• Mayotte, vers une dérive génocidaire ? - OCL
    http://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article3966

    Tout s’est joué en deux mois. Juste après la déclaration d’#indépendance des #Comores, il y a eu une chasse à l’homme à Mayotte contre les Comoriens des autres îles et les #Mahorais_indépendantistes. Des exactions ont été commises par des milices soroda (mot dérivé de soldat), sous le regard des autorités françaises, qui s’opposaient aux « serrez la main », sous-entendu aux autres îles. C’est alors la proclamation unilatérale de la fondation d’un conseil général de Mayotte qui va durer jusqu’en 1977 (où des élections ont lieu). Aucun document n’est resté dans les archives coloniales sur cette période, marquée par le harcèlement, etc. des opposants. Parallèlement, il y a un coup d’état à Moroni avec le célèbre Bob Denard. S’ensuivent 25 années de mercenariat, 2 présidents assassinés...

    .... en 95 (...) c’est l’instauration du visa Balladur. Pour la 1ère fois, les ressortissants #comoriens ont besoin d’un visa d’entrée à Mayotte. La circulation ne s’arrête pas, sauf que maintenant il faut prendre des risques. Il y a eu environ 25 000 morts depuis. Les bateaux partent du sud d’Anjouan, 70 km de trajet. Ce n’est pas parce que les gens fuient des conditions intolérables. C’est que les conditions imposées par la France les obligent à prendre des risques. La notion d’immigration illégale à Mayotte est en effet une absurdité.


    Depuis les années 80, les Comoriens servent de boucs émissaires à toute l’incurie de la gestion coloniale de #Mayotte. Le problème en eau, c’est les Comoriens, les problèmes scolaires c’est les Comoriens, la saturation des infrastructures sanitaires, c’est les Comoriens, les maris qui ne veulent plus de leurs épouses mahoraises et qui trouvent mieux ailleurs, c’est les Comoriennes, etc. En 2003, un hameau de pêcheurs sans papiers en bord de mer et incendié sur ordre du maire du village, 28 cases incendiées, ce monsieur n’a jamais été inquiété en quoi que ce soit. Il y a eu des opérations de #décasage sauvages avec croix rouges tracées sur les portes des baraques et autres habitats de fortune pour faciliter le travail de la #police pour venir chercher les #sans_papiers. La police se promène depuis l’époque avec des camions bleus grillagés et charge femmes, enfants, Comoriens sans papiers, parfois sous les acclamations de la population. Et il ne s’agit pas de s’interposer en disant ça va pas ou quoi, vous êtes des gros fachos là, on se fait démonter la tête vite fait. Il y a une vraie hostilité cultivée à Mayotte vis à vis des trois autres îles.

    Les #femmes sont à l’avant-garde depuis la fin des années 50 début des années 60 du mouvement en faveur de Mayotte française. Ça s’explique pour des raisons anthropologiques. Mayotte comme tout l’archipel des Comores est une #société_matrilinéaire, c’est la lignée mères filles qui structure la généalogie familiale, cette matrilinéarité s’articule à une #matrilocalité, c’est-à-dire que traditionnellement c’est la mère qui est propriétaire de sa maison, et c’est le mari qui vient habiter dans la maison de son épouse, et s’il est polygame il tourne entre les différentes maisons de ses épouses. S’il y a un problème, une séparation, la femme dispose de sa maison, c’est lui qui retournera chez sa mère.

    Et c’est la raison pour laquelle le mouvement populaire mahorais s’est structuré à travers tous ces réseaux de #sociabilité_féminine, matrimoniale, villageoise, etc, qui ont été les fers de lance de Mayotte française. Avant l’indépendance, c’est ce qu’on appelait les chatouilleuses, dès qu’elles voyaient un notable des trois autres îles débarquer à Mayotte, à l’aéroport, elles l’agressaient, elles commençaient à le chatouiller, à lui enlever sa chemise, jusqu’à le laisser exsangue dans la poussière, sans le tuer, mais c’était une opération de harcèlement. Les femmes qui sont aujourd’hui à la pointe du mouvement pro wuambushu à Mayotte se revendiquent comme les descendantes des chatouilleuses.

    #opération_wuambushu

  • Quand la sociabilité exigée en start-up finit par écœurer : « Ils ont du mal à comprendre que pour nous, c’est juste un travail, souvent alimentaire »
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/04/27/quand-la-sociabilite-exigee-en-start-up-finit-par-ec-urer-les-plus-jeunes_61

    Tout allait alors très bien pour Constance (tous les prénoms ont été modifiés), 25 ans, dans sa start-up en technologie de l’information depuis trois ans. Dîners entre collègues, travail le week-end chez son patron, verres le soir… la jeune diplômée d’école de commerce finit par enchaîner les événements de l’entreprise avec appréhension. « Si tu ne viens pas, il y a des projets dans lesquels tu n’es pas intégrée, parce que tu n’étais pas là le soir. J’ai eu par exemple une opportunité qui aurait pu être pour quelqu’un qui était plus en retrait du groupe. Plutôt que de lui donner, on me l’a filée. Ça se fait beaucoup par affinités », raconte la cheffe de projet.
    https://justpaste.it/aazjp

    #travail #culture_d'entreprise #sociabilité_obligatoire #précarité

  • « Si les ados n’ont pas accès aux réseaux sociaux, on les prive d’une forme de sociabilité » – Libération
    https://www.liberation.fr/societe/education/si-les-ados-nont-pas-acces-aux-reseaux-sociaux-on-les-prive-dune-forme-de
    https://www.liberation.fr/resizer/En1wdEBUFtDr_Sjfi8kVmfupQTg=/1200x630/filters:format(jpg):quality(70):focal(2625x1205:2635x1215)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/CFELPWCCZBAYZGG267V5CVEWAM.jpg

    Alors qu’une proposition de loi examinée ce jeudi vise à interdire l’accès aux réseaux sociaux avant 15 ans, la chercheuse Anne Cordier estime que ces plateformes restent un lieu de socialisation et d’éducation important.

    "Alors qu’une proposition de loi
    examinée ce jeudi vise à in-
    terdire l’accès aux réseaux
    sociaux avant 15 ans, la chercheuse
    Anne Cordier estime que ces plate-
    formes restent un lieu de socialisation et
    d’éducation important.
    Les réseaux sociaux, pas avant 15 ans
     ? La proposition de loi du député Lau-
    rent Marcangeli (Horizons) visant à in-
    staurer une majorité numérique à cet âge
    sera examinée ce jeudi à l’Assemblée.
    En dessous de 15 ans, les jeunes ne
    pourraient pas s’inscrire sans accord
    parental. Aujourd’hui, il n’est en théorie
    pas possible de se créer un compte avant
    13 ans mais, dans la pratique, la dé-
    marche est facile, et les réseaux sociaux
    restent très largement utilisés par les
    plus jeunes. Notamment à l’école, où ils
    peuvent être un outil de socialisation et
    une source d’information, souligne Anne
    Cordier, professeure en sciences de l’in-
    formation et de la communication à
    l’université de Lorraine.
    Depuis 2018 , l’utilisation des porta-
    bles, et donc l’accès aux réseaux soci-
    aux, est interdite dans l’enceinte des
    écoles et des collèges, en dehors d’une
    utilisation pédagogique. Les élèves re-
    spectent-ils cette règle ?
    Non. Certains expliquent qu’ils coupent
    le téléphone « au maximum », donc pas
    totalement. Ils racontent que leurs par-
    ents vérifient où ils sont, leur envoient
    des messages la journée. Les téléphones
    sont sur eux, donc il y a aussi beaucoup
    de consultations sauvages, cachées. Les
    équipes de vie scolaire évoquent sou-
    vent cette difficulté de faire respecter la
    règle. Beaucoup d’élèves profitent des
    interstices du temps scolaire (cantine,
    cour de récré, dans les couloirs) pour
    jeter un coup d’oeil sur les réseaux soci-
    aux.
    Qu’est-ce qui a changé à l’école depuis
    l’arrivée des réseaux sociaux ?
    Avec l’arrivée d’Internet, il y a eu des
    interrogations sur l’autorité de l’école,
    questionnée par Wikipédia, les moteurs
    de recherche. Les réseaux sociaux vi-
    ennent ajouter une couche supplémen-
    taire à ces interrogations et plus encore
    sur la porosité des temps et des espaces
    puisque, dans un établissement scolaire,
    les jeunes sont aussi connectés à autre
    chose que l’école elle-même. Ils ont
    deux vies au sein de l’école : celle dans
    l’établissement et celle sur les réseaux
    sociaux. L’information circule rapide-
    ment entre eux ce qui leur permet de
    suivre le lien social. Parce que beaucoup
    de sociabilités adolescentes passent par
    les réseaux sociaux. Ils n’échangent plus
    par SMS mais par WhatsApp pour se
    donner rendez-vous d’une classe à
    l’autre, parce que cela leur donne davan-
    tage la sensation d’être en réseau. Si les
    ados n’ont pas accès aux réseaux soci-
    aux, on les prive d’un mode de sociabil-
    ité.
    Les jeunes sont inscrits de plus en
    plus tôt sur ces plateformes mais est-
    ce que cela concerne tous les milieux
    sociaux ?
    Il y aurait des distinctions sociales sur
    cette question. Dans le cadre d’un projet
    sur les enfants et les cultures
    numériques, nous avons enquêté dans
    des établissements très différents so-
    cialement et il apparaît assez nettement
    que les enfants scolarisés en éducation
    prioritaire semblent avoir plus de
    comptes sur les réseaux sociaux que les
    autres. Ils accèdent à ces comptes plutôt mais ils ne publient pas pour autant.
    Ils vont sur TikTok ou Snapchat mais ils
    ne publient pas de photos ou de vidéos.
    Les ados ont une grande conscience de
    la question des données personnelles.
    Des CE1 m’ont par exemple expliqué
    qu’ils cachent leur visage, enregistrent
    leurs photos en brouillon parce qu’ils
    sont encore petits. Ils savent qu’ils n’ont
    pas le droit d’y accéder totalement avant
    13 ans. C’est une sorte d’antichambre à
    une socialisation adolescente : ils se pré-
    parent à ce qui les attend au collège.
    Il n’y a pas de déficit dans l’accompag-
    nement parental mais un choix éducatif
    différent selon les milieux sociaux, très
    probablement lié à la volonté d’être in-
    clus socialement.
    Les réseaux sociaux ont-ils empiré le
    phénomène du harcèlement scolaire ?
    On n’a jamais parlé autant du harcèle-
    ment scolaire que depuis qu’il y a les
    réseaux sociaux mais ça ne veut pas dire
    que cela n’existait pas avant. Le véri-
    table souci est cette continuité de l’es-
    pace-temps du harcèlement scolaire ren-
    du possible par les réseaux . Cela in-
    terroge leur usage dans l’espace privé
    domestique. Et une régulation parentale
    nécessaire, notamment. Mais pas que.
    Car cette violence n’est pas imputable
    au dispositif technique en soi. Mais à la
    conception de l’autre, à la capacité d’em-
    pathie de chacun.
    Les ados sont-ils plus informés ou
    plus désinformés avec les réseaux so-
    ciaux ?
    Ils sont sans aucun doute davantage in-
    formés mais forcément aussi davantage
    soumis au risque de désinformation. Les
    collégiens s’informent sur les matchs du
    week-end, le dernier album de Beyon-
    cé... Cela nourrit leur culture générale,
    une culture adolescente, qui leur permet
    d’échanger ensuite entre eux.
    Est-ce que cela a changé quelque
    chose dans leurs apprentissages ?
    Pour un exposé, ils utilisent beaucoup
    YouTube. Ils sont attirés par le format
    vidéo et plus encore par la personnali-
    sation de l’information. Le youtubeur est
    proche d’eux dans sa façon de parler,
    dans son look. Il les tutoie. En dehors
    de YouTube, les ados ne font pas de for-
    cément de recherche active d’informa-
    tion par les réseaux sociaux mais ces
    derniers constituent une sorte de canal
    de transmission pratique parce que l’in-
    formation leur arrive « sans le vouloir »,
    comme ils le disent le plus souvent,
    sachant qu’ils sont nombreux à suivre
    des titres de presse en ligne, sans savoir
    toujours bien identifier ce qu’est une
    source d’information.
    Est-ce qu’ils restent très perméables
    aux fake news ?
    Pour leurs travaux scolaires, les élèves
    ont tendance à aller vérifier une infor-
    mation auprès de l’autorité enseignante
    ou parentale. Ils sont nombreux à parler
    de la peur de prendre une fausse infor-
    mation pour une vraie. Ils ont con-
    science de ce problème. L’ éducation
    aux médias et à l’information est dans
    les programmes scolaires existe institu-
    tionnellement depuis 2015. Mais il n’y
    a pas d’heures dédiées. Elle reste mal-
    heureusement une éducation de circon-
    stance alors qu’elle devrait être quotidi-
    enne et pas seulement traitée lorsqu’il y
    a un problème, comme au moment des
    attentats ou de la guerre en Ukraine. Ce
    n’est jamais bon de traiter l’information
    sur le coup de l’émotion.

    #Anne_Cordier #Médias_sociaux #Adolescents #Sociabilité

  • Les écrans : un désastre comportemental, intellectuel & cognitif.

    Une journée (le 6 février) sans téléphone portable, c’est bien (pour les malades que nous sommes).

    Entre 2 et 8 ans un enfant « moyen » consacre aux écrans récréatifs l’équivalent de 7 années scolaires complètes ou 460 jours de vie éveillée (1,25 année), ou encore l’exacte quantité du temps de travail personnel requis pour devenir un solide violoniste.

    Mais il faudrait aussi (365 jours sur 365) la suppression stricte, intégrale, immédiate et en tout lieux (y compris à l’école) des écrans pour tous les enfants de moins de 6 ans. Et la réduction à 30 mn à 1 h (tous usages cumulés) par jour pour tous les moins de 16 ans.

    Michel Desmurget le démontre dans son bouquin : sans quoi les jeunes générations d’aujourd’hui ne donneront que des crétins.

    Quelques extraits tirés au fil de ma lecture :

    « Selon les termes d’une étude récente, « seulement 3 % du temps consacré par les #enfants et #adolescents aux #médias_digitaux est utilisé à la création de contenus » (tenir un blog, écrire des programmes informatiques, créer des vidéos ou autres contenus « artistiques », etc.).

    .. Plus de 80 % des ados et préados déclarent ne « jamais » ou « quasiment jamais » utiliser leurs #outils_numériques pour faire œuvre créative. »

    « Croire que les #digital_natives sont des ténors du bit, c’est prendre ma charrette à pédale pr une roquette interstellaire ; croire que le simple fait de maîtriser une app informatique permet à l’utilisateur de comprendre quoi que ce soit aux éléments physiques & logiciels engagés »

    De « l’effarante débilité de cette triste fiction » des DigitalNatives… comme « un groupe mutant à la fois dynamique, impatient, zappeur, multitâche, créatif, friand d’expérimentations, doué pour le travail collaboratif, etc. Mais qui dit mutant dit différent…

    .. Dès lors, ce qui transparaît implicitement ici, c’est aussi l’image d’une génération précédente misérablement amorphe, lente, patiente, monotâche, dépourvue de #créativité, inapte à l’expérimentation, réfractaire au #travail_collectif, etc.

    .. Drôle de tableau qui, a minima, dessine deux axes de réflexion. Le premier interroge les efforts déployés pour redéfinir positivement toutes sortes d’attributs psychiques dont on sait depuis longtemps qu’ils sont fortement délétères pour la #performance_intellectuelle : #dispersion, #zapping, #multitasking, impulsivité, impatience, etc. Le second questionne l’ubuesque acharnement mis en œuvre pour caricaturer et ringardiser les #générations_prédigitales. »

    « Les changements anatomiques [chez les gamers] dont se gaussent certains médias pourraient très bien poser, non les jalons d’un avenir intellectuel radieux, mais les bases d’un #désastre_comportemental à venir. »

    « les digital natives ou autres membres de je ne sais quelle confrérie des X, Y, Z, lol, zappiens ou C, n’existent pas. L’enfant mutant du numérique, que son aptitude à taquiner le #smartphone aurait transformé en omnipraticien génial des nouvelles technologies les + complexes que #Google Search aurait rendu infiniment plus curieux, agile et compétent que n’importe lequel de ses enseignants prédigitaux ; qui grâce aux jeux vidéo aurait vu son cerveau prendre force et volume ; qui grâce aux filtres de Snapchat ou Instagram aurait élevé sa créativité jusqu’aux + hauts sommets ; etc. ; cet enfant n’est qu’une légende. Il n’est nulle part dans la littérature scientifique. […] Ce qui est extraordinaire, c’est qu’une telle absurdité perdure contre vents et marées, &, en plus, contribue à orienter nos politiques publiques notamment dans le domaine éducatif. Car au-delà de ses aspects folkloriques, ce mythe n’est évidemment pas dénué d’arrière-pensées. Sur le plan domestique, d’abord, il rassure les parents en leur faisant croire que leurs rejetons sont de véritables génies du numérique et de la pensée complexe, même si, dans les faits, ces derniers ne savent utiliser que quelques (coûteuses) applications triviales.

    .. Sur le plan scolaire, ensuite, il permet, pour le plus grand bonheur d’une industrie florissante, de soutenir la numérisation forcenée du système et ce, malgré des performances pour le moins inquiétantes. »

    « Plus globalement, si un observateur ose s’alarmer du temps passé par les enfants devant les écrans de ttes sortes, la triste légion des tartufes conspue sans délai le fâcheux, arguant qu’il s’agit là d’une position « sexiste », représentant fondamentalement « un nouvel outil de #culpabilisation des mères » […] « pr nos néosuffragettes du droit à l’abrutissement, suggérer que les enfants passent bien trop de temps avec leurs écrans signifie juste, en dernière analyse, que « ns n’aimons pas les innovations qui rendent + faciles la vie des mères ».

    « Quand les adultes ont constamment le nez scotché sur leur mobile, les #interactions_précoces essentielles au #développement_de_l’enfant sont altérées. »

    « Une étude vous déplaît, trouvez-la alarmiste, idiote, dogmatique, moralisatrice, exagérée, excessive, biaisée, absurde, culpabilisante ou sexiste. Affirmez vaguement qu’on pourrait trouver d’autres recherches contradictoires tout aussi convaincantes (évidemment sans les citer).

    .. Criez aux heures noires de la prohibition, évoquez la censure, dénoncez les stratégies de la peur, beuglez votre haine de l’oppression culturelle. En désespoir de cause, caricaturez l’auteur, raillez sa #bêtise, faites-le passer pour un #crétin, un demeuré, un réactionnaire un triste sermonnaire ou un sombre élitiste. Tronquez, trompez, truquez. Mais, surtout, ne regardez jamais les faits, ne considérez jamais le cœur du travail discuté. Ce n’est pas si difficile. Avec un peu d’habitude, vous apprendrez aisément à masquer l’absolue vacuité de vos propos sous l’ombrage d’un humanisme paisible et rassurant. Une fois acquises les bases du job, vous parviendrez en quelques mots, avec la dextérité du virtuose illusionniste, à transformer la plus solide recherche en affligeante pitrerie. »

    L’explication de cette limite apparemment arbitraire des 3 ans ? « Cet âge semble constituer le seuil optimal à partir duquel inscrire efficacement dans les neurones des gosses la trace de la grenouille Budweiser, de la virgule Nike, de l’estampille Coca-Cola, du clown McDonald ou du mâle viril forcément fumeur. Selon une enquête du gpe Lagardère Publicité, dès 4 ans, + de 75 % des demandes d’achat émises par les enfants sont consécutives à une exposition publicitaire, pour un taux d’acceptation parental supérieur à 85 %. »

    « En disant, pas de télé avant 3 ans, on affiche sa bonne foi, sa probité et son indépendance. [et] en proscrivant la télé avant 3 ans, ce que l’on exprime vraiment, in fine, c’est l’idée selon laquelle l’exposition devient possible au-delà de cet âge »…

    « Avant 3 ans, petit humain n’est guère intéressant. Ce n’est qu’autour de cet âge qu’il devient une cible publicitaire pertinente et, de ce fait, une potentielle source de revenus pour les opérateurs. Peu importe alors que la télé ampute son développement. »

    « L’#industrie_audiovisuelle ne fut pas longue à réaliser le profit qu’elle pourrait tirer de cette césure. Elle accepta sans états d’âme d’abandonner le secondaire pr préserver l’essentiel. À travers ses relais experts & médiatiques elle opéra alors selon 2 axes complémentaires 1) en soutenant diligemment la condamnation des usages précoces (ce qui ne lui coûtait rien). 2) en se lançant dans une subtile (et efficace) campagne d’attiédissement des restrictions tardives. Ainsi, on ne parla plus d’une à 2 h par jour max, mais d’usages « excessifs ». »

    « La dernière étude en date montre, sans la moindre ambiguïté, que l’usage d’une #tablette « interactive » non seulement ne développe pas, mais altère lourdement le développement de la motricité manuelle fine chez des enfants d’âge préscolaire. »

    « Les recherches montrent que la tablette est, la plupart du temps, pour le jeune enfant, un écran « passif » servant à consommer des contenus audiovisuels dont on nous dit précisément qu’ils sont déconseillés (dessins animés, films, clips, etc.). »

    « Au-delà des variations de protocoles, de populations, d’approches et de méthodologies, le résultat n’a jamais varié : les contenus violents favorisent à court et long terme l’émergence de comportements agressifs chez l’enfant et l’adulte. »

    « Le lien empirique [entre contenus violents et agression] n’est donc plus à démontrer aujourd’hui, quoi qu’en disent les gamers et quelques démago-geeks qui caressent l’industrie du jeu violent dans le sens du poil. »

    « Les médias présentent souvent “les deux côtés” du débat associant violence médiatique et agression en appariant un chercheur avec un expert ou un porte-parole de l’industrie ou même un contradicteur universitaire, ce qui crée une fausse équivalence et la perception erronée que les travaux de recherches et le consensus scientifique font défaut. » Pourtant : « ds le NYT, le secr. géné. de l’Association de #psychologie déclarait que « les preuves sont écrasantes. Les contester revient à contester l’existence de la gravité ».

    Ce qui n’empêche pas « les bons petits soldats du numérique [de continuer], sous couvert d’expertise, à emplir l’espace collectif de leur affligeante #propagande. »

    « Les études qui ont mesuré l’exposition durant la petite enfance (avec ou sans analyse de contenus) ont démontré de manière constante que regarder la télévision est associé à des conséquences développementales négatives. Cela est observé pour l’attention, les performances éducatives, les fonctions exécutives et les productions langagières ». Autrement dit, pour les jeunes enfants, l’impact de la télévision n’est nullement complexe. Il est immuablement néfaste. Point. »

    « Prenez le lien entre #consommation_audiovisuelle précoce et déficits cognitifs tardifs. Même avec la meilleure volonté du monde, il semble diantrement difficile de rejeter l’hypothèse de causalité sachant, par exemple, que : (1) la présence d’une télé dans une maison effondre la fréquence, la durée et la qualité des interactions intrafamiliales ; (2) ces interactions sont fondamentales pour le #développement_cognitif du jeune enfant ; (3) certains outils statistiques reposant sur des protocoles dits « longitudinaux » ont permis d’établir la nature causale du lien observé, chez le jeune enfant, entre l’accroissement du temps d’écrans et l’émergence de retards développementaux. »

    « Il est aujourd’hui solidement établi que les écrans ont, sur la durée et la qualité de nos nuits, un impact profondément délétère. Certaines influences se révèlent relativement directes ; par ex, quand le sommeil est altéré, la mémorisation, les facultés d’apprentissage et le fonctionnement intellectuel diurne sont perturbés, ce qui érode mécaniquement la #performance_scolaire. Certaines influences s’avèrent plus indirectes ; par ex, quand le sommeil est altéré, le système immunitaire est affaibli, l’enfant risque davantage d’être malade et donc absent, ce qui contribue à augmenter les difficultés scolaires. Certaines influences émergent avec retard ; par ex, quand le sommeil est altéré, la maturation cérébrale est affectée, ce qui, à long terme, restreint le potentiel individuel (en particulier cognitif) et donc mécaniquement, le rendement scolaire. […] La plupart des influences sont multiples et il est évident que l’impact négatif des #écrans récréatifs sur la #réussite_scolaire ne repose pas exclusivement sur la détérioration du #sommeil. Ce dernier levier opère ses méfaits en synergie avec d’autres agents dont – nous y reviendrons largement – la baisse du temps consacré aux devoirs ou l’effondrement des #capacités_langagières et attentionnelles. Dans le même temps, cependant, il est clair aussi que l’influence négative des écrans récréatifs sur le sommeil agit bien au-delà du seul champ scolaire. Dormir convenablement se révèle essentiel pour abaisser le risque d’accident, réguler l’humeur et les émotions, sauvegarder la #santé, protéger le cerveau d’un #vieillissement_prématuré, etc. »

    « Ce qui ne s’est pas mis en place durant les âges précoces du développement en termes de langage, de #coordination_motrice, de prérequis mathématiques, d’#habitus_sociaux, de #gestion_émotionnelle, etc., s’avère de + en + coûteux à acquérir au fur et à mesure que le temps passe. »

    Les moins de 2 ans : « Les enfants de moins de deux ans consacrent, en moyenne, chaque jour, une cinquantaine de minutes aux écrans. […] La valeur paraît sans doute raisonnable de prime abord… elle ne l’est pas. Elle représente presque 10 % de la durée de veille de l’#enfant ; et 15 % de son temps « libre », c’est-à-dire du temps disponible une fois que l’on a retiré les activités « contraintes » telles que manger (sept fois par jour en moyenne avant 2 ans), s’habiller, se laver ou changer de couche. […] Cumulées sur 24 mois, ces minutes représentent plus de 600 heures. Cela équivaut à peu près aux trois quarts d’une année de maternelle ; ou, en matière de #langage, à 200 000 énoncés perdus, soit à peu près 850 000 mots non entendus. […] Pour le seul sous-groupe des usagers quotidiens, la moyenne de consommation s’établit à presque 90 mn. Autrement dit, plus d’1/3 des enfants de moins d’1 an ingurgitent 1 h 30 d’écrans par jour — […] principalement dans les milieux socioculturels les moins favorisés. […]

    .. En fonction des groupes étudiés, entre 1 h 30 et 3 h 30 d’usage journalier. Principale raison avancée par les #parents pour expliquer cette incroyable orgie : faire tenir les gamins tranquilles dans les lieux publics (65 %), pendant les courses (70 %) et/ou lors des tâches ménagères (58 %). Chaque jour, près de 90 % des enfants défavorisés regardent la #télévision ; 65 % utilisent des outils mobiles ; 15 % sont exposés à des consoles de jeux vidéo. En 4 ans, la proportion de bambins de - de 12 mois utilisant des écrans mobiles est passée de 40 à 92 %. »

    « La consommation numérique [Du 2-8 ans] : entre 2 et 4 ans, 2 h 45 par jour. […] Sur la dernière décennie, elles ont augmenté de plus de 30 %. Elles représentent quasiment 1/4 du temps normal de veille de l’enfant. Sur une année, leur poids cumulé dépasse allègrement 1 000 h. Cela veut dire qu’entre 2 et 8 ans un enfant « moyen » consacre aux écrans récréatifs l’équivalent de 7 années scolaires complètes ou 460 jours de vie éveillée (1,25 année), ou encore l’exacte quantité du temps de travail personnel requis pour devenir un solide violoniste. »

    « Durant la préadolescence [entre 8 et 12 ans], les enfants voient leur besoin de sommeil diminuer sensiblement. Chaque jour, ils gagnent naturellement entre 1 h 30 et 1 h 45 d’éveil. Cette « conquête », dans sa quasi-totalité, ils l’offrent à leurs babioles numériques.

    .. Ainsi, entre 8 et 12 ans, le temps d’écrans journalier grimpe à presque 4 h 40, contre 3 heures précédemment. […] Cumulé sur 1 an, cela fait 1 700 h, l’équivalent de deux années scolaires ou, si vous préférez, d’un an d’emploi salarié à plein-temps. »

    « Les préados issus de milieux défavorisés consacrent chaque jour presque 2 h de + aux écrans que leurs homologues + privilégiés. Pr sa + gde partie, cet écart provient d’un usage accru d’une part des contenus audiovisuels (+ 1h15) et d’autre part des réseaux sociaux (+ 30 mn). »

    « « Il existe une corrélation négative entre le bien-être socio-émotionnel et le temps consacré aux écrans ». Autrement dit, les préados & ados qui passent le moins de temps dans le monde merveilleux du cyber-divertissement sont aussi ceux qui se portent le mieux ! »

    .. Conclusion : nos gamins peuvent très bien se passer d’écrans ; cette abstinence ne compromet ni leur équilibre émotionnel ni leur intégration sociale. Bien au contraire ! »

    Les ados [13-18 ans] : « La consommation quotidienne de numérique atteint alors 6 h 40. […] Il équivaut à un quart de journée et 40 % du temps normal de veille. Cumulé sur un an, cela représente plus de 2 400 heures, 100 jours, 2,5 années scolaires ou encore la totalité du temps consacré de la sixième à la terminale, pour un élève de filière scientifique, à l’enseignement du français, des mathématiques et des Sciences de la Vie et de la Terre (SVT).

    .. Autrement dit, sur une simple année, les écrans absorbent autant de tps qu’il y a d’heures cumulées d’enseignement du français, des maths et des SVT durant tt le secondaire. Mais cela n’empêche pas les sempiternelles ruminations sur l’emploi du tps trop chargé des écoliers. »

    « Si vs voulez exalter l’exposition de votre progéniture au numérique, assurez-vs que le petit possède en propre smartphone/tablette et équipez sa chambre en tv/console. Cette attention pourrira son sommeil, sa santé et ses résultats scolaires, mais au moins vous aurez la paix. »

    « Pr être pleinement efficace à long terme, le cadre restrictif ne doit pas être perçu comme une punition arbitraire, mais comme une exigence positive. Il est important que l’enfant adhère à la démarche et en intériorise les bénéfices. Quand il demande pourquoi il n’a « pas le droit » alors que ses copains font « ce qu’ils veulent », il faut lui expliquer que les parents de ses copains n’ont peut-être pas suffisamment étudié la question ; lui dire que les écrans ont sur son cerveau, son intelligence, sa concentration, ses résultats scolaires sa santé, etc., des influences lourdement négatives ; et il faut lui préciser pourquoi : moins de sommeil ; moins de temps passé à des activités plus nourrissantes, dont lire, jouer d’un instrument de musique, faire du sport ou parler avec les autres ; moins de temps passé à faire ses devoirs ; etc. Mais tout cela, évidemment, n’est crédible que si l’on n’est pas soi-même constamment le nez sur un écran récréatif.

    .. Au pire, il faut alors essayer d’expliquer à l’enfant que ce qui est mauvais pour lui ne l’est pas forcément pour un adulte, parce que le cerveau de ce dernier est « achevé » alors que celui de l’enfant est encore « en train de se construire ». »

    « ÉTABLIR DES RÈGLES, ÇA MARCHE ! […] Et que se passe-t-il si l’on retire la télé ? Eh bien, même s’il déteste ça, l’enfant va se mettre à lire. Trop beau pour être vrai ? Même pas ! Plusieurs études récentes ont en effet montré que notre brave cerveau supportait très mal le désœuvrement. Il a ainsi été observé, par exemple, que 20 minutes passées à ne rien faire entraînaient un niveau de fatigue mental plus important que 20 minutes passées à réaliser une tâche complexe de manipulation des nombres. Dès lors, plutôt que de s’ennuyer, la majorité des gens préfère sauter sur la première occupation venue même si celle-ci s’avère a priori rébarbative ou, pire, consiste à s’infliger une série de chocs électriques douloureux. Cette puissance prescriptive du vide, la journaliste américaine Susan Maushart l’a observée de première main, le jour où elle a décidé de déconnecter ses trois zombies adolescents169. Privés de leurs gadgets électroniques, nos heureux élus commencèrent par se cabrer avant progressivement, de s’adapter et de se (re)mettre à lire, à jouer du saxo, à sortir le chien sur la plage, à faire la cuisine, à manger en famille, à parler avec maman, à dormir davantage, etc. ; bref, avant de se (re)mettre à vivre. »
    « Si les neurones se voient proposer une « nourriture » inadéquate en qualité et/ou quantité, ils ne peuvent « apprendre » de manière optimale ; et plus la carence s’étire dans le temps, plus elle devient difficile à combler. »

    « Les expériences précoces sont d’une importance primordiale. Cela ne veut pas dire que tt se joue avant 6 ans, comme le claironne abusivement le titre français d’un best-seller américain des années 1970. Mais cela signifie certainement que ce qui se joue entre 0 et 6 ans influence profondément la vie future de l’enfant. Au fond, dire cela, c’est affirmer un truisme. C’est stipuler que l’apprentissage ne sort pas du néant. Il procède de manière graduelle par transformation, combinaison et enrichissement des compétences déjà acquises. Dès lors, fragiliser l’établissement des armatures précoces, notamment durant les « périodes sensibles », c’est compromettre l’ensemble des déploiements tardifs. »

    PAS D’ÉCRAN AVANT (AU MOINS) 6 ANS ! « En 6 ans, au-delà d’un monceau de conventions sociales et abstraction faite des activités « facultatives » comme la danse, le tennis ou le violon, le petit humain apprend à s’asseoir à se tenir debout, à marcher, à courir, à maîtriser ses excrétions, à manger seul, à contrôler et coordonner ses mains (pour dessiner, faire ses lacets ou manipuler les objets), à parler, à penser, à maîtriser les bases de la numération et du code écrit, à discipliner ses déchaînements d’émotions & pulsions, etc. Ds ce contexte, chaque minute compte. […] Cela signifie “juste” qu’il faut le placer ds un environnement incitatif, où la “nourriture” nécessaire est généreusement accessible. Or, les écrans ne font pas partie de cet environnement. […] Plusieurs études, sur lesquelles nous reviendrons également, ont ainsi montré qu’il suffisait, chez le jeune enfant, d’une exposition quotidienne moyenne de 10 à 30 minutes pour provoquer des atteintes significatives dans les domaines sanitaire et intellectuel. […] Ce dont a besoin notre descendance pr bien grandir, ce n’est donc ni d’Apple, ni de Teletubbies ; c d’humain. Elle a besoin de mots, de sourires, de câlins. Elle a besoin d’expérimenter, de mobiliser son corps, de courir, de sauter, de toucher, de manipuler des formes riches. Elle a besoin de dormir, de rêver, de s’ennuyer, de jouer à « faire semblant ». Elle a besoin de regarder le monde qui l’entoure, d’interagir avec d’autres enfants. Elle a besoin d’apprendre à lire, à écrire, à compter, à penser. Au coeur de ce bouillonnement, les écrans sont un courant glaciaire. Non seulement ils volent au développement un temps précieux & posent les fondations des hyperusages ultérieurs, mais en + ils déstructurent nombre d’apprentissages fondamentaux liés, par ex., à l’attention. »

    « En compilant les résultats obtenus, on observe que nombre de problèmes émergent dès la première heure quotidienne. En d’autres termes, pour tous les âges postérieurs à la prime enfance, les écrans récréatifs (de toutes natures : télé, jeux vidéo, tablettes, etc.) ont des impacts nuisibles mesurables dès 60 minutes d’usage journalier. Sont concernés, par exemple, les relations intrafamiliales, la réussite scolaire, la concentration, l’obésité, le sommeil, le développement du système cardio-vasculaire ou l’espérance de vie. […] Au-delà de la prime enfance, toute consommation d’écrans récréatifs supérieure à une heure quotidienne entraîne des préjudices quantitativement détectables et peut donc être considérée comme excessive. »

    De l’importance primordiale, autrement dit, de « maintenir en deçà de 30 (borne prudente) à 60 (borne tolérante) minutes l’exposition quotidienne aux écrans récréatifs des individus de 6 ans et plus.

    .. Précisons […] : un enfant qui ne consommerait aucun écran récréatif les jours d’école et regarderait un dessin animé ou jouerait aux jeux vidéo pendant 90 minutes les mercredis et samedis resterait largement dans les clous… »

    « Les écrans sapent l’intelligence, perturbent le développement du cerveau, abîment la santé, favorisent l’obésité, désagrègent le sommeil, etc. […] À partir de la littérature scientifique disponible, on peut formuler deux recommandations formelles :

    .. (1) pas d’écrans récréatifs avant 6 ans (voire 7 ans si l’on inclut l’année charnière de cours préparatoire) ; (2) au-delà de 6 ans, pas plus de 60 minutes quotidiennes, tous usages cumulés (voire 30 minutes si l’on privilégie une lecture prudente des données disponibles). »

    « Des heures passées principalement à consommer des flux audiovisuels (films, #séries, clips, etc.), à jouer aux jeux vidéo et, pour les plus grands, à palabrer sur les réseaux sociaux à coups de lol, like, tweet, yolo, post et selfies. Des heures arides, dépourvues de fertilité développementale. Des heures anéanties qui ne se rattraperont plus une fois refermées les grandes périodes de plasticité cérébrale propres à l’enfance et à l’adolescence. »

    « La #littérature_scientifique démontre de façon claire et convergente un effet délétère significatif des écrans domestiques sur la réussite scolaire : indépendamment du sexe, de l’âge, du milieu d’origine et/ou des protocoles d’analyses, la durée de consommation se révèle associée de manière négative à la #performance_académique. »

    « Le smartphone (littéralement « téléphone intelligent ») nous suit partout, sans faiblesse ni répit. Il est le graal des suceurs de cerveaux, l’ultime cheval de Troie de notre décérébration. Plus ses applications deviennent « intelligentes », plus elles se substituent à notre réflexion et plus elles nous permettent de devenir idiots. Déjà elles choisissent nos restaurants, trient les informations qui nous sont accessibles, sélectionnent les publicités qui nous sont envoyées, déterminent les routes qu’il nous faut emprunter, proposent des réponses automatiques à certaines de nos interrogations verbales et aux courriels qui nous sont envoyés, domestiquent nos enfants dès le plus jeune âge, etc. Encore un effort et elles finiront par vraiment penser à notre place. »

    « L’impact négatif de l’usage du smartphone s’exprime avec clarté sur la réussite scolaire : plus la consommation augmente, plus les résultats chutent. »

    Y compris en « filières d’excellence. Les études de médecine en offrent une bonne illustration. En France, le concours d’entrée admet, en moyenne, 18 candidats sur 100. À ce niveau d’exigence le smartphone devient rapidement un #handicap insurmontable. Prenez, par exemple, un étudiant non équipé qui se classerait 240e sur 2 000 et réussirait son concours. 2 h quotidiennes de smartphone le conduiraient à une 400e place éliminatoire. »

    Même chose s’agissant des réseaux sociaux : « Là encore, les résultats sont aussi cohérents qu’opiniâtrement négatifs. Plus les élèves (#adolescents et #étudiants principalement) consacrent de temps à ces outils, plus les performances scolaires s’étiolent. »

    Et les usages numériques à l’école : « En pratique, évidemment, personne ne conteste le fait que certains outils numériques peuvent faciliter le travail de l’élève. Ceux qui ont connu les temps anciens de la recherche scientifique, savent mieux que quiconque l’apport “technique” de la récente révolution digitale. Mais, justement, par définition, les outils et logiciels qui nous rendent la vie plus facile retirent de facto au cerveau une partie de ses substrats nourriciers. Plus nous abandonnons à la machine une part importante de nos activités cognitives et moins nos neurones trouvent matière à se structurer, s’organiser et se câbler. Dans ce contexte, il devient essentiel de séparer l’expert et l’apprenant au sens où ce qui est utile au premier peut s’avérer nocif pour le second. »

    « « Malgré des investissements considérables en ordinateurs, connexions internet et logiciels éducatifs, il y a peu de preuves solides montrant qu’un usage accru des ordinateurs par les élèves conduit à de meilleurs scores en #mathématiques et #lecture. » En parcourant le texte, on apprend que, après prise en compte des disparités économiques entre États & du niveau de performance initiale des élèves, “les pays qui ont moins investi dans l’introduction des ordinateurs à l’école ont progressé + vite, en moyenne, que les pays ayant investi davantage”. »

    Des chercheurs « se sont demandés si l’usage de logiciels éducatifs à l’école primaire (lecture, mathématiques) avait un effet sur la performance des élèves. Résultat : bien que tous les enseignants aient été formés à l’utilisation de ces logiciels, de manière satisfaisante selon leurs propres dires, aucune influence positive sur les élèves ne put être détectée. »

    « #Bill_Joy, cofondateur de #Sun_Microsystem et programmeur de génie, concluant comme suit une discussion sur les vertus pédagogiques du numérique : « Tout cela […] ressemble à une gigantesque perte de temps…

    .. Si j’étais en compétition avec les États-Unis, j’adorerais que les étudiants avec lesquels je suis en compétition passent leur temps avec ce genre de merde. »

    « L’introduction du #numérique dans les classes est avant tout une source de distraction pour les élèves. »

    « Dans une recherche réalisée à l’université du Vermont (États-Unis), pour un cours de 1 h 15, le temps volé par les activités distractives atteignait 42 %. »

    « Les résultats se révélèrent sans appel : tout dérivatif numérique (SMS, #réseaux_sociaux, #courriels, etc.) se traduit par une baisse significative du niveau de compréhension et de mémorisation des éléments présentés. »

    « De manière intéressante, une étude comparable avait précédemment montré que l’usage de l’ordinateur se révélait délétère même lorsqu’il servait à accéder à des contenus académiques liés à la leçon en cours. »

    « Bien sûr, ce qui est vrai pour l’#ordinateur l’est aussi pour le smartphone. Ainsi, dans un autre travail représentatif de la littérature existante, les auteurs ont établi que les étudiants qui échangeaient des SMS pendant un cours comprenaient et retenaient moins bien le contenu de ce dernier. Soumis à un test final, ils affichaient 60 % de bonnes réponses, contre 80 % pour les sujets d’un groupe contrôle non distrait. Une étude antérieure avait d’ailleurs indiqué qu’il n’était même pas nécessaire de répondre aux messages reçus pour être perturbé. Il suffit, pour altérer la prise d’information, qu’un #téléphone sonne dans la salle (ou vibre dans notre poche). »

    "Pourquoi une telle frénésie ? Pourquoi une telle ardeur à vouloir digitaliser le système scolaire, depuis la maternelle jusqu’à l’université, alors que les résultats s’affirment aussi peu convaincants ? [… Parce que] « si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement ». C’est exactement ce qui se passe avec l’actuelle numérisation du système scolaire. En effet, alors que les premieres études n’avaient globalement montré aucune influence probante de cette dernière sur la réussite des élèves, les données les plus récentes, issues notamment du #programme_PISA, révèlent un fort impact négatif. Curieusement, rien n’est fait pour stopper ou ralentir le processus, bien au contraire. Il n’existe qu’une explication rationnelle à cette absurdité. Elle est d’ordre économique : en substituant, de manière plus ou moins partielle, le numérique à l’humain il est possible, à terme, d’envisager une belle réduction des coûts d’enseignement. […] "« Le monde ne possède qu’une fraction des enseignants dont il a besoin ». Car le cœur du problème est bien là. Avec la massification de l’enseignement, trouver des professeurs qualifiés se révèle de plus en plus compliqué, surtout si l’on considère les questions de rémunération. Pour résoudre l’équation, difficile d’envisager meilleure solution que la fameuse « révolution numérique ». […] Le « professeur » devient alors une sorte de passe-plat anthropomorphe dont l’activité se résume, pour l’essentiel, à indiquer aux élèves leur programme numérique quotidien tout en s’assurant que nos braves digital natives restent à peu près tranquilles sur leurs sièges. Il est évidemment facile de continuer à nommer « enseignants » de simples « gardes-chiourmes 2.0 », sous-qualifiés et sous-payés ; et ce faisant, d’abaisser les coûts de fonctionnement sans risquer une révolution parentale. […] [en Floride], les autorités administratives se sont révélées incapables de recruter suffisamment d’enseignants pour répondre à une contrainte législative limitant le nombre d’élèves par classe (vingt-cinq au #lycée). Elles ont donc décidé de créer des classes digitales, sans professeurs. Ds ce cadre, les élèves apprennent seuls, face à un ordinateur, avec pour unique support humain un « facilitateur » dont le rôle se limite à régler les petits problèmes techniques et à s’assurer que les élèves travaillent effectivement. Une approche « criminelle » selon un enseignant, mais une approche « nécessaire » aux dires des autorités scolaires. […] 95 % du budget de l’Éducation nationale passe en salaires ! »

    Conclusion :

    1) « Plus les élèves regardent la télévision, plus ils jouent aux jeux vidéo, plus ils utilisent leur smartphone, plus ils sont actifs sur les réseaux sociaux & plus leurs notes s’effondrent. Même l’ordinateur domestique, dont on nous vante sans fin la puissance éducative, n’exerce aucune action positive sur la performance scolaire.

    2) Plus les États investissent dans les « technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement » (les fameuses TICE), plus la performance des élèves chute. En parallèle, plus les élèves passent de temps avec ces technologies et plus leurs notes baissent.

    3) le numérique est avant tout un moyen de résorber l’ampleur des dépenses éducatives. […]

    4) Pour faire passer la pilule et éviter les fureurs parentales, il faut habiller l’affaire d’un élégant verbiage pédagogiste. Il faut transformer le cautère digital en une « révolution éducative », un « tsunami didactique » réalisé, évidemment, aux seuls profits des élèves. Il faut camoufler la paupérisation intellectuelle du corps enseignant et encenser la mutation des vieux dinosaures prédigitaux en pétillants (au choix !) guides, médiateurs, facilitateurs, metteurs en scène ou passeurs de savoir. Il faut masquer l’impact catastrophique de cette « révolution » sur la perpétuation et le creusement des inégalités sociales. Enfin, il faut éluder la réalité des usages essentiellement distractifs que les élèves font de ces outils. »

    « Si l’usage des écrans affecte aussi lourdement la réussite scolaire, c évidemment parce que leur action s’étend bien au-delà de la simple sphère académique. Les notes sont alors le symptôme d’une meurtrissure + large, aveuglément infligée aux piliers cardinaux de notre dévéloppement. Ce qui est ici frappé, c’est l’essence même de l’édifice humain en développement : langage + #concentration + #mémoire + QI + #sociabilité + #contrôle_des_émotions. Une agression silencieuse menée sans états d’âme ni tempérance, pr le profit de qqs-uns au détriment de presque tous. »

    « Le #cerveau_humain s’avère, quel que soit son âge, bien moins sensible à une représentation vidéo qu’à une présence humaine effective. C’est pr cette raison, notamment, que la puissance pédagogique d’un être de chair et d’os surpasse aussi irrévocablement celle de la machine. »

    « Pr favoriser le développement d’un enfant, mieux vaut accorder du tps aux interactions humaines : [...] l’une des méthodes les + efficaces pr améliorer le dév. de l’enfant passe par les interactions de haute qualité entre l’adulte et l’enfant, sans la distraction des écrans. »

    « Le temps total d’interaction volé par 60 mn quotidiennes de télé sur les 12 premières années de vie d’un enfant s’élève à 2 500 heures. Cela représente 156 journées de veille, presque 3 années scolaires et 18 mois d’emploi salarié à temps complet...

    .. Pas vraiment une paille, surtout si l’on rapporte ces données à des consommations non plus de une, mais de 2 ou 3 heures quotidiennes. Et, à ce désastre, il faut encore ajouter l’altération relationnelle engendrée par les expositions d’arrière-plan. »

    « La consommation d’écrans interfère fortement avec le développement du langage. Par ex., chez des enfants de 18 mois, il a été montré que chaque 1/2 h quotidienne supplémentaire passée avec un appareil mobile multipliait par 2,5 la probabilité d’observer des retards de langage. De la même manière, chez des enfants de 24 à 30 mois, il a été rapporté que le risque de #déficit_langagier augmentait proportionnellement à la durée d’exposition télévisuelle. Ainsi, par rapport aux petits consommateurs (moins de 1 heure par jour), les usagers modérés (1 à 2 heures par jour), moyens (2 à 3 heures par jour) et importants (plus de 3 heures par jour) multipliaient leur probabilité de retard dans l’acquisition du langage respectivement par 1,45, 2,75 et 3,05. [...] Le risque de déficit était quadruplé, chez des enfants de 15 à 48 mois, qd la consommation dépassait 2 h quotidiennes. Ce quadruplement se transformait même en sextuplement lorsque ces enfants avaient été initiés aux joies du petit écran avant 12 mois (sans considération de durée). »

    Plus augmente la consommation d’écrans et plus l’#intelligence_langagière diminue. « Notons que le lien alors identifié était comparable, par son ampleur, à l’association observée entre niveau d’intoxication au plomb (un puissant perturbateur endocrinien) et QI verbal [...] si vous détestez [le] marmot de vos horribles voisins & que vous rêvez de lui pourrir la vie [...], inutile de mettre du plomb ds sa gourde. Offrez-lui plutôt une télé/tablette/console de jeux. L’impact cognitif sera tout aussi dévastateur pr un risque judiciaire nul. »

    « Le jour où l’on substituera le numérique à l’humain, ce n’est plus 30 mois (comme actuellement) mais 10 ans qu’il faudra à nos enfants pour atteindre un volume lexical de 750 à 1 000 mots. »

    « Au-delà d’un socle fondamental, oralement construit au cours des premiers âges de la vie, c’est dans les livres et seulement dans les livres que l’enfant va pouvoir enrichir et développer pleinement son langage. »

    .. [...] « Chaque heure quotidienne de jeux vidéo entraînait un affaissement de 30 % du temps passé à lire seul. Des éléments qui expliquent, au moins pour partie, l’impact négatif des écrans récréatifs sur l’acquisition du code écrit ; impact qui compromet lui-même, en retour le déploiement du langage. Tout est alors en place pr que se développe une boucle pernicieuse auto-entretenue : comme il est moins confronté à l’écrit, l’enfant a + de mal à apprendre à lire ; comme il a + de mal à lire, il a tendance à éviter l’écrit et donc à lire moins ; comme il lit moins, ses compétences langagières ne se développent pas au niveau escompté et il a de plus en plus de mal à affronter les attendus de son âge. Remarquable illustration du célèbre "#effet_Matthieu". »

    Attention – « Chaque heure quotidienne passée devant le petit écran lorsque l’enfant était à l’école primaire augmente de presque 50 % la probabilité d’apparition de troubles majeurs de l’attention au collège. Un résultat identique fut rapporté dans un travail subséquent montrant que le fait de passer quotidiennement entre 1 et 3 heures devant la télévision à 14 ans multipliait par 1,4 le risque d’observer des difficultés attentionnelles à 16 ans. Au-delà de 3 heures, on atteignait un quasi-triplement. Des chiffres inquiétants au regard d’un résultat complémentaire montrant que l’existence de troubles de l’attention à 16 ans quadruplait presque le risque d’échec scolaire à 22 ans. »

    Un travail « du service marketing de #Microsoft, curieusement rendu public, [explique] que les capacités d’attention de notre belle humanité n’ont cessé de se dégrader depuis 15 ans [pour atteindre] aujourd’hui un plus bas historique : inférieures à celles du… poisson rouge. Cette altération serait directement liée au développement des technologies numériques. Ainsi, selon les termes du document, "les modes de vie digitaux affectent la capacité à rester concentré sur des périodes de temps prolongées". »

    « Sean Parker, ancien président de Facebook, admettait d’ailleurs que les réseaux sociaux avaient été pensés, en toute lucidité, pour "exploiter une vulnérabilité de la psychologie humaine". Pour notre homme, "le truc qui motive les gens qui ont créé ces réseaux c’est : “Comment consommer le maximum de votre temps et de vos capacités d’attention” ?" Ds ce contexte, pour vous garder captif, "il faut vous libérer un peu de dopamine, de façon suffisamment régulière. D’où le like ou le commentaire que vous recevez sur une photo, une publication. Cela va vous pousser à contribuer de plus en plus et donc à recevoir de plus en plus de commentaires et de likes, etc. C’est une forme de boucle sans fin de jugement par le nombre". Un discours que l’on retrouve quasiment mot pour mot chez Chamath Palihapitiya, ancien vice-président de Facebook (questions de croissance & d’audience). La conclusion de ce cadre repenti (qui déclare se sentir "immensément coupable") est sans appel : "Je peux contrôler ce que font mes enfants, et ils ne sont pas autorisés à utiliser cette merde !" »

    Conclusion – « Les écrans sapent les trois piliers les plus essentiels du développement de l’enfant.
    – 1) les interactions humaines. [...] Pour le développement, l’écran est une fournaise quand l’humain est une forge.

    – 2) le langage. [...] en altérant le volume et la qualité des échanges verbaux précoces. Ensuite, en entravant l’entrée dans le monde de l’écrit.

    – 3) la concentration. [...] Ds qqs dizaines ou centaines de milliers d’années, les choses auront peut-être changé, si notre brillante espèce n’a pas, d’ici là, disparu de la planète. En attendant, c’est à un véritable #saccage_intellectuel que nous sommes en train d’assister. »
    « La liste des champs touchés paraît sans fin : #obésité, #comportement_alimentaire (#anorexie/#boulimie), #tabagisme, #alcoolisme, #toxicomanie, #violence, #sexualité non protégée, dépression, sédentarité, etc. [...] : les écrans sont parmi les pires faiseurs de maladies de notre temps »

    Manque de sommeil : « c’est l’intégrité de l’individu tout entier qui se trouve ébranlée dans ses dimensions cognitives, émotionnelles et sanitaires les plus cardinales. Au fond, le message porté par l’énorme champ de recherches disponible sur le sujet peut se résumer de manière assez simple : un humain (enfant, adolescent ou adulte) qui ne dort pas bien et/ou pas assez ne peut fonctionner correctement. »
    « Le sommeil est la clé de voûte de notre intégrité émotionnelle, sanitaire et cognitive. C’est particulièrement vrai chez l’enfant et l’adolescent, lorsque le corps et le cerveau se développent activement. »

    Il est possible d’améliorer (ou de dégrader) « très significativement [le fonctionnement de l’individu] en allongeant (ou en raccourcissant) de 30 à 60 mn les nuits de notre progéniture. »

    « L’organisme peut se passer d’#Instagram, #Facebook, #Netflix ou GTA ; il ne peut pas se priver d’un sommeil optimal, ou tt du moins pas sans csquences majeures. Perturber une fonction aussi vitale pr satisfaire des distractions à ce point subalternes relève de la folie furieuse. »

    « Aux États-Unis, l’#espérance_de_vie augmenterait de presque un an et demi si la consommation télévisuelle moyenne passait sous la barre des 2 h quotidiennes. Un résultat comparable fut rapporté par une équipe australienne, mais à rebours. Les auteurs montrèrent en effet que la sédentarité télévisuelle amputait de quasiment deux ans l’espérance de vie des habitants de ce pays. Formulé différemment, cela veut dire "[qu’]en moyenne, chaque heure passée à regarder la télévision après 25 ans réduit l’espérance de vie du spectateur de 21,8 mn". En d’autres termes, publicité comprise, chaque épisode de Mad Men, Dr House ou Game of Thrones enlève presque 22 minutes à votre existence. »

    Conclusion | « La consommation d’#écran_récréatif a un impact très négatif sur la santé de nos enfants et adolescents. Trois leviers se révèlent alors particulièrement délétères.
    – 1) les écrans affectent lourdement le sommeil – pilier essentiel, pour ne pas dire vital, du développement.

    – 2) Les écrans augmentent fortement le degré de sédentarité tt en diminuant significativement le niveau d’#activité_physique. Or, pr évoluer de manière optimale et pour rester en bonne santé, l’organisme a besoin d’être abondamment & activement sollicité. Rester assis nous tue !

    – 3) Les contenus dits « à risque » (sexuels, tabagiques, alcooliques, alimentaires, violents, etc.) saturent l’espace numérique. Aucun support n’est épargné. Or, pour l’enfant et l’adolescent, ces contenus sont d’importants prescripteurs de normes (souvent inconsciemment). »

    « Ce que nous faisons subir à nos enfants est inexcusable. Jamais sans doute, dans l’histoire de l’humanité, une telle expérience de décérébration n’avait été conduite à aussi grande échelle. 
    7 règles essentielles :

    1) AVANT 6 ANS, pas d’écrans (du tout)
    2) APRÈS 6 ANS, pas + de 30 mn à 1 h par jour (tout compris)
    3) pas dans la chambre
    4) pas de contenus inadaptés
    5) pas le matin avant l’école
    6) pas le soir avant de dormir
    7) une chose à la fois.

    #éducation_nationale

  • Comment le #chauffage a modifié notre vie sociale
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/comment-le-chauffage-a-modifie-notre-vie-sociale-2019599

    Pendant des milliers d’années, nos ancêtres ont eu seulement le feu comme moyen pour se chauffer. Le bois est rare, précieux et les cheminées peu efficaces, « donc la chaleur était quelque chose de partagé, analyse Olivier Jandot. On avait tendance à se regrouper aussi bien dans les rues, où, lors des hivers rigoureux, on faisait des feux publics, qu’à l’intérieur des habitations, en particulier à ce moment précis de la journée qui était la veillée. »

  • L’Afrique face au Covid-19 : les pics de grossesses précoces mettent en péril l’avenir des jeunes filles
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/01/31/l-afrique-face-au-covid-19-les-pics-de-grossesses-precoces-mettent-en-peril-

    En période de #pandémie, une courbe peut en cacher une autre. Alors que tous les yeux sont braqués depuis mars 2020 sur les pics des vagues de variants du SARS-CoV-2, ceux des #grossesses_adolescentes, eux, sont passés sous les radars. Mais au fil des mois, les chiffres tombent. En Ouganda, dernier pays à avoir rouvert ses écoles, le 11 janvier, après 83 semaines de fermeture, plus de 650 000 #grossesses_précoces ont été enregistrées entre début 2020 et septembre 2021 par le Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap).

    Pour les jeunes Africaines, les confinements et le bouclage des classes qui ont émaillé deux ans de crise sanitaire ont été fatals. Comme une mécanique implacable, le retour des enfants à la maison a coïncidé avec une explosion des violences, souvent sexuelles, souvent basées sur le genre. Une « pandémie de l’ombre », selon la Sud-Africaine Phumzile Mlambo-Ngcuka, directrice de l’agence ONU Femmes, qui s’est traduite par des grossesses et des mariages précoces.

    grossesses précoces = #viols mariages précoces = #mariages_forcés
    #filles #femmes #violences_sexuelles

    • Si les jeunes mères ne reviennent presque jamais en classe, les difficultés commencent bien avant l’arrivée de l’enfant. « Les sociétés africaines ont encore beaucoup de mal à accepter les jeunes filles enceintes, poursuit Marie Ba. Elles subissent beaucoup de moqueries et, parfois, c’est le système scolaire lui-même qui les rejette. »

      C’est sûr qu’en France une lycéenne enceinte c’est tout à fait accepté #facepalm

    • L’augmentation de la natalité chez les 12-18 ans est un indicateur clair : + 60 % en Afrique du Sud, qui a connu 60 semaines sans école ; + 66 % au Zimbabwe (44 semaines) ; + 40 % au Kenya (37 semaines). En Afrique de l’Ouest, où les écoles n’ont fermé en moyenne que 14 semaines, les dégâts sont moindres, à l’exception du Ghana (39 semaines).

    • terrible constat. autant la garderie du DGB à la française est intenable, autant des dispositions relevant de l’école de plein-air auraient pu être adoptés, même à mi temps, histoire de ne pas se couper du monde, des autres, ici et là-bas, où « l’école à la maison » semble avoir déglingué si fort.

      Mais l’article porte sur l’objet annoncé, on y trouve rien sur une adaptation des écoles à la situation pandémique, confirmation que, dans l’ensemble, la pandémie n’a pas été saisie comme une occasion de remise en cause de ce qui fait partout la destructivité du capitalisme.

      Si les jeunes mères ne reviennent presque jamais en classe, les difficultés commencent bien avant l’arrivée de l’enfant. « Les sociétés africaines ont encore beaucoup de mal à accepter les jeunes filles enceintes, poursuit Marie Ba. Elles subissent beaucoup de moqueries et, parfois, c’est le système scolaire lui-même qui les rejette. » Or même quand les Etats travaillent à faire bouger les mentalités – comme la Côte d’Ivoire, qui s’est fixé depuis 2013 l’objectif du « zéro grossesse à l’école » –, beaucoup de filles abandonnent par peur d’être stigmatisées. Et trois trimestres de grossesse, c’est une année scolaire de perdue.

      https://justpaste.it/4ol0z

      #école #famille #sociabilités

  • Participations à l’#ordre
    Dossier coordonné par Guillaume Gourgues et Julie Le Mazier

    Ce numéro, dont vous trouverez ci-dessous la table des matières, regroupe des articles portant sur la #mobilisation de #volontaires, non professionnel·les, pour des #missions_de_sécurité ou de défense, qu’elle soit ou non tolérée, approuvée voire initiée par l’État. En explorant des contextes et des dispositifs différenciés, aussi bien au nord qu’au sud, et selon des méthodes et des approches théoriques plurielles, les articles montrent que loin de remettre en cause les prérogatives de l’État, la « participation à l’ordre » (et ses déclinaisons) constitue une #technique_de_gouvernement. Conçue pour retisser des liens sociaux, moraux ou politiques supposément défaits, en façonnant l’engagement, la « #civilité » ou le « #civisme », ou encore les #sociabilités_locales, elle vise à produire de « #bons_citoyens » ou de « #bonnes_citoyennes ». Entre logique gouvernementale et réappropriation des dispositifs par des participant·e·s à la recherche de rétributions matérielles et symboliques, cette #participation_à_l'ordre se présente comme un point nodal d’une forme de « #gouvernementalité_participative » en pleine expansion.

    « Introduction. Participations à l’ordre et participations conservatrices »
    Guillaume Gourgues, Julie Le Mazier

    « La #sécurité est-elle vraiment "l’affaire de tous" ? Les limites de la #participation_citoyenne en France dans un domaine typiquement régalien »
    Virginie Malochet

    « Quand la #gendarmerie devient participative : l’engagement des voisin·es dans les réseaux officiels de #vigilance en #France »
    Eleonora Elguezabal

    « La #surveillance a-t-elle une couleur politique ? Cercles de vigilance, capital social et compétition municipale dans des espaces périurbains en France »
    Matthijs Gardenier

    « Démocratiser le fusil. L’imagination composite d’une #citoyenneté_coercitive en #Ouganda »
    Florence Brisset-Foucault

    « #Policiers_vigilants et #vigilants_policiers. #Community_policing et division du travail policier en milieu urbain au #Malawi »
    Paul Grassin

    « Hiérarchies sociales, réforme morale et précarité économique au sein de l’#Oodua_People’s_Congress : de l’expérience vigilante radicale au travail de sécurité à #Lagos (#Nigeria) »
    Lucie Revilla

    « La certification d’un #citoyen_secoureur en #Chine contemporaine. Établir et représenter a posteriori la vertu d’un acteur au sein d’une arène de droit »
    Chayma Boda

    « Lecture critique. Participer à la modération sur les #réseaux_sociaux : définir, appliquer et contester les règles »
    Romain Badouard

    https://www.cairn.info/revue-participations-2021-1.htm
    #revue #ordre_public

    ping @davduf

  • 150 ans d’immigration italienne à Lausanne

    Longtemps pays d’émigration en raison d’une #pauvreté endémique, la Suisse voit son solde migratoire s’inverser dès le début du 20e siècle.

    Dès 1946, la croissance requiert une #main-d’œuvre considérable dans les secteurs de la #construction, de l’#hôtellerie - #restauration, du #commerce et de l’#industrie. En un quart de siècle, jusqu’à la crise de 1973, des millions d’Italien·ne·s contribuent à l’éclatante #prospérité de la Suisse.

    Confronté·e·s à la #xénophobie d’une partie de la population, endurant les sévères conditions d’existence que leur impose le statut de #saisonnier, ils·elles vont pour autant laisser des traces d’une importance majeure.

    Au-delà des clichés, l’#italianità se répand et imprime durablement sa marque dans toutes les couches de la société via l’#alimentation, la #musique, le #cinéma, les #sociabilités, le #sport, le #patrimoine, la #langue….

    C’est l’histoire passionnante de cette présence à Lausanne ‑ rythmée par les précieux récits de nombreux témoins ‑ qui est dévoilée ici.

    https://www.lausanne.ch/vie-pratique/culture/musees/mhl/expositions/Losanna-Svizzera.html

    #exposition #Lausanne #musée #migrations #immigration #Suisse #migrants_italiens #Italie #immigrés_italiens #saisonniers #italianité

  • #Alcool et #drogue dans les relations affectives ou sexuelles : #transactions, #consentements, zones grises ?”

    Cette #conférence est l’occasion d’aborder le rôle de la consommation de #psychotropes dans la #sexualité, et de questionner la façon dont les #espaces_urbains (des #espaces_domestiques – de l’#intimité du couple à la #fête_privée ; aux espaces de #sociabilité_nocturne) sont impliqués et transformés par ces pratiques.

    https://www.youtube.com/watch?v=j8G6IjP4ebY&feature=emb_logo


    https://drusec.hypotheses.org/1776
    #espace_public #espace_privé

  • Savoirs de la Précarité / knowledge from precarity

    Faire le lien entre savoirs et précarité, a des conséquences multiples, notamment sur les #sociabilités_du_savoir. Celles-ci se structurent à partir d’écarts qu’il est impossible de « régler » théoriquement : d’une part les #écarts entre les conditions dramatiquement différentes dans lesquelles les un.e.s et les autres enquêtent, écrivent, étudient ; d’autre part, les écarts entre des rapports aux savoirs, très différents selon les expériences et les engagements auxquelles ils se rattachent et selon les instances qui en orientent ou en entravent la production et l’expression.

    Notre proposition collective, à la fois théorique et politique, consiste justement à ne surtout pas prétendre nier ou régler ces écarts mais à chercher comment se réapproprier d’autres manières d’exercer nos #responsabilités dans un monde que nous voulons plus habitable, moins violent pour tant d’entre nous, plus égalitaire, plus juste, plus ouvert.

    Depuis nos premières réunions en 2017, des enquêtes ont été menées, des élaborations théoriques développées, des textes poétiques et scientifiques produits, pour donner lieu à ce premier ouvrage collectif.

    https://eac.ac/books/9782813003195

    #précarité #savoirs #livre

  • Considérations sur les temps qui courent (II)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/Considerations-sur-les-temps-qui-courent-II

    À la mort de mes grands-parents, à la mort de mes parents et ainsi de génération à génération, c’est bien tout un pan de la vie sociale qui s’écroule soudainement, comme une falaise s’engloutissant dans la mer. Sur la fin, nous avons fait une partie du chemin ensemble, j’ai pu me faire une très vague idée de ce qu’ils avaient connu ; à leur mort, tout ce passé, tout ce vécu qui faisait partie d’eux, s’est à jamais effacé. Nous pourrions ainsi remonter loin dans le temps et nous nous rendrions compte que ce qui a disparu peu à peu ce fut le goût des autres, la vie sociale dans ce qu’elle a de sensible et pour tout dire dans ce qu’elle a d’humain ; cela en dépit de toutes les bourrasques qui l’ont traversée. Nous sommes accrochés à cet aspect sensible du vécu et il disparaît peu à peu. Au fil des ans, la vie sociale se dégrade progressivement. Nous allons vers un isolement de plus en plus grand, vers une absence de vie sociale dans le sens d’une vie avec les autres. Cette vie avec les autres implique un savoir-vivre, que nous avons perdu à la longue, elle implique une manière d’être liée à la conscience d’entrer comme sujet dans une relation avec d’autres sujets. Nous avons tenu bon et puis tout s’est effiloché peu à peu sans que nous en prenions conscience, nous nous sommes retirés en nous-mêmes comme la mer se retire ne laissant plus qu’une plage désertée. (...)

    #sociabilité #absence #isolement #Moyen_Âge #millénarisme #argent #État #pensée #échange #richesse #division #violence #domination

    • L’argent est la continuité de l’État religieux, il en est en quelque sorte l’achèvement, comme la pensée scientifique est l’achèvement de la pensée religieuse ; il n’en est pas la critique, comme la pensée scientifique n’est pas la critique de la pensée religieuse. L’argent parachève la notion d’État comme la pensée scientifique parachève la pensée religieuse.

      À part des allusions seulement de ci de là au fil des textes, est-ce qu’il y a une quelconque preuve (scientifique haha) ou tout du moins démonstration/argumentaire réelle de ça ?

      Parce que juste dit comme ça, ça fait opinion à la va-vite…

      Qu’il y ait tout un progressisme qui voue un culte démesuré à la Science (le scientisme donc), cela est assez clair et il y a plein d’études là dessus. Mais de la à démontrer que la méthode scientifique (notamment la pensée sceptique et rationnelle pour aller vite) elle-même est une religion, c’est une autre paire de manches…

    • C’est vrai que l’affirmation peut paraître abrupte. Par contre, la lecture des « Notes anthropologiques » éclaire vraiment le long cheminement qui a amené cet auteur à cette conclusion. Il y décrit ce que sont devenues nos sociétés dites développées dans lesquelles s’est instauré le seul mode d’échange reconnu comme « objectif » en l’occurrence l’échange marchand qui a permis de prendre cette orientation technologique. La science, la pensée positive, assujetties aux développements technologiques (et non l’inverse) sont devenues en elles mêmes une sorte de « cosmovision » qui est bien aussi biaisée que n’importe quelle autre vision du monde d’origine religieuse. C’est passionnant à lire.

    • Ah mais j’en ai lu une bonne partie, mais à chaque fois cette affirmation revient régulièrement comme un pré-requis, comme un axiome, et qui n’est pas à démontrer.

      Que la pensée rationnelle ait été liée historiquement au progressisme et en est une condition nécessaire, ça parait assez évident. Mais que le progressisme/scientisme est la seule conséquence possible de la rationalité, et que sans animisme, croyance en tels ou tels dieux, etc, on court forcément à la merde qu’on voit maintenant, qu’il ne serait donc pas possible d’avoir une pensée rationnelle/sceptique ET non progressiste ET non économique, je n’en trouve aucune preuve nulle part.

      Je maintiens au contraire que la vraie pensée rationnelle est celle qui ne s’est pas transformé en progressisme puisque celui ci est une croyance, donc irrationnelle, et qu’on peut tendre à cela tout en étant contre l’économie et l’argent, en visant des relations libres fédérés, en prenant en compte les émotions, et même le merveilleux, en ne cherchant pas la grandeur, la croissance, etc, etc.

  • Jami
    https://jami.net

    Un logiciel open-source et décentralisé/distribué pour appels téléphoniques, partage d’écran ou vidéo via Internet. Inclut des fonctionnalités additionnelles comme la messagerie instantanée, le transfert de fichiers et la visioconférence.
    non testé : si quelqu’un a un retour d’expérience ?

    La forge officielle : https://git.jami.net/savoirfairelinux/ring-project

    #jami #téléphonie #open-source #distribué #skype #discord #chat #partage_écran

  • « Les “gilets jaunes” veulent rompre avec le sentiment de dépossession », Ivan Bruneau et Julian Mischi
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/03/les-gilets-jaunes-veulent-rompre-avec-le-sentiment-de-depossession_5404581_3

    Pour les chercheurs Ivan Bruneau et Julian Mischi, le mouvement de contestation sociale traduit le malaise des populations établies dans les communes rurales en rupture avec tout, notamment les organisations politiques absentes de ces zones.

    Tribune. Le mouvement des « #gilets_jaunes » a donné lieu à de nombreuses analyses à chaud, parfois très survolantes, comme celles ayant mis l’accent sur « les frustrations des classes moyennes » ou « l’individualisation des inégalités ». Il nous semble préférable de revenir aux conditions qui rendent possibles la contestation, lesquelles peuvent être en partie communes aux zones urbaines et rurales, comme le sentiment d’injustice fiscale, mais le mouvement est aussi révélateur de la transformation des #conditions_de_vie et de travail des populations rurales et périurbaines. Certains observateurs ont déjà souligné avec justesse l’enjeu de la mobilité et le rôle central de l’automobile dans le monde rural. Au-delà, l’irruption politique des « gilets jaunes » dans l’espace public des petites communes apparaît comme une réaction collective aux multiples formes de #dépossession qu’ils subissent depuis de nombreuses années.

    Les campagnes françaises sont bien sûr diverses mais elles se caractérisent en général par la surreprésentation en leur sein des catégories populaires relevant du salariat (#ouvriers et #employés) ou du #travail_indépendant (petits artisans, commerçants et agriculteurs). La part considérable des actifs faiblement diplômés contraste avec la faible présence des classes supérieures et des professions intellectuelles, qui résident surtout dans les métropoles. Cette #ségrégation_sociospatiale s’explique par la pression du marché immobilier, mais aussi par le fait que les emplois intellectuels et de direction se concentrent dans les grandes villes alors que les activités de fabrication ou de logistique se déploient désormais essentiellement dans les périphéries rurales et périurbaines. Une telle distance spatiale entre classes sociales, sur fond de séparation entre « travail intellectuel » et « travail manuel », nourrit la mobilisation des « gilets jaunes », qui insistent sur le mépris dont ils se sentent victimes. C’est leur vécu et leur rapport au #travail qui alimentent le rejet de ce qu’ils perçoivent comme l’arrogance d’élites nationales et régionales ne connaissant pas leur quotidien, leurs pratiques, leurs savoirs.

    La distance spatiale entre classes sociales s’est renforcée

    Ainsi, au sein même des territoires ruraux, la distance spatiale entre classes sociales s’est renforcée dans la dernière période. Les dirigeants des entreprises résident de moins en moins sur place. Auparavant les cadres des usines ou des entreprises publiques étaient fréquemment des individus issus de familles « du coin » qui avaient connu une promotion interne et s’engageaient dans la #vie_locale. Rarement d’origine populaire, les nouveaux responsables, davantage mobiles, sont désormais seulement de passage à la tête des établissements en proie à des réorganisations managériales. Plus diplômés, ils connaissent peu le travail réalisé concrètement dans les ateliers et services, travail qu’ils n’ont jamais exercé directement. Vivant le plus souvent dans les #métropoles régionales ou à Paris, ils s’investissent peu dans la vie des communes contrairement à leurs prédécesseurs. Ils ne vont pas prendre part aux activités sportives avec les autres salariés ou fréquenter les mêmes commerces. Leurs enfants ne vont pas à l’école du bourg avec ceux des familles populaires. Ce sont en quelque sorte des citadins de passage, leur distance avec les #classes_populaires_locales est indissociablement sociale et spatiale.

    Le phénomène est général, il s’observe tant dans les usines que dans les établissements bancaires, hospitaliers ou encore scolaires. Symbole de ces mutations favorisant l’éloignement des figures intellectuelles du quotidien des classes populaires rurales : les enseignants des nouvelles générations s’insèrent de plus en plus rarement dans les petites communes où ils sont nommés. Tout comme les médecins ou cadres administratifs des collectivités locales, ils sont nombreux à venir chaque jour des zones urbaines pour exercer sur place. Pour les administrés, il en résulte un sentiment de dépossession à l’aune duquel on peut comprendre leur sensibilité à la violence du discours expert et à la #domination_culturelle des élites politiques nationales.

    Ce sentiment de dépossession est renforcé par l’évolution de la structuration politique des territoires. Les processus récents de fusion des communautés de communes constituent la dernière étape d’une évolution de plus longue durée marquée par l’éloignement du pouvoir décisionnel. Depuis une vingtaine d’années, le développement des structures intercommunales, de leurs budgets et de leurs compétences a accentué à la fois l’influence des « communes-centres » et le rôle des élus dirigeant ces assemblées, présidents et vice-présidents en particulier. La #distance_sociale entre la population et ces « grands élus » nourrit le sentiment de ne pas avoir d’emprise sur les décisions affectant la vie quotidienne, et ce d’autant plus que les enjeux communautaires sont peu discutés au niveau communal.

    Délitement des partis politiques, notamment de gauche

    La raréfaction des débats publics liés à l’élaboration des politiques locales prend place dans un affaiblissement plus général des mécanismes représentatifs. Les campagnes pour les élections municipales se font parfois sans réunion publique, et aujourd’hui les projets de « commune nouvelle » (regroupement de communes) peuvent être réalisés sans consultation de la population. La participation des habitants est peu sollicitée dans l’ensemble, et cette fragilisation de « la démocratie locale » n’est pas compensée par la présence de relais partisans.

    En effet, le délitement des partis politiques, et notamment des organisations de gauche (PCF, PS, PRG), est plus accentué dans ces zones rurales. Si les classes populaires peuvent encore s’appuyer sur des réseaux syndicaux, même fragilisés, elles ne disposent plus de relais proprement politiques. Certes le Front national a connu une forte progression électorale ces dernières années dans les campagnes mais le soutien dans les urnes ne se traduit quasiment jamais par un développement militant de l’organisation, qui a, par exemple, de grandes difficultés à constituer des listes pour les élections municipales. Cette crise des #sociabilités_militantes explique aussi probablement le rôle que jouent les barrages des « gilets jaunes », lieux de rencontres et de discussions, interclassistes et politiquement divers.

    Ivan Bruneau et Julian Mischi ont codirigé avec Gilles Laferté et Nicolas Renahy « Mondes ruraux et classes sociales » (EHESS, 2018)

  • « Le sentiment de pauvreté met en évidence une insécurité sociale durable et une vision dégradée de son avenir », Nicolas Duvoux, Propos recueillis par Anne Chemin
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/21/qui-se-sent-pauvre-en-france_5400777_3232.html

    « Le sentiment de pauvreté met en évidence une insécurité sociale durable et une vision dégradée de son avenir »
    Pour le sociologue Nicolas Duvoux, la pauvreté monétaire est un indicateur d’inégalité, alors que la pauvreté subjective, qui concerne environ 13 % de la population, est un indicateur d’insécurité.

    Nicolas Duvoux est professeur de sociologie à l’université Paris-VIII-Vincennes Saint-Denis, chercheur au Cresppa-LabToP. Il est l’auteur, avec Adrien Papuchon, de « Qui se sent pauvre en France ? Pauvreté subjective et insécurité sociale », un article de la Revue française de sociologie, 2018/4, p. 607-645

    Quelles sont les différentes définitions de la #pauvreté et que nous apprennent-elles ?

    La question de savoir qui sont les « pauvres » a été très débattue dans les sciences humaines et sociales. En France est considéré comme pauvre tout individu vivant dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian : en 2016, cela représente 1 026 euros par mois pour une personne isolée, soit 14 % de la population. La pauvreté touche aujourd’hui de manière disproportionnée les enfants (19,8 %), les jeunes adultes (19,7 % des 18-29 ans) et les familles monoparentales (34,8 %). C’est un indicateur d’inégalité, qui mesure l’écart avec les revenus médians ou intermédiaires.

    Il y a aussi la pauvreté en conditions de vie – elle est en baisse du fait, notamment, de l’amélioration de la qualité des logements. Enfin, il y a le fait d’être « assisté » par la collectivité, c’est-à-dire de percevoir une aide sociale, notamment le revenu de solidarité active (#RSA). Inspirée par les analyses du sociologue allemand Georg Simmel, cette approche qui s’est déployée dans un ­contexte de développement du #chômage_de_masse met l’accent sur les formes institutionnelles de la pauvreté : l’intervention des pouvoirs publics assigne l’individu à l’identité de pauvre.

    Vous venez de publier, avec Adrien Papuchon, un article dans la « Revue française de sociologie » qui évoque la « #pauvreté_subjective ». Cette notion permet-elle de mieux comprendre le mouvement des « gilets jaunes » ?

    Tandis que la #pauvreté_monétaire relative indique la part des ­revenus qui sont éloignés des revenus intermédiaires ou médians, le sentiment de pauvreté, qui concerne environ 13 % de la population, met en évidence une #insécurité_sociale durable et une vision dégradée de son avenir. La pauvreté monétaire est un indicateur d’inégalité, alors que la pauvreté subjective est un indicateur d’insécurité. L’apport principal de cette mesure subjective de la pauvreté est de remettre en cause la vision la plus commune de la pauvreté qui, en se centrant sur les situations d’éloignement prolongé du marché du travail, néglige la forte proportion d’actifs parmi les personnes qui se jugent pauvres.

    Les données du baromètre d’opinion de la direction de la ­recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques montrent qu’un tiers des personnes qui se sentent pauvres sont en emploi. La moitié d’entre elles sont des employés et ouvriers en emploi ou au chômage, centre de gravité des #classes_populaires. Des #retraités modestes et de petits #indépendants apparaissent aussi surreprésentés.

    Ces catégories modestes mais non pauvres, subalternes mais non démunies, sont aujourd’hui dans une situation de tension et mal protégées : leur sentiment de pauvreté est attaché à un pessimisme pour l’avenir. C’est sans doute une des explications de l’irruption de populations « invisibles » à l’occasion du mouvement des « #gilets_jaunes ».

    Que nous apprend la notion de « pauvreté subjective » sur la complexité du monde social ?

    Cette notion nous invite à utiliser la perception de soi et la ­#dimension_subjective d’un phénomène comme la pauvreté pour accéder aux structures qui déterminent la position des ­individus. Ainsi, notre propos n’est pas de compléter la mesure objective de la pauvreté par une mesure subjective, encore moins d’opposer les deux, mais de dépasser la dualité de l’objectif et du subjectif.

    La réflexion en termes de #classes_sociales a toujours fait la part à cette dualité (Marx parlait de classes « en soi » et « pour soi ») et un des paradoxes des sociétés contemporaines est précisément le désajustement entre une forte augmentation des #inégalités socio-économiques et une faible ­conscience de classe, y compris chez ceux qui la subissent.

    Dans ce contexte, il nous semble important de renouveler l’approche de la structure sociale en intégrant ces deux dimensions plutôt que de présupposer que la perception de soi est une illusion qui masque les déterminations sociales ou, au contraire, que la subjectivité donne un accès direct au monde social. Il faut travailler les chevauchements et les désajustements entre les dimensions : ainsi des hommes seuls se disent pauvres même quand ils ne le sont pas et, même pauvres au sens monétaire, sont préservés dans leur identité quand ils sont en couple. A rebours, les familles monoparentales sont à la fois pauvres objectivement et subjectivement. Le #temps joue un rôle majeur dans l’articulation de ces dimensions.

    #sociologie_des_sentiments #assistés #pauvres

    • « Gilets jaunes » : « La perspective d’une réunification d’un bloc populaire inquiète les politiques », Nicolas Duvoux, propos recueillis par Sylvia Zappi
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/02/07/gilets-jaunes-la-perspective-d-une-reunification-d-un-bloc-populaire-inquiet

      Pour le sociologue Nicolas Duvoux, le mouvement de protestation a fait renaître une #conscience_de_classe parmi les couches populaires.

      Nicolas Duvoux est professeur de sociologie à l’université Paris-VIII. Il a codirigé, avec Cédric Lomba, l’ouvrage collectif Où va la France populaire ? (Presses universitaires de France, 120 p., 9,50 €), qui montre que la fragmentation du monde ouvrier est le principal facteur de son désarmement identitaire et politique.

      On ne parle plus aujourd’hui de classe ouvrière, mais de classes populaires. Pourquoi ?

      Parce que la réalité et la représentation sociales de ces groupes ont changé. Le monde ouvrier, depuis trente ans, a connu de très fortes évolutions avec l’accès à l’éducation, la tertiarisation des emplois et leur féminisation. L’image sociologique de ce monde-là au sortir de la seconde guerre mondiale était celle de l’ouvrier masculin qualifié de Billancourt. Il incarnait le groupe et lui donnait sa force.
      C’était un univers soudé autour d’une forte centralité professionnelle et d’un mouvement social et politique capable d’agréger l’ensemble, pourtant disparate, même pendant les « trente glorieuses ». Cette unité n’existe plus. Les classes populaires sont aujourd’hui constituées de groupes éclatés.

      Comment se définit alors ce monde populaire ?

      Par ce qui l’unifie encore, à savoir sa position #subalterne dans le monde socio-économique et la contrainte économique qu’il subit – celle des travailleurs qui ont des emplois d’exécutants et qui reçoivent des ordres. Ces modes de vie sont aussi un marqueur commun. Les classes populaires ont ainsi un attachement aux #sociabilités_locales et un fort sentiment d’appartenance au groupe, un sens du #collectif qu’on ne perd pas.
      Mais dans cet ensemble, des différenciations importantes sont apparues. On n’a pas la même vision du monde selon qu’on a un emploi stable ou #précaire, selon qu’on réside dans une commune reléguée ou incluse dans une métropole, selon qu’on habite dans un petit pavillon ou dans un grand ensemble en banlieue, si on est en couple avec deux salaires ou une mère célibataire, si l’on appartient à une minorité visible ou non, etc.
      Ce qu’il y a derrière cette appellation de classes populaires n’est donc pas un bloc homogène, mais un continuum qui va des strates les plus précaires – les #allocataires des minima sociaux – jusqu’aux frontières inférieures des classes moyennes – ouvriers et employés qualifiés.

      Comment ces écarts se traduisent-ils au quotidien ?

      Par de petites variations de revenu ou de position sociale qui finissent par faire de grandes différences. Ainsi, la gestion des budgets familiaux n’est pas la même. Quand on est parmi les catégories les plus modestes, on trouve des conduites d’adaptation à la #pauvreté. Certains, quand ils reçoivent leur salaire, mettent tout de suite de côté l’argent du loyer, réflexe qui assure au ménage qu’au moment des arbitrages à faire, ils ne seront pas réalisés sur un poste qui entraîne des dettes. D’autres ménages ayant des revenus presque identiques ne peuvent anticiper et vont se mettre dans le rouge.

      Cet éclatement a affaibli l’identité collective. Comment ?

      L’exigence d’#égalité, cette vision du monde social fondatrice dans la manière dont les catégories populaires se perçoivent elles-mêmes – l’opposition entre le « nous » qui souffrons, qui exécutons les ordres, qui subissons, versus « eux », les puissants, les dominants, les élites –, existe toujours.
      Mais cet ethos égalitaire a changé ces dernières années sous l’influence de ce que le sociologue Olivier Schwartz appelle la « conscience sociale triangulaire ». Les classes populaires s’identifient toujours comme un « nous », mais il y a désormais deux « eux » : ceux d’en haut, les #riches, et ceux d’en bas, les #assistés, ceux qu’on appelle les « cas soc » [cas sociaux]. Cette tension, qui est une nouveauté majeure, divise le groupe en opposant les catégories stabilisées, qui ont un emploi, et les plus paupérisés, qu’on stigmatise.

      Le mouvement des « gilets jaunes » a-t-il réduit cette fracture ?

      Le premier effet de cette mobilisation a été de faire réapparaître les classes populaires dans l’espace social. Le sentiment d’invisibilité, l’injustice, l’impression que les règles ne sont pas les mêmes pour tout le monde, ont formé un cocktail qui a été le moteur de cette explosion. On a vu que la revendication de dignité – « Pourquoi, en suivant les règles du jeu, on ne s’en sort pas ? » – a été très fortement portée sur les ronds-points et cette exigence constitue un facteur d’unité nouvelle.
      Ce mouvement a aussi fait réémerger la frontière principale entre le « eux » des élites et le « nous » du peuple. La stigmatisation des assistés ou des #immigrés s’est peu fait entendre sur les barrages, comme si la conscience de classe se réunifiait. La question est désormais de voir si les tensions internes entre les segments les plus stables et les assistés, apparues ces dernières années, vont reprendre le dessus ou si un bloc populaire unifié face aux élites va se reconstituer. La perspective de cette réunification peut inquiéter, et l’on comprend que les politiques cherchent à recréer des clivages au sein du monde populaire, comme l’a fait le président de la République en stigmatisant « ceux qui déconnent » en ouverture du grand débat national.

  • Excellente analyse de Samuel Hayat sur le mouvement en cours, qui offre des points de comparaison historiques et des instruments précieux (au premier rang desquels le concept d’"économie morale", emprunté à E. P. Thompson) pour penser son caractère inédit, son unité ("surprenante", écrit l’auteur, au regard de son horizontalité avérée), ses dangers, ses possibles. Mobiliser le concept d’’économie morale" me paraît d’autant plus pertinent que ce terme éclaire les stratégies discursives et la grille de lecture (économie domestique, bon sens, « bons comptes » faisant les « bons amis »...) appliquées par l’élite européenne en place (totalement inféodée par ailleurs aux règles de l’économie financiarisée) à la gestion de la crise grecque - et qui lui ont permis d’imposer au Sud de l’Europe des plans d’austérité sévère avec le consentement d’une part conséquente de leurs opinions publiques. Le hiatus entre cette « économie morale » et l’économie financiarisée (radicalement a-morale et destructrice de solidarités) est bien au coeur de notre époque, et le stratagème développé par ces élites pour rendre la crise grecque intelligible (et les plans d’austérité acceptables) est bien le signe que les principes de fonctionnement de l’économie financiarisée ne « font pas discours » (ni société) - ne peuvent inspirer et nourrir aucun discours proprement politique (sinon évidemment le discours de la prédation et de la guerre des possédants contre ceux qui ont peu ou n’ont rien : mais ce sont précisément des choses « qu’on ne dit pas », des choses « qui ne peuvent pas se dire »). A travers le mouvement des « gilets jaunes », cette même « économie morale » (qui apparaît beaucoup plus comme une idéologie relativement indéfinie que comme un modèle économique) se retourne aujourd’hui contre ceux qui étaient parvenus avec succès à en mobiliser les termes (qu’on se souvienne des « proverbes campagnards » sur la dette cités aussi bien par Hollande que Schäuble, Sarkozy ou Merkel pour justifier les mémorandums). Un enjeu majeur de la période, concernant la participation d’une part croissante de militant.e.s de gauche à ce mouvement (voir le texte de Tristan Petident publié hier sur son profil FB), serait probalement de saisir dans quel sens et par quels biais il est aujourd’hui possible d’orienter cette « économie morale » largement indéfinie dans le sens d’une économie sociale, écologique, non-fondée sur la division entre « nationaux » et « étrangers ». Ma conviction est que cette compréhension et ce travail ne pourront émerger que dans la pratique et la participation, et non dans le retrait et l’observation en surplomb.

    Les Gilets Jaunes, l’économie morale et le pouvoir

    Difficile de ne pas être saisi par le mouvement en cours. Tout y est déconcertant, y compris pour qui se fait profession de chercher et d’enseigner la science politique : ses acteurs et actrices, ses modes d’action, ses revendications. Certaines de nos croyances les mieux établies sont mises en cause, notamment celles qui tiennent aux conditions de possibilité et de félicité des mouvements sociaux. D’où sinon la nécessité, du moins l’envie, de mettre à plat quelques réflexions issues de la libre comparaison entre ce que l’on peut voir du mouvement et des connaissances portant sur de tout autres sujets. A côté des recherches sur le mouvement en cours, espérons que l’éclairage indirect que donne la confrontation à d’autres terrains pourra dire quelque chose de différent sur ce qui a lieu.

    https://samuelhayat.wordpress.com/2018/12/05/les-gilets-jaunes-leconomie-morale-et-le-pouvoir/amp/?__twitter_impression=true

    #giletsjaunes #gilets_jaunes #Thompson #économie_morale #finance #mobilisation #peuple #solidarités #sociabilités

    • Les gilets jaunes ou le retour de « l’économie morale », Benjamin Coriat, prof des universités, membre du C.A. du collectif des Economistes atterrés, 18 décembre 2018
      https://www.liberation.fr/debats/2018/12/18/les-gilets-jaunes-ou-le-retour-de-l-economie-morale_1698590

      Les gilets jaunes ou le retour de « l’économie morale »
      Tribune. Plusieurs semaines après son irruption sur la scène publique, le mouvement des gilets jaunes, même s’ils étaient moins nombreux à Paris samedi 15 décembre, continue d’intriguer, d’interroger. Chacun sent bien qu’il vient de loin. « Sans-culottes » qui s’ignorent disent les uns, quand d’autres, soucieux avant tout de discréditer le mouvement, n’y lisent que du simple « poujadisme ».

      Je voudrais suggérer ici une autre lecture encore. En défendant l’idée que l’importance des gilets jaunes tient d’abord au fait que contre la dictature du « libre » marché, ils apparaissent comme porteurs, et ce n’est pas rien, de ce retour de « l’économie morale », qui animait les émeutiers du XVIIIe siècle, économie morale dont le sort semblait depuis longtemps scellé.

      Les #émeutiers du XVIIIe siècle, dont le mouvement a magnifiquement été étudié et analysé par le grand historien anglais Edward P. Thompson (voir son ouvrage les Usages de la #coutume, éd. EHESS, 2018), défendaient une idée forte et essentielle. Marché ou pas marché, rien, jamais, ne doit contrevenir à un principe aussi simple que fondamental : celui du #droit_à_l’existence. Rien, jamais, aucune règle, ne doit contrevenir aux droits de la personne à vivre dignement : se sustenter, se loger, se chauffer, se soigner, s’éduquer et éduquer ses enfants. Cet ensemble simple et basique - le droit à l’existence et le #droit de le #défendre -, c’est ce que Thompson a désigné sous le nom d’« économie morale », pour l’opposer aux dogmes de l’économie libérale de marché qui cherchait alors à s’imposer. Economie morale contre économie libérale de marché, l’affrontement fut long et récurrent. Jusqu’à ce que, appuyée chaque fois que nécessaire sur la loi martiale et le feu des carabines contre les manifestants, l’économie libérale de marché finisse par l’emporter et organiser nos sociétés.

      Nous voici deux siècles plus tard. Et la cause semble entendue. Au point que, au nom du marché, les discours les plus cyniques sont désormais tenus calmement par nos gouvernants. Ainsi la suppression de l’ISF (qui favorise surtout les 1 % les plus riches), la « flat tax » (qui concerne cette fois les 10 % les plus riches) : c’est pour le bien du peuple qu’on y procède nous est-il asséné sans rire, car telle est la loi de l’économie libérale de marché. Il faut gaver les riches pour que des miettes « ruissellent » sur le peuple.

      Mais voilà. Les choses sont allées si loin, le cynisme des possédants et de leurs mandants au sein de [sic] l’#Etat a atteint de tels niveaux que, venue du fond des âges, l’économie morale, les principes de #justice qui la fonde et le peuple qui la porte resurgissent et réoccupent le devant de la scène. Cette fois non sur les places de marché des villages, mais, le symbole est peut-être plus fort encore, à chaque #rond-point ou presque. De nouveau, c’est le droit à l’existence tel qu’en lui-même qui se dresse. Au-delà de la taxe sur les carburants, tout revient : le droit de se chauffer, de se nourrir, d’éduquer et de vêtir ses enfants. La lutte pour le droit à l’existence, telle qu’en elle-même, est de retour…[...]

    • Un seul exemple qui permet de comprendre l’aura du Bataclan : une part importante de la jeunesse vit dans un bain musical presque constant, en particulier grâce aux outils (iPods et smartphones) qui favorisent l’écoute de la musique en nomadisme. Cette immersion ne touchait que la moitié des ados il y a vingt ans, aujourd’hui elle s’est généralisée. À cette ouverture « vers d’autres mondes que le mien » que procurent les #industries_culturelles s’ajoutent une pratique accrue des sorties (cinéma, concerts, déambulations entre amis dans les centres urbains), un #culte_de_la_fête (tout se célèbre : les anniversaires, les pendaisons de crémaillères, les diplômes, les départs et les retours), et au total une sociabilité plus intense que jamais. Il y a dix ans, le cercle de sociabilité d’un jeune adulte agglomérait les amis de l’école ou du quartier, puis les amis de l’université ou du travail : aujourd’hui le rejoignent les amis d’amis, dont le contact est favorisé par les réseaux sociaux. Plus globalement la facilité d’accès à l’autre, même total inconnu, s’est intensifiée dans ce contexte du « tout » communicationnel des sociétés occidentales.
      L’aridité de l’insertion professionnelle, modulée certes par le niveau de diplôme, mais touchant pourtant presque tous les jeunes, pose un autre signe distinctif. Dans un tel contexte, la jeunesse a imaginé des stratégies de « survie ». On observe l’essor de l’#économie collaborative, pratiquée soit comme consommateur soit comme offreur de service par une partie grandissante des jeunes adultes. Parallèlement, ceux-ci ont développé la multi activité – la capacité à gérer plusieurs jobs en même temps (les « slashers »), à saisir les opportunités d’aides administratives et familiales, et à jongler entre activités rémunératrices et activités bénévoles pour des engagements de prédilection. Plus globalement, est née une propension à la débrouille et à faire feu de tout bois : pas loin d’un art de vivre et en tout cas un art à résister face aux difficultés posées par le monde économique.

      #sociabilité_intense #bain_culturel #Monique_Dagnaud #Olivier_Galland #Sociologie (de les jeunesses)

  • Rien de tel qu’un #banc pour faire marcher les #villes - Terra eco
    http://www.terraeco.net/Rien-de-tel-qu-un-banc-pour-faire,58085.html

    Le célèbre architecte danois Jan Gehl, aux manettes de la revitalisation de quartiers à Londres, New York, São Paulo, Sydney et Copenhague, en a fait l’un des douze critères d’aménagement requis pour atteindre la qualité optimale d’un environnement piétonnier : dans la grande reconquête de la cité par les piétons, s’asseoir est une priorité. N’en déplaise aux pisse-froid, un banc saturé de postérieurs constitue un signe de bonne santé urbaine. Y poser le sien demeure un choix et l’on préfère toujours les endroits accueillants. « Certains prétendent que le banc amène du danger, ils se trompent, tempête l’urbaniste Anne Faure, présidente de l’association Rue de l’avenir. Le banc amène les gens dans la rue, cette présence dissuade certains délits : le banc est un outil d’agrément et de sécurité urbaine ! » Banal et indispensable, le banc brille également par sa gratuité. « L’#espace_public doit être libre et accessible à tout le monde. Si pour vous asseoir vous êtes obligé de vous mettre à une terrasse de café et de consommer, ce n’en est plus un », avance le designer Marc Aurel.

    Depuis vingt ans, ce spécialiste du mobilier urbain cherche des alternatives au banc haussmannien qu’il estime un poil obsolète. Il utilise ainsi de nouveaux matériaux, comme la céramique, plus résistante, belle, moins onéreuse à l’entretien pour des collectivités. Et planche également sur d’autres formes : banquettes ou fauteuils, côte à côte, face à face, en salon, bientôt connectés.

    #banc_public #urbanisme #sociabilité

    • Enceintes, boiteux et ventripotents, eux, ne pourront jamais se passer de pause et donc de bancs. Mieux, les bancs deviendront à terme le refuge des vieux. « Si les personnes âgées ne peuvent pas fractionner leur trajets, c’est bien simple : elles ne sortiront plus et ce sera la catastrophe », s’alarme Anne Faure.

      Dans nombre de quartiers imaginés et construits pour les voitures dans les années 1960 ou 1970, continuer à faire le tour du pâté de maison s’avère souvent une gageure lorsqu’on y voit mal, que le souffle est court, les genoux douloureux et le sac de courses toujours trop lourd. Rester cloîtré parce que le premier banc est à dix minutes, et c’est la perte d’autonomie assurée

      J’éprouve ça durement depuis que je suis malade, le souffle court et vite fatigué ; je coince ma fesse sur des rebords ou des perrons (l’autre jour que j’étais assis, exprès ou pas, on a même descendu un volet roulant manquant de me coincer sous un perron -je suis un rien sourdingue désormais, j’ai pas entendu de suite ;)).
      L’avenue au coin de chez moi qui est mon principal trajet en est quasi dépourvue à part un gros tas vers une place, rien d’autre ailleurs ; il y a un centre d’accueil de sans domiciles proche...

    • Signalons l’existence de mobiliers urbains pouvant communiquer avec les citoyens à travers leurs mobiles grâce à des étiquettes NFC intégrées au béton. Ces bancs sont réalisés par la société Recréation urbaine.

      En activité à Paris sur le mèl de la rue Saint Blaise à Paris.

      La société participe à un débat sur la ville dans le cadre de Netexplo,à l’Unesco à 16:30 ce jeudi.

      https://sanscontact.wordpress.com/2014/03/17/smart-city-quand-la-ville-communique-avec-ses-habitants-grace #banc_public #mobilier_urbain #ville

    • Un peu de mal à voir l’intérêt d’un banc qui m’enverrait des notifications... Même une carte des bancs wtf, pour que les crevards ds mon genre organisent leurs trajets ?? la carte ce serait un outil de gestion par les aménageurs et aussi de critique de cette gestion éventuellement.

  • Blablacar a-t-il tué l’esprit du covoiturage ? - Mediapart
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/89843872188

    Intéressant billet sur un blog de Mediapart qui revient sur l’évolution de Blablacar ces dernières années, mais qui montre que sous principe de sécurité (des profils, des paiements, des relations…), la communauté à certes progressé, mais l’esprit de départ a bien changé. Conducteurs en passe de devenir des taxis et passagers qui paient pour le service comme de purs consommateurs, sans plus participer… Pour l’auteur du site, la raison de ce changement est à trouver dans la sécurisation : impossible de partager des numéros de téléphones (et donc de faire de la microgestion de dernière minute), flicage des échanges, obligation de payer par carte bleu, prix fixé d’avance quelque soit le nombre de covoitureurs, frais variables dans le temps,..

    “L’équipe a certes élargi son champ d’inscrits, mais considérablement (...)

    #sharevolution #économie_collaborative #transition #sociabilité #innovation

  • A Lyon, reconquérir les rues pour reconquérir notre #sociabilité
    http://www.rue89lyon.fr/2014/06/16/lyon-reconquerir-les-rues-pour-reconquerir-notre-sociabilite

    Pas de bancs, pas de fleurs, pas de végétation, pas de couleurs, pas d’appropriation par les habitants, de moins en moins même…

    « C’est la puissance publique qui fait la #rue désormais » constate Nicolas Soulier.

    La #privatisation a réduit non seulement nos espaces de sociabilité, mais également nos espaces d’existence.

    Cela me rappelle Les tyrannies de l’intimité de Richard Sennett qu’évoquait il y a longtemps Pierre Mounier (auteur du blog Homo Numericus), où ce dernier soulignait la même dés-appropriation de la rue en évoquant les caméras qui les surveillent :

    « Autre­ment dit, la caméra de sur­veillance envoie un mes­sage poli­tique clair aux citoyens : la rue n’est pas à vous ; elle est contrô­lée par un pou­voir dont le siège est caché et ailleurs.

    #ville #urbanisme

  • Quand on ne veut pas comprendre la déconnexion… parce qu’on vit de la connexion
    http://blog.tcrouzet.com/2014/05/12/quand-on-ne-veut-pas-comprendre-la-deconnexion-parce-quon-vit-de-la-c

    Si je me suis pas déconnecté pour retrouver mes amis ou à cause d’une soudaine réaction allergique aux machines, alors pourquoi ? Je vois au moins trois raisons, de plus en plus claires à mesure que ma période de jeûne s’éloigne.

    Vivre pleinement en ligne implique une présence de tous les instants, qui peut conduire au burn-out numérique (c’était mon cas). On peut ressentir une profonde fatigue, et je comprends l’envie de se reposer (un fantasme inaccessible pour beaucoup de gens). Rien que de très ordinaire comme désir. Les vidéos de vacances buzzent plus que les vidéos sur la déconnexion, mais pour les mêmes raisons.

    Nous sommes curieux. Nous avons envie de visiter d’autres villes, d’autres pays, d’autres planètes… Quand on passe sa vie sur le Net (que je compare à un territoire), on peut aspirer à d’autres paysages (surtout quand on se limite à Facebook et Twitter).

    La pleine présence en ligne serait contradictoire avec l’expérience optimale. En tous cas, c’est indéniable pour moi. Hyperconscience, hapax existentiel, sentiment océanique… le Net est un tue-l’amour en ce domaine (et le besoin des pionniers du Net de s’adonner à la médiation n’est pas étranger à ce phénomène). Je crois que de plus en plus de gens perçoivent un manque existentiel lié à notre mode de vie actuel sur le Net, manque que j’imagine lié aux écrans, en tout cas aux limitations de nos interfaces (souvent elles réduisent le champ perceptif plus qu’elles ne l’élargissent, tout en comprimant le temps).

    Je ne comprends vraiment pas en quoi le monde déconnecté est plus vertueux ou plus « authentique » que le monde connecté. Les études de Daniel Miller et de toute l’anthropologie numérique vont dans ce sens : la connection est une forme de sociabilité. Il y a plein de manière d’être sociable et les mondes connectés et déconnectés ne fonctionnent pas de manière binaire. Les burn-out numériques ne sont pas du à la « connexion » mais plus à une mauvaise gestion de celle-ci. De plus, il n’y a aucun problème à pouvoir déconnecter, cette possibilité est essentielle. Le jour où on ne pourra plus se déconnecter il faudra s’inquiéter mais cela n’a rien à voir avec une quelconque « meilleur situation » du monde déconnecté au monde connecté. C’est différent et nos sensibilités différent à ce propos, les expériences ne sont pas les mêmes.

    #internet #sociabilité #déconnexion #connexion #Miller

  • L’essor de la sociabilité numérique ne réduit pas la sociabilité de face-à-face | INSEE

    http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?id=4290&reg_id=0

    Entre 2006 et 2011, les rencontres avec les proches ont gardé à peu près la même fréquence tandis que les contacts à distance sont devenus plus fréquents ; le développement des technologies de l’information et de la communication (notamment Internet, téléphone portable, SMS, réseaux sociaux...) rend les contacts à distance sans doute plus faciles aujourd’hui.
    La sociabilité reste plus orientée vers la famille, surtout pour les contacts à distance : 65 % des personnes ont des contacts avec leur famille au moins une fois par semaine, contre 54 % pour les contacts avec les amis. Cependant, ce sont les contacts à distance avec les amis qui ont le plus progressé (+ 8 points pour les contacts hebdomadaires avec les amis, contre + 2 points pour les contacts avec la famille). Les rencontres avec la famille sont, quant à elles, aussi fréquentes qu’avec les amis (la moitié des personnes voient leur famille au moins une fois par semaine, niveau équivalent à ce qui est observé pour les amis).
    Les principales différences observées en 2006 entre les catégories de personnes restent vraies en 2011. Ainsi, la sociabilité des jeunes est plus tournée vers les amis que vers la famille : les trois quarts des personnes de 16 à 30 ans voient leurs amis au moins une fois par semaine alors que seule la moitié d’entre elles voit leur famille aussi régulièrement. Après 30 ans, la fréquence des rencontres avec les amis est globalement stable alors que l’on rencontre sa famille de plus en plus souvent en vieillissant : après 75 ans, 60 % des personnes voient leur famille au moins une fois par semaine. Avec l’âge les contacts à distance tendent également à augmenter.
    Les cadres voient moins souvent leurs proches amis et leur famille que les autres catégories, mais ils ont les contacts à distance les plus fréquents. C’est également le cas pour les personnes les plus aisées et pour celles qui résident dans l’agglomération parisienne.

    #lien_social
    #sociabilité
    #famille
    #amitié