#pouvoir_d’achat

  • #Université, service public ou secteur productif ?

    L’#annonce d’une “vraie #révolution de l’Enseignement Supérieur et la Recherche” traduit le passage, organisé par un bloc hégémonique, d’un service public reposant sur des #carrières, des #programmes et des diplômes à l’imposition autoritaire d’un #modèle_productif, au détriment de la #profession.

    L’annonce d’une « #vraie_révolution » de l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) par Emmanuel Macron le 7 décembre, a pour objet, annonce-t-il, d’« ouvrir l’acte 2 de l’#autonomie et d’aller vers la #vraie_autonomie avec des vrais contrats pluriannuels où on a une #gouvernance qui est réformée » sans recours à la loi, avec un agenda sur dix-huit mois et sans modifications de la trajectoire budgétaire. Le président sera accompagné par un #Conseil_présidentiel_de_la_science, composé de scientifiques ayant tous les gages de reconnaissance, mais sans avoir de lien aux instances professionnelles élues des personnels concernés. Ce Conseil pilotera la mise en œuvre de cette « révolution », à savoir transformer les universités, en s’appuyant sur celles composant un bloc d’#excellence, et réduire le #CNRS en une #agence_de_moyen. Les composantes de cette grande transformation déjà engagée sont connues. Elle se fera sans, voire contre, la profession qui était auparavant centrale. Notre objet ici n’est ni de la commenter, ni d’en reprendre l’historique (Voir Charle 2021).

    Nous en proposons un éclairage mésoéconomique que ne perçoit ni la perspective macroéconomique qui pense à partir des agrégats, des valeurs d’ensemble ni l’analyse microéconomique qui part de l’agent et de son action individuelle. Penser en termes de mésoéconomie permet de qualifier d’autres logiques, d’autres organisations, et notamment de voir comment les dynamiques d’ensemble affectent sans déterminisme ce qui s’organise à l’échelle méso, et comment les actions d’acteurs structurent, elles aussi, les dynamiques méso.

    La transformation de la régulation administrée du #système_éducatif, dont nombre de règles perdurent, et l’émergence d’une #régulation_néolibérale de l’ESR, qui érode ces règles, procède par trois canaux : transformation du #travail et des modalités de construction des #carrières ; mise en #concurrence des établissements ; projection dans l’avenir du bloc hégémonique (i.e. les nouveaux managers). L’action de ces trois canaux forment une configuration nouvelle pour l’ESR qui devient un secteur de production, remodelant le système éducatif hier porté par l’État social. Il s’agissait de reproduire la population qualifiée sous l’égide de l’État. Aujourd’hui, nous sommes dans une nouvelle phase du #capitalisme, et cette reproduction est arrimée à l’accumulation du capital dans la perspective de #rentabilisation des #connaissances et de contrôle des professionnels qui l’assurent.

    Le couplage de l’évolution du système d’ESR avec la dynamique de l’#accumulation, constitue une nouvelle articulation avec le régime macro. Cela engendre toutefois des #contradictions majeures qui forment les conditions d’une #dégradation rapide de l’ESR.

    Co-construction historique du système éducatif français par les enseignants et l’État

    Depuis la Révolution française, le système éducatif français s’est déployé sur la base d’une régulation administrée, endogène, co-construite par le corps enseignant et l’État ; la profession en assumant de fait la charge déléguée par l’État (Musselin, 2022). Historiquement, elle a permis la croissance des niveaux d’éducation successifs par de la dépense publique (Michel, 2002). L’allongement historique de la scolarité (fig.1) a permis de façonner la force de travail, facteur décisif des gains de productivité au cœur de la croissance industrielle passée. L’éducation, et progressivement l’ESR, jouent un rôle structurant dans la reproduction de la force de travail et plus largement de la reproduction de la société - stratifications sociales incluses.

    À la fin des années 1960, l’expansion du secondaire se poursuit dans un contexte où la détention de diplômes devient un avantage pour s’insérer dans l’emploi. D’abord pour la bourgeoisie. La massification du supérieur intervient après les années 1980. C’est un phénomène décisif, visible dès les années 1970. Rapidement cela va télescoper une période d’austérité budgétaire. Au cours des années 2000, le pilotage de l’université, basé jusque-là sur l’ensemble du système éducatif et piloté par la profession (pour une version détaillée), s’est effacé au profit d’un pilotage pour et par la recherche, en lien étroit avec le régime d’accumulation financiarisé dans les pays de l’OCDE. Dans ce cadre, l’activité économique est orientée par l’extraction de la valeur financière, c’est à dire principalement par les marchés de capitaux et non par l’activité productive (Voir notamment Clévenot 2008).
    L’ESR : formation d’un secteur productif orienté par la recherche

    La #massification du supérieur rencontre rapidement plusieurs obstacles. Les effectifs étudiants progressent plus vite que ceux des encadrants (Piketty met à jour un graphique révélateur), ce qui entrave la qualité de la formation. La baisse du #taux_d’encadrement déclenche une phase de diminution de la dépense moyenne, car dans l’ESR le travail est un quasi-coût fixe ; avant que ce ne soit pour cette raison les statuts et donc la rémunération du travail qui soient visés. Ceci alors que pourtant il y a une corrélation étroite entre taux d’encadrement et #qualité_de_l’emploi. L’INSEE montre ainsi que le diplôme est un facteur d’amélioration de la productivité, alors que la productivité plonge en France (voir Aussilloux et al. (2020) et Guadalupe et al. 2022).

    Par ailleurs, la massification entraine une demande de différenciation de la part les classes dominantes qui perçoivent le #diplôme comme un des instruments de la reproduction stratifiée de la population. C’est ainsi qu’elles se détournent largement des filières et des établissements massifiés, qui n’assurent plus la fonction de « distinction » (voir le cas exemplaire des effectifs des #écoles_de_commerce et #grandes_écoles).

    Dans le même temps la dynamique de l’accumulation suppose une population formée par l’ESR (i.e. un niveau de diplomation croissant). Cela se traduit par l’insistance des entreprises à définir elles-mêmes les formations supérieures (i.e. à demander des salariés immédiatement aptes à une activité productive, spécialisés). En effet la connaissance, incorporée par les travailleurs, est devenue un actif stratégique majeur pour les entreprises.

    C’est là qu’apparaît une rupture dans l’ESR. Cette rupture est celle de la remise en cause d’un #service_public dont l’organisation est administrée, et dont le pouvoir sur les carrières des personnels, sur la définition des programmes et des diplômes, sur la direction des établissements etc. s’estompe, au profit d’une organisation qui revêt des formes d’un #secteur_productif.

    Depuis la #LRU (2007) puis la #LPR (2020) et la vague qui s’annonce, on peut identifier plusieurs lignes de #transformation, la #mise_en_concurrence conduisant à une adaptation des personnels et des établissements. Au premier titre se trouvent les instruments de #pilotage par la #performance et l’#évaluation. À cela s’ajoute la concurrence entre établissements pour l’#accès_aux_financements (type #Idex, #PIA etc.), aux meilleures candidatures étudiantes, aux #labels et la concurrence entre les personnels, pour l’accès aux #dotations (cf. agences de programmes, type #ANR, #ERC) et l’accès aux des postes de titulaires. Enfin le pouvoir accru des hiérarchies, s’exerce aux dépens de la #collégialité.

    La généralisation de l’évaluation et de la #sélection permanente s’opère au moyen d’#indicateurs permettant de classer. Gingras évoque une #Fièvre_de_l’évaluation, qui devient une référence définissant des #standards_de_qualité, utilisés pour distribuer des ressources réduites. Il y a là un instrument de #discipline agissant sur les #conduites_individuelles (voir Clémentine Gozlan). L’important mouvement de #fusion des universités est ainsi lié à la recherche d’un registre de performance déconnecté de l’activité courante de formation (être université de rang mondial ou d’université de recherche), cela condensé sous la menace du #classement_de_Shanghai, pourtant créé dans un tout autre but.

    La remise en question du caractère national des diplômes, revenant sur les compromis forgés dans le temps long entre les professions et l’État (Kouamé et al. 2023), quant à elle, assoit la mise en concurrence des établissements qui dépossède en retour la profession au profit des directions d’établissement.

    La dynamique de #mise_en_concurrence par les instruments transforme les carrières et la relation d’#emploi, qui reposaient sur une norme commune, administrée par des instances élues, non sans conflit. Cela fonctionne par des instruments, au sens de Lascoumes et Legalès, mais aussi parce que les acteurs les utilisent. Le discours du 7 décembre est éloquent à propos de la transformation des #statuts pour assurer le #pilotage_stratégique non par la profession mais par des directions d’établissements :

    "Et moi, je souhaite que les universités qui y sont prêtes et qui le veulent fassent des propositions les plus audacieuses et permettent de gérer la #ressource_humaine (…) la ministre m’a interdit de prononcer le mot statut. (…) Donc je n’ai pas dit qu’on allait réformer les statuts (…) moi, je vous invite très sincèrement, vous êtes beaucoup plus intelligents que moi, tous dans cette salle, à les changer vous-mêmes."

    La démarche est caractéristique du #new_management_public : une norme centrale formulée sur le registre non discutable d’une prétérition qui renvoie aux personnes concernées, celles-là même qui la refuse, l’injonction de s’amputer (Bechtold-Rognon & Lamarche, 2011).

    Une des clés est le transfert de gestion des personnels aux établissements alors autonomes : les carrières, mais aussi la #gouvernance, échappent progressivement aux instances professionnelles élues. Il y a un processus de mise aux normes du travail de recherche, chercheurs/chercheuses constituant une main d’œuvre qui est atypique en termes de formation, de types de production fortement marqués par l’incertitude, de difficulté à en évaluer la productivité en particulier à court terme. Ce processus est un marqueur de la transformation qui opère, à savoir, un processus de transformation en un secteur. La #pénurie de moyen public est un puissant levier pour que les directions d’établissement acceptent les #règles_dérogatoires (cf. nouveaux contrats de non titulaires ainsi que les rapports qui ont proposé de spécialiser voire de moduler des services).

    On a pu observer depuis la LRU et de façon active depuis la LPR, à la #destruction régulière du #compromis_social noué entre l’État social et le monde enseignant. La perte spectaculaire de #pouvoir_d’achat des universitaires, qui remonte plus loin historiquement, en est l’un des signaux de fond. Il sera progressivement articulé avec l’éclatement de la relation d’emploi (diminution de la part de l’emploi sous statut, #dévalorisation_du_travail etc.).

    Arrimer l’ESR au #régime_d’accumulation, une visée utilitariste

    L’État est un acteur essentiel dans l’émergence de la production de connaissance, hier comme commun, désormais comme résultat, ou produit, d’un secteur productif. En dérégulant l’ESR, le principal appareil de cette production, l’État délaisse la priorité accordée à la montée de la qualification de la population active, au profit d’un #pilotage_par_la_recherche. Ce faisant, il radicalise des dualités anciennes entre système éducatif pour l’élite et pour la masse, entre recherche utile à l’industrie et recherche vue comme activité intellectuelle (cf. la place des SHS), etc.

    La croissance des effectifs étudiants sur une période assez longue, s’est faite à moyens constants avec des effectifs titulaires qui ne permettent pas de maintenir la qualité du travail de formation (cf. figure 2). L’existence de gisements de productivité supposés, à savoir d’une partie de temps de travail des enseignants-chercheurs inutilisé, a conduit à une pénurie de poste et à une recomposition de l’emploi : alourdissement des tâches des personnels statutaires pour un #temps_de_travail identique et développement de l’#emploi_hors_statut. Carpentier & Picard ont récemment montré, qu’en France comme ailleurs, le recours au #précariat s’est généralisé, participant par ce fait même à l’effritement du #corps_professionnel qui n’a plus été à même d’assurer ni sa reproduction ni ses missions de formation.

    C’est le résultat de l’évolution longue. L’#enseignement est la part délaissée, et les étudiants et étudiantes ne sont plus au cœur des #politiques_universitaires : ni par la #dotation accordée par étudiant, ni pour ce qui structure la carrière des universitaires (rythmée par des enjeux de recherche), et encore moins pour les dotations complémentaires (associées à une excellence en recherche). Ce mouvement se met toutefois en œuvre en dehors de la formation des élites qui passent en France majoritairement par les grandes écoles (Charle et Soulié, 2015). Dès lors que les étudiants cessaient d’être le principe organisateur de l’ESR dans les universités, la #recherche pouvait s’y substituer. Cela intervient avec une nouvelle convention de qualité de la recherche. La mise en œuvre de ce principe concurrentiel, initialement limité au financement sur projets, a été élargie à la régulation des carrières.

    La connaissance, et de façon concrète le niveau de diplôme des salariés, est devenu une clé de la compétitivité, voire, pour les gouvernements, de la perspective de croissance. Alors que le travail de recherche tend à devenir une compétence générale du travail qualifié, son rôle croissant dans le régime d’accumulation pousse à la transformation du rapport social de travail de l’ESR.

    C’est à partir du système d’#innovation, en ce que la recherche permet de produire des actifs de production, que l’appariement entre recherche et profit participe d’une dynamique nouvelle du régime d’accumulation.

    Cette dynamique est pilotée par l’évolution jointe du #capitalisme_financiarisé (primauté du profit actionnarial sur le profit industriel) et du capitalisme intensif en connaissance. Les profits futurs des entreprises, incertains, sont liés d’une part aux investissements présents, dont le coût élevé repose sur la financiarisation tout en l’accélérant, et d’autre part au travail de recherche, dont le contrôle échappe au régime historique de croissance de la productivité. La diffusion des compétences du travail de recherche, avec la montée des qualifications des travailleurs, et l’accumulation de connaissances sur lequel il repose, deviennent primordiaux, faisant surgir la transformation du contenu du travail par l’élévation de sa qualité dans une division du travail qui vise pourtant à l’économiser. Cela engendre une forte tension sur la production des savoirs et les systèmes de transmission du savoir qui les traduisent en connaissances et compétences.

    Le travail de recherche devenant une compétence stratégique du travail dans tous les secteurs d’activité, les questions posées au secteur de recherche en termes de mesure de l’#efficacité deviennent des questions générales. L’enjeu en est l’adoption d’une norme d’évaluation que les marchés soient capables de faire circuler parmi les secteurs et les activités consommatrices de connaissances.

    Un régime face à ses contradictions

    Cette transformation de la recherche en un secteur, arrimé au régime d’accumulation, suppose un nouveau compromis institutionnalisé. Mais, menée par une politique néolibérale, elle se heurte à plusieurs contradictions majeures qui détruisent les conditions de sa stabilisation sans que les principes d’une régulation propre ne parviennent à émerger.

    Quand la normalisation du travail de recherche dévalorise l’activité et les personnels

    Durant la longue période de régulation administrée, le travail de recherche a associé le principe de #liberté_académique à l’emploi à statut. L’accomplissement de ce travail a été considéré comme incompatible avec une prise en charge par le marché, ce dernier n’étant pas estimé en capacité de former un signal prix sur les services attachés à ce type de travail. Ainsi, la production de connaissance est un travail entre pairs, rattachés à des collectifs productifs. Son caractère incertain, la possibilité de l’erreur sont inscrits dans le statut ainsi que la définition de la mission (produire des connaissances pour la société, même si son accaparement privé par la bourgeoisie est structurel). La qualité de l’emploi, notamment via les statuts, a été la clé de la #régulation_professionnelle. Avec la #mise_en_concurrence_généralisée (entre établissements, entre laboratoires, entre Universités et grandes écoles, entre les personnels), le compromis productif entre les individus et les collectifs de travail est rompu, car la concurrence fait émerger la figure du #chercheur_entrepreneur, concerné par la #rentabilisation des résultats de sa recherche, via la #valorisation sous forme de #propriété_intellectuelle, voire la création de #start-up devenu objectifs de nombre d’université et du CNRS.

    La réponse publique à la #dévalorisation_salariale évoquée plus haut, passe par une construction différenciée de la #rémunération, qui rompt le compromis incarné par les emplois à statut. Le gel des rémunérations s’accompagne d’une individualisation croissante des salaires, l’accès aux ressources étant largement subordonné à l’adhésion aux dispositifs de mise en concurrence. La grille des rémunérations statutaires perd ainsi progressivement tout pouvoir organisationnel du travail. Le rétrécissement de la possibilité de travailler hors financements sur projet est indissociable du recours à du #travail_précaire. La profession a été dépossédée de sa capacité à défendre son statut et l’évolution des rémunérations, elle est inopérante à faire face à son dépècement par le bloc minoritaire.

    La contradiction intervient avec les dispositifs de concurrence qui tirent les instruments de la régulation professionnelle vers une mise aux normes marchandes pour une partie de la communauté par une autre. Ce mouvement est rendu possible par le décrochage de la rémunération du travail : le niveau de rémunération d’entrée dans la carrière pour les maîtres de conférences est ainsi passé de 2,4 SMIC dans les années 1980 à 1,24 aujourd’hui.

    Là où le statut exprimait l’impossibilité d’attacher une valeur au travail de recherche hors reconnaissance collective, il tend à devenir un travail individualisable dont le prix sélectionne les usages et les contenus. Cette transformation du travail affecte durablement ce que produit l’université.

    Produire de l’innovation et non de la connaissance comme communs

    Durant la période administrée, c’est sous l’égide de la profession que la recherche était conduite. Définissant la valeur de la connaissance, l’action collective des personnels, ratifiée par l’action publique, pose le caractère non rival de l’activité. La possibilité pour un résultat de recherche d’être utilisé par d’autres sans coût de production supplémentaire était un gage d’efficacité. Les passerelles entre recherche et innovation étaient nombreuses, accordant des droits d’exploitation, notamment à l’industrie. Dans ce cadre, le lien recherche-profit ou recherche-utilité économique, sans être ignoré, ne primait pas. Ainsi, la communauté professionnelle et les conditions de sa mise au travail correspondait à la nature de ce qui était alors produit, à savoir les connaissances comme commun. Le financement public de la recherche concordait alors avec la nature non rivale et l’incertitude radicale de (l’utilité de) ce qui est produit.

    La connaissance étant devenue un actif stratégique, sa valorisation par le marché s’est imposée comme instrument d’orientation de la recherche. Finalement dans un régime d’apparence libérale, la conduite politique est forte, c’est d’ailleurs propre d’un régime néolibéral tel que décrit notamment par Amable & Palombarini (2018). Les #appels_à_projet sélectionnent les recherches susceptibles de #valorisation_économique. Là où la #publication fait circuler les connaissances et valide le caractère non rival du produit, les classements des publications ont pour objet de trier les résultats. La priorité donnée à la protection du résultat par la propriété intellectuelle achève le processus de signalement de la bonne recherche, rompant son caractère non rival. La #rivalité exacerbe l’effectivité de l’exclusion par les prix, dont le niveau est en rapport avec les profits anticipés.

    Dans ce contexte, le positionnement des entreprises au plus près des chercheurs publics conduit à une adaptation de l’appareil de production de l’ESR, en créant des lieux (#incubateurs) qui établissent et affinent l’appariement recherche / entreprise et la #transférabilité à la #valorisation_marchande. La hiérarchisation des domaines de recherche, des communautés entre elles et en leur sein est alors inévitable. Dans ce processus, le #financement_public, qui continue d’endosser les coûts irrécouvrables de l’incertitude, opère comme un instrument de sélection et d’orientation qui autorise la mise sous contrôle de la sphère publique. L’ESR est ainsi mobilisée par l’accumulation, en voyant son autonomie (sa capacité à se réguler, à orienter les recherches) se réduire. L’incitation à la propriété intellectuelle sur les résultats de la recherche à des fins de mise en marché est un dispositif qui assure cet arrimage à l’accumulation.

    Le caractère appropriable de la recherche, devenant essentiel pour la légitimation de l’activité, internalise une forme de consentement de la communauté à la perte du contrôle des connaissances scientifiques, forme de garantie de sa circulation. Cette rupture de la non-rivalité constitue un coût collectif pour la société que les communautés scientifiques ne parviennent pas à rendre visible. De la même manière, le partage des connaissances comme principe d’efficacité par les externalités positives qu’il génère n’est pas perçu comme un principe alternatif d’efficacité. Chemin faisant, une recherche à caractère universel, régulée par des communautés, disparait au profit d’un appareil sous doté, orienté vers une utilité de court terme, relayé par la puissance publique elle-même.

    Un bloc hégémonique réduit, contre la collégialité universitaire

    En tant que mode de gouvernance, la collégialité universitaire a garanti la participation, et de fait la mobilisation des personnels, car ce n’est pas la stimulation des rémunérations qui a produit l’#engagement. Les collectifs de travail s’étaient dotés d’objectifs communs et s’étaient accordés sur la #transmission_des_savoirs et les critères de la #validation_scientifique. La #collégialité_universitaire en lien à la définition des savoirs légitimes a été la clé de la gouvernance publique. Il est indispensable de rappeler la continuité régulatrice entre liberté académique et organisation professionnelle qui rend possible le travail de recherche et en même temps le contrôle des usages de ses produits.

    Alors que l’université doit faire face à une masse d’étudiants, elle est évaluée et ses dotations sont accordées sur la base d’une activité de recherche, ce qui produit une contradiction majeure qui affecte les universités, mais pas toutes. Il s’effectue un processus de #différenciation_territoriale, avec une masse d’établissements en souffrance et un petit nombre qui a été retenu pour former l’élite. Les travaux de géographes sur les #inégalités_territoriales montrent la très forte concentration sur quelques pôles laissant des déserts en matière de recherche. Ainsi se renforce une dualité entre des universités portées vers des stratégies d’#élite et d’autres conduites à accepter une #secondarisation_du_supérieur. Une forme de hiatus entre les besoins technologiques et scientifiques massifs et le #décrochage_éducatif commence à être diagnostiquée.

    La sectorisation de l’ESR, et le pouvoir pris par un bloc hégémonique réduit auquel participent certaines universités dans l’espoir de ne pas être reléguées, ont procédé par l’appropriation de prérogatives de plus en plus larges sur les carrières, sur la valorisation de la recherche et la propriété intellectuelle, de ce qui était un commun de la recherche. En cela, les dispositifs d’excellence ont joué un rôle marquant d’affectation de moyens par une partie étroite de la profession. De cette manière, ce bloc capte des prébendes, assoit son pouvoir par la formation des normes concurrentielles qu’il contrôle et développe un rôle asymétrique sur les carrières par son rôle dominant dans l’affectation de reconnaissance professionnelle individualisée, en contournant les instances professionnelles. Il y a là création de nouveaux périmètres par la norme, et la profession dans son ensemble n’a plus grande prise, elle est mise à distance des critères qui servent à son nouveau fonctionnement et à la mesure de la performance.

    Les dispositifs mis en place au nom de l’#excellence_scientifique sont des instruments pour ceux qui peuvent s’en emparer et définissant les critères de sélection selon leur représentation, exercent une domination concurrentielle en sélectionnant les élites futures. Il est alors essentiel d’intégrer les Clubs qui en seront issus. Il y a là une #sociologie_des_élites à préciser sur la construction d’#UDICE, club des 10 universités dites d’excellence. L’évaluation de la performance détermine gagnants et perdants, via des labels, qui couronnent des processus de sélection, et assoit le pouvoir oligopolistique et les élites qui l’ont porté, souvent contre la masse de la profession (Musselin, 2017).

    Le jeu des acteurs dominants, en lien étroit avec le pouvoir politique qui les reconnait et les renforce dans cette position, au moyen d’instruments de #rationalisation de l’allocation de moyens pénuriques permet de définir un nouvel espace pour ceux-ci, ségrégué du reste de l’ESR, démarche qui est justifié par son arrimage au régime d’accumulation. Ce processus s’achève avec une forme de séparatisme du nouveau bloc hégémonique composé par ces managers de l’ESR, composante minoritaire qui correspond d’une certaine mesure au bloc bourgeois. Celles- et ceux-là même qui applaudissent le discours présidentiel annonçant la révolution dont un petit fragment tirera du feu peu de marrons, mais qui seront sans doute pour eux très lucratifs. Toutefois le scénario ainsi décrit dans sa tendance contradictoire pour ne pas dire délétère ne doit pas faire oublier que les communautés scientifiques perdurent, même si elles souffrent. La trajectoire choisie de sectorisation déstabilise l’ESR sans ouvrir d’espace pour un compromis ni avec les personnels ni pour la formation. En l’état, les conditions d’émergence d’un nouveau régime pour l’ESR, reliant son fonctionnement et sa visée pour la société ne sont pas réunies, en particulier parce que la #rupture se fait contre la profession et que c’est pourtant elle qui reste au cœur de la production.

    https://laviedesidees.fr/Universite-service-public-ou-secteur-productif
    #ESR #facs #souffrance

  • Une vraie #souveraineté_alimentaire pour la #France

    Le mercredi 6 décembre 2023, la FNSEA sortait du bureau d’Elisabeth Borne en déclarant fièrement que l’État abandonnait son projet de taxer l’usage des pesticides et des retenues d’eau. Cela vient conclure une séquence historique. Le 16 novembre déjà, l’Europe reconduisait l’autorisation du glyphosate pour 10 ans. Et, six jours plus tard, abandonnait aussi l’objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides à l’horizon 2030.

    Comment en est-on arrivé là ? La question a été récemment posée dans un rapport de l’Assemblée nationale. En plus du #lobbying habituel de la #FNSEA et de l’état de crise permanent dans laquelle vivent les agriculteurs et qui rend toute #réforme explosive, la question de la souveraineté alimentaire – qui correspond au droit d’un pays à développer ses capacités productives pour assurer la sécurité alimentaire des populations – a joué un rôle clé dans cette dynamique.

    La souveraineté alimentaire est ainsi devenue, depuis la crise du Covid et la guerre en Ukraine, l’argument d’autorité permettant de poursuivre des pratiques qui génèrent des catastrophes écologiques et humaines majeures. Il existe pourtant d’autres voies.

    Le mythe de la dépendance aux #importations

    De quelle souveraineté alimentaire parle-t-on ? Les derniers chiffres de FranceAgrimer montrent que notre « #dépendance aux importations » – comme aiment à le répéter les défenseurs d’un modèle intensif – est de 75 % pour le blé dur, 26 % pour les pommes de terre, 37 % pour les fruits tempérés ou 26 % pour les porcs.

    Mais ce que l’on passe sous silence, c’est que le taux d’#autoapprovisionnement – soit le rapport entre la production et la consommation françaises – est de 148 % pour le blé dur, 113 % pour les pommes de terre, 82 % pour les fruits tempérés et 103 % pour le porc. Le problème de souveraineté alimentaire n’en est pas un. Le vrai problème, c’est qu’on exporte ce que l’on produit, y compris ce dont on a besoin. Cherchez l’erreur.

    D’autres arguments viennent encore se greffer à celui de la souveraineté, dans un monde d’#interdépendances : la #France serait le « grenier à blé de l’Europe », il faudrait « nourrir les pays du Sud », la France serait « une puissance exportatrice », etc.

    Au-delà de l’hypocrisie de certaines de ces affirmations – en effet, les #exportations des surplus européens subventionnés ont détruit tout un tissu productif, en Afrique de l’Ouest notamment – il ne s’agit pas là d’enjeux liés à la souveraineté alimentaire, mais d’enjeux stratégiques et politiques liés à la #compétitivité de certains produits agricoles français sur les marchés internationaux.

    Comprendre : la France est la 6e puissance exportatrice de #produits_agricoles et agroalimentaires au monde et elle entend bien le rester.

    Voir la #productivité de façon multifonctionnelle

    S’il ne faut évidemment pas renoncer aux objectifs de #productivité_alimentaire nationaux, ces derniers gagneraient à être redéfinis. Car comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des besoins en #eau pour produire les aliments, de la dépendance aux #énergies_fossiles générée par les #intrants de synthèse, de l’épuisement de la #fertilité des #sols lié à la #monoculture_intensive ou encore des effets du #réchauffement_climatique ?

    Comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des enjeux fonciers, de l’évolution du #travail_agricole (25 % des #agriculteurs sont en passe de partir à la retraite), du #gaspillage_alimentaire – qui avoisine les 30 % tout de même – des #besoins_nutritionnels et des #habitudes_alimentaires de la population ?

    La #productivité_alimentaire doit dorénavant se conjuguer avec d’autres formes de productivité tout aussi essentielles à notre pays :

    – la capacité de #rétention_d’eau dans les sols,

    – le renouvellement des #pollinisateurs,

    – le maintien des capacités épuratoires des milieux pour conserver une #eau_potable,

    – le renouvellement de la #fertilité_des_sols,

    – la régulation des espèces nuisibles aux cultures,

    – ou encore la séquestration du carbone dans les sols.

    Or, il est scientifiquement reconnu que les indicateurs de productivité relatifs à ces services baissent depuis plusieurs décennies. Pourtant, ce sont bien ces services qui permettront de garantir une véritable souveraineté alimentaire future.

    La #diversification pour maintenir des rendements élevés

    Une revue de littérature scientifique parue en 2020, compilant plus de 5000 études menées partout dans le monde, montrait que seules des stratégies de diversification des #pratiques_agricoles permettent de répondre à ces objectifs de #performance_plurielle pour l’agriculture, tout en maintenant des #rendements élevés.

    Les ingrédients de cette diversification sont connus :

    – augmentation de la #rotation_des_cultures et des #amendements_organiques,

    – renoncement aux #pesticides_de_synthèse et promotion de l’#agriculture_biologique à grande échelle,

    - réduction du #labour,

    - diversification des #semences et recours aux #variétés_rustiques,

    - ou encore restauration des #haies et des #talus pour limiter le ruissellement de l’#eau_de_pluie.

    Dans 63 % des cas étudiés par ces chercheurs, ces stratégies de diversification ont permis non seulement d’augmenter les #services_écosystémiques qui garantissent la souveraineté alimentaire à long terme, mais aussi les #rendements_agricoles qui permettent de garantir la souveraineté alimentaire à court terme.

    Les sérieux atouts de l’agriculture biologique

    Parmi les pratiques de diversification qui ont fait leurs preuves à grande échelle en France, on retrouve l’agriculture biologique. Se convertir au bio, ce n’est pas simplement abandonner les intrants de synthèse.

    C’est aussi recourir à des rotations de cultures impliquant des #légumineuses fixatrices d’azote dans le sol, utiliser des semences rustiques plus résilientes face aux #parasites, des amendements organiques qui nécessitent des couplages culture-élevage, et enfin parier sur la restauration d’un #paysage qui devient un allié dans la lutte contre les #aléas_naturels. La diversification fait ainsi partie de l’ADN des agriculteurs #bio.

    C’est une question de #réalisme_économique. Les exploitations bio consomment en France deux fois moins de #fertilisant et de #carburant par hectare que les exploitants conventionnels, ce qui les rend moins vulnérables à l’évolution du #prix du #pétrole. En clair, l’agriculture biologique pourrait être la garante de la future souveraineté alimentaire française, alors qu’elle est justement souvent présentée comme une menace pour cette dernière du fait de rendements plus faibles à court terme.

    Au regard des éléments mentionnés plus haut, il s’agit évidemment d’un #faux_procès. Nous sommes autosuffisants et nous avons les réserves foncières qui permettraient de déployer le bio à grande échelle en France, puisque nous sommes passé de 72 % du territoire dédié aux activités agricoles en 1950 à 50 % en 2020. Une petite partie de ces surfaces a été artificialisée tandis que la majorité a tout simplement évolué en friche, à hauteur de 1000 km2 par an en moyenne.

    Par ailleurs, le différentiel de rendement entre le bio et le #conventionnel se réduit après quelques années seulement : de 25 % en moyenne (toutes cultures confondues) au moment de la conversion, il descend à 15 % ensuite. La raison en est l’apprentissage et l’innovation dont font preuve ces agriculteurs qui doivent en permanence s’adapter aux variabilités naturelles. Et des progrès sont encore à attendre, si l’on songe que l’agriculture bio n’a pas bénéficié des 50 dernières années de recherche en #agronomie dédiées aux pratiques conventionnelles.

    Relever le niveau de vie des agriculteurs sans éroder le #pouvoir_d’achat des consommateurs

    Mais a-t-on les moyens d’opérer une telle transition sans réduire le pouvoir d’achat des Français ? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord évoquer le #revenu des #agriculteurs. Il est notoirement faible. Les agriculteurs travaillent beaucoup et vivent mal de leur métier.

    Or, on oublie souvent de le mentionner, mais le surcoût des produits bio est aussi lié au fait que les consommateurs souhaitent mieux rémunérer les agriculteurs : hors subventions, les revenus des agriculteurs bio sont entre 22 % et 35 % plus élevés que pour les agriculteurs conventionnels.

    Ainsi, le consommateur bio consent à payer plus parce que le bio est meilleur pour l’environnement dans son ensemble (eau, air, sol, biodiversité), mais aussi pour que les paysans puissent mieux vivre de leur métier en France sans mettre en danger leur santé.

    Par ailleurs, si le consommateur paie plus cher les produits bio c’est aussi parce qu’il valorise le #travail_agricole en France. Ainsi la production d’aliments bio nécessite plus de #main-d’oeuvre (16 % du total du travail agricole pour 10 % des surfaces) et est très majoritairement localisée en France (71 % de ce qui est consommé en bio est produit en France).

    Cette question du #travail est centrale. Moins de chimie, c’est plus de travail des communautés humaines, animales et végétales. C’est aussi plus d’incertitudes, ce qui n’est évidemment pas simple à appréhender pour un exploitant.

    Mais il faut rappeler que le discours sur le pouvoir d’achat des français, soi-disant garanti par le modèle hyper-productiviste de l’agriculture française, vise surtout à conforter les rentes de situations des acteurs dominants du secteur agricole. Car les coûts sanitaires et environnementaux de ce modèle sont payés par le contribuable.

    Rien que le #traitement_de_l’eau, lié aux pollutions agricoles, pour la rendre potable, coûte entre 500 millions d’euros et 1 milliard d’euros par an à l’État. Or, ce que le consommateur ne paie pas au supermarché, le citoyen le paie avec ses #impôts. Le rapport parlementaire évoqué plus haut ne dit pas autre chose : la socialisation des coûts et la privatisation des bénéfices liés aux #pesticides ne sont plus tolérables.

    Le bio, impensé de la politique agricole française

    Une évidence s’impose alors : il semblerait logique que l’État appuie massivement cette filière en vue de réduire les coûts pour les exploitants bio et ainsi le prix pour les consommateurs de produits bio. En effet, cette filière offre des garanties en matière de souveraineté alimentaire à court et long terme, permet de protéger l’eau et la #santé des Français, est créatrice d’emplois en France. Il n’en est pourtant rien, bien au contraire.

    L’État a promu le label #Haute_valeur_environnementale (#HVE), dont l’intérêt est très limité, comme révélé par l’Office français de la biodiversité (OFB). L’enjeu semble surtout être de permettre aux agriculteurs conventionnels de toucher les aides associés au plan de relance et à la nouvelle #PAC, au risque de créer une #concurrence_déloyale vis-à-vis des agriculteurs bio, d’autant plus que les #aides_publiques au maintien de l’agriculture biologique ont été supprimées en 2023.

    La décision récente de l’État de retirer son projet de #taxe sur l’usage des pesticides créé aussi, de facto, un avantage comparatif pour le conventionnel vis-à-vis du bio. Enfin, rappelons que la Commission européenne a pointé à plusieurs reprises que la France était le seul pays européen à donner moins de subventions par unité de travail agricole aux céréaliers bio qu’aux conventionnels.

    Ainsi, un céréalier bio français reçoit un tiers de subventions en moins par unité de travail agricole qu’un céréalier conventionnel, alors qu’en Allemagne ou en Autriche, il recevrait 50 % de #subventions supplémentaires. En France, l’État renonce aux taxes sur les pesticides tout en maintenant des #charges_sociales élevées sur le travail agricole, alors que c’est évidemment l’inverse dont aurait besoin la #transition_agroécologique.

    Que peuvent faire les citoyens au regard de ce constat déprimant ? Consommer des produits bio malgré tout, et trouver des moyens de les payer moins cher, grâce par exemple à la #vente_directe et à des dispositifs tels que les #AMAP qui permettent de réduire le coût du transport, de la transformation et de la distribution tout autant que le gâchis alimentaire, les variabilités de la production étant amorties par la variabilité du contenu du panier.

    Les agriculteurs engagés pour la #transition_écologique, de leur côté, peuvent réduire les risques associés aux variabilités naturelles et économiques en créant de nouvelles formes d’exploitations coopératives combinant plusieurs activités complémentaires : élevage, culture, transformation, conditionnement et distribution peuvent être organisés collectivement pour mutualiser les coûts et les bénéfices, mais aussi se réapproprier une part significative de la #chaîne_de_valeur laissée aujourd’hui au monde de l’agro-industrie et de la grande distribution.

    Il ne s’agit pas d’une #utopie. De nombreux acteurs essaient de faire émerger, malgré les résistances institutionnelles, ces nouvelles pratiques permettant de garantir la souveraineté alimentaire de la France à long terme.

    https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560
    #foncier #industrie_agro-alimentaire #alimentation #collectivisation
    #à_lire #ressources_pédagogiques

  • La #Dares, un organisme dépendant du ministère du Travail, constate que, entre octobre 2021 et août 2022, le #smic a augmenté de 5,6 %, un chiffre qui reste moins élevé que la #hausse_des_prix, en particulier celle des #produits_alimentaires.

    Le #salaire_minimum est donc toujours plus éloigné du minimum nécessaire pour vivre. Mais l’ensemble des salaires a évolué à un rythme encore inférieur. D’après le ministère, les #salaires de base (la première ligne du bulletin de paie) dans les entreprises de plus de dix salariés auraient augmenté de 4,5 % chez les #ouvriers et #employés et de 2,8 % chez les professions dites intermédiaires.

    Ces chiffres issus des déclarations des entreprises paraissent bien optimistes, mais même eux confirment que le #pouvoir_d’achat recule.

    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/02/08/pouvoir-dachat-officiellement-en-recul_494147.html

    #inflation #niveau_de_vie

  • Non à la grande régression ! #éditoLO du 12 décembre 2022
    https://www.lutte-ouvriere.org/editoriaux/non-la-grande-regression-451487.html

    La #guerre_en_Ukraine menace, à tout moment, de dégénérer en conflit plus large. L’envolée des prix, ahurissante pour l’énergie, force certaines entreprises à s’arrêter (#inflation). Le pays risque d’être plongé dans le noir et, pour l’éviter, le gouvernement prépare des coupures d’électricité. Et quelle est la préoccupation de Macron ? Reculer l’âge de départ à la retraite ! (#réforme_des_retraites)

    Dans la pire des situations, même dépassés par les évènements, ceux qui nous gouvernent utiliseront leur dernier souffle pour s’attaquer aux travailleurs . C’est dans leurs gènes politiques. Pour eux, gouverner, c’est servir les intérêts de la #bourgeoisie et donc imposer des sacrifices aux travailleurs. C’est d’autant plus vrai dans les périodes de crise où la guerre entre les capitalistes pour assurer leurs profits s’intensifie. (#lutte_de_classe)

    Alors oui, malgré les menaces qui pèsent sur la société et sur les classes populaires en particulier, #Macron en rajoute. Après avoir réduit les indemnités #chômage, il veut sabrer dans les droits à la retraite.

    Macron s’est encore donné quelques semaines pour préciser son projet de loi. Mais celui-ci sera présenté courant janvier. Il y aura ensuite quelques semaines de cinéma où l’opposition s’agitera à l’#Assemblée_nationale. Et si nécessaire, le coup de sifflet final sera donné par le #49.3. Tout cela pour une entrée en vigueur de la réforme à l’été 2023.

    Seule l’intervention des travailleurs peut empêcher cette attaque au pas de charge. Pour l’instant, l’opposition massive à ce recul n’est mesurée qu’au travers des sondages. Eh bien, il va falloir l’exprimer dans les entreprises et dans la rue au travers de #grèves et de #manifestations !

    Pour bien des travailleurs, la priorité est de réussir à se chauffer et se nourrir correctement malgré l’envolée des prix. Cela alimente, dans toutes les entreprises, un mécontentement sur les salaires. Il faut le faire entendre et le transformer en un coup de colère général contre la #politique_antiouvrière du #gouvernement_Borne et du #grand_patronat.

    La défense de notre #pouvoir_d’achat et de nos #retraites constitue un seul et même front de combat . C’est parce que les capitalistes n’augmentent pas les #salaires de base, et font, ici et là, diversion avec des primes, que les caisses de retraite ne se remplissent pas.

    Si les femmes étaient payées autant que les hommes, cela ferait rentrer des milliards dans les caisses de retraite. Et si les plus de 50 ans étaient salariés, plutôt qu’écartés par les entreprises, il n’y aurait pas de déficit.

    Rien n’oblige le gouvernement à reculer l’âge de la retraite à 65 ans. Le déficit annoncé des #caisses_de_retraite, 12 milliards en moyenne par an dans les prochaines années, serait facile à combler.

    12 milliards, ce sont les profits que #TotalEnergies a réalisés en six mois . Cela correspond à un petit dixième des profits réalisés par les entreprises du CAC 40 en 2022. Et c’est 6,5 % de la fortune de Bernard Arnault, estimée, cette semaine, à 185 milliards de dollars. Alors, la bourgeoisie a largement de quoi payer les retraites !

    Et ce serait la moindre des choses ! La classe capitaliste s’enrichit par l’#exploitation des travailleurs pendant toute leur vie : cela devrait être à elle de payer intégralement leurs retraites , et non à d’autres salariés, par leurs cotisations, comme c’est le cas aujourd’hui au travers du système par répartition.

    Nous pouvons sauver nos retraites, à condition de nous battre contre le gouvernement, dévoué corps et âme à la bourgeoisie, et contre l’ordre social capitaliste.

    Un pays comme la France n’a jamais eu autant de possibilités pour soigner, nourrir, éduquer, transporter la population, et nous voyons nos #conditions_de_vie reculer dans tous ces domaines.

    Oh, pour les plus riches, la vie est douce et prospère. Ils n’ont jamais de problème d’emploi, de salaire ou de retraite : sans rien faire de leurs dix doigts, ils touchent le pactole en jonglant avec leurs capitaux. Cela leur donne le pouvoir d’occuper tous les postes de commandement dans les entreprises comme dans les institutions.

    Où nous mène la domination de cette #grande_bourgeoisie ? À la régression générale pour l’écrasante majorité des travailleurs. Le plus grave est qu’en imposant son système de #concurrence et sa guerre économique permanente, elle nous conduit aussi à la guerre tout court.

    Alors, les travailleurs doivent affirmer leurs revendications et se battre avec la conviction d’avoir tout à gagner à contester cet ordre social.

    Nous ne sommes pas condamnés à la domination de la bourgeoisie et de ses politiciens. Toute la production de richesses dépend de nous, il dépend aussi de nous de changer la société pour mettre un coup d’arrêt à son évolution catastrophique et guerrière .

  • L’incroyable #inflation des pâtes de marque de distributeurs : + 57 % !

    https://www.olivierdauvers.fr/2022/01/17/lincroyable-inflation-des-pates-mdd-57

    C’est véritablement du jamais vu ! En novembre dernier, via mes fils Twitter et Linkedin, j’avais déjà révélé l’extraordinaire envolée du prix des pâtes, par exemple des coquillettes (mais toutes sont évidemment concernées). Nouveau point aujourd’hui, et toujours en exclusivité via mes camarades d’A3 Distrib. A présent, la hausse moyenne des coquillettes MDD atteint 57 %.

    Comme toujours, derrière la moyenne d’importants écarts. Leclerc et Intermarché, probablement parce qu’ils étaient nettement en-deçà de leurs concurrents avant sont les deux enseignes où l’inflation est la plus spectaculaire : + 69 %. A quelques centimes près, ils demeurent néanmoins toujours les plus discount : seuls les U sont moins chers à 1,23 €. A l’inverse, le plus “raisonnable” (au moins en apparence) est Cora : + 36 % “seulement”. Mais le prix Cora avant l’envolée des prix frôlait quand même l’usure : 97 centimes. De deux choses : ou Cora avait réellement besoin de vendre ses coquillettes 30 % plus cher que Leclerc pour vivre “décemment” (rapport à ses coûts d’exploitation) ou Cora… se gavait. Auquel cas à 1,32 € aujourd’hui ça doit être moins la fête sur le compte d’ex !

    Second enseignement de l’étude : à la différence de Barilla, Panzani a réussi à passer une partie de la hausse. Fin décembre, la coquillette Panzani n’avait “pris” que 13 %. Désormais c’est donc 22 %. Probablement encore insuffisant, ce qui laisse à anticiper une nouvelle hausse au plus tard post-négo. Scénario évidemment identique pour Barilla qui n’a pas encore réussi à récupérer grand chose… Au travers de cet exemple, se dessine en creux un printemps rouge sur le terrain des prix. Post-négo, sur les pâtes et au-delà, les étiquettes vont valser. Et pas qu’un peu.

    #France #pauvreté #en_vedette #inégalités #capitalisme #pâtes #salaires #austérité #prix #EnMarche #marché #spéculation #pouvoir_d’achat

  • L’arnaque de l’« indemnité inflation » par Joël Perichaud
    https://www.pardem.org/larnaque-de-l-indemnite-inflation

    Face à l’envolée des prix de l’énergie, Castex le premier ministre transparent, avait annoncé une « indemnité inflation » de 100 euros pour 38 millions de Français. Les esprits chagrins qui ont vu dans cette annonce un petit geste électoraliste n’ont pas tort… Les premiers versements arrivent et sont déjà l’objet de réjouissances de la presse aux ordres. Mais ils cachent la forêt néolibérale qu’est l’Union européenne (UE) et la macronie.
Explications…


    Ce que cherchent avant tout les néolibéraux, macronie et UE, c’est cacher les causes de la flambée des prix de l’énergie. Et pour cela, il faut faire un petit sacrifice. La Commission européenne (CE), experte en mystification, a donc laissé le choix aux divers gouvernements à sa botte pour parer au plus pressé et éviter les mouvements populaires dans les pays membres… A la condition de ne pas remettre en cause “le marché”, la libre concurrence et le démantèlement des services publics de l’Énergie restants, comme en France avec le projet “Hercule" (https://www.pardem.org/hercule-linfanticide-dedf)

    Le choix de Macron
    A six mois de l’élection présidentielle, Macron, le prince des mots tordus (https://www.pardem.org/node/5129) veut éviter des mobilisations sociales que pourrait susciter la forte hausse des prix de l’énergie constatée par l’INSEE : + 20,1% sur un an. D’autant que le pouvoir d’achat est la première préoccupation des Français dont 57% considèrent qu’il a baissé depuis 2017.

    Et si les Gilets jaunes revenaient ? Il y a urgence à allumer un contre-feu : après avoir « gelé », temporairement, les prix du gaz jusqu’à la fin de l’année prochaine, le gouvernement a annoncé le versement d’une « indemnité inflation » de 100 euros pour tous ceux qui touchent moins de 2 000 euros net par mois. Un chiffre sorti de nulle part, versé automatiquement sur la feuille de paie ou de retraite d’ici la fin de l’année. Ce versement est destiné à “clignoter”, à hypnotiser l’électeur, juste avant les élections présidentielles et législatives.

    Ne pas toucher au sacro-saint marché
    Car, en accord complet avec la Commission européenne, la macronie ne veut pas revenir sur la libéralisation (lire : privatisation) du marché de l’énergie. Prenons, par exemple le gaz. Son prix sera gelé toute l’année 2022, mais le gouvernement prévoit toujours la fin des tarifs réglementés en 2023. Les factures risquent de s’envoler brutalement au gré des cours mondiaux. Ceux-ci dépendent en partie de la conjoncture (température, situation économique…) mais essentiellement de la spéculation sur les marchés financiers. Les contrats de fourniture de long terme à prix fixe, qui permettaient à GDF de garantir des prix stables au consommateur, ont progressivement disparu depuis la libéralisation du secteur par l’UE au début des années 2000.
Encore pire pour l’électricité, dont le prix ne sera abordable qu’à condition de sortir du système imposé par l’Union européenne. En effet, l’UE oblige EDF à vendre 25% de sa production à ses concurrents, qui ne l’achètent que si elle est moins chère que celle qu’ils peuvent produire, c’est-à-dire… si EDF vend à perte.

    D’autre part, afin de créer de toute pièce un marché à l’échelle européenne, le prix unique est fixé sur le coût marginal de l’électricité, c’est-à-dire sur le coût de production d’un Mégawatt-heure (MWh = 1 000 Kilowatt-heure kWh) supplémentaire. Or, ce sont les centrales à gaz qui assurent très majoritairement ce surplus momentané de production… Ce qui revient à aligner le tarif de l’électricité sur les cours du gaz. Pour la France, dépendante à 70% du nucléaire et exportatrice, ce système est on ne peut plus défavorable… Mais comme ce sont les citoyens qui paient…

    Certains qualifient ce système d’absurde. Il ne l’est pas. C’est la concrétisation d’une idéologie : la concurrence ferait baisser les prix. Sauf que cette croyance ne s’est jamais vérifiée. En revanche, ce que chacun constate, c’est que les entreprises privées font de plus en plus de profit ! Et cela en tordant le bras à EDF pour créer une concurrence artificielle.

    La hausse des prix de l’énergie se poursuivra donc tant que la privatisation du secteur se poursuivra. Et ce n’est pas l’aumône de 100€ de Macron-Castex (moins de deux pleins d’essence ou 8,33 euros par mois) qui permettra aux citoyens de se chauffer, de se déplacer et de s’éclairer correctement.

    Une aumône dans un océan d’austérité
    Les sommes distribuées à l’approche des élections seront récupérées par l’État via une baisse des dépenses publiques. Quel que soit le président, ou la présidente, élu. Tous les candidats se gargarisent de « retour à l’équilibre budgétaire » qui prévoit un déficit de 2,8% en 2027. Cette indemnité inflation de 100 euros est la répétition de l’entourloupe de la hausse de la prime d’activité annoncée suite au mouvement des Gilets jaunes : plutôt que de relever le SMIC et d’engager des discussions avec les syndicats pour augmenter les salaires (comme en mai 1968), la macronie a préféré octroyer un petit chèque… aux frais du contribuable. Le prétexte du prochain président est déjà connu : la France a près de 120% de dette par rapport au PIB. Une fois les élections passées, l’UE technocratique et autoritaire ainsi que le nouveau locataire de Bercy exigeront de nouvelles « réformes structurelles » dont la “réforme” des retraites ne sera qu’une mise en bouche. Car toutes les réformes mises en place depuis 2017, de l’assurance chômage à la baisse des APL en passant par la hausse de la CSG, ont conduit à une perte de pouvoir d’achat de l’immense majorité de la population.

    D’autres solutions existent !
    Bien sûr, ces 100 euros apporteront une petite bouffée d’air à de nombreux citoyens, mais une hausse des salaires serait bien plus justifiée et pérenne. D’abord, elle permettrait de rattraper tout ou partie de l’immense perte de pouvoir d’achat des citoyens. Ensuite, elle permettrait de répondre immédiatement à l’inflation, qui, en raison de la forte reprise de la demande au niveau mondial et de la désorganisation des chaînes logistiques capitalistes qui font suite aux mesures sanitaires, risque de durer. Enfin, une revalorisation générale des salaires injecterait directement de l’argent dans l’économie réelle et non dans la spéculation financière. Bref, ce dont les salariés ont besoin, c’est d’une augmentation importante de leur pouvoir d’achat réel. La solution est connue et s’appelle l’échelle mobile des salaires qui, pour mémoire, a été supprimée en 1982 pour accompagner les mesures d’austérité de Jacques Delors (PS) ministre des Finances dans le deuxième gouvernement de Pierre Mauroy (PS).

    Le Pardem, dans le programme de gouvernement qu’il soumet aux citoyens, milite pour le rétablissement de l’échelle mobile des salaires et l’annulation de toutes les mesures d’austérité exigées par l”UE et mises en place, avec zèle, par les gouvernements successifs.

    #union_européenne #énergie #entourloupe #gaz #électricité #prix #EnMarche #marché #spéculation #néolibéralisme #pouvoir_d’achat

    • J’aurais préféré qu’il revienne sur sa décision plutôt qu’il aille jusqu’au bout de sa connerie.
      Se fout vraiment de la gueule du monde : 100€ quoi !

      « Aller les gars j’ai une idée, on va leur filer 100 balles ça devrait leur faire plaisir »

      Les Guignols n’ont qu’à bien se tenir.

    • T’as pas cent balles ?
      Pour l’#ue, les français.e.s sont des clodos.

      Enfin, les français.e.s qui croient que l’#union européenne n’apporte que calamités, et elles/ils sont de plus en plus nombreux à l’avoir compris.

  • La #Chine s’attaque aux #pollutions d’origine agricole - Asialyst
    https://asialyst.com/fr/2018/02/28/chine-attaque-pollutions-origine-agricole

    C’est une prouesse indéniable. Jusqu’au milieu des années 2000, la Chine a réussi à nourrir la #population la plus nombreuse au monde tout en réduisant la part des Chinois sous le seuil de pauvreté. Et cela sans peser sur les grands équilibres agricoles mondiaux. Mais le pays doit affronter de nouveaux défis : les Chinois ne mangent plus la même chose qu’avant, et les conséquences sont multiples. L’#urbanisation comme la hausse du #pouvoir_d’achat des ménages ont fortement tiré la demande en produits alimentaires, notamment #animaux (viandes, lait, œufs). Ce qui a entraîné à partir de 2003 une explosion des #importations_agricoles chinoises. Face à des #ressources_naturelles toujours plus réduites, la Chine pourra-t-elle satisfaire sa demande intérieure sans augmenter sa #dépendance_alimentaire ? Saura-t-elle maintenir une main-d’œuvre agricole suffisante et motivée alors que les #salaires en ville sont beaucoup plus attractifs ? Plus crucial encore : jusqu’à quand la Chine soutiendra-t-elle un modèle agricole au potentiel productif qui atteint sa limite et à l’impact environnemental de plus en plus négatif ?

    #environnement #agriculture #alimentation #irrigation #eau #déjections_animales #cochon #porc #élevage #reconversion #planification #pollueur-payeur #taxe_environnementale

  • « Alimentation, énergie, production, emplois,... quelle souveraineté pour faire face à la crise ? » | Enbata
    http://www.enbata.info/articles/alimentation-energie-production-emplois-quelle-souverainete-pour-faire-face

    Quand on évoque la notion de « #souveraineté », quelles sont les premières définitions ?
    Ici c’est une conception centrée sur la notion d’#Etat qui domine ou une approche politico-juridique qui caractérise le terme souveraineté.
    Pour ne prendre que l’exemple d’une communauté linguistique, il est clair que dans le cas de la #langue_basque, pour en assurer la survie, il faut des outils politico-juridiques apportant plus de protection que ceux en vigueur actuellement. Et il faut il faut aussi plus d’outils pour pouvoir prendre des mesures socio-économiques et assurer un développement durable. Mais avec un Etat, on n’a pas de garantie sur la pérennité de la communauté linguistique, ni sur celui d’un modèle de développement social, écologique et démocratique.
    En effet, les Etats actuels sont aussi dépossédés de leur pouvoir. Ils doivent récupérer le pouvoir politique pour leur territoire, car ils sont dépendants de l’oligarchie financière.
    Il me semble qu’au Pays Basque on a des difficultés pour repenser et enrichir la notion de souveraineté. L’Aitaren Etxea (la maison de nos ancêtres), ou la forme politico-administrative-territoriale de notre pays a marqué l’agenda de la gauche basque, qui n’a pas eu suffisamment de force pour mettre en place des organisations sociales alternatives ou construire ici et maintenant d’autres modes de vie en commun, en commençant de la base pour aller au sommet. Souvent, le modèle de développement n’occupe que les deux derniers paragraphes dans les projets de société.

    Les initiatives populaires changent-elles ce point de vue sur la « souveraineté » ?
    Quoiqu’il arrive au niveau du cadre politico-juridique, et tout en avançant dans la lutte politique en sa faveur, nous devons en tant que citoyens aller de l’avant. Et cela, en tenant compte de l’aptitude montrée par les initiatives populaires dans l’histoire de ce pays à créer des structures indispensables dans des domaines propres à la vie en société (langue, économie, éducation, etc. ). Selon toutes les apparences, il nous faudra, dans un premier temps, gérer sans Etat cette période qui ne pourra compter sur la « #croissance », et pour cette nouvelle phase, nous devrons mettre en place de nouvelles stratégies, ainsi que de nouveaux outils, par nos propres moyens.

    Comment votre parcours a-t-il façonné votre point de vue sur la « souveraineté » ?
    Les deux sujets de recherche que sont l’économie solidaire et la #transition éco-sociale m’ont amené à penser la question de la souveraineté au-delà des sentiers battus. L’économie solidaire, de par ses formes nombreuses et variées, provoque de petites ruptures dans les failles du système, en faisant vivre une #économie au quotidien selon d’autres logiques. Le risque c’est qu’elle devienne un palliatif du système et une économie permettant la propre subsistance du système. Son enjeu est de faire grandir ces petites ruptures et de se positionner dans un projet politique plus grand, qui ait comme objectif d’accroître la capacité d’#autodétermination des personnes, des peuples et des territoires.

    Par conséquent, qu’ajoutez-vous au concept de « souveraineté » ?
    Pour ce qui est de la question éco-sociale, il suffit de prendre quelques minutes pour comprendre le fait que le modèle de civilisation qui est aujourd’hui hégémonique est condamné. Pendant quatre décennies nous avons dit que nous nous dirigions vers la collision et nous vivons désormais un moment de collision.
    Les ressources matérielles et énergétiques vont en s’amenuisant, et les #déchets (dont les émissions de gaz à l’origine du réchauffement global) en augmentant, ainsi que les stocks d’armes. Et, paradoxalement, la machine ne donne aucun signal qu’elle s’arrêtera, ni même qu’elle ralentira son allure. Elle a comme unique solution la “fuite en avant” et cela aura assurément de terribles conséquences. Avec ce choix, l’#effondrement n’est plus une probabilité lointaine, il devient un événement certain.
    Il est assez clair que des changements énormes nous attendent. Essentiellement du fait de la #crise_énergétique globale, il sera très difficile de maintenir le métabolisme social actuel, l’échelle qu’a l’économie actuelle, et la complexité de la société. Le #changement_climatique nous dit que nous devrions changer si nous ne voulons pas vivre ses terribles conséquences, et la crise énergétique nous dit que nous devons changer. Ceci veut dire que la contraction sera le mouvement réellement important : dans l’utilisation de l’énergie, dans la production, dans la mobilité géographique, dans la consommation, dans la démographie, dans le narcissisme… Il s’agit de voir à quel rythme et dans quelle mesure. De toute façon, l’exigence physique est de vivre avec moins. Mieux vivre avec moins est le scénario politique que nous avons à mettre en oeuvre.

    Pourquoi ces éléments sont-ils indispensables et donnent-ils sens au concept habituel de « souveraineté » ?
    L’avenir sera principalement marqué par une phase de contraction. Pour y faire face en s’appuyant sur des bases solides, il sera essentiel de renforcer les #communautés de petite et moyenne taille, d’effectuer un saut qualitatif et quantitatif dans l’organisation de la société, de créer des structures plus petites et auto-gérées, d’améliorer les taux d’auto-suffisance tant au niveau de l’énergie que de l’alimentation. En un mot, de faire progresser la souveraineté des territoires.
    Vu ainsi, la réflexion autour de la souveraineté prend un tour très sensible. Le concept cesse d’être une vaine « entéléchie » (idéal suprême), et sa « praxis » (mise en pratique) cesse d’être sous l’emprise de la volonté de l’ennemi…
    Il se remplit de contenu en portant pour une fois la question du modèle de développement au cœur du débat politique. Et il nous emmène de la logique de la protestation, de la dénonciation ou de la résistance à la logique de la construction.
    Il suffit de revendiquer la souveraineté avec la même force et dans toutes les directions, y compris pour l’alimentation et l’énergie. Et nous pouvons dès à présent commencer à créer les structures et les stratégies pour cela. Nous avons déjà commencé.

    Quelles sont les conséquences de cette manière de voir dans le cas d’Euskal Herri ?
    Le projet de souveraineté a le potentiel d’attirer des personnes non abertzale. Le mouvement de construction national d’Euskal Herri avait en son temps intégré le principal conflit de la société moderne industrielle, en mettant côte à côte la « nation » et la « classe ».
    Nous avons besoin aujourd’hui d’une opération d’envergure sur les plans idéologique, politique et pratique en intégrant la question fondamentale de la nouvelle ère : la #transition socio-écologique (qu’elle soit contrainte ou volontairement organisée) aura des conséquences extraordinaires sur la vie de tous les citoyens et dans tous les domaines de la société.
    Cela nous amènera à repenser la globalité : comment organiser la société sans croissance.
    Et l’abertzalisme doit réfléchir à des solutions face à l’aggravation de la crise socio-écologique.
    Le renouvellement peut être profitable puisque nous disons que la gestion de la vie se fera à une échelle plus petite que celle des Etats. Il s’agit là de renforcer les muscles des régions ou des #bio-régions, et de constituer des communautés plus souveraines. Le projet de construction d’un territoire comme Euskal Herria va de pair avec l’idée de répondre avec sérieux aux enjeux d’un monde durable qui passe par le renforcement de l’échelle territoriale.

    Cette réflexion nous amène à la contradiction entre la croissance illimitée et un monde durable…
    Le projet d’avenir ne peut être la croissance, la stimulation de l’économie et l’augmentation du #pouvoir_d’achat selon la doctrine keynésienne. La politique #néolibérale comme la vision sociale-démocrate sont toutes les deux accrochées à la religion de la croissance, comme s’il n’y avait pas de limite bio-physique.
    L’Etat-providence n’est pas la panacée. Celui-ci a été mis en place par l’apport des matières premières et des flux énergétiques fondamentaux des pays les plus pauvres vers les pays les plus riches.
    Et d’un point de vue écologique, on peut difficilement trouver de période historique plus destructrice : à travers toute l’histoire de l’humanité, elle a produit l’interférence la plus grande dans toutes les infrastructures nécessaires à la vie.

    Qu’est ce que le concept de la #relocalisation ?
    Les produits de consommation font environ 1.600 kilomètres de l’endroit de production jusqu’au consommateur. C’est absurde et inefficient. Ce système n’est possible que parce qu’il n’inclut pas les coûts sociaux et écologiques.
    Le projet viable peut être la relocalisation, de prendre conscience de comment se font les choses. Selon toute apparence, la crise civilisationnelle va nous apporter de plus en plus de souffrance, mais en même temps cela peut être une occasion incomparable pour repenser le monde, le réécrire, le concevoir différemment.
    Certains disent que cela sera difficile de résister pour des macro-structures économiques et politiques comme l’Europe. Pour beaucoup, les Etats-nations eux-mêmes auront du mal à résister, un certain nombre pouvant disparaître (surtout ceux qui ont une grande dépendance énergétique).
    Les territoires qui ont un projet stratégique et une activité endogène se comporteront beaucoup mieux.
    Nous sommes en train de dire que le défi est de récupérer le pouvoir social, d’accentuer la capacité de contrôler les processus économiques et politiques des citoyens. Au mieux, pour surmonter la crise, les institutions en fonction aujourd’hui seront remplacées au fur et à mesure pour mettre à leurs places celles créées par les citoyens.

    Et est-ce que la relocalisation peut se concrétiser à l’échelle du Pays Basque ?
    Le processus de relocalisation est déjà en marche. Non seulement au Pays Basque mais aussi à travers le monde. Comme le dit le mexicain Victor M. Toledo, en lieu et place des entreprises géantes ayant le monopole, des #coopératives, des micro-entreprises ou des entreprises familiales naîtront. Plutôt que d’avoir des grandes banques, on aura des caisses d’épargne, des banques populaires ou du crédit coopératif. Pour remplacer des chaînes commerciales toujours plus grandes, le commerce équitable, l’#agriculture locale et écologique et les échanges directs entre producteurs et consommateurs se renforceront. Au lieu d’une gestion privée des énergies fossiles, c’est l’énergie solaire et renouvelable qui va croître par une production communautaire décentralisée…
    C’est le renforcement de ce monde qui est le grand défi, les autres options étant sans issue.
    Et comme je le disais, le processus est aussi en marche au Pays Basque. Ces dernières années, les groupes de consommation responsable ont connu une croissance exponentielle, les banques éthiques sont apparues (Fiare et Coop57), ainsi que les coopératives dans le domaine de l’énergie renouvelable (Goiener), le mouvement Bizi ! au Pays Basque nord, le mouvement en faveur de la souveraineté alimentaire (Etxalde), etc.
    De nos jours, il est difficile de dire qu’il n’y a pas d’alternative car une constellation de petites alternatives et bel et bien vivante, et c’est le renforcement de cette dernière qui est le défi.
    L’avenir se construira en grande partie avec les ingrédients et solutions qui sont actuellement en marche.