• « L’Amérique a besoin de plus de migrants »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/04/10/l-amerique-a-besoin-de-plus-de-migrants_6226983_3232.html

    « L’Amérique a besoin de plus de migrants »cAnne Krueger
    Economiste
    L’immigration figure au sommet des préoccupations des électeurs américains à l’approche de l’élection présidentielle de novembre. Paradoxalement, ce débat monte en intensité au moment même où l’économie américaine se porte beaucoup mieux que les autres économies développées, en partie grâce à une croissance de la population alimentée par l’immigration.
    Le cas du Japon devrait pourtant nous mettre en garde. Après avoir connu une croissance rapide après la seconde guerre mondiale, la population y a atteint un pic de 128,1 millions d’habitants en 2010 avant de retomber à 124 millions début 2024, et elle devrait passer sous la barre des 100 millions d’ici à 2055. La stagnation économique du Japon depuis les années 1990 s’explique en partie par ces difficultés. La population en âge de travailler est passée de 86,8 millions de personnes en 1993 à 81,5 millions en 2010. Initialement opposé à l’immigration, Tokyo a finalement mis en place des mesures destinées à l’encourager, sans grands résultats.
    De nombreux pays développés et en voie de développement, dont la Chine, sont également aux prises avec le déclin démographique. En Corée du Sud, le président de l’Assemblée nationale a récemment qualifié de « crise nationale » le faible taux de natalité du pays. Dans l’Union européenne, la population en âge de travailler devrait diminuer de 20 % d’ici à 2050.
    Le taux de fécondité aux Etats-Unis étant passé de 2,1 naissances par femme en 2007 à 1,64 en 2020, l’Amérique devrait, pour maintenir le niveau actuel de sa main-d’œuvre, accueillir chaque année 1,6 million de migrants. Sans immigration, la population et la main-d’œuvre diminueraient d’environ 0,5 % par an. Selon les projections du Bureau du recensement des Etats-Unis, la population en âge de travailler augmenterait de seulement 2 % en 2035, à flux d’immigration inchangé. Mais dans un scénario « zéro immigration », la main-d’œuvre diminuerait de 5 % et la population totale de 32 % d’ici 2100.
    Une population et une main-d’œuvre en diminution sont susceptibles d’entraver la croissance parce que l’investissement se détourne des nouveaux biens d’équipement, qui stimulent la productivité des travailleurs, vers le remplacement des travailleurs eux-mêmes. Par ailleurs, le niveau d’études moyen des nouveaux arrivants sur le marché du travail étant supérieur à celui des retraités, lorsque les premiers deviennent moins nombreux que les seconds, la productivité diminue. D’autant que la demande de soins de santé et les pensions de retraite augmentent plus vite que la population.
    Malheureusement, l’immigration devient de plus en plus impopulaire alors même que ses effets économiques deviennent de plus en plus nécessaires. Les migrants, qui arrivent souvent à un jeune âge, apportent des compétences intermédiaires essentielles à des secteurs tels que la santé, le bâtiment et l’hôtellerie. Mais ils ne sont pas seulement cruciaux pour remplacer les personnes âgées qui partent à la retraite ; ils améliorent également la productivité des professionnels hautement qualifiés, comme les médecins, les ingénieurs et les enseignants.
    Alors que le chômage est historiquement bas et que persistent les pénuries de main-d’œuvre, il est absurde d’affirmer que les migrants « voleraient » des emplois aux Américains. En dépit de potentielles perturbations à court terme, l’immigration est économiquement bénéfique pour les pays d’accueil à long terme. Plutôt que de s’engager dans des débats contreproductifs sur les effets négatifs de l’immigration, la réflexion politique devrait se concentrer sur la détermination du taux d’immigration optimal, sur l’impératif de légalité de cette immigration, sur la promotion d’une intégration fluide et sur la dynamisation de la productivité.
    Anne Krueger, ancienne économiste en chef de la Banque mondiale et ancienne directrice générale adjointe du Fonds monétaire international, est professeure d’économie internationale à la Johns-Hopkins University School of Advanced International Studies de Washington et chercheuse au Center for International Development de l’université Stanford.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#economie#vieillissement#immigration#productivite#maindoeuvre#sante

  • Les raisons du déclin de la recherche en France

    Dépassée par ses concurrents en termes de #productivité_scientifique, la France voit son modèle miné de l’intérieur, dessinant une trajectoire qui l’éloigne toujours plus de son rang historique.

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    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/09/28/recherche-les-raisons-du-declin-francais_6096227_1650684.html

    Non seulement l’Australie n’achètera pas de sous-marins à la France, mais en plus, ses chercheurs sont sur le point de passer devant les nôtres en termes de productivité. C’est ce qui ressort des premières données provisoires sur l’année 2020, communiquées par l’Observatoire des sciences et techniques (OST) au Monde, portant sur le volume des publications scientifiques nationales.

    En 2017, l’Italie était passée devant la France, qui se retrouve désormais à la limite d’être exclue du top 10 par le Canada, l’Espagne et l’Australie, alors qu’elle en était sixième en 2009. « Décrochage rapide depuis quinze ans », écrivaient, pour qualifier la situation française, les auteurs d’un des rapports destinés à nourrir la loi de programmation pour la recherche (LPR), votée fin 2020. Celle-ci était censée stopper l’érosion mais elle a surtout réveillé les contestations d’une communauté scientifique doutant de l’intérêt des réformes structurelles, qui depuis 2005 accompagnent ce décrochage. Même si corrélation n’est pas causalité.

    Et derrière le flétrissement du prestige français, en termes de #publications, de #moyens_financiers, de #salaires, des #fractures apparaissent au sein même de la communauté scientifique nationale, entre laboratoires riches et pauvres, vedettes et secondes lignes, titulaires et précaires… signant la fin de l’exception du #modèle_français dans le paysage mondial.

    (#paywall)

    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/09/28/recherche-les-raisons-du-declin-francais_6096227_1650684.html

    #it_has_begun #it_is_the_end #recherche #université #France #déclin #ESR #précarité #précarisation

  • On va dans le mur, mais en #tesla
    http://carfree.fr/index.php/2024/03/15/on-va-dans-le-mur-mais-en-tesla

    « On continue d’aller dans le mur, même si on y va en Tesla » : jolie phrase prononcée par un militant écologiste lors de l’ouverture du débat public sur le projet, Lire la suite...

    #Destruction_de_la_planète #Fin_de_l'automobile #Réchauffement_climatique #auvergne #lithium #mine #productivisme #voiture_électrique

  • « La vraie #souveraineté_alimentaire, c’est faire évoluer notre #modèle_agricole pour préparer l’avenir »

    Professeur à l’université Paris-Saclay AgroParisTech, l’économiste de l’environnement #Harold_Levrel estime que le concept de « souveraineté alimentaire » a été détourné de sa définition originelle pour justifier un modèle exportateur et productiviste.

    Hormis les denrées exotiques, dans la plupart des secteurs, la #production_agricole nationale pourrait suffire à répondre aux besoins des consommateurs français, sauf dans quelques domaines comme les fruits ou la volaille. Or, les #importations restent importantes, en raison d’un #modèle_intensif tourné vers l’#exportation, au risque d’appauvrir les #sols et de menacer l’avenir même de la production. D’où la nécessité de changer de modèle, plaide l’économiste.

    Comment définir la souveraineté alimentaire ?

    Selon la définition du mouvement altermondialiste Via Campesina lors du sommet mondial sur l’alimentation à Rome en 1996, c’est le droit des Etats et des populations à définir leur #politique_agricole pour garantir leur #sécurité_alimentaire, sans provoquer d’impact négatif sur les autres pays. Mais les concepts échappent souvent à ceux qui les ont construits. Mais aujourd’hui, cette idée de solidarité entre les différents pays est instrumentalisée pour justifier une stratégie exportatrice, supposée profiter aux pays du Sud en leur fournissant des denrées alimentaires. Le meilleur moyen de les aider serait en réalité de laisser prospérer une #agriculture_vivrière et de ne pas les obliger à avoir eux aussi des #cultures_d’exportation. Au lieu de ça, on maintient les rentes de pays exportateurs comme la France. Quand le gouvernement et d’autres parlent d’une perte de souveraineté alimentaire, ça renvoie en réalité à une baisse des exportations dans certains secteurs, avec un état d’esprit qu’on pourrait résumer ainsi : « Make French agriculture great again. » Depuis le Covid et la guerre en Ukraine, la souveraineté alimentaire est devenue l’argument d’autorité pour poursuivre des pratiques qui génèrent des catastrophes écologiques et humaines majeures.

    Nous n’avons donc pas en soi de problème d’#autonomie_alimentaire ?

    Ça dépend dans quel domaine. Les défenseurs d’un modèle d’exploitation intensif aiment à rappeler que notre « #dépendance aux importations » est de 70 % pour le #blé dur, 40 % pour le #sucre, et 29 % pour le #porc. Mais omettent de préciser que nos taux d’auto-approvisionnement, c’est-à-dire le rapport entre la production et la consommation françaises, sont de 123 % pour le blé dur, 165 % pour le sucre, et 99 % pour le porc. Ça signifie que dans ces secteurs, la production nationale suffit en théorie à notre consommation, mais que l’on doit importer pour compenser l’exportation. Il y a en réalité très peu de produits en France sur lesquels notre production n’est pas autosuffisante. Ce sont les fruits exotiques, l’huile de palme, le chocolat, et le café. On a aussi des vrais progrès à faire sur les fruits tempérés et la viande de #volaille, où l’on est respectivement à 82 et 74 % d’auto-approvisionnement. Là, on peut parler de déficit réel. Mais il ne serait pas très difficile d’infléchir la tendance, il suffirait de donner plus d’aides aux maraîchers et aux éleveurs, qu’on délaisse complètement, et dont les productions ne sont pas favorisées par les aides de la #Politique_agricole_commune (#PAC), qui privilégient les grands céréaliers. En plus, l’augmentation de la production de #fruits et #légumes ne nécessite pas d’utiliser plus de #pesticides.

    Que faire pour être davantage autonomes ?

    A court terme, on pourrait juste rebasculer l’argent que l’on donne aux #céréaliers pour soutenir financièrement les #éleveurs et les #maraîchers. A moyen terme, la question de la souveraineté, c’est : que va-t-on être capable de produire dans dix ans ? Le traitement de l’#eau polluée aux pesticides nous coûte déjà entre 500 millions et 1 milliard d’euros chaque année. Les pollinisateurs disparaissent. Le passage en #bio, c’est donc une nécessité. On doit remettre en état la #fertilité_des_sols, ce qui suppose d’arrêter la #monoculture_intensive de #céréales. Mais pour cela, il faut évidemment réduire certaines exportations et investir dans une vraie souveraineté alimentaire, qui nécessite de faire évoluer notre modèle agricole pour préparer l’avenir.

    https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/la-vraie-souverainete-alimentaire-cest-faire-evoluer-notre-modele-agricol
    #agriculture_intensive #industrie_agroalimentaire

  • #Pesticides : pourquoi l’indicateur d’usage choisi par le gouvernement est contesté par les #ONG et les #chercheurs
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/02/22/pesticides-pourquoi-l-indicateur-d-usage-choisi-par-le-gouvernement-est-cont
    #ecophyto

    Pour comprendre, il faut saisir l’étendue des différences d’approche entre le NODU et le HRI-1. « Le "NODU mesure l’intensité du recours aux pesticides en se fondant, pour chaque substance, sur la #dose maximale homologuée à l’hectare », explique M. Barbu. Dix kilogrammes d’un produit appliqué sur une culture auront ainsi le même poids, dans le NODU, qu’un seul kilogramme d’une autre #molécule qui serait dix fois plus efficace. « On reproche souvent au NODU de ne pas tenir compte du risque inhérent à chaque #substance active, ajoute le chercheur. Techniquement, c’est exact, mais on comprend bien que l’efficacité d’une molécule est aussi une mesure des risques inhérents à son usage, même si cette mesure est imparfaite. »

    Au contraire, le #HRI-1 ne tient pas compte des doses d’application homologuées pour chaque molécule. « L’une des limites majeures de cet indicateur est de cumuler des quantités de substances actives utilisées à quelques grammes à l’hectare, avec d’autres utilisées à plusieurs kilogrammes à l’hectare », explique Jean-Noël Aubertot, agronome à l’Inrae et président du CST du plan Ecophyto. « C’est un peu comme si on additionnait les poids de bombes A et de bâtons de dynamite, illustre M. Barbu. Cela n’a pas grand sens. »

    Le HRI-1 a bien un système de pondération des quantités utilisées, en fonction des substances, mais il ne s’appuie pas sur leur efficacité. Il divise en quatre catégories les pesticides : ceux considérés à faible risque, ceux qui sont approuvés sans être à faible risque, ceux qui sont considérés comme problématiques et devant être remplacés et enfin ceux qui ne sont plus approuvés car trop dangereux. Des facteurs multiplicatifs sont appliqués aux quantités de pesticides selon leur classement dans ces quatre catégories : 1 pour les #produits appartenant à la première, 8 pour la deuxième, 16 pour la troisième et 64 pour la quatrième.

    Comment ces facteurs de pondération ont-ils été établis ? « Apparemment au doigt mouillé, répond M. #Barbu. Il n’y a aucune justification scientifique derrière ces facteurs de pondération, puisqu’ils ne tiennent compte que du statut réglementaire des molécules, et non des risques réels liés à leur usage, qui peuvent en outre être très différents selon qu’on parle de risques sanitaires ou environnementaux. »

    • Corentin Barbu donne un exemple. « Aujourd’hui, le glyphosate représente environ 50 % des usages herbicides en France, et il est homologué pour une application de 1,6 kilogramme à l’hectare, explique le chercheur. Une nouvelle molécule herbicide en cours d’évaluation pourrait arriver prochainement sur le marché et son taux d’application est de l’ordre de 1 gramme par hectare, soit 1 600 fois moins. »

      Le simple remplacement du glyphosate par cette nouvelle substance induirait une réduction considérable de l’indice HRI-1. « Or une telle substitution ne changerait fondamentalement rien à l’usage réel des pesticides, ni aux risques pour la biodiversité, dit M. Barbu. Si ce n’est qu’on remplacerait le glyphosate par une molécule nouvelle, sur laquelle on n’a aucun recul. »

      En dépit des limites du HRI-1, le NODU n’est pas parfait. Le CST suggère ainsi des améliorations de l’indice plutôt que son remplacement. « Nous allons continuer à travailler dans les prochains mois sur la question, dit M. Aubertot. L’indice idéal serait calculable au niveau européen, tiendrait compte des risques pour la santé et la biodiversité, mais aussi des doses d’application des substances actives, c’est-à-dire de leur efficacité. » La question est surtout de savoir si cet indice « idéal » serait politiquement désirable.

  • À propos du projet « Écologies incarnées »
    https://visionscarto.net/projet-ecologies-incarnees

    Le projet « Écologies incarnées » est une grande enquête collaborative qui explore la manière dont le corps humain interagit dans la vie quotidienne avec une multiplicité de produits toxiques, et comment les gens perçoivent, comprennent cette exposition, et enfin, agissent pour tenter de la réduire, compte tenu du fait que nous vivons dans un monde inégalement pollué. par Tait Mandler Anthropologue, enseignant chercheur à l’Université de Wageningen (Pays-Bas) Traduction de l’anglais et (...) #Embodied_ecologies

  • Cadences, sous-traitance, pression… quand le travail tue

    « Morts au travail : l’hécatombe. » Deux personnes meurent chaque jour, en moyenne, dans un accident dans le cadre de leur emploi. Ce chiffre, sous estimé, qui n’intègre pas les suicides ou les maladies, illustre un problème systémique

    « J’ai appris la mort de mon frère sur Facebook : la radio locale avait publié un article disant qu’un homme d’une trentaine d’années était décédé près de la carrière, raconte Candice Carton. J’ai eu un mauvais pressentiment, j’ai appelé la gendarmerie, c’était bien lui… L’entreprise a attendu le lendemain pour joindre notre mère. » Son frère Cédric aurait été frappé par une pierre à la suite d’un tir de mine le 28 juillet 2021, dans une carrière à Wallers-en-Fagne (Nord). Il travaillait depuis dix-sept ans pour le Comptoir des calcaires et matériaux, filiale du groupe Colas.

    Deux ans et demi plus tard, rien ne permet de certifier les causes de la mort du mécanicien-soudeur de 41 ans. D’abord close, l’enquête de gendarmerie a été rouverte en septembre 2023 à la suite des conclusions de l’inspection du travail, qui a pointé la dizaine d’infractions dont est responsable l’entreprise. Cédric Carton n’avait pas le boîtier pour les travailleurs isolés, qui déclenche une alarme en cas de chute. « Ils l’ont retrouvé deux heures après, se souvient sa sœur. Le directeur de la carrière m’a dit que mon frère était en sécurité, et qu’il avait fait un malaise… alors qu’il avait un trou béant de 20 centimètres de profondeur de la gorge au thorax. » En quête de réponses, elle a voulu déposer plainte deux fois, chacune des deux refusée, multiplié les courriers au procureur, pris deux avocats… Sans avoir le fin mot de cette triste histoire.

    Que s’est-il passé ? Est-ce la « faute à pas de chance », les « risques du métier » ? Qui est responsable ? Chaque année, des centaines de familles sont confrontées à ces questions après la mort d’un proche dans un accident du travail (AT), c’est-à-dire survenu « par le fait ou à l’occasion du travail, quelle qu’en soit la cause ».

    « Un chauffeur routier a été retrouvé mort dans son camion », « Un ouvrier de 44 ans a été électrocuté », « Un homme meurt écrasé par une branche d’arbre », « Deux ouvriers roumains, un père et son fils, trouvent la mort sur un chantier à Istres [Bouches-du-Rhône] »… Le compte X de Matthieu Lépine, un professeur d’histoire-géographie, qui recense depuis 2019 les accidents dramatiques à partir des coupures de presse locale, illustre l’ampleur du phénomène. Vingt-huit ont été comptabilisés depuis janvier.

    En 2022, selon les derniers chiffres connus, 738 décès ont été recensés parmi les AT reconnus. Soit deux morts par jour. Un chiffre en hausse de 14 % sur un an, mais stable par rapport à 2019. Et, depuis une quinzaine d’années, il ne baisse plus. A cela s’ajoutent 286 accidents de trajet mortels (survenus entre le domicile et le lieu de travail) et 203 décès consécutifs à une maladie professionnelle.

    Et encore, ces statistiques sont loin de cerner l’ampleur du problème. La Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) ne couvre que les salariés du régime général et n’intègre donc ni la fonction publique, ni les agriculteurs, ni les marins-pêcheurs, la majorité des chefs d’entreprise ou les autoentrepreneurs. C’est ainsi qu’en 2022 la Mutualité sociale agricole (MSA) a dénombré 151 accidents mortels dans le secteur des travaux agricoles, 20 % de plus qu’en 2019.

    Pour disposer de chiffres plus complets, il faut se tourner vers la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail (Dares). Problème : sa dernière étude porte sur 2019… A cette époque, elle dénombrait 790 AT mortels chez les salariés affiliés au régime général ou à la MSA et les agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière.

    Le secteur de la construction est celui où la fréquence des accidents mortels est la plus importante (le triple de la moyenne). Arrivent ensuite l’agriculture, la sylviculture et la pêche, le travail du bois et les transports-entreposage. Quatre-vingt-dix pour cent des victimes sont des hommes, et les ouvriers ont cinq fois plus de risques de perdre la vie que les cadres.

    Les accidents mortels sont deux fois plus fréquents chez les intérimaires. (...)
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/06/cadences-sous-traitance-pression-quand-le-travail-tue_6214988_3234.html

    https://justpaste.it/2ozrb

    #travail #accidents_du_travail #le_travail_tue

    • Accidents du travail : la lenteur de la justice pour faire reconnaître la responsabilité de l’employeur
      https://www.lemonde.fr/emploi/article/2024/02/06/morts-au-travail-la-douloureuse-lenteur-de-la-justice_6215011_1698637.html

      Les familles de victimes d’accidents mortels doivent parfois attendre des années avant de voir le bout de procédures judiciaires complexes.

      Pour ceux qui ont perdu un proche à la suite d’un accident du travail, la reconnaissance de la responsabilité de l’employeur est essentielle. Mais les procédures, d’ordre pénal ou civil, tournent parfois au parcours du combattant, voire s’étirent sur des années, ajoutant à la douleur des familles. Fabienne Bérard, du collectif Familles : stop à la mort au travail, cite l’exemple de Fanny Maquin, qui a perdu son mari cordiste, Vincent, il y a douze ans. Et qui n’est toujours pas passée en justice pour être indemnisée. « Comme souvent, il y a eu un grand nombre de renvois d’audience, explique-t-elle. L’avocat adverse met en avant que, depuis ce temps, elle a reconstruit une cellule familiale et que le préjudice ne peut pas être établi de la même manière… »

      Tout accident du travail mortel est suivi d’une enquête de l’inspection du travail (qui doit intervenir dans les douze heures), et de la gendarmerie ou de la police. Depuis 2019, les deux institutions peuvent mener une enquête en commun, mais c’est encore rare. Et souvent, l’enquête de l’inspection dure plusieurs mois, parce que les effectifs manquent pour mener à bien les constats immédiats, les auditions des témoins ou encore solliciter des documents auprès de l’entreprise.

      Ces investigations permettent de déterminer si la responsabilité pénale de l’employeur est engagée. Si les règles de santé et sécurité n’ont pas été respectées, l’inspection du travail en avise le procureur, qui est le seul à pouvoir ouvrir une procédure. « Dès lors, le parquet a trois possibilités, explique l’avocat Ralph Blindauer, qui accompagne souvent des familles. Soit l’affaire est classée sans suite, soit une information judiciaire avec juge d’instruction est ouverte, car le cas est jugé complexe, soit, le plus couramment, une ou plusieurs personnes sont citées à comparaître devant le tribunal correctionnel. »

      Un montant négligeable

      En cas de poursuite au pénal, l’employeur est fréquemment condamné pour homicide involontaire en tant que personne morale – ce qui est peu satisfaisant pour les victimes, et peu dissuasif. L’amende est en effet de 375 000 euros maximum, un montant négligeable pour un grand groupe. L’employeur est plus rarement condamné en tant que personne physique, car il est difficile d’identifier le responsable de la sécurité – la peine encourue est alors l’emprisonnement.

      Dans le cas d’une procédure au civil, la reconnaissance d’une « faute inexcusable » de l’employeur permet aux ayants droit (conjoints, enfants ou ascendants) d’obtenir la majoration de leur rente, ainsi que l’indemnisation de leur préjudice moral. La faute est caractérisée lorsque l’entreprise a exposé son salarié à un danger dont il avait, ou aurait dû, avoir conscience et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

      « Le nœud du sujet, c’est la conscience du danger, en particulier lors d’un malaise mortel, explique Morane Keim-Bagot, professeure de droit à l’université de Strasbourg. Les employeurs remettent en question le caractère professionnel de l’accident, en démontrant qu’il y a une cause étrangère exclusive. » Certains prétendent ainsi que la victime souffrait d’un problème cardiaque décelé au moment de l’autopsie, de surpoids, de stress ou de tabagisme.

      « Si vous tombez sur un inspecteur surchargé, un parquet qui s’y attelle moyennement, des gendarmes non spécialisés et débordés, les procédures durent facilement des années, sans compter les renvois d’audience fréquents, conclut Me Blindauer. La longueur très variable de ces affaires illustre aussi le manque de moyens de la #justice. »

      #responsabilité_de_l’employeur #inspection_du_travail #responsabilité_pénale

    • Entre déni des entreprises et manque de données, l’invisibilisation des suicides liés au travail

      https://www.lemonde.fr/emploi/article/2024/02/06/entre-deni-des-entreprises-et-manque-de-donnees-l-invisibilisation-des-suici

      Le manque de prise en compte du mal-être au travail renforce les risques d’accidents dramatiques.
      Par Anne Rodier

      « La dernière conversation que j’ai eue avec mon mari [Jean-Lou Cordelle] samedi 4 juin [2022] vers 22 heures concernait les dossiers en cours à son travail. Le lendemain matin, mon fils découvrait son père au bout d’une corde pendu dans le jardin », témoigne Christelle Cordelle dans la lettre adressée aux représentants du personnel d’Orange pour leur donner des précisions sur l’état psychologique de son mari avant son suicide, à l’âge de 51 ans, après des mois de surcharge de travail, d’alertes vaines à la hiérarchie et à la médecine du travail.

      Son acte, finalement reconnu comme « accident de service » – c’est ainsi que sont nommés les accidents du travail (#AT) des fonctionnaires –, n’est pas recensé dans le bilan annuel de la Sécurité sociale. Celui-ci ne tient pas, en effet, compte de la fonction publique, invisibilisant les actes désespérés des infirmières, des professeurs ou encore des policiers.

      L’Assurance-maladie parle d’une quarantaine de suicides-accidents du travail par an. Un chiffre stable, représentant 5 % du total des accidents du travail mortels, mais qui serait nettement sous-évalué. C’est entre vingt et trente fois plus, affirme l’Association d’aide aux victimes et aux organismes confrontés aux suicides et dépressions professionnelles (ASD-pro), qui l’évalue plutôt entre 800 et 1 300 chaque année, sur la base d’une étude épidémiologique sur les causes du suicide au travail réalisée fin 2021 par Santé publique France. https://www.santepubliquefrance.fr/recherche/#search=Suicide%20et%20activité%20professionnelle%20en%20France

      L’explosion des risques psychosociaux (RPS) en entreprise constatée étude après étude et par la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM : https://assurance-maladie.ameli.fr/etudes-et-donnees/2018-sante-travail-affections-psychiques) apporte de l’eau au moulin de l’ASD-pro : 1 814 maladies professionnelles relèvent de maladies psychiques, en augmentation régulière, note le rapport 2022. Quant au dernier baromètre du cabinet Empreinte humaine, publié en novembre 2023, il est sans équivoque : près d’un salarié sur deux (48 %) était en détresse psychologique en 2023.

      « Passage à l’acte brutal »

      La mécanique mortifère de la souffrance au travail est connue. « Les mécanismes à l’œuvre semblent être toujours liés : atteintes à la professionnalité et à l’identité professionnelle, perte de l’estime de soi, apparition d’un sentiment d’impuissance », explique Philippe Zawieja, psychosociologue au cabinet Almagora.
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      Tous les RPS ne conduisent pas au geste fatal. « Il y a moins de suicidés chez les #salariés que parmi les #chômeurs, et 90 % des suicides interviennent sur fond de problème psychiatrique antérieur », souligne M. Zawieja. Mais « il existe des actes suicidaires qui ne sont pas la conséquence d’un état dépressif antérieur, qui marquent un passage à l’acte brutal [raptus], lié à un élément déclencheur conjoncturel », indique l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) https://www.inrs.fr/risques/suicide-travail/ce-qu-il-faut-retenir.html. Comme ce fut le cas du management toxique institutionnel à France Télécom. C’est alors que survient l’accident.

      « Pour Jean-Lou, tout s’est passé insidieusement, témoigne sa veuve. Il était en surcharge de travail depuis octobre-novembre 2021, avec des salariés non remplacés, des départs en retraite. Un jour de janvier, je l’ai vu buguer devant son ordinateur. A partir de là, j’ai été plus attentive. En mars [2022], ils ont allégé sa charge de travail mais insuffisamment. En avril, il a craqué. La médecine du travail a été prévenue. Il a finalement été mis en arrêt, sauf qu’il continuait à recevoir des mails. Ils lui avaient laissé son portable professionnel et il n’y avait pas de message de gestion d’absence renvoyant vers un autre contact. Jusqu’au bout, Orange n’a pas pris la mesure ».

      Le plus souvent, les suicides au travail sont invisibilisés, au niveau de l’entreprise d’abord, puis des statistiques. « Classiquement, l’entreprise, quand elle n’est pas tout simplement dans le déni, considère que c’est une affaire privée et que le travail n’en est pas la cause », explique le juriste Loïc Lerouge, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et spécialiste du sujet.

      Un déni qui a valu à Renault la première condamnation pour « faute inexcusable de l’employeur pour n’avoir pas pris les mesures nécessaires alors qu’il avait conscience du danger » concernant les salariés du Technocentre de Guyancourt (Yvelines) qui ont mis fin à leurs jours dans les années 2000. [en 2012 https://www.lemonde.fr/societe/article/2012/05/12/suicide-au-technocentre-renault-condamne-pour-faute-inexcusable_1700400_3224 « On reconnaît pleinement la responsabilité de la personne morale de l’entreprise depuis l’affaire #France_Télécom », précise M. Lerouge.

      Caractérisation délicate

      L’#invisibilisation des suicides commence par le non-dit. En réaction aux deux suicides de juin 2023 à la Banque de France, où l’une des victimes avait laissé une lettre incriminant clairement ses conditions de travail, la direction a déclaré avoir « fait ce qui s’impose » après un tel drame https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/10/10/a-la-banque-de-france-le-suicide-de-deux-salaries-empoisonne-le-dialogue-soc . Puis, lors des vœux 2024 adressés au personnel le 2 janvier, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, n’a pas prononcé le mot « suicide », évoquant les « décès dramatiques de certains collègues ». Et s’il a déclaré « prendre au sérieux les résultats et les suggestions » de l’enquête qui acte le problème de #surcharge_de_travail, présentée au comité social et économique extraordinaire du 18 janvier, il n’a pas mis sur pause le plan de réduction des effectifs dans la filière fiduciaire. Celle-là même où travaillaient les deux salariés qui ont mis fin à leurs jours. « Beaucoup de gens n’ont pas les moyens de faire correctement leur travail et sont en souffrance. Il existe à la Banque de France une forme de maltraitance généralisée », affirme Emmanuel Kern, un élu CGT de l’institution.

      La caractérisation des suicides en accidents du travail est un exercice délicat, au cœur de la reconnaissance de la responsabilité de l’employeur. Pour Santé publique France, la définition est assez simple (« Surveillance des suicides en lien potentiel avec le travail », 2021). Il s’agit de tout suicide pour lequel au moins une des situations suivantes était présente : la survenue du décès sur le lieu du travail ; une lettre laissée par la victime mettant en cause ses conditions de travail ; le décès en tenue de travail alors que la victime ne travaillait pas ; le témoignage de proches mettant en cause les conditions de travail de la victime ; des difficultés connues liées au travail recueillies auprès des proches ou auprès des enquêteurs.

      Mais pour l’administration, le champ est beaucoup plus restreint : l’Assurance-maladie prend en compte « l’acte intervenu au temps et au lieu de travail ». Et la reconnaissance n’aura pas lieu si des éléments au cours de l’enquête permettent d’établir que « le travail n’est en rien à l’origine du décès », précise la charte sur les accidents du travail rédigée à destination des enquêteurs de la Sécurité sociale https://www.atousante.com/wp-content/uploads/2011/05/Charte-des-AT-MP-acte-suicidaire-et-accident-du-travail.pdf. « En dehors du lieu de travail, c’est à la famille de faire la preuve du lien avec l’activité professionnelle », explique Michel Lallier, président de l’ASD-pro. Une vision nettement plus restrictive, qui explique cet écart entre les bilans des suicides au travail.

      #suicide_au_travail #risques_psychosociaux #médecine_du_travail #conditions_de_travail #management #cadences #pression #surcharge_de_travail

    • Manque de sécurité sur les chantiers : « Notre fils est mort pour 6 000 euros », Aline Leclerc
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/07/manque-de-securite-sur-les-chantiers-notre-fils-est-mort-pour-6-000-euros_62

      Pour réduire les coûts et tenir les délais, certaines entreprises du bâtiment accumulent les négligences et infractions au code du travail, susceptibles d’engendrer de graves accidents du travail

      Alban Millot avait trouvé l’offre d’emploi sur Leboncoin. Touche-à-tout débrouillard enchaînant les petits boulots, il n’avait aucune expérience dans la pose de panneaux photovoltaïques ni dans le travail en hauteur. Trois semaines après son embauche, il est passé à travers la toiture d’un hangar, le 10 mars 2021. Une chute mortelle de plus de 5 mètres. Le jour de ses 25 ans.

      « Quand le gendarme vous l’annonce, il parle d’un “accident”, comme on dit quand quelqu’un meurt sur la route », se rappelle douloureusement Laurent Millot, son père. La chute renvoie toujours d’abord l’idée d’une erreur d’attention, d’un déséquilibre. La faute à pas de chance. Et à la victime surtout – Alban n’a-t-il pas marché sur une plaque translucide qu’il savait fragile ?

      Ce n’est que quelque temps après que reviennent en mémoire ces petites phrases qui donnent à l’« accident » un autre sens. « J’avais eu Alban au téléphone une semaine avant. Il m’a dit que son travail était hyperdangereux, et qu’il allait s’acheter son propre harnais parce que celui fourni par la boîte était bas de gamme », raconte Véronique Millot, sa mère. Quand pour la rassurer il lui a dit : « Je fais ça seulement jusqu’à l’été », elle a répondu : « Te tue pas pour un boulot… »

      Inexpérimentés

      L’enquête, étoffée dans ce dossier, a mis en évidence une effarante liste de dysfonctionnements et d’infractions au code du travail de la PME qui l’employait, dont l’activité officiellement enregistrée (son code NAF ou APE) était « commerce de détail en quincaillerie, peintures ». Le seul technicien dûment diplômé avait quitté la société deux mois avant l’embauche d’Alban. Sur les vingt-cinq salariés, une dizaine de commerciaux et seulement trois équipes de deux poseurs, lesquels étaient en conséquence soumis à un rythme intense pour honorer les commandes.

      Avant sa mort, Alban et son collègue de 20 ans, et trois mois d’ancienneté seulement, étaient partis le lundi de Narbonne (Aude) pour un premier chantier en Charente, puis un autre en Ille-et-Vilaine, avant un troisième, le lendemain, dans les Côtes-d’Armor, et un ultime, le mercredi, en Ille-et-Villaine, où a eu lieu l’accident. Alban, seul à avoir le permis, avait conduit toute la route.

      Inexpérimentés, les deux hommes n’avaient reçu qu’une formation sommaire à la sécurité. Et, surtout, ne disposaient pas de harnais complets pour s’attacher, comme l’a constaté l’inspectrice du travail le jour du drame.

      « Méconnaissance totale » et « déconcertante » du dirigeant

      Sans matériel, ils ont loué sur place une échelle chez Kiloutou. « Combien pèse une plaque photovoltaïque ? », a demandé le président du tribunal correctionnel de Rennes, lors du procès en première instance. « Dix-huit kilos », a répondu le chef d’entreprise. « Il faut monter l’échelle avec le panneau sous le bras ? », s’est étonné le président. « Cela dépend du chantier. »

      Il sera démontré pendant l’enquête, puis à l’audience, la « méconnaissance totale » et « déconcertante » du dirigeant, commercial de formation, de la réglementation en vigueur sur le travail en hauteur comme sur les habilitations électriques. Il n’avait entrepris aucune démarche d’évaluation des risques. Et ce, alors que deux autres accidents non mortels avaient eu lieu peu de temps avant sur ses chantiers.

      Dans son jugement du 6 juin 2023, le tribunal a reconnu l’employeur – et non l’entreprise, déjà liquidée – coupable d’homicide involontaire, retenant la circonstance aggravante de « violation manifestement délibérée » d’une obligation de sécurité ou de prudence, « tant l’inobservation était inscrite dans ses habitudes ».

      Enjeux financiers

      Car ces négligences tragiques cachent aussi des enjeux financiers. Monter un échafaudage, c’est plusieurs heures perdues dans un planning serré, et un surcoût de 6 000 euros, qui aurait doublé le devis, a chiffré un ouvrier à l’audience. « En somme, notre fils est mort pour 6 000 euros », souligne Mme Millot.

      L’affaire résonne avec une autre, dans laquelle Eiffage Construction Gard et un sous-traitant ont été condamnés en première instance comme en appel lors des procès qui se sont tenus en mai 2021 et avril 2022, à Nîmes. Mickaël Beccavin, cordiste de 39 ans, a fait une chute mortelle le 6 mars 2018, alors qu’il assemblait des balcons sur les logements d’un chantier d’envergure. Pour une raison restée inexpliquée, une corde sur laquelle il était suspendu a été retrouvée sectionnée, trop courte de plusieurs mètres. Quand la défense de l’entreprise a plaidé la seule responsabilité de la victime, qui aurait mal vérifié son matériel, l’inspecteur du travail a proposé une autre analyse.

      « On peut vous expliquer que le cordiste doit faire attention, mais la question n’est pas que là. La question est : est-ce qu’on devait faire appel à des cordistes pour ce chantier ? », a expliqué Roland Migliore à la barre, en mai 2021. Car la législation n’autorise les travaux sur cordes, particulièrement accidentogènes, qu’en dernier recours : cette pratique n’est possible que si aucun autre dispositif de protection dite « collective » (échafaudage, nacelle…) n’est envisageable. « La protection collective protège le salarié indépendamment de ce qu’il peut faire lui. S’il s’attache mal, il est protégé, rappelle l’inspecteur du travail. Au contraire, si l’on choisit la protection individuelle, on fait tout reposer sur le salarié. »

      « Précipitation »

      Le recours à la corde était apparu à l’audience comme un choix de dernière minute, sur un chantier où « tout le monde était pressé ». L’inspecteur du travail avait alors souligné cet aspect : « Malheureusement, dans le BTP, les contraintes sur les délais de livraison poussent à la précipitation : on improvise, quitte à ne pas respecter le plan général de coordination. »

      Secrétaire CGT-Construction, bois et ameublement de Nouvelle-Aquitaine, Denis Boutineau n’en peut plus de compter les morts. « Très souvent, c’est lié à un manque de sécurité. Quand vous êtes en ville, regardez les gens qui travaillent sur les toits, il n’y a aucune protection ! Pourquoi ? Pour des raisons économiques ! » Il cite ainsi le cas d’un jeune couvreur passé à travers un toit Everite. « L’employeur avait fait deux devis ! Un avec la mise en sécurité, un sans ! Bien sûr, le second était moins cher. Lequel croyez-vous qu’a accepté le client ? »

      Caroline Dilly reste, elle aussi, hantée par un échange avec son fils Benjamin, 23 ans, quelque temps avant sa mort, le 28 février 2022. Couvreur lui aussi, il aurait chuté en revenant dans la nacelle après avoir remis une ardoise en place sur un toit. Il n’était pas titulaire du certificat d’aptitude à la conduite d’engins en sécurité (Caces), nécessaire à l’utilisation de cet engin. Et la nacelle était-elle adaptée pour réaliser ce chantier ? C’est ce que devra établir la procédure judiciaire, encore en cours.

      Mais avant de rejoindre cette entreprise, Benjamin avait été renvoyé par une autre, au bout de quinze jours. « Il avait refusé de monter sur un échafaudage qui n’était pas aux normes », raconte sa mère, qui s’entend encore lui faire la leçon : « Y a ce que t’apprends à l’école et y a la réalité du monde du travail ! » « Je m’en veux tellement d’avoir dit ça… J’ai pris conscience alors à quel point prendre des risques au travail était entré dans nos mœurs. Tout ça pour aller plus vite. Comment en est-on arrivés à ce que la rentabilité prime sur le travail bien fait, en sécurité ? », se désole-t-elle.

      « Quand on commence, on est prêt à tout accepter »

      Depuis qu’elle a rejoint le Collectif familles : stop à la mort au travail, elle est frappée par la jeunesse des victimes : « Quand on commence dans le métier, on n’ose pas toujours dire qu’on a peur. Au contraire, pour s’intégrer, on est prêt à tout accepter. »

      Alexis Prélat avait 22 ans quand il est mort électrocuté sur un chantier, le 5 juin 2020. Son père, Fabien, bout aujourd’hui d’une colère qui lui fait soulever des montagnes. Sans avocat, il a réussi à faire reconnaître par le pôle social du tribunal judiciaire de Périgueux la « faute inexcusable » de l’employeur.

      C’est-à-dire à démontrer que ce dernier avait connaissance du danger auquel Alexis a été exposé et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Le jeune homme est descendu dans une tranchée où était clairement identifiée, par un filet rouge, la présence d’un câble électrique. « Le préposé de l’employeur sous les ordres duquel travaillait la victime ce jour-là aurait dû avoir connaissance du danger », dit le jugement rendu le 11 mai 2023, qui liste des infractions relevées par l’inspecteur du travail, notamment l’« absence d’habilitation électrique » et l’« absence de transcription de l’ensemble des risques dans le document unique d’évaluation des risques ».

      Fabien Prélat relève également que, comme pour Alban Millot, le code APE de l’entreprise ne correspond pas à son activité réelle. Elle est identifiée comme « distribution de produits informatiques, bureautique et papeterie ». Il estime par ailleurs que le gérant, « de fait », n’est pas celui qui apparaît sur les documents officiels. « Bien sûr, ce n’est pas ça qui a directement causé la mort de mon fils. Mais si l’Etat contrôlait mieux les choses, ces gens-là n’auraient jamais pu s’installer », s’emporte-t-il.

      « Pas assez de contrôles de l’inspection du travail »

      Cheffe du pôle santé et sécurité à la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), syndicat patronal, et elle-même gestionnaire d’une PME de charpente et couverture dans le Puy-de-Dôme, Cécile Beaudonnat s’indigne de ces pratiques. « Ce sont des gens contre qui on lutte, explique-t-elle. On les repère quand leurs clients nous contactent, dépités, quand ils comprennent que l’entreprise qui leur a mal installé des panneaux solaires n’avait ni les techniciens qualifiés, ni l’assurance professionnelle décennale », explique-t-elle.

      Normalement, pour s’installer, il y a l’obligation d’avoir une formation professionnelle qualifiante homologuée (au moins un CAP ou un BEP) ou de faire valider une expérience de trois ans sous la supervision d’un professionnel. « Malheureusement, il n’y a pas assez de contrôles de l’inspection du travail », déplore-t-elle. Avant d’ajouter : « Pour nous, c’est avant tout au chef d’entreprise d’être exemplaire, sur le port des équipements de protection, en faisant ce qu’il faut pour former ses salariés et en attaquant chaque chantier par une démarche de prévention des risques. Nous sommes une entreprise familiale, on n’a aucune envie d’avoir un jour un décès à annoncer à une famille. »

      « Il y a une bataille à mener pour faire changer les mentalités. Y compris chez les ouvriers, pour qu’ils ne se mettent pas en danger pour faire gagner plus d’argent à l’entreprise ! Quand on voit les dégâts que ça fait sur les familles… », s’attriste Denis Boutineau.

      Les deux parents d’Alexis Prélat ont obtenu, chacun, 32 000 euros en réparation de leur préjudice moral, sa sœur 18 000 euros. Ils espèrent maintenant un procès en correctionnelle. « La meilleure façon de changer les choses, c’est d’obtenir des condamnations exemplaires », estime Fabien Prélat.

      Fait rare, l’employeur d’Alban Millot a, lui, été condamné en correctionnelle à trente-six mois de prison dont dix-huit ferme. Il a fait appel du jugement. « Avant le procès, j’avais la haine contre ce type, confie Laurent Millot. L’audience et, surtout, une sanction telle que celle-là m’ont fait redescendre. »

    • Accidents du travail : quand les machines mettent en péril la vie des salariés
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/08/accidents-du-travail-quand-les-machines-tuent_6215360_3234.html

      Dans l’industrie, le BTP ou l’agriculture, les accidents liés à l’utilisation de machines comptent parmi les plus graves et les plus mortels. Employeurs, fabricants et responsables de la maintenance se renvoient la faute.

      Lorsqu’il prend son poste, ce lundi 27 décembre 2021, cela fait déjà plusieurs mois que Pierrick Duchêne, 51 ans, peste contre la machine qu’il utilise. Après deux décennies dans l’agroalimentaire, il est, depuis cinq ans, conducteur de presse automatisée dans une agence Point P. de fabrication de parpaings, à Geneston (Loire-Atlantique). Depuis un an et demi, la bonne ambiance au boulot, cette fraternité du travail en équipe qu’il chérit tant, s’est peu à peu délitée. L’atmosphère est devenue plus pesante. La cadence, toujours plus infernale. Les objectifs de #productivité sont en hausse. Et ces #machines, donc, « toujours en panne », fulmine-t-il souvent auprès de sa femme, Claudine.

      Ce jour-là, il ne devait même pas travailler. Mais parce qu’il était du genre à « toujours aider et dépanner », dit Claudine, il a accepté de rogner un peu sur ses vacances pour participer à la journée de maintenance et de nettoyage des machines. Pierrick Duchêne a demandé à son fils qu’il se tienne prêt. Dès la fin de sa journée, à 15 heures, ils devaient aller à la déchetterie. Mais, vers 11 h 30, il est retrouvé inconscient, en arrêt cardiorespiratoire, écrasé sous une rectifieuse à parpaing. Dépêché sur place, le service mobile d’urgence et de réanimation fait repartir son cœur, qui s’arrête à nouveau dans l’ambulance. Pierrick Duchêne meurt à l’hôpital, le 2 janvier 2022.

      Son histoire fait tragiquement écho à des centaines d’autres, se produisant chaque année en France. En 2022, la Caisse nationale d’assurance-maladie a recensé 738 accidents du travail mortels dans le secteur privé, selon son rapport annuel publié en décembre 2023. 1 % d’entre eux sont liés au « risque machine » – auquel on peut ajouter les accidents liés à la « manutention mécanique », de l’ordre de 1 % également. Selon l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), qui répertorie plus précisément les incidents de ce type, les machines sont mises en cause dans 10 % à 15 % des accidents du travail ayant entraîné un arrêt supérieur ou égal à quatre jours, ce qui représente environ 55 000 accidents. Dont une vingtaine sont mortels chaque année.

      « La peur suppure de l’usine parce que l’usine au niveau le plus élémentaire, le plus perceptible, menace en permanence les hommes qu’elle utilise (…), ce sont nos propres outils qui nous menacent à la moindre inattention, ce sont les engrenages de la chaîne qui nous rappellent brutalement à l’ordre », écrivait Robert Linhart, dans L’Etabli (Editions de Minuit), en 1978. L’industrie, et notamment la métallurgie, est un secteur d’activité dans lequel les risques pour la santé des ouvriers sont amplifiés par l’utilisation d’outils et de machines. Les employés agricoles, les salariés de la chimie ou les travailleurs du BTP sont aussi très exposés. Sur le terrain, les services de l’inspection du travail font régulièrement état de la présence de machines dangereuses.

      « Aveuglement dysfonctionnel »

      Si leur fréquence baisse depuis les années 1990, ces accidents sont souvent les plus graves, avec des blessures importantes, et les procédures qui s’ensuivent sont extrêmement longues. La responsabilité peut être difficile à établir, car plusieurs acteurs sont en jeu : l’employeur, le fabricant de la machine, l’installateur, la maintenance. La plupart du temps, chacun se renvoie la faute. Comme si la machine permettait à tous de se dédouaner.

      « Le risque zéro n’existe pas », entend-on régulièrement au sujet des accidents du travail, qui plus est quand une machine est en cause. Pourtant, le dysfonctionnement brutal que personne ne pouvait anticiper, qui accréditerait la thèse d’une infortune létale, n’est quasiment jamais à l’œuvre. Au contraire, les défaillances des machines sont souvent connues de tous. « Il peut s’installer une sorte d’aveuglement dysfonctionnel, analyse Jorge Munoz, maître de conférences en sociologie à l’université de Bretagne occidentale. Le problème est tellement récurrent qu’il en devient normal. »

      Une situation qui hante encore les jours et les nuits de Delphine et de Franck Marais, les parents de Ludovic. Personne ne pouvait soupçonner que ce jeune apprenti barman de 19 ans mettait sa vie en péril en servant pintes et cafés derrière le comptoir d’une brasserie réputée de Tours. Mais, le 16 décembre 2019, quelques minutes avant de rentrer chez lui, à 23 h 45, sa tête est percutée par le monte-charge des poubelles.

      La machine fonctionnait depuis des mois, voire plusieurs années, avec les grilles de protection ouvertes. « Quelqu’un a désactivé la sécurité qui empêchait le monte-charge de démarrer ainsi, grilles ouvertes », raconte Franck, le père. Qui ? Un salarié, pour gagner du temps ? L’employeur, pour que ses salariés aillent plus vite ? Le responsable de la maintenance, à la demande de l’employeur ? Un oubli du technicien ? « On ne saura probablement jamais, mais, finalement, là n’est pas la question, estime l’avocate des parents, Marion Ménage. Ce qui compte, c’est que l’entreprise savait qu’il fonctionnait grilles ouvertes et qu’elle n’a rien fait. »

      « Il se sentait en danger »

      Sécurité désactivée, maintenance non assurée, prévention déconsidérée… Les mêmes logiques, les mêmes légèretés face à des machines dangereuses reviennent méthodiquement dans les récits, soulignant le caractère systémique de ces événements dramatiques. « Les dispositifs de sécurité ralentissent parfois le processus de travail et empêchent de tenir la cadence, analyse Jorge Munoz. On peut être tenté de défaire le mécanisme et, donc, de mettre en péril l’utilisateur. » C’est cette logique mortifère qui a été fatale à Flavien Bérard. Le jeune homme de 27 ans était sondeur pour la Société de maintenance pétrolière (SMP), une entreprise de forage et d’entretien de puits pétroliers, gaziers et de géothermie.

      D’abord employé sur un site dans le Gard, où il s’épanouit malgré les conditions de travail difficiles, Flavien Bérard est transféré après une semaine à Villemareuil, en Seine-et-Marne. Il se retrouve sur un chantier de forage pétrolier dont est propriétaire SMP, « les puits du patron », comme on surnomme le lieu. Industrie lourde, à l’ancienne, rythme en trois-huit, rendements à tout prix… Flavien est confronté à un milieu dur et peu accueillant. « Il nous a vite dit que c’était difficile, se souvient sa mère, Fabienne. Le gaillard de 1,84 mètre, plus de 80 kilos, corps de rugbyman, est pourtant du genre à tenir physiquement.

      « Il nous a surtout dit qu’il se sentait en danger, que les machines étaient dangereuses et qu’il avait des doutes sur la sécurité », déplore aujourd’hui Fabienne Bérard. Ses inquiétudes s’avèrent prémonitoires. Alors qu’il avait décidé de ne pas poursuivre sur le site une fois sa mission arrivée à son terme, le 5 mars 2022, vers 4 heures, une pièce métallique d’une trentaine de kilos se détache d’une machine de forage et percute Flavien à la tête, une quinzaine de mètres plus bas. Il meurt le lendemain, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.

      « On nous a tout de suite parlé d’une erreur humaine, avec une sécurité désactivée », explique le père de la victime, Laurent Bérard. Selon l’avocat des parents, Lionel Béthune de Moro, le rapport machine de l’expert judiciaire ferait état de « 373 non-conformités », dont 3 concerneraient le système responsable de l’accident. « Une sécurité essentielle a été désactivée, pour le rendement », ajoute-t-il. « On nous a même dit que ce n’était pas la première fois qu’il y avait un problème avec cette machine », renchérit Fabienne Bérard.

      Complexité des procédures

      Ces exemples posent la question de la #prévention et de la maintenance. « L’objectif, c’est que les entreprises voient celles-ci comme un profit et non comme un coût », affirme Jean-Christophe Blaise, expert de l’INRS. L’institut a justement pour mission de développer et de promouvoir une culture de prévention des accidents du travail au sein des entreprises. « Dans certains cas, elle peut être perçue comme quelque chose qui alourdit les processus, qui coûte plus cher, complète Jorge Munoz. Mais l’utilisation d’une machine nécessite une organisation spécifique. »

      D’autant qu’une politique de prévention se déploie sur le long terme et nécessite des actions régulières dans le temps. Les agents de l’INRS travaillent sur trois aspects pour éviter les drames autour des machines : les solutions techniques, l’organisation du travail et le levier humain (formation, compétences, etc.). « Un accident du travail est toujours multifactoriel et il faut agir sur tout à la fois, souligne M. Blaise. La clé, c’est la maintenance préventive : anticiper, prévoir plutôt que subir. »

      Les accidents du travail liés aux machines ont un autre point commun : la complexité des procédures qui s’ensuivent. Plus de deux ans après les faits, Claudine Duchêne ne connaît toujours pas les circonstances exactes de la mort de son mari. « Je sais juste que la machine n’aurait pas dû fonctionner en ce jour de maintenance, qu’il n’aurait pas dû y avoir d’électricité », assure-t-elle. L’enquête de la gendarmerie a été close en juillet 2022, celle de l’inspection du travail a été remise à la justice en juin 2023. Celle-ci révélerait « une faute accablante sur l’organisation de la journée de maintenance », précise Claudine Duchêne. Depuis, elle attend la décision du parquet de Nantes.

      Aux enquêtes de police et de l’inspection du travail peut s’ajouter une expertise judiciaire, ralentissant encore un peu plus la procédure, comme dans le cas de Flavien Bérard. « L’attente est longue et douloureuse pour les familles, souligne Me Béthune de Moro. Plus il y a d’intervenants, plus cela alourdit les choses, mais c’est toujours pour éclairer la situation, dans un souci de manifestation de la vérité. » La famille attend désormais d’éventuelles mises en examen et une ordonnance de renvoi dans l’année pour un procès en 2025.

      Après l’accident de Ludovic Marais, le monte-charge a été mis sous scellé jusqu’en mars 2023, une procédure indispensable mais qui allonge encore les délais. Cela a empêché l’intervention d’un expert judiciaire pendant plus de trois ans. « Le nouveau juge d’instruction a décidé de lever les scellés et une nouvelle expertise est en cours », confie Me Ménage. Le rapport pourrait arriver d’ici à l’été. Sachant que les avocats de la défense pourront éventuellement demander une contre-expertise. La brasserie, le patron, la tutrice du jeune apprenti, Otis (la société ayant installé le monte-charge) et un de ses techniciens chargé de la maintenance sont mis en examen pour « homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité et de prudence dans le cadre du travail ». Un procès pourrait avoir lieu fin 2024 ou en 2025. La fin d’un chemin de croix judiciaire pour qu’enfin le deuil soit possible.

    • Accidents du travail : les jeunes paient un lourd tribut
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/09/accidents-du-travail-les-jeunes-paient-un-lourd-tribut_6215566_3234.html

      Entre les entreprises peu scrupuleuses et la nécessité pour les jeunes de faire leurs preuves dans un monde du travail concurrentiel, les stagiaires, élèves de lycées professionnels ou apprentis sont les plus exposés aux risques professionnels.

      Quatre jours. L’unique expérience professionnelle de Jérémy Wasson n’aura pas duré plus longtemps. Le #stage d’observation de cet étudiant en première année à l’Ecole spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l’industrie (ESTP) devait durer deux mois, dans l’entreprise Urbaine de travaux (filiale du géant du BTP Fayat). Le 28 mai 2020, il est envoyé seul sur le toit du chantier du centre de commandement unifié des lignes SNCF de l’Est parisien, à Pantin (Seine-Saint-Denis). A 13 h 30, il fait une chute en passant à travers une trémie de désenfumage – un trou laissé dans le sol en attente d’aménagement – mal protégée. Il meurt deux jours plus tard, à 21 ans.

      L’accident de Jérémy a laissé la grande école du bâtiment en état de choc. « C’est ce qui m’est arrivé de pire en trente ans d’enseignement supérieur », exprime Joël Cuny, directeur général de l’ESTP, directeur des formations à l’époque. La stupeur a laissé la place à de vibrants hommages. Un peu courts, toutefois… L’ESTP ne s’est pas portée partie civile au procès, regrette Frédéric Wasson, le père de Jérémy, qui souligne que « Fayat est l’entreprise marraine de la promo de [s]on fils… », ou que, dès 2021, Urbaine de travaux reprenait des dizaines de stagiaires issus de l’école.

      #Stagiaires, élèves de lycées professionnels en période de formation en milieu professionnel, #apprentis… Les jeunes paient un lourd tribut parmi les morts au travail : trente-six travailleurs de moins de 25 ans n’ont pas survécu à un accident du travail en 2022, selon le dernier bilan de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM). C’est 29 % de plus qu’en 2019. Et encore cela ne porte que sur les salariés du régime général. La CNAM souligne aussi que, par rapport aux autres accidents du travail, il s’agit davantage d’accidents « classiques, c’est-à-dire hors malaises et suicides », et d’accidents routiers.

      « Irresponsabilité totale »

      L’inexpérience de ces jeunes, quand elle n’est pas compensée par un accompagnement renforcé, explique en partie cette surmortalité. Quelque 15 % des accidents graves et mortels surviennent au cours des trois premiers mois suivant l’embauche, et plus de la moitié des salariés de moins de 25 ans morts au travail avaient moins d’un an d’ancienneté dans le poste.

      Tom Le Duault a, lui, perdu la vie le lundi 25 octobre 2021. Cet étudiant en BTS technico-commercial entame alors son quatrième contrat court dans l’abattoir de LDC Bretagne, à Lanfains (Côtes-d’Armor). Sa mère y travaille depuis vingt-neuf ans, et il espère ainsi mettre un peu d’argent de côté. Comme lors de ses premières expériences, il est « à la découpe », où il s’occupe de mettre en boîte les volailles. Ce matin-là, un salarié est absent. Tom doit le remplacer dans le réfrigérateur où sont stockées les caisses de viande. Il est censé y empiler les boîtes avec un gerbeur, un appareil de levage.

      « Sur les dernières images de vidéosurveillance, on le voit entrer à 9 h 53. Il n’est jamais ressorti, et personne ne s’est inquiété de son absence », regrette Isabelle Le Duault, sa mère. Il est découvert à 10 h 45, asphyxié sous deux caisses de cuisses de volaille. Elle apprend la mort de son fils par hasard. « J’ai vu qu’il y avait plein de monde dehors. Une fille m’a dit qu’il y avait un accident grave, elle m’a dit de demander si ce n’était pas mon fils au responsable. Il m’a demandé : “C’est Tom comment ?” C’était bien lui… »

      Les conclusions des enquêtes de gendarmerie et de l’inspection du travail ont vite écarté une éventuelle responsabilité du jeune homme. Jean-Claude Le Duault, son père, en veut à l’entreprise. « Tom n’a pas voulu les décevoir, vu que sa mère travaillait là. Mais on ne met pas un gamin de 18 ans seul dans un atelier, une heure, sans vérifier, sur un gerbeur. Il ne connaît pas les dangers, les règles de sécurité. C’est une irresponsabilité totale, à tous les étages. »

      Manquements

      Dans un monde du travail concurrentiel, les jeunes se doivent de faire leurs preuves. A quel prix ? Selon une enquête du Centre d’études et de recherches sur les qualifications publiée en 2020, 59 % des jeunes sortant de la voie professionnelle sont exposés à des risques de blessures ou d’accidents. Or, dans le même temps, ils n’ont pas la même connaissance de leurs droits. Toujours dans cette étude, 42 % déclaraient ne pas avoir reçu de formation ou d’informationsur la santé et la sécurité à l’arrivée sur leur poste. C’est le cas de Tom Le Duault, qui n’avait même pas de fiche de poste. Comme son utilisation du gerbeur n’était pas prévue, il avait été formé sur le tas.

      « Il avait déjà travaillé avec un appareil de levage lors de son précédent contrat, et il s’était déjà blessé à la cheville, ce qui avait causé trois semaines d’arrêt, fulmine Ralph Blindauer, avocat de la famille. Il a été formé par un autre intérimaire. C’était une formation à l’utilisation, pas à la sécurité ! »

      A l’absence d’encadrement et de formation s’ajoutent d’autres manquements, détaillés lors du procès de l’entreprise au pénal : l’appareil était défaillant, ce qui a vraisemblablement causé l’accident, et les salariés de LDC avaient l’habitude d’empiler les caisses sur trois niveaux au lieu de deux, faute de place dans la chambre froide, ce qui est contraire aux règles de sécurité.

      Le rôle du tuteur est crucial

      LDC Bretagne a été condamné, en mai 2023, à une amende de 300 000 euros, tandis que l’ancien directeur de l’#usine – devenu, entre-temps, « chargé de mission » au sein de l’entreprise – a été condamné à deux ans de prison avec sursis. Reconnaissant ses manquements, l’entreprise n’a pas fait appel, chose rare. La direction de cette grosse PME déclare que des mesures complémentaires ont été prises à la suite du décès de Tom, notamment un « plan de formation renforcé à la sécurité, des habilitations, une évaluation complète et approfondie des risques sur les différents postes, des audits par des cabinets indépendants ou le suivi d’indicateurs ».

      Un badge est désormais nécessaire pour se servir d’un gerbeur, ajoute Isabelle Le Duault. Elle a choisi de rester dans l’entreprise, mais à mi-temps. « Moi, je ne peux plus passer devant cette usine, ou même dans cette ville », renchérit son mari.

      En stage ou en apprentissage, le rôle du tuteur est crucial. Sur le chantier d’Urbaine de travaux, à Pantin, l’arrivée de Jérémy Wasson n’avait pas été anticipée. Le lundi matin, personne ne s’occupe de lui, car le chantier est en retard. Il ne reçoit rien d’autre qu’un livret d’accueil et un rendez-vous de quinze minutes pendant lequel on lui parle surtout des gestes barrières. « Jérémy s’est très vite interrogé sur la nature de son stage. Dès le premier jour, on lui a fait faire du marteau-piqueur, le mercredi soir, il trouvait ça fatigant et inintéressant. Ce soir-là, on a hésité à prévenir l’école… », raconte son père.

      Renforcer la formation à la sécurité

      La société Urbaine de travaux a été condamnée, en 2022, à 240 000 euros d’amende pour « homicide involontaire », et l’ingénieure en chef du chantier à 10 000 euros et deux ans de prison avec sursis. Cette décision du tribunal de Bobigny a confirmé les lourdes conclusions de l’inspection du travail, notamment la violation délibérée d’une obligation de #sécurité, l’absence d’encadrement et de formation de Jérémy et l’absence de #sécurisation de la trémie. L’entreprise a fait appel.

      Face à la violence de ces récits, qui concernent parfois des mineurs, le sujet a été érigé en axe prioritaire dans le plan santé au travail du gouvernement. Mais le choix du ministère du travail de publier deux mémentos qui mettent jeunes et entreprises sur le même plan, les invitant à « respecter toutes les consignes », peut étonner.

      Les écoles et centres de formation ont aussi un rôle à jouer pour renforcer la formation à la sécurité. En 2022, la CNAM a recensé plus de 1 million d’élèves et apprentis (CAP et bac professionnel) ayant reçu un enseignement spécifique en santé et sécurité au travail.

      Faciliter la mise en situation des adolescents

      A la suite du décès de Jérémy, l’ESTP a renforcé les enseignements – déjà obligatoires – sur la sécurité. Un élève ne peut se rendre en stage sans avoir obtenu une certification. « En cas de signalement, on fait un point avec les RH de l’entreprise, et si ça ne se résout pas, nous n’avons pas de scrupules à arrêter le stage. Mais je ne remets pas en cause la volonté des entreprises de créer un environnement de sécurité pour accueillir nos élèves », déclare Joël Cuny.

      Un argument difficile à entendre pour la famille de Jérémy Wasson… Car les #entreprises restent les premières responsables de la santé des jeunes sous leur responsabilité, comme du reste de leurs salariés. Le nombre d’apprentis a explosé ces dernières années, la réforme du lycée professionnel souhaite faciliter la mise en situation des adolescents.

      Par ailleurs, le gouvernement a annoncé l’obligation pour les élèves de 2de générale et technologique, dès 2024, d’effectuer un stage en entreprise ou en association de deux semaines, semblable au stage de 3e. La question ne s’est jamais autant posée : les employeurs mettront-ils les moyens pour protéger tous ces jeunes ?

      #apprentissage

    • Avec la sous-traitance, des accidents du travail en cascade, Anne Rodier
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/10/avec-la-sous-traitance-des-accidents-du-travail-en-cascade_6215798_3234.html

      Pression économique des donneurs d’ordre, délais resserrés, manque de prévention… Les salariés des entreprises en sous-traitance, en particulier sur les chantiers et dans le nettoyage, sont plus exposés aux accidents du travail. Surtout lorsqu’ils sont #sans-papiers.

      https://justpaste.it/axscq

      #sous-traitance

  • « La ruée minière au XXIe siècle » : le #mensonge de la #transition_énergétique

    La transition énergétique telle qu’elle est promue par les entreprises, les institutions et les gouvernements partout dans le monde repose sur l’extraction d’une quantité abyssale de #métaux. C’est ce paradoxe que décortique la journaliste et philosophe #Celia_Izoard dans son essai intitulé La ruée minière au XXIe siècle, qui paraît cette semaine au Québec aux Éditions de la rue Dorion.

    « Pour régler le plus important problème écologique de tous les temps, on a recours à l’industrie la plus polluante que l’on connaisse », résume l’autrice en visioconférence avec Le Devoir depuis son domicile, situé en pleine campagne dans le sud-ouest de la France.

    Cette dernière examine depuis plusieurs années les impacts sociaux et écologiques des nouvelles technologies. Elle a notamment publié un livre sur la vie des ouvriers de l’entreprise chinoise Foxconn, le plus grand fabricant de produits électroniques au monde. Ironiquement, nos outils numériques font défaut au cours de l’entrevue, si bien que nous devons poursuivre la discussion par le biais d’une bonne vieille ligne téléphonique résidentielle.

    Les métaux ont beau être de plus en plus présents dans les objets qui nous entourent, dont les multiples écrans, l’industrie minière fait très peu partie de l’imaginaire collectif actuel, explique Mme Izoard d’un ton posé et réfléchi. « Je croise tous les jours des gens qui me disent : “Ah bon, je ne savais pas que notre système reposait encore sur la #mine.” Ça me conforte dans l’idée que c’était utile de faire cette enquête. Notre système n’a jamais autant reposé sur l’#extraction_minière qu’aujourd’hui. »

    L’extraction de métaux a déjà doublé en vingt ans et elle n’est pas en voie de s’amenuiser, puisque les #énergies dites renouvelables, des #batteries pour #voitures_électriques aux panneaux solaires en passant par les éoliennes, en dépendent. Elle est susceptible d’augmenter de cinq à dix fois d’ici à 2050, selon une évaluation de l’Agence internationale de l’énergie.

    « Électrifier le parc automobile français nécessiterait toute la production annuelle de #cobalt dans le monde et deux fois plus que la production annuelle de #lithium dans le monde. Donc soit cette transition prendra beaucoup trop longtemps et ne freinera pas le réchauffement climatique, soit elle se fera dans la plus grande violence et une destruction incroyable », rapporte l’autrice.

    On bascule d’une forme d’extraction, du pétrole, à une autre, des métaux. « Cela n’a pas plus de sens que d’essayer de venir à bout de la toxicomanie remplaçant une addiction par une autre », juge-t-elle.

    Une justification officielle

    Les pouvoirs publics ne semblent pas y voir de problème. Ils font largement la promotion de cette #ruée_minière, promettant le développement de « #mines_responsables ». La #transition est la nouvelle excuse pour justifier pratiquement tous les #projets_miniers. « Une mine de cuivre est devenue miraculeusement une mine pour la transition », souligne Mme Izoard. Pourtant, le #cuivre sert à de multiples usages au-delà de l’#électrification, comme l’électronique, l’aérospatiale et l’armement.

    C’est dans ce contexte que la journaliste est partie à la recherche de mines responsables. Elle s’est documentée, elle a visité des sites d’exploitation, elle a consulté des experts de ce secteur d’activité et elle a rencontré des travailleurs, tout cela en #France, au #Maroc, au #Suriname et en #Espagne.

    Malgré les engagements publics et les certifications de plusieurs #entreprises_minières envers des pratiques durables et les droits de la personne, Celia Izoard n’a pas trouvé ce qu’elle cherchait. Au cours de cette quête, elle a publié une enquête pour le média Reporterre au sujet d’une mine marocaine mise en avant par les constructeurs automobiles #BMW et #Renault comme étant du « #cobalt_responsable ». Or, il s’est avéré que cette mine empoisonne les sols à l’#arsenic, dessèche la #nappe_phréatique et cause des maladies aux travailleurs.

    « La #mine_industrielle est un modèle qui est voué à avoir des impacts catastrophiques à moyen et long terme. Ce n’est pas parce que ces entreprises sont méchantes et malhonnêtes, mais parce qu’il y a des contraintes physiques dans cette activité. Elle nécessite énormément d’#eau et d’énergie, elle occupe beaucoup d’espace et elle déforeste. »

    #Boues_toxiques et pluies d’oies sauvages

    Dans son livre, Mme Izoard décrit de nombreux ravages et risques environnementaux qui sont matière à donner froid dans le dos. Les premières pages sont notamment consacrées au phénomène du #Berkeley_Pit, une ancienne mine de cuivre devenue un lac acide causant la mort de milliers d’oies sauvages.

    « Rappelons-nous la rupture de digue de résidus de la mine de cuivre et d’or de #Mount_Polley en 2014, lors de laquelle 17 millions de mètres cubes d’eau chargée en #métaux_toxiques ont irréversiblement contaminé de très grandes superficies et des ressources en eau d’une valeur inestimable, a-t-elle souligné au sujet de cette catastrophe canadienne. Or, des bassins de résidus de même type, il y en a 172 rien qu’en #Colombie-Britannique, et les boues toxiques qui y sont stockées représentent l’équivalent d’un million de piscines olympiques. Malheureusement, avec le chaos climatique, les risques de rupture accidentelle de ces barrages sont décuplés. » Elle considère d’ailleurs que le Canada est « au coeur de la tourmente extractiviste ».

    Les gouvernements du #Québec et du #Canada soutiennent généralement que le développement minier sur leur territoire respectera des #normes_environnementales plus strictes, en plus d’utiliser de l’énergie plus propre. Cet argument justifierait-il l’implantation de nouvelles mines ? Non, estime Mme Izoard.

    « Aucun État puissant industriellement ne relocalise sa #production_minière ni ne s’engage à cesser d’importer des métaux. Ce qui est en train de se passer, c’est que les besoins en métaux explosent dans tous les domaines et que les entreprises minières et les États se sont mis d’accord pour créer des mines partout où il est possible d’en créer. Ce n’est pas parce qu’on accepte une mine dans sa région qu’il n’y aura pas de mine pour la même substance à l’autre bout du monde. » Il est peu probable, par exemple, que des batteries produites au Québec s’affranchissent totalement des métaux importés.

    Pour une #décroissance_minérale

    Celia Izoard estime plutôt qu’une grande partie des mines du monde devraient fermer, puisqu’elles sont situées dans des zones menacées par la sécheresse. Nous n’aurions alors pas d’autre choix que de nous engager dans une désescalade de la consommation de métaux, « une remise en cause radicale de la manière dont on vit ». Selon cette vision, il faudrait contraindre l’ensemble du secteur industriel à se limiter, tout comme on lui demande de réduire ses émissions de GES. Les métaux devraient être réservés aux usages alors déterminés comme étant essentiels. Les immenses centres de données, les avions, les VUS électriques et les canettes d’aluminium sont-ils nécessaires à la vie humaine ?

    « Il faut arrêter de se laisser intimider par le #déterminisme_technologique, soit l’idée que le #progrès suit cette direction et qu’on ne peut rien changer. Ce sont des choix idéologiques et politiques très précis avec du financement public très important. Il faut cesser de penser que les technologies sont inéluctablement déployées et qu’on ne peut pas revenir en arrière. »

    https://www.ledevoir.com/lire/806617/coup-essai-mensonge-transition-energetique
    #mines #extractivisme #terres_rares #pollution

  • 🌿 🌳 🌼 Agriculture : décryptage des annonces de Gabriel Attal sur l’environnement | France Nature Environnement

    « L’analyse du discours du Premier ministre sur l’environnement démontre que sa vision de l’agriculture se résume à la seule agriculture industrielle... »

    #productivisme #capitalisme #pesticides #NonAuxPesticides #écologie #environnement

    https://fne.asso.fr/actualites/agriculture-decryptage-des-annonces-de-gabriel-attal-sur-l-environnement

  • #Productivisme et destruction de l’#environnement : #FNSEA et #gouvernement marchent sur la tête

    Répondre à la #détresse des #agriculteurs et agricultrices est compatible avec le respect de l’environnement et de la #santé_publique, expliquent, dans cette tribune à « l’Obs », les Scientifiques en rébellion, à condition de rejeter les mesures productivistes et rétrogrades du duo FNSEA-gouvernement.

    La #crise de l’agriculture brasse croyances, savoirs, opinions, émotions. Elle ne peut laisser quiconque insensible tant elle renvoie à l’un de nos #besoins_fondamentaux – se nourrir – et témoigne du #désarroi profond d’une partie de nos concitoyen·nes qui travaillent pour satisfaire ce besoin. Reconnaître la #souffrance et le désarroi du #monde_agricole n’empêche pas d’examiner les faits et de tenter de démêler les #responsabilités dans la situation actuelle. Une partie de son #traitement_médiatique tend à faire croire que les agriculteurs et agricultrices parleraient d’une seule voix, celle du président agro-businessman de la FNSEA #Arnaud_Rousseau. Ce directeur de multinationale, administrateur de holding, partage-t-il vraiment la vie de celles et ceux qui ne parviennent plus à gagner la leur par le travail de la terre ? Est-ce que les agriculteur·ices formeraient un corps uniforme, qui valoriserait le productivisme au mépris des #enjeux_environnementaux qu’ils et elles ne comprendraient soi-disant pas ? Tout cela est difficile à croire.

    Ce que la science documente et analyse invariablement, en complément des savoirs et des observations de nombre d’agriculteur·ices, c’est que le #modèle_agricole industriel et productiviste conduit à une #catastrophe sociale et environnementale. Que ce modèle concurrence dangereusement les #alternatives écologiquement et socialement viables. Que cette agriculture ne s’adaptera pas indéfiniment à un environnement profondément dégradé. Qu’elle ne s’adaptera pas à un #réchauffement_climatique de +4 °C pour la France et une ressource en #eau fortement diminuée, pas plus qu’à une disparition des #insectes_pollinisateurs.

    Actuellement, comme le rappelle le Haut Conseil pour le Climat (HCC), l’agriculture représente le deuxième secteur d’émissions de #gaz_à_effet_de_serre, avec 18 % du total français, derrière les transports. La moitié de ces émissions agricoles (en équivalent CO2) provient de l’#élevage_bovin à cause du #méthane produit par leur digestion, 14 % des #engrais_minéraux qui libèrent du #protoxyde_d’azote et 13 % de l’ensemble des #moteurs, #engins et #chaudières_agricoles. Le HCC rappelle aussi que la France s’est engagée lors de la COP26 à baisser de 30 % ses émissions de méthane d’ici à 2030, pour limiter le réchauffement climatique. L’agriculture, bien que répondant à un besoin fondamental, doit aussi revoir son modèle dominant pour répondre aux enjeux climatiques. De ce point de vue, ce qu’indique la science, c’est que, si l’on souhaite faire notre part dans le respect de l’accord de Paris, la consommation de #viande et de #produits_laitiers doit diminuer en France. Mais la solidarité avec nos agriculteur.ices ainsi que l’objectif légitime de souveraineté et #résilience_alimentaire nous indiquent que ce sont les importations et les élevages intensifs de ruminants qui devraient diminuer en premier.

    Côté #biodiversité, la littérature scientifique montre que l’usage des #pesticides est la deuxième cause de l’effondrement des populations d’#insectes, qui atteint 80 % dans certaines régions françaises. Les #oiseaux sont en déclin global de 25 % en quarante ans, mais ce chiffre bondit à 60 % en milieux agricoles intensifs : le printemps est devenu particulièrement silencieux dans certains champs…

    D’autres voies sont possibles

    Le paradoxe est que ces bouleversements environnementaux menacent particulièrement les agriculteur·ices, pour au moins trois raisons bien identifiées. Tout d’abord environnementale, à cause du manque d’eau, de la dégradation des sols, des événements météorologiques extrêmes (incendies ou grêles), ou du déclin des insectes pollinisateurs, qui se traduisent par une baisse de production. Sanitaires, ensuite : par leur exposition aux #produits_phytosanitaires, ils et elles ont plus de risque de développer des #cancers (myélome multiple, lymphome) et des #maladies_dégénératives. Financière enfin, avec l’interminable fuite en avant du #surendettement, provoqué par la nécessité d’actualiser un équipement toujours plus performant et d’acheter des #intrants pour pallier les baisses de production engendrées par la dégradation environnementale.

    Depuis des décennies, les #traités_de_libre-échange et la compétition intra-européenne ont privé la grande majorité des agriculteur·ices de leur #autonomie, dans un cercle vicieux aux répercussions sociales tragiques pouvant mener au #suicide. Si la FNSEA, les #JA, ou la #Coordination_rurale réclament une forme de #protectionnisme_agricole, d’autres de leurs revendications portent en revanche sur une baisse des #contraintes_environnementales et sanitaires qui font porter le risque de la poursuite d’un modèle délétère sur le long terme. Ce sont justement ces revendications que le gouvernement a satisfaites avec, en particulier, la « suspension » du #plan_Ecophyto, accueilli par un satisfecit de ces trois organisations syndicales rappelant immédiatement « leurs » agriculteurs à la ferme. Seule la #Confédération_paysanne refuse ce compromis construit au détriment de l’#écologie.

    Pourtant, des pratiques et des modèles alternatifs existent, réduisant significativement les émissions de gaz à effet de serre et préservant la biodiversité ; ils sont déjà mis en œuvre par des agriculteur·ices qui prouvent chaque jour que d’autres voies sont possibles. Mais ces alternatives ont besoin d’une réorientation des #politiques_publiques (qui contribuent aujourd’hui pour 80 % au #revenu_agricole). Des propositions cohérentes de politiques publiques répondant à des enjeux clés (#rémunération digne des agriculteur·ices non soumis aux trusts’de la grande distribution, souveraineté alimentaire, considérations climatiques et protection de la biodiversité) existent, comme les propositions relevant de l’#agroécologie, qu’elles émanent du Haut Conseil pour le Climat, de la fédération associative Pour une autre PAC, de l’IDDRI, ou encore de la prospective INRAE de 2023 : baisse de l’#élevage_industriel et du cheptel notamment bovin avec soutien à l’#élevage_extensif à l’herbe, généralisation des pratiques agro-écologiques et biologiques basées sur la valorisation de la biodiversité (cultures associées, #agro-foresterie, restauration des #haies favorisant la maîtrise des bio-agresseurs) et arrêt des #pesticides_chimiques_de_synthèse. Ces changements de pratiques doivent être accompagnés de mesures économiques et politiques permettant d’assurer le #revenu des agriculteur·ices, leur #accès_à_la_terre et leur #formation, en cohérence avec ce que proposent des syndicats, des associations ou des réseaux (Confédération paysanne, Atelier paysan, Terre de liens, Fédérations nationale et régionales d’Agriculture biologique, Réseau salariat, …).

    Nous savons donc que les politiques qui maintiennent le #modèle_agro-industriel sous perfusion ne font qu’empirer les choses et qu’une réorientation complète est nécessaire et possible pour la #survie, la #dignité, la #santé et l’#emploi des agriculteur·ices. Nombre d’enquêtes sociologiques indiquent qu’une bonne partie d’entre elles et eux le savent très bien, et que leur détresse témoigne aussi de ce #conflit_interne entre le modèle productiviste qui les emprisonne et la nécessité de préserver l’environnement.

    Une #convention_citoyenne

    Si le gouvernement convient que « les premières victimes du dérèglement climatique sont les agriculteurs », les mesures prises démontrent que la priorité gouvernementale est de sanctuariser le modèle agro-industriel. La remise en cause du plan Ecophyto, et la reprise en main de l’#Anses notamment, sont en totale contradiction avec l’urgence de s’attaquer à la dégradation environnementale couplée à celle des #conditions_de_vie et de travail des agriculteur·ices. Nous appelons les citoyen·nes et les agriculteur·rices à soutenir les changements de politique qui iraient réellement dans l’intérêt général, du climat, de la biodiversité. Nous rappelons que le sujet de l’agriculture et de l’#alimentation est d’une redoutable complexité, et qu’identifier les mesures les plus pertinentes devrait être réalisé collectivement et démocratiquement. Ces mesures devraient privilégier l’intérêt général et à long-terme, par exemple dans le cadre de conventions citoyennes dont les conclusions seraient réellement traduites dans la législation, a contrario a contrario de la précédente convention citoyenne pour le climat.

    https://www.nouvelobs.com/opinions/20240203.OBS84041/tribune-productivisme-et-destruction-de-l-environnement-fnsea-et-gouverne
    #tribune #scientifiques_en_rébellion #agriculture #souveraineté_alimentaire #industrie_agro-alimentaire

  • Une vraie #souveraineté_alimentaire pour la #France

    Le mercredi 6 décembre 2023, la FNSEA sortait du bureau d’Elisabeth Borne en déclarant fièrement que l’État abandonnait son projet de taxer l’usage des pesticides et des retenues d’eau. Cela vient conclure une séquence historique. Le 16 novembre déjà, l’Europe reconduisait l’autorisation du glyphosate pour 10 ans. Et, six jours plus tard, abandonnait aussi l’objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides à l’horizon 2030.

    Comment en est-on arrivé là ? La question a été récemment posée dans un rapport de l’Assemblée nationale. En plus du #lobbying habituel de la #FNSEA et de l’état de crise permanent dans laquelle vivent les agriculteurs et qui rend toute #réforme explosive, la question de la souveraineté alimentaire – qui correspond au droit d’un pays à développer ses capacités productives pour assurer la sécurité alimentaire des populations – a joué un rôle clé dans cette dynamique.

    La souveraineté alimentaire est ainsi devenue, depuis la crise du Covid et la guerre en Ukraine, l’argument d’autorité permettant de poursuivre des pratiques qui génèrent des catastrophes écologiques et humaines majeures. Il existe pourtant d’autres voies.

    Le mythe de la dépendance aux #importations

    De quelle souveraineté alimentaire parle-t-on ? Les derniers chiffres de FranceAgrimer montrent que notre « #dépendance aux importations » – comme aiment à le répéter les défenseurs d’un modèle intensif – est de 75 % pour le blé dur, 26 % pour les pommes de terre, 37 % pour les fruits tempérés ou 26 % pour les porcs.

    Mais ce que l’on passe sous silence, c’est que le taux d’#autoapprovisionnement – soit le rapport entre la production et la consommation françaises – est de 148 % pour le blé dur, 113 % pour les pommes de terre, 82 % pour les fruits tempérés et 103 % pour le porc. Le problème de souveraineté alimentaire n’en est pas un. Le vrai problème, c’est qu’on exporte ce que l’on produit, y compris ce dont on a besoin. Cherchez l’erreur.

    D’autres arguments viennent encore se greffer à celui de la souveraineté, dans un monde d’#interdépendances : la #France serait le « grenier à blé de l’Europe », il faudrait « nourrir les pays du Sud », la France serait « une puissance exportatrice », etc.

    Au-delà de l’hypocrisie de certaines de ces affirmations – en effet, les #exportations des surplus européens subventionnés ont détruit tout un tissu productif, en Afrique de l’Ouest notamment – il ne s’agit pas là d’enjeux liés à la souveraineté alimentaire, mais d’enjeux stratégiques et politiques liés à la #compétitivité de certains produits agricoles français sur les marchés internationaux.

    Comprendre : la France est la 6e puissance exportatrice de #produits_agricoles et agroalimentaires au monde et elle entend bien le rester.

    Voir la #productivité de façon multifonctionnelle

    S’il ne faut évidemment pas renoncer aux objectifs de #productivité_alimentaire nationaux, ces derniers gagneraient à être redéfinis. Car comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des besoins en #eau pour produire les aliments, de la dépendance aux #énergies_fossiles générée par les #intrants de synthèse, de l’épuisement de la #fertilité des #sols lié à la #monoculture_intensive ou encore des effets du #réchauffement_climatique ?

    Comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des enjeux fonciers, de l’évolution du #travail_agricole (25 % des #agriculteurs sont en passe de partir à la retraite), du #gaspillage_alimentaire – qui avoisine les 30 % tout de même – des #besoins_nutritionnels et des #habitudes_alimentaires de la population ?

    La #productivité_alimentaire doit dorénavant se conjuguer avec d’autres formes de productivité tout aussi essentielles à notre pays :

    – la capacité de #rétention_d’eau dans les sols,

    – le renouvellement des #pollinisateurs,

    – le maintien des capacités épuratoires des milieux pour conserver une #eau_potable,

    – le renouvellement de la #fertilité_des_sols,

    – la régulation des espèces nuisibles aux cultures,

    – ou encore la séquestration du carbone dans les sols.

    Or, il est scientifiquement reconnu que les indicateurs de productivité relatifs à ces services baissent depuis plusieurs décennies. Pourtant, ce sont bien ces services qui permettront de garantir une véritable souveraineté alimentaire future.

    La #diversification pour maintenir des rendements élevés

    Une revue de littérature scientifique parue en 2020, compilant plus de 5000 études menées partout dans le monde, montrait que seules des stratégies de diversification des #pratiques_agricoles permettent de répondre à ces objectifs de #performance_plurielle pour l’agriculture, tout en maintenant des #rendements élevés.

    Les ingrédients de cette diversification sont connus :

    – augmentation de la #rotation_des_cultures et des #amendements_organiques,

    – renoncement aux #pesticides_de_synthèse et promotion de l’#agriculture_biologique à grande échelle,

    - réduction du #labour,

    - diversification des #semences et recours aux #variétés_rustiques,

    - ou encore restauration des #haies et des #talus pour limiter le ruissellement de l’#eau_de_pluie.

    Dans 63 % des cas étudiés par ces chercheurs, ces stratégies de diversification ont permis non seulement d’augmenter les #services_écosystémiques qui garantissent la souveraineté alimentaire à long terme, mais aussi les #rendements_agricoles qui permettent de garantir la souveraineté alimentaire à court terme.

    Les sérieux atouts de l’agriculture biologique

    Parmi les pratiques de diversification qui ont fait leurs preuves à grande échelle en France, on retrouve l’agriculture biologique. Se convertir au bio, ce n’est pas simplement abandonner les intrants de synthèse.

    C’est aussi recourir à des rotations de cultures impliquant des #légumineuses fixatrices d’azote dans le sol, utiliser des semences rustiques plus résilientes face aux #parasites, des amendements organiques qui nécessitent des couplages culture-élevage, et enfin parier sur la restauration d’un #paysage qui devient un allié dans la lutte contre les #aléas_naturels. La diversification fait ainsi partie de l’ADN des agriculteurs #bio.

    C’est une question de #réalisme_économique. Les exploitations bio consomment en France deux fois moins de #fertilisant et de #carburant par hectare que les exploitants conventionnels, ce qui les rend moins vulnérables à l’évolution du #prix du #pétrole. En clair, l’agriculture biologique pourrait être la garante de la future souveraineté alimentaire française, alors qu’elle est justement souvent présentée comme une menace pour cette dernière du fait de rendements plus faibles à court terme.

    Au regard des éléments mentionnés plus haut, il s’agit évidemment d’un #faux_procès. Nous sommes autosuffisants et nous avons les réserves foncières qui permettraient de déployer le bio à grande échelle en France, puisque nous sommes passé de 72 % du territoire dédié aux activités agricoles en 1950 à 50 % en 2020. Une petite partie de ces surfaces a été artificialisée tandis que la majorité a tout simplement évolué en friche, à hauteur de 1000 km2 par an en moyenne.

    Par ailleurs, le différentiel de rendement entre le bio et le #conventionnel se réduit après quelques années seulement : de 25 % en moyenne (toutes cultures confondues) au moment de la conversion, il descend à 15 % ensuite. La raison en est l’apprentissage et l’innovation dont font preuve ces agriculteurs qui doivent en permanence s’adapter aux variabilités naturelles. Et des progrès sont encore à attendre, si l’on songe que l’agriculture bio n’a pas bénéficié des 50 dernières années de recherche en #agronomie dédiées aux pratiques conventionnelles.

    Relever le niveau de vie des agriculteurs sans éroder le #pouvoir_d’achat des consommateurs

    Mais a-t-on les moyens d’opérer une telle transition sans réduire le pouvoir d’achat des Français ? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord évoquer le #revenu des #agriculteurs. Il est notoirement faible. Les agriculteurs travaillent beaucoup et vivent mal de leur métier.

    Or, on oublie souvent de le mentionner, mais le surcoût des produits bio est aussi lié au fait que les consommateurs souhaitent mieux rémunérer les agriculteurs : hors subventions, les revenus des agriculteurs bio sont entre 22 % et 35 % plus élevés que pour les agriculteurs conventionnels.

    Ainsi, le consommateur bio consent à payer plus parce que le bio est meilleur pour l’environnement dans son ensemble (eau, air, sol, biodiversité), mais aussi pour que les paysans puissent mieux vivre de leur métier en France sans mettre en danger leur santé.

    Par ailleurs, si le consommateur paie plus cher les produits bio c’est aussi parce qu’il valorise le #travail_agricole en France. Ainsi la production d’aliments bio nécessite plus de #main-d’oeuvre (16 % du total du travail agricole pour 10 % des surfaces) et est très majoritairement localisée en France (71 % de ce qui est consommé en bio est produit en France).

    Cette question du #travail est centrale. Moins de chimie, c’est plus de travail des communautés humaines, animales et végétales. C’est aussi plus d’incertitudes, ce qui n’est évidemment pas simple à appréhender pour un exploitant.

    Mais il faut rappeler que le discours sur le pouvoir d’achat des français, soi-disant garanti par le modèle hyper-productiviste de l’agriculture française, vise surtout à conforter les rentes de situations des acteurs dominants du secteur agricole. Car les coûts sanitaires et environnementaux de ce modèle sont payés par le contribuable.

    Rien que le #traitement_de_l’eau, lié aux pollutions agricoles, pour la rendre potable, coûte entre 500 millions d’euros et 1 milliard d’euros par an à l’État. Or, ce que le consommateur ne paie pas au supermarché, le citoyen le paie avec ses #impôts. Le rapport parlementaire évoqué plus haut ne dit pas autre chose : la socialisation des coûts et la privatisation des bénéfices liés aux #pesticides ne sont plus tolérables.

    Le bio, impensé de la politique agricole française

    Une évidence s’impose alors : il semblerait logique que l’État appuie massivement cette filière en vue de réduire les coûts pour les exploitants bio et ainsi le prix pour les consommateurs de produits bio. En effet, cette filière offre des garanties en matière de souveraineté alimentaire à court et long terme, permet de protéger l’eau et la #santé des Français, est créatrice d’emplois en France. Il n’en est pourtant rien, bien au contraire.

    L’État a promu le label #Haute_valeur_environnementale (#HVE), dont l’intérêt est très limité, comme révélé par l’Office français de la biodiversité (OFB). L’enjeu semble surtout être de permettre aux agriculteurs conventionnels de toucher les aides associés au plan de relance et à la nouvelle #PAC, au risque de créer une #concurrence_déloyale vis-à-vis des agriculteurs bio, d’autant plus que les #aides_publiques au maintien de l’agriculture biologique ont été supprimées en 2023.

    La décision récente de l’État de retirer son projet de #taxe sur l’usage des pesticides créé aussi, de facto, un avantage comparatif pour le conventionnel vis-à-vis du bio. Enfin, rappelons que la Commission européenne a pointé à plusieurs reprises que la France était le seul pays européen à donner moins de subventions par unité de travail agricole aux céréaliers bio qu’aux conventionnels.

    Ainsi, un céréalier bio français reçoit un tiers de subventions en moins par unité de travail agricole qu’un céréalier conventionnel, alors qu’en Allemagne ou en Autriche, il recevrait 50 % de #subventions supplémentaires. En France, l’État renonce aux taxes sur les pesticides tout en maintenant des #charges_sociales élevées sur le travail agricole, alors que c’est évidemment l’inverse dont aurait besoin la #transition_agroécologique.

    Que peuvent faire les citoyens au regard de ce constat déprimant ? Consommer des produits bio malgré tout, et trouver des moyens de les payer moins cher, grâce par exemple à la #vente_directe et à des dispositifs tels que les #AMAP qui permettent de réduire le coût du transport, de la transformation et de la distribution tout autant que le gâchis alimentaire, les variabilités de la production étant amorties par la variabilité du contenu du panier.

    Les agriculteurs engagés pour la #transition_écologique, de leur côté, peuvent réduire les risques associés aux variabilités naturelles et économiques en créant de nouvelles formes d’exploitations coopératives combinant plusieurs activités complémentaires : élevage, culture, transformation, conditionnement et distribution peuvent être organisés collectivement pour mutualiser les coûts et les bénéfices, mais aussi se réapproprier une part significative de la #chaîne_de_valeur laissée aujourd’hui au monde de l’agro-industrie et de la grande distribution.

    Il ne s’agit pas d’une #utopie. De nombreux acteurs essaient de faire émerger, malgré les résistances institutionnelles, ces nouvelles pratiques permettant de garantir la souveraineté alimentaire de la France à long terme.

    https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560
    #foncier #industrie_agro-alimentaire #alimentation #collectivisation
    #à_lire #ressources_pédagogiques

  • Colère des #agriculteurs : « Ce qui était cohérent et cohésif est devenu explosif »
    https://theconversation.com/colere-des-agriculteurs-ce-qui-etait-coherent-et-cohesif-est-devenu

    Médiatiquement, il est souvent question des agriculteurs, comme si ces derniers représentaient un groupe social unifié. Est-ce le cas ? 

    D’un point de vue administratif, institutionnel, du point de vue de la description économique d’une tâche productive, « les agriculteurs », entendus comme les exploitants agricoles, ça existe. Mais d’un point de vue sociologique, non, ce n’est pas un groupe. Les viticulteurs de régions canoniques du vin, ou les grands céréaliers des régions les plus productives, n’ont pas grand-chose à voir avec les petits éleveurs, les maraîchers ou ceux qui pratiquent une agriculture alternative.

    Le sociologue aura dont plutôt tendance à rattacher certains d’entre eux aux catégories supérieures, proches des artisans, commerçants, chefs d’entreprises voire des cadres, et d’autres aux catégories supérieures des classes populaires. La plupart des agriculteurs sont proches des pôles économiques, mais une partie, sont aussi fortement dotés en capitaux culturels. Et, encore une fois, même dans les classes populaires, les agriculteurs y seront à part. C’est une classe populaire à patrimoine, ce qui les distingue de manière très décisive des ouvriers ou des petits employés.

    • Dans l’histoire de la sociologie, les agriculteurs ont d’ailleurs toujours été perçus comme inclassables. Ils sont autant du côté du #capital que du travail. Car ils sont propriétaires de leur propre moyen de production, mais en revanche ils n’exploitent souvent personne d’autre qu’eux-mêmes et leur famille, pour une grande partie. Autre dualité dans leur positionnement : ils sont à la fois du côté du travail en col blanc avec un ensemble de tâches administratives de planification, de gestion, de projection d’entreprise sur le futur, de captation de marchés, mais ils sont aussi du côté du col bleu, du travail manuel, de ses compétences techniciennes.

      Comment expliquer alors qu’en France, ce groupe soit encore si souvent présenté comme unifié ?

      Cette illusion d’unité est une construction à la fois de l’#État et de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) pour un bénéfice mutuel historique : celle d’une co-gestion. Globalement, l’État s’adresse aux agriculteurs via ce syndicat dominant, pour tâcher de bâtir une politique publique agricole cohérente. Même si la co-gestion a été dépassée pour être plus complexe, cette idée que l’agriculture était une histoire entre l’État et les agriculteurs perdure comme on le voit dans les syndicats invités à Matignon, uniquement la FNSEA au début de la crise. La FNSEA a tenté historiquement de rassembler les agriculteurs pour être l’interlocuteur légitime. Mais cet état des lieux est aussi le fruit de l’action historique de l’État, qui a forgé une batterie d’institutions agricoles depuis la IIIème République avec le Crédit Agricole, une mutuelle sociale agricole spécifique, des chambres d’agriculture… Jusque dans les statistiques, les agriculteurs sont toujours un groupe uni, à part, ce qui est une aberration pour les sociologues.

      [...]
      Ceux qui manifestent pour avoir du gazole moins cher et des pesticides savent qu’ils ont perdu la bataille, et qu’ils ne gagneront qu’un sursis de quelques années, car leur modèle n’est tout simplement plus viable. Ils sont aussi en colère contre les syndicats qui étaient censés penser pour eux la transformation nécessaire. La FNSEA ne maîtrise pas vraiment le mouvement.

      Gilles Laferté :
      https://www.cairn.info/publications-de-Gilles-Laferté--8803.htm
      #agriculteurs #patrimoine #dette #travail_immatériel #travail_manuel #travail #FNSEA #productivisme #agroécologie #suicide

    • Colère des agriculteurs : « Ces changements qui travaillent les campagnes à bas bruit »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/29/colere-des-agriculteurs-ces-changements-qui-travaillent-les-campagnes-a-bas-

      Dans l’imaginaire des Français, et chez de nombreux exploitants agricoles eux-mêmes, il est difficile de penser l’avenir en dehors d’un modèle familial, qui ne concerne pourtant plus que 37 % des fermes, analyse dans sa chronique Jean-Michel Bezat, journaliste au « Monde ».

      A la faveur des lois d’orientation de 1960-1962, la figure immémoriale du paysan gardien de la nature a cédé la place à celle de l’agriculteur. (...) Quel métier a subi un tel « plan social » durant cette révolution ? On comptait 1,6 million d’exploitations en 1970, elles ne sont plus que 380 000. (...)
      [Ils] ont perdu le monopole de l’espace rural, de plus en plus disputé par les urbains et les néoruraux.

      https://justpaste.it/ac2ok

      #modèle_agricole (feu le) #écologie #green_new_deal

    • Car ils sont propriétaires de leur propre moyen de production, mais en revanche ils n’exploitent souvent personne d’autre qu’eux-mêmes et leur famille, pour une grande partie.

      « grande partie » c’est un peu vague : en 2021 43% de l’agriculture c’étaient PAS les agriculteurs « chef-exploitant ». Et ça ne fait qu’augmenter chaque année donc en 2023 après covid sûrement encore plus.

      https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/Dos2303/Dossiers2023-3_EmploiAgricole2021.pdf

      Les chefs et coexploitants assurent en 2021 la plus grande part du travail agricole, avec 57 % des ETP

      Ça fait quand même un sacré paquet de vrais patrons, qui n’exploitent pas qu’eux-mêmes.

  • La #mine de #lithium à la loupe : violations des droits et saccages à #Fiambalá

    En prévision d’un événement de solidarité avec les #luttes contre l’#extractivisme en #Argentine, nous publions deux textes qui présentent la situation politique dans les régions minières en Argentine.

    À Fiambalá (dans la région de #Catamarca), le processus vertigineux d’#exploitation de lithium qui s’est implanté annonce un changement d’époque. Usines de transformation à côté d’hôpitaux, camions et camionnettes qui circulent à pleine vitesse dans la petite ville, flambée des prix des denrées de base et des loyers, précarisation de l’emploi, problème de santé, pollution et manque d’eau sont quelques-uns des impacts dans la vie quotidienne des habitants de la ville de l’ouest catamarqueño.

    Alors que les premiers projets d’exploitation du lithium – approuvés dans le département de la ville d’Antofagasta de la Sierra – font leur possible pour passer inaperçus, cacher leur impact et disparaître de la carte, à Fiambalá, le mégaprojet « #Tres_Quebradas » (les trois Gorges), impulsé aujourd’hui par l’entreprise chinoise #Liex_Zijin montre une stratégie différente et met ostensiblement en avant ses irrégularités, la participation de l’entreprise dans le pouvoir local et la #violence explicite contre celleux qui résistent.

    Cette #impunité permet aussi de nouvelles formes de relations avec la communauté locale. Au cours de l’année dernière, plusieurs #plaintes ont été déposées contre la #précarisation des travailleur.ses qui se trouvent dans les #salars, soulignant le fait qu’ils n’ont souvent pas d’#eau pour se désinfecter et qu’ils ne disposent pas de l’équipement nécessaire pour manipuler les #produits_chimiques.

    Une des principales plaintes des travailleur.ses de la #mine porte sur les #conditions_de_travail : bas salaires, plus de douze heures de travail journalier et absence d’équipement de base. En même temps, les #mauvais_traitements quotidiens infligés à la population par les entrepreneurs et les travailleur.ses d’origine chinoise créent une distance inhabituelle par rapport aux stratégies ordinaires de marketing d’entreprise.

    Deux millions de litres d’eau sont requis par tonne de #chlorure_de_lithium. Ce projet requiert 40 millions de litres d’eau par an. L’installation du mégaprojet Tres Quebradas fut initiée par l’entreprise #Liex S.A. (filiale de #Neo_Lithium, d’origine canadienne) en 2017. Depuis novembre 2021, elle est gérée par l’entreprise chinoise Liex Zijin et la population alerte sur des changements radicaux.

    Le mégaprojet comprend onze propriétés minières, réparties sur plus de 30 000 hectares et qui a pour objectif, dans un premier temps, l’extraction de 20 000 tonnes de carbonate de lithium par an.

    L’entreprise #Zijin est la principale productrice de minéraux en #Chine et cherche à devenir une des trois principales compagnies minières dans le monde d’ici 2030. Comme l’expliquent Ruido et Fundeps dans leur rapport « Lithium et transparence » (Litio y transparencia), le géant asiatique est l’un des pays qui investit le plus dans le lithium en Argentine. Au total, en 2022, les provinces de Catamaraca, #Jujuy et #Salta y ont exporté 292 millions de dollars. Par ces chiffres, nous pouvons observer une tendance des entreprises chinoises à acquérir et gérer des projets de lithium dans le pays.

    En plus de la Chine, le Japon et la Corée du Sud constituent les seconds investisseurs les plus importants au cours de l’année passée (2022). Dans ce contexte, le cas Fiambalá, au travers de l’arrivée de Zijin, pourrait servir d’exemple pour connaître les intentions de la Chine et sa façon d’agir. Un pays en passe de se constituer un monopole de la production de lithium et de devenir le principal exportateur pour ses partenaires du Pacifique.

    Le plan est parfait pour les investisseurs : extraire le lithium de la zone de Tres Quebradas, un salar adossé aux #montagnes à 100 kilomètres de la ville de Fiambalá, y effectuer son premier traitement et l’acheminer, sous forme préconcentrée, à l’usine (aujourd’hui en construction), située à la sortie de la ville. Une fois traité, le carbonate de lithium sera expédié à travers le Pacifique par le col de San Francisco au Chili. Tout cela dans une province qui accorde les libertés suffisantes pour que les entreprises puissent développer leurs projets et ne souffrent pas trop économiquement, puisqu’elles ne paient que 3,5% d’impôts sur la valeur déclarée.

    Le réveil de Fiambalà

    En raison de la rapidité de mouvement et de son implication pour toutes les couches sociales de la population, il s’agit d’un moment très complexe pour celleux qui défendent les territoires et résistent à l’avancée des projets d’extraction. Parmi eux, l’Assemblée Socio-environnementale Fiambalá Réveille-toi (Fiambalá Despierta), un groupe de voisins et de voisines qui s’organise depuis 2016, depuis que la rumeur de l’installation de la mine a commencé à circuler. Ses membres expliquent qu’ils gagnent des forces depuis qu’ils ont essayé d’empêcher l’entreprise d’entrer dans leur ville en 2018. « Nous savions que s’ils entraient, ce serait pire, c’est pourquoi nous avons organisé un blocus avec quelques femmes », se rappelle Nicolasa Casas de Salazar, une des membres historique de l’assemblée.

    Aujourd’hui, l’usine pilote située dans le centre-ville – à quelque mètres de l’hôpital – produit déjà du carbonate de lithium. Les membres de l’assemblée ont écrit plusieurs notes pour demander les informations qui leurs sont dues en tant que personnes respirant le même air, mais ils n’ont cependant reçu aucune réponse. En novembre 2022, toute la population a été malade pendant plus d’un mois, avec des vomissements, des éruptions cutanées, des nausées et d’autres problèmes similaires. Pour cette raison, l’usine pilote a été fermée pendant un certain temps, mais les causes de cette maladie n’ont pas été révélées jusqu’à présent.


    Dans le cas de la nouvelle usine située à la sortie de la ville, où le carbonate de lithium sera finalement produit, la situation n’est pas meilleure. « Nous pouvons voir qu’ils font plus de piscines qu’annoncé, nous le savons parce qu’elles sont visibles depuis toute la ville ; nous pouvons aussi voir comment ils retirent la terre pour avancer rapidement dans les travaux et quand le vent se lève à midi, nous ne pouvons rien voir à cause de la poussière. Ils font beaucoup de mouvements, et tout est flou », déclare Willie Carrizo, artiste et membre de l’assemblée.

    Chaque tonne de chlorure de lithium nécessite 2 millions de litres d’eau. Pour ce projet, il y aurait besoin de 40 millions de litres d’eau par an. Pour donner une idée, cette consommation équivaut à l’eau qu’utiliserait une personne pour faire la vaisselle deux fois par jour pendant plus de 10 000 ans. D’après l’Assemblée, l’entreprise Zijin a jusqu’à présent installé au moins trois puis souterrains.

    « Ils extraient beaucoup d’eau ; il n’y a pas de données historiques sur l’impact d’un tel usage des nappes phréatiques, en particulier dans une zone désertique comme l’est Fiambalá », ajoute l’ingénieure environnementale et membre de l’assemblée Lis Sablé.

    Zone de promesse

    Ils sont arrivés, et ils ont promis des emplois, du progrès (ou de la croissance), et des bons salaires. Mais la réalité est toute autre et les gens commencent à se sentir mal à l’aise », explique Sablé. Moins d’un an après son annonce, l’usine de carbonate de lithium est déjà en place et les travaux progressent rapidement. « C’est le moment de la bonté minière (Bondad minera) », explique Lis en référence au contexte actuel : « lorsqu’ils auront terminé les travaux, tous les gens qui sont actuellement employés se retrouveront au chômage ».

    L’Assemblée Fiambalá Despierta est un pacte générationnel où se rencontrent militant.e.s historiques et jeunes curieuxses. Alors que les uns se préoccupent de l’avenir des enfants et de la vie dans cette ville, les jeunes – en ce moment – choisissent de s’organiser pour être celleux qui prennent elleux-mêmes les décisions à propos de leurs propres vies. « Je me suis rapprochée de l’assemblée pour être informée, pour décider si je veux vivre ici, si je veux avoir des enfants » explique Karen Perea, une jeune membre de l’assemblée.

    Choisir, dans un territoire où le scénario est déjà écrit par les intérêts des entreprises minières ne semble pas facile. S’organiser et se rendre visible comme faisant partie d’un espace collectif peut impliquer la perte d’offre d’emploi dans le domaine privé comme dans le domaine public, puisque la complicité entre ces deux pouvoirs est un fait. « C’est très difficile, parce que la mine est entrée dans les écoles de niveau secondaire via les bourses qu’elle verse en collaboration avec la municipalité, de sorte que les jeunes considèrent que c’est la seule façon de s’en sortir », nous signalent des membres de l’Assemblée. « Certains jeunes sont très inquiets et conscients de ce qu’il se passe, mais ils manquent de soutien, déplore Nicolasa Casas de Salazar. L’agricultrice de Fiambalá explique que de plus en plus d’écoles tertiaires ferment et que les jeunes n’aspirent plus qu’à des études de « santé et sécurité » ou d’ingénierie qui pourrait intéresser la compagnie minière. « Nous, nous pensons aux générations futures. Ils nous prennent tout, ce qu’ils font est très agressif », décrit Nicolasa. Elle rappelle aussi que « nous dépendons de l’eau, nous devons boire pour vivre, nous devons arroser les plantes et prendre soin de nos animaux ».
    Sans zone humide, il n’y a pas de vie

    Tres Quebradas fait partie du système des lacs des hautes Andes de la Puna altoandines et de la Puna, une zone qui soutient l’équilibre de toute une biodiversité bien spécifique. C’est pourquoi il s’agit d’une zone protégée en vertu de la loi 5070 de Catamarca, qui fait partie d’un réseau de zone humides reconnue internationalement comme étant un sous-site de Ramsar Sud. La zone compte six lacs (des genres de lac en altitude qui bougent, NDLR) qui, grâce à leur écosystème si particulier, permettent la subsistance d’espèces rares et en voie de disparition, comme le flamant andin. Pour Patricia Marconi, biologiste et membre de la Fondation Yuchán et du groupe de conservation des flamants altoandins, les salars altoandins « sont très précieux pour les communautés d’oiseaux en raison de la diversité des habitats qu’ils génèrent, du nombre de lacs, leur taux de salinité différents les caractéristiques physiques variées des cours d’eaux existants ». Mme Marconi explique que toute modification du territoire « peut avoir des conséquences irréversibles ».

    La biologiste souligne qu’en raison de leur capacité à conserver l’eau sous terre, les salars fonctionnent comme des zones humides de haute altitude. « Les impacts cumulatifs des processus mis en place par les compagnies minières, tels que l’extraction de la saumure à partir de sa concentration et de sa séparation pour obtenir du lithium, ainsi que l’extraction de l’eau douce pour traiter le minerai ne sont pas clairement établis ni proportionnés à la capacité de chaque bassin », explique-t-elle. De ce fait, puisque la capacité d’eau douce et de saumure de chaque bassin est inconnue, l’impact réel que chaque projet pourrait avoir est également inconnu
    Résister et produire

    La ville de Fiambalá est située dans une vallée et est longée par les rivière Chaschuil et Abaucán qui descendent de la cordillère des Andes. Grâce au fleuve et à plus de 300 ans d’intervention humaine, le bolsón (vallée désertique) de Fiambalá s’est transformé en une vaste zone verte entourée de désert. Un écosystème fragile qui pourrait être bouleversé par le moindre changement. Depuis l’arrivée de la mine, de nombreuses dynamiques ont changé, mais d’autres ont été réévaluées. Des continuités dans les pratiques collectives qui résistent au mal nommé « développement » imposé. Au cours de l’histoire, les familles paysannes ont expérimenté la production d’aliments et les savoirs propres à ce type de géographie. Leur travail est visible : des dahlias fuschias qui contrastent avec la dune jaune à l’arrière des maisons, des forêts natives de chañars et de caroubiers qui résisent à la tentative de la municipalité de cimenter toute la ville ; des variétés de maïs qui se multiplient grâce aux échanges communautaires, une architecture et des systèmes d’irrigation qui préservent l’eau en période de sécheresse ; des hectares et des hectares de vignobles avec lesquels une ville entière a subsisté.
    Le chañar et le caroubier.

    Diego Amartino et Helena Córdoba Vélez vivent à Fiambalá depuis 2016, dates à laquelle ils ont créé une entreprise ; Alors qu’un projet de mort s’installait dans le même territoire, ils ont décidé de déménager et de lancer un projet productif, centré sur l’utilisation et la revalorisation des fruits d’arbres indigènes et sylvestres. « Avec Helena, nous profitons des aliments que nous connaissons et que nous avons appris à connaître, que nous avons testé. Notre histoire est liée à la façon dont nous tirons parti de ces fruits et aliments qui ont été un peu oubliés et dont nous leur donnons de la valeur », explique Diego. Sur cette base, ils ont également l’intention d’innover et de créer de nouveaux produits en s’inspirant de l’agroécologie. Aujourd’hui, ils fabriquent tous deux de la farine de caroube, des arropes et du patay. Dans chaque saveur, ils restituent à Fiambalá une petite partie de leur histoire.

    Le contrôle de l’eau doit être entre nos mains.

    Laura Del Pino est l’héritière d’un vignoble de plus de 50 ans. En 2022, elle a choisi de retourner sur les terres de sa grand-mère pour continuer son travail. La situation est bien différente de celle des souvenirs des étés de son enfance.

    Auparavant, une grande partie de la population travaillait à la production de raisins qui étaient vendus sur les marchés. Aujourd’hui, dit-elle, très peu de camions vont au marché. Il explique qu’il est très difficile d’embaucher des personnes qui veulent continuer à travailler comme viticulteurs.

    « L’autre problème est l’eau, il n’y a pas eu beaucoup de pluie et les gelées de novembre ont ruiné une partie de la production", souligne Mme Del Pino. "Il faut maintenant lutter contre cela, car l’eau utilisée dans l’usine ne peut pas retourner à l’irrigation, ni à la nappe phréatique ni à quoi que ce soit d’autre, car elle est contaminée et nous ne savons pas ce qu’ils font là-haut ». Pour l’agricultrice, il n’y a qu’une solution : "Le contrôle de l’eau doit être entre nos mains".
    Les raisins de la colère

    En plus de participer à l’assemblée de Fiambalá Despierta, Nicolasa et don Cacho sont producteur.ices de raisin. Ils vendent du raisin à la communauté et aux touristes depuis leur porte d’entrée. Cette décision s’explique : d’une part, ils s’opposent au fait que la maire, Roxana Paulón, soit propriétaire d’une cave et dirige la seule mostera de la ville. « Elle a fixé un prix général pour tous les producteurs, elle paie 16 pesos par kilo de raisin. Elle ne nous a même pas demandé quels étaient nos coûts de production », dénonce Nicolasa. En même temps, en vendant le raisin depuis leur maison, Nicolasa et don Cacho remplissent un autre objectif : ils ont un moyen de parler de la situation de Fiambalá à chaque personne qui passe.

    Leur maison, située dans la rue principale, porte une pancarte sur laquelle on peut lire : « L’eau vaut plus que le lithium ». Nicolasa ne se repose jamais : en même temps qu’elle joue avec sa petite fille, elle réfléchit à la prochaine affiche qu’elle placera sur sa porte et s’imagine en train d’organiser un grand festival pour propager cette idée qu’elle trouve aussi simple que passée sous silence : « c’est simple, il nous faut prendre soin de l’eau et prendre soin de l’eau, c’est prendre soin de la vie. Les ressources qu’ils nous prennent, comme l’eau, sont celles qui ne se renouvellent pas ».

    https://www.strike.party/articles/la-mine-de-lithium-%C3%A0-la-loupe-violations-des-droits-et-saccages-%C3%A
    #terres_rares

    • Litio y transparencia en Argentina: aportes a 2 proyectos que explotan este mineral

      - Cuatro de los mayores fondos de inversión del mundo son los principales dueños de las empresas que producen litio en Argentina.
      - Un complejo entramado de accionistas que dificulta la transparencia de sus beneficiarios finales.
      - Cuánto pagan de regalías en las provincias con proyectos activos de litio.
      - Cuán transparentes son las provincias de Catamarca y de Jujuy en relación a la extracción de litio.

      Desde Fundeps y Ruido, publicamos el informe Litio y Transparencia en Argentina, una investigación que aborda la situación actual de Argentina en relación con la producción de litio, el sistema de gobernanza minera vigente y los dos proyectos que actualmente producen litio: Proyecto Fénix en el salar del Hombre Muerto y Sales de Jujuy en el salar de Olaroz-Cauchari, a la luz de algunos indicadores ofrecidos por la Iniciativa para la Transparencia de las Industrias Extractivas (EITI).

      El litio se ha convertido en los últimos años en uno de los minerales que más interés despierta en el mundo, debido a su utilización en baterías para celulares, tablets, computadoras portátiles y, más recientemente, en vehículos eléctricos e híbridos. Lo que ha posicionado a este mineral en el centro de los debates sobre la transición energética y los objetivos de reemplazar, en parte, el uso de combustibles fósiles. Si bien se trata de un recurso relativamente abundante en nuestro planeta, son muy pocos los depósitos en los que se encuentran niveles de concentración suficientes para su explotación.

      En un contexto de auge de la industria del litio, Argentina adquiere cierta centralidad, a raíz de poseer este mineral en grandes cantidades en su territorio, y ubicarse en los últimos años como uno de sus principales productores y exportadores. Junto a Chile y Bolivia, Argentina integra el “Triángulo del litio”, con un 65% de los recursos mundiales y sola posee el 20,5% de las reservas mundiales. En la actualidad existen 38 proyectos en distintos grados de avance en el país, y dos de ellos en etapa de producción.

      El sistema de gobernanza minero se forjó, principalmente, en la década de 1990, con las reformas a la Constitución Nacional, al Código de Minería y con la Ley de Inversiones Mineras que estableció una amplia gama de beneficios y exoneraciones fiscales, con el fin de atraer, fundamentalmente, la inversión extranjera directa en el sector. La actividad minera está alcanzada además por todo el andamiaje de legislación ambiental y de protección a las comunidades originarias que habitan las zonas de los proyectos, destacan: el Acuerdo de Escazú y el Convenio 169 de la OIT.

      En el año 2019 Argentina adhiere a la Iniciativa para la Transparencia de las Industrias Extractivas (EITI), a través de la cual los países se comprometen a, a través del estándar que este mismo establece, a divulgar información a lo largo de la cadena de valor de las industrias extractivas, desde la forma en que se otorgan los derechos sobre actividades extractivas, hasta el modo en que los ingresos llegan a manos de los gobiernos, cómo benefician a la población y qué impactos socio-ambientales tienen. Dado la forma federal de nuestro gobierno, sumado al dominio originario sobre los recursos naturales que tienen las provincias, Argentina solicitó una implementación adaptada al EITI comprometiéndose a cumplir con el mismo en lo que refiere a información a nivel nacional, y paulatinamente ir sumando información provincial, a través de la adhesión que vaya consiguiendo de las distintas provincias al Estándar.

      En marzo de este año se sumaron Catamarca, Santa Cruz, Salta y San Juan.
      ¿Cuán transparente es la extracción de litio en Jujuy y en Catamarca?

      Si bien en estas provincias la legislación relativa a minería se encuentra disponible en las páginas oficiales de los gobiernos provinciales, la misma es de muy difícil acceso y comprensión, en tanto se trata de decenas de leyes nacionales y provinciales, decretos y resoluciones que no están sistematizadas ni organizadas. Esto conlleva que los procesos, organismos, métodos, directivas y demás regulaciones provinciales sean de muy difícil entendimiento para la sociedad en general y para las comunidades afectadas por los proyectos mineros en particular.

      En relación a los dos proyectos específicos que extraen el litio, la información a la que se accede es de muy difícil comprensión debido al lenguaje técnico que es utilizado por las mineras y al volumen de los estudios e informes. Esta información es, además, provista la mayor de las veces por las empresas mineras, sin la intervención y control por parte de las autoridades provinciales y/o locales.
      Las empresas y sus personas beneficiarias finales

      Desde hace años se advierte la necesidad de transparentar la actuación de las empresas en general, y extractivas en particular, en parte por los grandes volúmenes de dinero que mueven y a los demostrados riesgos de corrupción que existen alrededor de esta actividad. En atención a uno de los mayores obstáculos presentados a la hora de investigar ilícitos que se puedan dar en el ejercicio de la actividad empresarial extractiva, tanto el EITI como Open Ownership y otras iniciativas, han focalizado sus esfuerzos en impulsar el desarrollo de estrategias y acciones que permitan conocer quiénes poseen en última instancia la titularidad o el control de las empresas. Es decir quiénes son las personas que se benefician en última instancia de éstas.

      En el proyecto Fénix (Salar del Hombre Muerto) en Catamarca opera la empresa estadounidense Livent.

      En el proyecto Sales de Jujuy (en el salar de Olaroz – Cauchari), la sociedad integrada por la australiana Allkem (con 66,5% de las acciones), la japonesa Toyota Tsusho (25%) y la empresa estatal de la provincia de Jujuy, Jemse (8,5%).

      Los dos principales propietarios de acciones de Livent son Blackrock y Vanguard, dos de los fondos de inversión más grandes del mundo, radicados ambos en EE.UU. En el caso de Allkem, sus principales accionistas son las empresas bancarias y financieras JP Morgan (EE.UU.) y HSBC (Reino Unido). A su vez, estos cuatro fondos (Blacrock, Vanguard, JP Morgan y HSBC) son accionistas cruzados entre ellos, de manera que componen un complejo entramado societario que, directa o indirectamente, los coloca como principales beneficiarios de los dos proyectos que hoy extraen y exportan litio desde Argentina.

      ¿Es posible acceder a los nombres particulares de las personas beneficiarias finales de estas empresas?

      En Argentina no existe una política uniforme ni una legislación única relativa a la solicitud, identificación y difusión de personas beneficiarias finales. Si bien existen algunos canales públicos de los cuales extraer información relativa a estas personas, como el Registro Nacional de Sociedades, la Inspección General de Justicia o la Comisión Nacional de Valores, en el caso de las empresas relevadas no se encontró ninguna información allí, ya sea porque se trata de compañías que no están radicadas en la Ciudad de Buenos Aires o bien porque los registros no están completos. Es por ello que fue necesario consultar los balances y reportes anuales de las empresas. En ese sentido, si bien existen reportes anuales con resultados económicos y financieros de Allkem, Livent y Toyota, no es posible acceder a ninguna información de ese tipo en el caso de Jemse, la empresa propiedad de la provincia de Jujuy, en Sales de Jujuy. Del análisis pormenorizado de los reportes anuales de las empresas Allkem, Livent y de sus principales accionistas (Blackrock, The Vanguard Group, HSBC Group y JP Morgan), sí surgen nombres propios de autoridades y directivos que recibieron dividendos como propietarios de acciones de ambas empresas.

      En materia ambiental, los principales cuestionamientos tienen que ver con el uso del agua y el destino de los residuos de la producción. Al respecto, resultan preocupantes los alcances de los controles ambientales en ambas provincias, así como la dificultad para acceder a informes sobre el impacto de estas actividades, tanto para la ciudadanía en general, como, y especialmente, para las comunidades afectadas por este tipo de actividades, en particular.

      https://fundeps.org/litio-en-argentina-aportes-a-2-proyectos

  • Amazon France Logistique condamné à 32 millions d’euros d’amende par la CNIL pour « surveillance des salariés »
    https://www.lemonde.fr/pixels/article/2024/01/23/amazon-france-logistique-condamne-a-32-millions-d-euros-d-amende-par-la-cnil

    Le spécialiste du commerce en ligne a été condamné le 27 décembre « pour avoir mis en place un système de surveillance de l’activité et des performances des salariés excessivement intrusif », par le biais des scanners qu’utilisent les employés des entrepôts pour traiter les colis.

    « Pour avoir mis en place un système de surveillance de l’activité et des performances des salariés excessivement intrusif », #Amazon France #Logistique a été condamné le 27 décembre à une amende de 32 millions d’euros par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) selon un communiqué de l’instance publié mardi 23 janvier.
    Pour l’instance, le recueil de données par des scanners qu’utilisent les employés des entrepôts pour traiter les colis constitue un « système de suivi de l’activité et des performances excessif », « conduisant le salarié à devoir potentiellement justifier de chaque pause ou interruption ». Ces #scanners enregistrent les temps d’inactivité supérieurs à dix minutes ou le rythme de traitement des colis. La CNIL juge aussi « excessif de conserver toutes les données recueillies par le dispositif ainsi que les indicateurs statistiques en découlant, pour tous les salariés et intérimaires, en les conservant durant trente et un jours ».
    « Nous sommes en profond désaccord avec les conclusions de la CNIL qui sont factuellement incorrectes et nous nous réservons le droit de faire appel », a réagi Amazon dans un communiqué, arguant que « l’utilisation de systèmes de gestion d’entrepôt est une pratique courante du secteur : ils sont nécessaires pour garantir la sécurité, la qualité et l’efficacité des opérations et pour assurer le suivi des stocks et le traitement des colis dans les délais et conformément aux attentes des clients ». Le groupe a deux mois pour formuler un recours devant le Conseil d’Etat.

    Un système de « pression continue » sur les salariés

    Le gendarme français de la vie privée a sanctionné Amazon France Logistique sur les fondements du règlement général sur la protection des données (RGPD) et infligé une amende équivalente à environ 3 % du chiffre d’affaires de l’entreprise française. Une sanction « quasiment sans précédent », a-t-elle souligné auprès de l’Agence France-Presse (AFP), le maximum encouru étant une amende à hauteur de 4 % du chiffre d’affaires.
    Trois indicateurs enregistrés par les scanners et transmis aux manageurs ont particulièrement attiré l’attention de l’organisme de contrôle. Le « stow machine gun » qui note lorsqu’un article est scanné « trop rapidement », en moins de 1,25 seconde, et l’« idle time » qui signale une période d’inactivité d’un scanner pendant plus de dix minutes.

    Un autre indicateur mesure le temps écoulé « entre le moment où l’employé a badgé à l’entrée du site » et celui où il a scanné son premier colis, a encore expliqué la CNIL à l’AFP.
    L’instance estime que ce système conduit les salariés à justifier toute interruption, même « de trois ou quatre minutes », de l’activité de son scanner, faisant ainsi « peser sur eux une pression continue ».
    Plusieurs milliers de salariés sont concernés par ces indicateurs, note la CNIL, qui a ouvert une procédure en 2019 à la suite d’articles de presse et de plaintes de salariés.
    La CNIL a également épinglé la filiale française du spécialiste du commerce en ligne pour n’avoir pas suffisamment informé ses employés de son système de #vidéosurveillance. Elle a déclaré auprès de l’AFP « se réserver la possibilité de faire de nouveaux contrôles ».

    Lorsque les scanners n’envoient pas les signes d’activité au rythme attendu, les contremaîtres vont voir l’impétrant. Les données conservées dans le dossier du salarié lui sont opposées lorsque celui ou celle-ci sollicite la direction.

    #travail #salariés #commerce #e-commerce #client #délai #contrôle #surveillance #productivité #mangement #taylorisme

  • Le ministère de l’Intérieur abandonne l’utilisation de produits marquants...
    https://www.aefinfo.fr/depeche/703249-le-ministere-de-l-interieur-abandonne-l-utilisation-de-produits-marqu

    Les produits marquants codés, utilisés pour marquer des individus soupçonnés d’avoir commis des violences, ne seront plus utilisés lors d’opérations de maintien de l’ordre, d’après les informations d’AEF info. Le ministère de l’Intérieur, qui a jugé les quelques utilisations peu convaincantes, préfère parler de la fin d’une « expérimentation » et évoque une « évaluation en cours ». Le ministère de la #Justice regrette la décision : « Peut-on s’offrir le luxe d’arrêter au motif que ce n’est pas une preuve irréfutable ? L’ADN non plus n’est pas une preuve irréfutable. »

    #produits_marquants #produit_de_marquage codé #PMC #police #maintien_de_l'ordre

  • Autour des microplastiques et du sens des priorités de celleux qui nous gouvernent...

    35 % des #microplastiques primaires proviennent du lavage des #vêtements_synthétiques
    28 % des #microplastiques_primaires proviennent du frottement des #pneus lors de la conduite

    Mais on va interdire les paillettes (https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/01/07/pourquoi-les-paillettes-sont-en-voie-d-etre-interdites-dans-l-union-europeen). Le sens des priorités...
    https://eldritch.cafe/@ralocycleuse/111713256302292054

    Pourquoi les #paillettes sont en voie d’être interdites dans l’Union européenne

    https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/01/07/pourquoi-les-paillettes-sont-en-voie-d-etre-interdites-dans-l-union-europeen

    #transports #industrie_textile #interdiction

    • Microplastiques : sources, impact et solutions

      D’où viennent les microplastiques et quel impact ont-ils ? Apprenez-en plus sur les microplastiques et découvrez les solutions sur lesquelles travaille le Parlement européen.

      Que sont les microplastiques et d’où viennent-ils ?

      Les microplastiques sont de minuscules morceaux de #plastique qui mesurent généralement moins de 5 millimètres. Ils peuvent être divisés en deux catégories en fonction de la source dont ils proviennent.

      Les microplastiques primaires

      - Ils sont directement rejetés dans l’environnement sous forme de petites particules
      - On estime qu’ils représentent entre 15 et 31 % des microplastiques présents dans les océans
      - 35 % des microplastiques primaires proviennent du lavage des #vêtements_synthétiques
      – 28 % des microplastiques primaires proviennent du frottement des pneus lors de la conduite
      – 2 % proviennent des #produits_de_soin dans lesquels ils sont ajoutés volontairement (par exemple dans les #gommages)

      Les #microplastiques_secondaires

      – Proviennent de la #dégradation_d’objets en plastique plus grands tels que les #sacs_en_plastique, les #bouteilles, les filets de pêche
      – Représentent entre 69 et 81 % des microplastiques retrouvés dans les océans

      Microplastiques : quel impact ont-ils ?

      On retrouve de plus en plus de microplastiques dans les océans. Les Nations Unies ont déclaré en 2017 que l’océan contenait 51 trillons de particules, 500 fois plus que le nombre d’étoiles dans la galaxie.

      Les microplastiques présents dans l’océan peuvent être ingérés par les espèces marines et donc, se retrouver dans la chaîne alimentaire. Des microplastiques ont en effet été retrouvés dans des produits alimentaires comme la bière, le miel ou encore l’eau du robinet.

      Leur impact sur la santé humaine n’est pas encore connu mais les plastiques contiennent souvent des additifs tels que des stabilisants ou des agents ignifuges qui peuvent être nuisibles pour les humains ou pour les animaux qui les ingèrent.

      Sur quelles solutions l’Union européenne travaille-t-elle ?

      En septembre, les députés européens ont approuvé la stratégie plastiques qui a pour objectif d’augmenter le taux de recyclage des déchets plastiques dans l’UE. De plus, les députés ont appelé la Commission à introduire une interdiction à l’échelle européenne de tous les microplastiques ajoutés volontairement dans les produits cosmétiques et dans les détergents d’ici 2020 et à prendre des mesures pour minimiser les rejets de microplastiques provenant des textiles, des pneus, des peintures et des filtres à cigarette.

      En octobre, le Parlement a introduit une interdiction des plastiques à usage unique les plus retrouvés dans les océans et pour lesquels des alternatives plus écologiques existent. Les députés ont ajouté les plastiques oxodégradables à la liste des produits à interdire. Ces plastiques oxodégradables sont des plastiques conventionnels qui se brisent facilement en petites particules à cause des additifs qu’ils contiennent et contribuent à la pollution des océans.

      En 2015, le Parlement a voté en faveur de la réduction de l’utilisation des sacs en plastique dans l’Union européenne.

      https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20181116STO19217/microplastiques-sources-impact-et-solutions

  • « On a désappris aux gens à faire durer les choses »

    Prendre soin des choses relève d’une activité souvent peu visible : la maintenance. Au nom de la croissance, cette pratique a été refoulée, racontent les sociologues Denis Pontille et Jérôme Denis.

    Réparer, recoudre, huiler, nettoyer, mettre à jour, aiguiser, inspecter… Toutes ces actions consistent à tenter de faire durer les objets avec lesquels nous vivons, de notre pull préféré aux aiguillages d’une ligne TGV. Toutes font partie d’un « art de la maintenance », remis sur le devant de la scène par les sociologues Jérôme Denis et David Pontille, rattachés au Centre de sociologie de l’innovation, dans leur ouvrage Le soin des choses, politique de la maintenance (éd. La Découverte). Ils nous invitent à repenser la relation au monde matériel qui nous entoure.

    Reporterre — Vous écrivez que « faire durer les choses est une opération presque subversive ». Pourquoi ?

    Jérôme Denis — Dans les configurations particulières que sont les pays riches et les zones riches de ces pays, une certaine forme de capitalisme s’est constituée autour d’une durée de vie restreinte des choses et d’une hyperconsommation. Face à cela, la maintenance, faire durer des choses, est une opération qui n’est pas révolutionnaire, mais qui met un grain de sable dans la machine.

    C’est différent de la réparation. Pourquoi ?

    David Pontille — La réparation est incluse dans la maintenance. Mais la réparation met en scène des héros et des héroïnes, des gens qui viennent « sauver » la situation, ou le monde, de la rupture, de la casse,de la panne, du désastre. Ils remettent la situation en ordre. Au contraire, la maintenance, ce sont des gestes pratiqués en continu, et c’est potentiellement tout le monde. Il n’y a pas de figures spécifiques qui viennent créer l’événement.

    À quel moment la maintenance a-t-elle été reléguée en arrière-plan ?

    Jérôme Denis — A un moment, dans les pays riches, s’est construit une lutte très explicite contre certaines pratiques de maintenance et de réparation ordinaire, quotidienne. Elles étaient populaires, domestiques ou à l’usine, en grande partie faites par les femmes. De l’économie, au sens « être économe ». Au tournant du XXᵉ siècle, un modèle économique s’est constitué contre ces pratiques. Il ne fallait pas que les gens fassent durer ce qu’ils consommaient. Il fallait qu’ils désapprennent, presque, à faire durer les choses. C’est allé jusqu’à des formes de stigmatisation publique. Des campagnes de communication aux États-Unis prétendaient qu’il était antinationaliste de faire des économies de bouts de chandelle, qu’il fallait absolument acheter parce que c’est un acte héroïque et patriotique.

    « Les personnes qui pratiquent la maintenance doivent produire leur invisibilité, comme les femmes de ménage dans les bureaux »

    Cela va avec l’invention du jetable. On n’est plus responsables, on n’a plus le fardeau de s’occuper de ce que l’on achète, d’y prêter attention. Après, il faut être très précis et ne pas oublier qu’aujourd’hui, dans n’importe quel quartier populaire, campagne, et dans pas mal de maisonnées, on trouve des traces de gens qui savent faire et font quand même, notamment parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Et on ne parle pas évidemment des pays du Sud.

    Pourquoi la maintenance a-t-elle été — au moins dans certains domaines — invisibilisée ?

    David Pontille — Au cœur de l’acte de maintenance, il y a l’idée de faire durer. Cela va à l’inverse des grands récits sur l’innovation, où il faut faire de la disruption, du nouveau, du créatif. Il y a aujourd’hui une survalorisation de l’acte créateur par rapport à l’acte reproducteur, de faire durer, de simplement poursuivre ce qui est déjà là. Cela va jusque dans la comptabilité, où c’est l’investissement qui est valorisé, qui crée la valeur, alors que les frais de fonctionnement sont considérés comme moins importants.

    Quelles conséquences sociales cela a-t-il sur ceux dont la maintenance est le métier ?

    Jérôme Denis — Une grande partie des activités de maintenance sont mal reconnues. Les personnes qui la pratiquent doivent produire leur invisibilité, comme les femmes de ménage dans les bureaux. Il y a des conséquences sur la reconnaissance de leur expertise, ce qui pose tout simplement des questions de rémunération. Comme on ne sait pas ce que rapporte la maintenance — c’est ce que disait Denis sur la comptabilité — on a du mal à la payer correctement.

    « Il faut prendre en compte le fait que si cette machine fonctionne bien, c’est grâce à des personnes qui l’entretiennent »

    La deuxième conséquence est que, comme à peu près n’importe quel travail productif, physique, la maintenance use. Il y a des troubles musculo-squelettiques, des expositions à des produits dangereux. Il faut prendre en compte le fait que si cette machine fonctionne bien dans cette usine, si cette infrastructure tient, c’est grâce à des personnes qui l’entretiennent. Et se demander quel est le coût financier et humain des travailleurs et travailleuses impliqués dans la maintenance.

    Quels sont les enjeux communs aux travailleuses du soin aux personnes et aux travailleurs de la maintenance ?

    Jérôme Denis — C’est le rapprochement que fait Mierle Laderman Ukeles [artiste américaine née en 1939, connue pour ses œuvres mettant en scène les tâches de maintenance et de nettoyage], qui est en couverture du livre. Cette artiste conceptuelle fait une connexion entre ce qu’elle fait à la maison et le travail des éboueurs de New York. Dans son Manifeste pour l’art de la maintenance, le care [soin] est un mot très important.

    « Le soin des choses et des personnes remet en cause le mythe de l’autonomie »

    Que ce soit pour le soin des personnes ou des choses, la fragilité est le point de départ, la condition commune. Les gens qui prennent soin des personnes sont des gens qui considèrent qu’il n’y a pas un état sain, puis des écarts à cet état sain. Tout le monde a des formes de vulnérabilité. Cela retourne l’idée du normal, de l’ordre : les mainteneurs et les mainteneuses prennent également la fragilité comme point de départ.

    L’autre point commun est la part d’invisibilité de ces personnes. Les deux activités — soin des choses et des personnes — remettent aussi en cause le mythe de l’autonomie, cette figure très libérale de l’individu qui fait ses choix en toute responsabilité, seul. Les théories féministes du soin redéfinissent l’autonomie et assument l’interdépendance, le fait qu’on a toujours besoin, à un moment donné dans notre vie, d’être pris en charge par d’autres.

    Et le dernier point commun, c’est l’ambivalence de ces activités et les jeux de pouvoir qui s’y jouent. Prendre soin, c’est potentiellement imposer des manières de faire. Qui prend soin de qui ? Jusqu’où ? Qui peut se permettre de ne jamais prendre soin et d’être insouciant ?

    Prendre soin des choses et des personnes peut-il nous apprendre à prendre soin de la nature ?

    Jérôme Denis — Oui, parce que les humains habitent le monde avec des choses. Dans le livre, on utilise les termes de « tact » et de « diplomatie matérielle », car quand on prend soin des choses, il y a cette idée de négociation. Jusqu’où peut-on se permettre d’aller pour faire durer, préserver, conserver, restaurer, entretenir ? C’est une question éminemment politique, mais aussi très philosophique. Et centrale dans la préservation environnementale.

    « Il faut se débarrasser du mythe de l’équilibre, de l’idée que les choses vont revenir à un état stable »

    Pour y répondre, on peut s’inspirer des formes de maintenance que l’on appelle modestes, qui assument qu’il faut faire, qu’il ne faut pas disparaître, mais qu’il ne faut pas être trop brutal. La conservation patrimoniale des monuments historiques est un excellent exemple. Alors que le modèle de Viollet-le-Duc était très immodeste, qu’il assumait des grandes transformations pour revenir à l’état « original » d’un monument, la profession s’est organisée depuis quelques années à l’échelle internationale autour du principe « d’intervention minimale » qui assume qu’il y a bien des interventions nécessaires pour la conservation, mais qui insiste aussi sur la nécessité de rester parcimonieux. Cela produit un rapport à l’environnement qui ressemble plus à ce que propose Aldo Leopold [1887-1948, considéré comme l’un des pères de la protection de l’environnement aux États-Unis], c’est-à-dire à une sorte de partenariat. Les humains sont à l’intérieur des écosystèmes, en essayant d’être le moins nuisibles possible, au nom d’une communauté de vie sur Terre.

    Et puis, on peut avoir tendance à imaginer que la maintenance ou le soin sont un statu quo. Certaines formes de maintenance essayent de fabriquer une immobilité. Ce que l’on montre, c’est que pour y arriver, il faut accepter les transformations. C’est typique de la signalétique du métro, que nous avons étudiée. C’est un dispositif destiné à être toujours présent, toujours en bon état. Pour assurer cela, il faut accepter d’en remplacer régulièrement des composants. Il y a là aussi une connexion avec la question de conservation environnementale. Il faut se débarrasser du mythe de l’équilibre, de l’idée que les choses vont revenir à un état stable, une fixité.

    https://reporterre.net/On-a-desappris-aux-gens-a-faire-durer-les-choses
    #objets #réparation #maintenance #capitalisme #consumérisme #hyperconsommation #économie #jetable #innovation #faire_durer #création #production #reproduction #investissement #fragilité #tact #diplomatie_matérielle #négociation

    • Le soin des choses. Politiques de la maintenance

      Qu’ont en commun une chaudière, une voiture, un panneau de signalétique, un smartphone, une cathédrale, une œuvre d’art, un satellite, un lave-linge, un pont, une horloge, un serveur informatique, le corps d’un illustre homme d’État, un tracteur ? Presque rien, si ce n’est qu’aucune de ces choses, petite ou grande, précieuse ou banale, ne perdure sans une forme d’entretien. Tout objet s’use, se dégrade, finit par se casser, voire par disparaître. Pour autant, mesure-t-on bien l’importance de la maintenance ? Contrepoint de l’obsession contemporaine pour l’innovation, moins spectaculaire que l’acte singulier de la réparation, cet art délicat de faire durer les choses n’est que très rarement porté à notre attention.
      Ce livre est une invitation à décentrer le regard en mettant au premier plan la maintenance et celles et ceux qui l’accomplissent. En suivant le fil de différentes histoires, ses auteurs décrivent les subtilités du « soin des choses » pour en souligner les enjeux éthiques et la portée politique. Parce que s’y cultive une attention sensible à la fragilité et que s’y invente au jour le jour une diplomatie matérielle qui résiste au rythme effréné de l’obsolescence programmée et de la surconsommation, la maintenance dessine les contours d’un monde à l’écart des prétentions de la toute-puissance des humains et de l’autonomie technologique. Un monde où se déploient des formes d’attachement aux choses bien moins triviales que l’on pourrait l’imaginer.

      https://www.editionsladecouverte.fr/le_soin_des_choses-9782348064838
      #livre

  • #Inde : dans les champs du #Pendjab, la colère s’enracine

    Depuis leur soulèvement en 2021, les paysans du sous-continent sont revenus aux champs. Mais dans le grenier à #blé du pays, la révolte gronde toujours et la sortie de la #monoculture_intensive est devenue une priorité des #syndicats_agricoles.

    « Nous sommes rassemblés parce que la situation des agriculteurs est dans l’impasse. Dans le Pendjab, les paysans sont prisonniers de la monoculture du blé et du #riz, qui épuise les #nappes_phréatiques », explique Kanwar Daleep, président du grand syndicat agricole #Kisan_Marzoor. À ses côtés, ils sont une centaine à bloquer la ligne de train qui relie la grande ville d’Amritsar, dans le Pendjab, à New Delhi, la capitale du pays. Au milieu d’immenses champs de blé, beaucoup sont des paysans sikhs, reconnaissables à leur barbe et à leur turban.

    C’est d’ici qu’est parti le plus grand mouvement de contestation de l’Inde contemporaine. Pour s’opposer à la #libéralisation du secteur agricole, des paysans du Pendjab en colère puis des fermiers de toute l’Inde ont encerclé New Delhi pacifiquement mais implacablement en décembre 2020 et en 2021, bravant froids hivernaux, coronavirus et police. En novembre 2021, le premier ministre Narendra Modi a finalement suspendu sa #réforme, dont une des conséquences redoutées aurait été la liquidation des tarifs minimums d’achat garantis par l’État sur certaines récoltes.

    « Depuis cette #révolte historique, les agriculteurs ont compris que le peuple avait le pouvoir, juge #Sangeet_Toor, écrivaine et militante de la condition paysanne, basée à Chandigarh, la capitale du Pendjab. L’occupation est finie, mais les syndicats réclament un nouveau #modèle_agricole. Ils se sont emparés de sujets tels que la #liberté_d’expression et la #démocratie. »

    Pour Kanwar Daleep, le combat entamé en 2020 n’est pas terminé. « Nos demandes n’ont pas été satisfaites. Nous demandons à ce que les #prix_minimums soient pérennisés mais aussi étendus à d’autres cultures que le blé et le riz, pour nous aider à régénérer les sols. »

    C’est sur les terres du Pendjab, très plates et fertiles, arrosées par deux fleuves, que le gouvernement a lancé dans les années 1960 un vaste programme de #plantation de semences modifiées à grand renfort de #fertilisants et de #pesticides. Grâce à cette « #révolution_verte », la production de #céréales a rapidement explosé – l’Inde est aujourd’hui un pays exportateur. Mais ce modèle est à bout de souffle. Le père de la révolution verte en Inde, #Monkombu_Sambasivan_Swaminathan, mort en septembre, alertait lui-même sur les dérives de ce #productivisme_agricole forcené.

    « La saison du blé se finit, je vais planter du riz », raconte Purun Singh, qui cultive 15 hectares près de la frontière du Pakistan. « Pour chaque hectare, il me faut acheter 420 euros de fertilisants et pesticides. J’obtiens 3 000 kilos dont je tire environ 750 euros. Mais il y a beaucoup d’autres dépenses : l’entretien des machines, la location des terrains, l’école pour les enfants… On arrive à se nourrir mais notre compte est vide. » Des récoltes aléatoires vendues à des prix qui stagnent… face à un coût de la vie et des intrants de plus en plus élevé et à un climat imprévisible. Voilà l’équation dont beaucoup de paysans du Pendjab sont prisonniers.

    Cet équilibre financier précaire est rompu au moindre aléa, comme les terribles inondations dues au dérèglement des moussons cet été dans le sud du Pendjab. Pour financer les #graines hybrides et les #produits_chimiques de la saison suivante, les plus petits fermiers en viennent à emprunter, ce qui peut conduire au pire. « Il y a cinq ans, j’ai dû vendre un hectare pour rembourser mon prêt, raconte l’agriculteur Balour Singh. La situation et les récoltes ne se sont pas améliorées. On a dû hypothéquer nos terrains et je crains qu’ils ne soient bientôt saisis. Beaucoup de fermiers sont surendettés comme moi. » Conséquence avérée, le Pendjab détient aujourd’hui le record de #suicides de paysans du pays.

    Champs toxiques

    En roulant à travers les étendues vertes du grenier de l’Inde, on voit parfois d’épaisses fumées s’élever dans les airs. C’est le #brûlage_des_chaumes, pratiqué par les paysans lorsqu’ils passent de la culture du blé à celle du riz, comme en ce mois d’octobre. Cette technique, étroitement associée à la monoculture, est responsable d’une très importante #pollution_de_l’air, qui contamine jusqu’à la capitale, New Delhi. Depuis la route, on aperçoit aussi des fermiers arroser leurs champs de pesticides toxiques sans aucune protection. Là encore, une des conséquences de la révolution verte, qui place le Pendjab en tête des États indiens en nombre de #cancers.

    « Le paradigme que nous suivons depuis les années 1960 est placé sous le signe de la #sécurité_alimentaire de l’Inde. Où faire pousser ? Que faire pousser ? Quelles graines acheter ? Avec quels intrants les arroser ? Tout cela est décidé par le marché, qui en tire les bénéfices », juge Umendra Dutt. Depuis le village de Jaito, cet ancien journaliste a lancé en 2005 la #Kheti_Virasat_Mission, une des plus grandes ONG du Pendjab, qui a aujourd’hui formé des milliers de paysans à l’#agriculture_biologique. « Tout miser sur le blé a été une tragédie, poursuit-il. D’une agriculture centrée sur les semences, il faut passer à une agriculture centrée sur les sols et introduire de nouvelles espèces, comme le #millet. »

    « J’ai décidé de passer à l’agriculture biologique en 2015, parce qu’autour de moi de nombreux fermiers ont développé des maladies, notamment le cancer, à force de baigner dans les produits chimiques », témoigne Amar Singh, formé par la Kheti Virasat Mission. J’ai converti deux des quatre hectares de mon exploitation. Ici, auparavant, c’était du blé. Aujourd’hui j’y plante du curcuma, du sésame, du millet, de la canne à sucre, sans pesticides et avec beaucoup moins d’eau. Cela demande plus de travail car on ne peut pas utiliser les grosses machines. Je gagne un peu en vendant à des particuliers. Mais la #transition serait plus rapide avec l’aide du gouvernement. »

    La petite parcelle bio d’Amar Singh est installée au milieu d’hectares de blé nourris aux produits chimiques. On se demande si sa production sera vraiment « sans pesticides ». Si de plus en plus de paysans sont conscients de la nécessité de cultiver différemment, la plupart peinent à le faire. « On ne peut pas parler d’une tendance de fond, confirme Rajinder Singh, porte-parole du syndicat #Kirti_Kazan_Union, qui veut porter le combat sur le plan politique. Lorsqu’un agriculteur passe au bio, sa production baisse pour quelques années. Or ils sont déjà très endettés… Pour changer de modèle, il faut donc subventionner cette transition. »

    Kanwar Daleep, du Kisan Marzoor, l’affirme : les blocages continueront, jusqu’à obtenir des garanties pour l’avenir des fermiers. Selon lui, son syndicat discute activement avec ceux de l’État voisin du Haryana pour faire front commun dans la lutte. Mais à l’approche des élections générales en Inde en mai 2024, la reprise d’un mouvement de masse est plus une menace brandie qu’une réalité. Faute de vision des pouvoirs publics, les paysans du Pendjab choisissent pour l’instant l’expectative. « Les manifestations peuvent exploser à nouveau, si le gouvernement tente à nouveau d’imposer des réformes néfastes au monde paysan », juge Sangeet Toor.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/281223/inde-dans-les-champs-du-pendjab-la-colere-s-enracine
    #agriculture #monoculture #résistance

  • Salut à toi, jeune #stagiaire en #alternance ! Aujourd’hui, je vais te parler d’un truc essentiel dans le quotidien d’un chef de projet #IT, c’est quelque chose qui peut sacrément impacter ta #productivité si tu ne le maîtrises pas : la gestion des #emails ou #courriels. Alors c’est parti, accroche-toi : c’est la méthode #Inbox Zéro pour gérer ses #mails.
    https://michelcampillo.com/blog/3179.html

  • Activité pas seulement productive et besoin sans manque (Bruno Astarian)

    http://www.hicsalta-communisation.com/accueil/chapitre-9-quels-sont-les-enjeux#9.2.3.1

    Avec Astarian, on est à l’opposé du programme prolétarien d’affirmation du travail contre la classe capitaliste bourgeoise et la propriété privée permettant d’aller vers le communisme, comme par exemple aujourd’hui avec le Réseau salariat. Pour Astarian et les autres communisateurs, ce programme est obsolète à partir des années 1970 : il n’est plus possible de passer des luttes quotidiennes (revendicatives) du travail contre le capital à des luttes révolutionnaires pour le communisme. Une des explications à cela est la déqualification des prolétaires conjointement à la complexification croissante des moyens de production.

    Je passe sur ces points. Ce qui m’intéresse ici est de constater que les travaux d’Astarian sur la théorie de la valeur aboutissent à des formulations de qu’est le communisme conduisant à remettre en cause, non pas simplement la marchandise, l’échange, la valeur et l’argent, mais également les catégories de production et de besoin que l’on pourrait facilement considérer comme "naturelles" (selon la vision que dans un monde communiste il faudrait toujours produire pour répondre à des besoins).

    Dans son livre L’abolition de la valeur , dans les chapitres précédents et dans la perspective de prendre ses distances avec la critique de la valeur (Postone, Jappe etc) et la notion de "travail abstrait", Astarian a cherché à caractériser le travail producteur de marchandises en aboutissant à deux critères : la recherche de productivité et la normalisation. Une société communiste est donc pour lui une société où ce travail n’a plus lieu, et d’où émergent à la place l’ activité pas seulement productive (APSP) et le besoin sans manque (BSM).

    L’activité pas seulement productive :

    Si on envisage une activité productive qui ne recherche pas la productivité, la première chose qui ressort est un bouleversement complet du rapport au temps. Certes, le temps ne cesse pas d’exister parce qu’on arrête de le compter. Mais son passage inexorable cesse de contraindre l’acte productif dès lors qu’il n’est plus le critère de son évaluation. La société marchande admet ou refuse la participation à la société de telle marchandise, et donc de tel ou tel producteur, en évaluant le temps qu’il a fallu pour la produire et en le comparant à d’autres productions de même type. La contrainte qui en résulte pour le producteur est alors de toujours produire dans le minimum de temps. Le non-respect de cette contrainte l’exclut de la société des producteurs en excluant sa marchandise du marché. La négation de la productivité remplace cette appréciation quantitative temporelle de la légitimité d’une activité productive et de son produit par une évaluation qualitative. Ici, les mots nous font défaut pour définir la nature du rapport que les hommes auront à leur production dans une société sans valeur. « Appréciation » renvoie à « prix », « évaluation » à « valeur ». Ce sont des mots de la société marchande, de la quantité. Ils ne peuvent pas convenir entièrement pour désigner, dans le communisme, la satisfaction qualitative qu’une activité productive engendre, ou non, pour ceux qui y participent et pour ceux qui en utilisent les résultats. Une des raisons pour cela est que l’activité que nous considérons n’est pas seulement productive.

    (...)

    Dans les sociétés de classes, la production des conditions matérielles de la vie et la jouissance de cette vie sont donc des activités séparées par une contradiction. Une société qui serait débarrassée de cette contradiction serait aussi débarrassée de la valeur. Et dès lors que la production par unité de temps n’est plus le critère de la justification sociale d’une production, les « producteurs » ont le temps. En fait, on ne peut plus les définir comme producteurs. A l’opposé du travail, la production qui a le temps peut jouir immédiatement de sa propre activité. Elle peut être rapport à soi. Certes, l’effort lui-même, la fatigue, ne sont pas exclus. Mais pour une activité productive libérée de la contrainte du temps, ce sont des dimensions qui font partie de la jouissance du corps et de l’esprit dès lors qu’on peut s’arrêter, discuter, faire autre chose, modifier, s’adapter aux possibilités ou aux demandes des participants, etc. Autrement dit, cette production n’est pas seulement productive. Il n’existe pas de mot pour cela, et il faut donc proposer un néologisme. Appelons activité-pas-seulement-productive (APSP) cette activité totalisante où les hommes ne renoncent pas à jouir de leurs rapports sous prétexte qu’ils produisent des objets.

    Dans l’activité-pas-seulement-productive, tout est à tout moment à discuter, à remettre en cause, à ajuster aux rapports que les individus concernés développent. A ne considérer que la part productive proprement dite de l’activité-pas-seulement-productive, on peut envisager deux points de vue. Prise du point de vue « production », l’APSP résulte d’une interaction autour du qui participe, du comment la production s’organise, du quand l’activité se met en place. Prise du point de vue des besoins à satisfaire, l’APSP doit décider le quoi (qu’est-ce qu’on produit) et le pour qui. C’est ici qu’intervient la négation de la normalisation.

    Le besoin sans manque

    Rappelons que la normalisation des produits et du travail est une conséquence de la séparation où se trouve le producteur privé et indépendant par rapport aux besoins que sa production doit couvrir. Le dépassement de la normalisation oblige à définir ce que pourrait être l’abolition de séparations qui nous paraissent aujourd’hui complètement normales. Pour ce qui nous concerne ici, la séparation se situe entre le besoin et l’objet qui le satisfait et, a fortiori, l’activité qui produit cet objet. C’est cette séparation qui fait que la marchandise doit se présenter comme valeur d’utilité, normalisée de telle sorte qu’elle couvre un large éventail de besoins particuliers et, en même temps, occulte précisément la particularité dans laquelle les besoins de chacun se manifestent nécessairement. Si, selon notre hypothèse, on pose la propriété positivement abolie, la certitude de trouver satisfaction définit le besoin comme besoin-sans-manque (BSM). Ce besoin tranquille a la possibilité de faire valoir sa particularité, non pas comme caprice individuel (je veux des fraises tout de suite) mais comme discussion, interaction, définition d’un projet qui, dès lors, n’est pas seulement consommation. Il s’agit ainsi de redéfinir la notion de besoin.

    Face à la pression du réalisme, il convient d’interroger les catégories que nous utilisons. Dans le cas présent, il faut envisager sous un jour non économique la question des ressources et des besoins. Et, ici, discuter de la notion même de besoin. Dans le communisme, doit-on continuer à poser les besoins comme une « demande », une variable quasi-naturelle face à laquelle l’activité productive répond comme une « offre » soumise à la nécessité ? La réponse est non. On peut bien sûr partir d’une évidence apparemment naturelle et dire que 6 milliards d’individus ont besoin de 2000 calories par jour et que cela impose une production de x blé + y viande + z lait… Car, dit le bon sens, le communisme ne supprimera pas plus la faim que la pesanteur. La faim nous rappelle à tout moment que nous appartenons à la nature et qu’aucune révolution ne peut abolir les lois de la nature. Certes. Mais, dans sa manifestation actuelle, la faim telle que nous la connaissons nous rappelle aussi que nous sommes séparés par la propriété non seulement de l’objet de sa satisfaction mais aussi de l’activité qui produit cet objet. La faim nous rappelle en même temps que nous appartenons à la nature et que nous en sommes séparés par la propriété. Notre faim, en ce sens, n’est pas que naturelle. Nous ne connaissons la faim, phénomène naturel s’il en fût, que pervertie par la propriété et l’exploitation, que comme souffrance, comme peur du manque, comme soumission au règne de la propriété sur l’objet qui rassasie. Dès lors, qui nous dit que la sensation de faim telle que nous la connaissons est purement naturelle, n’est pas déterminée socialement ? Même le rythme de ses manifestations n’est-il pas dicté par celui de l’exploitation, de la journée de travail ? Inversement, dès lors qu’elle serait tranquille et sûre d’être rassasiée, pourquoi la faim ne serait pas aussi jouissance, comme le désir dans les préalables de l’amour, lesquels participent activement et positivement à la satisfaction du besoin exprimé par le désir ? Le besoin de base (2000 calories) reste le même mais, besoin-sans-manque, il devient partie prenante de l’activité-pas-seulement-productive (la gastronomie ?) qui en même temps le manifeste et le satisfait.

    Le besoin-sans-manque s’invite ainsi dans l’activité-pas-seulement-productive pour s’y manifester comme partie prenante et assurer que l’activité productive reste particulière aux individus qui y sont engagés, et non pas générale et abstraite pour répondre à une demande séparée. Ceci est totalement anti-productif, au sens où beaucoup de temps sera « perdu » pour formuler le besoin dans sa particularité, tant en fonction de la nature de l’objet à produire que des possibilités dont on dispose pour ce faire. De façon générale, le besoin n’est plus envie individuelle. Mais si le besoin-sans-manque participe à l’APSP, ce n’est pas parce que les individus concernés auront intégré dans leur conscience individuelle la nécessité d’extraire du charbon pour couvrir les besoins d’autres productions. C’est parce que l’extraction de charbon se fera de telle sorte que les rapports entre les « mineurs » seront satisfaisants en eux-mêmes et pour eux-mêmes. Il n’y aura aucun sacrifice à produire des biens non consommables immédiatement, des biens pour d’autres. Cela s’applique bien sûr aussi aux biens consommables immédiatement. Les réalistes disent : « il y aura toujours du sale boulot, il faudra bien qu’on le fasse ». Je crois qu’il faut le dire clairement : il n’y aura plus de sale boulot. Les tâches actuellement sales, dégradantes, ennuyeuses, etc. seront soit abandonnées soit transformées. Sinon, on tombe dans les tours de rôle, avec leurs gestionnaires et leur passe-droit – ou alors on envisage que les hommes et femmes communistes sont des militants.

    Il n’y aura donc aucun temps « perdu ». L’interaction constante entre APSP et BSM se concrétise comme activité et jouissance sociale des individus. Parce qu’il n’est pas déterminé par le manque comme impérieux, urgent, le besoin se manifeste concrètement et activement dans l’APSP, qui lui en laisse tout le loisir puisqu’elle n’est pas seulement productive. L’activité prime sur son résultat productif au sens où le besoin fondamental est celui d’exister socialement, de profiter de la société des autres. Le besoin (momentané) de solitude ne contredit pas cela. Marx dit que le travail sera le premier besoin, parce que c’est pour lui l’activité subjective fondamentale (générique) de l’homme. Il faut élargir cette proposition, et dire que l’activité sociale, c’est-à-dire la jouissance d’être libre et conscient, naturel et social, actif et passif, sera le premier besoin. La notion de besoin-sans-manque veut exprimer la possibilité d’un besoin existant comme interaction entre les individus, comme projet conscient.

    La négation de la normalisation suppose donc de ne plus concevoir les besoins naturels (2000 calories) comme une variable exogène. Les besoins ne sont pas une contrainte naturelle qui nous imposerait un certain réalisme. Ils nous apparaissent comme tels dans la société de classes, où en fait ils ne sont pas si naturels puisque c’est le travail et la propriété qui engendrent la séparation du besoin et de son objet, et posent le besoin comme manque. Si l’on pose le travail et la propriété positivement dépassés, il faut aussi envisager un besoin sans manque, qui fait partie, en fin de compte, de la définition de l’activité-pas-seulement-productive.

    Le livre contient un épilogue non publié sur le site, titré "Théorie de la valeur et théorie communiste". Je le mettrai ultérieurement.

    #Astarian #communisation #communisme #post-capitalisme #besoin #production

    • Raniero Panzieri, Mario Tronti, Gaspare De Caro, Toni Negri (Turin, 1962)

      Conférence de Potere operaio à l’Université de Bologne en 1970.

      Manifestation de Potere operaio à Milan en 1972.

      Negri lors de son procès après la rafle du 7 avril 1979

      #Toni_Negri
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Toni_Negri

      Lénine au-delà de Lénine, Toni Negri (extrait de 33 Leçons sur Lénine), 1972-1973
      http://revueperiode.net/lenine-au-dela-de-lenine

      Domination et sabotage - Sur la méthode marxiste de transformation sociale, Antonio Negri (pdf), 1977
      https://entremonde.net/IMG/pdf/a6-03dominationsabotage-0-livre-high.pdf

      L’Anomalie sauvage d’Antonio Negri, Alexandre Matheron, 1983
      https://books.openedition.org/enseditions/29155?lang=fr

      Sur Mille Plateaux, Toni Negri, Revue Chimères n° 17, 1992
      https://www.persee.fr/doc/chime_0986-6035_1992_num_17_1_1846

      Les coordinations : une proposition de communisme, Toni Negri, 1994
      https://www.multitudes.net/les-coordinations-une-proposition

      Le contre-empire attaque, entretien avec Toni Negri, 2000
      https://vacarme.org/article28.html

      [#travail #multitude_de_singularités à 18mn] : Toni Negri, 2014
      https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/actualite-philosophique-toni-negri-5100168

      à l’occasion de la parution du Hors-Série de Philosophie Magazine sur le thème, les philosophes et le #communisme.

      Socialisme = soviets + électricité, Toni Negri, 2017
      http://revueperiode.net/les-mots-dordre-de-lenine

      L’appropriation du capital fixe : une métaphore ?
      Antonio Negri, Multitudes 2018/1 (n° 70)
      https://www.cairn.info/revue-multitudes-2018-1-page-92.htm

      Domination et sabotage - Entretien avec Antonio Negri, 2019
      https://vacarme.org/article3253.html

    • Les nécros de Ration et de L’imMonde ont par convention une tonalité vaguement élogieuse mais elles sont parfaitement vides. Celle de l’Huma parait plus documentée mais elle est sous paywall...

      edit L’Huma c’est encore et toujours la vilaine bêtise stalinienne :

      Figure de prou de "l’opéraïsme" dans les années 1960, arrêté durant les années de plomb en Italie, penseur de la "multitude" dans les années 2000, le théoricien politique, spécialiste de la philosophie du droit et de Hegel, est mort à Paris à l’âge de 90 ans.
      Pierre Chaillan

      (...) Figure intellectuelle et politique, il a traversé tous les soubresauts de l’histoire de l’Italie moderne et restera une grande énigme au sein du mouvement communiste et ouvrier international . Né le 1er août 1933 dans l’Italie mussolinienne, d’un père communiste disparu à la suite de violences infligées par une brigade fasciste, Antonio Negri est d’abord militant de l’Action catholique avant d’adhérer en 1956 au Parti socialiste italien, qu’il quittera rapidement.

      Le théoricien, animateurs de “l’opéraïsme”

    • Un journaliste du Monde « Gauchologue et fafologue / Enseigne @sciencespo » diffuse sur X des extraits de l’abject "Camarade P38" du para-policier Fabrizio Calvi en prétendant que cette bouse « résume les critiques ».
      Mieux vaut se référer à EMPIRE ET SES PIÈGES - Toni Negri et la déconcertante trajectoire de l’opéraïsme italien, de Claudio Albertani https://infokiosques.net/spip.php?article541

    • #opéraïsme

      http://www.zones-subversives.com/l-op%C3%A9ra%C3%AFsme-dans-l-italie-des-ann%C3%A9es-1960

      Avant l’effervescence de l’Autonomie italienne, l’opéraïsme tente de renouveler la pensée marxiste pour réfléchir sur les luttes ouvrières. Ce mouvement politique et intellectuel se développe en Italie dans les années 1960. Il débouche vers une radicalisation du conflit social en 1968, et surtout en 1969 avec une grève ouvrière sauvage. Si le post-opéraïsme semble relativement connu en France, à travers la figure de Toni Negri et la revue Multitudes, l’opéraïsme historique demeure largement méconnu.

      Mario Tronti revient sur l’aventure de l’opéraïsme, à laquelle il a activement participé. Son livre articule exigence théorique et témoignage vivant. Il décrit ce mouvement comme une « expérience de pensée - d’un cercle de personnes liées entre elles indissolublement par un lien particulier d’amitié politique ». La conflictualité sociale et la radicalisation des luttes ouvrières doit alors permettre d’abattre le capitalisme.

    • IL SECOLO BREVE DI TONI NEGRI, Ago 17, 2023,
      di ROBERTO CICCARELLI.

      http://www.euronomade.info/?p=15660

      Toni Negri hai compiuto novant’anni. Come vivi oggi il tuo tempo?

      Mi ricordo Gilles Deleuze che soffriva di un malanno simile al mio. Allora non c’erano l’assistenza e la tecnologia di cui possiamo godere noi oggi. L’ultima volta che l’ho visto girava con un carrellino con le bombole di ossigeno. Era veramente dura. Lo è anche per me oggi. Penso che ogni giorno che passa a questa età sia un giorno di meno. Non hai la forza di farlo diventare un giorno magico. È come quando mangi un buon frutto e ti lascia in bocca un gusto meraviglioso. Questo frutto è la vita, probabilmente. È una delle sue grandi virtù.

      Novant’anni sono un secolo breve.

      Di secoli brevi ce ne possono essere diversi. C’è il classico periodo definito da Hobsbawm che va dal 1917 al 1989. C’è stato il secolo americano che però è stato molto più breve. È durato dagli accordi monetari e dalla definizione di una governance mondiale a Bretton Woods, agli attentati alle Torri Gemelle nel settembre 2001. Per quanto mi riguarda il mio lungo secolo è iniziato con la vittoria bolscevica, poco prima che nascessi, ed è continuato con le lotte operaie, e con tutti i conflitti politici e sociali ai quali ho partecipato.

      Questo secolo breve è terminato con una sconfitta colossale.

      È vero. Ma hanno pensato che fosse finita la storia e fosse iniziata l’epoca di una globalizzazione pacificata. Nulla di più falso, come vediamo ogni giorno da più di trent’anni. Siamo in un’età di transizione, ma in realtà lo siamo sempre stati. Anche se sottotraccia, ci troviamo in un nuovo tempo segnato da una ripresa globale delle lotte contro le quali c’è una risposta dura. Le lotte operaie hanno iniziato a intersecarsi sempre di più con quelle femministe, antirazziste, a difesa dei migranti e per la libertà di movimento, o ecologiste.

      Filosofo, arrivi giovanissimo in cattedra a Padova. Partecipi a Quaderni Rossi, la rivista dell’operaismo italiano. Fai inchiesta, fai un lavoro di base nelle fabbriche, a cominciare dal Petrolchimico di Marghera. Fai parte di Potere Operaio prima, di Autonomia Operaia poi. Vivi il lungo Sessantotto italiano, a cominciare dall’impetuoso Sessantanove operaio a Corso Traiano a Torino. Qual è stato il momento politico culminante di questa storia?

      Gli anni Settanta, quando il capitalismo ha anticipato con forza una strategia per il suo futuro. Attraverso la globalizzazione, ha precarizzato il lavoro industriale insieme all’intero processo di accumulazione del valore. In questa transizione, sono stati accesi nuovi poli produttivi: il lavoro intellettuale, quello affettivo, il lavoro sociale che costruisce la cooperazione. Alla base della nuova accumulazione del valore, ci sono ovviamente anche l’aria, l’acqua, il vivente e tutti i beni comuni che il capitale ha continuato a sfruttare per contrastare l’abbassamento del tasso di profitto che aveva conosciuto a partire dagli anni Sessanta.

      Perché, dalla metà degli anni Settanta, la strategia capitalista ha vinto?

      Perché è mancata una risposta di sinistra. Anzi, per un tempo lungo, c’è stata una totale ignoranza di questi processi. A partire dalla fine degli anni Settanta, c’è stata la soppressione di ogni potenza intellettuale o politica, puntuale o di movimento, che tentasse di mostrare l’importanza di questa trasformazione, e che puntasse alla riorganizzazione del movimento operaio attorno a nuove forme di socializzazione e di organizzazione politica e culturale. È stata una tragedia. Qui che appare la continuità del secolo breve nel tempo che stiamo vivendo ora. C’è stata una volontà della sinistra di bloccare il quadro politico su quello che possedeva.

      E che cosa possedeva quella sinistra?

      Un’immagine potente ma già allora inadeguata. Ha mitizzato la figura dell’operaio industriale senza comprendere che egli desiderava ben altro. Non voleva accomodarsi nella fabbrica di Agnelli, ma distruggere la sua organizzazione; voleva costruire automobili per offrirle agli altri senza schiavizzare nessuno. A Marghera non avrebbe voluto morire di cancro né distruggere il pianeta. In fondo è quello che ha scritto Marx nella Critica del programma di Gotha: contro l’emancipazione attraverso il lavoro mercificato della socialdemocrazia e per la liberazione della forza lavoro dal lavoro mercificato. Sono convinto che la direzione presa dall’Internazionale comunista – in maniera evidente e tragica con lo stalinismo, e poi in maniera sempre più contraddittoria e irruente -, abbia distrutto il desiderio che aveva mobilitato masse gigantesche. Per tutta la storia del movimento comunista è stata quella la battaglia.

      Cosa si scontrava su quel campo di battaglia?

      Da un lato, c’era l’idea della liberazione. In Italia è stata illuminata dalla resistenza contro il nazi-fascismo. L’idea di liberazione si è proiettata nella stessa Costituzione così come noi ragazzi la interpretammo allora. E in questa vicenda non sottovaluterei l’evoluzione sociale della Chiesa Cattolica che culminò con il Secondo Concilio Vaticano. Dall’altra parte, c’era il realismo ereditato dal partito comunista italiano dalla socialdemocrazia, quello degli Amendola e dei togliattiani di varia origine. Tutto è iniziato a precipitare negli anni Settanta, mentre invece c’era la possibilità di inventare una nuova forma di vita, un nuovo modo di essere comunisti.

      Continui a definirti un comunista. Cosa significa oggi?

      Quello che per me ha significato da giovane: conoscere un futuro nel quale avremmo conquistato il potere di essere liberi, di lavorare meno, di volerci bene. Eravamo convinti che concetti della borghesia quali libertà, uguaglianza e fraternità avrebbero potuto realizzarsi nelle parole d’ordine della cooperazione, della solidarietà, della democrazia radicale e dell’amore. Lo pensavamo e lo abbiamo agito, ed era quello che pensava la maggioranza che votava la sinistra e la faceva esistere. Ma il mondo era ed è insopportabile, ha un rapporto contraddittorio con le virtù essenziali del vivere insieme. Eppure queste virtù non si perdono, si acquisiscono con la pratica collettiva e sono accompagnate dalla trasformazione dell’idea di produttività che non significa produrre più merci in meno tempo, né fare guerre sempre più devastanti. Al contrario serve a dare da mangiare a tutti, modernizzare, rendere felici. Comunismo è una passione collettiva gioiosa, etica e politica che combatte contro la trinità della proprietà, dei confini e del capitale.

      L’arresto avvenuto il 7 aprile 1979, primo momento della repressione del movimento dell’autonomia operaia, è stato uno spartiacque. Per ragioni diverse, a mio avviso, lo è stato anche per la storia del «manifesto» grazie a una vibrante campagna garantista durata anni, un caso giornalistico unico condotto con i militanti dei movimenti, un gruppo di coraggiosi intellettuali, il partito radicale. Otto anni dopo, il 9 giugno 1987, quando fu demolito il castello di accuse cangianti, e infondate, Rossana Rossanda scrisse che fu una «tardiva, parziale riparazione di molto irreparabile». Cosa significa oggi per te tutto questo?

      È stato innanzitutto il segno di un’amicizia mai smentita. Rossana per noi è stata una persona di una generosità incredibile. Anche se, a un certo punto, si è fermata anche lei: non riusciva a imputare al Pci quello che il Pci era diventato.

      Che cosa era diventato?

      Un oppressore. Ha massacrato quelli che denunciavano il pasticcio in cui si era andato a ficcare. In quegli anni siamo stati in molti a dirglielo. Esisteva un’altra strada, che passava dall’ascolto della classe operaia, del movimento studentesco, delle donne, di tutte le nuove forme nelle quali le passioni sociali, politiche e democratiche si stavano organizzando. Noi abbiamo proposto un’alternativa in maniera onesta, pulita e di massa. Facevamo parte di un enorme movimento che investiva le grandi fabbriche, le scuole, le generazioni. La chiusura da parte del Pci ha determinato la nascita di estremizzazioni terroristiche: questo è fuori dubbio. Noi abbiamo pagato tutto e pesantemente. Solo io ho fatto complessivamente quattordici anni di esilio e undici e mezzo di prigione. Il Manifesto ha sempre difeso la nostra innocenza. Era completamente idiota che io o altri dell’Autonomia fossimo considerati i rapitori di Aldo Moro o gli uccisori di compagni. Tuttavia, nella campagna innocentista che è stata coraggiosa e importante è stato però lasciato sul fondo un aspetto sostanziale.

      Quale?
      Eravamo politicamente responsabili di un movimento molto più ampio contro il compromesso storico tra il Pci e la Dc. Contro di noi c’è stata una risposta poliziesca della destra, e questo si capisce. Quello che non si vuol capire è stata invece la copertura che il Pci ha dato a questa risposta. In fondo, avevano paura che cambiasse l’orizzonte politico di classe. Se non si comprende questo nodo storico, come ci si può lamentare dell’inesistenza di una sinistra oggi in Italia?

      Il sette aprile, e il cosiddetto «teorema Calogero», sono stati considerati un passo verso la conversione di una parte non piccola della sinistra al giustizialismo e alla delega politica alla magistratura. Come è stato possibile lasciarsi incastrare in una simile trappola?

      Quando il Pci sostituì la centralità della lotta morale a quella economica e politica, e lo fece attraverso giudici che gravitavano attorno alla sua area, ha finito il suo percorso. Questi davvero credevano di usare il giustizialismo per costruire il socialismo? Il giustizialismo è una delle cose più care alla borghesia. È un’illusione devastante e tragica che impedisce di vedere l’uso di classe del diritto, del carcere o della polizia contro i subalterni. In quegli anni cambiarono anche i giovani magistrati. Prima erano molto diversi. Li chiamavano «pretori di assalto». Ricordo i primi numeri della rivista Democrazia e Diritto ai quali ho lavorato anch’io. Mi riempivano di gioia perché parlavamo di giustizia di massa. Poi l’idea di giustizia è stata declinata molto diversamente, riportata ai concetti di legalità e di legittimità. E nella magistratura non c’è più stata una presa di parola politica, ma solo schieramenti tra correnti. Oggi, poi abbiamo una Costituzione ridotta a un pacchetto di norme che non corrispondono neanche più alla realtà del paese.

      In carcere avete continuato la battaglia politica. Nel 1983 scriveste un documento in carcere, pubblicato da Il Manifesto, intitolato «Do You remember revolution». Si parlava dell’originalità del 68 italiano, dei movimenti degli anni Settanta non riducibili agli «anni di piombo». Come hai vissuto quegli anni?

      Quel documento diceva cose importanti con qualche timidezza. Credo dica più o meno le cose che ho appena ricordato. Era un periodo duro. Noi eravamo dentro, dovevamo uscire in qualche maniera. Ti confesso che in quell’immane sofferenza per me era meglio studiare Spinoza che pensare all’assurda cupezza in cui eravamo stati rinchiusi. Ho scritto su Spinoza un grosso libro ed è stato una specie di atto eroico. Non potevo avere più di cinque libri in cella. E cambiavo carcere speciale in continuazione: Rebibbia, Palmi, Trani, Fossombrone, Rovigo. Ogni volta in una cella nuova con gente nuova. Aspettare giorni e ricominciare. L’unico libro che portavo con me era l’Etica di Spinoza. La fortuna è stata finire il mio testo prima della rivolta a Trani nel 1981 quando i corpi speciali hanno distrutto tutto. Sono felice che abbia prodotto uno scossone nella storia della filosofia.

      Nel 1983 sei stato eletto in parlamento e uscisti per qualche mese dal carcere. Cosa pensi del momento in cui votarono per farti tornare in carcere e tu decidesti di andare in esilio in Francia?

      Ne soffro ancora molto. Se devo dare un giudizio storico e distaccato penso di avere fatto bene ad andarmene. In Francia sono stato utile per stabilire rapporti tra generazioni e ho studiato. Ho avuto la possibilità di lavorare con Félix Guattari e sono riuscito a inserirmi nel dibattito del tempo. Mi ha aiutato moltissimo a comprendere la vita dei Sans Papiers. Lo sono stato anch’io, ho insegnato pur non avendo una carta di identità. Mi hanno aiutato i compagni dell’università di Parigi 8. Ma per altri versi mi dico che ho sbagliato. Mi scuote profondamente il fatto di avere lasciato i compagni in carcere, quelli con cui ho vissuto i migliori anni della mia vita e le rivolte in quattro anni di carcerazione preventiva. Averli lasciati mi fa ancora male. Quella galera ha devastato la vita di compagni carissimi, e spesso delle loro famiglie. Ho novant’anni e mi sono salvato. Non mi rende più sereno di fronte a quel dramma.

      Anche Rossanda ti criticò…

      Sì, mi ha chiesto di comportarmi come Socrate. Io le risposi che rischiavo proprio di finire come il filosofo. Per i rapporti che c’erano in galera avrei potuto morire. Pannella mi ha materialmente portato fuori dalla galera e poi mi ha rovesciato tutte le colpe del mondo perché non volevo tornarci. Sono stati in molti a imbrogliarmi. Rossana mi aveva messo in guardia già allora, e forse aveva ragione.

      C’è stata un’altra volta che lo ha fatto?

      Sì, quando mi disse di non rientrare da Parigi in Italia nel 1997 dopo 14 anni di esilio. La vidi l’ultima volta prima di partire in un café dalle parti del Museo di Cluny, il museo nazionale del Medioevo. Mi disse che avrebbe voluto legami con una catena per impedirmi di prendere quell’aereo.

      Perché allora hai deciso di tornare in Italia?

      Ero convinto di fare una battaglia sull’amnistia per tutti i compagni degli anni Settanta. Allora c’era la Bicamerale, sembrava possibile. Mi sono fatto sei anni di galera fino al 2003. Forse Rossana aveva ragione.

      Che ricordo oggi hai di lei?

      Ricordo l’ultima volta che l’ho vista a Parigi. Una dolcissima amica, che si preoccupava dei miei viaggi in Cina, temeva che mi facessi male. È stata una persona meravigliosa, allora e sempre.

      Anna Negri, tua figlia, ha scritto «Con un piede impigliato nella storia» (DeriveApprodi) che racconta questa storia dal punto di vista dei vostri affetti, e di un’altra generazione.

      Ho tre figli splendidi Anna, Francesco e Nina che hanno sofferto in maniera indicibile quello che è successo. Ho guardato la serie di Bellocchio su Moro e continuo ad essere stupefatto di essere stato accusato di quella incredibile tragedia. Penso ai miei due primi figli, che andavano a scuola. Qualcuno li vedeva come i figli di un mostro. Questi ragazzi, in una maniera o nell’altra, hanno sopportato eventi enormi. Sono andati via dall’Italia e ci sono tornati, hanno attraversato quel lungo inverno in primissima persona. Il minimo che possono avere è una certa collera nei confronti dei genitori che li hanno messi in questa situazione. E io ho una certa responsabilità in questa storia. Siamo tornati ad essere amici. Questo per me è un regalo di una immensa bellezza.

      Alla fine degli anni Novanta, in coincidenza con i nuovi movimenti globali, e poi contro la guerra, hai acquisito una forte posizione di riconoscibilità insieme a Michael Hardt a cominciare da «Impero». Come definiresti oggi, in un momento di ritorno allo specialismo e di idee reazionarie e elitarie, il rapporto tra filosofia e militanza?

      È difficile per me rispondere a questa domanda. Quando mi dicono che ho fatto un’opera, io rispondo: Lirica? Ma ti rendi conto? Mi scappa da ridere. Perché sono più un militante che un filosofo. Farà ridere qualcuno, ma io mi ci vedo, come Papageno…

      Non c’è dubbio però che tu abbia scritto molti libri…

      Ho avuto la fortuna di trovarmi a metà strada tra la filosofia e la militanza. Nei migliori periodi della mia vita sono passato in permanenza dall’una all’altra. Ciò mi ha permesso di coltivare un rapporto critico con la teoria capitalista del potere. Facendo perno su Marx, sono andato da Hobbes a Habermas, passando da Kant, Rousseau e Hegel. Gente abbastanza seria da dovere essere combattuta. Di contro la linea Machiavelli-Spinoza-Marx è stata un’alternativa vera. Ribadisco: la storia della filosofia per me non è una specie di testo sacro che ha impastato tutto il sapere occidentale, da Platone ad Heidegger, con la civiltà borghese e ha tramandato con ciò concetti funzionali al potere. La filosofia fa parte della nostra cultura, ma va usata per quello che serve, cioè a trasformare il mondo e farlo diventare più giusto. Deleuze parlava di Spinoza e riprendeva l’iconografia che lo rappresentava nei panni di Masaniello. Vorrei che fosse vero per me. Anche adesso che ho novant’anni continuo ad avere questo rapporto con la filosofia. Vivere la militanza è meno facile, eppure riesco a scrivere e ad ascoltare, in una situazione di esule.

      Esule, ancora, oggi?

      Un po’, sì. È un esilio diverso però. Dipende dal fatto che i due mondi in cui vivo, l’Italia e la Francia, hanno dinamiche di movimento molto diverse. In Francia, l’operaismo non ha avuto un seguito largo, anche se oggi viene riscoperto. La sinistra di movimento in Francia è sempre stata guidata dal trotzkismo o dall’anarchismo. Negli anni Novanta, con la rivista Futur antérieur, con l’amico e compagno Jean-Marie Vincent, avevamo trovato una mediazione tra gauchisme e operaismo: ha funzionato per una decina d’anni. Ma lo abbiamo fatto con molta prudenza. il giudizio sulla politica francese lo lasciavamo ai compagni francesi. L’unico editoriale importante scritto dagli italiani sulla rivista è stato quello sul grande sciopero dei ferrovieri del ’95, che assomigliava tanto alle lotte italiane.

      Perché l’operaismo conosce oggi una risonanza a livello globale?

      Perché risponde all’esigenza di una resistenza e di una ripresa delle lotte, come in altre culture critiche con le quali dialoga: il femminismo, l’ecologia politica, la critica postcoloniale ad esempio. E poi perché non è la costola di niente e di nessuno. Non lo è stato mai, e neanche è stato un capitolo della storia del Pci, come qualcuno s’illude. È invece un’idea precisa della lotta di classe e una critica della sovranità che coagula il potere attorno al polo padronale, proprietario e capitalista. Ma il potere è sempre scisso, ed è sempre aperto, anche quando non sembra esserci alternativa. Tutta la teoria del potere come estensione del dominio e dell’autorità fatta dalla Scuola di Francoforte e dalle sue recenti evoluzioni è falsa, anche se purtroppo rimane egemone. L’operaismo fa saltare questa lettura brutale. È uno stile di lavoro e di pensiero. Riprende la storia dal basso fatta da grandi masse che si muovono, cerca la singolarità in una dialettica aperta e produttiva.

      I tuoi costanti riferimenti a Francesco d’Assisi mi hanno sempre colpito. Da dove nasce questo interesse per il santo e perché lo hai preso ad esempio della tua gioia di essere comunista?

      Da quando ero giovane mi hanno deriso perché usavo la parola amore. Mi prendevano per un poeta o per un illuso. Di contro, ho sempre pensato che l’amore era una passione fondamentale che tiene in piedi il genere umano. Può diventare un’arma per vivere. Vengo da una famiglia che è stata miserabile durante la guerra e mi ha insegnato un affetto che mi fa vivere ancora oggi. Francesco è in fondo un borghese che vive in un periodo in cui coglie la possibilità di trasformare la borghesia stessa, e di fare un mondo in cui la gente si ama e ama il vivente. Il richiamo a lui, per me, è come il richiamo ai Ciompi di Machiavelli. Francesco è l’amore contro la proprietà: esattamente quello che avremmo potuto fare negli anni Settanta, rovesciando quello sviluppo e creando un nuovo modo di produrre. Non è mai stato ripreso a sufficienza Francesco, né è stato presa in debito conto l’importanza che ha avuto il francescanesimo nella storia italiana. Lo cito perché voglio che parole come amore e gioia entrino nel linguaggio politico.

      *

      Dall’infanzia negli anni della guerra all’apprendistato filosofico alla militanza comunista, dal ’68 alla strage di piazza Fontana, da Potere Operaio all’autonomia e al ’77, l’arresto, l’esilio. E di nuovo la galera per tornare libero. Toni Negri lo ha raccontato con Girolamo De Michele in tre volumi autobiografici Storia di un comunista, Galera e esilio, Da Genova a Domani (Ponte alle Grazie). Con Mi chael Hardt, professore di letteratura alla Duke University negli Stati Uniti, ha scritto, tra l’altro, opere discusse e di larga diffusione: Impero, Moltitudine, Comune (Rizzoli) e Assemblea (Ponte alle Grazie). Per l’editore anglo-americano Polity Books ha pubblicato, tra l’altro, sei volumi di scritti tra i quali The Common, Marx in Movement, Marx and Foucault.

      In Italia DeriveApprodi ha ripubblicato il classico «Spinoza». Per la stessa casa editrice: I libri del rogo, Pipe Line, Arte e multitudo (a cura di N. Martino), Settanta (con Raffaella Battaglini). Con Mimesis la nuova edizione di Lenta ginestra. Saggio sull’ontologia di Giacomo Leopardi. Con Ombre Corte, tra l’altro, Dall’operaio massa all’operaio sociale (a cura di P. Pozzi-R. Tomassini), Dentro/contro il diritto sovrano (con G. Allegri), Il lavoro nella costituzione (con A. Zanini).

      A partire dal prossimo ottobre Manifestolibri ripubblicherà i titoli in catalogo con una nuova prefazione: L’inchiesta metropolitana e altri scritti sociologici, a cura di Alberto De Nicola e Paolo Do; Marx oltre Marx (prefazione di Sandro Mezzadra); Trentatré Lezioni su Lenin (Giso Amendola); Potere Costituente (Tania Rispoli); Descartes politico (Marco Assennato); Kairos, Alma Venus, moltitudo (Judith Revel); Il lavoro di Dioniso, con Michael Hardt (Francesco Raparelli)

      #autonomie #prison #exil

    • Le philosophe italien Toni Negri est mort

      Inspirant les luttes politiques en Italie dans les années 1960 et 1970, son travail a également influencé le mouvement altermondialiste du début du XXIe siècle.


      Toni Negri, à Rome (Italie), en septembre 2010. STEFANO MONTESI - CORBIS / VIA GETTY IMAGES

      Il était né dans l’Italie fasciste. Il disparaît alors que l’extrême droite gouverne à nouveau son pays. Le philosophe Toni Negri, acteur et penseur majeur de plus d’un demi-siècle de luttes d’extrême gauche, est mort dans la nuit du 15 au 16 décembre à Paris, à l’âge de 90 ans, a annoncé son épouse, la philosophe française Judith Revel.

      « C’était un mauvais maître », a tout de suite réagi, selon le quotidien La Repubblica, le ministre de la culture italien, Gennaro Sangiuliano. « Tu resteras à jamais dans mon cœur et dans mon esprit, cher Maître, Père, Prophète », a écrit quant à lui, sur Facebook, l’activiste Luca Casarini, l’un des leaders du mouvement altermondialiste italien. Peut-être aurait-il vu dans la violence de ce contraste un hommage à la puissance de ses engagements, dont la radicalité ne s’est jamais affadie.

      Né le 1er août 1933 à Padoue, Antonio Negri, que tout le monde appelle Toni, et qui signera ainsi ses livres, commence très tôt une brillante carrière universitaire – il enseigne à l’université de Padoue dès ses 25 ans –, tout en voyageant, en particulier au Maghreb et au Moyen-Orient. C’est en partageant la vie d’un kibboutz israélien que le jeune homme, d’abord engagé au parti socialiste, dira être devenu communiste. Encore fallait-il savoir ce que ce mot pouvait recouvrir.

      Cette recherche d’une nouvelle formulation d’un idéal ancien, qu’il s’agissait de replacer au centre des mutations du monde, parcourt son œuvre philosophique, de Marx au-delà de Marx (Bourgois, 1979) à l’un de ses derniers livres, Inventer le commun des hommes (Bayard, 2010). Elle devient aussi l’axe de son engagement militant, qui va bientôt se confondre avec sa vie.

      Marxismes hétérodoxes

      L’Italie est alors, justement, le laboratoire des marxismes dits hétérodoxes, en rupture de ban avec le parti communiste, en particulier l’« opéraïsme » (de l’italien « operaio », « ouvrier »). Toni Negri le rejoint à la fin des années 1960, et s’en fait l’un des penseurs et activistes les plus emblématiques, toujours présent sur le terrain, dans les manifestations et surtout dans les usines, auprès des ouvriers. « Il s’agissait d’impliquer les ouvriers dans la construction du discours théorique sur l’exploitation », expliquera-t-il dans un entretien, en 2018, résumant la doctrine opéraïste, particulièrement celle des mouvements auxquels il appartient, Potere Operaio, puis Autonomia Operaia.

      Des armes circulent. Le terrorisme d’extrême droite et d’extrême gauche ravage le pays. Bien qu’il s’oppose à la violence contre les personnes, le philosophe est arrêté en 1979, soupçonné d’avoir participé à l’assassinat de l’homme politique Aldo Moro, accusation dont il est rapidement blanchi. Mais d’autres pèsent sur lui – « association subversive », et complicité « morale » dans un cambriolage – et il est condamné à douze ans de prison.
      Elu député du Parti radical en 1983, alors qu’il est encore prisonnier, il est libéré au titre de son immunité parlementaire. Quand celle-ci est levée [par un vote que le parti Radical a permis de rendre majoritaire, ndc], il s’exile en France. Rentré en Italie en 1997, il est incarcéré pendant deux ans, avant de bénéficier d’une mesure de semi-liberté. Il est définitivement libéré en 2003.

      Occupy Wall Street et les Indignés

      Il enseigne, durant son exil français, à l’Ecole normale supérieure, à l’université Paris-VIII ou encore au Collège international de philosophie. Ce sont aussi des années d’intense production intellectuelle, et, s’il porte témoignage en publiant son journal de l’année 1983 (Italie rouge et noire, Hachette, 1985), il développe surtout une pensée philosophique exigeante, novatrice, au croisement de l’ontologie et de la pensée politique. On peut citer, entre beaucoup d’autres, Les Nouveaux Espaces de liberté, écrit avec Félix Guattari (Dominique Bedou, 1985), Spinoza subversif. Variations (in)actuelles (Kimé, 1994), Le Pouvoir constituant. Essai sur les alternatives de la modernité (PUF, 1997) ou Kairos, Alma Venus, multitude. Neuf leçons en forme d’exercices (Calmann-Lévy, 2000).
      Ce sont cependant les livres qu’il coécrit avec l’Américain Michael Hardt qui le font connaître dans le monde entier, et d’abord Empire (Exils, 2000), où les deux philosophes s’efforcent de poser les fondements d’une nouvelle pensée de l’émancipation dans le contexte créé par la mondialisation. Celle-ci, « transition capitale dans l’histoire contemporaine », fait émerger selon les auteurs un capitalisme « supranational, mondial, total », sans autres appartenances que celles issues des rapports de domination économique. Cette somme, comme la suivante, Multitude. Guerre et démocratie à l’époque de l’Empire (La Découverte, 2004), sera une des principales sources d’inspiration du mouvement altermondialiste, d’Occupy Wall Street au mouvement des Indignés, en Espagne.

      C’est ainsi que Toni Negri, de l’ébullition italienne qui a marqué sa jeunesse et décidé de sa vie aux embrasements et aux espoirs du début du XXIe siècle, a traversé son temps : en ne lâchant jamais le fil d’une action qui était, pour lui, une forme de pensée, et d’une pensée qui tentait d’agir au cœur même du monde.
      Florent Georgesco
      https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2023/12/16/le-philosophe-italien-toni-negri-est-mort_6206182_3382.html

      (article corrigé trois fois en 9 heures, un bel effort ! il faut continuer !)

    • Pouvoir ouvrier, l’équivalent italien de la Gauche prolétarienne

      Chapeau le Diplo, voilà qui est informé !
      En 1998, le journal avait titré sur un mode médiatico-policier (« Ce que furent les “années de plomb” en Italie »). La réédition dans un Manière de voir de 2021 (long purgatoire) permis un choix plus digne qui annonçait correctement cet article fort utile : Entre « compromis historique » et terrorisme. Retour sur l’Italie des années 1970.
      Diplo encore, l’iconographie choisit d’ouvrir l’oeil... sur le rétroviseur. J’identifie pas le leader PCI (ou CGIL) qui est à la tribune mais c’est évidement le Mouvement ouvrier institué et son rôle (historiquement compromis) d’encadrement de la classe ouvrière qui est mis en avant.

      #média #gauche #Italie #Histoire #Potere_operaio #PCI #lutte_armée #compromis_historique #terrorisme

      edit

      [Rome] Luciano Lama, gli scontri alla Sapienza e il movimento del ’77
      https://www.corriere.it/foto-gallery/cultura/17_febbraio_16/scontri-sapienza-lama-foto-6ad864d0-f428-11e6-a5e5-e33402030d6b.shtml

      «Il segretario della Cgil Luciano Lama si è salvato a stento dall’assalto degli autonomi, mentre tentava di parlare agli studenti che da parecchi giorni occupano la città universitaria. Il camion, trasformato in palco, dal quale il sindacalista ha preso la parola, è stato letteralmente sfasciato e l’autista è uscito dagli incidenti con la testa spaccata e varie ferite». E’ la cronaca degli scontri alla Sapienza riportata da Corriere il 18 febbraio del 1977, un giorno dopo la “cacciata” del leader della CGIL Luciano Lama dall’ateneo dove stava tenendo un comizio. Una giornata di violenza che diventerà il simbolo della rottura tra la sinistra istituzionale, rappresentata dal Pci e dal sindacato, e la sinistra dei movimenti studenteschi. Nella foto il camion utilizzato come palco da Luciano Lama preso d’assalto dai contestatori alla Sapienza (Ansa)

    • ENTRE ENGAGEMENT RÉVOLUTIONNAIRE ET PHILOSOPHIE
      Toni Negri (1933-2023), histoire d’un communiste
      https://www.revolutionpermanente.fr/Toni-Negri-1933-2023-histoire-d-un-communiste

      Sans doute est-il compliqué de s’imaginer, pour les plus jeunes, ce qu’a pu représenter Toni Negri pour différentes générations de militant.es. Ce qu’il a pu symboliser, des deux côtés des Alpes et au-delà, à différents moments de l’histoire turbulente du dernier tiers du XXème siècle, marqué par la dernière poussée révolutionnaire contemporaine – ce « long mois de mai » qui aura duré plus de dix ans, en Italie – suivie d’un reflux face auquel, loin de déposer les armes, Negri a choisi de résister en tentant de penser un arsenal conceptuel correspondant aux défis posés par le capitalisme contemporain. Tout en restant, jusqu’au bout, communiste. C’est ainsi qu’il se définissait.

    • À Toni Negri, camarade et militant infatigable
      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/181223/toni-negri-camarade-et-militant-infatigable

      Toni Negri nous a quittés. Pour certains d’entre nous, c’était un ami cher mais pour nous tous, il était le camarade qui s’était engagé dans le grand cycle des luttes politiques des années soixante et dans les mouvements révolutionnaires des années soixante-dix en Italie. Il fut l’un des fondateurs de l’opéraïsme et le penseur qui a donné une cohérence théorique aux luttes ouvrières et prolétariennes dans l’Occident capitaliste et aux transformations du Capital qui en ont résulté. C’est Toni qui a décrit la multitude comme une forme de subjectivité politique qui reflète la complexité et la diversité des nouvelles formes de travail et de résistance apparues dans la société post-industrielle. Sans la contribution théorique de Toni et de quelques autres théoriciens marxistes, aucune pratique n’aurait été adéquate pour le conflit de classes.
      Un Maître, ni bon ni mauvais : c’était notre tâche et notre privilège d’interpréter ou de réfuter ses analyses. C’était avant tout notre tâche, et nous l’avons assumée, de mettre en pratique la lutte dans notre sphère sociale, notre action dans le contexte politique de ces années-là. Nous n’étions ni ses disciples ni ses partisans et Toni n’aurait jamais voulu que nous le soyons. Nous étions des sujets politiques libres, qui décidaient de leur engagement politique, qui choisissaient leur voie militante et qui utilisaient également les outils critiques et théoriques fournis par Toni dans leur parcours.

    • Toni Negri, l’au-delà de Marx à l’épreuve de la politique, Yann Moulier Boutang
      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/toni-negri-lau-dela-de-marx-a-lepreuve-de-la-politique-20231217_Z5QALRLO7

      Il n’est guère de concepts hérités du marxisme qu’il n’ait renouvelés de fond en comble. Contentons-nous ici de quelques notions clés. La clé de l’évolution du capitalisme, ne se lit correctement que dans celle de la composition du travail productif structuré dans la classe ouvrière et son mouvement, puis dans les diverses formes de salariat. Le Marx le plus intéressant pour nous est celui des Grundrisse (cette esquisse du Capital). C’est le refus du travail dans les usines, qui pousse sans cesse le capitalisme, par l’introduction du progrès technique, puis par la mondialisation, à contourner la « forteresse ouvrière ». Composition de classe, décomposition, recomposition permettent de déterminer le sens des luttes sociales. Negri ajoute à ce fond commun à tous les operaïstes deux innovations : la méthode de la réalisation de la tendance, qui suppose que l’évolution à peine perceptible est déjà pleinement déployée, pour mieux saisir à l’avance les moments et les points où la faire bifurquer. Deuxième innovation : après l’ouvrier qualifié communiste, et l’ouvrier-masse (l’OS du taylorisme), le capitalisme des années 1975-1990 (celui de la délocalisation à l’échelle mondiale de la chaîne de la valeur) produit et affronte l’ouvrier-social.

      C’est sur ce passage obligé que l’idée révolutionnaire se renouvelle. L’enquête ouvrière doit se déplacer sur ce terrain de la production sociale. La question de l’organisation, de la dispersion et de l’éclatement remplace la figure de la classe ouvrière et de ses allié.e.s. L’ouvrier social des années 1975 devient la multitude. Cela paraît un diagramme abstrait. Pourtant les formes de lutte comme les objectifs retenus, les collectifs des travailleuses du soin, de chômeurs ou d’intérimaires, les grèves des Ubereat témoignent de l’actualité de cette perspective. Mais aussi de ses limites, rencontrées au moment de s’incarner politiquement. (1)

      https://justpaste.it/3t9h9

      edit « optimisme de la raison, pessimisme de la volonté », T.N.
      Ration indique des notes qui ne sont pas publiées...

      Balibar offre une toute autre lecture des apports de T.N. que celle du très recentré YMB
      https://seenthis.net/messages/1032920

      #marxisme #mouvements_sociaux #théorie #compostion_de_classe #refus_du_travail #luttes_sociales #analyse_de_la tendance #ouvrier_masse #ouvrier_social #enquête_ouvrière #production_sociale #multitude #puissance #pouvoir

    • Décider en Essaim, Toni Negri , 2004
      https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=pqBZJD5oFJY

      Toni Negri : pour la multitude, Michael Löwy
      https://www.en-attendant-nadeau.fr/2023/12/18/toni-negri

      Avec la disparition d’Antonio Negri – Toni pour les amis – la cause communiste perd un grand penseur et un combattant infatigable. Persécuté pour ses idées révolutionnaires, incarcéré en Italie pendant de longues années, Toni est devenu célèbre grâce à ses ouvrages qui se proposent, par une approche philosophique inspirée de #Spinoza et de #Marx, de contribuer à l’émancipation de la multitude

      .

    • Un congedo silenzioso, Paolo Virno
      https://ilmanifesto.it/un-congedo-silenzioso


      Toni Negri - Tano D’Amico /Archivio Manifesto

      Due anni fa, credo, telefona Toni. Sarebbe passato per Roma, mi chiede di vederci. Un’ora insieme, con Judith, in una casa vuota nei pressi di Campo de’ Fiori (un covo abbandonato, avrebbe pensato una canaglia dell’antico Pci). Non parliamo di niente o quasi, soltanto frasi che offrono un pretesto per tacere di nuovo, senza disagio.

      Ebbe luogo, in quella casa romana, un congedo puro e semplice, non dissimulato da nenie cerimoniose. Dopo anni di insulti pantagruelici e di fervorose congratulazioni per ogni tentativo di trovare la porta stretta attraverso cui potesse irrompere la lotta contro il lavoro salariato nell’epoca di un capitalismo finalmente maturo, un po’ di silenzio sbigottito non guastava. Anzi, affratellava.

      Ricordo Toni, ospite della cella 7 del reparto di massima sicurezza del carcere di Rebibbia, che piange senza ritegno perché le guardie stanno portando via in piena notte, con un «trasferimento a strappo», i suoi compagni di degnissima sventura. E lo ricordo ironico e spinoziano nel cortile del penitenziario di Palmi, durante la requisitoria cui lo sottopose un capo brigatista da operetta, che minacciava di farlo accoppare da futuri «collaboratori di giustizia» allora ancora bellicosi e intransigenti.

      Toni era un carcerato goffo, ingenuo, ignaro dei trucchi (e del cinismo) che il ruolo richiede. Fu calunniato e detestato come pochi altri nel Novecento italiano. Calunniato e detestato, in quanto marxista e comunista, dalla sinistra tutta, da riformatori e progressisti di ogni sottospecie.

      Eletto in parlamento nel 1983, chiese ai suoi colleghi deputati, in un discorso toccante, di autorizzare la prosecuzione del processo contro di lui: non voleva sottrarsi, ma confutare le accuse che gli erano state mosse dai giudici berlingueriani. Chiese anche, però, di continuare il processo a piede libero, giacché iniqua e scandalosa era diventata la carcerazione preventiva con le leggi speciali adottate negli anni precedenti.

      Inutile dire che il parlamento, aizzato dalla sinistra riformatrice, votò per il ritorno in carcere dell’imputato Negri. C’è ancora qualcuno che ha voglia di rifondare quella sinistra?

      Toni non ha mai avuto paura di strafare. Né quando intraprese un corpo a corpo con la filosofia materialista, includendo in essa più cose di quelle che sembrano stare tra cielo e terra, dal condizionale controfattuale («se tu volessi fare questo, allora le cose andrebbero altrimenti») alla segreta alleanza tra gioia e malinconia. Né quando (a metà degli anni Settanta) ritenne che l’area dell’autonomia dovesse sbrigarsi a organizzare il lavoro postfordista, imperniato sul sapere e il linguaggio, caparbiamente intermittente e flessibile.

      Il mio amico matto che voleva cambiare il mondo
      Toni non è mai stato oculato né morigerato. È stato spesso stonato, questo sì: come capita a chi accelera all’impazzata il ritmo della canzone che ha intonato, ibridandolo per giunta con il ritmo di molte altre canzoni appena orecchiate. Il suo luogo abituale sembrava a molti, anche ai più vicini, fuori luogo; per lui, il «momento giusto» (il kairòs degli antichi greci), se non aveva qualcosa di imprevedibile e di sorprendente, non era mai davvero giusto.

      Non si creda, però, che Negri fosse un bohèmien delle idee, un improvvisatore di azioni e pensieri. Rigore e metodo campeggiano nelle sue opere e nei suoi giorni. Ma in questione è il rigore con cui va soppesata l’eccezione; in questione è il metodo che si addice a tutto quel che è ma potrebbe non essere, e viceversa, a tutto quello che non è ma potrebbe essere.

      Insopportabile Toni, amico caro, non ho condiviso granché del tuo cammino. Ma non riesco a concepire l’epoca nostra, la sua ontologia o essenza direbbe Foucault, senza quel cammino, senza le deviazioni e le retromarce che l’hanno scandito. Ora un po’ di silenzio benefico, esente da qualsiasi imbarazzo, come in quella casa romana in cui andò in scena un sobrio congedo.

  • Le grand décrochage de la productivité en France
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/12/05/le-grand-decrochage-de-la-productivite-en-france_6203940_3234.html

    (...) « Compte tenu du ralentissement de la croissance enregistrée depuis 2019, si la productivité n’avait pas baissé, l’économie française aurait dû non pas créer 1,2 million d’emplois, mais en détruire 180 000, explique l’économiste Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). C’est comme si on avait désormais environ 1,3 million de salariés “de trop”. »

    [...]

    La productivité du travail a fortement ralenti au cours des quatre dernières décennies dans la plupart des économies avancées, passant d’une croissance annuelle de 3 % à 5 % dans les années 1970 à environ 1 %, indique le rapport du Conseil national de productivité publié en octobre. La crise liée au Covid-19, qui a mis les économies à l’arrêt, à fait naturellement plonger la productivité. Mais depuis, et c’est là sa spécificité, la France peine à redresser la barre. « Elle connaît la moins bonne performance de toute l’Union européenne [UE] », s’inquiète Eric Dor, directeur des études de l’Iéseg School of Management.

    Le calcul effectué sur la base des données Eurostat est éloquent : entre le deuxième trimestre de 2019 et celui de 2023, la productivité en France a baissé de 3,75 %. Deux autres pays de l’UE seulement connaissent un repli, mais bien plus limité : l’Estonie (– 0,8 %) et le Danemark (– 0,6 %). Elle est repartie à la hausse en Allemagne (+ 0,3 %), en Italie (+ 1 %), aux Pays-Bas (+ 2,4 % )…
    Aux Etats-Unis ou au Canada, les observateurs soulignent un phénomène inverse. Dans ces pays, la productivité est fortement repartie après la #crise_sanitaire. Cela s’explique par un traitement économique de la pandémie très différent de l’option française. Outre-Atlantique, des dizaines de millions de personnes ont alors perdu leur #emploi. En France, la mise en place du « quoi qu’il en coûte », avec notamment le financement du chômage partiel et la distribution de 123 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat, a permis d’éviter une forte hausse du chômage et une cascade de faillites.
    La chute de la productivité est donc « aussi le reflet de nos préférences collectives », soulignait Jean-Luc Tavernier, directeur général de l’Insee, à l’occasion d’un débat, le 15 novembre, à Lyon. Un choix pertinent, selon l’économiste Jézabel Couppey-Soubeyran, maîtresse de conférences à Paris-I-Panthéon-Sorbonne. « A-t-on besoin de rechercher à tout prix un modèle productiviste ?, s’interroge-t-elle. Je n’en suis pas sûre. Si la cause de la baisse de la productivité est que l’on a davantage de personnes employées et que l’on produit moins, est-ce grave si, en contrepartie, on produit dans de bonnes conditions, que l’on rémunère bien les gens et que l’on respecte les limites planétaires ? » [en voilà une qui hallucine, ndc]

    (...) « Quand on mesure la productivité en France par rapport à la main-d’œuvre disponible sur le marché du travail, et non plus par tête ou par heure travaillée, on parvient à un résultat qui est dans la moyenne des autres économies avancées », explique Thomas Zuber

    (...) Le taux d’absence des salariés est passé de 3,8 %, en 2011, à 5,5 %, en 2019, pour culminer à 6,9 %, en 2020, et peine aujourd’hui à redescendre. Ce phénomène est particulièrement marqué dans les services.

    (...) Au rang des explications à la chute de la productivité française, les économistes soulignent aussi le rôle de l’#apprentissage, qui a pris un essor considérable depuis la réforme de 2018. On compte désormais près de 900 000 jeunes dans ce dispositif, trois fois plus qu’avant la crise.

    (...) « Les équipes calent complètement, les gens sont fatigués, il y a deux fois et demi plus de burn-out qu’avant. Quand le collectif ne fonctionne plus, la productivité marche moins bien… »

    https://archive.is/BukXt

    on distribue du #salaire (de merde et chacun pour sa gueule) là où on squeeze les revenus du chômage et de la retraite, de là à dire que les conditions de travail s’améliorent où que les raisons de produire s’en trouvent modifiées...
    on a un « halo du chômage » dont une part est constitué d’arrêt de travail qui ne sont pas des grèves.

    #travail #chômage#absentéisme #productivité #emplois_vieux #emploi #salaire

  • L’augmentation du #chiffre_d’affaires issu des ventes d’#armes du Top 100 du #SIPRI impactée par des défis de production et des carnets de commandes remplis

    Le chiffre d’affaires issu des #ventes_d’armes et de services à caractère militaire par les 100 plus grandes entreprises d’#armement s’élève à 597 milliards de dollars en 2022, soit 3,5 % de moins qu’en 2021 en termes réels, alors même que la demande a fortement augmenté. C’est ce que révèlent les nouvelles données publiées aujourd’hui par le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI).

    Cette diminution s’explique principalement par la baisse du chiffre d’affaires issu des ventes d’armes des plus grandes entreprises américaines. Le chiffre d’affaires a augmenté de manière significative en Asie, Océanie et au Moyen-Orient. Les commandes en cours et la multiplication de nouveaux contrats laissent présager que le chiffre d’affaires mondial issu des ventes d’armes pourrait augmenter de manière significative au cours des prochaines années.

    La demande en armement augmente mais la #production reste à la traîne

    L’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie et les tensions géopolitiques dans le monde ont provoqué une forte augmentation de la demande d’armes et d’équipements militaires en 2022. Cependant, malgré de nouvelles commandes, de nombreuses entreprises d’armement américaines et européennes n’ont pas pu augmenter de manière significative leur capacité de production en raison de difficultés de recrutement, de flambée des coûts et de perturbations dans les chaînes d’approvisionnement exacerbées par la #guerre_en_Ukraine. En outre, les pays ont passé de nouvelles commandes en fin d’année et en raison du décalage entre les commandes et la production, l’augmentation de la demande ne s’est pas reflétée dans le chiffre d’affaires de ces entreprises en 2022.

    « De nombreuses entreprises d’armement ont été confrontées à des obstacles pour adapter leur production en vue d’une guerre de haute intensité », souligne Dr Lucie Béraud-Sudreau, directrice du programme Dépenses militaires et Production d’armes du SIPRI. « Toutefois, de nouveaux contrats ont été signés notamment pour des #munitions, ce qui devrait se traduire par une hausse du chiffre d’affaires en 2023 et au-delà. » Contrairement aux plus grands fournisseurs américains et européens, les entreprises d’Asie, d’Océanie et du Moyen-Orient ont vu leur chiffre d’affaires issu des ventes d’armes augmenter de manière significative en 2022, démontrant ainsi leur capacité à répondre à une demande accrue dans des délais plus courts. Cela est particulièrement vrai dans les pays où les entreprises disposent de capacités de fabrication réactives et compétitives, comme #Israël et la #Corée_du_Sud, et dans ceux où les entreprises ont tendance à s’appuyer sur des chaînes d’approvisionnement courtes.

    Aux États-Unis, le chiffre d’affaires issu des ventes d’armes chute en raison de problèmes de production

    Le chiffre d’affaires issu des ventes d’armes des 42 entreprises américaines du Top 100 a chuté de 7,9 % pour atteindre 302 milliards de dollars en 2022. Il représente 51 % du chiffre d’affaires total issu des ventes d’armes du Top 100. Sur les 42 entreprises américaines, 32 ont enregistré une baisse de leur chiffre d’affaires sur un an, citant le plus souvent des problèmes persistants dans la chaîne d’approvisionnement et des pénuries de main-d’œuvre résultant de la pandémie de Covid-19.

    « On constate un afflux de nouvelles commandes liées à la guerre en Ukraine et certaines grandes entreprises américaines, dont #Lockheed_Martin et #Raytheon_Technologies, ont reçu de nouvelles commandes en conséquence », précise Dr Nan Tian, chercheur principal au SIPRI. « Cependant, en raison des carnets de commandes déjà existants de ces entreprises et des difficultés à augmenter leur capacité de production, les revenus générés par ces nouvelles commandes ne se refléteront dans les comptes de l’entreprise probablement que d’ici deux à trois ans. »

    L’#Asie surpasse l’#Europe tirée par un phénomène de #modernisation_militaire

    Le chiffre d’affaire issu des ventes d’armes des 22 entreprises d’Asie et d’Océanie répertoriées dans le classement a augmenté de 3,1 % pour atteindre 134 milliards de dollars en 2022. Il s’agit de la deuxième année consécutive où le chiffre d’affaires issu des ventes d’armes des entreprises du Top 100 situées en Asie et en Océanie est supérieur à celui des entreprises situées en Europe.

    « La demande intérieure et l’appui sur des fournisseurs locaux ont protégé les entreprises d’armement asiatiques des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement en 2022 », explique Xiao Liang, chercheur au programme Dépenses militaires et Production d’armes du SIPRI. « Les entreprises en #Chine, en #Inde, au #Japon et à Taïwan ont toutes bénéficié d’investissements gouvernementaux soutenus dans le cadre des programmes de modernisation militaire. »

    Le #chiffre_d’affaires combiné des quatre entreprises sud-coréennes du Top 100 a chuté de 0,9 %, principalement en raison d’une baisse de 8,5 % enregistrée par le plus grand producteur d’armes du pays, #Hanwha_Aerospace. Deux entreprises sud-coréennes ont enregistré une augmentation de leur chiffre d’affaires, notamment #LIG_Nex1. Les entreprises sud-coréennes devraient connaître un accroissement de leur chiffre d’affaires dans les années à venir en raison d’une augmentation des commandes enregistrées après la signature d’importants contrats d’armement avec la Pologne et les Émirats arabes unis.

    Augmentation modeste du chiffre d’affaires en Europe alors que la demande liée à l’Ukraine commence à affluer

    Le chiffre d’affaires issu des ventes d’armes des 26 entreprises du Top 100 basées en Europe a augmenté de 0,9 % pour atteindre 121 milliards de dollars en 2022.

    « La guerre en Ukraine a entraîné une demande de matériel adapté à une guerre d’usure, comme les munitions et les véhicules blindés. De nombreux producteurs européens ont vu leur chiffre d’affaires augmenter », souligne Lorenzo Scarazzato, chercheur au programme Dépenses militaires et Production d’armes du SIPRI. « Il s’agit notamment d’entreprises basées en #Allemagne, en #Norvège et en #Pologne. Par exemple, la société polonaise #PGZ a augmenté son chiffre d’affaires de 14 %, bénéficiant du programme accéléré de modernisation militaire que le pays poursuit. »

    Les sociétés transeuropéennes #Airbus et #KNDS comptent parmi les principales sources d’augmentation du chiffre d’affaires issu des ventes d’armes en Europe, en grande partie grâce aux livraisons effectuées sur des commandes de longue date.

    Les entreprises turques mènent une augmentation significative du chiffre d’affaires issu des ventes d’armes au Moyen-Orient

    Le Moyen-Orient a connu la plus forte augmentation en pourcentage du chiffre d’affaires issu des ventes d’armes de toutes les régions en 2022. Les sept entreprises basées au Moyen-Orient figurant dans le Top 100 ont enregistré une augmentation substantielle. Leur chiffre d’affaires combiné de 17,9 milliards de dollars représente une augmentation de 11 % sur un an. Le chiffre d’affaires combiné des quatre entreprises turques a atteint 5,5 milliards de dollars, soit 22 % de plus qu’en 2021. Le chiffre d’affaires combiné des trois entreprises israéliennes du Top 100 a atteint 12,4 milliards de dollars en 2022, soit une augmentation de 6,5 % par rapport à 2021.

    « Les entreprises du Moyen-Orient spécialisées dans des produits moins sophistiqués sur le plan technologique ont pu augmenter leur production plus rapidement afin de répondre à l’augmentation de la demande », précise Dr Diego Lopes da Silva, chercheur principal au SIPRI. « L’exemple le plus frappant est celui de #Baykar, en Turquie, producteur du #drone #Bayraktar_TB-2. Baykar est entré dans le Top 100 pour la première fois en raison de l’augmentation de son chiffre d’affaires issu des ventes d’armes de 94 %, soit le taux d’augmentation le plus rapide de toutes les entreprises du classement. »

    Autres développements notables

    - En 2022, la Chine représente la deuxième plus grande part du chiffre d’affaires par pays du Top 100, soit 18 %. Le chiffre d’affaires issu des ventes d’armes combiné des huit entreprises d’armement chinoises du Top 100 a augmenté de 2,7 % pour atteindre 108 milliards de dollars.
    - Le chiffre d’affaires issus des ventes d’armes des sept entreprises britanniques dans le Top 100 ont augmenté de 2,6 % pour atteindre 41,8 milliards de dollars, soit 7,0 % du total.
    - En raison du manque de données, seules deux entreprises russes ont été incluses dans le Top 100 pour 2022. Leur chiffre d’affaires combiné a chuté de 12 %, à 20,8 milliards de dollars. La transparence des entreprises russes continue de régresser. Bien qu’il s’agisse d’une holding, sans capacité de production directe, #Rostec est incluse dans le Top 100 de 2022 en tant que mandataire des entreprises qu’elle contrôle.
    - La seule entreprise ukrainienne figurant dans le Top 100, #UkrOboronProm, a vu son chiffre d’affaires issu des ventes d’armes chuter de 10 % en termes réels, à 1,3 milliard de dollars. Bien que son chiffre d’affaires ait augmenté en termes nominaux, cela a été compensé par la forte inflation du pays.

    À l’attention des rédacteurs

    À propos de la base de données du SIPRI sur l’industrie de l’armement

    La base de données du SIPRI sur l’industrie de l’armement a été créée en 1989. À cette époque, elle excluait les données des entreprises installées en Chine, en Union soviétique et en Europe de l’Est. La version actuelle contient des données pour 2002-2022, y compris des données sur les entreprises russes. Les entreprises chinoises sont incluses à partir de 2015.
    Le « chiffre d’affaires issu des ventes d’armes » fait référence au chiffre d’affaires généré par la vente de biens et de services à caractère militaire à des clients militaires nationaux et étrangers. Sauf indication contraire, tous les changements sont exprimés en termes réels et tous les chiffres sont donnés en dollars américains constants de 2022. Les comparaisons entre 2021 et 2022 sont basées sur la liste des entreprises du classement 2022 (c’est-à-dire que la comparaison annuelle s’effectue entre le même ensemble d’entreprises). Les comparaisons à plus long terme sont basées sur des ensembles d’entreprises listées au cours de l’année respective (c’est-à-dire que la comparaison porte sur des listes différentes d’entreprises).

    La base de données du SIPRI sur l’industrie de l’armement, qui présente un ensemble de données plus détaillées pour les années 2002 à 2022, est disponible sur le site Web du SIPRI : https://www.sipri.org/databases/armsindustry

    https://www.obsarm.info/spip.php?article631

    #industrie_de_l'armement #rapport #chiffres #statistiques #USA #Etats-Unis #business #Turquie

    voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/1029978