Depuis le 8 juillet 2013 les États-Unis et l’Union européenne ont entamé les négociations d’un accord de commerce et d’investissement proposé sous le nom de « Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement » (PTCI).
Ce projet d’accord de libre échange bilatéral appelé également Grand marché transatlantique ou TAFTA (Transatlantic Free Trade Agreement), se situe dans la lignée des politiques libérales et de dérégulation de la BM, du FMI et de l’OMC.
C’est un outil supplémentaire d’exploitation et de domination particulièrement redoutable, au service de ces politiques.
Les négociations, qui sont à leur 3ème étape, doivent se terminer en 2015 et sont censées rester secrètes, de même que le mandat (qui a néanmoins fuité).
Ambition et stratégie
Le projet de GMT est particulièrement important du fait de la puissance économique et politique des parties. Les USA et l’UE représentent la moitié du PIB mondial et le tiers des échanges et ce projet d’accord n’est pas le seul..
Il s’inscrit dans une stratégie globale, impulsée par les États-Unis et soutenue par l’UE, de conquête des marchés au niveau mondial face à la concurrence des pays émergents et surtout de la Chine.
Cette stratégie implique d’aller encore plus loin que l’OMC dans le libéralisme économique et la dérégulation et de contourner cette institution limitée par ses règles de fonctionnement et les résistances qu’elle soulève .
Elle vise aussi à entériner le système de délégation de la norme au privé et à imposer ses normes ainsi définies au niveau mondial par la jurisprudence.
La nouvelle vague d’accords de libre échange, comme le GMT, l’AECG (l’Accord économique et commercial global entre l’UE et le Canada, actuellement en négociation avancée), le Partenariat transpacifique (PTP) avec 12 pays d’Asie hors la Chine, et de nombreux autres ALE, rentre dans cette stratégie discrète de domination mondiale.
Des préparatifs et une procédure marqués par le déni de la démocratie
Le projet de GMT ne date pas d’hier, il est préparé depuis 10 ans par de multiples rencontres officielles transatlantiques mais surtout par une intense activité de lobbying de la part des multinationales auprès de dirigeants politiques et de membre de la CE, au sein d’instances de dialogue créées sous le patronage de la Commission européenne et du Ministère du Commerce des États-Unis. Les organisations syndicales ou représentantes de la société civile ont été pratiquement exclues de ces préparatifs. Sur 130 réunions de la CE avec les parties concernées, 119 se sont faites avec les transnationales ou leurs lobbys.
Toute la procédure, de l’élaboration du mandat à la négociation, marquée par l’opacité et le secret, témoigne de la volonté anti-démocratique des initiateurs de tenir les citoyens et même leurs représentants dans l’ignorance d’un projet destiné à les déposséder de leurs droits.
Le but, évidemment, étant d’empêcher toute opposition qui ferait capoter le projet comme pour l’AMI (l’Accord multilatéral sur l’investissement) rejeté en 1998, dont le GMT constitue une nouvelle version en pire.
Un traité de libre échange qui institue un nouveau stade de la marchandisation du monde
Sans s’illusionner sur le fonctionnement de l’UE déjà non démocratique et largement soumise, avec l’application des derniers traités, aux diktats libéraux et au pouvoir des multinationales (comme en témoignent les 4 arrêts récents rendus par la CJUE).
Sans s’illusionner sur le fait que de nombreuses mesures prévues par le projet sont déjà largement en voie de réalisation, que des dispositions particulièrement contestées et rejetées avec l’AMI, comme le mécanisme de règlement des différents investisseur-État, ont pu ressurgir dans des ALE avec les USA.
Néanmoins, l’application de l’accord GMT constituerait un nouveau stade extrêmement inquiétant de régression de la démocratie et des droits des populations, au profit du droit du capital, non seulement pour les peuples de l’UE et des États-Unis mais pour le reste du monde qui en subirait aussi les conséquences.
Les grandes lignes du mandat de négociation qui constituent une grave menace
Les objectifs du GMT sont clairement libéraux.
Il s’agit d’abord d’ouvrir les marchés publics et privés à tous les niveaux de pouvoir et dans tous les domaines : industrie, agriculture, commerce, tous les services.
En principe, les fonctions régaliennes (armée, magistrature, police) devraient être exclues mais dans la mesure où aux États-unis l’armée, la police sont déjà en partie privatisées, il n’y a pas de réelle garantie.
Pratiquement tous les secteurs d’activité et en particulier les services publics, jusqu’aux cantines scolaires municipales peuvent ainsi être marchandisés et ouverts à la concurrence internationale.
Ensuite il faut éliminer au maximum les barrières tarifaires et non tarifaires.
D’abord les barrières douanières, peu élevées dans l’ensemble mais importantes dans certains secteurs protégés comme le secteur agricole.
Face à la concurrence américaine qui profite avec une agriculture largement industrielle de bas coûts de production, l’impact sur l’ agriculture serait catastrophique en France et pour toute l’UE sur le plan social et environnemental.
L’accord rendrait quasi impossible la reconversion de l’agriculture vers une agriculture paysanne et des modèles plus durables de circuits courts. Il induirait au contraire des politiques compétitives d’industrialisation et d’exportation loin de tout objectif de sécurité et souveraineté alimentaire.
Les conséquences seraient également désastreuses pour les PED qui subiraient ces politiques d’exportation, la libéralisation accrue des échanges, mais aussi l’abandon de toutes les préférences tarifaires....