• Au niveau européen, un pacte migratoire « dangereux » et « déconnecté de la réalité »

    Sara Prestianni, du réseau EuroMed Droits, et Tania Racho, chercheuse spécialiste du droit européen et de l’asile, alertent, dans un entretien à deux voix, sur les #risques de l’accord trouvé au niveau européen et qui sera voté au printemps prochain.

    Après trois années de discussions, un accord a été trouvé par les États membres sur le #pacte_européen_sur_la_migration_et_l’asile la semaine dernière. En France, cet événement n’a trouvé que peu d’écho, émoussé par la loi immigration votée au même moment et dont les effets sur les étrangers pourraient être dramatiques.

    Pourtant, le pacte migratoire européen comporte lui aussi son lot de mesures dangereuses pour les migrant·es, entre renforcement des contrôles aux frontières, tri express des demandeurs d’asile, expulsions facilitées des « indésirables » et sous-traitance de la gestion des frontières à des pays tiers. Sara Prestianni, responsable du plaidoyer au sein du réseau EuroMed Droits, estime que des violations de #droits_humains seront inévitables et invite à la création de voies légales qui permettraient de protéger les demandeurs d’asile.

    La chercheuse Tania Racho, spécialiste du droit européen et de l’asile et membre du réseau Désinfox-Migrations, répond qu’à aucun moment les institutions européennes « ne prennent en compte les personnes exilées », préférant répondre à des « objectifs de gestion des migrations ». Dans un entretien croisé, elles alertent sur les risques d’une approche purement « sécuritaire », qui renforcera la vulnérabilité des concernés et les mettra « à l’écart ».

    Mediapart : Le pacte migratoire avait été annoncé par la Commission européenne en septembre 2020. Il aura fait l’objet de longues tergiversations et de blocages. Était-ce si difficile de se mettre d’accord à 27 ?

    Tania Racho : Dans l’état d’esprit de l’Union européenne (UE), il fallait impérativement démontrer qu’il y a une gestion des migrations aux #frontières_extérieures pour rassurer les États membres. Mais il a été difficile d’aboutir à un accord. Au départ, il y avait des mesures pour des voies sécurisées d’accès à l’Union avec plus de titres économiques : ils ont disparu au bénéfice d’une crispation autour des personnes en situation irrégulière.

    Sara Prestianni : La complexité pour aboutir à un accord n’est pas due à la réalité des migrations mais à l’#instrumentalisation du dossier par beaucoup d’États. On l’a bien vu durant ces trois années de négociations autour du pacte : bien que les chiffres ne le justifiaient pas, le sujet a été fortement instrumentalisé. Le résultat, qui à nos yeux est très négatif, est le reflet de ces stratégies : cette réforme ne donne pas de réponse au phénomène en soi, mais répond aux luttes intestines des différents États.

    La répartition des demandeurs d’asile sur le sol européen a beaucoup clivé lors des débats. Pourquoi ?

    Sara Prestianni : D’abord, parce qu’il y a la fameuse réforme du #règlement_Dublin [qui impose aux exilés de demander l’asile dans le pays par lequel ils sont entrés dans l’UE - ndlr]. Ursula von der Leyen [présidente de la Commission – ndlr] avait promis de « #dépasser_Dublin ». Il est aujourd’hui renforcé. Ensuite, il y a la question de la #solidarité. La #redistribution va finalement se faire à la carte, alors que le Parlement avait tenté de revenir là-dessus. On laisse le choix du paiement, du support des murs et des barbelés aux frontières internes, et du financement de la dimension externe. On est bien loin du concept même de solidarité.

    Tania Racho : L’idée de Dublin est à mettre à la poubelle. Pour les Ukrainiens, ce règlement n’a pas été appliqué et la répartition s’est faite naturellement. La logique de Dublin, c’est qu’une personne qui trouve refuge dans un État membre ne peut pas circuler dans l’UE (sans autorisation en tout cas). Et si elle n’obtient pas l’asile, elle n’est pas censée pouvoir le demander ailleurs. Mais dans les faits, quelqu’un qui voit sa demande d’asile rejetée dans un pays peut déposer une demande en France, et même obtenir une protection, parce que les considérations ne sont pas les mêmes selon les pays. On s’interroge donc sur l’utilité de faire subir des transferts, d’enfermer les gens et de les priver de leurs droits, de faire peser le coût de ces transferts sur les États… Financièrement, ce n’est pas intéressant pour les États, et ça n’a pas de sens pour les demandeurs d’asile.

    D’ailleurs, faut-il les répartir ou leur laisser le libre #choix dans leur installation ?

    Tania Racho : Cela n’a jamais été évoqué sous cet angle. Cela a du sens de pouvoir les laisser choisir, parce que quand il y a un pays de destination, des attaches, une communauté, l’#intégration se fait mieux. Du point de vue des États, c’est avant tout une question d’#efficacité. Mais là encore on ne la voit pas. La Cour européenne des droits de l’homme a constaté, de manière régulière, que l’Italie ou la Grèce étaient des États défaillants concernant les demandeurs d’asile, et c’est vers ces pays qu’on persiste à vouloir renvoyer les personnes dublinées.

    Sara Prestianni : Le règlement de Dublin ne fonctionne pas, il est très coûteux et produit une #errance continue. On a à nouveau un #échec total sur ce sujet, puisqu’on reproduit Dublin avec la responsabilité des pays de première entrée, qui dans certaines situations va se prolonger à vingt mois. Même les #liens_familiaux (un frère, une sœur), qui devaient permettre d’échapper à ce règlement, sont finalement tombés dans les négociations.

    En quoi consiste le pacte pour lequel un accord a été trouvé la semaine dernière ?

    Sara Prestianni : Il comporte plusieurs documents législatifs, c’est donc une #réforme importante. On peut évoquer l’approche renforcée des #hotspots aux #frontières, qui a pourtant déjà démontré toutes ses limites, l’#enfermement à ciel ouvert, l’ouverture de #centres_de_détention, la #procédure_d’asile_accélérée, le concept de #pays-tiers_sûr que nous rejetons (la Tunisie étant l’exemple cruel des conséquences que cela peut avoir), la solidarité à la carte ou encore la directive sur l’« instrumentalisation » des migrants et le concept de #force_majeure en cas d’« #arrivées_massives », qui permet de déroger au respect des droits. L’ensemble de cette logique, qui vise à l’utilisation massive de la #détention, à l’#expulsion et au #tri des êtres humains, va engendrer des violations de droits, l’#exclusion et la #mise_à_l’écart des personnes.

    Tania Racho : On met en place des #centres_de_tri des gens aux frontières. C’est d’une #violence sans nom, et cette violence est passée sous silence. La justification du tri se fait par ailleurs sur la nationalité, en fonction du taux de protection moyen de l’UE, ce qui est absurde car le taux moyen de protection varie d’un pays à l’autre sur ce critère. Cela porte aussi une idée fausse selon laquelle seule la nationalité prévaudrait pour obtenir l’asile, alors qu’il y a un paquet de motifs, comme l’orientation sexuelle, le mariage forcé ou les mutilations génitales féminines. Difficile de livrer son récit sur de tels aspects après un parcours migratoire long de plusieurs mois dans le cadre d’une #procédure_accélérée.

    Comment peut-on opérer un #tri_aux_frontières tout en garantissant le respect des droits des personnes, du droit international et de la Convention de Genève relative aux réfugiés ?

    Tania Racho : Aucune idée. La Commission européenne parle d’arrivées mixtes et veut pouvoir distinguer réfugiés et migrants économiques. Les premiers pourraient être accueillis dignement, les seconds devraient être expulsés. Le rush dans le traitement des demandes n’aidera pas à clarifier la situation des personnes.

    Sara Prestianni : Ils veulent accélérer les procédures, quitte à les appliquer en détention, avec l’argument de dire « Plus jamais Moria » [un camp de migrants en Grèce incendié – ndlr]. Mais, ce qui est reproduit ici, c’est du pur Moria. En septembre, quand Lampedusa a connu 12 000 arrivées en quelques jours, ce pacte a été vendu comme la solution. Or tel qu’il est proposé aujourd’hui, il ne présente aucune garantie quant au respect du droit européen et de la Convention de Genève.

    Quels sont les dangers de l’#externalisation, qui consiste à sous-traiter la gestion des frontières ?

    Sara Prestianni : Alors que se négociait le pacte, on a observé une accélération des accords signés avec la #Tunisie, l’#Égypte ou le #Maroc. Il y a donc un lien très fort avec l’externalisation, même si le concept n’apparaît pas toujours dans le pacte. Là où il est très présent, c’est dans la notion de pays tiers sûr, qui facilite l’expulsion vers des pays où les migrants pourraient avoir des liens.

    On a tout de même l’impression que ceux qui ont façonné ce pacte ne sont pas très proches du terrain. Prenons l’exemple des Ivoiriens qui, à la suite des discours de haine en Tunisie, ont fui pour l’Europe. Les États membres seront en mesure de les y renvoyer car ils auront a priori un lien avec ce pays, alors même qu’ils risquent d’y subir des violences. L’Italie négocie avec l’#Albanie, le Royaume-Uni tente coûte que coûte de maintenir son accord avec le #Rwanda… Le risque, c’est que l’externalisation soit un jour intégrée à la procédure l’asile.

    Tania Racho : J’ai appris récemment que le pacte avait été rédigé par des communicants, pas par des juristes. Cela explique combien il est déconnecté de la réalité. Sur l’externalisation, le #non-refoulement est prévu par le traité sur le fonctionnement de l’UE, noir sur blanc. La Commission peut poursuivre l’Italie, qui refoule des personnes en mer ou signe ce type d’accord, mais elle ne le fait pas.

    Quel a été le rôle de l’Italie dans les discussions ?

    Sara Prestianni : L’Italie a joué un rôle central, menaçant de faire blocage pour l’accord, et en faisant passer d’autres dossiers importants à ses yeux. Cette question permet de souligner combien le pacte n’est pas une solution aux enjeux migratoires, mais le fruit d’un #rapport_de_force entre les États membres. L’#Italie a su instrumentaliser le pacte, en faisant du #chantage.

    Le pacte n’est pas dans son intérêt, ni dans celui des pays de premier accueil, qui vont devoir multiplier les enfermements et continuer à composer avec le règlement Dublin. Mais d’une certaine manière, elle l’a accepté avec la condition que la Commission et le Conseil la suivent, ou en tout cas gardent le silence, sur l’accord formulé avec la Tunisie, et plus récemment avec l’Albanie, alors même que ce dernier viole le droit européen.

    Tania Racho : Tout cela va aussi avoir un #coût – les centres de tri, leur construction, leur fonctionnement –, y compris pour l’Italie. Il y a dans ce pays une forme de #double_discours, où on veut d’un côté dérouter des bateaux avec une centaine de personnes à bord, et de l’autre délivrer près de 450 000 visas pour des travailleurs d’ici à 2025. Il y a une forme illogique à mettre autant d’énergie et d’argent à combattre autant les migrations irrégulières tout en distribuant des visas parce qu’il y a besoin de #travailleurs_étrangers.

    Le texte avait été présenté, au départ, comme une réponse à la « crise migratoire » de 2015 et devait permettre aux États membres d’être prêts en cas de situation similaire à l’avenir. Pensez-vous qu’il tient cet objectif ?

    Tania Racho : Pas du tout. Et puisqu’on parle des Syriens, rappelons que le nombre de personnes accueillies est ridicule (un million depuis 2011 à l’échelle de l’UE), surtout lorsqu’on le compare aux Ukrainiens (10 millions accueillis à ce jour). Il est assez étonnant que la comparaison ne soit pas audible pour certains. Le pacte ne résoudra rien, si ce n’est dans le narratif de la Commission européenne, qui pense pouvoir faire face à des arrivées mixtes.

    On a les bons et mauvais exilés, on ne prend pas du tout en compte les personnes exilées, on s’arrête à des objectifs de #gestion alors que d’autres solutions existent, comme la délivrance de #visas_humanitaires. Elles sont totalement ignorées. On s’enfonce dans des situations dramatiques qui ne feront qu’augmenter le tarif des passeurs et le nombre de morts en mer.

    Sara Prestianni : Si une telle situation se présente de nouveau, le règlement « crise » sera appliqué et permettra aux États membres de tout passer en procédure accélérée. On sera donc dans un cas de figure bien pire, car les entraves à l’accès aux droits seront institutionnalisées. C’est en cela que le pacte est dangereux. Il légitime toute une série de violations, déjà commises par la Grèce ou l’Italie, et normalise des pratiques illégales. Il occulte les mesures harmonisées d’asile, d’accueil et d’intégration. Et au lieu de pousser les États à négocier avec les pays de la rive sud, non pas pour renvoyer des migrants ou financer des barbelés mais pour ouvrir des voies légales et sûres, il mise sur une logique sécuritaire et excluante.

    Cela résonne fortement avec la loi immigration votée en France, supposée concilier « #humanité » et « #fermeté » (le pacte européen, lui, prétend concilier « #responsabilité » et « #solidarité »), et qui mise finalement tout sur le répressif. Un accord a été trouvé sur les deux textes au même moment, peut-on lier les deux ?

    Tania Racho : Dans les deux cas, la seule satisfaction a été d’avoir un accord, dans la précipitation et dans une forme assez particulière, entre la commission mixte paritaire en France et le trilogue au niveau européen. Ce qui est intéressant, c’est que l’adoption du pacte va probablement nécessiter des adaptations françaises. On peut lier les deux sur le fond : l’idée est de devoir gérer les personnes, dans le cas français avec un accent particulier sur la #criminalisation_des_étrangers, qu’on retrouve aussi dans le pacte, où de nombreux outils visent à lutter contre le terrorisme et l’immigration irrégulière. Il y a donc une même direction, une même teinte criminalisant la migration et allant dans le sens d’une fermeture.

    Sara Prestianni : Les États membres ont présenté l’adoption du pacte comme une grande victoire, alors que dans le détail ce n’est pas tout à fait évident. Paradoxalement, il y a eu une forme d’unanimité pour dire que c’était la solution. La loi immigration en France a créé plus de clivages au sein de la classe politique. Le pacte pas tellement, parce qu’après tant d’années à la recherche d’un accord sur le sujet, le simple fait d’avoir trouvé un deal a été perçu comme une victoire, y compris par des groupes plus progressistes. Mais plus de cinquante ONG, toutes présentes sur le terrain depuis des années, sont unanimes pour en dénoncer le fond.

    Le vote du pacte aura lieu au printemps 2024, dans le contexte des élections européennes. Risque-t-il de déteindre sur les débats sur l’immigration ?

    Tania Racho : Il y aura sans doute des débats sur les migrations durant les élections. Tout risque d’être mélangé, entre la loi immigration en France, le pacte européen, et le fait de dire qu’il faut débattre des migrations parce que c’est un sujet important. En réalité, on n’en débat jamais correctement. Et à chaque élection européenne, on voit que le fonctionnement de l’UE n’est pas compris.

    Sara Prestianni : Le pacte sera voté avant les élections, mais il ne sera pas un sujet du débat. Il y aura en revanche une instrumentalisation des migrations et de l’asile, comme un outil de #propagande, loin de la réalité du terrain. Notre bataille, au sein de la société civile, est de continuer notre travail de veille et de dénoncer les violations des #droits_fondamentaux que cette réforme, comme d’autres par le passé, va engendrer.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/281223/au-niveau-europeen-un-pacte-migratoire-dangereux-et-deconnecte-de-la-reali
    #pacte #Europe #pacte_migratoire #asile #migrations #réfugiés

  • Les ménages les plus aisés ont échappé au piège de l’inflation, pas les plus modestes

    L’#Insee publie deux études qui permettent de mesurer l’impact de l’inflation sur le niveau de vie. Conséquence d’une #politique_antiredistributive du gouvernement, les 10 % les plus aisés sont les seuls à avoir vu leur capacité d’acheter progresser.

    LaLa France a connu en 2022 le plus fort taux d’inflation depuis le milieu des années 1980, avec un niveau moyen de 5,2 %. Cette accélération de la hausse des prix est souvent difficile à traduire en termes d’impact sur le niveau de vie, car le taux d’inflation concerne un panier moyen assez éloigné de la réalité des dépenses quotidiennes des ménages. De même, il est parfois difficile de saisir la réalité de l’évolution des revenus qui viendrait compenser cette hausse des prix.

    Deux études de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) publiées jeudi 23 novembre dans le cadre de son « Portrait social de la France » annuel tentent néanmoins de saisir le phénomène. La première décrypte l’impact sur les niveaux de vie des mesures sociofiscales, c’est-à-dire des mesures prises par le gouvernement sur le plan des allocations, exceptionnelles ou non, et des changements fiscaux. La seconde tente d’établir un état des lieux de l’évolution du niveau de vie en 2022 en estimant l’impact de l’évolution des différents types de revenu.

    Cela ne surprendra personne, mais le résultat de cette dernière étude confirme la baisse majeure du niveau de vie en France en 2022. Selon l’Insee, les mesures sociofiscales et l’évolution des revenus n’ont, en moyenne, compensé que 90 % de la hausse estimée des dépenses liées à l’inflation. C’est-à-dire que les revenus ont augmenté 10 % en deçà de la hausse des dépenses.

    Mais la facture n’a pas été la même pour tout le monde. Pour 80 % des Français, l’impact négatif est plutôt compris entre 15 % et 20 %, et plutôt proche de 20 %. Mais pour les 10 % qui bénéficient des revenus les plus élevés, l’année 2022 a été une année où les revenus ont dépassé de 10 % la hausse des prix.

    Autrement dit, l’inflation a encore creusé les inégalités réelles. Cette vérité est d’autant plus dure que pour les plus modestes, la compensation n’est liée qu’à des mesures ponctuelles, alors que pour les plus riches, ce sont les revenus primaires qui ont augmenté.
    Les effets des mesures gouvernementales

    Pour comprendre le phénomène, il faut revenir à l’impact de la hausse des prix sur les dépenses des ménages. L’Insee a travaillé sur l’hypothèse d’une stabilité des comportements, autrement dit sur une structure stable des dépenses. Dans les faits, bien sûr, l’inflation conduit à des changements de comportement de consommation. Mais l’idée ici est de comparer l’effet de l’inflation de 2022 sur le niveau de vie de 2021, l’hypothèse est donc cohérente.

    L’Institut estime que le renchérissement de ces dépenses s’élève en moyenne à 1 320 euros sur 2022. Mais là encore, la situation n’est pas la même selon le niveau de revenu. Si les plus riches ont une facture plus élevée en euros courants, ce qui est logique puisqu’ils consomment davantage, l’impact de cette hausse est beaucoup plus faible. Ainsi, les Français qui ont les 10 % des revenus les plus hauts ont vu leur niveau de vie amputé par l’inflation de 3,6 %. Mais pour ceux qui ont les revenus les 10 % les plus bas, cet impact négatif est de 7,4 %, soit plus du double.

    En face, deux sources de revenu sont venues compenser cette dégradation : d’un côté la politique sociofiscale, de l’autre l’effet des revenus primaires, c’est-à-dire l’effet des revenus du travail et du patrimoine.

    Sur le premier terrain, le gouvernement a multiplié les mesures ponctuelles comme le chèque énergie, la prime exceptionnelle de rentrée, l’indemnité inflation ou la revalorisation anticipée de certaines prestations. À cela se sont ajoutées quelques mesures pérennes de revalorisation, notamment celle de l’allocation pour les familles monoparentales ou la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé. Enfin, il y a eu la dernière phase de la suppression de la taxe d’habitation, imposée à l’État après sa décision de supprimer cette taxe pour les classes moyennes lors du premier quinquennat.

    Toutes ces mesures ont coûté 5,7 milliards d’euros en termes nets et, logiquement, elles ont d’abord profité aux plus modestes. Cumulées, elles ont apporté 190 euros supplémentaires par ménage en moyenne, mais l’effet est de 360 euros pour le premier décile de revenus (les 10 % qui ont les revenus les plus bas), soit un effet positif de 3,4 % sur leur niveau de vie. On voit qu’on est loin de la hausse des dépenses.

    A contrario des autres mesures sociofiscales, qui ont logiquement moins d’effet à mesure que le revenu augmente, la fin de la taxe d’habitation, qui concerne les 20 % de la population aux revenus les plus élevés, a, elle, permis d’ajouter 0,4 % de niveau de vie à cette seule population. Ce qui a un effet intéressant : l’effet des mesures sociofiscales sur les hauts revenus est, au total, plus important que pour les classes moyennes supérieures (les 30 % de la population dont les revenus sont supérieurs à la moyenne, mais inférieurs aux 20 % les plus riches).
    Des revenus du travail en faible progression

    Le deuxième élément clé pour saisir l’évolution du niveau de vie est celui des revenus primaires. Pour les plus modestes, l’essentiel des revenus est lié au salaire. Plus on s’élève dans la hiérarchie sociale, plus la part des revenus du patrimoine (immobilier, produits financiers divers, dividendes) augmente.

    Ce que montre l’étude de l’Insee, c’est que l’évolution des salaires a été très éloignée de celle des prix. Ils n’ont en effet augmenté le niveau de vie qu’entre 1,5 % et 2 % en moyenne, bien loin, par conséquent, des effets inflationnistes. Et là encore, ce sont les plus modestes qui en ont le moins profité.

    Pour les plus aisés, notamment les 10 % de la population aux revenus les plus élevés, l’augmentation des salaires n’a pas été très élevée en termes de niveau de vie. Mais elle est plus que compensée par l’augmentation des revenus du patrimoine. Cette dernière représente pour ces 10 % pas moins de 970 euros en moyenne, soit 1,5 % du niveau de vie. Pour les 90 % de la population restante, l’effet des revenus du patrimoine est en moyenne de 150 euros, soit entre 0,5 et 0,8 % du niveau de vie.

    Cette situation n’est pas étonnante, et elle est le fruit d’un phénomène de long terme en partie explicable par la stratégie du gouvernement de supprimer en 2018 l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et d’introduire un niveau maximal d’imposition sur les revenus du capital à 30 % (c’est le prélèvement forfaitaire unique ou PFU). Cela a conduit une partie des individus aisés à faire basculer leur revenu du salaire vers le dividende, plus intéressant fiscalement. C’est ce qui explique aussi l’écart de performance entre ces deux types de revenu.

    Au total, l’effet de l’évolution des revenus est très faible pour les plus modestes : ils ne compensent qu’à 25 % la hausse du prix des dépenses pour les 10 % aux revenus les plus faibles. Mais les plus aisés, eux, sont bien protégés : les 10 % aux revenus les plus élevés voient leurs revenus primaires compenser à 95 % la hausse de leurs dépenses liées à l’inflation.

    C’est ainsi que l’on en arrive au résultat final : malgré un effort de compensation important de l’État, les plus modestes restent les plus grandes victimes de l’inflation, tandis que les plus aisés, eux, gagnent sur tous les tableaux : hausse des revenus primaires grâce aux revenus du patrimoine et surplus de revenu grâce à la suppression de la taxe d’habitation.

    Il convient de le souligner : si les plus aisés voient leurs revenus augmenter plus vite que leurs dépenses, c’est certes grâce aux revenus du patrimoine, mais aussi et surtout à cause de cette suppression de la taxe d’habitation, qui est une mesure antiredistributive. Or, si le Conseil d’État a contraint le gouvernement à supprimer l’ensemble de cette taxe, rien n’empêchait ce même gouvernement de trouver des mesures compensatoires pour ne pas favoriser les revenus des plus aisés tout en appauvrissant la puissance publique et sa capacité de redistribution.

    Ce résultat est d’autant plus préoccupant que les plus modestes doivent principalement compter sur des mesures provisoires qui les laissent à la merci du bon vouloir de l’État, tandis que les plus riches, eux, peuvent s’appuyer pour leurs revenus sur des mesures pérennes (fin de la taxe d’habitation, baisse de l’impôt sur le capital).

    Si donc on réfléchit aux effets durables de l’inflation, il est important de noter, puisque les prix ne baisseront pas, que la perte de niveau de vie des Français sera durable. Le décalage entre le niveau des prix et les revenus va rester constant, faute de dynamique des revenus du travail et compte tenu du retrait des mesures anti-inflationnistes, qui ne prennent pas en compte cet aspect durable. Les plus riches, eux, peuvent se réjouir puisque l’amélioration de leur sort, déjà très favorable, sera encore plus notable avec le ralentissement des prix.
    La responsabilité du gouvernement

    Derrière ces chiffres déjà désastreux, il y a une réalité encore plus dure. Pour les ménages les plus modestes, les revenus du travail sont insuffisants et les revenus sociaux sont incertains, et même souvent menacés. La politique d’attaques contre les allocations-chômage en 2023 en a apporté la preuve formelle : le gouvernement n’est pas un garant fiable de l’évolution future de leur niveau de vie.

    On notera d’ailleurs que, malgré les « chèques énergie » et autres « indemnités inflation », les ménages les plus exposés aux dépenses importantes d’énergie et de carburant ont été les plus touchés. Le niveau de vie des ménages ruraux est ainsi plus dégradé que celui des ménages de la région parisienne, qui, en moyenne, est plutôt stable.

    En réalité, la responsabilité gouvernementale dans la situation décrite par l’Insee est bien plus vaste. Emmanuel Macron l’avait annoncé dès sa conférence de presse du 14 juillet 2020 : il défend une politique de « modération salariale » en vue de favoriser les profits et l’accumulation du capital. Cette logique sous-tend l’ensemble des réformes du marché du travail, des retraites et de l’assurance-chômage menées depuis 2017. Et elle va se poursuivre, comme l’a confirmé le chef de l’État mardi 21 novembre.

    Il n’y a donc aucune surprise à ce que les revenus salariaux ne suivent pas les prix. Évidemment, l’autre conséquence de cette politique, c’est que l’État, pour tenter de modérer l’effet désastreux de sa propre politique, doit intervenir avec des mesures coûteuses mais forcément partielles. Mesures que ce même État fera payer aux plus modestes plus tard par une politique de dégradation de la redistribution et des services publics au nom de la « réduction de la dette », puisqu’il refuse toute hausse d’impôts.

    La boucle est bouclée. Ce refus de la redistribution fiscale est, comme on l’a vu, très favorable aux plus aisés sur le long terme. L’État apparaît alors comme un Don Quichotte économique, feignant de lutter contre un mouvement de fond. À cette différence près avec l’Hidalgo de la Mancha que c’est lui-même qui initie et soutient ce mouvement de fond.

    Les satisfecit continus du gouvernement se glorifiant des différentes mesures d’aides contre les effets de l’inflation ne peuvent donc pas dissimuler l’échec patent de sa stratégie. En donnant la priorité aux profits et aux rentes, il met à contribution le travail et expose les ménages modestes aux conséquences directes de l’inflation.

    Ainsi, l’effet de l’inflation, plus fort pour le bas de la distribution des revenus, n’est pas le fruit d’une force économique malheureuse et incontrôlable, elle est directement le produit d’une politique. Et de fait, la faiblesse de la hausse des revenus du travail face aux prix confirme l’importance de l’indexation salariale pour préserver le niveau de vie des travailleurs. Mais le gouvernement préfère protéger les revenus des plus riches, et c’est même le cœur de sa philosophie économique.

    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/231123/les-menages-les-plus-aises-ont-echappe-au-piege-de-l-inflation-pas-les-plu
    #redistribution #économie

    #pauvreté #richesse #riches #pauvres #inflation #statistiques #chiffres #France #fiscalité #niveau_de_vie

  • Sans les #services_publics, les #inégalités exploseraient

    Une étude de l’#Insee montre à quel point le modèle social français et les services publics, notamment l’#éducation et la #santé, permettent de réduire les inégalités en #France. Et que leur #dégradation s’avérerait désastreuse.

    SouventSouvent vilipendés pour le poids trop important qu’ils représentent dans la dépense publique, le modèle social français et les services publics jouent un rôle fondamental dans la baisse des inégalités en France. Une étude de l’Insee publiée le 19 septembre le montre de manière chiffrée.

    Pour étayer leur propos, les statisticiens de l’Insee ont développé une approche comptable élargie du système de redistribution français. Ils considèrent d’abord, concernant les prélèvements obligatoires, que « tout impôt prélevé a in fine une contrepartie directe ou indirecte pour les ménages ». Dès lors, ils prennent en compte dans leurs calculs « outre les impôts directs, les autres prélèvements comme les taxes sur les produits et la production ainsi que les cotisations sociales des employeurs et des salariés ».

    Et côté versements, l’Insee considère toutes les prestations sociales – retraites, chômage, APL, etc. – mais aussi, et c’est une particularité de son étude, « une valorisation monétaire des services publics » qu’ils soient individualisables – comme l’éducation et la santé – ou collectifs, comme la défense ou la recherche.
    Baisse drastique des inégalités

    Tout cela pris en compte, l’Insee estime que l’ensemble de ces transferts publics s’élève « à un peu plus de 500 milliards d’euros (25 % du revenu national net en 2019) » et « contribue à une réduction significative des inégalités de revenus ».

    Voyez plutôt : avant transferts, les ménages aisés – les 10 % les plus riches – ont un revenu 18 fois plus élevé que celui des ménages pauvres – ceux dont les revenus sont inférieurs à 60 % du niveau de vie médian, soit environ 13 % de la population. Mais après transferts publics, ce rapport n’est plus que de… 1 à 3.

    Autres chiffres : en 2019, et toujours en prenant en compte l’approche de redistribution élargie de l’Insee, 57 % des personnes recevaient plus qu’ils ne versaient à la collectivité. Cette part de bénéficiaires nets de la redistribution élargie s’élève à 85 % parmi les 30 % les plus modestes et, à l’inverse, à 13 % parmi les 5 % les plus aisés. Preuve que le système redistributif, s’il est loin d’être parfait, remplit une partie de sa mission.

    Quels sont les principaux facteurs explicatifs de cette baisse des inégalités ? Principalement « l’ampleur des dépenses en santé et d’éducation » qui explique plus de 50 % de la réduction des inégalités ; ainsi que les minima sociaux ciblés sur les plus modestes, qui pèsent 40 % de la baisse, répond l’Insee.

    Les dépenses de santé, d’abord, réduisent les inégalités du fait « des montants plus importants de remboursements de santé en direction des plus modestes, liés à un état de santé plus dégradé de cette partie de la population », dit l’Insee.

    Les dépenses d’éducation, ensuite, bénéficient de la même manière aux ménages ayant des enfants scolarisés indépendamment de leurs revenus, donc « elles contribuent à réduire la différence relative de revenus ». Par ailleurs, « les ménages ayant des enfants en âge d’être scolarisés (ou à leur charge) se retrouvent plus souvent dans le bas de la distribution du niveau de vie [...] en premier lieu les familles monoparentales » qui bénéficient donc plus en part de leurs revenus « du service rendu par l’éducation », ce qui tend à réduire les inégalités.

    Enfin, précise l’Insee, les prestations sociales en espèces – hors retraites – jouent un rôle déterminant dans la réduction de la pauvreté : « Les minima sociaux et allocations logement sont en effet ciblés sur les 30 % des personnes les plus modestes et décroissent fortement avec les revenus. »

    En plus des plus modestes, des familles avec enfants et des ménages les moins diplômés, une autre catégorie de population bénéficie fortement de la redistribution en France : les retraités. Environ 90 % des individus appartenant à un ménage dont la personne de référence est âgée de 65 ans ou plus voient leur niveau de vie augmenter grâce au système de redistribution élargie, nous dit l’Insee.

    S’ils bénéficient moins des dépenses d’éducation que les autres ménages car ils n’ont pour la plupart plus d’enfant scolarisé, en revanche ils sont les principaux destinataires des dépenses de santé et du système de retraite par répartition.
    Un système fiscal injuste

    Mais il demeure toutefois d’importants trous dans la raquette du système de redistribution en France. Et ce, principalement concernant le système fiscal qui, précise l’Insee, tend à augmenter légèrement les inégalités.

    Cela est dû à deux choses : d’abord à l’effet dégressif avec les revenus des taxes sur les produits et sur la production, qui pénalisent les plus modestes. L’exemple le plus connu est celui de la TVA dont le taux sur les produits dans les rayons des supermarchés s’applique de la même manière au consommateur au Smic qu’à l’ultrariche. C’est également le cas avec les impôts indirects sur l’alcool, le tabac et les carburants.

    Hélas, dit l’Insee, l’effet de ces taxes inégalitaires n’est pas compensé totalement par l’effet progressif des impôts sur le revenu et le patrimoine.

    L’autre raison au caractère injuste du système fiscal français tient à la sous-taxation des plus riches : au sein des 10 % les plus aisés, explique l’Insee, le profil des prélèvements décroît en part du revenu, principalement en raison d’une hausse de l’épargne, qui n’est pas imposée au moment de sa constitution, et des revenus du patrimoine, qui sont moins soumis aux cotisations sociales que les salaires.
    Besoins de services publics

    En somme, faute de système fiscal efficace, heureusement que le modèle social et les services publics sont là pour compenser, grâce aux transferts publics, les effets inégalitaires de l’économie de marché. Il est toujours bon de le rappeler à quelques jours de l’ouverture des débats budgétaires sur la prochaine loi de finances, durant lesquels la vision comptable de l’économie l’emporte souvent sur l’intérêt général.

    D’autant que la qualité des services publics au regard des besoins tend à se dégrader. Une étude récente du collectif « Nos services publics » montre que sur plusieurs pans de l’action publique – la santé, l’éducation, la justice, les transports, l’environnement... –, les dépenses pour les services publics sont très loin de suivre l’évolution des besoins non pourvus de la population en la matière.

    Cela a des conséquences désastreuses : l’augmentation des inégalités, le désamour de la chose publique et la marchandisation de secteurs pourtant considérés comme d’intérêt général. L’exécutif gagnerait à prendre davantage en compte ce constat pour le maintien de la cohésion sociale du pays.

    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/200923/sans-les-services-publics-les-inegalites-exploseraient
    #statistiques #chiffres

    • La #redistribution_élargie, incluant l’ensemble des #transferts_monétaires et les services publics, améliore le #niveau_de_vie de 57 % des personnes

      Les #impôts, #taxes et #cotisations_sociales financent les #retraites, les #prestations_sociales et les services publics, individualisables – comme l’éducation et la santé – ou collectifs, comme la #défense ou la #recherche. L’ensemble de ces #transferts_publics, prélevés sur ou perçus par les ménages, organisent une #redistribution dite élargie. Cette redistribution élargie à l’ensemble des services publics et incluant les #retraites correspond à un transfert de 500 milliards d’euros (25 % du revenu national net en 2019) et contribue à une réduction significative des inégalités de revenus. À ce titre, en 2019, 57 % des personnes reçoivent plus qu’ils ne versent. Cette part de personnes bénéficiaires nets de la redistribution élargie s’élève à 49 % autour du niveau de vie médian, contre plus de 85 % parmi les 30 % les plus modestes et 13 % parmi les 5 % les plus aisés. Avant transferts, les ménages aisés ont un revenu 18 fois plus élevé que celui des ménages pauvres, contre 1 à 3 après transferts.

      La redistribution élargie améliore le niveau de vie de 90 % des individus appartenant à un ménage dont la personne de référence est âgée de 65 ans ou plus ; ils sont les principaux destinataires des dépenses de santé et du système de retraite par répartition. Parmi les 50-59 ans, près de 70 % des individus sont à l’inverse contributeurs nets à la redistribution élargie. En dehors des retraités, les bénéficiaires nets de la redistribution élargie sont surtout les plus modestes, ainsi que les familles avec enfants et les ménages moins diplômés ; pour les ouvriers et les employés, le bilan redistributif est quasi neutre, alors que les cadres, travailleurs indépendants, chefs d’entreprise sont contributeurs nets ainsi que, dans une moindre mesure, les professions intermédiaires. La redistribution réduit également les inégalités entre les habitants de l’agglomération de Paris aux revenus primaires plus élevés et ceux des autres territoires. Les contributeurs nets sont ainsi des ménages actifs, aisés, âgés entre 40 et 60 ans, plutôt cadres ou urbains.

      https://www.insee.fr/fr/statistiques/7669723

      #rapport #étude

    • Le service public, un besoin radical

      Organiser les services publics en fonction des #besoins n’est pas seulement une nécessité évidente, c’est aussi un premier pas vers une organisation de la production fondamentalement différente.

      PourPour dénoncer la dégradation des services publics, le discours est bien rodé et semble évident. Il suffit d’insister sur le décalage entre les « besoins » et les « moyens ». C’est d’ailleurs le cœur de l’étude du groupe Nos Services publics publiée à la mi-septembre, et c’est sur ce même créneau que beaucoup d’hommes et femmes politiques de gauche l’ont repris. C’est d’autant plus parfait que c’est là le slogan principal de la gauche française : « gouverner par les besoins ».

      Si on prend ces ambitions au sérieux, si l’on veut des services publics qui répondent aux « besoins », alors il faut prendre à bras-le-corps cette question centrale, mais hautement difficile. Car rien n’est moins évident que ces besoins, et rien n’est moins facile que de trouver une méthode pour les définir. L’enjeu est pourtant essentiel. De fait, on pourrait presque lire l’histoire des échecs de la gauche et des projets de dépassement du capitalisme à l’aune de cette esquive.

      En effet, si l’on veut une société où les besoins soient définis collectivement, mais en laissant aux marchés le soin de les satisfaire, une tension apparaît immédiatement et se traduit par une instabilité souvent difficilement tenable : inflation, déséquilibres externes, mécontentements populaires. Du Front populaire au « tournant de la rigueur » en passant par l’expérience chilienne, la gauche a partout été « disciplinée » parce qu’elle avait évité de se confronter à ce sujet.

      Or, les services publics sont en première ligne de cette affaire, car, leur existence même les plaçant dans une logique non marchande, ils sont le fruit d’une décision indépendante d’un marché destiné à gérer leur satisfaction, et cette indépendance est bien souvent la source même de leur existence. En définissant les « besoins » en services publics, on ouvre donc le champ à une réflexion politique plus large qui pose la question des conditions de cette prise de décision.
      Des besoins évidents ?

      La réflexion précédente peut paraître à beaucoup sans objet. On sait bien quels sont les besoins non satisfaits de notre société. On les constate avec un peu de bon sens. La liste est longue mais simple à faire. Les queues des étudiants devant les banques alimentaires, les sans-abri qui n’ont pas accès à un logement décent, les travailleurs qui sont au bord de la pauvreté, le système de santé qui ne peut plus fonctionner, l’Éducation nationale qui ne peut plus recruter, les transports publics trop rares… Il y en a encore bien d’autres, mais il suffit de sortir pour les constater.

      Face à l’abondance délirante et révoltante des ultrariches, ces besoins semblent bien « évidents ». Mais il convient de se méfier de ce type de réflexe, si moralement juste soit-il. Car une telle vision se fonde sur l’idée que les besoins essentiels s’imposent objectivement à la société. Sauf que, dans ce cas, le « gouvernement par les besoins » serait absurde. Car si les besoins sont objectifs, extérieurs à la société, il n’y a aucun sens à demander des choix démocratiques les concernant. C’est d’ailleurs pour cela que les sectateurs du marché contestent toute conception a priori des besoins.

      En réalité, se nourrir, se loger, se soigner, apprendre et se déplacer sont des actes sociaux. S’il faut certes bien manger pour vivre, la signification de cet acte n’a pas le même sens selon les sociétés et les époques. Dans les Grundrisse, Marx a écrit cette phrase qui résume toute l’affaire : « La faim est la faim, mais la faim qui se satisfait de la viande cuite avec un couteau et une fourchette est une autre faim que celle qui avale de la viande crue avec des mains, des ongles et des dents. »

      Autrement dit, tous les besoins, même ceux qui nous semblent les plus essentiels, sont construits dans un cadre social. Si nous ne tolérons pas que des étudiants peinent à se nourrir correctement, ce qui a été le cas d’une part massive de la population pendant des siècles, c’est parce que nous nous faisons une autre idée des rapports sociaux que, par exemple, le XVIIe siècle. Et de même, si l’état de nos services de santé nous révolte, c’est parce que nous sommes convaincus que notre société doit assurer la meilleure prise en charge possible, quand bien même notre système serait historiquement et géographiquement un des meilleurs.

      Et dès lors, si l’on veut « gouverner par les besoins », on ne peut pas s’en sortir par la pirouette rhétorique des « besoins essentiels » sans répondre à la question de savoir pourquoi les besoins sont essentiels, et de ce que l’on fait des autres besoins que l’on juge non essentiels. Et cela renvoie immédiatement à une décision collective, c’est-à-dire démocratique.

      Pour expliquer cela, on peut prendre un exemple simple. Quels sont les besoins du système de santé ? Le gouvernement a placé quelques rustines après la crise sanitaire, tout en continuant à sous-dimensionner les dépenses courantes. On pourrait, au contraire, estimer que les « besoins essentiels » du secteur consisteraient à lui fournir un objectif de dépenses qui lui permette d’assurer le rythme « naturel » de ces besoins. Mais ce serait un objectif conservateur, considérant que les besoins ne se modifient pas, alors que tant de malades sont, même dans ce cadre, mal pris en charge. On pourrait alors estimer que les besoins du système de santé sont encore plus larges, que, même en sauvegardant l’existant, tant de besoins sont insatisfaits. Tout dépend en réalité des choix sociaux que l’on fait.

      « Gouverner par les besoins » revient ainsi nécessairement à prendre en compte et à assumer la subjectivité des besoins. Les besoins sont toujours et partout des besoins sociaux, c’est-à-dire construits par la société. Leur satisfaction renvoie donc à une organisation sociale globale et à une question beaucoup plus délicate, celle de savoir à quels besoins cette organisation est capable de répondre.

      C’est d’ailleurs ici que réside la différence entre la gestion des besoins par les services publics et la gestion des besoins par le marché. Dans ce deuxième cas, c’est le marché qui valide socialement les besoins et qui, en conséquence, va réaliser cette détermination en apparence « objective » des besoins parce qu’il les impose au reste de la société, tant du côté de la production que de la consommation. C’est une mystification que l’on appelle « fétichisme » : les personnes renoncent à leur responsabilité en s’en remettant aux règles fixées par une institution qu’ils ont créée, mais qui leur échappe.

      Dans le premier cas, au contraire, la validation des besoins est préalable à l’acte capable de les satisfaire. Cette validation ne peut donc se prévaloir d’une quelconque « objectivité » extérieure, sauf à vouloir retrouver un fétichisme finalement peu différent de celui de l’organisation marchande. La collectivité doit assumer cette validation a priori en faisant des choix conscients. Et, dès lors, c’est bien la forme politique capable de réaliser cette validation qui devient centrale.

      Dans un ouvrage de 1981 devenu introuvable mais qui est un des plus fouillés sur le sujet, On human needs (Harvester, non traduit), la philosophe britannique Kate Soper souligne ce fait : la définition des besoins est fondamentalement politique, en raison même de leur aspect social. « La tentative de nier l’aspect politique des besoins est elle-même une forme de politique des besoins et l’on devrait peut-être distinguer entre une politique des besoins qui vise à distinguer cet aspect politique et une politique des besoins qui se reconnaîtrait implicitement comme telle », explique-t-elle.
      Quels besoins satisfaire ?

      Une fois cette première étape franchie, il faut aller un peu plus loin. Car disposer d’une conscience sur ses besoins est un autre obstacle considérable à dépasser. Si, en effet, les besoins sont des faits sociaux, alors l’organisation sociale existante crée ses propres besoins et les impose aux citoyens. La difficulté devient alors considérable : il faut construire une subjectivité sociale capable de dépasser la subjectivité existante. Ou bien le changement même de rapport de propriété pourrait n’être pas suffisant.

      Dans le capitalisme, les besoins ne sont satisfaits que s’ils reçoivent la validation ultime de la rentabilité. La satisfaction de certains besoins non rentables est donc volontiers laissée à la charge de « services publics » et, en parallèle, de nouveaux besoins rentables sont créés et deviennent bientôt essentiels pour les individus, venant remplacer ou dégrader des services publics existants. L’automobile individuelle devient une nécessité qui rend caduques les petites lignes de chemin de fer et même, parfois, les grandes. Le téléphone portable individuel s’appuyant sur une pseudo-concurrence remplace le combiné partagé par une famille et régulé par un service public.

      Dans tous les cas, bien rares sont celles et ceux qui veulent revenir en arrière et sont prêts à renoncer à ces biens ou à ces services. Et bientôt d’autres besoins seront créés, qui deviendront tout aussi indispensables. C’est qu’il ne s’agit pas réellement là d’une question de volonté. Les besoins de la marchandise sont devenus ceux des individus, aussi essentiels (parfois davantage) que la santé, la nourriture ou l’éducation, parce que ces derniers évoluent dans la société de la marchandise. Le consommateur adopte pour lui-même des besoins qui, en réalité, ne viennent pas de lui mais du système économique. C’est ce que Marx appelle « l’aliénation ».

      C’est évidemment un argument des plus solides pour les conservateurs qui, défendant la société existante, jugent légitimes les besoins qu’elle produit en refusant de remettre en cause leur processus de production. Et cela place le camp de la transformation dans une double difficulté : celle de risquer de se placer dans une posture moralisatrice en jugeant négativement des besoins désormais ancrés et celle de devoir gouverner en prenant en compte les besoins créés par la marchandise.

      C’est un problème que l’on ne réglera pas dans ces lignes et qui est des plus vastes sur le plan philosophique, mais qu’il semble urgent de prendre en considération, au risque de perdre irrémédiablement l’ambition de définir a priori les besoins.

      Du moins peut-on tenter de comprendre le phénomène. Un des fondements de la production capitaliste est la séparation du producteur et du fruit de sa production, qui conduit à la séparation du même individu entre le producteur et le consommateur. Cette séparation fait échapper la valeur d’usage des marchandises aux producteurs et cette dernière peut alors être imposée au même individu en tant que consommateur. Mais on comprend alors que tout change : le besoin ne peut plus être défini a priori lors de la production, il ne peut plus l’être qu’au moment de l’échange par le consommateur. Et dès lors, le consommateur n’a accès qu’à une offre déterminée par la valorisation du capital, c’est-à-dire par la seule fin de la production capitaliste. La valeur d’usage est alors soumise à la valeur d’échange.

      Dans La Société du spectacle, Guy Debord résume ce phénomène ainsi : « La valeur d’échange est le condottiere de la valeur d’usage qui finit par mener la guerre pour son propre compte. » Se développent alors des « pseudo-besoins », fruit de « pseudo-usages » qui s’imposent à des consommateurs formellement libres mais en réalité englués dans une logique qui ne peut que leur échapper, même s’ils la font leur. C’est cette organisation sociale qui est au service de ces besoins imposés, et pourtant bien réels, que Debord appelle le « spectacle » : « Le spectacle n’est pas seulement le serviteur du pseudo-usage, il est déjà en lui-même le pseudo-usage de la vie. »

      Si les besoins du consommateur ne sont pas authentiques, on peut dire qu’ils sont « artificiels », comme le fait Razmig Keucheyan dans un livre qui est une référence (Les Besoins artificiels, Zones, 2019) pour tous ceux que le sujet intéresse. Ce caractère « artificiel » ne découle pas du rapport à une référence extérieure, métaphysique ou morale, mais du point de vue même de l’individu puisque le mode de production lui arrache la possibilité de construire ses propres besoins. La marchandise devient un pouvoir autonome qui soumet les besoins ou, comme le dit Debord, « falsifie la vie sociale ».
      Radicaliser les besoins pour s’émanciper

      Tout cela amène deux conséquences majeures. La première est que l’accusation de « totalitarisme » qu’avance en permanence le camp conservateur dès qu’il est question d’une définition a priori des besoins ne tient pas. L’individu dans le capitalisme, et encore plus dans celui dominé par le « spectacle », peut se croire libre et la fiction juridique peut entretenir cette illusion, mais ses choix sont toujours déterminés par la nécessité de produire de la valeur. Il est en cela « objectifié », « réifié », comme dirait Lukács.

      Comme le souligne Kate Soper, un des aspects les plus évidents de ce phénomène est la prétention à une « neutralisation » des besoins, à leur dépolitisation. Une neutralisation que, selon la même autrice, on retrouvait, sous une autre forme dans le « socialisme réel » où une bureaucratie « consciente » définissait les besoins pour le reste de la population, selon des critères « scientifiques ». Dans les deux cas, pour reprendre les termes de Debord, le « vécu » n’avait pas son mot à dire dans la formation des besoins. Il n’était que l’objet d’un choix pris ailleurs.

      L’enjeu devient alors de permettre à l’individu de redevenir un sujet capable de décider de ses besoins. C’est la condition sine qua non de tout « gouvernement par les besoins ». Toute tentative de réaliser cette ambition ou de « sauver les services publics » sans affronter directement ce problème est vouée à l’échec. Ce qui est à la fois un défi considérable et un défi « libérateur » que les conservateurs ne peuvent proposer.

      La deuxième conséquence de cette situation est évidemment celle de l’urgence. La conséquence de la définition de l’usage, et donc des besoins, par les convenances de la valorisation du capital, c’est que ces besoins vont au rythme de l’accumulation du capital. C’est ce que Debord appelle la « libération d’un artificiel illimité ». Mais cette production incessante de besoins nouveaux à la satisfaction toujours décevante et toujours renouvelée est de moins en moins tenable, tant du point de vue économique qu’écologique.

      La situation actuelle ouvre donc la porte à un nouveau besoin, qui est celui de sortir de ce cercle infernal. Et l’enjeu désormais est de ne pas voir ce besoin lui-même falsifié par la marchandise sous les atours de la « croissance verte » et de la « consommation durable ». Gouverner par les besoins n’a ainsi jamais été aussi difficile et, en même temps, aussi indispensable.

      Or, c’est peut-être ici qu’est la faille. Razmig Keucheyan en 2019 reprend ainsi la notion de « besoins radicaux » développée par la philosophe hongroise Agnès Heller dans un ouvrage de 1974, La Théorie des besoins chez Marx (disponible en anglais dans une édition de 2018 chez Verso). Ces « besoins radicaux » sont issus du développement capitaliste, ils se développent avec lui, mais échappent à la possibilité d’une satisfaction marchande. Ils seraient donc une forme d’appel à modifier le mode de définition et de satisfaction des besoins et donc un moyen de poser le problème des besoins authentiques et de l’organisation sociale.

      Le besoin de faire face à la crise écologique et sociale serait alors un levier important. Mais la crise des services publics pourrait en être un autre. Le constat de leur dégradation, de leur abandon ou de leur soumission à la marchandise pourrait être le ferment d’une réflexion plus générale.

      Ce serait alors logique : si les services publics sont des formes imparfaites mais réelles de « gouvernement par les besoins », leur défense, contre la logique de la marchandise, devient de fait un « besoin radical » qui permet de s’interroger sur le système d’organisation et de création des besoins. Kate Soper rappelle ainsi que l’abolition de la forme aliénée des besoins se fait par le fait que « l’affirmation a priori des besoins remplace l’ajustement a posteriori de la production à la consommation par l’échange sur le marché ». C’est la définition même d’un service public.

      Mais il faut alors assumer le contenu radical de ce besoin, c’est-à-dire en faire un levier d’émancipation libéré de l’emprise étatique et un laboratoire de la définition consciente des besoins. Si la question des besoins est réellement révolutionnaire, la lutte pour les services publics deviendrait alors non plus une simple « défense », mais bien une offensive à l’ambition plus vaste.

      https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/250923/le-service-public-un-besoin-radical

  • La #redistribution élargie, incluant l’ensemble des transferts monétaires et les services publics, améliore le niveau de vie de 57 % des personnes - Insee Analyses - 88
    https://www.insee.fr/fr/statistiques/7669723

    Les impôts, taxes et cotisations sociales financent les retraites, les prestations sociales et les services publics, individualisables – comme l’éducation et la santé – ou collectifs, comme la défense ou la recherche. L’ensemble de ces transferts publics, prélevés sur ou perçus par les ménages, organisent une redistribution dite élargie. Cette redistribution élargie à l’ensemble des services publics et incluant les retraites correspond à un transfert de 500 milliards d’euros (25 % du revenu national net en 2019) et contribue à une réduction significative des inégalités de revenus. À ce titre, en 2019, 57 % des personnes reçoivent plus qu’ils ne versent. Cette part de personnes bénéficiaires nets de la redistribution élargie s’élève à 49 % autour du niveau de vie médian, contre plus de 85 % parmi les 30 % les plus modestes et 13 % parmi les 5 % les plus aisés. Avant transferts, les ménages aisés ont un revenu 18 fois plus élevé que celui des ménages pauvres, contre 1 à 3 après transferts.

  • La #géographie, c’est de droite ?

    En pleine torpeur estivale, les géographes #Aurélien_Delpirou et #Martin_Vanier publient une tribune dans Le Monde pour rappeler à l’ordre #Thomas_Piketty. Sur son blog, celui-ci aurait commis de coupables approximations dans un billet sur les inégalités territoriales. Hypothèse : la querelle de chiffres soulève surtout la question du rôle des sciences sociales. (Manouk Borzakian)

    Il y a des noms qu’il ne faut pas prononcer à la légère, comme Beetlejuice. Plus dangereux encore, l’usage des mots espace, spatialité et territoire : les dégainer dans le cyberespace public nécessite de soigneusement peser le pour et le contre. Au risque de voir surgir, tel un esprit maléfique réveillé par mégarde dans une vieille maison hantée, pour les plus chanceux un tweet ironique ou, pour les âmes maudites, une tribune dans Libération ou Le Monde signée Michel Lussault et/ou Jacques Lévy, gardiens du temple de la vraie géographie qui pense et se pense.

    Inconscient de ces dangers, Thomas Piketty s’est fendu, le 11 juillet, d’un billet de blog sur les #inégalités_territoriales (https://www.lemonde.fr/blog/piketty/2023/07/11/la-france-et-ses-fractures-territoriales). L’économiste médiatique y défend deux idées. Premièrement, les inégalités territoriales se sont creusées en #France depuis une génération, phénomène paradoxalement (?) renforcé par les mécanismes de #redistribution. Deuxièmement, les #banlieues qui s’embrasent depuis la mort de Nahel Merzouk ont beaucoup en commun avec les #petites_villes et #villages souffrant de #relégation_sociospatiale – même si les défis à relever varient selon les contextes. De ces deux prémisses découle une conclusion importante : il incombe à la #gauche de rassembler politiquement ces deux ensembles, dont les raisons objectives de s’allier l’emportent sur les différences.

    À l’appui de son raisonnement, le fondateur de l’École d’économie de Paris apporte quelques données macroéconomiques : le PIB par habitant à l’échelle départementale, les prix de l’immobilier à l’échelle des communes et, au niveau communal encore, le revenu moyen. C’est un peu court, mais c’est un billet de blog de quelques centaines de mots, pas une thèse de doctorat.

    Sus aux #amalgames

    Quelques jours après la publication de ce billet, Le Monde publie une tribune assassine signée Aurélien Delpirou et Martin Vanier, respectivement Maître de conférences et Professeur à l’École d’urbanisme de Paris – et membre, pour le second, d’ACADIE, cabinet de conseil qui se propose d’« écrire les territoires » et de « dessiner la chose publique ». Point important, les deux géographes n’attaquent pas leur collègue économiste, au nom de leur expertise disciplinaire, sur sa supposée ignorance des questions territoriales. Ils lui reprochent le manque de rigueur de sa démonstration.

    Principale faiblesse dénoncée, les #données, trop superficielles, ne permettraient pas de conclusions claires ni assurées. Voire, elles mèneraient à des contresens. 1) Thomas Piketty s’arrête sur les valeurs extrêmes – les plus riches et les plus pauvres – et ignore les cas intermédiaires. 2) Il mélange inégalités productives (le #PIB) et sociales (le #revenu). 3) Il ne propose pas de comparaison internationale, occultant que la France est « l’un des pays de l’OCDE où les contrastes régionaux sont le moins prononcés » (si c’est pire ailleurs, c’est que ce n’est pas si mal chez nous).

    Plus grave, les géographes accusent l’économiste de pratiquer des amalgames hâtifs, sa « vue d’avion » effaçant les subtilités et la diversité des #inégalités_sociospatiales. Il s’agit, c’est le principal angle d’attaque, de disqualifier le propos de #Piketty au nom de la #complexité du réel. Et d’affirmer : les choses sont moins simples qu’il n’y paraît, les exceptions abondent et toute tentative de catégoriser le réel flirte avec la #simplification abusive.

    La droite applaudit bruyamment, par le biais de ses brigades de twittos partageant l’article à tour de bras et annonçant l’exécution scientifique de l’économiste star. Mais alors, la géographie serait-elle de droite ? Étudier l’espace serait-il gage de tendances réactionnaires, comme l’ont laissé entendre plusieurs générations d’historiens et, moins directement mais sans pitié, un sociologue célèbre et lui aussi très médiatisé ?

    Pensée bourgeoise et pensée critique

    D’abord, on comprend les deux géographes redresseurs de torts. Il y a mille et une raisons, à commencer par le mode de fonctionnement de la télévision (format, durée des débats, modalité de sélection des personnalités invitées sur les plateaux, etc.), de clouer au pilori les scientifiques surmédiatisés, qui donnent à qui veut l’entendre leur avis sur tout et n’importe quoi, sans se soucier de sortir de leur champ de compétence. On pourrait même imaginer une mesure de salubrité publique : à partir d’un certain nombre de passages à la télévision, disons trois par an, tout économiste, philosophe, politologue ou autre spécialiste des sciences cognitives devrait se soumettre à une cérémonie publique de passage au goudron et aux plumes pour expier son attitude narcissique et, partant, en contradiction flagrante avec les règles de base de la production scientifique.

    Mais cette charge contre le texte de Thomas Piketty – au-delà d’un débat chiffré impossible à trancher ici – donne surtout le sentiment de relever d’une certaine vision de la #recherche. Aurélien Delpirou et Martin Vanier invoquent la rigueur intellectuelle – indispensable, aucun doute, même si la tentation est grande de les accuser de couper les cheveux en quatre – pour reléguer les #sciences_sociales à leur supposée #neutralité. Géographes, économistes ou sociologues seraient là pour fournir des données, éventuellement quelques théories, le cas échéant pour prodiguer des conseils techniques à la puissance publique. Mais, au nom de leur nécessaire neutralité, pas pour intervenir dans le débat politique – au sens où la politique ne se résume pas à des choix stratégiques, d’aménagement par exemple.

    Cette posture ne va pas de soi. En 1937, #Max_Horkheimer propose, dans un article clé, une distinction entre « #théorie_traditionnelle » et « #théorie_critique ». Le fondateur, avec #Theodor_Adorno, de l’#École_de_Francfort, y récuse l’idée cartésienne d’une science sociale détachée de son contexte et fermée sur elle-même. Contre cette « fausse conscience » du « savant bourgeois de l’ère libérale », le philosophe allemand défend une science sociale « critique », c’est-à-dire un outil au service de la transformation sociale et de l’émancipation humaine. L’une et l’autre passent par la #critique de l’ordre établi, dont il faut sans cesse rappeler la contingence : d’autres formes de société, guidées par la #raison, sont souhaitables et possibles.

    Quarante ans plus tard, #David_Harvey adopte une posture similaire. Lors d’une conférence donnée en 1978 – Nicolas Vieillecazes l’évoque dans sa préface à Géographie de la domination –, le géographe britannique se démarque de la géographie « bourgeoise ». Il reproche à cette dernière de ne pas relier les parties (les cas particuliers étudiés) au tout (le fonctionnement de la société capitaliste) ; et de nier que la position sociohistorique d’un chercheur ou d’une chercheuse informe inévitablement sa pensée, nécessitant un effort constant d’auto-questionnement. Ouf, ce n’est donc pas la géographie qui est de droite, pas plus que la chimie ou la pétanque.

    Neutralité vs #objectivité

    Il y a un pas, qu’on ne franchira pas, avant de voir en Thomas Piketty un héritier de l’École de Francfort. Mais son texte a le mérite d’assumer l’entrelacement du scientifique – tenter de mesurer les inégalités et objectiver leur potentielle creusement – et du politique – relever collectivement le défi de ces injustices, en particulier sur le plan de la #stratégie_politique.

    S’il est évident que la discussion sur les bonnes et les mauvaises manières de mesurer les #inégalités, territoriales ou autres, doit avoir lieu en confrontant des données aussi fines et rigoureuses que possible, ce n’est pas manquer d’objectivité que de revendiquer un agenda politique. On peut même, avec Boaventura de Sousa Santos, opposer neutralité et objectivité. Le sociologue portugais, pour des raisons proches de celles d’Horkheimer, voit dans la neutralité en sciences sociales une #illusion – une illusion dangereuse, car être conscient de ses biais éventuels reste le seul moyen de les limiter. Mais cela n’empêche en rien l’objectivité, c’est-à-dire l’application scrupuleuse de #méthodes_scientifiques à un objet de recherche – dans le recueil des données, leur traitement et leur interprétation.

    En reprochant à Thomas Piketty sa #superficialité, en parlant d’un débat pris « en otage », en dénonçant une prétendue « bien-pensance de l’indignation », Aurélien Delpirou et Martin Vanier désignent l’arbre de la #rigueur_intellectuelle pour ne pas voir la forêt des problèmes – socioéconomiques, mais aussi urbanistiques – menant à l’embrasement de banlieues cumulant relégation et stigmatisation depuis un demi-siècle. Ils figent la pensée, en font une matière inerte dans laquelle pourront piocher quelques technocrates pour justifier leurs décisions, tout au plus.

    Qu’ils le veuillent ou non – et c’est certainement à leur corps défendant – c’est bien la frange réactionnaire de la twittosphère, en lutte contre le « socialisme », le « wokisme » et la « culture de l’excuse », qui se repait de leur mise au point.

    https://blogs.mediapart.fr/geographies-en-mouvement/blog/010823/la-geographie-cest-de-droite

  • #Bruxelles (Jette) : un bac à fleurs installé au milieu d’une piste cyclable Rédaction, image : Twitter Jef Vandenbergen
    https://bx1.be/categories/mobilite/jette-un-bac-a-fleurs-installe-au-milieu-dune-piste-cyclable/?theme=classic

    Le dispositif a été installé récemment.
    Un bac à fleurs a été installé en plein sur la piste cyclable de l’avenue de Jette. Pour éviter la chute, les cyclistes doivent dévier de la piste. Le dispositif a été installé il y a quelques jours pour empêcher les automobilistes d’éviter un ralentisseurs récemment placé sur la voirie.

    Selon Bruxelles Mobilité, il s’agit d’une situation temporaire : “Nous sommes conscients que la situation n’est pas optimale pour les cyclistes“ . Le passage est en effet plus étroit pour les deux-roues. “Le bac à fleurs ne restera pas là, mais il assurera désormais une plus grande sécurité pour les cyclistes“ , précise l’administration bruxelloise à nos confrères de Bruzz.

    https://twitter.com/nonkelvladimir/status/1573035952074903557

    #Fleurs #Piste_cyclable #vélo les #Cyclistes utilisés comme #otages #voitures #ralentisseur @carfree

    • En cinq ans, le bitcoin a coûté autant à l’environnement que la production de viande de bœuf Le temps - AGP

      Selon une étude, parue jeudi, le « coût social du carbone » émis par le minage du bitcoin correspond à 35% de sa valorisation sur le marché

      L’énergie consommée entre 2016 et 2021 pour produire des bitcoins, la plus importante des cryptomonnaies, a eu un impact social et environnemental comparable à celui de la production de viande bovine et neuf fois plus élevé que l’extraction de l’or, un concurrent non virtuel, selon une étude publiée jeudi dans la revue Scientific Reports du groupe Nature. https://www.nature.com/articles/s41598-022-18686-8

      L’article, publié s’appuie sur le concept du « coût social du carbone », une méthode qui chiffre les effets négatifs (sanitaires, économiques et environnementaux) de l’émission dans l’atmosphère d’une tonne de CO2 ou d’équivalent. Avec cette méthode, qui se répand dans l’évaluation de la lutte contre le changement climatique et ses conséquences, le coût de la tonne de CO2 est estimé entre 50 et 185 dollars selon différentes hypothèses d’experts.

      Les auteurs, en retenant un coût de 100 dollars la tonne, « estiment que chaque bitcoin produit en 2021 a généré 11 314 dollars de dommages climatiques, le total des dommages mondiaux dépassant 12 milliards de dollars » depuis 2016, soit 25% de la valeur totale du marché de cette cryptomonnaie.



      Sur la période 2016-2021, ce coût social de la production de bitcoin a représenté en moyenne 35% de la valeur de marché de la cryptomonnaie. Autrement dit, un dollar de bitcoin produit a eu un coût social de 35 centimes. Un coût comparable à celui de la production de viande bovine (33%), inférieur à celle de l’électricité générée à partir du gaz naturel (46%) et largement supérieur à l’extraction de l’or (4%).

      Davantage « pétrole brut numérique » qu’« or numérique »
      « Nos résultats suggèrent que la production de bitcoins pose de réels problèmes de durabilité » , a déclaré à l’AFP Benjamin Jones, principal auteur. « La production de bitcoins est de plus en plus néfaste pour le climat au fil du temps (en moyenne) », a-t-il souligné. L’étude relève que « les émissions énergétiques liées à l’extraction de bitcoins ont été multipliées par 126, passant de 0,9 tonne d’émissions par pièce en 2016 à 113 tonnes par pièce en 2021 » .

      Par ailleurs, « cette production est parfois « submergée », ce qui signifie que ses dommages climatiques dépassent la valeur d’un bitcoin créé », a-t-il expliqué. En effet, avant l’explosion des prix au cours de l’année 2020, « les dommages climatiques des bitcoins ont dépassé le prix des pièces vendues » pendant près de quatre mois cette année-là, atteignant « un pic à 156% du prix des pièces en mai 2020 », selon l’étude.

      « Du point de vue des dommages climatiques, le bitcoin se révèle être du « pétrole brut numérique » plutôt que « l’or numérique » vanté par ses partisans », écrivent les auteurs.

      L’Ether, deuxième cryptomonnaie derrière le bitcoin, a pour sa part effectué mi-septembre une mutation radicale de son mode de fonctionnement, censé faire baisser de 99% sa consommation d’électricité.

      Source : https://www.letemps.ch/economie/cinq-ans-bitcoin-coute-autant-lenvironnement-production-viande-boeuf

      #cryptomonnaie #carbone #bitcoins #ether #ethereum #co2 #changement_climatique #viande #électricité #climat #dommages_climatiques #blockchain #monnaie #crypto-monnaie #finance #numérique #agriculture #élevage

    • Une Brésilienne à Paris pour la Fashion Week se fait voler 3 millions d’euros de bijoux Le Figaro avec AFP - Publié le 29/09/2022
      Une Brésilienne s’est fait dérober des bijoux qu’elle estime à 3 millions d’euros alors qu’elle se rendait à la Fashion Week de Paris mardi, a appris l’AFP ce jeudi 29 septembre de sources policière et proche de l’enquête, confirmant une information du Parisien.

      La victime, une cheffe d’entreprise brésilienne, a déposé plainte au commissariat du 16e arrondissement de Paris, évaluant les biens volés à 3 millions d’euros, selon la source policière. « Le montant du préjudice n’est pas connu actuellement », a nuancé le parquet de Bobigny.

      Mardi, la cheffe d’entreprise atterrit à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle et se rend en VTC à la Fashion Week parisienne qui a débuté la veille. Au niveau de l’intersection A1/périphérique extérieur, sur la commune de Saint-Denis, au nord de Paris, le véhicule se retrouve coincé dans les bouchons, relate la source proche de l’enquête.

      « Tout début de l’enquête »
      Deux hommes arrivent alors en scooter, cassent la vitre arrière du VTC et volent un bagage à main et une valise Louis Vuitton, sans faire de blessé, poursuit la source policière. Les suspects sont en fuite. « On en est au tout début de l’enquête », a relevé la source proche de l’enquête. Les enquêteurs cherchent notamment à savoir si la victime était ciblée ou s’il s’agit d’un vol d’opportunité.

      L’enquête a été ouverte pour « vol avec violences en réunion » et confiée à la Brigade de répression du banditisme, a indiqué le parquet de Bobigny.

      Source : https://www.lefigaro.fr/faits-divers/une-bresilienne-a-paris-pour-la-fashion-week-se-fait-voler-3-millions-d-eur

      #redistribution des #richesses #vol #France #en_vedette #réapropriation

    • Laaouej sur le parterre au milieu d’une piste cyclable : “L’incompétence de Bruxelles-Mobilité est insupportable”

      Le bourgmestre de Koekelberg a poussé un coup de gueule hier/lundi sur Twitter. https://twitter.com/AhmedLaaouej/status/1576861268581158912/photo/1 “L’incompétence de Bruxelles-Mobilité est insupportable” , a-t-il écrit, faisant référence au bac à fleurs installé en plein milieu d’une piste cyclable.

      Sur son compte, Ahmed Laaouej (PS) a publié deux photos du chantier de l’avenue de Jette, entre le rond-point Broustin et l’avenue des Gloires Nationales. On peut y voir un bac à fleurs installé en plein milieu de la piste cyclable. “Une aberration” , commente le bourgmestre, dénonçant “un chantier mal conçu et mal suivi sur une voirie régionale à Koekelberg”.

      “Et l’on attend toujours la sécurisation de la station de bus à Simonis ( 2 accidents graves en une année)” _ , a poursuivi Ahmed Laaouej, identifiant par la même occasion le compte Twitter de Bruxelles-Mobilité.

      Source : https://bx1.be/categories/news/laaouej-sur-le-parterre-au-milieu-dune-piste-cyclable-lincompetence-de-bruxelles-mobilite-est-insupportable/?theme=classic
      #bruxelles-mobilité #aberration #sécurité

  • RobiNN1/phpCacheAdmin: Web dashboard for Redis, Memcache(d) and OPCache.
    https://github.com/RobiNN1/phpCacheAdmin

    #PHP Dashboard for #Redis, #Memcached and #OPCache and also there is simple default server info tab.

    It is possible to add multiple Redis and Memcache(d) servers and switch between them. There is support for both Memcache and Memcached PHP extensions as well.

  • La #Grande_Famine de #Mao

    Entre 1958 et 1962, le « #Grand_bond_en_avant », conçu par Mao pour que la #Chine dépasse la production de la Grande-Bretagne et gagne son autonomie face à l’URSS, a entraîné une #famine dramatique et provoqué la mort de 30 à 50 millions de personnes. « Catastrophes naturelles », c’est ainsi qu’aujourd’hui encore le Parti justifie ce terrible bilan. Témoignages, archives et interviews des principaux historiens ayant enquêté sur cette catastrophe viennent divulguer l’incroyable secret qui a entouré cette tragédie.

    http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/35437_1

    #faim #histoire #réforme_agraire #violence_de_classe #paysans #redistribution_des_terres #terres #collectivisation_agricole #cents_fleurs #répression #camps_de_travaux_forcés #camps_de_rééducation #communes_populaires
    #points_de_travail #pénurie_alimentaire #corruption #violence #cantines_collectives #acier #prélèvement_de_céréales #déplacés_internes #cannibalisme #collectivisation_radicale

    • Stèles. La Grande Famine en Chine (1958-1961)

      Ce récit unique, œuvre d’un intellectuel chinois, est le premier compte-rendu historique complet de la Grande Famine provoquée par le régime communiste en Chine entre 1958 et 1961. Fruit d’une douzaine d’années de recherches sur le terrain, appuyé sur des milliers de pages de sources locales et de nombreux témoignages de première main, Stèles constitue un document exceptionnel.

      A la fin des années 1950, Mao Zedong lança le « Grand Bond en avant » dans le but d’accélérer la transition vers le communisme. Cela provoqua un gigantesque désastre économique dans les campagnes chinoises. La folie de la collectivisation à outrance détruit toute la société rurale, jusqu’à la famille. Pour nourrir les villes, on en est réduit à affamer les paysans. La ferveur révolutionnaire des cadres locaux se mêle à la terreur qu’inspire la hiérarchie et aggrave la situation ; la transmission de fausses informations (exagération des récoltes, occultation des morts de faim) donne lieu à des instructions insensées (achat forcé de quantités basées sur les résultats exagérés) auxquelles l’administration n’ose s’opposer. Dès la fin 1958 s’abat l’horreur : des villages entiers sont effacés par la famine, les cas de cannibalisme se multiplient, les survivants perdent la raison ; en sus des morts de faim, beaucoup sont battus à mort, ou poussés au suicide, des milliers d’enfants sont abandonnés...

      https://www.seuil.com/ouvrage/steles-jisheng-yang/9782021030150
      #livre #Jisheng_Yang #communisme #régime_communistes

  • Cyber-escrocs, l’Afrique contre-attaque - Ép. 3/4 - Pirates 2.0
    https://www.franceculture.fr/emissions/cultures-monde/pirates-20-34-cyber-escrocs-lafrique-contre-attaque


    En Côte d’Ivoire, on les appelle les « #brouteurs ». La métaphore est inspirée du mouton et de sa façon de se nourrir : prélevant ça et là - et sans se fatiguer - de petites quantité de nourriture sur un vaste territoire. Les brouteurs, ce sont des cyber-escrocs. De jeunes hommes principalement, qui, de leurs cyber-cafés, basés en #Afrique_de_l’Ouest, conçoivent des arnaques par mail dont ils inondent les serveurs occidentaux.[...]

    Comment ces arnaques se nourrissent-elles du contexte social, politique et historique des rapports entre l’Afrique et l’#Occident ? Enfin, quelle réponse des autorités locales et internationales à cette part du spectre de la #cybercriminalité ?

    Pour en parler, Nahema Hanafi, maitresse de conférence en histoire moderne et contemporaine à l’université d’Angers, membre du laboratoire TEMOS (Temps, Monde, Sociétés), et Yaya Koné, sociologue et anthropologue, maitre de conférence à l’Université Polytechnique des Hauts de France, membre du laboratoire CRISS.

  • When Inequality is High, Pandemics Can Fuel Social Unrest – IMF Blog
    https://blogs.imf.org/2020/12/11/when-inequality-is-high-pandemics-can-fuel-social-unrest

    We also find that the impact of inequality on social unrest depends on the extent of redistributive transfers. An increase in inequality is associated with more unrest when redistributive transfers are low, suggesting that social safety measures help reducing social tensions.

    Policymakers need to pay special attention to preventing scarring effects on the livelihoods of the most vulnerable in their societies. These are historical trends, not the destiny of countries.

    #pandémie #inégalités #politique #redistribution #social #FMI

  • TRIBUNE #Covid-19 : l’impératif coopératif et solidaire

    Nous, acteurs, chercheurs, élus, territoires et réseaux de l’ESS des Hauts-de-France appelons à un #engagement véritablement coopératif et solidaire pour sortir par le haut de cette #crise sans précédent.

    Les crises se succèdent à un rythme effréné

    En un temps court, nos sociétés ont été amenées à faire face à une succession de crises majeures que l’on songe à la crise financière internationale de 2008, à la crise sociale et démocratique des gilets jaunes depuis 2018, à la crise écologique qu’incarnent le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité. L’arrivée et la diffusion mondiale du coronavirus fin 2019 et les réponses qui ont été fournies ont cette fois provoqué une crise multidimensionnelle sans précédent.

    À chaque crise, l’État est appelé à la rescousse : il retrouve de sa superbe, n’est plus conspué ni par ceux qui d’habitude idolâtrent la privatisation des gains ni par ceux qui vantent les bienfaits de l’austérité. À chaque crise, qui provoque un accroissement effroyable des inégalités (sociales, territoriales, de logement etc.), des appels solennels à la solidarité et à la coopération sont lancés. Quelques actes philanthropiques trouvent un large écho dans la presse : tel grand groupe décide de réorienter une ligne de production vers des produits de première nécessité sanitaire ; tel autre achète « à ses frais » des équipements en Chine ou ailleurs ; tel autre encore réduit la part des dividendes qui seront versés à ses actionnaires, tandis qu’il profite par ailleurs du filet de protection sociale du chômage partiel assuré par l’État. Telle grande fortune appelle aussi à une redistribution ponctuelle des revenus (souvent financiers) engrangés.

    L’économie sociale et solidaire, un acteur discret de réponse à ces crises

    Une partie de l’économie pourtant, fait de ces appels, là-bas ponctuels, le cœur structurel de son organisation et de son activité du quotidien. Crise ou pas crise, les initiatives solidaires, l’économie sociale et solidaire, les communs interrogent le sens de ce qu’ils réalisent, orientent leurs productions vers des activités d’utilité sociale, qui répondent à des besoins écologiques et sociaux, fondent leurs décisions sur des principes égalitaires, font de la solidarité et de la coopération la grammaire de leur dynamique.

    De nombreuses initiatives citoyennes, comme autant de solidarités auto-organisées, ont été réactives pour répondre à la crise. Souvent à bas bruit, elles ont abattu, et abattent, un travail considérable pour pallier les défaillances industrielles, et assurer, par exemple, la fabrication de masques via de simples machines à coudre, et parfois via des FabLabs et tiers lieux. Des acteurs de l’économie sociale et solidaire jouent un rôle de proximité dans le déploiement des circuits courts alimentaires, proposent des paniers de fruits et légumes en zones urbaines. Des actions autour de l’alimentaire sont démultipliées grâce à des acteurs de tiers lieux en lien avec des métropoles, ou proposent des solutions de plateformes type « open food network ». Des associations maintiennent une continuité des services publics dans le sanitaire et social malgré les risques de non distanciation physique, qu’on songe à l’aide à domicile, aux Ehpad gérés de manière associative, aux IME, aux maisons d’accueil spécialisées, dont beaucoup ont décidé de rester ouverts. Des associations continuent de défendre les sans-abris et les réfugiés, d’autres encore structurent l’entraide de proximité au quotidien. Tous les secteurs économiques sont durement touchés. Les activités culturelles et artistiques sont parmi les plus affectées. Seuls les réseaux de coopération et de solidarité leur permettent de ne pas disparaître de l’espace public. Dans l’urgence de leur survie, et conscientes de leur forte utilité sociale, certains de ses acteurs nouent des appuis politique et économique avec l’économie sociale et solidaire.

    L’État et les collectivités locales et territoriales savent bien d’ailleurs, en temps de crise, qu’ils peuvent compter sur cette économie solidaire de proximité, et plus largement sur ce tissu socioéconomique territorial, pour en amortir les effets, tandis que les mêmes ont parfois déployé une énergie non dissimulée pour réduire, avant la crise, leurs moyens d’agir et l’ont parfois instrumentalisée ici ou là comptant sur elle pour maintenir une paix sociale à moindres coûts.

    Quelles alternatives ?

    Dans quelques semaines ou quelques mois, chacun des grands acteurs économiques multinationaux espérera la reprise du « monde d’avant », un business as usual qui nous a pourtant conduits dans cette situation. Las. Les crises multiples traversées, et celles qui se succéderont certainement dans les années à venir, rendent urgent de repenser l’économie autrement. Mais vraiment autrement. Il est urgent de remplacer les dogmes du vieux monde par de nouvelles manières de penser et de pratiquer l’économie et par de nouvelles manières de vivre la démocratie. Cela est possible. L’économie sociale et solidaire en est un témoin en actes et un acteur décisif de cet après crise. Le logiciel de l’économie « conventionnelle » est suranné : logiciel de la croissance, logiciel du tout marché, logiciel techno-optimiste : non ce n’est pas dans la croissance pour la croissance, dans le marché et dans le lucre qu’on trouvera le salut de tous nos maux. Cette crise en est le plus spectaculaire contre-exemple.

    Il faut donc réhabiliter l’économie soutenable comme organisation sociale qui se donne les moyens de répondre aux besoins sociaux tout en prenant soin de ses patrimoines, écologique, social, démocratique.

    Faire toute sa place aux « corps intermédiaires »

    Les différentes crises révèlent aussi les faiblesses de nos pratiques de la démocratie. En se privant des expertises et des expériences sociotechniques et politiques des acteurs de terrains, des réseaux, des corps intermédiaires, l’État finit par produire des politiques publiques hors sol ou à rebours des urgences. Les associations écologistes alertent depuis de nombreuses années sur l’urgence climatique ; les acteurs du médico-social ne cessent d’exprimer, et bien avant le Covid-19, le manque de moyens pour faire un vrai travail de soin et de care ; les acteurs de la recherche et de la médiation scientifique en lien étroit avec l’économie sociale et solidaire contribuent à éclairer le débat et à redonner à la science sa juste place dans la société : celle qui permet le maintien d’un esprit critique ; les acteurs de proximité de l’économie sociale et solidaire, alertent depuis longtemps sur la fracture sociale (et numérique) à l’origine du mouvement des Gilets Jaunes.

    L’expertise, le regard et l’avis de tous ces corps intermédiaires, constitués de citoyens organisés et structurés, devront être pris en compte dans les choix de politiques publiques de demain.

    Démocratiser et relocaliser l’économie

    Par-dessus tout, il faut démocratiser les économies : ouvrir des espaces de délibération sur l’identification des activités essentielles, sur le pilotage des politiques publiques, en particulier locales ou sur l’impact environnemental et social des entreprises. Il faut repenser la hiérarchie des priorités économiques. Cette idée n’est pas nouvelle : au Québec, dès 1997 un collectif de l’éducation populaire, le « Collectif pour un Québec sans pauvreté » propose au ministre des Finances de l’époque l’élaboration d’un « produit intérieur doux » : il s’agissait, par la délibération démocratique, de trier les activités utiles socialement des activités nuisibles pour les sociétés. Il s’agissait aussi d’appeler à identifier des activités contributrices au bien-être social et qui étaient ignorées des comptes. De nouvelles initiatives vont dans ce sens aujourd’hui et réclament des délibérations collectives pour définir l’utilité sociale des activités.

    La démocratie ne doit plus non plus rester aux portes de l’entreprise. Il est temps de valoriser les gouvernements d’entreprise qui s’appuient sur un véritable équilibre des pouvoirs, qui rénovent les pratiques managériales et qui réinterrogent le sens du travail humain. L’expérience d’une partie des coopératives, des SCIC, CAE etc., qui sont autant de démarches coopératives et de fabriques sociales démocratiques, permet de construire les capacités socio-économiques locales dont les territoires et leurs écosystèmes ont besoin.

    La relocalisation de la production ne doit pas être synonyme de repli sur soi. L’impératif coopératif et solidaire implique un soutien massif porté, notamment, aux systèmes de santé des pays du Sud. Grands perdants de la mondialisation ils seront les plus durement touchés, à terme, par cette crise sanitaire, comme ils le sont et le seront par la crise écologique. Face aux tentations identitaires et autoritaires, ces valeurs et pratiques de solidarité internationale sont une urgence.

    Les activités du care

    Les activités de service de care et de soin, d’intérêt général ne doivent plus être mises entre les mains du marché. Il n’est pas besoin d’épiloguer, la fuite en avant du tout marché pour les activités sociales montre toutes ses failles. Il faut appeler à des partenariats durables État, collectivités locales et territoriales et ESS pour la création et le financement d’un service public du grand âge et de la perte d’autonomie : il doit être financé publiquement et géré par des organismes publics ou à but non lucratif. Il doit permettre une revalorisation structurelle des métiers dont la crise a montré de manière éclatante toute la nécessité, alors qu’ils sont souvent les moins bien considérés et les moins bien rémunérés.

    Coopérer et être solidaire

    Il faut appeler à une coopération et une solidarité plutôt qu’une concurrence et une compétitivité qui loin d’amener le bien-être s’avèrent mortifères. La crise écologique rend d’autant plus urgente et nécessaire la remise en cause de ce modèle. Les initiatives types pôles territoriaux de coopération économiques (PTCE) devront être consolidées, étendues, enrichies. Lorsqu’ils jouent vraiment la carte de la coopération, ils deviennent de véritables projets d’avenir. Ils pourront s’appuyer sur les initiatives solidaires et les communs qui s’expérimentent en continu partout sur les territoires. Les monnaies locales complémentaires pourront aussi en être un vecteur innovant, un repère utile pour orienter production et consommation vers des biens et services soutenables.

    Bien sûr il faut faire tout cela sans angélisme. Si l’économie sociale et solidaire est souvent exemplaire, elle n’est pas toujours exempte de critiques. Des financements, devenus scandaleusement exsangues, ont conduit certains acteurs à l’oubli du projet associatif, à la soumission volontaire à la concurrence, à l’acceptation de la précarisation de l’emploi. Tout cela a parfois pris le pas sur l’affirmation du projet politique et sur la coopération et la solidarité.

    C’est la raison pour laquelle il faut en appeler à des coopérations avec l’État, les collectivités locales et les entreprises locales reconnaissant véritablement les fondements et pratiques de l’économie sociale et solidaire. L’ESS doit aussi se mobiliser, avec d’autres forces sociales, pour éviter un retour au vieux monde et impulser sur une large échelle les dynamiques et les initiatives dont elle est porteuse. La mobilisation doit s’opposer au détricotage de la protection sociale, des solidarités locales, des droits démocratiques. En bref. Elle doit être un appel à prendre soin et développer les communs sociaux des territoires.

    Les crises qui ne manqueront pas d’arriver rendent cette mobilisation impérative.

    Les réseaux, acteurs, personnes signataires du présent texte sont conscients de l’immensité de la tâche, et sont convaincus que seule une coopération de tous les acteurs permettra d’infléchir le mouvement, et d’obtenir des décisions utiles à tous les niveaux politiques, institutionnels et sociaux nécessaires.

    Ils s’emploient à en concrétiser les engagements au sein de leurs réseaux par leurs initiatives respectives.

    https://chairess.org/tribune-covid-19-limperatif-cooperatif-et-solidaire
    #recherche #le_monde_d'après #solidarité #ESS #philanthropie #redistribution #alternative #business_as_usual #démocratie #économie #croissance #économie_soutenable #corps_intermédiaires #expertise #relocalisation #relocalisation_de_l'économie #éducation_populaire #produit_intérieur_doux #bien-être_social #utilité_sociale #care #soin #coopération #concurrence #compétitivité #monnaies_locales #communs #commons

  • This is remarkable: 170 Dutch academics put together a 5-point manifesto for economic change after the C19 crisis, building on #degrowth principles. It has gone viral in Dutch media. In this thread I’ll summarize the points in English.

    1) Shift from an economy focused on aggregate GDP growth to differentiate among sectors that can grow and need investment (critical public sectors, and clean energy, education, health) and sectors that need to radically degrow (oil, gas, mining, advertising, etc).
    2) Build an economic framework focused on redistribution, which establishes a universal basic income, a universal social policy system, a strong progressive taxation of
    income, profits and wealth, reduced working hours and job sharing, and recognizes care work.
    3) Transform farming towards regenerative agriculture based on biodiversity conservation, sustainable and mostly local and vegetarian food production, as well as fair agricultural employment conditions and wages.
    4) Reduce consumption and travel, with a drastic shift from luxury and wasteful consumption and travel to basic, necessary, sustainable and satisfying consumption and
    travel.
    5) Debt cancellation, especially for workers and small business owners and for countries in the global south (both from richer countries and international financial institutions).

    https://twitter.com/jasonhickel/status/1251146508709195780
    #manifesto #décroissance #le_monde_d'après #changement #changement_économique #redistribution #économie #énergie #agriculture #rdb #revenu_universel #revenu_de_base #travail

    • La doxa alter-capitaliste va nous infliger ad nauseam ce genre de discours halluciné. La réalité, c’est que les gouvernements, adapteront leur politique économique pour faire face aux nouveaux rapports de force entre pays, entre groupes capitalistes des divers secteurs, et à l’état de l’économie mondiale telle qu’elle sortira de cette crise. Si celle-ci, comme il est probable, accélère les tendances au protectionnisme (déjà en route), tous les gouvernements suivront. Ils prendront les uns après les autres des mesures protectionnistes et pousseront à relocaliser la production. Mais cette relocalisation qu’ils encourageront ne sera pas moins nocive pour les classes populaires, les travailleurs et l’environnement que la mondialisation capitaliste actuelle. Les industriels continueront à produire ce qu’ils estimeront stratégique pour leurs intérêts et ne produiront pas plus qu’aujourd’hui des biens vitaux pour les classes populaires, des logements, des moyens de transport ou autres. Bref : s’imaginer qu’il existerait un bon capitalisme, responsable et raisonné, un bon capitalisme s’appuyant sur une reproduction vertueuse du capital, et fort d’une exploitation humaniste de l’homme par l’homme, relève de la démence réformiste, et ne permettra jamais de comprendre dans quel monde nous vivons et ce qui nous attend.

  • Jacques Rancière : « Les puissants ne veulent plus d’une retraite qui soit le produit d’une solidarité collective »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/01/23/jacques-ranciere-les-puissants-ne-veulent-plus-d-une-retraite-qui-soit-le-pr

    « Le Monde » publie la déclaration du philosophe, prononcée le 16 janvier 2020 devant les cheminots grévistes de la gare de Vaugirard.

    Tribune. Si je suis là aujourd’hui, c’est, bien sûr, pour affirmer un soutien total à une lutte exemplaire, mais aussi pour dire en quelques mots pourquoi elle me semble exemplaire.

    J’ai passé un certain nombre d’années de ma vie à étudier l’histoire du mouvement ouvrier et ça m’a montré une chose essentielle : ce qu’on appelle les acquis sociaux, c’est bien plus que des avantages acquis par des groupes particuliers, c’était l’organisation d’un monde collectif régi par la solidarité.

    Qu’est-ce que c’est que ce régime spécial des cheminots qu’on nous présente comme un privilège archaïque ? C’était un élément d’une organisation d’un monde commun où les choses essentielles pour la vie de tous devaient être la propriété de tous. Les chemins de fer, cela appartenait à la collectivité. Et cette possession collective, elle était gérée aussi par une collectivité de travailleurs qui se sentaient engagés vis-à-vis de cette communauté ; des travailleurs pour qui la retraite de chacun était le produit de la solidarité d’un collectif concret.

    Démolir pièce à pièce
    C’est cette réalité concrète du collectif solidaire dont les puissants de notre monde ne veulent plus. C’est cet édifice qu’ils ont entrepris de démolir pièce à pièce. Ce qu’ils veulent, c’est qu’il n’y ait plus de propriété collective, plus de collectifs de travailleurs, plus de solidarité qui parte d’en bas. Ils veulent qu’il n’y ait plus que des individus, possédant leur force de travail comme un petit capital qu’on fait fructifier en le louant à des plus gros. Des individus qui, en se vendant au jour le jour, accumulent pour eux-mêmes et seulement pour eux-mêmes des points, en attendant un avenir où les retraites ne seront plus fondées sur le travail mais sur le capital, c’est-à-dire sur l’exploitation et l’autoexploitation.

    C’est pour ça que la réforme des retraites est pour eux si décisive, que c’est beaucoup plus qu’une question concrète de financement. C’est une question de principe. La retraite, c’est comment du temps de travail produit du temps de vie et comment chacun de nous est lié à un monde collectif. Toute la question est de savoir ce qui opère ce lien : la solidarité ou l’intérêt privé. Démolir le système des retraites fondé sur la lutte collective et l’organisation solidaire, c’est pour nos gouvernants la victoire décisive. Deux fois déjà ils ont lancé toutes leurs forces dans cette bataille et ils ont perdu. Il faut tout faire aujourd’hui pour qu’ils perdent une troisième fois et que ça leur fasse passer définitivement le goût de cette bataille.

    #paywall :-(

  • Aux sources mathématiques des inégalités de richesse
    https://sandbox.cybergrunge.fr/Aux_sources_mathematiques_des_inegalites_de_richesse.pdf

    Un modèle mathématique simple décrit la répartition de la richesse dans les économies modernes avec une précision sans précédent. De quoi remettre en question quelques idées reçues sur le libre marché.

    L’inégalité en matière de richesse s’accroît à un rythme alarmant non seulement aux États-Unis et en Europe, mais aussi dans des pays aussi divers que la Russie, l’Inde et le Brésil. Selon la banque d’investissement Crédit Suisse, la part du patrimoine global des ménages détenue par le 1 % le plus riche de la population mon-diale est passée de 42,5 à 47,2 % entre la crise financière de 2008 et 2018. Pour le dire autre-ment, en 2010, 388 individus détenaient autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population mondiale, soit environ 3,5 milliards de personnes ; aujourd’hui, l’organisation non gouvernementale Oxfam estime ce nombre à 26.

    https://www.pourlascience.fr/sd/economie/aux-sources-mathematiques-des-inegalites-de-richesse-18601.php

    #richesses #inégalités #ruissèlement #redistribution #oligarchie

    • Étant donné la complexité des économies réelles, nous trouvons gratifiant qu’une approche analytique simple développée par des physiciens et des mathématiciens décrive les distributions réelles de richesse de plusieurs pays avec une aussi grande précision. Il est également assez curieux de constater que ces distributions présentent des caractéristiques subtiles mais essentielles de systèmes physiques complexes. Et surtout, le fait qu’une esquisse aussi simple et plausible du libre marché fasse apparaître qu’il est tout sauf libre et équitable devrait être à la fois un motif d’inquiétude et un appel à l’action.

      L’article est passionnant. Et ses conclusions sont presque magiques. Avec les outils de la micro-économie, qui plus est, outils utilisés jusqu’à la nausée pour assoir la croyance dans le libre marché...

    • @fil : en fait si. Cela reflète bien que dès la première transaction, l’égalité est rompue et que de cette très légère inégalité de fait, découle la croissance exponentielle des inégalités.
      Et cela dans un modèle où toutes les autres règles de distribution sont neutres… ce qui n’est pas le cas en vrai, puisque la monnaie — à travers le système bancaire privé qui la crée — n’est pas du tout neutre mais favorise les agents proportionnellement à leur fortune.

      Quiconque a déjà lutté contre la pauvreté sait à quel point il est coûteux d’être pauvre.

      James Baldwin

      @biggrizzly : l’article est pourtant une condamnation sans appel du capitalisme en général et du néolibéralisme en particulier avec ses #mythes proprement démontés de la #méritocratie et du #ruissèlement

    • Dans « mon » modèle il y a une neutralité complète : le fait d’être plus riche à un instant t ne fait pas que tu le restes ; la simulation montre simplement qu’il n’y a pas d’"équilibre sur la moyenne" mais un « équilibre sur une distribution » — autrement dit il y a toujours des riches et des pauvres. Pas forcément toujours les mêmes.

      En revanche, si on sort de la neutralité pour donner le moindre % d’avantage aux riches (ce qui correspond un peu plus à la réalité, sinon à quoi sert l’argent), le modèle va diverger encore plus et les fortunes se constituent et perdurent. Il faut donc à l’inverse une certaine inégalité de traitement (un impôt fortement progressif) pour contrebalancer l’"étalement neutre" de la courbe.

      Après c’est juste un modèle à deux balles, le philanthrocapitalisme par exemple n’est pas pris en compte (ok je sors).

    • J’ai fait des études dans le domaine (économie, micro-économie, simulation multi-agent), et ça me parle vraiment. Et j’aurais adoré participer à ces simulations lors de mes études.

      En arriver à plaider pour une redistribution, alors que cela fait des dizaines d’années que l’on nous explique que toutes les interventions pour redistribuer sont vouées à l’échec... c’est génial. On renvoie les hallucinés à leur état d’idéologues dans le déni des réalités pourtant les plus évidentes (à savoir la présence d’inégalités structurelles patentes, ie, cette fameuse oligarchie extrême qui n’existerait pas...).

      Ceci dit, en parler autour de soit, expliquer qu’il est scientifiquement démontrable que « l’état de nature » vanté par les économistes hallucinés qui nous gouvernent, conduit à une situation profondément inégalitaire, ce n’est pas évident. J’ai essayé en réunion tout à l’heure. J’ai manqué de mots pour être clair.

    • merci Philippe pour ton lien ! j’ai essayé aussi de simuler ce problème https://freakonometrics.hypotheses.org/59330 (ou disons la version mieux formulée que le problème de base). Dans le cas où un montant fixe est donné, j’avoue ne pas savoir ce qui se passe asymptotiquement, mais je vais creuser... le problème plus intéressant est de donner un pourcentage fixe de sa richesse ! tout d’abord c’est plus classique en inégalité, mais surtout on converge vers une distribution assez peu inégalitaire !
      quand à l’article de base, je ne le commenterais pas.. les physiciens qui découvrent la science économique, ça me fatigue... juste le titre relève un incroyable mépris « Un modèle mathématique simple décrit la répartition de la richesse dans les économies modernes 𝙖𝙫𝙚𝙘 𝙪𝙣𝙚 𝙥𝙧𝙚𝙘𝙞𝙨𝙞𝙤𝙣 𝙨𝙖𝙣𝙨 𝙥𝙧𝙚𝙘𝙚𝙙𝙚𝙣𝙩 » (ça me rappelle un vieux coup de gueule https://freakonometrics.hypotheses.org/5617 si un problème très proche)

    • Bé concrètement, est-ce qu’il y a tant de modèles avec si peu de paramètres qui arrivent à correspondre de manière aussi précise à la répartition de tant de pays sur de nombreuses années ? (le rapport entre la simplicité du modèle et la quantité et la précision de ce que ça arrive à décrire)
      Et si oui lesquels, tant qu’à faire. :p

  • #Pérou. Les oubliés du #Machu_Picchu

    Le site archéologique inca draine des recettes considérables, mais les villages péruviens avoisinants n’en tirent pas profit. Isolés faute de travaux d’infrastructures, ils semblent abandonnés à eux-mêmes par des édiles cupides. Reportage.


    https://www.courrierinternational.com/long-format/perou-les-oublies-du-machu-picchu
    #tourisme #pauvreté #développement #redistribution #abandon

  • #Elite gathering reveals anxiety over ‘class war’ and ‘#revolution’
    Financial Times 2 mai 2019

    The Milken Institute’s annual gathering of the investment, business and political elites this week featured big names from US Treasury secretary Steven Mnuchin to David Solomon, chief executive of Goldman Sachs.

    [..,]

    Despite widespread optimism about the outlook for the US economy and financial markets, some of the biggest names on Wall Street and in corporate America revealed their anxiety about the health of the economic model that made them millionaires and billionaires.

    Mr Milken himself, whose conference was known as the predators’ ball when he ruled over the booming junk bond market of the 1980s, was among those fretfully revisiting a debate that has not loomed so large since before the fall of the Berlin Wall: whether capitalism’s supremacy is threatened by creeping socialism.

    Mr Milken played a video of Thatcher from two years before she became UK prime minister. “Capitalism has a moral basis,” she declared, and “to be free, you have to be capitalist”. Applause rippled through the ballroom.

    In the run-up to the conference, essays by Ray Dalio of Bridgewater Associates and Jamie Dimon of JPMorgan Chase about the case for reforming capitalism to sustain it have been widely shared. Executives are paying close attention to what one investment company CEO called “the shift left of the Democratic party”, personified by 2020 presidential candidates Bernie Sanders and Elizabeth Warren and the social media success of Alexandria Ocasio-Cortez, the democratic socialist elected to Congress last year.

    Former Alphabet chairman Eric Schmidt issued his own rallying cry as he sat beside Ivanka Trump to discuss the conference theme of “driving shared prosperity”.

    “I’m concerned with this notion that somehow socialism’s going to creep back in, because capitalism is the source of our collective wealth as a country,” Mr Schmidt said, urging his fellow capitalists to get the message out that “it’s working”.

    Mr Milken asked Ken Griffin, the billionaire founder of the hedge fund Citadel, why young Americans seemed to have lost faith in the free market, flashing up a poll on the screen behind them which showed 44 per cent of millennials saying they would prefer to live in a socialist country.

    “You and I grew up in a different era, where the cold war was waking up and there was a great debate in America about the strengths and weaknesses of socialism as compared to the economic freedom that we enjoy in our country,” Mr Griffin replied, saying that they had “seen that question answered” with the collapse of the Soviet Union.

    The younger generation that support socialism are “people who don’t know history”, he said.

    Guggenheim Partners’ Alan Schwartz put the risks of rising income inequality more starkly. “You take the average person . . . they’re just basically saying something that used to be 50:50 is now 60:40; it’s not working for me,” he told another conference session, pointing to the gap between wage growth and the growth of corporate profits.

    “If you look at the rightwing and the leftwing, what’s really coming is class warfare,” he warned. “Throughout centuries what we’ve seen when the masses think the elites have too much, one of two things happens: legislation to redistribute the wealth . . . or revolution to redistribute poverty. Those are the two choices historically and debating it back and forth, saying ‘no, it’s capitalism; no, it’s socialism’ is what creates revolution.”

    There was less discussion of the prospect of higher taxes on America’s wealthiest, which some Democrats have proposed to finance an agenda many executives support, such as investing in education, infrastructure and retraining a workforce threatened by technological disruption and globalisation.

    One top investment company executive echoed the common view among the conference’s wealthy speakers: “ Punitive #redistribution won’t work.”

    But another financial services executive, who donated to Hillary Clinton’s US presidential campaign in 2016, told the Financial Times: “ I’d pay 5 per cent more in tax to make the world a slightly less scary place .”

    #capitalisme #anxiété #capitalistes

  • Pour qui sommes-nous prêts à payer l’#impôt ?
    https://www.franceculture.fr/emissions/du-grain-a-moudre/pour-qui-sommes-nous-prets-a-payer-limpot


    « Nous devons baisser, et baisser plus vite, les impôts ». Telle est la feuille de route établie la semaine dernière par Edouard Philippe, dans le cadre de la restitution du Grand débat national. Un objectif qui, sauf surprise, sera un des axes des annonces qu’Emmanuel Macron s’apprête à faire ce soir.

    Que la question fiscale soit à ce point mise en avant, voilà qui n’a rien d’incongru : le mouvement des Gilets jaunes est d’abord un mouvement de #révolte_fiscale ; quant au Grand débat, il en a fait un des principaux thèmes de discussions.

    Or que ressort-il de ces dernières, sachant que l’échantillon qui s’est exprimé, pour être conséquent, n’en est pas forcément représentatif de la population ?

    Et bien qu’au-delà de la pression fiscale, c’est le sentiment d’#injustice qui domine, l’idée selon laquelle ce sont les autres et pas soi-même qui bénéficient le plus de la #redistribution des richesses.

    Le consentement à l’impôt en est amoindri. Or c’est ce consentement qui constitue un des socles les plus importants de notre pacte social.

    Alors comment y remédier ?

    Intervenants #Du_grain_à_moudre

    Jérôme Fourquet
    politologue, directeur du département Opinion et Stratégies d’entreprise de l’Ifop
    Anne Guyot-Welke
    porte-parole du syndicat Solidaires Finances Publiques
    Philippe Nemo
    Philosophe, ancien professeur à ESCP Europe

  • Leading the Way with #redis
    https://hackernoon.com/redis-gamification-60e49b5494ae?source=rss----3a8144eabfe3---4

    Real-Time #leaderboard Results, Powered by RedisImage CreditThere’s nothing like a leaderboard to trigger feelings of sincere satisfaction or motivational malaise. Much like Pavlov’s dogs, we start salivating at the sight this engrossing stimulus. Whether we’re motivated by the recognition of our ambitious achievements or by a dreadful sense of judgment and self-reproach, leaderboards manage to hit nerves and rev engines.What was once a staple of the gaming community is now a tool that drives engagement across a variety of platforms. GitHub, for instance, gamified the process of ‘committing’ to repositories by publicly displaying contribution stats on a calendar. As a developer, I can attest to the power of sprawling swaths of green.Today we’re happy to release Contributions: a new addition to (...)

    #redis-leaderboard #database #build-a-leaderboard

  • Vivre de la terre (3/4) : Redistribuer la terre : une utopie ?
    https://www.franceculture.fr/emissions/cultures-monde/vivre-de-la-terre-34-redistribuer-la-terre-une-utopie


    Championne des inégalités agraires selon un rapport d’Oxfam, l’Amérique latine se distingue par l’ultra-concentration de ses terres. Le XXe siècle a connu de nombreuses tentatives infructueuses de réformes agraires. Pourquoi semble-t-il impossible d’y concevoir une répartition équitable des terres ?

    Intervenants
    Michel Merlet
    ingénieur agronome, directeur de l’association AGTER.

    Jacobo Grajales
    maître de conférences en science politique à l’Université de Lille et membre du CERAPS.

    Nancy Andrew
    chercheuse associée au LAM, socioliogue du développement rural et spécialiste de la question foncière en Afrique australe.

  • How we built a real-time in-game currency service with 7.5M transactions per minute
    https://hackernoon.com/how-we-built-a-real-time-in-game-currency-service-with-7-5m-transactions

    For us techies at Loco, there is nothing more exciting than to work on the cutting edge solutions, use new products, and solve problems that don’t have a solution on StackOverflow. Recently, we came across one such problem and discovered one such technology to solve it.We designed our new, high performance, transactional currency service around #tarantool, a high-performance #database. It served as our SSOT (single source of truth) database to ship a new feature.Why did we even think of Tarantool?We had to build an in-game currency transaction system which requires a minimum of 150K concurrent users to get coins real-time. The users should be able to use the coins as soon as they get it. For us, ‘real-time’ means ~300ms. For all our users, all 150K concurrent users.One way of solving this is (...)

    #in-memory-database #redis #nosql

  • Dealing with a Production Incident After Midnight
    https://hackernoon.com/production-incidents-at-night-postmortem-c9233ec1de7e?source=rss----3a81

    by Dominic FraserA night worker on a very different infrastructure project takes in the skyline — Shanghai, ChinaFrom 21:22 UTC on Wednesday December 12th a sustained increase in 500 error responses were seen on Skyscanner’s Flight Search Results page, and in the early hours of the following morning 9% of Flight Search traffic was being served a 500 response.As a junior software engineer this was my first experience of assisting to mitigate an out-of-hours production incident. While I had previously collaborated on comparable follow-up investigations, I had never been the one problem-solving during the night (while sleep-deprived) before! This post walks through some specifics of the incident and, by describing the event sequentially (rather than as simply a summary of actions), hopefully (...)

    #aws #cache #redis #production-incident #postmortem