organisation tribale et forestière. Nous n’avons pas d’explication ferme à proposer pour le moment. Mais, la recherche se poursuit…

    #archéologie_du_paysage #lidar

  • Manu le #gilet_jaune
    http://carfree.fr/index.php/2023/09/26/manu-le-gilet-jaune

    On attendait (ou pas) depuis des mois un soi-disant projet de #planification écologique qui allait mettre enfin la France sur la voie d’une prise de conscience écologique et on obtient… Lire la suite...

    #Fin_de_l'automobile #bagnole #carburant #critique #Emmanuel_Macron #humour #politique #subventions #transition_énergétique #voiture_électrique

    • J’ai d’ailleurs toujours été épaté par ce miracle du libéralisme : les riches qui contestent sans cesse les impôts sont les premiers à récupérer des milliers d’euros d’argent public sous forme de bonus automobile pour acheter leur deuxième ou troisième voiture électrique pour madame ou les enfants. Et tous ceux qui gagnent juste assez pour payer des impôts sont en général bien incapables de débourser les sommes monstrueuses demandées pour s’équiper d’une voiture électrique, même en comptant le bonus. En fait, la plupart des gens qui roulent en diesel payent des impôts pour que les professions libérales comme les chefs d’entreprise, les médecins, avocats, etc. s’achètent des voitures électriques grâce aux subventions publiques…

      Etonnant, non ? A une époque, l’impôt servait à prendre de l’argent aux riches pour le reverser aux pauvres. Aujourd’hui, on prend surtout aux pauvres pour financer le train de vie des riches… Mais bon, vous saviez déjà tout ça si vous avez vu la réception royale de Charles III à Versailles…

      C’est pourquoi, nous conseillons à « Manu le gilet jaune » de relire le texte magnifique d’André Gorz sur la bagnole écrit en 1973 et dont voici la première phrase : « Le vice profond des bagnoles, c’est qu’elles sont comme les châteaux ou les villa sur la Côte : des biens de luxe inventés pour le plaisir exclusif d’une minorité de très riches et que rien, dans leur conception et leur nature, ne destinait au peuple. »

  • « Hallucinant. On a un président qui avait promis la fermeture des centrales à charbon pour 2022, qui, le 24 août dernier, a encore acté leur prolongement d’ici 2024 et qui désormais annonce en direct leur fin pour...2027.

    À ce niveau là, c’est un crime climatique. #Macron20h »

    Champion du pipeau. ✍️ Allan BARTE


    https://twitter.com/MickaCorreia/status/1706016945282171119

  • Book Review Roundtable: Against the Commons: A Radical History of Urban Planning
    https://urbanpolitical.podigee.io/68-against-the-commons

    Against the Commons underscores how urbanization shapes the social fabric of places and territories, lending awareness to the impact of planning and design initiatives on working-class communities and popular strata. Projecting history into the future, it outlines an alternative vision for a postcapitalist urban planning, one in which the structure of collective spaces is defined by the people who inhabit them.

    #Commons,Commoning,Radical_Planning,Berlin,Enclosure,Agrarian_Question,Milan,New_York,Chicago
    https://audio.podigee-cdn.net/1204327-m-7c57eda7252ce5d46d0d1f7cea9d8acc.m4a?source=feed

  • #Otto_Neurath, sur les traces d’une #planification_écologique

    Organiser l’#économie à partir des #besoins, en se focalisant sur des #grandeurs_physiques plutôt que leur #valeur en monnaie, tel était le projet subversif de ce philosophe des sciences qui eut à affronter les néolibéraux et les fascistes de son temps.

    Otto #Neurath, un philosophe autrichien du début du siècle dernier, tiendrait-il sa revanche ? La planification écologique, dont on peut le considérer comme étant un des ancêtres intellectuels, est en tout cas sortie des catacombes doctrinales. Pièce maîtresse du programme présidentiel de Jean-Luc Mélenchon, elle est également devenue, avec des intentions certes différentes, un objectif affiché par le pouvoir macroniste. Un secrétariat général auprès de la première ministre lui est dévolu, et des annonces détaillées sont prévues pour la fin de cet été.

    Parler de planification tout court n’a pas toujours été aussi évident dans le débat public. Il fallait montrer patte blanche, en rappelant qu’il a existé des planifications différentes, et que toutes n’ont pas conduit à l’autoritarisme et aux dysfonctionnements de l’Union soviétique et de la Chine maoïste. Mais au moins y avait-il des précédents historiques à invoquer, des travaux intellectuels à citer. La planification écologique, elle, souffre du handicap supplémentaire de ne pas s’être déjà incarnée dans des expériences à grande échelle.

    Celles et ceux qui la promeuvent aujourd’hui ont à surmonter une défaite vieille de près d’un siècle, lorsque de rares penseurs socialistes ont élaboré des modèles économiques démocratiques, attentifs à l’environnement et aux générations futures. Une « brèche écologiste [qui] fut dans l’ensemble colmatée et oubliée », regrette Serge Audier dans son travail sur L’Âge productiviste (La Découverte, 2019). Encore plus qu’à Karl Polanyi (1886-1964), connu pour ses appels à « réencastrer » l’économie dans la société, c’est à un autre intellectuel de la Mitteleuropa que l’on doit cette brèche : Otto Neurath.

    Philosophe des sciences, économiste, ce dernier a connu la prison pour avoir participé à la république des conseils de Bavière en 1919. Durant la décennie suivante, il a polémiqué avec certains des pères fondateurs du néolibéralisme, Ludwig von Mises (1881-1973) et Friedrich Hayek (1899-1992). Dans le même temps, il s’impliquait dans la vie politique et associative de « Vienne la Rouge ». Après que celle-ci a été écrasée par la dictature du chancelier Dollfuss en 1934, il a pris le chemin de l’exil, d’abord aux Pays-Bas puis au Royaume-Uni, où il est mort en 1945.

    En dépit de ce pedigree, on aurait tort de voir en lui une tête brûlée imprégnée d’idéaux marxistes. Tout aussi pacifiste et attaché à la préservation des ressources qu’il fût, il serait également déraisonnable d’en faire un « Vert » avant l’heure. Mais à quelques décennies de distance, sa figure intéresse à la fois la tradition socialiste et la tradition écologiste : d’abord par sa critique frontale et assumée de la logique de marché, ensuite par sa quête optimiste d’un chemin rationnel et méthodique vers l’amélioration du bien-être collectif.
    Un cocktail d’ingénierie et d’utopies sociales

    Né en 1882 à Vienne, le jeune Otto Neurath est élevé dans une famille de la bourgeoisie intellectuelle austro-hongroise, qui lui fait profiter du dynamisme culturel de la capitale impériale autant que de contacts répétés avec la nature.

    Dans un mémoire universitaire en forme de biographie intellectuelle, Billal Tabaichount mentionne l’influence durable exercée sur Neurath par son père. Ce dernier portait en effet un regard négatif sur la concurrence capitaliste, en raison de ses conséquences socialement décevantes et moralement dommageables sur la population.

    Le même chercheur souligne aussi l’influence de l’intellectuelle suédoise Ellen Key (1849-1926), avec qui Neurath a entretenu une correspondance. De cette féministe engagée sur les questions de pédagogie, le jeune homme aurait retenu qu’une « réforme sociale » désirable doit viser le « bonheur humain », compris de façon non religieuse, et ne doit pas « passe[r] uniquement par l’élite d’une société, mais […] concerner de larges pans de la population ».

    Formé aux sciences sociales à Berlin, Neurath revient à Vienne en 1907. Il y côtoie des intellectuels réunis par leur insatisfaction envers les approches idéalistes et métaphysiques qui dominent dans l’université de l’époque. D’horizons différents, ils privilégient les faits observables et les raisonnements logiques pour mieux appréhender le monde réel, et tenter d’améliorer l’insertion et le développement de l’humanité en son sein.

    Spécialisé en économie, Neurath travaille sur la théorie de la valeur. Il se familiarise notamment avec des travaux de statisticiens réfléchissant aux méthodes les plus rationnelles pour répondre à la subsistance des populations. Il observe le fonctionnement de sociétés en guerre, d’abord dans les Balkans au début des années 1910, puis dans toute l’Europe à partir de 1914. Il est alors frappé par la capacité de la puissance publique à répertorier, affecter et redistribuer des ressources de manière volontariste, la décision politique se substituant au « laisser-faire » du marché.

    « L’économie monétaire qui existait avant la guerre, écrit-il en 1916, n’était pas capable de remplir les nouvelles exigences qui étaient celles de peuples intéressés par la victoire. Il est apparu que la guerre se mène avec des munitions et de la nourriture, pas avec de la monnaie. » Dès lors, explique-t-il, l’attention s’est focalisée sur les structures concrètes de production et de distribution. L’évolution de ces dernières était pourtant jusque-là négligée, ou considérée comme une fatalité même lorsqu’elle causait des souffrances sociales.

    L’épisode conforte Neurath dans son rejet de l’aspect anarchique et « sous-optimal » du #capitalisme. Sa condamnation ne repose pas tant sur les asymétries de pouvoir, les rapports d’exploitation et l’aliénation que ce mode de production implique, que sur son caractère irrationnel. Comme le résume l’économiste Gareth Dale dans la revue Jacobin, « le capitalisme n’est pas suffisamment moderne » à ses yeux.

    De la révolution bavaroise à #Vienne la Rouge

    Même en temps de paix, pense Neurath, un autre ordre économique est possible, qui ne serait plus structuré par la maximisation individuelle du profit. Grâce à la délibération et l’expertise, la société doit pouvoir s’organiser consciemment pour mieux diffuser le bien-être. Neurath est d’ailleurs avide d’expériences dans ce sens. Selon le chercheur Thomas Kayzel, historien de la planification économique aujourd’hui affilié au CEE de Sciences Po, « c’est un penseur pragmatique, politiquement flexible et toujours à la recherche de nouvelles voies d’engagement et de réalisation ».

    Ainsi se comprend sa participation à la #révolution déclenchée contre la monarchie bavaroise, en novembre 1918. Nommé à la tête du Conseil économique central de Munich, dans le cadre de la république nouvellement instituée, il œuvre en faveur de la socialisation de l’économie de la région. Il y acquiert la conviction qu’un tel programme nécessite de forger un « bloc anticapitaliste » allant bien au-delà de la classe ouvrière industrielle.

    Dans l’immédiat, cependant, il se heurte aux intérêts du patronat, à ceux de la paysannerie, mais aussi aux velléités anarchisantes des groupes les plus révolutionnaires, là où lui défend la centralisation des décisions économiques une fois les besoins identifiés. Et s’il s’efforce de défendre une conception « technique » de sa tâche pour mieux l’isoler des soubresauts politiques permanents de l’expérience bavaroise, ceux-ci le rattrapent.

    Après qu’un gouvernement de type soviétique a pris le contrôle de Munich, une violente répression s’abat au printemps 1919. Elle est soutenue par les sociaux-démocrates au pouvoir à Berlin, qui ont déjà maté une première insurrection en début d’année dans la capitale – celle au cours de laquelle Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht furent assassinés. Neurath échappe à un sort aussi funeste, mais il est emprisonné pour haute trahison, avant d’être exfiltré en Autriche grâce au social-démocrate Otto Bauer, ministre des affaires étrangères de ce pays.

    Si c’est à Vienne que l’économiste s’épanouira, ces années tumultueuses sont importantes. Elles sont d’abord l’occasion pour Neurath d’exprimer sa croyance en la nécessité d’« #utopies_scientifiques », contre tout fatalisme ou déterminisme historique. Sous ce terme, il désigne des conceptualisations de futurs possibles, d’ordres sociaux améliorés, qui tiennent compte des contraintes naturelles et du type de personnalités qui auront été façonnées par l’ordre antérieur. Ces exercices intellectuels ne peuvent se substituer à des mobilisations sociales et politiques, mais sont propres à les encourager, en leur fixant un cap à la fois désirable et atteignable.

    Ensuite, ces années de guerre et de sortie de guerre sont celles où Neurath formule la proposition iconoclaste de se passer des prix, exprimés en argent, pour prendre des décisions économiques, voire pour échanger des biens et des services. « Ce qui remplaçait le motif du profit comme principe conducteur, dans la conception de Neurath d’une économie socialisée, était le plan économique, résume le philosophe des sciences Thomas Uebel, spécialiste de son œuvre. Ce plan était basé sur des calculs statistiques de production et de consommation – et ceci en nature, pas en termes monétaires. »
    Un plaidoyer pour une économie « en nature »

    Son approche suscite une réplique de l’économiste autrichien Ludwig von Mises, attaché à démontrer l’irrationalité du socialisme. Le débat sur la possibilité d’un calcul économique dans une économie collectivisée se poursuivra tout au long des années 1920, mais ne deviendra fameux qu’après avoir changé de nature. Entretemps, il a en effet impliqué l’économiste polonais Oskar Lange, qui s’est efforcé de défendre la rationalité d’un socialisme de marché.

    Neurath, qui a été oublié au passage, défendait le point de vue plus radical d’une économie sans marché, c’est-à-dire sans système de prix pour décider de l’allocation des ressources. Comme le précise Bilal Tabaichount, « Neurath ne veut pas d’une économie de troc, [mais] plutôt d’une économie où les biens et services transitent par des organisations centrales de coordination », les ménages pouvant disposer de « bons de rationnement non échangeables ».

    À l’époque, von Mises pointe la difficulté d’appliquer une telle proposition à grande échelle. Neurath ne lui répond que partiellement et tardivement. Mais son argument le plus important, qui n’implique pas forcément de se passer de tout marché, réside dans son refus de réduire les choix économiques à une seule unité de mesure.

    « Neurath conteste que la monnaie puisse être un résumé adéquat de la valeur des choses, explique la militante et chercheuse Claire Lejeune, engagée dans une thèse en science politique sur la planification. La réduction aux prix lui semble une mesure trop grossière pour penser notre rapport aux ressources et au temps. » Cette conviction vaut d’ailleurs pour toute autre unité de mesure à prétention universelle. Pour lui, il y a une incommensurabilité indépassable entre les différentes facettes du bien-être à travers les générations.

    C’est ici que se repère la dimension écologique de l’argument de Neurath. Dans un article de 1925 paru dans la presse sociale-démocrate, il affirme que l’économie socialiste doit viser « le bien-être de tous ses membres ». « Dès le début, ajoute-t-il, doit être déterminé ce qu’est “l’intérêt de la totalité sociale”. Est-ce que cela inclut la prévention de l’épuisement prématuré des mines de charbon ou de la karstification des montagnes ou encore, par exemple, de la santé et de la force de la prochaine génération ? »

    Comme l’illustrent aujourd’hui les émissions excessives de carbone et les nouveaux projets d’exploitation d’énergies fossiles, la centralité du marché et de la quête de profit est incompatible avec un tel souci pour le long terme. « L’argument écologique fut le principal argument de Neurath contre le fondamentalisme de marché, c’est-à-dire l’idée que les marchés sont la clé de résolution universelle des problèmes de coordination sociale », remarque Thomas Uebel.

    Cela fait-il de Neurath un écologiste ? L’homme avait conscience du caractère irréversible de certains dégâts infligés à la nature. Dressant une comparaison avec la reprise d’une production de pain ou la reconstitution d’un cheptel, il relève dans un de ses derniers textes « qu’il faut un temps beaucoup plus long pour reboiser des vastes zones de territoires et pour en changer le climat – et en quel temps bref une forêt et un climat peuvent être détruits ! ».

    Pour autant, il a aussi défendu avec peu de prescience la monoculture en matière agricole. Plus généralement, Thomas Kayzel le voit davantage comme une source d’inspiration que comme un véritable précurseur de l’économie écologique. Celle-ci conçoit l’économie comme un sous-système inscrit à l’intérieur du système Terre et soumis à la finitude des ressources planétaires, ce qui correspond à des intuitions mais pas à une vision aboutie chez Neurath.
    Pédagogie et délibération

    On peut également estimer incomplète sa compréhension du capitalisme. Focalisé sur la concurrence et la quête du profit, il a négligé la domination et la conflictualité sociales inhérentes à ce mode de production, de même que ses effets sur d’autres sphères de l’existence, comme l’oppression de genre et les rivalités impérialistes. Selon Gareth Dale, il a ainsi manqué la façon dont le capitalisme – a fortiori un capitalisme d’État – pouvait trouver un intérêt fonctionnel à la planification. Pour les mêmes raisons, sa critique du nationalisme et du racisme serait restée « rudimentaire ».

    Il n’en reste pas moins qu’Otto Neurath s’est distingué par sa conception « inclusive » de la planification. « Sa position est celle d’une construction démocratique de la rationalité, affirme Claire Lejeune. À ses yeux, les planificateurs et le centre politique n’ont pas le monopole de la décision, il est important de ménager une place à la pluralité des visions de ce que doit être un bon ordre social. »

    S’il s’est lui-même présenté comme un ingénieur social, il ne confondait pas ce rôle avec celui de philosophe-roi, ou d’un expert au-dessus des masses ignares. « Sa foi était grande dans le fait de définir et d’appliquer des programmes, précise Thomas Kayzel. Mais l’aspect délibératif comptait, car le but de la planification ne peut pas être établi de manière solitaire. Les “bonnes conditions de vie”, ce n’est pas quelque chose que des économistes et des ingénieurs peuvent calculer, les communautés concernées doivent s’exprimer dessus. »

    Neurath a ainsi distingué deux types de plans : un « plan directeur », fruit d’un processus démocratique d’identification et de hiérarchisation des besoins ; et un « plan technique », par lequel les experts mettent concrètement en musique la satisfaction de ces besoins, en tenant compte des diverses contraintes et en optimisant les ressources. Pour cela, Neurath accorde beaucoup d’importance aux données statistiques collectées et partagées de manière compréhensible par les pouvoirs publics.

    Ce n’est pas un hasard si l’économiste a travaillé pour plusieurs musées d’économie, notamment à Vienne, et sur la mise en forme visuelle d’informations, qu’elles soient chiffrées ou non. Avec sa compagne graphiste Marie Neurath et l’artiste Gerd Arntz, il a fondé un langage visuel international connu sous le nom de « système isotype », dont sont issus des pictogrammes que nous croisons tous les jours. « Sa visée était plus pédagogique que scientiste, défend Claire Lejeune. Il souhaitait inclure le corps social dans une prise de décision consciente. »

    La pensée de Neurath s’inscrit ainsi dans une tradition socialiste souhaitant poursuivre l’ambition des Lumières dans ses implications les plus radicales, c’est-à-dire l’exercice collectif de la raison, y compris dans le domaine de la production où l’on s’est habitués à ce que des décisions structurantes soient prises par une poignée de personnes, selon des critères éloignés de l’intérêt général et de la justice.

    C’est l’objectif de la démocratie économique qui est ainsi pointé. Rendu nécessaire pour lutter contre les « forçages » dont le système Terre fait l’objet, il a été perdu de vue par la social-démocratie au cours du XXe siècle. Ici réside l’actualité de Neurath, en plus du refus de la monétarisation et de la marchandisation des richesses naturelles.

    Même son souhait de raisonner « en nature » et « hors marché », qui pourrait apparaître hors de portée au regard de la complexité des économies actuelles, rencontre les nouvelles possibilités techniques de calcul et d’accumulation des données. Il fait en tout cas écho à la diversité des indicateurs dont le guidage de l’économie a désormais besoin, au lieu du simpliste produit intérieur brut (PIB).

    « Nous disposons aujourd’hui d’une grande quantité d’informations, qui devraient être considérées comme des “communs” pour naviguer dans l’anthropocène, et perfectionner nos outils d’action publique, estime Claire Lejeune. Otto Neurath nous rappelle qu’il ne sert à rien de rejeter la modernité en bloc, comme sont tentés de le faire certains écolos. L’héritage des Lumières comme l’histoire du socialisme ne sont pas monolithiques. »

    Neurath apparaît en tout cas comme une figure ayant plaidé pour une coordination centralisée et démocratique des activités économiques, au nom d’une répartition égale du bien-être qui ne soit pas opérée au détriment des générations futures. Si son socialisme proto-écologique laisse à désirer et n’offre pas de solutions clés en main à un siècle de distance, les coordonnées du défi qu’il proposait de relever nous sont familières.

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/190823/otto-neurath-sur-les-traces-d-une-planification-ecologique

  • Sur le climat, les frontières, la subsistance, le soin et la lutte | Out of the Woods
    https://cabrioles.substack.com/p/sur-le-climat-les-frontieres-la-subsistance

    Ainsi, nous devons penser l’organisation contre le changement climatique en prenant en compte le fait qu’il est médiatisé par un monde dominé par le capital colonial et hétéropatriarcal. La violence est organisée et différenciée par ces structures, et c’est par la lutte contre ces structures qu’il nous sera possible de subsister. Nous pouvons nous faire une image précise de ce qui a toujours été fait dans les luttes contre les catastrophes — des luttes reposant sur le soin, la reproduction sociale et l’hospitalité. Ce sont ces choses qui ont toujours permis aux gens de survivre aux catastrophes. Même si les choses vont de pis en pis, ça ne s’arrête pas là ; il y a toujours de la place pour la lutte collective.

    Out of the Woods est un collectif international de recherche partisane qui s’attelle, depuis 2014, à penser la #crise_écologique dans une perspective communiste, décoloniale, féministe et queer.

    · Notes de Cabrioles : Les éditions Présence(s) ont récemment traduit et publié L’Utopie Maintenant ! Perspectives communistes face au désastre écologique [https://presences-editions.me/utopie-maintenant ], le receuil des écrits d’Out the Woods, un collectif dont les analyses et perspectives résonnent particulièrement avec le travail que nous avons mené ici. Cette publication est importante et riche de la variété des thèmes abordés. L’entretien qui suit, réalisé en 2017, en est extrait. Nous remercions chaleureusement les éditions Présence(s) de nous avoir confié cette publication ·

    #présent_catastrophique #covid #écologie #migrants_climatiques #climat #racisme #environnementalisme #frontière #nécropolitique #expertise_populaire #dystopies #luttes #communisme_de_désastre #planification_fugitive #soin #reproduction_sociale #hospitalité #travail_reproductif #traitre #indigène #Terre_cyborg #nation_indigène

    • Ce à quoi nous devons résister ici, c’est au romantisme colonial occidental — il faut absolument le détruire, et il ne s’agit pas d’une sorte de problème littéraire abstrait, il est ce qui impulse une grande partie du mouvement écologiste au Royaume-Uni à l’heure actuelle. Il existe encore un imaginaire populaire d’une sorte de nature originelle que l’on retrouve aussi bien chez les membres de la Société royale pour la protection des oiseaux (Royal Society for the Protection of Birds) que chez les militants écologistes purs et durs, et il faut à tout prix le refuser. Et dans le même temps, nous devons nous assurer de ne pas devenir des technofuturistes prêts à embrasser l’idée d’une invasion technologique de tout ce qui existe, sans tenir compte du paradigme colonial et du développement de la technologie européenne comme arme et arbitre du « progrès » colonial. D’un certain point de vue, nous sommes ici coincés entre le marteau et l’enclume, entre l’idéalisation de la wilderness et l’idéalisation de la technologie, aussi néfastes l’une que l’autre.

      Mérite un dialogue avec l’œuvre de Charbonneau, qu’illes ne connaissent peut-être pas.

      une adhésion à la possibilité antinationaliste d’une Terre cyborg — qui ne nie pas en même temps la possibilité d’une nation indigène — est le genre de contradiction sur lequel nous devons travailler

      Par contre je ne sais pas ce qu’illes entendent pas là, ayant parlé plusieurs fois au cours de la conversation d’écologie cyborg (mmmh ?) sans définir ce que c’est (seulement « voir le chapitre XXX plus loin »). Donc soit faut lire le bouquin en entier, soit faut trouver une explication ailleurs du concept et de ce que ça implique.

  • Industrie verte : par l’odeur du fromage alléché...
    https://www.lutte-ouvriere.org/editoriaux/industrie-verte-par-lodeur-du-fromage-alleche-666354.html (l’éditorial de LO du 15 mai 2023)

    Depuis des mois, Macron étale son mépris des travailleurs en rejetant leurs principales revendications, l’abandon de la retraite à 64 ans et l’indexation des salaires sur les prix. Le voilà maintenant à se faire mousser avec une prétendue #réindustrialisation !

    Vendredi, à Dunkerque, il a dit son amour des ouvriers et de l’industrie. Lundi, à Versailles, il a déroulé le tapis rouge aux PDG étrangers pour qu’ils investissent en France. Un des symboles de cette industrie verte et pourvoyeuse d’emplois serait la voiture électrique et l’implantation d’un « hub de la batterie » dans les Hauts-de-France.

    On est loin du compte ! Vu l’énergie et les minerais nécessaires pour les batteries, il n’est pas sûr que la voiture électrique soit meilleure pour l’environnement. Quant aux emplois, le patronat compte bien en supprimer, estimant pouvoir fabriquer cette voiture avec moins de main-d’œuvre.

    La seule chose sûre, c’est que la #voiture_électrique est une aubaine pour les investisseurs. C’est un marché avec une croissance garantie puisque l’Union européenne veut interdire la vente de voitures neuves équipées d’un moteur thermique en 2035. Et c’est un marché avec subventions et aides étatiques garanties !

    Tous les États, à commencer par les États-Unis, ont décidé d’y consacrer des milliards. C’est à qui, au prétexte de la souveraineté et de l’#écologie, sera le plus offrant !

    Le groupe #Northvolt, fabricant suédois de batteries, pourrait toucher 8 milliards de dollars s’il s’installait aux États-Unis plutôt qu’en Allemagne. #Volkswagen vient de négocier avec le Canada l’installation d’une usine de batteries, avec 8 à 13 milliards de dollars à la clé.

    Pour installer son usine à Dunkerque, le fabricant de #batteries taïwanais #Prologium s’est vu, lui, offrir 1,5 milliard d’aides directes de l’État, mais aussi des aides pour la recherche et développement, et la garantie de salariés formés et en nombre.

    Alors oui, cela déchaîne une concurrence féroce entre les États et, évidemment, les États-Unis n’ont aucun mal à faire la course en tête. Mais les véritables vainqueurs de cette guerre économique sont les capitalistes. Il y a de l’argent, beaucoup d’argent à se faire dans la voiture électrique ! Et non seulement ils sont arrosés de cadeaux, mais les États leur garantissent les profits en leur livrant des travailleurs aux salaires rognés et aux conditions de travail toujours plus dures.

    Lundi, à Versailles, au sommet Choose France, Macron a énuméré les raisons que les capitalistes auraient d’exploiter les travailleurs ici plutôt qu’ailleurs : « Un cadre simplifié pour le licenciement économique », « de la flexibilité », « un coût du travail et des impôts patronaux en baisse »… Quoi de mieux pour un capitaliste ?

    Mais pour nous, travailleurs, cela n’annonce que des sacrifices. Parce que nous aurons à payer la note des cadeaux faits à ce grand patronat pour qu’il daigne nous exploiter. Parce que nous continuerons à être mis en concurrence avec les travailleurs des autres pays et pressés comme des citrons. Et enfin, parce que nous subirons encore et toujours les méfaits d’une économie anarchique et incapable de répondre à nos besoins.

    Oh, la France ne manquera pas de batteries pour équiper les futures voitures électriques ! Dans dix ans, nous en aurons peut-être même trop fabriqué car, évidemment, les capitalistes ne se concertent pas pour calculer le volume nécessaire. Mais, surtout, est-ce qu’il y aura bien de l’électricité pour charger les batteries ? Est-ce qu’il y aura des bornes ? Que fera-t-on des batteries usagées ? Personne ne le sait.

    Rien de tout cela n’est organisé car le #capitalisme est le règne du marché, de la concurrence et de la propriété privée. C’est l’exact opposé de l’organisation et de la #planification.

    Aujourd’hui, tous les capitaux se ruent sur la voiture électrique et il en manque pour construire des logements. La même pénurie règne du côté des médicaments et les familles de malades doivent courir les pharmacies pour trouver du paracétamol, des antiépileptiques ou de l’amoxicilline. C’est toute la stupidité et le gâchis d’un système qui n’est pas conçu pour répondre aux besoins de la population, mais pour réaliser du profit.

    Macron peut cirer les bottes des magnats capitalistes. Mais tant que ce sont eux qui ont le pouvoir sur les capitaux et les grandes entreprises, l’économie sera gérée en dépit du bon sens.

    Alors, nous travailleurs, nous n’avons sûrement pas à applaudir à leur dernière idée en date pour faire du profit. Nous avons à nous battre pour préserver ce qui nous est essentiel : notre salaire, notre emploi, notre logement, nos conditions de vie, avec la conscience que la domination de ces parasites n’a aucune légitimité.

  • Ces penseurs de gauche qui abrutissent…

    Dominique Méda, par exemple.

    Qui est l’une de ces idéologues soporifiques qui m’insupportent le plus.

    Leur fonction : répandre l’idée que la guerre sociale que mènent #Macron et ses gouvernements ne relève que d’un (mauvais) choix idéologique et qu’ainsi il suffirait de changer les hommes qui administrent l’État pour qu’il en soit différemment.

    Ce vieux bullshit sur lequel, fondamentalement, repose le mensonge réformiste depuis toujours.

    Disparue toute analyse de classe, tant de l’État que des nécessités prédatrices de la reproduction du capital.

    Nous devrons réduire l’emploi dans certains secteurs, le développer dans d’autres, le bâtiment, l’agriculture, les énergies renouvelables, les infrastructures, le recyclage… Cela doit être anticipé, cartographié, accompagné : planifié. Les études montrent que le solde de ce vaste mouvement devrait être positif pour l’emploi, mais à condition qu’il soit bien organisé. Ces filières à développer fourniront des emplois sans aucun doute très utiles, plus utiles qu’un grand nombre de « bullshit jobs » aujourd’hui, et devraient donc satisfaire les attentes des jeunes.

    Construire un capitalisme rationnel… Elle enseigne cette crétinerie à l’université.

    Cette #planification devrait être le grand chantier enthousiasmant du pays. Mais la phagocytation de l’économie par l’#idéologie_néolibérale empêche d’appréhender les impératifs complexes. Il faut d’urgence changer le travail, et c’est sans doute la toute première des choses à faire plutôt que toutes ces réformes qui vont encore aggraver le malaise.

    (Libération)

    Changer les mentalités pour rendre le #capitalisme vertueux…

    Une planification compatible avec la loi du capital et utile à la collectivité…

    De vieilles sornettes qui empêchent encore de poser les vrais enjeux.
    #Dominique_méda #chien_de_garde #réformisme #sociologie

  • La planification économique (2/3) : Ha-Joon #Chang et la planification capitaliste

    Je fais suite à mon premier billet, sur la #planification_économique au sens #communiste du terme : voir https://seenthis.net/messages/976193 Regardons maintenant la planification indicative sous les économies capitalistes.

    Ha-Joon Chang, dans 23 Things They Don’t Tell You About Capitalism, explique que « Capitalist economies are in large part planned », contrairement à l’idée reçue que l’échec du communisme aurait démenti les avantages supposés de la planification :

    Governments in capitalist economies also plan, albeit not in the same comprehensive way that the central planning authorities in communist countries did.

    […]

    [M]any capitalist countries have successfully used what is known as ‘indicative planning’. This is planning that involves the government in a capitalist country setting some broad targets concerning key economic variables [...] and working with, not against, the private sector to achieve them.

    Ha-Joon Chang cite ensuite plusieurs exemples de succès de la planification capitaliste (selon lui) :

    – Le dirigisme en France pendant les années 1950 et 1960, permettant au pays de « dépasser l’économie britannique en tant que deuxième pouvoir industriel de l’Europe. »

    – D’autres succès en Europe dans les années ‘50 à ‘70 : la Finlande, le Norvège, l’Autriche.

    – Les « East Asian miracle economies » entre les années 1950 et les années 1980 (le Japon, la Korée du Sud, le Taïwan), dont il est particulièrement enthousiaste.

    –—

    Chang fustige donc le « prejudice against planning », insistant qu’à condition de garder des mécanismes de #marché elle permet de grands succès économiques. La planification joue déjà, que l’on le veuille ou non, un rôle dans les économies capitalistes :

    Between the planning that is going on within corporations and various types of planning by the government, modern capitalist economies are planned to a very high degree.

    Il faut donc la déployer de façons adaptées au contexte afin qu’elle soit propice à un meilleur fonctionnement de #l’économie :

    The question, then, is not whether to plan or not. It is what the appropriate levels and forms of planning are for different activities.

    –—

    On l’aura bien compris, Chang ne sort jamais du #capitalisme lorsqu’il défend la planification. En tant qu’argument descriptif, il est plutôt convaincant : ce n’est qu’avec des abstractions absurdes ou par la rhétorique la plus exagérée que l’on parvient à croire qu’il existerait un réel #free_market dans nos économies. (Apprécions aussi que les doctrines économiques libérales sont souvent avancées par des idéologues de mauvaise foi.)

    Sur le plan normatif, je suis plus réticent. D’une part, il a raison de s’opposer aux pratiques qui découleraient de théories libérales ; de l’autre, par contre, son imagination des alternatives est tristement bornée. Pour faire face à la #crise_climatique, à l’inégalité, à la souffrance, à la faim, il faut aller plus loin que Chang propose. Il nous faut imaginer avec sérieux les alternatives non-capitalistes. Et, pour cela, il nous serait utile de revenir aux débats socialistes sur la planification—dans mon prochain billet !

  • #Glasgow becomes UK’s first city to adopt feminist town planning approach

    SCOTLAND’S biggest city has become the first in the UK to back a “#feminist_town-planning” strategy.

    Councillors in Glasgow have backed a motion which called on the council to ensure the needs of women are put at the centre of how planning decisions on roads, parks and new buildings are made.

    It could see new rules introduced requiring new pavements to be wide enough to accommodate buggies or for parks to be brightly lit at night.

    Greens councillor Holly Bruce put forward the motion which was backed by a majority of the local authority on Thursday.

    She said that traditional town planning rules did not adequately cater to the needs of women.

    Her motion called on the council to make the needs of women central to “all aspects of planning, public realm design, policy development and budgets”.

    Bruce added: “Women, and those of marginalised genders, have a right to the city, have a right to not only to exist but to flourish in its environment.

    “I’m delighted that our motion received unanimous support from across the chamber today and it’s so exciting to consider how much better Glasgow can become with a feminist approach to designing our city.

    “For too long, our streets, parks and buildings have been designed by men. The apparently ‘gender-neutral’ approach that we’ve used for centuries has meant that the male perspective has become the default.

    "These shortcomings have often been unintended, and are an obvious consequence of having too few women in the rooms where decisions are made.”

    https://www.thenational.scot/news/23083380.glasgow-becomes-uks-first-city-adopt-feminist-town-planning-a

    #féminisme #villes #Holly_Bruce #planification_urbaine_féministe #femmes #droit_à_la_ville
    #TRUST #master_TRUST

  • La planification économique (1/3) : Eugène #Zaleski et la planification communiste

    Je continue de définir certains termes importants pour mon #Projet_de_recherche — aujourd’hui, la planification économique sous le #communisme. Selon le Dictionnaire du communisme de Larousse :

    La #planification est l’outil stratégique par lequel #Lénine espère éliminer la « main invisible » du marché propre au #capitalisme. Aux effets imprévisibles du marché, le plan prétend substituer la vision claire et à long terme d’objectifs fixés centralement pour la réalisation des buts sociétaux. (p. 449)

    L’article en question se montre bien trop hâtif à l’opposer sous toutes ses formes, perdant toute objectivité. Mais elle renvoie (en le citant sans référence) à un article intéressant de Xavier Richet, « Fluctuations, déséquilibres et ouverture dans les économies de type #soviétique » :

    https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1986_num_37_3_408928

    Selon Richet, dans La planification stalinienne d’Eugène Zaleski l’auteur affirme que :

    Dans ces conditions, [celles de la planification sous #Staline, nda] l’existence d’un plan central, cohérent et parfait, réparti et exécuté à tous les échelons, n’est qu’un mythe. On se trouve plutôt en présence d’une quantité innombrable de plans en perpétuelle évolution et dont la #coordination définitive n’a lieu qu’après sa mise en œuvre. Il en découle l’émergence d’un pouvoir de gestion comme seule réalité concrète s’incarnant dans l’administration économique strictement hiérarchisée, des ministères de branche à l’entreprise, soumise à une discipline sévère. Selon E. Zaleski, il convient donc de parler d’une #économie centralement gérée ; la #centralisation excessive n’est pas contradictoire avec l’atomisation des décisions en matière économique ; la centralisation, en fait libère des espaces d’autonomie dont profitent les instances intermédiaires et subalternes.

    Puis, à la page 614 du livre de Zaleski, on trouve la phrase suivante, résumant sa vision :

    “La tâche principale du planificateur stalinien n’est pas de coordonner les plans. Son but est plus ambitieux – imposer au pays sa vision du futur” (p. 614)

    Question à explorer dans la deuxième partie : que peut-on dire de la planification capitaliste, revendiquée par Ha-Joon Chang ?

    _
    Références :
    Courtois, Stéphane, ed. 2007. Dictionnaire du communisme. A présent. Paris : Larousse.

    Richet, Xavier. 1986. ‘Fluctuations, déséquilibres et ouverture dans les économies de type soviétique’. Revue économique 37 (3) : 579–84.

    Zaleski, Eugène. 1984. La Planification Stalinienne  : Croissance et Fluctuations Économiques En U.R.S.S., 1933-1952. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3323677d.

  • Serbia, ancora violenza contro chi manifesta
    https://www.balcanicaucaso.org/aree/Serbia/Serbia-ancora-violenza-contro-chi-manifesta-219779

    I recenti fatti di Novi Sad, dove una protesta di cittadini contro l’applicazione del nuovo Piano regolatore è stata duramente repressa dalla polizia e da guardie private, confermano la tendenza del regime Aleksandar Vučić ad usare la violenza per reprimere il dissenso

  • Vienne, capitale de l’urbanisme « sensible au genre » | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/250722/vienne-capitale-de-l-urbanisme-sensible-au-genre#at_medium=custom7&at_camp

    Vienne (Autriche).– Avec ses immeubles peu élevés et ses espaces communs sagement entretenus et arborés, l’ensemble de logements sociaux Frauen Werk Stadt (« Femme, travail, ville ») ressemble à de nombreux autres quartiers d’habitations de la capitale autrichienne. Mais sa construction, achevée en 1997, a représenté une petite révolution. Élaboré par quatre femmes architectes, ce complexe résidentiel a été l’un des premiers projets pilotes intégrant les principes de l’urbanisme dit « sensible au genre ».

    Ici, tout a été conçu pour faciliter les tâches du quotidien : courses, lessive, prise en charge des enfants. Un travail non rémunéré encore effectué en grande partie par les femmes. Ainsi, ont été installés au sein de l’ensemble un supermarché, une crèche, un cabinet médical, une pharmacie. De quoi limiter les déplacements souvent chronophages qu’implique le travail domestique.

    Une dimension également intégrée à l’intérieur des bâtiments : les machines à laver communes n’ont pas été reléguées dans une salle sombre à la cave, comme cela est souvent le cas à Vienne, mais sont situées dans les étages supérieurs qui donnent accès à un toit-terrasse offrant une vue sur tout l’ensemble. Chaque étage dispose d’un local commun de rangement. Les mères peuvent ainsi prendre l’ascenseur avec leur poussette et la laisser devant leur porte, sans avoir à porter enfants et sacs de courses dans les bras. Les cages d’escalier sont larges et éclairées par la lumière naturelle pour inciter les habitant·es à s’arrêter et à discuter, permettant ainsi de créer du lien entre voisin·es et de se rendre éventuellement des services.

    Ça ne remet pas en cause la répartition genrée des tâches domestiques mais c’est déjà ça

    Les parcs publics représentent l’un des exemples les plus aboutis de cette démarche : grâce à une étude sociologique, la municipalité se rend compte que les jeunes filles désertent ces lieux, passé l’âge de dix ans, car elles n’y trouvent plus leur place. En 1999, deux parcs sont alors choisis pour être réaménagés selon des critères de sensibilité au genre : des cages de football sont déplacées pour permettre une utilisation plus diversifiée de la pelouse, des buissons sont enlevés, et l’éclairage est renforcé pour améliorer la visibilité et accroître le sentiment de sécurité, des toilettes publiques sont installées, ainsi que des hamacs qui permettent de se rassembler et de discuter au calme.

    • Vienne, capitale de l’urbanisme « sensible au genre »

      Depuis 30 ans, la capitale autrichienne cherche à assurer un partage équitable de l’espace public entre hommes et femmes. #Aménagement des #parcs, #trottoirs, #éclairage : pionnière de cet urbanisme « sensible au genre », la ville est mondialement reconnue pour sa qualité de vie.

      Avec ses immeubles peu élevés et ses espaces communs sagement entretenus et arborés, l’ensemble de logements sociaux Frauen Werk Stadt (« Femme, travail, ville ») ressemble à de nombreux autres quartiers d’habitations de la capitale autrichienne. Mais sa construction, achevée en 1997, a représenté une petite révolution. Élaboré par quatre femmes architectes, ce complexe résidentiel a été l’un des premiers projets pilotes intégrant les principes de l’urbanisme dit « sensible au genre ».

      Ici, tout a été conçu pour faciliter les tâches du quotidien : courses, lessive, prise en charge des enfants. Un travail non rémunéré encore effectué en grande partie par les femmes. Ainsi, ont été installés au sein de l’ensemble un supermarché, une crèche, un cabinet médical, une pharmacie. De quoi limiter les déplacements souvent chronophages qu’implique le travail domestique.

      Une dimension également intégrée à l’intérieur des bâtiments : les machines à laver communes n’ont pas été reléguées dans une salle sombre à la cave, comme cela est souvent le cas à Vienne, mais sont situées dans les étages supérieurs qui donnent accès à un toit-terrasse offrant une vue sur tout l’ensemble. Chaque étage dispose d’un local commun de rangement. Les mères peuvent ainsi prendre l’ascenseur avec leur poussette et la laisser devant leur porte, sans avoir à porter enfants et sacs de courses dans les bras. Les cages d’escalier sont larges et éclairées par la lumière naturelle pour inciter les habitant·es à s’arrêter et à discuter, permettant ainsi de créer du lien entre voisin·es et de se rendre éventuellement des services.

      Un aspect particulièrement important pour Martina Kostelanik, qui a emménagé dès 1997 dans son appartement, un rez-de-chaussée avec jardin qu’elle compte bien ne jamais quitter : « Quand nous sommes arrivés ici, il n’y avait que des jeunes familles et nous avons maintenu des liens d’amitié, même avec ceux qui ont déménagé. Les enfants ont grandi ensemble et sont toujours en contact. »

      Aujourd’hui retraitée, elle a élevé ses trois enfants à Frauen Werk Stadt, tout en travaillant dans la cantine d’une école : « Ici, c’est très pratique. Il y a deux aires de jeux dans des cours intérieures et on peut laisser les enfants y aller seuls car on peut les surveiller depuis notre jardin. Les voitures ne peuvent pas passer, il n’y a donc aucun danger. Et puis il y a la crèche qui est directement dans l’ensemble, beaucoup d’espaces verts, des endroits pour faire du vélo avec les enfants. Il n’y a pas besoin d’aller ailleurs pour les occuper. C’est super ! »

      Désormais, ses enfants ont grandi et quitté le domicile familial. Comme les appartements sont modulables pour s’adapter aux différentes périodes de la vie, elle a pu facilement faire tomber une cloison qui séparait sa chambre de celle des enfants, afin d’avoir plus d’espace. Son logement ne comprend aucune marche sur laquelle elle pourrait trébucher, le médecin et la pharmacie ne sont qu’à quelques mètres. Dernier aspect important pour la retraitée : le #sentiment_de_sécurité. L’#éclairage a été étudié pour éviter tout recoin sombre, parfois source d’angoisse pour les femmes, et les larges fenêtres des pièces de vie donnent sur les espaces communs pour pouvoir toujours être à portée de regard.

      Après 25 ans à vivre ici « comme dans un village », Martina Kostelanik se dit très satisfaite. Pourtant, quand on lui fait remarquer que cet ensemble a été spécifiquement conçu pour prendre en compte les besoins des femmes, elle sourit et admet qu’elle l’ignorait. C’est tout le #paradoxe de cette approche pour Eva Kail, urbaniste à la mairie de Vienne : « Quand tout fonctionne bien au quotidien, alors ça devient invisible. » Cette experte est l’une des pionnières de l’urbanisme sensible au genre et n’a cessé de convaincre autour d’elle de l’importance de la démarche.

      Une politique initiée dans les années 1990

      En 1991, elle organise une exposition photo retraçant une journée dans la vie de huit femmes à Vienne, une mère célibataire, une étudiante en fauteuil roulant, une cadre… afin de montrer comment s’organise leur quotidien dans l’#espace_urbain. Pour la première fois, des données relatives aux différents #moyens_de_transport sont ventilées par sexe et le constat est sans appel : les automobilistes sont majoritairement des hommes, et les piétons, des femmes. Une réalité sur laquelle personne ne s’était alors penché : « À l’époque, on avait coutume de dire que les responsables de la #planification des #transports étaient des automobilistes blancs de la classe moyenne et ils ont eu une grande influence sur cette politique d’urbanisme », estime Eva Kail.

      La planification des transports était alors principalement centrée sur les trajets en voiture entre le domicile et le travail mais prenait peu en compte les nombreux itinéraires empruntés par les femmes dans leur quotidien. L’exposition permet ainsi de thématiser les problématiques des piéton·nes : largeur des trottoirs, éclairage urbain, temps laissé par les feux tricolores pour traverser. Avec 4 000 visiteurs et visiteuses, l’exposition est un succès et, quelques mois plus tard, la municipalité décide d’ouvrir le Frauenbüro, le « bureau des femmes », pour apporter plus d’attention aux besoins des habitantes. Eva Kail en prend la direction. Un numéro d’urgence joignable 24 heures sur 24 est mis en place, de nombreux projets pilotes, dont Frauen Werk Stadt, sont lancés.

      Les parcs publics représentent l’un des exemples les plus aboutis de cette démarche : grâce à une étude sociologique, la municipalité se rend compte que les jeunes filles désertent ces lieux, passé l’âge de dix ans, car elles n’y trouvent plus leur place. En 1999, deux parcs sont alors choisis pour être réaménagés selon des critères de sensibilité au genre : des cages de football sont déplacées pour permettre une utilisation plus diversifiée de la pelouse, des buissons sont enlevés, et l’éclairage est renforcé pour améliorer la visibilité et accroître le sentiment de sécurité, des toilettes publiques sont installées, ainsi que des hamacs qui permettent de se rassembler et de discuter au calme.

      Résultat : les jeunes filles commencent à utiliser une plus grande partie de ces parcs, même si la municipalité a dû faire face à des critiques qu’elle n’avait pas anticipées : « Il y avait un parc où on avait beaucoup amélioré la visibilité. Des jeunes filles sont venues se plaindre car leur mère pouvait désormais voir de la fenêtre ce qu’elles faisaient en bas et ça ne leur a pas du tout plu ! […] On n’y avait pas pensé ! On aurait dû leur laisser quelques recoins », s’amuse Eva Kail. À partir de ces expériences, des listes de recommandations ont été établies et s’appliquent désormais à l’ensemble des parcs de la capitale.

      #Seestadt, un immense quartier en construction

      Si l’urbanisme sensible au genre a, dans un premier temps, fait l’objet de nombreuses réticences et nécessité un important travail de pédagogie parmi les fonctionnaires de la municipalité, la démarche est aujourd’hui pleinement intégrée à la stratégie de développement de la ville, dirigée de longue date par les sociaux-démocrates. Pour s’en convaincre, direction Seestadt, en périphérie de Vienne. Sur 240 hectares, un nouveau quartier monumental est en train de sortir de terre. Autour d’un lac artificiel, plus de 4 300 logements ont déjà été construits. À terme, aux alentours de 2035, ce quartier devrait accueillir plus de 25 000 habitant·es, ainsi que 20 000 emplois : l’un des projets de développement urbain les plus importants d’Europe.

      Gunther Laher, responsable du suivi du projet pour la municipalité, nous guide dans les allées de cette ville nouvelle avec enthousiasme. Premier signe évident de l’importance accordée à la dimension de genre : les rues, places et parcs portent ici le nom de femmes célèbres. « Avant ce quartier, 6 % des rues de Vienne étaient nommées d’après une femme. On a porté ce chiffre à 14 % », se réjouit le fonctionnaire, pour qui cette décision va au-delà du symbole. « En voyant ces noms, les habitants commencent à s’intéresser à la biographie de ces femmes. Ça contribue à changer les perceptions. »

      Ici, de nombreuses rues sont piétonnes, le dénivelé entre la chaussée et le trottoir n’excède jamais trois centimètres pour faciliter les déplacements avec une poussette ou en fauteuil roulant. Même les commerces, installés le long de la rue Maria-Tusch, ont fait l’objet d’une planification : « Quand on construit un tel quartier, il y a peu d’habitants au début. Pour être sûr qu’ils aient à disposition ce dont ils ont besoin, on ne peut laisser faire le marché privé […]. On loue les boutiques en rez-de-chaussée et on s’assure que pendant dix ans, le local ne puisse être utilisé par un autre secteur d’activité. Le boulanger sera donc toujours un boulanger, le coiffeur toujours un coiffeur », explique Gunther Laher. Ainsi, la municipalité garantit que les habitant·es n’auront pas besoin de courir d’un bout à l’autre de la ville pour faire leurs courses.

      Toutes les politiques de la ville doivent prendre en compte le genre

      Depuis 2006, Vienne a également mis en place un budget sensible au genre (gender budgeting), pendant financier de sa politique d’urbanisme. Chaque département de la mairie doit ainsi s’assurer que ses dépenses contribuent à une amélioration de l’égalité entre les sexes. Si la rénovation d’une rue doit être financée, il faudra se demander quelle place est accordée à la chaussée, donc aux automobilistes, donc majoritairement aux hommes, et quelle place est accordée aux piéton·nes, en s’intéressant par exemple à la largeur des trottoirs.

      Michaela Schatz, responsable du département gender budgeting de la municipalité, se souvient d’une mise en place compliquée : « De nombreux services nous ont dit : “Nous travaillons déjà pour l’ensemble des Viennois.” Il a donc fallu leur montrer qui avait l’usage de telle ou telle prestation. »

      Quinze ans plus tard, la prise de conscience a eu lieu et la démarche, qui s’applique à l’ensemble du budget de la ville, soit 16 milliards d’euros, a permis d’importantes réalisations, selon Michaela Schatz : « Depuis 2009, les enfants de 0 à 6 ans peuvent aller gratuitement à la crèche. […] Une étude a ensuite montré que cette mesure avait eu un impact positif sur le PIB de Vienne. » Le taux d’emploi des mères âgées de 20 à 39 ans avec des enfants en bas âge a ainsi augmenté de 1,5 point sur la période 2007-2013.

      Reste que cette approche globale n’est pas exempte de critiques : à différencier ainsi les besoins, ne risque-t-on pas de renforcer les stéréotypes et d’enfermer les femmes dans un rôle de mère ou de victime ? « On ne peut pas avoir d’influence sur le partage des tâches entre les sexes à travers l’urbanisme. C’est une question de représentations sociales, de rapports de pouvoir au sein d’une relation. Mais on peut faire en sorte que ce travail domestique se fasse dans de bonnes conditions », répond Eva Kail.

      Autre défi : la croissance rapide de la population dans la capitale. Dans ce contexte, la tentation est grande d’aller vers plus d’économies et de faire des compromis sur la qualité des nouveaux logements, notamment sur leur conformité aux critères de sensibilité au genre. Mais cette année encore, Vienne a été élue ville la plus agréable à vivre au monde par l’hebdomadaire anglais The Economist. Parmi les critères déterminants : la qualité des infrastructures ou la diversité des loisirs, des domaines où les critères de sensibilité au genre sont depuis longtemps appliqués.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/250722/vienne-capitale-de-l-urbanisme-sensible-au-genre

      #villes #urban_matter #géographie_urbaine #TRUST #master_TRUST #Vienne #Autriche #espace_public #urbanisme_sensible_au_genre #Frauen_Werk_Stadt #travail_domestique #mobilité #mobilité_quotidienne #toponymie #toponymie_féministe #voitures #piétons #commerces #courses #budget_sensible_au_genre #gender_budgeting #égalité #inégalités #espace_public

  • Accord à gauche : nouvelle enseigne, vieilles illusions
    https://journal.lutte-ouvriere.org/2022/05/04/accord-gauche-nouvelle-enseigne-vieilles-illusions_305343.ht
    Qu’importe le programme pourvu qu’on ait le siège https://journal.lutte-ouvriere.org/2022/05/04/quimporte-le-programme-pourvu-quon-ait-le-siege_305342.html
    Du Front à l’Union populaire : au service de la bourgeoisie https://journal.lutte-ouvriere.org/2022/05/04/du-front-lunion-populaire-au-service-de-la-bourgeoisie_30534 #NUPES

    La marchandise a un goût de déjà-vu et n’a rien d’appétissant. [•••] Ces marchandages politiciens, assez banals somme toute avant de telles élections, s’accompagnent d’une opération politique dont l’enjeu pour les travailleurs et les classes populaires n’est pas sans conséquences : à nouveau tous les tenants de la gauche, jusqu’à une #gauche dite radicale, martèlent à l’unisson que le bulletin de vote peut être un bouclier pour les travailleurs et même un glaive ; à nouveau des partis qui, de l’Union de la gauche de Mitterrand à la Gauche plurielle de Jospin ou, plus près de nous, à la gauche de Hollande, ont utilisé les suffrages des classes populaires pour servir la bourgeoisie et le patronat, sont présentés comme des amis des travailleurs. Dans le passé, le résultat a toujours été de les anesthésier et de les démoraliser.

    « #Mélenchon, Premier ministre », c’est-à-dire la cohabitation d’un gouvernement de gauche avec Macron, est la perspective annoncée par les signataires de l’accord. La croient-ils possible eux-mêmes ? En tout cas, ils voudraient le faire croire aux travailleurs, aux chômeurs, aux retraités, aux familles populaires pour faire le plein de voix au nom du vote utile. Une telle « alternative de gauche », même dans sa variante recyclée et rassemblée par ce vieux politicien qu’est Mélenchon, ne servira qu’à étouffer la colère et les aspirations populaires dans les urnes en faisant miroiter un avenir meilleur par la vertu du bulletin de vote. Et dans l’hypothèse la plus probable où la gauche n’aurait pas la majorité parlementaire à l’issue des #élections_législatives, combien d’électeurs parmi les travailleurs et dans les quartiers populaires vivraient ce résultat électoral comme une défaite, les condamnant à attendre encore cinq ans avant une nouvelle tentative ? [•••]

    Tout le reste n’est que phrases creuses, comme l’éradication de la pauvreté, la #planification_écologique, etc., car nulle part il n’est question de s’en prendre à la dictature des grands trusts sur la vie économique, ni même à leurs profits insensés.

  • [RussEurope-en-Exil] La #Covid-19 et la #Planification dans les économies capitalistes – par #Jacques_Sapir
    https://www.les-crises.fr/russeurope-en-exil-la-covid-19-et-la-planification-dans-les-economies-cap

    Généalogie de « l’État stratège » La pandémie de la COVID-19 s’est traduite par le surgissement d’un évènement imprévu au conséquences majeures[1], qui a constitué pour les principaux décideurs et dirigeants une surprise radicale[2]. Il est alors apparu que les mécanismes existants de marché se sont révélé inadéquats pour faire face à une telle crise. […]

    #Économie #Capitalisme #Économie,_Capitalisme,_Covid-19,_Jacques_Sapir,_Planification

  • La città post-pandemica non potrà esistere senza giustizia sociale e spaziale

    Dove eravamo arrivati

    Parlare oggi di rigenerazione urbana e innovazione sociale non può avere lo stesso significato di qualche mese fa. È chiaro come l’emergenza pandemica lascerà un segno sia sulla capacità delle comunità urbane di attivarsi, sia sulla possibilità delle istituzioni di sostenerle.

    La letteratura sull’innovazione sociale sottolinea da tempo come le forme di innovazione sociale si attivino soprattutto in aree urbane a forte capitale sociale e che abbiano già sperimentato forme di attivazione dal basso; troviamo inoltre innovazione sociale soprattutto in quelle aree urbane capaci di favorire spazi di relazione caratterizzati da diversità sociale e culturale. Esiste quindi una relazione problematica tra innovazione sociale e diseguaglianze urbane.

    Le ricerche condotte in questi anni hanno inoltre dimostrato che l’innovazione sociale ha un forte bisogno di spazio e delle istituzioni per potersi ancorare e definire progettualità durature nel tempo e potenzialmente inclusive.
    Quali cambiamenti

    Capitale sociale, spazi in disuso, presenza delle istituzioni. L’emergenza pandemica avrà sicuramente un impatto su come questi 3 “ingredienti” dell’innovazione sociale si comporranno nei territori.

    Ci troveremo probabilmente di fronte ad una città mutata, dove le diseguaglianze sono destinate ad aumentare con un impatto su come il capitale sociale e la presenza di vuoti urbani saranno distribuiti nello spazio. Ci troveremo presumibilmente di fronte ad un aumento della dotazione di spazi vuoti, in maniera simile a quanto accadde dopo la crisi del 2008, ma ancora non conosciamo le geografie dell’abbandono e nemmeno le traiettorie con cui le società riabiteranno le città e le aree interne.

    Abbiamo di fronte un enorme spazio di opportunità. Quello di ripensare alla rigenerazione urbana via innovazione sociale non più come un insieme di pratiche, di sperimentazioni. Ma come una componente essenziale della pianificazione urbana se pensiamo che la città post-pandemica debba moltiplicare i suoi anticorpi per combattere le forme crescenti di diseguaglianze sociali e nell’accesso ai servizi pubblici di base.
    Nuove infrastrutture di comunità

    Questo orizzonte di opportunità si è intravisto in pieno lockdown alcuni mesi fa. In tantissimi comuni, in piena emergenza, gli spazi di rigenerazione sono diventati infrastrutture di comunità, servendo i territori e le persone più in difficoltà. Luoghi in cui lasciare la spesa sospesa, dove organizzare i volontari per le distribuzioni di quartiere, dove raccogliere fondi per le famiglie più in difficoltà. In diversi casi si sono create delle collaborazioni inedite tra comunità e istituzioni, andando oltre le classiche frammentazioni tra corpi sociali, per rispondere ad una emergenza sanitaria senza precedenti. Anche la collaborazione tra città e comuni più piccoli su scala metropolitana è spesso stata facilitata dai legami a rete tra questi spazi di comunità. Una infrastruttura sociale importante che in diversi casi ha saputo uscire dai confini comunali.

    In una crisi epocale, ‘le iniziative di innovazione sociale si sono moltiplicate uscendo spesso da classici steccati di appartenenza perché al centro è sembrato tornare l’essere umano più che le categorie a cui appartiene’. In un articolo scritto su The Guardian in piena pandemia, Richard Sennett aveva aperto ad alcuni interessanti ragionamenti in questo senso.

    Le esperienze di innovazione sociale, in particolare in emergenza Coronavirus, mostrano che lo spazio conta: spazi innesco specifici o sistemi di spazi da cui partono azioni variegate con effetti territoriali più o meno rilevanti. Senza spazi a cui ancorare il lavoro di comunità, tante azioni di mutuo aiuto non sarebbero state attivate in emergenza Coronavirus.

    È all’interno di spazi che abbiamo visto organizzarsi le comunità. Spazi che sono diventati infrastrutture di prossimità: luoghi capaci non solo di essere spazi di welfare, ma di essere infrastrutture per le istituzioni che hanno provato ad adattarsi per rispondere meglio all’emergenza. Non è un caso che la VII Commissione del Parlamento italiano abbia per la prima volta riconosciuto con una risoluzione il ruolo degli spazi rigenerati a base culturale come vere e proprie infrastrutture sociali a cui le istituzioni si possono ancorare per definire percorsi di welfare innovativi.

    Nella situazione eccezionale che ha portato a collaborare oltre i soliti steccati di appartenenza, spazi abitativi, servizi socio-sanitari, servizi educativi e religiosi, spazi commerciali e spazi abitativi hanno dimostrato la potenzialità, insieme, di generare o catalizzare forme di capitale sociale. In ognuno di questi spazi è stato mobilitato capitale sociale da utilizzare in chiave di cambiamento, a riprova del fatto che quando parliamo di innovazione sociale, si intendono processi capaci di rigenerare a partire dal supporto di tutte le infrastrutture sociali e spazi di welfare presenti sul territorio.
    Le sfide alla pianificazione urbana

    Come questo scritto ha provato a far vedere, gli spazi di rigenerazione urbana via innovazione sociale hanno dimostrato un valore potenziale nuovo. Quello di essere finalmente riconosciuti anche per il loro valore di presidi e infrastrutture di comunità, capaci di mettere in campo forme inedite di sostegno e di welfare, in collaborazione con le istituzioni e altri corpi intermedi.

    A maggior ragione in questo momento torna al centro la necessità per la pianificazione urbana di riconoscere il valore di questo micro-spazi di relazione. Siamo di fronte alla necessità di un cambio di paradigma, non solo per le forme di analisi urbana e territoriale. La pianificazione ha sempre di più il compito di definire possibili traiettorie di cambiamento di cui soggetti diversi si possono appropriare per definire forme di collaborazione anche inedite con la pubblica amministrazione. La pianificazione è posta di fronte sempre di più alla necessità di facilitare processi più che solo progettarli e in quest’ottica lo spazio di prossimità appare come una palestra per l’azione importante. La pianificazione, in particolare in emergenza, necessita di tempi di azione diversi, di saper lavorare per scenari intermedi senza perdere un orizzonte di cambiamento.

    Il Comune di Bologna, spesso pioniere in questo campo, ha lavorato alla definizione di un Piano Urbanistico Generale che identifica 24 strategie di prossimità in cui gli spazi di innovazione sociale diventano occasioni stabili di interazione, luoghi importanti non solo per l’analisi dei bisogni ma anche per definire future traiettorie di trasformazione. Spazi intermedi di progettazione dove poter davvero mettere al valore su scala di prossimità proposte su più settori (abitare, economia, sociale, ambiente, infrastrutture) senza però rinunciare ad una pianificazione su scala più ampia, quella urbana.

    Nella città post-pandemica, il concetto di giustizia sociale e spaziale riprenderà ancora più senso. Porre attenzione (e quindi intervenire) sull’inserimento differenziato allo spazio abitativo, allo spazio pubblico e alla sfera pubblica, alle opportunità lavorative, nonché al reale coinvolgimento nei processi di policy, significa agire in alcune dimensioni sociali e materiali che sono all’origine delle diseguaglianze urbane.

    Sono questi alcuni dei ragionamenti che ci hanno portato, anche quest’anno, a rivedere l’offerta formativa di Master U-Rise dell’Università Iuav di Venezia, potenziandole l’interdisciplinarietà e la capacità progettuale. Perché un professionista che vuole lavorare in ambienti complessi non può rinunciare ad essere allo stesso tempo riflessivo e pratico, a mantenere uno sguardo alto sul mondo ma sapendone maneggiare gli attrezzi giusti una volta sul campo.

    https://www.che-fare.com/urise-citta-post-pandemica-giustizia-sociale-spaziale

    #Elena_Ostanel
    #villes #coronavirus #pandémie #post-pandémie #urban_matter #urbanisme #géographie_urbaine #innovation_sociale #régénération_urbaine #inégalités #friches_urbaines #vide #planification_urbaine #justice_sociale
    #TRUST #master_TRUST

    • Le projet #Neighbourchange de Elena Ostel

      #Neighbourchange

      In and beyond Europe today we witness strengthened structural spatial divisions within city neighbourhoods, with increased inequality and sharper lines of division. Neighbourhoods are increasingly diverse in socio-economic, social and ethnic terms, but many differences also exist in lifestyles, attitudes and activities. Continuing immigration and increasing socio-economic and ethnic concentration in neighbourhoods question social cohesion in local societies worldwide.

      In Europe, high rates of unemployment, austerity and poverty make diverse neighbourhoods and local societies increasingly complex and contested. The polarisation of urban space exacerbates and ethnic concentration in neighbourhoods overlaps with situations of social exclusion and deprivation.

      Against this backdrop, we witness a stalled urban regeneration investment as well as the welfare state provisions across many European cities and disadvantaged neighbourhoods, with finance enormously inhibited outside core economic areas following the 2007 financial crisis; more importantly, dissimilar top-down revitalisation strategies have resulted in new urban dynamics and urban tensions, gentrification processes and social exclusion.

      In this context, urban neighbourhoods have become a privileged unit of policy intervention where community-based initiatives have been experimented with the aim to produce social cohesion and transforming power relations and socio-spatial inequalities. Social innovation has become a buzzword often associated to community-led regeneration processes.

      But the efficacy of community-based initiatives inspired by a social innovative approach needs to be further assessed in a condition when the State is constantly retreating.

      https://www.elenaostanel.com/neighbourchange

  • La ville du quart d’heure - Paris et petite couronne | Apur
    https://www.apur.org/fr/geo-data/ville-quart-heure-paris-petite-couronne

    Cette carte indique la zone d’accessibilité à 5 minutes à pied pour 3 principaux commerces du quotidien : boulangerie, pharmacie et marchand de journaux/librairie. Dans les zones en bleu, les habitants ont accès, en 5 minutes à pied à ces 3 types de commerces à la fois ; dans les zones en rose foncé, les habitants ont accès, en 5 minutes qu’à 2 types de commerces sur 3 ; dans les zones en rose pale, les habitants ont accès, en 5 minutes qu’à un type de commerce sur 3 ; enfin dans les zones grises, les habitants se situent à plus de 5 minutes de l’un ou l’autre de ces types de commerces. Les zones blanches correspondent aux bois, forêts, très grands équipements et ne sont pas habités.

    #ville #urban_matter #urbanisation #planification_urbaine

  • Seeing the city with #Nausicaa_Pezzoni, on mapping perceptions of European cities

    1. Could you describe your project on mapping perceptions of European cities by people with migration backgrounds, and what motivated you to initiate these projects?

    The project of mapping the city through the hand drawings of migrants aims at exploring an emerging issue in the contemporary governance of a city that is increasingly inhabited by transitory populations, namely, how its new inhabitants relate to the urban landscape. I have chosen to focus on people with migration backgrounds as exemplary of this transitory living, and of a relationship with the city more characterized by assigning meaning to urban spaces rather than appropriating them.

    In anthropology and sociology, the literature on the meaning of life as related to movement and instability is extensive and by now consolidated. From Bauman’s liquid modernity to Sennett’s exile man, to Attalì’s nomadic man, some descriptions have taken on the role of mapping our era.

    In urban planning, however, movement and temporariness remain under explored. Planning tools are still oriented towards permanence. Moving populations urge urban planning to update this consolidated paradigm based on permanence. The first motivation to initiate my research sprang from this consideration.


    2. What motivated you to choose the medium of cognitive maps to open up a dialogue with research participants?

    I started from the hypothesis that rethinking the city, and any attempt to consider temporary living in urban planning, cannot be separated from the observation and experience of people who live under the condition of transiency. How migrants represent the city also provides an opportunity to listen to people who are at the same time “guests” of the new city and are architects of its transformation.
    I have chosen the medium of cognitive maps as the most adept instrument to bring to the surface the lived space of a transitory living, both in the mind of those who draw and in the resulting drawings.

    Giving the pencil to the newcomers means giving them the possibility to propose their ideas of the city through its representation, as the representation itself is expected to produce a particular vision of reality, in contrast to a scientific, objectifying vision, which sees the map as a reflection of reality. It is a reason linked to the need to introduce new tools in order to read the contemporary city, as well as to expand the audience of subjects who can express an idea about the city.

    Starting from the question asked by Kevin Lynch sixty years ago to deepen his study on “The image of the city” (Lynch, 1960), “How does a stranger build an image of a new city?”, I have proposed an empirical research using and adapting the medium of mental maps first introduced by Lynch. Indeed, the question suggested by Lynch seemed to be very current in the city nowadays and had never been answered since it was asked.


    3. Based on your research, what do European cities represent for migrants?

    European cities represent the landfall territory, the threshold to cross and a place to live in. They also represent a place to build a new idea of the city itself, and of the society that could be. In the framework of an epochal migration crisis, my research took on an ethical aspect within urban policies. Maps become, in this context, tools to try and describe European cities differently from how they have always been represented and conceived. A migratory phenomenon of unthinkable proportions until ten years ago found in Europe inhospitable land, unable not only to host the populations that press on its borders, but also to see their possible contribution in the wider horizon of ideation and planning. As such, maps represent a city knowledge device in terms of building of a new awareness of the city itself.

    A new project was conceived, “Migrants mapping Europe”, aimed at applying the method introduced in Milan to other Italian and European cities, starting with the exploration of Bologna and Rovereto. This is the second phase of research, aimed at incrementally building a European map of the present time that brings to surface the meaning and forms of the first landing and of the transitory living conditions in the territories of contemporaneity.


    4. What were your expectations at the beginning of your project? Have they changed whilst carrying out research? If so, how?

    At the beginning of the research project, I did not expect the reaction received from of almost all the participants who were asked to draw their cognitive maps. However, the initial disorientation, disbelief, incomprehension, and often the interviewee’s resistance to draw, progressively disappeared. It was replaced by the surprising acceptance of that improbable challenge, which induced 150 migrants to a creative observation of the city, fully participating in a project that had no purpose that was immediately evident.

    What I understood and changed whilst carrying out my research is the necessity to project the interviewee into the current experience within the landing city, without looking back towards their past experiences, but rather focussing on their immanent condition.

    When, at the beginning of the survey, some participants were asked to speak about their backgrounds, their migration journey, their past, before drawing the map, those migrants found it impossible to draw any map, at all. Looking at the city they currently live in was actually the only way for them to be able to draw. It has proved to be a determining factor for the actual creation of the maps, and it has further convinced me that it was much more critical to invite participants to think about their current living conditions, rather than asking them to look back to their personal history.


    5. How do you ensure inclusion and participation in your projects? And how do you create a safe space for individuals to share their connection to the city as well as their personal history?

    I try to speak about the kind of participation involved in this experiment, and about its significance from the newcomers’ point of view. Amidst widespread and growing efforts to conduct participatory research, this survey has a particular goal, that is to offer a possibility for migrants to appropriate the city by recognizing their relationship to the urban space. Through their drawings of the map, they develop their sense of belonging to the city. The representation of the urban landscape drawn by migrants who are trying to find their bearings in the city is an act of self-organization within the landscape. The action of imagining and drawing the urban geography corresponds to the act of mentally inhabiting the city and in this way taking possession and transforming it from a space of estrangement into a space which is more articulated and complex, where even a person who has recently arrived can conceptualize and live within it. This is the reason why it is important for migrants to look at the city and not to look back at their history. We can say that the exercise of mapping makes explicit the act of taking to oneself to a space which, no longer about an estranging experience, becomes a space open to unpredictable inhabiting conditions.

    There is an ethical reason for this kind of participatory process. It is the opportunity to listen to participants’ point of view with the intention of building a level of equality between the expert and the disorientated gaze: It is an attempt to overcome the prerogative of power over the other that has always divided those who belong—to a territory, to a right, to a system—from those who are excluded.


    6. Could you share three maps that convey a particularly strong visualisation of how people with migration backgrounds perceive cities of transit?

    I chose one map of Bologna, one of Rovereto and one of Milan, which are the first three Italian cities included into the project “Migrants mapping Europe”. These surveys are going to be published in the second edition of my book with the title “La città sradicata. L’idea di città attraverso lo sguardo e il segno dell’altro” [The Uprooted City] (2020, O barra O edizioni, Milano)

    7. Your projects have investigated and voiced migrants’ perceptions of several cities, how were these settings similar and different from one another?

    In all the cities so far involved, the sample of interviewees included people from all over the world and who had not yet settled in the city. Thus, they had a mobile point of view, characterized mainly by instability.

    The instruments used for each interview were a sheet of A4 paper, pens, crayons and markers, which were left on the table available to the interviewees to choose the most appropriate graphical tools to draw their map. On the back of the map, newcomers were asked to write their name, age, country of origin, the location of their hometown, and duration of stay in that city.

    The interview also included information, if participants were willing to share, on the migratory path and the current working situation, to build a more complex picture of their condition. However, as I was saying earlier, the survey did not focus on the reasons for migration, nor the living conditions in the original country; the idea was to bring the newcomer directly to his current condition, to open up a reflection on the arrival city.

    The locations of interviews were different in the various cities, depending on the context in which the research originated. While in Milan they were chosen to reflect the heterogeneity of places where newcomers have their main activities, in the other Italian cities, interviews took place where the group of participants involved lived (Bologna) or where they attended school (Rovereto). In Paris, a group of people with migration backgrounds was interviewed at the École Normale Supérieure where they were attending an integration program with local associations.


    8. Who would you say is the target audience of your work and how has your work been received so far?

    At the beginning I thought I would address my work to urban planners. In fact, I used an interdisciplinary method to investigate the city, other disciplines were interested in opening up a dialogue with my research. Serveral discussions, in Italy and abroad, found food for thought and fertile ground for cross pollination in the areas of geography, anthropology, sociology, and the sciences of representation, in addition to the field of urban planning. The workshops I developed in the different cities are the results of these cross-pollinations . Recently, I took part in a seminar of postcolonial studies and it was on this occasion that I conducted the last workshop with migrants in Paris.


    9. What are going to be the next developments of your projects?

    The next developments of “The Uprooted City” are to map new cities, with the idea of changing the point of view on Europe as a whole. My hypothesis now is to propose an idea of Europe whose identity is not predefined. It is the possibility that its representation could be transformed by the observation of migrants, and it is the idea and the wish that Europe may be able to transform itself in relation to the foreigner who is coming. It is a hope that migrants could induce each city to represent itself with another map, in a framework oriented not to speak in the name of the other, but to allow the other to lead the narrative of the city.

    http://journal.urbantranscripts.org/article/seeing-the-city-with-nausicaa-pezzoni-on-mapping-perceptio

    #urbanisme #villes #géographie_urbaine #visualisation #cartes_mentales #cartographie #migrations #instabilité #planification_urbaine #permanence #mobilité #expérience #représentations #Kevin_Lynch #Milan #cartographie_participative #appartenance #dessin #Bologna #Rovereto

    –-> la référence à l’afflux sans précédent de migrants en Europe et la « crise migratoire » semblent vraiment ne pas réussir à s’effacer, même pour les personnes avec les meilleures intentions du monde :

    In the framework of an epochal migration crisis, my research took on an ethical aspect within urban policies. Maps become, in this context, tools to try and describe European cities differently from how they have always been represented and conceived. A migratory phenomenon of unthinkable proportions until ten years ago found in Europe inhospitable land, unable not only to host the populations that press on its borders, but also to see their possible contribution in the wider horizon of ideation and planning.

    ping @reka