• « Nous constatons que l’alchimiste est souvent une femme »

    L’alchimie : bien plus qu’une pseudoscience réservée aux hommes
    https://www.economiematin.fr/alchimie-science-recherche-femmes-histoire-horizon

    Des chercheurs sont en train de réévaluer ce qui a longtemps été considéré comme un effort illusoire pour transformer les métaux communs en or. L’alchimie serait en fait un précurseur sérieux de la chimie dans lequel les femmes étaient très impliquées.

    #Alchimie #Science #Recherche #Femmes #Histoire

    Il y a une vingtaine d’années, en parcourant les rayons d’une librairie, Matteo Martelli est tombé par hasard sur un ouvrage qui a éveillé sa curiosité. Ce qu’il a lu dans les pages de « Les origines de l’alchimie dans l’Égypte gréco-romaine », l’a captivé.

    M. Martelli, professeur à l’Université de Bologne, en Italie, a étudié l’histoire des langues classiques. Sa curiosité a été piquée par les allusions au riche passé de l’alchimie et à sa mythologie, évoquées dans le livre publié par Jack Lindsay en 1970.

    Cours d’histoire

    « L’ouvrage livre un récit très intéressant des origines de l’alchimie, dont les pratiques auraient été révélées par des anges déchus », a expliqué M. Martelli. « On y laissait entendre que les anges avaient révélé les secrets de la nature aux femmes en échange de faveurs sexuelles, ce dont je n’avais jamais entendu parler avant. »

    L’alchimie est enveloppée de spiritualité et de religion. Elle est souvent méprisée et considérée comme une pseudoscience consistant à déployer des efforts illusoires pour transformer les métaux communs en or.

    Mais l’ouvrage a incité M. Martelli à creuser le sujet.

    Cette nouvelle piste dans l’exploration de l’histoire des sciences a abouti à la création du projet AlchemEast, financé par l’UE, dont il a assuré la direction. L’initiative, lancée en décembre 2017, s’est achevée en avril de cette année.

    Pendant cinq ans, AlchemEast a étudié l’alchimie, de 1 500 avant Jésus-Christ jusqu’au début des années 1 000 après notre ère. Il est remonté jusqu’à ses origines, dans l’ancienne Babylone, puis dans l’Égypte gréco-romaine et jusqu’au début de la période islamique, cherchant à montrer que le regard péjoratif porté sur ses pratiques était injustifié.

    Loin de se limiter à l’or, l’alchimie ancienne s’inspirait de nombreuses techniques de manipulation des matières premières pour fabriquer des métaux teints, des pierres précieuses artificielles, du verre et des textiles colorés ainsi que des composés chimiques, d’après M. Martelli.

    « Il est important d’étudier cet aspect pour comprendre le rôle qu’ont pu jouer dans la construction de la science moderne la chimie et l’alchimie, qui selon moi désignent les mêmes pratiques, mais à des époques différentes », explique-t-il.

    Expériences « à l’ancienne »

    En plus de se plonger dans des textes et des recettes chimiques antiques, son équipe a même essayé de reproduire en laboratoire des procédés utilisés autrefois afin de comprendre comment certaines idées ont évolué.

    Les chercheurs ont reproduit de l’encre dorée artificielle en utilisant des ingrédients tels que du miel et de la silice et ont testé les eaux dites « divines » contenant des composés soufrés.

    « C’est incroyable : on peut faire en sorte que de l’argent ressemble comme deux gouttes d’eau à de l’or, rien qu’en plongeant une pièce d’argent dans ces eaux divines pendant quelques secondes », a déclaré M. Martelli. « On comprend vraiment pourquoi ils ont commencé à croire qu’il était possible de fabriquer de l’or avec ce procédé. »

    D’autres expériences consistant à extraire du mercure du cinabre ont permis de mieux comprendre pourquoi le mercure était considéré dans la tradition alchimique comme un constituant commun à tous les métaux.

    M. Martelli prévoit de fabriquer des parfums à partir de recettes inscrites sur d’anciennes tablettes mésopotamiennes. Il espère que le fait de procéder à des expériences en employant des méthodes différentes de celles utilisées aujourd’hui offrira de nouvelles perspectives et débouchera même sur des découvertes scientifiques.

    Empreinte laissée par les femmes

    Les recherches menées par M. Martelli et d’autres équipes au cours des dernières décennies sont une invitation à remettre en question la vision traditionnelle de l’alchimie, et à la considérer comme un précurseur sérieux de la chimie moderne.

    Ces études portent aussi un nouvel éclairage sur le rôle joué par les femmes dans les pratiques de l’alchimie.

    Les femmes ne représentent qu’à peu près un tiers des chercheurs du secteur scientifique dans le monde et ceci est en partie dû à l’absence de modèles féminins visibles.

    « Les femmes semblent avoir joué un rôle important aux premiers stades de l’alchimie », a déclaré M. Martelli. « Elles ne la pratiquaient pas seulement, elles apparaissaient comme des déesses de la mythologie, à l’exemple d’Isis, l’ancienne déesse égyptienne de la guérison et de la magie dont on dit qu’elle aurait rencontré un ange qui lui aurait révélé des secrets de l’alchimie. »

    L’une des premières praticiennes les plus célèbres était Marie la Juive, qui vivait à Alexandrie entre le premier et le troisième siècle de notre ère et à qui l’on attribue l’invention de plusieurs types d’instruments utilisés en chimie.

    C’est notamment à elle que l’on doit le bain-marie, un bain d’eau chaude qui porte son nom et qui est couramment utilisé aujourd’hui en cuisine.

    La contribution des femmes dans le domaine de l’alchimie s’est poursuivie au début de la période moderne, d’après un autre projet financé par l’UE intitulé WALCHEMY, qui a étudié les œuvres littéraires écrites par des femmes dans la Grande-Bretagne des XVIe et XVIIe siècles.

    Écrits de femmes

    Le projet a vu le jour lorsque le Dr Sajed Chowdhury, professeur adjoint de littérature moderne anglaise à l’Université d’Utrecht aux Pays-Bas, a travaillé, dans le cadre de son doctorat, sur l’écriture féminine à l’époque de la Renaissance, du XIVe au XVIIe siècle.

    « Ce que j’ai découvert, c’est que la plupart du temps, les écrivaines, comme leurs contemporains masculins, s’inspiraient de cette idée de l’alchimie, qui était en réalité l’art de la transmutation chimique des métaux, des herbes, des minéraux et des plantes », a déclaré M. Chowdhury.

    Aidé par des textes redécouverts par des universitaires féministes au cours des dernières décennies, il a trouvé des preuves (à partir de formes littéraires telles que la poésie et les livres de recettes chimiques) que l’implication des femmes était encore plus importante qu’il ne le pensait.

    « J’ai été surpris de l’immense diversité des femmes qui utilisaient le langage de l’alchimie », a ajouté M. Chowdhury.

    En analysant ces textes, il a reconstitué l’histoire d’une alchimie qui n’était pas réservée aux hommes mais bien une histoire dans laquelle des femmes d’horizons divers jouaient un rôle central – contribuant ainsi à raconter l’histoire de ces voix oubliées.

    « Elles ne le faisaient pas nécessairement pour de l’argent, mais dans le cadre de soins de santé dispensés dans un contexte caritatif, ou d’activités que leur esprit chrétien les poussait à accomplir dans leurs communautés », a expliqué M. Chowdhury. « Dans le foyer, le travail scientifique concernait aussi bien les hommes que les femmes. »

    Citons en exemple les livres de recettes et les méditations en prose de Lady Grace Mildmay, une noble anglaise qui a pratiqué l’alchimie médicale et spirituelle dans son foyer et dans sa région du Northamptonshire pendant la seconde moitié du XVIe siècle.

    Les pratiques qui impliquaient des femmes étaient en fait plus vastes.

    « Les ouvrages qui ont survécu en grand nombre sont des livres de recettes, qui contiennent essentiellement des instructions sur la façon de gérer le foyer », a déclaré M. Chowdhury. « Ils contiennent ce que nous décririons comme des procédés alchimiques, tels que la distillation, la fermentation et la calcination. »

    Ces procédés consistaient en des recettes permettant de fabriquer des médicaments à partir d’herbes, des instructions pour fabriquer des détergents et nettoyer le laiton, et des procédures culinaires comme la purification du miel.

    M. Chowdhury a déclaré que même le travail de Robert Boyle, un chimiste et physicien anglo-irlandais à l’origine de la philosophie naturelle, et considéré par beaucoup comme l’un des « pères de la chimie moderne », aurait été influencé par sa sœur aînée, Lady Ranelagh, qui procédait à des expériences dans son foyer.
    Chiffres clés

    Ces recherches ont conduit à une étude de M. Chowdhury intitulée « Women Writers and Alchemy in Early Modern Britain », en cours d’examen par des pairs.

    Ces travaux mettent en lumière les œuvres de douze femmes, dont ceux de Lady Mildmay, d’Aemilia Lanyer, fille d’un musicien de la cour, de Lucy Hutchinson, une républicaine, et de Jane Lead, une mystique protestante.

    Parallèlement, M. Chowdhury prévoit de poursuivre ses recherches sur les pratiques scientifiques dans les couvents du XVIIe siècle afin de découvrir ce qui se passait dans ces environnements totalement féminins.

    « Nous savons que les femmes qui vivaient dans ces couvents pratiquaient la médecine et l’herboristerie, mais les archives des couvents sont largement inexploitées et dispersées dans toute l’Europe », a-t-il déclaré.

    Outre le fait qu’elle confère une image plus sérieuse à l’alchimie, l’étude met en avant le rôle important joué par les femmes dans l’histoire mondiale des sciences.

    « Nous constatons que l’alchimiste est souvent une femme », a déclaré M. Chowdhury. « Pour avoir une compréhension plus inclusive de l’histoire des sciences, nous devons prendre en compte la contribution des femmes. »

    Les recherches réalisées dans le cadre de cet article ont été financées par le biais du Conseil européen de la recherche (CER) et des Actions Marie Skłodowska-Curie (MSCA) de l’UE.

    Plus d’infos

    AlchemEast
    WALCHEMY
    UE - Produits chimiques et matériaux avancés

    Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

  • Global Health NOW: What a Major Resignation Means for Research

    https://mailchi.mp/4d53b2a1544e/global-health-now-what-a-major-resignation-means-for-research-the-untapped-p

    What a Major Resignation Means for Research

    The “largely unprecedented” resignation of Stanford University president and neuroscientist Marc Tessier-Lavigne over manipulations in past research could be a “tipping point” in conversations around research conduct, reports STAT.

    The findings, and fallout: After Stanford’s student newspaper flagged signs of data manipulation in neuroscience research Tessier-Lavigne oversaw, the school formed a panel to review his papers, reports The Washington Post.

    While the panel found that Tessier-Lavigne did not engage in any fraudulent activity, he “failed to decisively and forthrightly correct mistakes in the scientific record.”

    In his resignation letter, Tessier-Lavigne said the school needed fresh leadership, and that he would retract and correct problematic papers.

    Wider repercussions: The case raises a series of “thorny questions” in the world of collaborative research, including:

    Who takes credit—and blame? In labs where research is largely performed by graduate students and postdocs, what are supervisors’ obligations?

    Clamping down on data manipulation—a trend many scientists are “not comfortable talking about openly,” said one researcher.

    The perils of ‘publish or perish’: The pressure for researchers to publish can encourage them to fudge findings, experts say.

    Critical corrections: “I think it is the start of a new era of accountability in science,” said one Stanford neuroscience PhD student, who predicted a “wave” of principal investigators issuing corrections.

    #Recherche_scientifique #Evaluation #Stanford

  • Migrations : l’Union européenne, droit dans le mur

    La Commission européenne affirme que l’UE ne finance pas de « murs » anti-migrants à ses #frontières_extérieures, malgré les demandes insistantes d’États de l’est de l’Europe. En réalité, cette « ligne rouge » de l’exécutif, qui a toujours été floue, s’efface de plus en plus.

    Le 14 juin dernier, le naufrage d’un bateau entraînait la noyade de centaines de personnes exilées. Quelques jours auparavant, le 8 juin, les États membres de l’Union européenne s’enorgueillissaient d’avoir trouvé un accord sur deux règlements essentiels du « Pacte européen pour l’asile et la migration », qui multipliera les procédures d’asile express dans des centres de détention aux frontières de l’Europe, faisant craindre aux ONG une nouvelle érosion du droit d’asile.

    Dans ce contexte délétère, un groupe d’une douzaine d’États membres, surtout d’Europe de l’Est, réclame que l’Union européenne reconnaisse leur rôle de « protecteurs » des frontières de l’Union en autorisant le financement européen de murs, #clôtures et #barbelés pour contenir le « flux migratoire ». Le premier ministre grec, Kyriákos Mitsotákis, avait même estimé que son pays était en première ligne face à « l’invasion de migrants ».

    Officiellement, la Commission européenne se refuse toujours à financer les multiples projets de clôtures anti-migrants qui s’érigent le long des frontières extérieures de l’UE. « Nous avons un principe bien établi : nous ne finançons pas de murs ni de barbelés. Et je pense que cela ne devrait pas changer », avait encore déclaré Ylva Johansson, la commissaire européenne aux affaires intérieures, le 31 janvier. Pourtant, la ligne rouge semble inexorablement s’effacer.

    Le 7 octobre 2021, les ministres de douze États, dont la #Grèce, la #Pologne, la #Hongrie, la #Bulgarie ou les #Pays_baltes, demandaient par écrit à la Commission que le financement de « #barrières_physiques » aux frontières de l’UE soit une « priorité », car cette « mesure de protection » serait un outil « efficace et légitime » dans l’intérêt de toute l’Union. Une demande qu’ils réitèrent depuis à toute occasion.

    Les États membres n’ont pas attendu un quelconque « feu vert » de la Commission pour ériger des clôtures. Les premières ont été construites par l’Espagne dans les années 1990, dans les enclaves de Ceuta et Melilla. Mais c’est en 2015, après l’exil de centaines de milliers de Syrien·nes fuyant la guerre civile, que les barrières se sont multipliées. Alors que l’Union européenne comptait 315 kilomètres de fil de fer et barbelés à ses frontières en 2014, elle en totalisait 2 048 l’an passé.

    Depuis 2021, ce groupe d’États revient sans cesse à la charge. Lors de son arrivée au sommet des dirigeants européens, le 9 février dernier, Victor Orbán (Hongrie) annonçait la couleur : « Les barrières protègent l’Europe. » Les conclusions de ce sommet, ambiguës, semblaient ouvrir une brèche dans la politique européenne de financement du contrôle aux frontières. Les États demandaient « à la Commission de mobiliser immédiatement des fonds pour aider les États membres à renforcer […] les infrastructures de protection des frontières ».

    Dans ses réponses écrites aux questions de Mediapart, la Commission ne mentionne plus aucune ligne rouge : « Les États membres ont une obligation de protéger les frontières extérieures. Ils sont les mieux placés pour définir comment le faire en pratique d’une manière qui […] respecte les droits fondamentaux. »

    Si l’on en croit le ministre de l’intérieur grec, Panagiótis Mitarákis, les dernières résistances de la Commission seraient en train de tomber. Le 24 février, il affirmait, au sujet du projet grec d’#extension et de renforcement de sa clôture avec la Turquie, le long de la rivière #Evros, que la Commission avait « accepté que certaines dépenses pour la construction de la barrière soient financées par l’Union européenne ».

    Pour Catherine Woollard, de l’ONG Ecre (Conseil européen pour les réfugiés et exilés), « c’est important que la Commission résiste à ces appels de financement des murs et clôtures, car il faut respecter le droit de demander l’asile qui implique un accès au territoire. Mais cette position risque de devenir symbolique si les barrières sont tout de même construites et qu’en plus se développent des barrières d’autres types, numériques et technologiques, surtout dans des États qui utilisent la force et des mesures illégales pour refouler les demandeurs d’asile ».

    D’une ligne rouge à une ligne floue

    Au sein de l’ONG Statewatch, Chris Jones estime que « cette “ligne rouge” de la Commission européenne, c’est du grand n’importe quoi ! Cela fait des années que l’Union européenne finance des dispositifs autour ou sur ces clôtures, des #drones, des #caméras, des #véhicules, des #officiers. Dire que l’UE ne finance pas de clôtures, c’est uniquement sémantique, quand des milliards d’euros sont dépensés pour fortifier les frontières ». Même diagnostic chez Mark Akkerman, chercheur néerlandais au Transnational Institute, pour qui la « #ligne_rouge de la Commission est plutôt une ligne floue ». Dans ses travaux, il avait déjà démontré qu’en 2010, l’UE avait financé l’achat de #caméras_de_vidéosurveillance à #Ceuta et la construction d’un #mirador à #Melilla.

    Lorsqu’il est disponible, le détail des dépenses relatives au contrôle des frontières montre que la politique de non-financement des « murs » est une ligne de crête, car si la Commission ne finance pas le béton ni les barbelés, elle finance bien des #dispositifs qui les accompagnent.

    En 2021, par exemple, la #Lituanie a reçu 14,9 millions d’euros de fonds d’aide d’urgence pour « renforcer » sa frontière extérieure avec la Biélorussie, peut-on lire dans un rapport de la Commission. Une frontière qui, selon le ministère de l’intérieur lituanien, contacté par Mediapart, est « désormais longée d’une clôture de 530 km et d’une barrière surmontée de fils barbelés sur 360 kilomètres ». Si la barrière a pesé 148 millions d’euros sur le #budget de l’État, le ministère de l’intérieur affirme que la rénovation de la route qui la longe et permet aux gardes-frontières de patrouiller a été financée à hauteur de « 10 millions d’euros par des fonds européens ».

    En Grèce, le détail des dépenses du gouvernement, dans le cadre du fonds européen de sécurité intérieur, de 2014 à 2020, est éclairant. Toujours le long de la rivière Evros, là où est érigée la barrière physique, la police grecque a pu bénéficier en 2016 d’un apport de 15 millions d’euros, dont 11,2 millions financés par le fonds européen pour la sécurité intérieure, afin de construire 10 #pylônes et d’y intégrer des #caméras_thermiques, des caméras de surveillance, des #radars et autres systèmes de communication.

    Cet apport financier fut complété la même année par 1,5 million d’euros pour l’achat d’#équipements permettant de détecter les battements de cœur dans les véhicules, coffres ou conteneurs.

    Mais l’enjeu, en Grèce, c’est avant tout la mer, là où des bateaux des gardes-côtes sont impliqués dans des cas de refoulements documentés. Dans son programme d’action national du fonds européen relatif à la gestion des frontières et des visas, écrit en 2021, le gouvernement grec envisage le renouvellement de sa flotte, dont une dizaine de bateaux de #patrouille côtière, équipés de #technologies de #surveillance dernier cri, pour environ 60 millions d’euros. Et malgré les refoulements, la Commission européenne octroie les fonds.

    Technologies et barrières font bon ménage

    Les États membres de l’UE qui font partie de l’espace Schengen ont pour mission de « protéger les frontières extérieures ». Le droit européen leur impose aussi de respecter le droit d’asile. « Les exigences du code Schengen contredisent bien souvent l’acquis européen en matière d’asile. Lorsqu’un grand nombre de personnes arrivent aux frontières de l’Union européenne et qu’il existe des pressions pour faire baisser ce nombre, il est presque impossible de le faire sans violer certaines règles relatives au droit d’asile », reconnaît Atanas Rusev, directeur du programme « sécurité » du Centre pour l’étude de la démocratie, basé en Bulgarie.

    La Bulgarie est au cœur de ces tiraillements européens. En 2022, la police a comptabilisé 164 000 passages dits « irréguliers » de sa frontière, contre 55 000 l’année précédente. Des demandeurs d’asile qui, pour la plupart, souhaitent se rendre dans d’autres pays européens.

    Les Pays-Bas ou l’Autriche ont fait pression pour que la #Bulgarie réduise ce nombre, agitant la menace d’un report de son intégration à l’espace Schengen. Dans le même temps, des ONG locales, comme le Helsinki Committee Center ou le Refugee Help Group, dénoncent la brutalité qui s’exerce sur les exilé·es et les refoulements massifs dont ils sont victimes. Le pays a construit une clôture de 234 kilomètres le long de sa frontière avec la Turquie.

    Dans son plan d’action, le gouvernement bulgare détaille son intention de dépenser l’argent européen du fonds relatif à la gestion des frontières, sur la période 2021-2027, pour renforcer son « système de surveillance intégré » ; une collecte de données en temps réel par des caméras thermiques, des #capteurs_de_mouvements, des systèmes de surveillance mobiles, des #hélicoptères.

    Philip Gounev est consultant dans le domaine de la gestion des frontières. Il fut surtout ministre adjoint des affaires intérieures en Bulgarie, chargé des fonds européens, mais aussi de l’érection de la barrière à la frontière turque. Il explique très clairement la complémentarité, à ses yeux, des différents dispositifs : « Notre barrière ne fait que ralentir les migrants de cinq minutes. Mais ces cinq minutes sont importantes. Grâce aux caméras et capteurs qui détectent des mouvements ou une brèche dans la barrière, l’intervention des gardes-frontières est rapide. »

    L’appétit pour les technologies et le numérique ne fait que croître, au point que des ONG, comme l’EDRi (European Digital Rights) dénoncent la construction par l’UE d’un « #mur_numérique ». Dans ce domaine, le programme de recherche européen #Horizon_Europe et, avant lui, #Horizon_2020, tracent les contours du futur numérisé des contrôles, par le financement de projets portés par l’industrie et des centres de #recherche, au caractère parfois dystopique.

    De 2017 à 2021, « #Roborder » a reçu une aide publique de 8 millions d’euros. L’idée est de déployer une armada de véhicules sans pilotes, sur la mer ou sur terre, ainsi que différents drones, tous munis de caméras et capteurs, et dont les informations seraient croisées et analysées pour donner une image précise des mouvements humains aux abords des frontières. Dans son programme d’action national d’utilisation du fonds européen pour la gestion des frontières, la Hongrie manifeste un intérêt appuyé pour « l’adaptation partielle des résultats » de Roborder via une série de projets pilotes à ses frontières.

    Les #projets_de_recherche dans le domaine des frontières sont nombreux. Citons « #Foldout », dont les 8 millions d’euros servent à développer des technologies de #détection de personnes, à travers des #feuillages épais « dans les zones les plus reculées de l’Union européenne ». « Le développement de technologies et de l’#intelligence_artificielle aux frontières de l’Europe est potentiellement plus puissant que des murs, décrypte Sarah Chandler, de l’EDRi. Notre inquiétude, c’est que ces technologies soient utilisées pour des #refoulements aux frontières. »

    D’autres projets, développés sous l’impulsion de #Frontex, utilisent les croisements de #données et l’intelligence artificielle pour analyser, voire prédire, les mouvements migratoires. « Le déploiement de nouvelles technologies de surveillance, avec la construction de barrières pour bloquer les routes migratoires, est intimement lié à des dangers accrus et provoque davantage de morts des personnes en mouvement », peut-on lire dans un rapport de Statewatch. Dans un contexte de droitisation de nombreux États membres de l’Union européenne, Philip Gounev pense de son côté que « le financement de barrières physiques par l’UE deviendra inévitable ».

    https://www.mediapart.fr/journal/international/170723/migrations-l-union-europeenne-droit-dans-le-mur
    #murs #barrières_frontalières #migrations #financement #UE #EU #Union_européenne #technologie #complexe_militaro-industriel

  • #Douarnenez : ni volets fermés, ni ghettos dorés

    Habiter une ville touristique, une vue sur mer pour les précaires (Éditions du commun) est le résultat de plusieurs années d’enquête du collectif Droit à la ville Douarnenez sur la « #touristification » de la petite ville bretonne. De quoi questionner la #gentrification de nos territoires et ouvrir des pistes de #résistance. Entretien avec deux de ses auteurs.

    Dans quelle ville voulons-nous vivre ? Au profit de qui se transforme-t-elle ? Depuis 2018, le collectif Droit à la ville Douarnenez cherche à répondre à ces questions1. Galères de logement, modelage de l’espace aux goûts supposés des touristes, luxueux projets immobiliers inaccessibles aux locaux… Ses membres ont voulu comprendre comment le port finistérien en est arrivé là, tout en proposant des pistes pour un #littoral réellement accueillant. Le résultat ? Une riche enquête de terrain parue en avril dernier aux Éditions du commun : Habiter une ville touristique, une vue sur mer pour les précaires. Rencontre avec Charlotte et Guillaume, membres du collectif, dans un bistrot du port du Rosmeur.

    Comment est né ce projet de « recherche-action » autour de la gentrification à Douarnenez ?

    Charlotte : « En 2018, on a organisé une réunion publique à propos d’un projet de “pôle d’arts numériques” porté par l’avocate d’affaires Stéphanie Stein et censé prendre place dans l’ancien abri du marin de Douarnenez2. Ça nous a paru complètement hors-sol et révélateur d’une #spéculation croissante. À la suite de ces échanges, on a eu envie de s’organiser pour penser les évolutions récentes de la ville : d’un côté de nouveaux projets immobiliers, de l’autre de plus en plus de galères pour se loger. Des rencontres avec différents collectifs ont eu lieu au Local, un espace associatif autogéré. Sauf qu’en déballant ça sur la place publique, on s’est vus accusés de créer une mauvaise ambiance dans la ville, de ne pas être objectifs… On s’est dit que ce serait une manière de récolter de la matière dans de bonnes conditions, avec l’aide financière de la fondation Un monde par tous et en se faisant accompagner par l’association Appuii3, mobilisée sur ces problèmes de logement. »

    Guillaume : « Pour nous, la recherche-action est une recherche qui vient de la base : elle est conduite par les gens qui font partie de l’objet d’étude. Cela n’empêche pas d’avoir le soutien du milieu universitaire, mais on ne peut pas comprendre ce qu’il se passe à Douarnenez sans laisser place à l’émotionnel et au ressenti. Les données froides, les indicateurs, comme le nombre d’habitants, ou de Airbnb n’en rendront jamais compte de manière satisfaisante. C’est aussi un travail au long cours avec une volonté de transformer le réel. Notre objectif est de décrire ce qu’il se passe, mais aussi d’agir, en organisant des actions, des manifs ou de la solidarité concrète. »

    Le livre aborde différentes facettes de Douarnenez à travers une mosaïque de portraits et d’entretiens : un couple d’habitués des bistrots, une « néo-douarneniste » ou un vieux militant… Vous présentez aussi plusieurs lieux, par exemple Luzin4, un bâtiment assez emblématique de Douarnenez. Comment est venue cette manière d’écrire la ville ?

    C. : « De l’envie d’avoir un format hybride, composé de plein de petites cartes postales. Dans le collectif, chacun et chacune a pu travailler sur sa petite lubie. “T’as envie d’aller fouiller aux archives ? Super !” Moi, par exemple, j’étais au Conseil d’administration du festival du cinéma de la ville, du coup j’ai interrogé des personnes de l’association. On retrouve ainsi dans le livre des plumes et des points de vue différents, même si l’ensemble est lissé par le travail en commun. »

    Vous décrivez notamment l’impact du modelage du territoire au profit du tourisme et des résidents secondaires…

    C. : « En 2021, Douarn’ a été lauréate du dispositif “Petites villes de demain5”, ce qui lui a permis de financer la construction d’une promenade longeant le front de mer, un des attributs typiques des stations touristiques. Ils ont aussi produit une carte de la ville, soi-disant destinée aux habitantes et habitants. Mais Pouldavid et Ploaré, des quartiers un peu éloignés du centre-ville et de l’activité touristique, n’y figurent pas ! À côté de ça, cela fait des années que les habitants de Pouldavid demandent à la municipalité d’intervenir contre la dégradation de la cité HLM, et tout ce qu’on leur répond c’est “Désolé, c’est pas prioritaire, on trouve pas les sous”. »

    G. : « C’est une erreur de penser qu’avant Douarnenez c’était la pêche, et que maintenant c’est le tourisme. Il y a du tourisme depuis très longtemps. La question est de savoir ce qu’il produit sur le territoire. » Il y a un paradoxe dans cette « touristification » : elle détruit « l’authenticité » qu’elle vend aux visiteurs…

    C. : « Lors de la rénovation du port du Rosmeur, les Bâtiments de France6 ont imposé le blanc pour les ravalements de façades afin de produire une uniformité sur l’ensemble des ports de Cornouaille7. Alors que beaucoup des façades anciennes de Douarnenez sont peintes avec des restes de peinture de bateau. Et puis ce port, il est censé servir à quoi ? La promenade des touristes et la consommation dans les cafés ? Quitte à interdire la baignade et la pêche sur la cale – comme c’est le cas depuis 2019 – parce que ça fait sale ? »

    G. : « Il y a aussi le paradoxe du résident secondaire qui vient dans une ville qu’il espère vivante, alors qu’il contribue à l’étouffer. On a cette anecdote croustillante d’une personne nous racontant qu’elle a vendu sa résidence secondaire dans le Golfe du Morbihan “parce que là-bas c’est complètement mort”, pour en acheter une ici, “parce que la ville est vivante” ! »
    Quand ils sont interpellés sur les problèmes de logements, les élus des communes littorales se réfugient souvent derrière une indomptable « loi du marché ». Quel est leur rôle dans ces évolutions à Douarnenez ?

    C. : « Il y a quelques années, la municipalité se targuait de posséder pas mal de bâtis. Mais elle en a depuis vendu une bonne partie à des promoteurs immobiliers, parfois au détriment de projets collectifs ou associatifs. La majorité municipale de droite le justifie par une volonté de produire de la “mixité sociale par le haut”. Ces politiques ne sont pas menées pour les habitantes et habitants à l’année, mais pour favoriser les usages de résidents et résidentes secondaires, et pour des personnes qui ne sont pas encore sur le territoire. Elles se tournent vers un habitant hypothétique, dans une logique d’attractivité creuse. »

    Vous écrivez : « Nous ne sommes pas un collectif opposé au tourisme […] Nous sommes en revanche opposé·es au devenir touristique de la ville »…

    G. : « On a envie de défendre les vacances. Mais ce qui est important, c’est comment on décide collectivement de la juste place accordée au développement touristique. Comment accueillir plus de monde, sans artificialisation des sols, et en laissant de la place pour les gens qui souhaitent vivre ici à l’année ? »

    C. : « Il n’y a pas de solution simple, le livre n’est pas un manuel qui donne une liste d’actions à faire. Il invite juste à penser les choses dans leur complexité. Comme de se rendre compte que, contrairement à ce qu’il se dit, la moitié des résidents secondaires ne sont pas parisiens, mais bretons ! »

    https://cqfd-journal.org/Douarnenez-ni-volets-fermes-ni

    #Bretagne #droit_à_la_ville #tourisme #urbanisme #TRUST #Master_TRUST #logement #recherche-action #émotionnel #ressenti #données_froides #petites_villes_de_demain #Pouldavid #Ploaré #authenticité #résidences_secondaires #mixité_sociale_par_le_haut #aménagement_du_territoire #attractivité

    • Habiter une ville touristique. Une vue sur mer pour les précaires

      Dans quelle ville voulons-nous vivre ? C’est par cette question que commence le travail du collectif Droit à la ville Douarnenez. La ville bretonne connaît depuis quelques années un boom de l’immobilier. Les prix et le nombre de résidences secondaires augmentent et les habitant·es ont de plus en plus de mal à se loger. La ville se transforme, mais pour qui ?

      Ouvrage inédit, qui s’attache à décrire les mécanismes de touristification des villes côtières, cet essai montre comment ceux-ci mettent au ban une partie importante et précarisée des populations locales. À partir de l’exemple de la ville de Douarnenez, le collectif a mené une riche enquête dont ce livre restitue les principaux éléments. Analyses, entretiens et focus historiques, c’est par un travail fourni et protéiforme que le collectif produit la critique de ce processus déjà à l’œuvre dans de nombreuses villes européennes et mondiales.

      Par sa faculté à renouveler nos perceptions de l’habiter au sein des villes touristiques, et ce depuis la situation de celles et ceux qui en subissent les évolutions, ce texte constitue un outil important pour penser le droit à la ville, le droit au logement et le tourisme de manière générale.

      https://www.editionsducommun.org/products/habiter-une-ville-touristique-droit-a-la-ville-douarnenez
      #livre

      –-> déjà signalé par @simplicissimus ici :
      https://seenthis.net/messages/999762#message999764

  • Une #voiture_autonome doit-elle tuer un bébé ou une grand-mère ?
    http://carfree.fr/index.php/2023/06/21/une-voiture-autonome-doit-elle-tuer-un-bebe-ou-une-grand-mere

    En 2014, des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) ont conçu une expérience appelée « Moral Machine. » L’idée était de créer une plateforme semblable à un jeu qui permettrait de Lire la suite...

    #Insécurité_routière #monde #morale #mort #recherche #sécurité_routière #sociologie #technologie

  • Violences académiques ordinaires

    Violences et souffrances académiques : atteintes au #service_public et à la #santé_au_travail

    Ce troisième numéro de Mouvements consacré au champ académique, après ceux de 2008 (« Que faire pour l’Université ? ») et 2012 (« Qui veut la peau de la recherche publique ? »), trouve sa genèse dans un colloque consacré aux violences ordinaires dans les organisations académiques en juin 2022[1]. Lors des deux journées de discussion, les communications ont permis de mesurer à quel point, depuis ces quinze dernières années, le champ de l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) a été profondément bouleversé par toute une série de réformes, depuis la #loi_LRU (Liberté et responsabilité des universités) en 2007 jusqu’à la #Loi_de_programmation_de_la_recherche (#LPR) votée en 2020. #Fusions, #précarisation, raréfaction des #postes – alors que les effectifs étudiants progressent –, #managérialisation, #sous-traitance, multiplication des #évaluations (des établissements, des formations, des professionnel·les comme des équipes) et de leurs instances, induisent #pression_psychique et dégradation des conditions de travail et rendent davantage visible et légitime la question de la #souffrance_au_travail.

    Qu’en est-il du #quotidien bouleversé de ces organisations en transformation et de celles et ceux qui y travaillent ? Comment cela se traduit-il sur le plan des décisions, des dispositifs, des activités, des interactions, des engagements et des subjectivités ? C’est cette attention aux « violences ordinaires » dans les #institutions_académiques qui constitue le cœur de ce numéro de Mouvements. Par #violence_ordinaire, nous entendons tout type de #contrainte verbale, morale, psychologique ou symbolique exercée sur les #corps au travail et ressentie comme telle par celles et ceux qui les vivent (et qui essaient – ou non – de s’en défendre). Comme y insiste l’article de Stéphane Le Lay et Olivia Chambard, quelle que soit la forme de ces violences, il importe d’essayer de comprendre leurs liens avec les #rapports_de_domination et d’interroger leur inscription – et la nature de cette inscription – dans des configurations organisationnelles ou des structures sociales ou culturelles propres à l’ESR.

    Ceci est d’autant plus important que se sont multipliées récemment les critiques à l’encontre d’enseignant·es-chercheur·euses supposé·es déconnecté·es du monde réel dans leurs enseignements (en inadéquation avec le marché du travail), et dans leurs recherches (insuffisamment en prise avec les « défis sociétaux » et la « demande sociale »). À celles-ci s’ajoutent désormais des #attaques, internes ou externes au champ académique, contre certaines disciplines et certains travaux suspectés d’être disculpants, politisés, voire contraires aux valeurs de la République[2]. L’université et la liberté consubstantielle à ses activités intellectuelles – l’#indépendance des chercheur·euses et enseignant·es-chercheur·euses étant inscrite dans la loi – sont mises à mal de manière plurielle par manque de moyens, mise au pas organisationnelle et #condamnation_morale. Si des travaux analysent les effets de ces réformes néolibérales sur le travail des chercheur·euses et enseignant·es-chercheur·euses, à l’image des articles de Frédérique Debout, d’Ambre Guichard-Ménard et de l’Observatoire des Conditions de Travail à l’Université de Caen Normandie, ils sont plus rares, voire inexistants, sur les conditions de travail des personnels administratifs ou techniques de l’ESR ou des salarié·es en sous-traitance exerçant dans les établissements académiques. Dans ce numéro, l’article d’Hugo Bret sur le #personnel_de_nettoyage d’une université et celui du collectif C. Noûs-Aussi consacré à l’#édition_scientifique permettent justement de jeter un regard incisif sur ces zones d’ombre.

    Les rapports de domination entre les statuts, les corps et les disciplines constituent de fait une clé d’entrée pour comprendre la spécificité des types de violence dans les organisations universitaires et académiques et leur analyse est ancienne. Plus récemment, des auteur·rices ont néanmoins renouvelé la perspective en s’emparant en particulier de la question des #violences_sexistes_et_sexuelles (#VSS) à l’université, sur lesquelles reviennent trois articles. L’un provient d’une chercheuse militante, sous la forme d’un témoignage anonyme. L’autrice prend appui sur son expérience en tant qu’étudiante, victime et témoin de violences, dans une grande école et évoque les actions collectives qui s’en sont suivies. De son côté, à partir du cas espagnol, Verónica Cala analyse finement les interrelations entre pensée féministe et action militante, expliquant en quoi l’université peut être aussi bien un terreau fertile qu’un système nuisant aux avancées pourtant nécessaires au développement de la pensée transformatrice féministe. Enfin, l’article d’Armelle Andro se penche sur les modalités de prise en charge des VSS spécifiques au monde académique, qui ont notamment fait suite à des médiatisations et des mobilisations importantes. Apportant un cadrage complémentaire, il expose les avancées et les freins au traitement institutionnel des VSS depuis vingt ans, pointant les spécificités et l’hétérogénéité des situations rencontrées dans le champ académique. Traitant aussi, mais de manière différente, la question des #rapports_sociaux (de sexe, hiérarchiques et de race), Morgane Le Guyader se penche sur le concept de #violence_épistémique. Celui-ci s’avère utile pour pointer ce qui, à l’intérieur même des critères de scientificité, vient discréditer certains points de vue indigènes ou subordonnés. Ce texte élabore une critique qui a l’intérêt de proposer d’autres manières de rendre compte de l’expérience sensible qui traverse les enquêté·es aussi bien que les enquêteurs et enquêtrices.

    Plusieurs articles de ce numéro, à l’image de celui de Marina Pietri consacré à une #animalerie_scientifique, cherchent ainsi à rendre compte de la manière dont la #division_du_travail au sein des organisations académiques est productrice de formes de violence, examinées comme étant propres à une activité et un rôle spécifiques, aussi bien que dans leur dimension transversale, lorsqu’elles affectent différentes catégories de personnels (chercheur·euses et enseignant·es-chercheur·euses, doctorant·es, personnels administratifs, techniques, etc.). Ce faisant, peut être interrogée la place des stratégies défensives liées aux cultures de métier et érigées pour lutter contre la souffrance. Plusieurs articles abordent également les manières dont les #inégalités et #discriminations s’activent et se reproduisent, dans des configurations où la hiérarchie bureaucratique peut se superposer aux formes de #domination_académique. Se donne alors à voir en quoi ces inégalités permettent de révéler des formes de #mépris plus ou moins visibles, qui peuvent aller de la délégation systématique du « sale boulot » à l’invisibilisation ou l’appropriation du travail d’autrui, en passant par l’empêchement de travailler et le #harcèlement.

    Pour faire face à l’aggravation de la situation en matière de santé physique et mentale, les établissements du supérieur ont obligation, depuis 2012, de mettre en place un Comité d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail (#CHSCT). Très variables selon les établissements, les modalités déployées en faveur de la prise en charge des « #risques_psychosociaux » (#RPS) se font régulièrement timides… ou inexistantes. Dans certains établissements, les fonctions de référent « Égalité, RPS, Handicap » ne sont pas pourvues, tardent à l’être ou encore ne sont dotées d’aucun moyens significatifs pour leur action, qui demeure parfois lettre morte. Nombre d’actrices et d’acteurs de terrain sont pourtant en première ligne et certain·es particulièrement actif·ves pour lutter contre les violences et réguler les dérives : préventeur·rices, médecins du travail, représentant·es du personnel siégeant ou non dans les CHSCT, associations féministes et de personnels précaires, sans oublier les juristes, certain·es cadres administratif·ves et personnes en responsabilité dans les composantes et les laboratoires. L’article de Gwenaël Delaval, Emmanuelle Puissant et Samira Saïdoune, consacré à un « #dispositif_RPS » dans une université, aborde les enjeux de cette prise en charge institutionnelle.

    On le voit, les chantiers ouverts sont nombreux et délicats à mener pour rendre visibles et pour lutter efficacement contre les différentes formes de violence, en desserrant l’étau des rapports de domination. Gageons que les contributions de ce numéro de Mouvements œuvreront dans ce sens, grâce à la réflexion individuelle et aux discussions collectives qu’elles susciteront dans le champ académique, et aux pistes d’action qu’elles ouvrent ainsi.

    https://mouvements.info/edito/violences-et-souffrances-academiques-atteintes-au-service-public-et-a-l
    #ESR #université #violence #violences_ordinaires #souffrance #conditions_de_travail #travail #recherche

    ping @karine4 @_kg_

  • Ouvrir le code des #algorithmes ? — Oui, mais… (1/2)
    https://framablog.org/2023/05/15/ouvrir-le-code-des-algorithmes-oui-mais-1-2

    Voici le premier des deux articles qu’Hubert #Guillaud nous fait le plaisir de partager. Sans s’arrêter à la surface de l’actualité, il aborde la #transparence du code des algorithmes, qui entraîne un grand nombre de questions épineuses sur lesquelles il … Lire la suite­­

    #Enjeux_du_numérique #amplification #Documentation #données #interdiction #Kayser-Bril #minimisation #Narayan #Nicholas #recherche #Twitter

  • ‘Too greedy’ : mass walkout at global science journal over ‘unethical’ fees

    Entire board resigns over actions of academic publisher whose profit margins outstrip even Google and Amazon.

    More than 40 leading scientists have resigned en masse from the editorial board of a top science journal in protest at what they describe as the “greed” of publishing giant Elsevier.

    The entire academic board of the journal #Neuroimage, including professors from Oxford University, King’s College London and Cardiff University resigned after Elsevier refused to reduce publication charges.

    Academics around the world have applauded what many hope is the start of a rebellion against the huge profit margins in academic publishing, which outstrip those made by Apple, Google and Amazon.

    Neuroimage, the leading publication globally for brain-imaging research, is one of many journals that are now “open access” rather than sitting behind a subscription paywall. But its charges to authors reflect its prestige, and academics now pay over £2,700 for a research paper to be published. The former editors say this is “unethical” and bears no relation to the costs involved.

    Professor Chris Chambers, head of brain stimulation at Cardiff University and one of the resigning team, said: “Elsevier preys on the academic community, claiming huge profits while adding little value to science.”

    He has urged fellow scientists to turn their backs on the Elsevier journal and submit papers to a nonprofit open-access journal which the team is setting up instead.

    He told the Observer: “All Elsevier cares about is money and this will cost them a lot of money. They just got too greedy. The academic community can withdraw our consent to be exploited at any time. That time is now.”

    Elsevier, a Dutch company that claims to publish 25% of the world’s scientific papers, reported a 10% increase in its revenue to £2.9bn last year. But it’s the profit margins, nearing 40%, according to its 2019 accounts, which anger academics most. The big scientific publishers keep costs low because academics write up their research – typically funded by charities and the public purse – for free. They “peer review” each other’s work to verify it is worth publishing for free, and academic editors collate it for free or for a small stipend. Academics are then often charged thousands of pounds to have their work published in open-access journals, or universities will pay very high subscription charges.

    Stephen Smith, professor of biomedical engineering at Oxford University and formerly editor-in-chief at Neuroimage, said: “Academics really don’t like the way things are, but individuals feel powerless to get the huge publishers to start behaving more ethically.”

    Researchers put up with it because they want to publish in established journals that will be widely read, he added.

    But he warned publishers: “Enough is enough. By taking the entire set of editors across to start the new journal, we are taking the reputation with us.”

    A spokesperson for Elsevier said: “We value our editors very highly and are disappointed [with the resignations], especially as we have been engaging constructively with them over the last couple of years.”

    He said the company was “committed to advancing open-access research” and its article publishing charges were “below the market average relative to quality. The fee for NeuroImage is below that of the nearest comparable journal in its field.”

    Meanwhile, university libraries are angry about the cost of the online textbooks they say students now overwhelmingly want to read – often many times more expensive than their paper equivalent. Professor Chris Pressler, director of Manchester University Library, said: “We are facing a sustained onslaught of exploitative price models in both teaching and research.”

    According to a spreadsheet of costs quoted to university librarians, Manchester University gave a recent example of being quoted £75 for a popular plant biology textbook in print, but £975 for a three-user ebook licence. Meanwhile Learning to Read Mathematics in the Secondary School, a textbook for trainee teachers published by Routledge, was £35.99 in print and £560 for a single user ebook.

    A spokesperson for Taylor and Francis, which owns Routledge, said: “We strive to ensure that book prices are both affordable and a fair representation of their value.” He said a print book could be checked out for weeks at a time whereas ebooks could be checked in and out rapidly and had a much wider distribution.

    He added: “Academic publishers provide services that are essential to a well-functioning research and scholarly communication ecosystem, and most researchers recognise this is a valuable service worth paying for. “

    Caroline Ball, librarian at Derby University and co-founder of the academic campaign EbookSOS, said: “This is creating a digital hierarchy of haves and have-nots. There are institutions that just can’t afford these prices for texts.”

    https://www.theguardian.com/science/2023/may/07/too-greedy-mass-walkout-at-global-science-journal-over-unethical-fees

    #démission #Elsevier #édition_scientifique #recherche #résistance

    –-

    ajouté à la métaliste sur l’éditions scientifique :
    https://seenthis.net/messages/1036396

  • Nécro(techno)logie : Claude Lorius n’a rien vu en Antarctique
    https://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?article1831

    Toujours en librairie : Le Règne machinal (la crise sanitaire et au-delà). Voir ici

    Le glaciologue Claude Lorius est mort le 21 mars. Nous ne sommes pas du genre à gifler les cadavres, comme le firent les surréalistes à la mort d’Anatole France en 1924. Quoique la main vous démange à la lecture de la presse éplorée. Le Figaro salue le « pionnier de la climatologie moderne », Le Daubé le « lanceur d’alerte précoce », Libération le « géant des glaces », Le Monde le « héros légendaire ». Qu’a donc fait Claude Lorius (à part mourir) pour mériter de telles louanges ? Il a établi, en 1987, le lien entre la teneur en gaz à effet de serre dans l’atmosphère et l’évolution climatique. D’un point de vue scientifique, s’entend. Ses études ont vérifié les observations des montagnards : « ils ont détraqué les saisons ». Ce (...)

    #Nécrotechnologies
    https://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/lorius_n_a_rien_vu.pdf

    • Lorius prétend nous livrer la cause du désastre en reprenant le terme d’Anthropocène, forgé au début des années 80 par le biologiste Eugène Stoermer. Celui-ci le popularise en 2002 dans un article de Nature corédigé avec Paul Crutzen, prix Nobel de Chimie 1995. Pardon de rabâcher, mais les nécrologies servent aussi à ça. Stoermer et Crutzen ne font pas remonter les causes du bouleversement géo-climatique à l’apparition de l’anthropos – à « l’ère des humains », comme le prétend Lorius - voici trois millions d’années, ni même à l’émergence du capitalisme. Ils situent le début de cette ère en 1784, année du perfectionnement de la machine à vapeur11 . C’est-à-dire le début de l’usage des énergies fossiles : la révolution thermo-industrielle. Leur terme englobant d’Anthropocène est abusif et commode pour dissimuler la vraie rupture, celle du Technocène. La société industrielle, motorisée par les progrès technoscientifiques, a détruit les équilibres climatiques et écologiques. Point.

      […]

      Remonter à la racine des maux signifie regarder en arrière. Les causes, par définition, sont dans le passé. Lorius le savait bien, qui lisait dans ses carottes de glaces polaires les différentes étapes des dégâts industriels sur notre biotope. Mais ses conclusions, 30 ans plus tard, étaient celles d’un aveugle : « Comment encourager la croissance qui est nécessaire, en respectant l’environnement ?14 »
      La croissance de quoi ? Des températures ? Du niveau des mers ? De la sécheresse ? Bref, Lorius n’avait rien vu dans l’Antarctique. C’était bien la peine d’aller si loin et de brûler tant de kérosène.
      Il est trop tard pour les glaciers. Et pour nous, simples anthropoïdes ?

      #anthropocène #capitalocène #technocène #climat #réchauffement_climatique #écologie #technocratie #Grenoble #science #recherche #Claude_Lorius #glaciers

    • Finalement, les héros légendaires sont des scientifiques comme les autres.

      Oui, et la connaissance de la nature ne garantit pas d’avoir des idées politiques particulièrement intéressantes.

      Qu’a donc fait Claude Lorius (à part mourir) pour mériter de telles louanges ? Il a établi, en 1987, le lien entre la teneur en gaz à effet de serre dans l’atmosphère et l’évolution climatique. D’un point de vue scientifique, s’entend. Ses études ont vérifié les observations des montagnards : « ils ont détraqué les saisons ». Ce que chacun constatait en levant le nez,

      D’un point de vue scientifique… Quel autre point de vue y aurait-il ? Le montagnard qui lève son nez a-t-il accès à des centaines de milliers d’années d’évolution du climat ? Renifle-t-il des concentrations de co2 ? Sa peau sent-elle des augmentations moyennes de température sur le globe ? Ses oreilles détectent-elles des changements d’orbite de la Terre ?

  • Faut-il bannir ChatGPT du monde de la recherche ? - Educpros
    https://www.letudiant.fr/educpros/enquetes/faut-il-bannir-chatgpt-du-monde-de-la-recherche.html

    ChatGPT : allié ou ennemi des chercheurs ? La réponse n’est pas si manichéenne. Un modèle de langue peut rendre certaines tâches plus simples, tant qu’il est utilisé comme une source d’aide perfectible. Les chercheurs vont-ils un jour utiliser ChatGPT comme appui à la rédaction de leurs travaux et articles de recherche ?

    Le 16 décembre 2022, la revue Nurse Education in Practice publie un article sur son site. En apparence rien d’anormal, l’article traite de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les études en soins infirmiers. Pourtant aux côtés du nom de la chercheuse britannique Siobhan O’Connor, apparaît celui de ChatGPT. Que fait-il ici  ? « L’utilisation de cet outil par un chercheur ou une chercheuse n’est pas différente de celle d’une autre personne : paraphraser, traduire, résumer… », annonce Teven Le Scao, chercheur au Loria et chez Hugging Face, spécialisé en modèle de langue.

    « Si on demande à ChatGPT de rédiger un article de recherche, il pourrait le faire de façon convaincante », assure Teven Le Scao. Une aubaine pour une personne peu honnête dans un monde aussi compétitif que celui de la recherche. « Il y a une crainte qu’il y ait énormément de papiers générés : pour avoir plus de citations ou simplement pour s’amuser à voir si un tel article pourrait être publié », convient Rachel Bawden, chercheuse à Inria spécialisée dans le traitement automatique des langues.

    L’irruption de ChatGPT bouscule les usages du monde enseignant
    L’usage de ChatGPT, contraire aux principes de publication de recherche

    Or cela est contraire aux principes derrière une publication. « Cela pose des problèmes de fiabilité des arguments avancés et de réplicabilité des résultats », prévient Dominique Boullier, professeur de sociologie à Science po Paris et spécialiste des usages du numérique.

    Si on demande à ChatGPT de rédiger un article de recherche, il pourrait le faire de façon convaincante. (T. Le Scao, chercheur)

    Faut-il pour autant le bannir en prévision de telles dérives  ? Déjà, cela s’avèrerait très difficile. Il faudrait alors être en mesure d’identifier avec certitude qu’un texte a été produit par un modèle de langue. Or, les outils actuels ne sont pas toujours en mesure de trouver l’auteur d’un texte – surtout s’il a été par la suite modifié par un humain.

    Mais surtout, ce serait occulter l’aide qu’il peut apporter. « C’est par exemple un outil intéressant pour les non-anglophones, soutient Rachel Bawden. Pour un anglophone natif, il est souvent très facile de reconnaître que l’article n’a pas été écrit par un anglophone. Or un anglais de mauvaise qualité peut diminuer l’impact du travail de recherche, surtout s’il rend l’article difficile à comprendre. »

    Les modèles de langues peuvent donc aider des chercheurs dans leur rédaction en langue anglaise. Ces modèles peuvent générer un code informatique, reformuler un passage, trouver un titre ou rédiger un abstract de façon convaincante. Dans une pré-publication déposée sur le site bioRXiv, la chercheuse Catherine Gao de l’université Northwestern et ses collègues ont généré les abstracts de 50 articles de recherche avec ChatGPT et ont demandé à des chercheurs et chercheuses de les retrouver. Dans 32% des cas, la patte de l’IA n’a pas été reconnue.

    Demain, tous formés dans le métavers  ?
    Utiliser ChatGPT en connaissance de ses limites

    Une pratique honnête tient aussi à l’utiliser en toute connaissance de ses limites. Même si ce qu’écrit ce chatbot ressemble à un texte « humain », il y a un risque que des erreurs se glissent dans ses lignes. Il a tendance à mélanger des citations, à renvoyer des choses fausses, à ne pas citer ses sources et, quand il le fait, à inventer des références ou des auteurs.

    Il est important de savoir faire les choses mieux que la machine, ainsi on peut l’utiliser et détecter la moindre erreur. (R. Bawden, Inria)

    « Il est important de savoir faire les choses mieux que la machine, ainsi on peut l’utiliser et détecter la moindre erreur », prévient Rachel Bawden. Il ne faut pas se reposer sur l’aspect convaincant, et au contraire privilégier son esprit critique. « Les chercheurs et chercheuses sont formés à ne pas faire de raccourci quand ils doivent trouver une réponse. Or la génération de texte tend à favoriser les réflexions courtes et rapides pour obtenir cette réponse », analyse Dominique Boullier. « Si ces outils s’améliorent dans le futur, cela peut poser des problèmes pour notre capacité à raisonner », ajoute Rachel Bawden.
    Une vigilance sur la collecte de données de recherche

    Une autre vigilance à garder en tête : celle des données récoltées. « Comme ce qui se passe pour les réseaux sociaux, nous contribuons à entraîner ces modèles », prévient Dominique Boullier. Or, quand certaines données sont sensibles, il serait bon qu’elles ne soient pas collectées. Cette petite révolution des chatbots oblige en tout cas les acteurs du monde de la recherche à fournir leurs directives d’utilisation.

    L’Association de Linguistique Computationnelle (Association for Computational Linguistics, ACL), qui organise des conférences, déconseille de s’aider d’un modèle de langue pour un nouveau texte sur de nouvelles idées. Également, au mois de janvier la revue Nature s’est positionnée : l’utilisation de ChatGPT n’est pas prohibée, elle doit être mentionnée mais pas parmi les auteur(e)s. « Cette recommandation est naturelle : l’auteur doit endosser la responsabilité et pouvoir être contacté. ChatGPT ne répond pas à ces critères », justifie Teven Le Scao.

    Pour l’instant, ChatGPT reste marginal dans le monde de la recherche. Comme le souligne Rachel Bawden : « Je ne crois pas avoir rencontré un article écrit avec ce chatbot. Mais si c’était le cas, je regarderais sûrement les références plus en détail. Même si s’aider de ChatGPT ne me pose pas de problème, je me méfierais certainement un peu plus. »

    Charlotte Mauger | Publié le 03.04.2023 à 14H00

    #ChatGPT #Recherche #Publications_scientifiques

  • #Shepenaset plonge la #Suisse dans un vif débat

    Les #biens_culturels forgent l’#identité des peuples. Le #vol de ces biens est donc un sujet qui agite la société, surtout dans les pays qui possédaient autrefois des colonies. Mais la Suisse aussi abrite des trésors culturels qui posent problème. Le débat est vif, comme le montre le cas d’une #momie à Saint-Gall.

    Elle est couchée dans la somptueuse salle baroque de la bibliothèque de l’abbaye de #Saint-Gall, l’une des plus anciennes bibliothèques historiques du monde : il s’agit de la momie égyptienne de Shepenaset, fille d’un prêtre du VIIe siècle avant J.-C., croit-on aujourd’hui savoir, décédée à un peu plus de 30 ans. Saint-Gall et le cercueil de verre où elle est exposée sont-ils une dernière demeure convenable pour Shepenaset voire, comme l’écrit même la bibliothèque, « le plus beau mausolée qu’on puisse imaginer » ? La question suscite actuellement un vif débat. Lorsque le metteur en scène saint-gallois #Milo_Rau reçoit le prix culturel de sa ville, en novembre 2022, il informe les Saint-Gallois qu’il dépensera les 30 000 francs du prix pour faire rapatrier la momie en #Égypte. Il organise une « action artistique » afin de sensibiliser le public à la cause, promenant une fausse momie à travers la ville et vilipendant l’exhibition de la vraie « source de gêne morale permanente ». Dans une « #déclaration_de_Saint-Gall », rédigée avec le concours d’un comité, il dénonce « un #pillage, un manque de respect ou du moins de scrupules », indigne selon lui d’une métropole culturelle comme Saint-Gall.

    Autrefois enterrée à Louxor

    Que s’est-il passé ? Shepenaset était autrefois enterrée en Égypte, sans doute dans la nécropole située non loin de #Louxor. A-t-elle été « arrachée à son tombeau par des pilleurs », comme l’écrit le comité ? D’après les responsables de la bibliothèque de l’abbaye, ce faits ne peuvent pas être prouvés. Dans un commentaire sur la « déclaration de Saint-Gall », ils notent qu’il n’est pas correct de parler d’un pillage de l’Égypte au XVIIIe siècle et soulignent que, depuis la campagne d’Égypte de Napoléon en 1798, les scientifiques français, anglais et, plus tard, allemands, ont prêté beaucoup d’attention au #patrimoine_culturel de l’Égypte ancienne, contrairement aux Égyptiens eux-mêmes, qui ont témoigné peu de considération pour ce #patrimoine qui est le leur. La bibliothèque illustre cette affirmation par l’exemple du vice-roi égyptien Méhémet Ali, qui, en 1830, avait traité l’une des pyramides de Gizeh aujourd’hui mondialement connues, de « pauvre montagne », et qui voulait construire des canaux en Égypte avec ses « gravats ». La destruction de la pyramide fut alors empêchée par le consul français à Alexandrie, indique le commentaire.

    Une question de #dignité

    Shepenaset est arrivée à Saint-Gall il y a près de 200 ans. C’est un homme d’affaires allemand, #Philipp_Roux, qui en aurait fait l’acquisition à Alexandrie avec deux cercueils en bois, et qui l’aurait envoyée à l’un de ses amis, l’homme politique #Karl_Müller-Friedberg, père fondateur du canton de Saint-Gall. Müller-Friedberg a-t-il reçu la momie en cadeau ou l’a-t-il payée à son tour, la question n’a pas été définitivement tranchée. À son arrivée à Saint-Gall, relatent des savants de l’époque conviés pour l’occasion, Shepenaset fut démaillotée jusqu’aux épaules et, à l’issue d’une cérémonie festive, chaque invité reçut un morceau de tissu de la momie en souvenir. Est-ce là le manque de respect que Milo Rau dénonce ? Il y a peu, l’ethnologue allemande Wiebke Ahrndt relatait qu’au XIXe siècle, les démonstrations de démaillotage de momies n’étaient pas rares et ce, non seulement en Europe, mais aussi en Égypte. On ne refait pas le passé, notait-elle. Autrice d’un guide pour la prise en charge des dépouilles humaines dans les musées et les collections, Wiebke Ahrndt est d’avis qu’on peut exposer des momies tant que cela est fait avec dignité et que le pays d’origine n’est pas contre. Les musées égyptiens exhibent eux aussi des momies ; jusqu’en 1983, souligne l’ethnologue, leur exportation était même légale. Les responsables de la bibliothèque insistent de leur côté sur le fait que Shepenaset n’est pas jetée en pâture aux curieux. Ils affirment que sa présentation est conforme aux pratiques muséales usuelles. Même les photos mises à la disposition des médias montrent la momie à distance, le visage de profil.

    Ces explications sont-elles suffisantes pour conserver Shepenaset à Saint-Gall ? Le conseil catholique du canton de Saint-Gall, un organe de droit ecclésiastique à qui appartiennent tous les objets de la bibliothèque de l’abbaye, semble réagir à la critique de Milo Rau et réviser sa position. Trois semaines après l’« action artistique », la direction du conseil a décidé d’« examiner sérieusement » un possible retour de Shepenaset dans son pays d’origine, et ce en collaboration avec les autorités égyptiennes compétentes.

    Des trésors culturels de la période nazie

    Des débats sur la recherche de l’origine de biens artistiques et culturels étrangers, ou « #recherche_de_provenance », la Suisse en connaît, surtout dans le contexte de l’or et de l’art volés pendant la Deuxième Guerre mondiale. En 2002, un groupe d’experts dirigés par Jean-François Bergier a soumis au Conseil fédéral un rapport détaillé montrant que le secteur économique suisse avait étroitement collaboré avec le régime national-socialiste. Des œuvres d’art vendues pendant la période nazie en Allemagne (1933-1945) se sont retrouvées dans des collections publiques et privées. Aujourd’hui, on estime qu’il est nécessaire de savoir s’il s’agit d’art confisqué par les nazis. Cet engagement moral, le Kunstmuseum de Berne – qui a accepté en 2014 l’héritage du collectionneur d’art #Cornelius_Gurlitt, contenant des œuvres de cette période – l’a rendu visible dans son exposition.

    Le #cas_Gurlitt a représenté un tournant. Dans son sillage, le Conseil fédéral a décidé d’accorder chaque année 500 000 francs aux musées suisses pour la recherche de la provenance des oeuvres. Une somme qui ne permet pas d’aller très loin, souligne Joachim Sieber, président de l’Association suisse de recherche en provenance (ARP), mais qui constitue tout de même un début.

    L’époque coloniale dans le viseur des politiques

    Les biens culturels acquis à l’époque coloniale sont un autre « gros morceau » auquel la recherche suisse en provenance doit à présent s’attaquer. Cela peut sembler paradoxal, puisque la Suisse n’a jamais possédé de colonies. Cependant, pour Joachim Sieber, il est évident que « la Suisse a fait et fait partie de l’entreprise (post)coloniale européenne ». Et c’est précisément parce qu’elle n’était pas une puissance coloniale, affirme-t-il, que la Suisse et les entreprises suisses ont pu, après l’effondrement des empires coloniaux ou après 1945, se présenter aux nations nouvellement formées comme une partenaire au-dessus de tout soupçon face aux anciennes colonies. En effet, même dans la politique, les mentalités évoluent. En témoignent, d’après le président de l’ARP, les innombrables débats, motions et interpellations au Parlement fédéral, « même si cela secoue l’identité de la Suisse en tant que pays neutre et remet en question l’image de la nation égalitaire, solidaire et humanitaire qu’elle se fait d’elle-même ».

    https://www.swisscommunity.org/fr/nouvelles-et-medias/revue-suisse/article/shepenaset-plonge-la-suisse-dans-un-vif-debat
    #restitution #colonisation #colonialisme #Egypte

    ping @reka @cede

  • #Enquête sur « l’#islamo-gauchisme » à l’#université : histoire d’une vraie fausse annonce

    Un document du ministère de l’enseignement supérieur dont « Le Monde » a eu copie révèle que l’ancienne ministre Frédérique Vidal, contrairement à ses dires, n’a jamais diligenté d’enquête en février 2021.

    Cette fois, les masques sont tombés : malgré ses affirmations, l’ancienne ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal n’a jamais demandé d’enquête portant sur « l’ensemble des courants de recherche » menés dans les universités en lien avec « l’islamo-gauchisme ».

    Le 14 février 2021, sur le plateau de CNews, elle avait dénoncé un phénomène qui « #gangrène la société dans son ensemble » auquel « l’université n’est pas imperméable ». Deux jours plus tard, à l’Assemblée nationale, la ministre confirmait la mise en place d’« un bilan de l’ensemble des recherches » en vue de « distinguer ce qui relève de la #recherche_académique et ce qui relève du #militantisme et de l’#opinion ».

    L’initiative – dont l’Elysée et Matignon s’étaient désolidarisés très vite – avait suscité la « stupeur » de la Conférence des présidents d’université qui avaient dénoncé les « représentations caricaturales » et « arguties de café du commerce » de Mme Vidal. Censé être mandaté pour mener cette enquête, le centre national de la recherche scientifique (CNRS) avait lui insisté sur le fait que le terme d’« islamo-gauchisme » « ne correspond[ait] à aucune réalité scientifique », regrettant une « polémique emblématique d’une instrumentalisation de la science ».

    (#paywall)

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/03/29/enquete-sur-l-islamo-gauchisme-a-l-universite-histoire-d-une-vraie-fausse-an
    #Vidal #Frédérique_Vidal #ESR #enseignement_supérieur #France

    –-

    L’historique de cette affaire :
    https://seenthis.net/messages/902062

    • « Déclaration d’intention »

      Ces propos de la ministre – dans la lignée de ceux de son collègue Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l’éducation nationale, qui, dès octobre 2020, avait dénoncé les « ravages à l’université » de l’« islamo-gauchisme » – relevaient finalement du registre exclusif de la communication et de la fausse nouvelle. C’est ce que révèle le ministère de l’enseignement supérieur lui-même, dans un document daté du 17 mars dont Le Monde a eu copie.
      Il s’agit d’un mémoire en défense adressé au tribunal administratif de Paris, à qui le Conseil d’Etat avait transmis, il y a bientôt deux ans, la requête de six enseignants-chercheurs : les sociologues Nacira Guénif, Caroline Ibos, Gaël Pasquier, la géographe Anne-Laure Amilhat Szary, l’historienne Fanny Gallot et le politiste Fabien Jobard, en avril 2021, avaient déposé un recours contre Mme Vidal, l’accusant d’« abus de pouvoir ».

      Dans ce document, et en vue de démontrer, à son sens, l’irrecevabilité de la démarche des requérants, la direction des affaires juridiques du ministère explique tout simplement que « les propos de la ministre, qui nécessitaient d’être concrétisés par une décision ultérieure adressée à un service afin de le saisir de la réalisation d’une enquête, n’ont été suivis d’aucune demande adressée en ce sens au Centre national de la recherche scientifique, ni à tout autre établissement sous tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, regroupement d’organismes de recherche ou service d’inspection ».

      Le ministère en conclut que « dans ces conditions, la demande d’enquête se réduisant à une déclaration d’intention et n’ayant pas été formalisée, et par suite aucune enquête n’ayant été diligentée ni aucun rapport d’enquête rédigé, les conclusions à fin d’annulation de la “décision” du 14 février 2021 ne sont pas dirigées contre un acte faisant grief et sont, par suite, irrecevables ». Contactée mercredi 29 mars, Frédérique Vidal n’a pas souhaité apporter de commentaires.

      « Totale irresponsabilité politique »

      Pour William Bourdon et Vincent Brengarth, avocats des six enseignants-chercheurs, « l’aveu obtenu du gouvernement quant à l’absence d’enquête révèle une totale irresponsabilité politique et juridique ». Ils rappellent combien cette annonce a entretenu « un climat d’intimidation au sein du monde universitaire et dissuadé des études ». « Elle a aussi légitimité intentionnellement le terme d’“islamo-gauchisme” et amplifié les discours de haine », soulignent-ils.
      Si, formellement, l’affaire est close, l’onde de choc qui a traversé le monde universitaire est toujours présente. Dans une tribune au Monde, mercredi 29 mars, les requérants auxquels s’est adjoint le sociologue Eric Fassin, affirment que « plus que jamais, les femmes et les minorités sexuelles et raciales doivent montrer patte blanche » depuis lors. Car « c’est sur elles que pèsent au premier chef le soupçon idéologique et donc l’injonction de neutralité ».

      En résultent sur le terrain universitaire « des orientations de la recherche abandonnées, des vocations découragées, des thèses qui ne verront pas le jour, des articles et des livres qui ne seront pas publiés, des financements pas attribués, des postes pas créés », détaillent-ils.
      Ce dénouement révèle une « parole politique irresponsable ». S’il a fallu un recours devant le Conseil d’Etat et deux ans d’attente pour que le ministère de l’enseignement supérieur fournisse cette réponse – sans la rendre publique –, « c’est qu’il s’agit d’une politique d’intimidation visant à décourager l’exercice des savoirs critiques en encourageant leurs adversaires, dans et hors du monde académique », estiment les auteurs.

      Lire aussi :
      « Islamo-gauchisme » à l’université : la ministre Frédérique Vidal accusée d’abus de pouvoir devant le Conseil d’Etat
      « L’enquête sur “l’islamo-gauchisme” à l’université n’aura pas lieu et n’avait pas lieu d’être »

    • conclusions :
      – objectif atteint par Vidal, et effets durables
      – confirmation que cette technique particulière de terrorisme intellectuel fonctionne à merveille à la fac, et présente peu de risque judiciaires
      – erreur de cible pour les plaignants ; fallait pas attaquer en abus de pouvoir

      Vidal est elle attaquable pour fake news, avec la nouvelle loi ?
      Des mesures correctives ont-elle été requises auprès de la nouvelle ministre ?

  • Hommage à Claude Lorius, géant des glaces
    https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/hommage-a-claude-lorius-geant-des-glaces-20230325_I7GMLYFFQBACPLQBLE5XTH6

    Le glaciologue charismatique participa à reconstituer l’histoire de la composition de l’atmosphère. Sa force de persuasion lui permit d’accéder, en pleine guerre froide, à des carottes de glace obtenues par les Soviétiques, se souvient Jérôme Chappellaz, qui travailla avec le chercheur, mort mardi.

    Claude Lorius nous a quittés mardi, au lendemain de la synthèse du 6e rapport d’évaluation du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec). Troublante coïncidence. De fait, par ses recherches durant près de quarante ans, #Claude_Lorius fut l’un des artisans majeurs de cette prise de conscience planétaire que l’activité humaine est en train de modifier profondément le climat planétaire, appelant à la mise en place urgente de politiques internationales ambitieuses pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

    Tout avait commencé en 1957 pour Claude Lorius alors qu’il avait 25 ans : une année entière passée avec deux de ses collègues totalement isolés du reste du monde, au sein d’un tout petit refuge enfoui sous la neige à 300 kilomètres de la côte en terre Adélie (Antarctique). Il y conduisait les toutes premières observations des propriétés physiques des grains de neige au fur et à mesure que la température chutait, atteignant parfois -60°C. En participant ensuite en 1959 à une expédition américaine en terre Victoria, toujours en #Antarctique, parcourant 2 500 kilomètres en territoires inconnus, Claude Lorius put démontrer pour la première fois que la proportion d’atome lourd de l’hydrogène (le deutérium) de la neige tombée en surface reflétait la température à laquelle la neige s’était formée. C’était la naissance du fameux « thermomètre isotopique », utilisé depuis par tous les glaciologues pour reconstituer la température dans le passé grâce à des carottages en profondeur dans les glaciers.

    En 1965, alors qu’il dirigeait l’équipe d’hivernage à la station française Dumont d’Urville en terre Adélie, glissant dans son verre de #whisky un morceau de glace issu d’un carottage conduit dans le glacier voisin, il vit la glace libérer de l’air sous pression provenant des petites bulles qu’elle contenait. Ce fut une véritable révélation pour Claude : ces petites bulles pourraient peut-être permettre de reconstituer la composition chimique de l’atmosphère lorsqu’elles s’étaient formées il y a des milliers d’années.

    En 1970, Claude Lorius alors installé à Paris comme chercheur au CNRS rejoignait à Grenoble un autre illustre glaciologue français : le professeur Louis Lliboutry, au sein de ce qui allait devenir le fameux Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement. Il dirigea ce laboratoire de 1984 à 1989, avant ensuite de prendre la présidence du tout nouvel Institut polaire français (devenu Ipev depuis) mis en place grâce à lui mais aussi à Paul-Emile Victor, fidèle complice et véritable moteur des expéditions françaises aux pôles.

    Il aura fallu près de vingt ans d’efforts à Claude Lorius et à ses équipes pour aboutir à des méthodes fiables permettant de reconstituer la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à partir du contenu des petites bulles d’air dans la glace. Ce fut tout d’abord le gaz carbonique. Après les travaux analytiques pionniers de Robert Delmas au sein de son équipe, utilisant un carottage français conduit au dôme C en Antarctique, Claude Lorius profita de sa force de persuasion pour accéder à plus de 2 kilomètres de carottes de glace tout juste obtenues par les Soviétiques à la station Vostok au cœur du continent blanc. Il s’y rendit en janvier 1985 alors que la guerre froide régnait encore, transporté par un avion américain avec ses deux collègues Jean-Robert Petit et Michel Creseveur. Tout un symbole de l’incroyable capacité qu’avait Claude de nouer des amitiés transcendant les frontières et les conflits afin d’atteindre ses objectifs.

    Il en résulta l’un des résultats scientifiques les plus marquants du siècle dernier pour les sciences de la planète : avec ses collègues Jean Jouzel, Dominique Raynaud et Jean-Marc Barnola, Claude Lorius publiait en octobre 1987 trois articles conjoints dans la prestigieuse revue scientifique Nature. Ils décrivaient pour la première fois et en grand détail l’évolution climatique au cours des derniers 160 000 ans, et en parallèle celle de la quantité de gaz carbonique dans l’atmosphère. Une remarquable corrélation était observée : plus de gaz carbonique durant les périodes chaudes qu’avait connu la Terre, moins de gaz carbonique durant les périodes froides. Ils montraient également que les quantités de gaz carbonique dans l’atmosphère d’aujourd’hui n’avaient pas d’équivalent sur la période étudiée. Ces résultats firent l’effet d’une bombe. Le climatologue américain de la Nasa James Hansen s’appuya dessus lors de son audition par le Congrès américain en juin 1988, contribuant à la mise en place du Giec en 1990.

    J’ai personnellement eu la chance inouïe de contribuer à ces avancées scientifiques en rejoignant l’équipe de Claude Lorius en 1986, afin d’utiliser les carottes de glace soviétiques de Vostok pour reconstituer l’évolution d’un autre gaz à effet de serre : le méthane. Là encore, nos observations corroboraient le lien étroit existant entre l’évolution du climat et celle de ce gaz à effet de serre. Je me souviens de ces moments d’excitation lorsqu’avec Jean-Marc et Dominique, semaine après semaine, nous retrouvions Claude Lorius dans son bureau pour montrer les nouveaux résultats obtenus dans le laboratoire. Les courbes se dessinaient petit à petit. Un jour, Claude tiendra ces propos prémonitoires : « Ça va faire mal ! »

    La vie de Claude Lorius fit l’objet d’un magnifique long-métrage : la Glace et le Ciel, sous la houlette du réalisateur oscarisé Luc Jacquet. En mai 2015, il était projeté en clôture du festival de Cannes. Quel souvenir alors de cette extraordinaire « standing ovation » en l’honneur de Claude, debout et en larmes au milieu des spectateurs. Un juste hommage à un meneur d’hommes extraordinairement charismatique, au destin exceptionnel, qui aura marqué la science et l’histoire. Mes plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches.

    #climat #recherche #ice_core_science

  • Against precariousness in higher education : 2023 is happening : Updates and Outlook

    Dear Supporters,

    In summer 2022 we celebrated a major success: the Swiss National Council voted in support of our demands to take steps towards a more sustainable academic system. We are eagerly awaiting the fruits of this decision, but national politics takes time. Meanwhile, a lot is happening within the different institutions of higher education. As the cantons and the universities themselves have a high autonomy in the Swiss federal political landscape, this work at the local level is extremely important. Here is a short overview on some of the local developments:

    – After years of hard work, the mid-level staff association in Zurich reached a breakthrough: The UZH is creating new permanent research and teaching positions. Sustainable working conditions and stable perspectives are feasible in Swiss academia and will benefit everyone, in particular the institutions themselves. Additionally, the University will grant an increase of protected research time for PhDs. You can find more details about these developments at UZH here.
    - In Fribourg, similar developments are happening. More permanent research, teaching and leading administrative positions will be created targeting members of the local mid-level staff association. Discussions on systemically strengthening its members’ voices through increased representation and votes in the university’s by-laws and meetings are currently underway and have received support from several actors involved at university level.
    - In Lausanne, the mid-level staff association launched a petition (please sign if you are at UNIL!) for equal working conditions between PhDs on external funding (such as an SNSF funding) and graduate assistants (assistant-e-s diplômé-e-s). The petition aims to reduce the wage gap by doubling the current allowance that SNSF PhD students receive; to guarantee full-time contracts with 70% of protected research time for graduate assistants; and to abolish the practice of multiple successive contracts during the PhD.
    - In Basel, an active group of PhD-Students and Post-Docs is pushing for change. The unionized group is working on power abuse, sexual assault and strategies for a fairer working environment. Get in contact here.
    - In Geneva, we have recently connected with the Association des Assistant-e-s (ADA) of the Geneva Graduate Institute (IHEID), which, together with the Syndicat Interprofessionnel of Travailleuses et Travailleurs, is participating in the local- and national-level mobilisation against mid-level staff precarity. Great to see that the mobilizations are expanding!
    - Actionuni, which is the umbrella association of all our mid-level staff associations, has already provided multiple position papers on the BFI Botschaft / Message FRI 2025-2028 to different institutional stakeholders. They are now preparing for the public consultation period, which will most likely start in June. Actionuni aims to ensure that despite looming cuts to the funding of higher education on a national level, sustainable researcher careers are possible across institutions of Swiss higher education.

    We are happy to see that the work of many mid-level staff associations leads to observable change. For the year to come, we need everyone’s effort. If you can, join your local mid-level staff association, join a union or share this newsletter and the petition academia website with any new colleagues at your institute. On our website you can find arguments and resources (for example the 18 reasons for permanent positions), media coverage and our demands for better working conditions in a sustainable academic system.

    And most importantly, this year for the very first time the BFI Botschaft / Message FRI – the key document that outlines the focus and funding for higher education on the national level for a four-year period (2025-2028)– will go through a public consultation process. This means that the public has three months to provide feedback on the document. We call on all mid-level staff associations to make use of this opportunity and make their voice heard by responding to it. The consultation period is planned to start in June. We will keep you posted.

    In the meantime, we wish you our very best,

    Your Petition Committee

    Reçu via la mailing-list de « la pétition », le 20 mars 2023.

    #corps_intermédiaire #université #Suisse #recherche #travail #conditions_de_travail

    –—

    Ajouté à la #métaliste des fils de discussion autour de la #précarisation de la #carrière des enseignant·es-chercheur·es dans les universités suisses :
    https://seenthis.net/messages/945135

  • Il est urgent de ralentir | Florence Maraninchi
    https://write.tedomum.net/flomaraninchi/il-est-urgent-de-ralentir

    Dans tous ces plans stratégiques de l’université face au changement climatique, il manque un objectif absolument essentiel : ralentir et réduire la voilure. Impossible d’atteindre la neutralité carbone, quels qu’en soient le périmètre et l’horizon temporel, sans remettre en cause profondément le fonctionnement actuel de l’université, et en particulier la course folle aux classements, aux financements, etc. Source : Relevé sur le Net...

  • Une étude révèle que les automobilistes enfreignent la #loi pour gagner du temps, tandis que les #cyclistes l’enfreignent pour sauver des vies
    http://carfree.fr/index.php/2023/03/13/une-etude-revele-que-les-automobilistes-enfreignent-la-loi-pour-gagner-du-te

    Les chercheurs ont constaté que presque tous les usagers de la route enfreignent la loi, mais que les raisons de ces infractions diffèrent d’un mode à l’autre. Les automobilistes enfreignent Lire la suite...

    #Alternatives_à_la_voiture #Insécurité_routière #Vélo #londres #recherche #relations_cyclistes-automobilistes #sécurité_routière #vitesse

  • L’excellence contre la science
    https://metropolitiques.eu/L-excellence-contre-la-science.html

    Décryptant les conséquences des récentes réformes des #universités en #France, Camille Vergnaud montre comment les injonctions au rayonnement international et au partenariat local contribuent à la mise en compétition et à la bureaucratisation de ces établissements. Compétitivité, excellence, visibilité internationale, transfert technologique : autant de termes – à la définition parfois floue – qui guident les politiques publiques actuelles de financement, d’évaluation et de pilotage du système #Essais

    / université, #enseignement, #recherche, #Nanterre, #Paris, #évaluation, #territoire, #États-Unis, France

    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_vergnaud.pdf

  • Combattre le capitalisme, une nécessité matérielle et politique (#éditorial LO du 20 février 2019)

    ...la #crise_économique s’approfondit. Les #injustices et les #inégalités explosent, parce que la classe capitaliste est de plus en plus rapace et aveuglée par la #recherche_du_profit. Et toute l’#économie est gangrenée par la #finance.

    #Emploi, #salaire, #retraite, #logement, #garde_des_enfants, #déserts_médicaux, #transports_publics, prise en charge des handicapés ou des personnes âgées dépendantes : le gouvernement est incapable d’apporter la moindre solution à des problèmes élémentaires et quotidiens.

    Il est également incapable d’enrayer les catastrophes climatiques et humanitaires qui menacent la société. Et il l’est tout autant pour contrer la montée des #idées_réactionnaires et le #délitement_moral de la société qui sont alimentés par le repli sur soi, la misère et la marginalisation sociale. Cela a de graves conséquences, car les forces politiques les plus réactionnaires prêtes à s’appuyer sur les pires préjugés sont à l’œuvre, avec l’ambition de prendre la place de partis politiques discrédités.

    Si elles parviennent au pouvoir, ces forces se porteront au secours de l’ordre bourgeois, en commençant par s’en prendre aux immigrés, avant d’attaquer l’ensemble du monde du travail.

    Pour les travailleurs, lutter pour leurs intérêts matériels ne peut suffire. Il faut aussi lutter contre le système capitaliste, porteur de bien d’autres menaces. Lever le drapeau de l’#émancipation_sociale, c’est-à-dire d’une société débarrassée de la dictature du #grand_capital, doit être leur perspective.

    Tous les jours, des travailleurs sont amenés à se défendre contre le #grand_patronat. Il faut que leur combat devienne collectif : le combat de la #classe_ouvrière contre la #classe_capitaliste. L’aboutissement doit en être le renversement de ce système capitaliste qui empoisonne la société.

    #révolution_sociale #capitalisme #crise_climatique #grande_bourgeoisie #parasitisme

  • Eliminalia, « un tueur à gages numérique » pour effacer ses traces en ligne

    Des articles de la SSR, de 24 Heures ou d’autres médias suisses sont ciblés par des entreprises de désinformation. Plusieurs milliers d’enquêtes journalistiques dans le monde ont été effacées ou rendues invisibles sur internet. Eliminalia, une entreprise d’e-réputation basée en Suisse, offre ses services à des criminels, des entrepreneurs véreux et des politiciens corrompus. Enquête.

    « Nous éliminons votre passé. Nous vous aidons dans votre futur » : c’est la promesse d’Eliminalia. Cette entreprise compte plusieurs dizaines de bureaux à travers le monde, dont trois en Suisse. Eliminalia est un des leaders du marché de l’e-réputation. Officiellement, elle utilise des méthodes légales pour effacer des photos ou des commentaires négatifs et ses clients sont des victimes d’attaques « injustifiées » sur internet.


    La page d’accueil francophone du site Eliminalia. [https://eliminalia.com/fr/]

    Mais la réalité est tout autre. Avec Forbidden Stories, un groupe de journalistes qui a pour objectif de poursuivre le travail de collègues menacés ou tués dans le monde, la RTS a pu obtenir des documents confidentiels sur l’entreprise et la liste de ses clients. Cette enquête fait partie du projet Story killers sur les mercenaires de la désinformation, une investigation réalisée par 30 médias internationaux dont la RTS.

    Les clients sont des trafiquants sexuels ou d’anciens tortionnaires
    Eliminalia compte plus de 1500 clients dans le monde. Il faut compter entre 5000 et plusieurs centaines de milliers de francs suisses pour nettoyer son nom sur internet. Parmi les clients qui souhaitent effacer leur passé, il y a Hernan Gabriel W., Wissam Mohamed N. ou Tomas Sanchez P. Le premier a été accusé de blanchir l’argent des cartels de la drogue mexicaine, le second a été condamné pour du trafic d’enfants et de prostitution et le dernier gagne sa vie en multipliant les arnaques immobilières et les faillites frauduleuses.

    Avec Eliminalia, ce n’est pas du droit à l’oubli. Cette société vend ses services à des filous. Elle efface le travail d’enquête de journalistes, elle efface la vérité. Cette entreprise est un tueur à gages numérique.

    Sébastien Fanti, avocat spécialiste dans le numérique

    D’autres clients sont d’anciens tortionnaires chiliens, des trafiquants d’armes et même une personne recherchée par Interpol. En Suisse, la RTS a identifié 43 clients. Ils ont engagé directement Eliminalia ou une autre entreprise de e-reputation qui a sous-traité le travail à Eliminalia. Plusieurs sont des ressortissants italiens établis au Tessin. Ils ont effacé leur nom d’affaires mafieuses en Italie pour une nouvelle réputation d’entrepreneur. D’autres clients suisses sont des personnalités adeptes de l’évasion fiscale ou d’arnaques à la cryptomonnaie. Il y a même un artiste de cirque condamné récemment pour attouchement sur mineur.

    Un service pour le crime organisé
    La RTS a soumis à Sébastien Fanti, un avocat expert en droit numérique, les informations récoltées dans cette enquête. Selon l’avocat, le droit à l’oubli se justifie au regard de l’ancienneté des faits et selon la gravité. « Une erreur de jeunesse, une bêtise d’ado ne doit pas poursuivre une personne toute sa vie sur internet. » Une personne peut légitimement demander à supprimer d’un site ou d’un moteur de recherche certaines informations le concernant. « Avec Eliminalia, ce n’est pas du droit à l’oubli. Cette société vend ses services à des filous. Elle efface le travail d’enquête de journalistes, elle efface la vérité. Cette entreprise est un tueur à gages numérique. »

    Eliminalia affirme pouvoir effacer n’importe quels articles de journaux sur internet. Les documents confidentiels montrent effectivement que des articles de médias comme Le Monde, Vice-News, mais aussi des médias suisses comme la SSR, Local.ch ou 24 Heures, ont été effacés.

    Comment cela fonctionne ?
    Plusieurs méthodes sont mises en place par des informaticiens. Il y a la technique de la « noyade » qui utilise plus de 600 faux médias en ligne. Ces faux médias postent des milliers d’articles élogieux sur les clients d’Eliminalia. Ce sont de faux sites d’information qui se nomment CNN News Today, London Uncensored, Mayday Washington ou Taiwan Times. Les faux articles se retrouvent en tête des résultats Google. Un complice de la mafia mexicaine se retrouve par exemple au cœur d’articles sur la philosophie ou sur le football américain. Les vrais articles sont noyés au fin fond des résultats Google.

    Eliminalia utilise également une technique de désindexation. L’entreprise abuse du système de déclaration des droits d’auteur mis en place par Google, Twitter ou Facebook. Elle fait des clones des articles négatifs sur les clients d’Eliminalia. Puis elle change la date de l’article et dépose plainte pour violation de droit d’auteur. Le tour de passe-passe permet de faire désindexer les vrais articles. Ces articles deviennent invisibles.

    Eliminalia utiliserait également des hackers. Ils éliminent à la source des documents ou des articles spécifiques. C’est une source au sein des services de sécurité espagnols qui l’affirme. Nous n’avons toutefois pas trouvé de preuve qu’un grand média européen ait été attaqué de la sorte.

    Pas de réaction d’Eliminalia
    Dans les semaines précédant la publication de notre enquête, Forbidden Stories et la RTS ont approché Eliminalia pour un commentaire, mais la société n’a pas répondu. Quelques jours plus tard, nous avons reçu une lettre d’un cabinet d’avocats français menaçant de poursuites judiciaires.

    Pendant ce temps, l’entreprise d’e-réputation a changé de nom dans certains pays. Aujourd’hui, la porte du bureau de Barcelone qui abritait autrefois un des bureaux d’Eliminalia se lit désormais « Idata Protection ». Les dossiers de la société confirment le changement de marque. Monsieur Sanchez, le fondateur d’Eliminalia, est introuvable.

    Ce riche homme d’affaires était autrefois actif dans le commerce des mères porteuses. Un business qui a fait la Une des journaux de manière négative. Difficile pourtant de trouver des traces de ses activités, l’homme a probablement utilisé les services de sa propre société pour nettoyer son passé. Monsieur Sanchez a réécrit sa réputation. Il ne reste du patron d’Eliminalia que des articles élogieux, ainsi que des vidéos de lui filmées comme des spots de publicité.

    François Ruchti en partenariat avec Forbidden Stories
    _ Retrouvez l’enquête complète dans Mise au Point dimanche à 20h10 sur RTS 1.
    Story Killers, une journaliste a été tuée, 100 autres ont continué son travail sur les mercenaires de la désinformation. [Forbidden Stories] 

    >> Lire l’exemple d’une banque genevoise : Comment une banque suisse blanchit son nom sur internet https://www.rts.ch/info/economie/13787007-comment-une-banque-suisse-blanchit-son-nom-sur-internet.html

    >> Lire le sujet sur un clown condamné pour actes sexuels sur mineure : Un célèbre clown condamné en Suisse efface son passé sur le web https://www.rts.ch/info/suisse/13794034-un-celebre-clown-condamne-en-suisse-efface-son-passe-sur-le-web.html

    Source : https://www.rts.ch/info/sciences-tech/13787015-eliminalia-un-tueur-a-gages-numerique-pour-effacer-ses-traces-en-ligne.

    #Internet #information #désinformation #e-réputation #criminalité #Story_killers #médias #indexation #hackers #recherches #Google #droits_d’auteur #Idata_Protection #Eliminalia

  • Ce mardi 31 janvier, tous en grève et en manifestation ! | #éditorial des bulletins d’entreprise #LO (23 janvier 2023)

    Après les grèves et les #manifestations massives du 19 janvier, celles du 31 doivent encore faire monter la pression sur le gouvernement et le grand patronat. Cela dépend de chacun d’entre nous .

    Quels que soient les métiers, les statuts et les secteurs professionnels, le ras-le-bol est général. Le 19 janvier, il s’est exprimé à l’échelle du pays, dans le privé comme dans le public, dans les petites entreprises comme dans les grandes.

    Le #recul_de_l’âge_de_la_retraite n’est qu’un aspect de ce ras-le-bol. Les salaires restent au centre de toutes les préoccupations. Malgré la flambée des prix, plus de 12 % pour les produits alimentaires, les augmentations salariales dépassent rarement les 4 %. Comment ne pas être écœuré quand on voit, dans le même temps, les profits crever les plafonds ? #inflation #salaires

    Et puis, il y a, bien sûr, les #conditions_de_travail. Partout, dans les usines, les bureaux, les hôpitaux… elles deviennent plus dures, avec du sous-effectif permanent, une #flexibilité et une #précarité de plus en plus grandes. Et aujourd’hui, #Macron s’attaque à nos retraites. Eh bien, la coupe est pleine !

    Mais puisque cette attaque des retraites nous concerne tous, elle nous permet d’exprimer notre ras-le-bol d’une même voix. Alors, exprimons-le en dehors de l’atelier, du service et de l’entreprise ! Transformons-le en une contestation commune ! #réforme_des_retraites

    Le bras de fer sur les retraites pose les problèmes fondamentaux du monde du travail. À qui doivent profiter les richesses que nous contribuons tous à créer ? À ceux qui nous exploitent au prétexte qu’ils ont apporté les capitaux ? À une poignée de milliardaires prêts, avec le gouvernement, à pourrir la vie de millions de travailleurs en leur volant une partie de leur retraite pour accumuler quelques milliards de plus ? Il ne faut pas l’accepter ! #grande_bourgeoisie #capitalisme #parasitisme

    Où allons-nous si nous continuons de nous plier aux diktats des politiciens et de la #bourgeoisie qui dirigent aujourd’hui ? Que ce soit sur le plan économique ou politique, toute la société évolue dans un sens catastrophique.

    La #recherche_du_profit, la #concurrence et la #spéculation agissent comme des rouleaux compresseurs, provoquant le saccage des services publics et toujours plus de crises .

    Plus grave encore, il y a les bruits de bottes qui se rapprochent avec l’escalade guerrière en cours en #Ukraine.

    Il suffit de voir comment Macron veut passer en force sur les retraites pour comprendre qu’il ne nous demandera pas notre avis pour entrer en guerre. Et pour acheter des missiles, des chars d’assaut et des avions de combat, il ne manquera pas d’argent. Le gouvernement a déjà porté le budget militaire à 413 milliards, soit 100 milliards de plus sur sept ans ! S’il y a la guerre, le gouvernement ne nous volera pas seulement deux ans de retraite, il volera les 20 ans de la jeunesse qu’il enverra au combat.

    Plus d’#injustice, plus d’#inégalités, plus de guerres, voilà ce que les capitalistes et leurs serviteurs politiques nous réservent, à nous et à nos enfants !

    La voie à suivre est là, devant nous. C’est de reprendre le chemin de la #lutte_collective et de la #solidarité_ouvrière. C’est de nous battre pour que la société ne soit plus gouvernée par les intérêts des capitalistes, l’#exploitation, la guerre économique et la suprématie de quelques-uns sur le monde entier.

    Il n’est jamais facile de se lancer dans le combat, surtout dans un combat dont on sait qu’il sera long. Car il ne suffira pas d’un ou deux jours de manifestations : le seul moyen de faire reculer le gouvernement est de le confronter à des grèves qui se multiplient et deviennent contagieuses.

    Le 19 janvier, des centaines de milliers de travailleurs ont découvert ou redécouvert la force du nombre et l’unité du monde du travail. Plus nous serons nombreux mardi, plus nous reprendrons confiance en nos forces collectives, et plus notre camp gagnera en combativité et en détermination.

    Au soir du 31, les #confédérations_syndicales annonceront un calendrier de mobilisations, suivant leur propre logique. Et des syndicats, dans plusieurs secteurs, appellent déjà à des grèves reconductibles. C’est dans ce sens-là qu’il faudra aller pour espérer renverser le #rapport_de_forces.

    Mais quels que soient les appels syndicaux, c’est à chacun d’entre nous de faire vivre la mobilisation, d’apprendre à l’organiser et à la contrôler. Une chose est sûre, pour l’emporter, il faut réussir à mettre toutes nos forces dans ce combat. Ensemble, montrons-leur que nous pouvons, nous aussi, mener la #lutte_de_classe, mettre cette réforme en échec et nous faire respecter !

  • The ‘Islamo-gauchiste threat’ as political nudge

    What is ‘islamo-gauchisme’? The word sparked heated debates in French academia and in public conversations in 2020–2021. This article endeavors to shed light on the origin of the notion, to look at its uses within and outside academia, and to reflect on the political ramifications of the controversy. Islamo-gauchisme is an unsubstantial notion which operates as political nudge in the public debate: it sounds sufficiently threatening and self-explanatory to be taken seriously. This study shows that the controversy on islamo-gauchisme has helped mainstream illiberal and right-wing policies, to make them plainly acceptable to the public.

    https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/09571558231152992
    #islamo-gauchisme #france #académique #ESR #origine #enseignement_supérieur #recherche #contreverse #débat_public

  • Enjeux climatiques : la recherche ne peut plus produire de la connaissance à tout prix
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2023/01/27/enjeux-climatiques-la-recherche-ne-peut-plus-produire-de-la-connaissance-a-t

    Pour le physicien Pablo Jensen, la crise écologique force les sciences à s’interroger sur le type de savoir qu’elles créent et à s’ouvrir aux recherches menées en dehors des universités.

    Le 14 novembre 2022, le CNRS a publié son bilan carbone : un chercheur émet, en moyenne, 14 tonnes de CO2 par an. Comparer ce chiffre aux 2 tonnes permises par les accords de Paris, activités personnelles comprises, donne le vertige. Car il est difficile d’imaginer comment on pourrait réduire de plus de 80 % les émissions sans repenser profondément les activités de recherche.
    Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Devant l’urgence climatique, de plus en plus de scientifiques tentés par la radicalité : « La désobéissance civile est un acte désespéré, pour alerter sur la situation dramatique dans laquelle on est »

    Puis, le 12 décembre, le comité d’éthique du même organisme, le Comets, abandonnait ce qui a été, depuis le début des sciences modernes, la position standard de la plupart des chercheurs : faire avancer la connaissance, c’est forcément bon, à la société de décider ensuite des bonnes ou mauvaises « applications ». Position paresseuse, voire hypocrite, car elle conduit à revendiquer les bonnes applications (médicaments…), en rejetant sur la société les mauvaises (pollutions, bombes…). Le Comets affirme, au contraire, que, face à la gravité de la situation environnementale, la recherche doit tenter d’évaluer ses impacts au préalable, en se demandant si « utiliser ou développer tel grand équipement (accélérateur de particules, grand calculateur) ou travailler sur telle thématique (biologie synthétique, génomique) est susceptible d’engendrer des impacts néfastes pour la biosphère ».

    Je vois là deux signes d’un grand basculement en train de redéfinir les savoirs et leur place dans la société. Pour mieux en saisir l’ampleur, peignons à grands traits les étapes passées. Jusqu’au XVIIe siècle, on vivait dans un monde dominé par le biologique, au niveau de l’économie (agriculture, construction en bois…) ou de la pensée (Aristote). Les sciences modernes ont émergé à la suite d’une double révolution, technique et politique : le déferlement des machines et l’émergence d’individus libres.

    Les nouvelles technologies (imprimerie, navigation, télescope…) ont élargi la connaissance du monde et bousculé les certitudes anciennes. Une nouvelle science « machinique », intimement associée aux réseaux technologiques, a permis une rétroaction positive inédite entre connaissance théorique et croissance industrielle, à l’exemple de la génétique moderne, née dans les laboratoires du brasseur Carlsberg, qui cherchait à stabiliser des levures pour produire de la bière en masse.

    Côté politique, l’urbanisation contribua à l’émergence d’individus confiants en leur capacité à comprendre et à maîtriser le monde. Ces deux révolutions partageaient des valeurs, comme le souci du débat critique, mais ont toujours été en tension, car les sciences prétendent disposer d’un savoir supérieur à l’« opinion » des non-experts, et engendrent des technologies qui bouleversent les sociétés par les marchés, sans débat démocratique.
    S’adapter à un monde devenu fini

    La grande accélération qui s’est ensuivie ébranle désormais la planète entière et impose de recréer des savoirs adaptés à un monde devenu fini. Des savoirs moins dépendants de technologies sophistiquées, et mieux insérés dans nos espaces délibératifs. Il ne s’agit nullement d’un retour romantique à des savoirs prémodernes, mais, au contraire, de l’approfondissement de la révolution démocratique, pour la création de savoirs « terrestres ».

    Concrètement, il s’agira d’abord de mieux financer des savoirs jugés essentiels pour apprendre à vivre dans ce monde fini : mieux comprendre les enchevêtrements entre tous les vivants, l’impact des inégalités, les alternatives low-tech, etc. Plus profondément, il faudra redéfinir ce que sont les savoirs et leur articulation avec les activités sociales. De nombreuses pistes concrètes ont été présentées aux Journées d’été des savoirs engagés et reliés (Jeser), tenues à Lyon, fin août, et organisées par un collectif de onze associations (Mouvement-ser.or).

    Ainsi, la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) et les observatoires écocitoyens ouvrent à la société civile un savoir expert (mesure de la radioactivité, toxicologie…) pour contrer un monopole privé ou étatique potentiellement opaque. Les Jeser ont aussi donné la parole à des recherches menées en dehors des universités. Ainsi, ATD Quart Monde croise les savoirs des personnes qui connaissent la pauvreté et les savoirs académiques pour créer des connaissances engagées, car l’association veut que « ça change ». Les paysans-boulangers ont, eux, créé une filière entière, allant des semences aux consommateurs, grâce à des savoirs spécifiques sur les variétés de blés paysans, et des outils low tech partagés garantissant leur souveraineté technologique. Tout en dialoguant avec la recherche académique, comme ils l’expliquent dans leur superbe livre Notre pain est politique (La Dernière Lettre, 2019).

    On pourrait imaginer une société parsemée de chercheurs, alternant des périodes d’engagement sur le terrain et d’autres plus en retrait, pour affiner les outils conceptuels de leurs communautés disciplinaires. Comme le proposait Bruno Latour dans son dernier discours à Sciences Po : dans la « nouvelle université des sciences terrestres », les sciences fondamentales auront pour tâche, non d’être une avant-garde trouvant les solutions, mais un « back-office » contribuant à « redéfinir ce que pourrait être le problème », et aidant les professionnels grâce aux « outils les plus avancés ». De quoi redonner aux sciences l’élan qui animait le philosophe John Dewey, pour qui « le futur de la démocratie [était] lié à l’extension de l’attitude scientifique ».

    Pablo Jensen(directeur de recherche CNRS, Laboratoire de physique, chargé de mission Transition écologique à l’ENS Lyon)

    Pablo Jensen est également l’auteur de Deep Earnings chez C&F éditions

    #Pablo_Jensen #Sciences_participatives #Recherche #Ethique #Soutenabilité