• Le Sénégal ou la fabrique du vulnérable - Libération
    http://www.liberation.fr/sports/2018/06/28/le-senegal-ou-la-fabrique-du-vulnerable_1662522

    En fin de thèse à l’université Paris-Descartes, où il travaille sur le thème de la vulnérabilité sociale des athlètes, Seghir Lazri passe quelques clichés du foot au crible des sciences sociales. Aujourd’hui, la formation des joueurs africains dans des académies dépendant de grands clubs européens.

    L’équipe du #Sénégal joue un match clé contre la Colombie ce jeudi, afin de poursuivre la compétition. Entraînée par l’ancien Parisien Aliou Cissé et composée à la fois de binationaux et de natifs du pays, cette équipe reste le seul espoir de voir un pays d’Afrique accéder aux huitièmes de finale. Ses performances ne sont d’ailleurs pas dues au simple hasard, puisque 22 des 23 sélectionnés évoluent en Europe, et pour la plupart d’entre eux dès le plus jeune âge. Dès lors, comment forme-t-on les joueurs natifs du Sénégal ? Et à quoi renvoie cette politique de formation ?

    La main mise de l’Europe sur la formation sportive

    Idrissa Gueye, Kara Mbodj ou encore l’icône Sadio Mané, autant de joueurs natifs du Sénégal, ayant été formé là-bas, mais n’ayant jamais effectué aucun match dans le championnat local. Et pour expliquer ce phénomène assez présent en #Afrique subsaharienne et notamment dans le golfe de Guinée, il faut comprendre les caractéristiques du monde du football dans cette région. Le géographe Bertrand Piraudeau travaillant sur l’industrie du #football, met justement en lumière un élément central de la sphère du football africain et plus particulièrement sénégalais, celui de la formation. S’inscrivant dans un système de production mondialisé, les centres de formation sénégalais ont pour vocation de « produire » des joueurs à destination du marché européen. Les centres partenaires de l’Europe comme le Diambars, Génération foot (antenne du FC Metz) ou encore l’Académie Aspire (sous l’égide du Qatar) ont participé à la formation de nombreux joueurs évoluant en Europe, sans pour autant que ces derniers aient permis le développement du championnat sénégalais. En d’autres termes l’émergence de talents, s’apparente à une nouvelle dépossession des ressources (sportives) du pays.

    Cette situation s’explique par le fait que les clubs et les institutions européens voient dans cette formation, à la fois le moyen de façonner à moindre coût des athlètes, mais aussi de réaliser des plus-values incroyables lors de leur revente sur le Vieux Continent. Néanmoins, si ces centres sous couvert d’un « partenariat » avec les grands clubs, bénéficient d’un soutien matériel et financier important, il semble que les conditions de formation des jeunes athlètes ne soient pas exactement les mêmes que sur le sol européen.

    La fabrique du vulnérable

    D’après le chercheur Raffaele Poli, si cette industrie veut fonctionner, il est impératif d’accentuer son implantation dans de grandes agglomérations, où les jeunes enfants, associés à de la « matière première », sont en très grands nombres. Cette démarche ayant aussi pour conséquence de susciter un fort mouvement migratoire chez les adolescents en provenance de zones plus reculées, quitte à générer souvent quelques risques. Pour exemple, l’international Sadio Mané, en provenance de Casamance, a fugué à plusieurs reprises, afin de participer à des tournois et des détections, mettant sa vie en danger, car livré à lui-même dans la ville de Dakar.

    A vrai dire, l’entrée dans ce type de centre correspond à une rupture avec l’environnement familial, pour l’apprenti footballeur. Une rupture acceptée par ce dernier, car elle apparaît comme le tribut à payer pour accéder à la réussite sportive et permettre l’avènement économique de sa famille, dont il a dû se séparer. Mais ce que souligne surtout Raffaele Poli est que le cahier des charges propre à ces centres, établi sur le modèle des centres de formations européens (notamment français) est loin d’être pleinement respecté. En effet, les offres de formations scolaires sont assez réduites, quant au suivi psychologique, il est totalement inexistant. Ainsi, ces centres concentrant nombre d’individus issus de milieux paupérisés, n’offrent pas d’autres choix de réussites (réels) que celui du sport, qui est très relatif, cela ayant pour effet de cristalliser la vie de l’athlète autour du football, et de rendre la peur de l’échec beaucoup plus grande.

    D’autant plus, qu’en cas revers, l’institut se désengage pleinement de la vie du sportif, qui, se retrouvant livré à lui-même, essaie désespérément de se défaire du stigmate de l’échec, notamment en entrant sur un second marché du travail des footballeurs plus sujet à des trafics et de la corruption.

    En résumé si certains joueurs de la sélection sénégalaise apparaissent comme les signes de la réussite d’une politique de formation africaine, il ne faut guère oublier qu’elle est l’œuvre de grands clubs européens dont les objectifs de gains sont primordiaux. Ainsi en formant quelques stars du show footballistique mondial, cette démarche productive laisse sur le banc de la société un nombre plus grand de personnes vulnérables.

    L’Afrique comme gisement de main d’œuvre à bas coût pour le football européen.
    #rapports_nord_sud #capitalisme

  • Tourisme humanitaire : la vraie fausse pitié - Libération
    http://www.liberation.fr/planete/2016/08/15/tourisme-humanitaire-la-vraie-fausse-pitie_1472579

    Profiter de ses vacances pour aider les populations locales, l’idée est plutôt louable. Mais l’amateurisme et le cynisme de ce secteur en vogue inquiètent les ONG sérieuses.

    C’est surtout le bon truc de blanc qui veut se racheter une conscience vite fait !
    La situation décrite au Cambodge est aberrante
    #paternalisme #colonialisme #rapports_nord_sud #orphelinats

    • Bonjour,
      nous souhaitons parcourir le pays pauvre (à vélo, en 2CV, à pied) et (distribuer des crayons de couleur, apporter des tee-shirts de recup, fournir des livres usagés). pour cela, il nous manque 2000 €.
      Votre aide permettra aux pauvres de devenir de vrais citoyens du monde.
      Merci ;-)

    • Il faudrait un peu de nuance ; peut-être que la manière dont ils essaient de « faire bien » est « mal », mais ils ont quand même fait ce premier pas, pour sortir du chemin consommatoire de base.

      Le #slum_tourism pose certes des problèmes (l’Afrique éternelle, l’esthétique de la misère, le business sans pitié des entrepreneurs locaux), mais sur place les militants pour la justice sociale (pour ce que je connais) ne sont pas non plus horrifiés par ça : parfois ça se passe bien, et ça offre une manière pour des populations de communiquer et de dialoguer hors mass-média.

      Les touristes ont beau être des touristes, ce sont des humains dotés d’un cerveau, et même si leur visite est cadrée/encadrée, ce n’est pas comme à Moscou à la belle époque du père des peuples.

      De plus il me semble que les problèmes évoqués ne sont pas causés par le tourisme de la misère.

      À mon avis il est plus constructif d’utiliser ce début de bonne volonté pour faire avancer la réflexion, plutôt que d’insulter les gens qui s’y essaient, et quelque part, s’y « risquent » quand même plus qu’en allant au club-med, surtout quand on entend ce qu’on entend.

      Enfin si veut pousser cette critique plus loin, pourquoi accepter que des journalistes aillent « se faire mousser » en faisant des reportages sur les horreurs du monde ? Interdisons toutes les communications entre deux régions du monde dès lors qu’il existe des inégalités économiques incommensurables entre elles ?

    • « Comme disait La Décroissance » : le problème de ce canard c’est qu’il pense que tous les gens (sauf ses lecteurs et encore) sont des abrutis de beaufs et des salauds. Ce qui les mène parfois au #racisme_social, et en tout cas à un gonflement des chevilles qui doit être assez douloureux.

    • Magnifique le propos d’Illich. Mais étant donné son parcours et la façon dont il a parcouru l’Amérique du Sud puis s’y est installé un moment, c’est cohérent. Ce gars avait un discours et une démarche politique d’une force encore inégalée.
      Et ça répond tout à fait aux remarques de Fil. L’humanitaire dépolitise les actions tout en faisant croire aux blancs qu’ils sont des sauveurs alors que ce sont des fossoyeurs.
      @grommeleur : c’est trop ça !!!!

  • Le #Cambodge n’exportera plus de lait maternel aux #Etats-Unis - Libération
    http://www.liberation.fr/planete/2017/03/29/le-cambodge-n-exportera-plus-de-lait-maternel-aux-etats-unis_1558907

    Euh je suis peut-être à l’ouest mais là j’avoue que je ne savais même pas qu’il existait un commerce de lait maternel, qui plus est organisé aux États-Unis par un ancien missionnaire mormon.

    #allaitement #lait_maternel #sous-développement #rapports_nord_sud

  • Ce que les nounous disent de nous, et de notre monde
    http://www.slate.fr/monde/82749/nounous-disparite-enfants-photos

    En France, « la nounou noire et le bébé blanc » est également un élément habituel du paysage offert par les squares. C’est d’ailleurs sur ce trio que Caroline Ibos, a enquêté pendant 8 ans.

    Tellement implanté que tu ne peux pas faire des cabrioles avec ton filleul, neveu clair etc. dans un parc sans te prendre des regards assassins... sauf si tu précises ton lien avec le gamin. Les nounous noires ont le droit de faire certaines choses, mais pas d’autres. (ndlr)

    Inside the Lives of New York Nannies
    http://www.slate.com/blogs/behold/2014/01/14/ellen_jacob_photographs_new_york_nannies_in_her_series_substitutes.html

    Ellen Jacobs’ substitue project
    http://ellenjacob.com/projects-/substitutes
    http://d3zr9vspdnjxi.cloudfront.net/artistInfo/ellenjac/big/1209.jpg?1380055653
    http://d3zr9vspdnjxi.cloudfront.net/artistInfo/ellenjac/biggest/1203.jpg?1380104791

    Les mères et leurs nounous, je t’aime moi non plus
    Une poignée de femmes noires, dans un square, serrées à trois ou quatre par banc, surveillent des enfants blancs. Personne ne les remarque, la scène est, à Paris, d’une absolue banalité. Caroline Ibos, elle, a pris le temps de les voir. Cette enseignante en sociologie politique à l’université Rennes-II a mené une enquête inédite sur les nounous africaines qui viennent garder à domicile les enfants des couples bi-actifs parisiens. Durant trois ans, fréquentant jour après jour le même square, elle a gagné la confiance d’une douzaine de femmes ivoiriennes qui se sont confiées, puis elle est passée de l’autre côté du miroir, rencontrant quelques dizaines d’employeurs français. http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/01/31/les-meres-et-leurs-nounous-je-t-aime-moi-non-plus_1636844_3224.html


    La sociologue Caroline Ibos, auteur de « Qui gardera nos enfants ? » a enquêté sur ce qui se joue dans la relation entre les mères et les nounous : inégalités des sexes dans la sphère familiale, étanchéité des classes sociales et persistance de préjugés raciaux.

    La mondialisation du care. Délégation des tâches domestiques et rapports de domination
    http://www.metropolitiques.eu/La-mondialisation-du-care.html

    #photographie #sociologie #famille #enfants #femmes #travail #rapports_nord_sud #classe #care #economie #inégalités

    • Caroline Ibos racontait également comme ces mères employeuses, souvent politiquement libérales, se sentent autorisées, à cause de cette relation complexe à formuler, sans la moindre gêne, des préjugés franchement racistes : « l’Africaine est maternelle mais ne fait pas bien le ménage », l’« Asiatique est propre mais pas assez chaleureuse »…

      Paroles qui sont parfois prononcées devant la nounou elle-même, pilier indispensable à l’harmonie, mais pilier invisible...

      #racisme

    • Le propos me semble plus proche pour les « nourrices à domicile » (employée de maison salariée d’une seule famille), que pour les assistantes maternelles, où c’est plus compliqué. Pour ces dernières, j’ai l’impression qu’il y a plus de diversité, autant dans les salarié⋅e⋅s que dans les familles employeuses (du fait que ce type de garde est promu comme les crèches, et que donc il y a des aides, et que donc il y a plein de familles pauvres ou peu argentées qui font aussi garder leurs enfants par des assistantes maternelles pour travailler).

      C’est différent, mais ça pose quand même des problèmes (en tout cas pour moi).

      Quand on pourra tou⋅te⋅s élever nos propres enfants (je parle du bas âge et je parle de ceux pour qui avoir ces enfants était un choix) sans devoir les donner 90% de leur temps éveillé à d’autres personnes inconnues…

    • Je pense qu’il y a des différences, en effet, déjà entre les situations françaises et américaines, mais aussi entre le personnel de crèche, les nounous au domicile des parents, les assistantes maternelles qui reçoivent plusieurs enfants chez elles, notamment dans le système de rémunération, le rapport affectif à la famille et surtout comme tu le dis concernant qui fait appel à leur service. Les nounous c’est bien plus upper class que les crèches dont un plus large éventail social peut « bénéficier » en effet. Y compris les travailleuses du care elles-mêmes (je pense au personnel de crèche qui doit lui-même faire garder ses propres enfants). Le cas des nounous à domicile — tout comme les femmes de ménage — est différent. Tu ne peux par exemple pas travailler en crèche sans avoir de papiers... Mais les populations décrites ici sont assez claires dans le propos de la sociologue. Elle ne parle pas de tout le secteur.

    • Ah voila @intempestive, ça ressemblait plus à cela ;) et je me souviens que cela insistait aussi sur l’aberration féministe (mais la faute à qui ?) qui consiste à employer une autre femme, mais de classe sociale inférieure bien évidemment, pour être libre …