• « Toni Negri aura été un lecteur et continuateur de Karl Marx, dans une étonnante combinaison de littéralité et de liberté », Etienne Balibar
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/19/l-hommage-d-etienne-balibar-a-toni-negri-il-aura-ete-un-lecteur-et-continuat

    Ce qui d’abord frappait chez lui, en plus de sa silhouette incroyablement juvénile à tout âge, c’était un sourire unique, tantôt carnassier, tantôt ironique ou plein d’affection. Il m’avait saisi dès notre première rencontre, à la sortie d’un séminaire du Collège international de philosophie. Lui, échappé d’Italie à la faveur d’une élection qui le tirait momentanément de prison. Nous, abattus par l’essor du reaganisme et du thatchérisme, qui fracassait les illusions nées de la victoire socialiste de 1981. Que faire dans cette débâcle ? Mais la révolution !, nous expliqua Toni, rayonnant d’optimisme : elle s’avance à travers d’innombrables mouvements sociaux plus inventifs les uns que les autres. Je ne suis pas sûr de l’avoir vraiment cru, mais j’en suis sorti, débarrassé de mes humeurs noires et conquis pour toujours.

    Je n’avais pas suivi le fameux séminaire sur les Grundrisse de Karl Marx [manuscrits de 1857-1858, considérés comme un sommet de son œuvre économique avant Le Capital], organisé en 1978 à l’Ecole normale supérieure par Yann Moulier-Boutang, qu’on m’avait dit fascinant autant qu’ésotérique. Et j’ignorais presque tout de « l’operaismo », [d’« operaio » , « ouvrier » en italien] dont il était l’une des têtes pensantes.

    Pour moi, Negri était ce théoricien et praticien de « l’autonomie ouvrière », dont l’Etat italien, gangrené par la collusion de l’armée et des services secrets américains, avait essayé de faire le cerveau du terrorisme d’extrême gauche ; une accusation qui s’effondra comme château de cartes, mais qui l’envoya pour des années derrière les barreaux. Avant et après ce séjour, entouré de camarades aux vies assagies et aux passions intactes, il fut le pilier de cette Italie française, image inversée de la France italienne que nous avions rêvé d’instaurer avant 1968. Prises ensemble, autour de quelques revues et séminaires, elles allaient lancer une nouvelle saison philosophique et politique. Par ses provocations et ses études, Negri en serait l’inspirateur.

    Liberté et émancipation du travail

    Je ne donnerai que quelques repères elliptiques, en choisissant les références selon mes affinités. Spinoza, évidemment. Après le coup de tonnerre de L’Anomalie sauvage (PUF, 1982 pour l’édition française, précédée des préfaces de Gilles Deleuze, Pierre Macherey et Alexandre Matheron) viendront encore d’autres essais, inspirés par ces mots : « Le reste manque », inscrits par l’éditeur sur la page blanche du Traité politique (Le Livre de Poche, 2002) qu’avait interrompu la mort en 1677 du solitaire de La Haye.

    Ce reste, contrairement à d’autres, Negri n’a pas cherché à le reconstituer, mais à l’inventer, suivant le fil d’une théorie de la puissance de la multitude, qui fusionne la métaphysique du désir et la politique démocratique, contre toute conception transcendantale du pouvoir, issue de la collusion entre le droit et l’Etat. Spinoza, l’anti-Hobbes, l’anti-Rousseau, l’anti-Hegel. Le frère des insurgés napolitains dont il avait un jour emprunté la figure. On n’a plus cessé de discuter pour et contre ce « Spinoza subversif », qui marque de son empreinte la grande « Spinoza-Renaissance » contemporaine.

    Passons alors à la problématique de la liberté et de l’émancipation du travail, qui repart de Spinoza pour converger avec Foucault, mais aussi Deleuze, en raison du profond vitalisme à l’œuvre dans l’opposition de la « biopolitique » des individus et du « biopouvoir » des institutions. Elle réinscrit au sein même de l’idée de pouvoir l’opposition naguère établie entre celui-ci et la puissance, et autorise à reprendre, comme l’essence même du processus révolutionnaire, la vieille thématique léniniste du « double pouvoir », mais en la déplaçant d’une opposition Etat-parti à une opposition Etat-mouvement.

    Or les fondements en sont déjà dans son livre de 1992 Le Pouvoir constituant. Essai sur les alternatives de la modernité (traduction française au PUF, 1997). C’est pour moi l’un des grands essais de philosophie politique du dernier demi-siècle, dialoguant avec Schmitt, Arendt, les juristes républicains, sur la base d’une généalogie qui remonte à Machiavel et à Harrington. Tout « pouvoir constitué » procède d’une insurrection qu’il cherche à terminer pour domestiquer la multitude et se trouve corrélativement en butte à l’excès du pouvoir constituant sur les formes d’organisation même révolutionnaires qu’il se donne.

    Un communisme de l’amour

    Revenons donc à Marx pour conclure. D’un bout à l’autre, Negri aura été son lecteur et son continuateur, dans une étonnante combinaison de littéralité et de liberté. Marx au-delà de Marx (Bourgois, 1979), cela veut dire : emmener Marx au-delà de lui-même, et non pas le « réfuter ». C’était déjà le sens des analyses de la « forme-Etat », aux temps de l’opéraïsme militant. C’est celui de la géniale extrapolation des analyses des Grundrisse sur le machinisme industriel (le « general intellect »), qui prennent toute leur signification à l’époque de la révolution informatique et du « capitalisme cognitif », dont elles permettent de saisir l’ambivalence au point de vue des mutations du travail social. Combat permanent entre « travail mort » et « travail vivant ».

    Et c’est, bien sûr, le sens de la grande trilogie coécrite avec Michael Hardt : Empire (Exils, 2000), Multitude (La Découverte, 2004), Commonwealth (Stock, 2012), plus tard suivis par Assembly (Oxford University Press, 2017, non traduit), dans laquelle, contre la tradition du socialisme « scientifique » et sa problématique de la transition, se construit la thèse aux accents franciscains et lucrétiens d’un communisme de l’amour. Celui-ci est déjà là, non pas dans les « pores » de la société capitaliste, comme l’avait écrit Marx repris par Althusser, mais dans les résistances créatrices à la propriété exclusive et à l’état de guerre généralisé du capitalisme mondialisé. Il s’incarne dans des révoltes et des expérimentations toujours renaissantes, avec les nouveaux « communs » qu’elles font exister.

    Toujours, donc, ce fameux optimisme de l’intelligence, dont on comprend maintenant qu’il n’a rien à voir avec l’illusion d’un sens garanti de l’histoire, mais conditionne l’articulation productive entre connaissance et imagination, les « deux sources » de la politique. Toni Negri nous lègue aujourd’hui la force de son désir et de ses concepts. Sans oublier son sourire.

    Merci, Étienne Balibar

    (et du coup, #toctoc @rezo )

    d’autres fragments d’un tombeau pour Toni Negri
    https://seenthis.net/messages/1032212

    #Toni_Negri #Étienne_Balibar #opéraïsme #forme_État #révolution #autonomie #double_pouvoir #État #mouvement #general_intellect #travail_vivant #communisme

    • Antonio Negri, lecteur de Spinoza Pour une « désutopie », Christian Descamps, 28 janvier 1983
      https://www.lemonde.fr/archives/article/1983/01/28/antonio-negri-lecteur-de-spinoza-pour-une-desutopie_3078936_1819218.html

      Parlons aujourd’hui de l’homme, « la plus calamiteuse et frêle de toutes les créatures », disait Montaigne, et aussi « la plus orgueilleuse ».D’un livre de Francis Jacques, Christian Delacampagne retient cette idée fondamentale que la personne ne peut se constituer que par le dialogue avec l’Autre. Déjà Spinoza, comme le montre Christian Descamps à propos d’un ouvrage d’Antonio Negri, ne concevait le bonheur que s’articulant à celui des autres. Tandis que Patrice Leclercq résume le cheminement de l’attitude inverse : cet orgueil que le Christ a voulu abolir et qui continue d’exercer partout ses ravages.

      « SPINOZA est tellement crucial pour la philosophie moderne qu’on peut dire qu’on a le choix entre le spinozisme ou pas de philosophie du tout. » Que Hegel, qui ne l’aime guère, soit amené à ce constat, bouleverse Toni Negri. Ce professeur de Padoue, théoricien de l’autonomie ouvrière, avait écrit un Descartes politique. Le présent ouvrage est d’une autre nature. Il fut conçu en prison d’où - depuis 1979 - son auteur attend d’être jugé en compagnie des inculpés du « procès du 7 avril ». Mais ce grand livre érudit n’est aucunement une œuvre de circonstance, même si on peut supposer que la force, la joie spinozistes ont réconforté le prisonnier.

      La Hollande du dix-septième siècle, cette Italie du Nord, est un pays en rupture qui perpétue les expériences révolutionnaires de la Renaissance. Là, #Spinoza, l’exclu de sa communauté, réalise un véritable coup de force ontologique : il joue la puissance contre le pouvoir. S’invente alors une philosophie de la plénitude, de la multiplicité, de la liberté qui, sans partir de la réduction des appétits, parie sur l’épanouissement. Le penseur artisan - qui refuse les pensions - réfléchit dans un temps de crise. La Maison d’Orange prône une politique guerrière, un État centralisé ; le parti républicain, qu’anime Jean De Witt, préférerait une politique de paix, une organisation libérale. Pourtant l’intolérance, le bellicisme, l’amour de la servitude, sont vivaces ; et quand notre philosophe hautain et solitaire clame, au nom de la raison, son entreprise de démystification, le tollé est général. Jamais - sauf peut-être contre les Épicuriens - la hargne ne fut aussi forte. Le front est au complet : orthodoxes juifs, protestants, catholiques, cartésiens, tous participent au concours d’anathème.

      Negri interroge cette unanimité. Savante et tranchée, la métaphysique spinoziste avait osé articuler -comme le souligne Deleuze à qui l’auteur doit beaucoup (1), - une libération concrète, une politique de la multitude, une pensée sans ordre antérieur à l’agir. Spinoza proposait de rompre avec la vieille idée de l’appropriation liée à la médiation d’un pouvoir. Dans ses ateliers nomades, le philosophe du « Dieu ou la Nature » élabore une conception de la puissance de l’Être.Mine de rien, ses bombes douces font exploser la transcendance, la hiérarchie. A un horizon de pensée centré sur le marché, aux philosophies politiques du pouvoir et de la suggestion, l’auteur de l’Éthique oppose, méticuleusement, des concepts qui rendent possible une existence consciente du collectif. Mon bonheur, mon entendement, mes désirs, peuvent - si j’ai de la nature une connaissance suffisante - s’articuler à ceux des autres. La guerre de tous contre tous n’est pas inéluctable, j’ai mieux à faire qu’à devenir un loup...

      De fait si l’Être est puissance, je suis capable d’y puiser la force d’échapper à la médiation politique de ceux qui parlent à ma place, à la conscience malheureuse des arrière-mondes, aux sanglots du négatif. Partir de la puissance de la vie, réconcilier passion et raison, c’est militer contre la haine et le remords. Pratique, cette métaphysique se fait aussi politique. Le Tractatus theologico-politicus insiste sur l’activité.

      Certes - et honnêtement Negri le souligne, - il arrive que Spinoza se replie. Devant les coups de boutoir de l’histoire concrète il accepte - un moment - des positions oligarchiques... Ici l’auteur reprend l’hypothèse de deux Spinoza dont il fait les axes de notre univers. Le premier, baigné de la lumière de Rembrandt, se meut au sein de la révolution scientifique, de la Renaissance, du génie de son temps. L’autre propose une philosophie de notre avenir, de notre crise. Car de « démon » qui ferraille contre le fanatisme et la superstition, contre les asiles d’ignorance, s’appuie sur le désir, cet « appétit conscient de lui-même ». Avec des lunettes d’analyste aussi bien rangées que ses instruments, il enseigne la désutopie. Pas de programme, de glande pinéale : un projet de déplacement mille fois plus fort. Sortir de l’ignorance, jouer l’Être contre le moralisme de devoir être, ce n’est pas rêver d’âge d’or. Il s’agit, au contraire, de s’appuyer effectivement sur les désirs, les appétits. Difficile 7 Oui, car « nous ne pouvons reconnaître aucune différence entre les désirs qui proviennent de la raison et ceux que d’autres causes engendrent en nous ».

      Pourtant la violence immédiate peut s’éclairer d’un ordre, fait de degrés successifs de perfection, tissé dans l’Être. Une liberté joyeuse est possible qui tire sa force du droit et non pas de la loi, de la puissance et non pas du pouvoir. Aux figures de l’antagonisme, aux réconciliations molles de la dialectique, on peut opposer l’autonomie, la constitution de l’être ensemble. La puissance est possibilité de liberté, d’expansion des corps, recherche de la meilleure constitution. Question d’aujourd’hui, d’un dix-septième siècle encore vivant. Negri souligne : « Spinoza n’annonce pas la philosophie des Lumières, il la vit et la déploie intégralement. »

      –------------------------
      (1) L’Anomalie sauvage est précédée de préfaces de Gilles Deleuze, Pierre Macherey et Alexandre Matheron.

      * L’Anomalie sauvage, d’Antonio Negri. PUF, 350 pages, 145 F.

      [cette typo sans relief est celle du journal]

      #philosophie #politique #passion #raison #puissance #pouvoir #droit #loi

    • Raniero Panzieri, Mario Tronti, Gaspare De Caro, Toni Negri (Turin, 1962)

      Conférence de Potere operaio à l’Université de Bologne en 1970.

      Manifestation de Potere operaio à Milan en 1972.

      Negri lors de son procès après la rafle du 7 avril 1979

      #Toni_Negri
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Toni_Negri

      Lénine au-delà de Lénine, Toni Negri (extrait de 33 Leçons sur Lénine), 1972-1973
      http://revueperiode.net/lenine-au-dela-de-lenine

      Domination et sabotage - Sur la méthode marxiste de transformation sociale, Antonio Negri (pdf), 1977
      https://entremonde.net/IMG/pdf/a6-03dominationsabotage-0-livre-high.pdf

      L’Anomalie sauvage d’Antonio Negri, Alexandre Matheron, 1983
      https://books.openedition.org/enseditions/29155?lang=fr

      Sur Mille Plateaux, Toni Negri, Revue Chimères n° 17, 1992
      https://www.persee.fr/doc/chime_0986-6035_1992_num_17_1_1846

      Les coordinations : une proposition de communisme, Toni Negri, 1994
      https://www.multitudes.net/les-coordinations-une-proposition

      Le contre-empire attaque, entretien avec Toni Negri, 2000
      https://vacarme.org/article28.html

      [#travail #multitude_de_singularités à 18mn] : Toni Negri, 2014
      https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/actualite-philosophique-toni-negri-5100168

      à l’occasion de la parution du Hors-Série de Philosophie Magazine sur le thème, les philosophes et le #communisme.

      Socialisme = soviets + électricité, Toni Negri, 2017
      http://revueperiode.net/les-mots-dordre-de-lenine

      L’appropriation du capital fixe : une métaphore ?
      Antonio Negri, Multitudes 2018/1 (n° 70)
      https://www.cairn.info/revue-multitudes-2018-1-page-92.htm

      Domination et sabotage - Entretien avec Antonio Negri, 2019
      https://vacarme.org/article3253.html

    • Les nécros de Ration et de L’imMonde ont par convention une tonalité vaguement élogieuse mais elles sont parfaitement vides. Celle de l’Huma parait plus documentée mais elle est sous paywall...

      edit L’Huma c’est encore et toujours la vilaine bêtise stalinienne :

      Figure de prou de "l’opéraïsme" dans les années 1960, arrêté durant les années de plomb en Italie, penseur de la "multitude" dans les années 2000, le théoricien politique, spécialiste de la philosophie du droit et de Hegel, est mort à Paris à l’âge de 90 ans.
      Pierre Chaillan

      (...) Figure intellectuelle et politique, il a traversé tous les soubresauts de l’histoire de l’Italie moderne et restera une grande énigme au sein du mouvement communiste et ouvrier international . Né le 1er août 1933 dans l’Italie mussolinienne, d’un père communiste disparu à la suite de violences infligées par une brigade fasciste, Antonio Negri est d’abord militant de l’Action catholique avant d’adhérer en 1956 au Parti socialiste italien, qu’il quittera rapidement.

      Le théoricien, animateurs de “l’opéraïsme”

    • Un journaliste du Monde « Gauchologue et fafologue / Enseigne @sciencespo » diffuse sur X des extraits de l’abject "Camarade P38" du para-policier Fabrizio Calvi en prétendant que cette bouse « résume les critiques ».
      Mieux vaut se référer à EMPIRE ET SES PIÈGES - Toni Negri et la déconcertante trajectoire de l’opéraïsme italien, de Claudio Albertani https://infokiosques.net/spip.php?article541

    • #opéraïsme

      http://www.zones-subversives.com/l-op%C3%A9ra%C3%AFsme-dans-l-italie-des-ann%C3%A9es-1960

      Avant l’effervescence de l’Autonomie italienne, l’opéraïsme tente de renouveler la pensée marxiste pour réfléchir sur les luttes ouvrières. Ce mouvement politique et intellectuel se développe en Italie dans les années 1960. Il débouche vers une radicalisation du conflit social en 1968, et surtout en 1969 avec une grève ouvrière sauvage. Si le post-opéraïsme semble relativement connu en France, à travers la figure de Toni Negri et la revue Multitudes, l’opéraïsme historique demeure largement méconnu.

      Mario Tronti revient sur l’aventure de l’opéraïsme, à laquelle il a activement participé. Son livre articule exigence théorique et témoignage vivant. Il décrit ce mouvement comme une « expérience de pensée - d’un cercle de personnes liées entre elles indissolublement par un lien particulier d’amitié politique ». La conflictualité sociale et la radicalisation des luttes ouvrières doit alors permettre d’abattre le capitalisme.

    • IL SECOLO BREVE DI TONI NEGRI, Ago 17, 2023,
      di ROBERTO CICCARELLI.

      http://www.euronomade.info/?p=15660

      Toni Negri hai compiuto novant’anni. Come vivi oggi il tuo tempo?

      Mi ricordo Gilles Deleuze che soffriva di un malanno simile al mio. Allora non c’erano l’assistenza e la tecnologia di cui possiamo godere noi oggi. L’ultima volta che l’ho visto girava con un carrellino con le bombole di ossigeno. Era veramente dura. Lo è anche per me oggi. Penso che ogni giorno che passa a questa età sia un giorno di meno. Non hai la forza di farlo diventare un giorno magico. È come quando mangi un buon frutto e ti lascia in bocca un gusto meraviglioso. Questo frutto è la vita, probabilmente. È una delle sue grandi virtù.

      Novant’anni sono un secolo breve.

      Di secoli brevi ce ne possono essere diversi. C’è il classico periodo definito da Hobsbawm che va dal 1917 al 1989. C’è stato il secolo americano che però è stato molto più breve. È durato dagli accordi monetari e dalla definizione di una governance mondiale a Bretton Woods, agli attentati alle Torri Gemelle nel settembre 2001. Per quanto mi riguarda il mio lungo secolo è iniziato con la vittoria bolscevica, poco prima che nascessi, ed è continuato con le lotte operaie, e con tutti i conflitti politici e sociali ai quali ho partecipato.

      Questo secolo breve è terminato con una sconfitta colossale.

      È vero. Ma hanno pensato che fosse finita la storia e fosse iniziata l’epoca di una globalizzazione pacificata. Nulla di più falso, come vediamo ogni giorno da più di trent’anni. Siamo in un’età di transizione, ma in realtà lo siamo sempre stati. Anche se sottotraccia, ci troviamo in un nuovo tempo segnato da una ripresa globale delle lotte contro le quali c’è una risposta dura. Le lotte operaie hanno iniziato a intersecarsi sempre di più con quelle femministe, antirazziste, a difesa dei migranti e per la libertà di movimento, o ecologiste.

      Filosofo, arrivi giovanissimo in cattedra a Padova. Partecipi a Quaderni Rossi, la rivista dell’operaismo italiano. Fai inchiesta, fai un lavoro di base nelle fabbriche, a cominciare dal Petrolchimico di Marghera. Fai parte di Potere Operaio prima, di Autonomia Operaia poi. Vivi il lungo Sessantotto italiano, a cominciare dall’impetuoso Sessantanove operaio a Corso Traiano a Torino. Qual è stato il momento politico culminante di questa storia?

      Gli anni Settanta, quando il capitalismo ha anticipato con forza una strategia per il suo futuro. Attraverso la globalizzazione, ha precarizzato il lavoro industriale insieme all’intero processo di accumulazione del valore. In questa transizione, sono stati accesi nuovi poli produttivi: il lavoro intellettuale, quello affettivo, il lavoro sociale che costruisce la cooperazione. Alla base della nuova accumulazione del valore, ci sono ovviamente anche l’aria, l’acqua, il vivente e tutti i beni comuni che il capitale ha continuato a sfruttare per contrastare l’abbassamento del tasso di profitto che aveva conosciuto a partire dagli anni Sessanta.

      Perché, dalla metà degli anni Settanta, la strategia capitalista ha vinto?

      Perché è mancata una risposta di sinistra. Anzi, per un tempo lungo, c’è stata una totale ignoranza di questi processi. A partire dalla fine degli anni Settanta, c’è stata la soppressione di ogni potenza intellettuale o politica, puntuale o di movimento, che tentasse di mostrare l’importanza di questa trasformazione, e che puntasse alla riorganizzazione del movimento operaio attorno a nuove forme di socializzazione e di organizzazione politica e culturale. È stata una tragedia. Qui che appare la continuità del secolo breve nel tempo che stiamo vivendo ora. C’è stata una volontà della sinistra di bloccare il quadro politico su quello che possedeva.

      E che cosa possedeva quella sinistra?

      Un’immagine potente ma già allora inadeguata. Ha mitizzato la figura dell’operaio industriale senza comprendere che egli desiderava ben altro. Non voleva accomodarsi nella fabbrica di Agnelli, ma distruggere la sua organizzazione; voleva costruire automobili per offrirle agli altri senza schiavizzare nessuno. A Marghera non avrebbe voluto morire di cancro né distruggere il pianeta. In fondo è quello che ha scritto Marx nella Critica del programma di Gotha: contro l’emancipazione attraverso il lavoro mercificato della socialdemocrazia e per la liberazione della forza lavoro dal lavoro mercificato. Sono convinto che la direzione presa dall’Internazionale comunista – in maniera evidente e tragica con lo stalinismo, e poi in maniera sempre più contraddittoria e irruente -, abbia distrutto il desiderio che aveva mobilitato masse gigantesche. Per tutta la storia del movimento comunista è stata quella la battaglia.

      Cosa si scontrava su quel campo di battaglia?

      Da un lato, c’era l’idea della liberazione. In Italia è stata illuminata dalla resistenza contro il nazi-fascismo. L’idea di liberazione si è proiettata nella stessa Costituzione così come noi ragazzi la interpretammo allora. E in questa vicenda non sottovaluterei l’evoluzione sociale della Chiesa Cattolica che culminò con il Secondo Concilio Vaticano. Dall’altra parte, c’era il realismo ereditato dal partito comunista italiano dalla socialdemocrazia, quello degli Amendola e dei togliattiani di varia origine. Tutto è iniziato a precipitare negli anni Settanta, mentre invece c’era la possibilità di inventare una nuova forma di vita, un nuovo modo di essere comunisti.

      Continui a definirti un comunista. Cosa significa oggi?

      Quello che per me ha significato da giovane: conoscere un futuro nel quale avremmo conquistato il potere di essere liberi, di lavorare meno, di volerci bene. Eravamo convinti che concetti della borghesia quali libertà, uguaglianza e fraternità avrebbero potuto realizzarsi nelle parole d’ordine della cooperazione, della solidarietà, della democrazia radicale e dell’amore. Lo pensavamo e lo abbiamo agito, ed era quello che pensava la maggioranza che votava la sinistra e la faceva esistere. Ma il mondo era ed è insopportabile, ha un rapporto contraddittorio con le virtù essenziali del vivere insieme. Eppure queste virtù non si perdono, si acquisiscono con la pratica collettiva e sono accompagnate dalla trasformazione dell’idea di produttività che non significa produrre più merci in meno tempo, né fare guerre sempre più devastanti. Al contrario serve a dare da mangiare a tutti, modernizzare, rendere felici. Comunismo è una passione collettiva gioiosa, etica e politica che combatte contro la trinità della proprietà, dei confini e del capitale.

      L’arresto avvenuto il 7 aprile 1979, primo momento della repressione del movimento dell’autonomia operaia, è stato uno spartiacque. Per ragioni diverse, a mio avviso, lo è stato anche per la storia del «manifesto» grazie a una vibrante campagna garantista durata anni, un caso giornalistico unico condotto con i militanti dei movimenti, un gruppo di coraggiosi intellettuali, il partito radicale. Otto anni dopo, il 9 giugno 1987, quando fu demolito il castello di accuse cangianti, e infondate, Rossana Rossanda scrisse che fu una «tardiva, parziale riparazione di molto irreparabile». Cosa significa oggi per te tutto questo?

      È stato innanzitutto il segno di un’amicizia mai smentita. Rossana per noi è stata una persona di una generosità incredibile. Anche se, a un certo punto, si è fermata anche lei: non riusciva a imputare al Pci quello che il Pci era diventato.

      Che cosa era diventato?

      Un oppressore. Ha massacrato quelli che denunciavano il pasticcio in cui si era andato a ficcare. In quegli anni siamo stati in molti a dirglielo. Esisteva un’altra strada, che passava dall’ascolto della classe operaia, del movimento studentesco, delle donne, di tutte le nuove forme nelle quali le passioni sociali, politiche e democratiche si stavano organizzando. Noi abbiamo proposto un’alternativa in maniera onesta, pulita e di massa. Facevamo parte di un enorme movimento che investiva le grandi fabbriche, le scuole, le generazioni. La chiusura da parte del Pci ha determinato la nascita di estremizzazioni terroristiche: questo è fuori dubbio. Noi abbiamo pagato tutto e pesantemente. Solo io ho fatto complessivamente quattordici anni di esilio e undici e mezzo di prigione. Il Manifesto ha sempre difeso la nostra innocenza. Era completamente idiota che io o altri dell’Autonomia fossimo considerati i rapitori di Aldo Moro o gli uccisori di compagni. Tuttavia, nella campagna innocentista che è stata coraggiosa e importante è stato però lasciato sul fondo un aspetto sostanziale.

      Quale?
      Eravamo politicamente responsabili di un movimento molto più ampio contro il compromesso storico tra il Pci e la Dc. Contro di noi c’è stata una risposta poliziesca della destra, e questo si capisce. Quello che non si vuol capire è stata invece la copertura che il Pci ha dato a questa risposta. In fondo, avevano paura che cambiasse l’orizzonte politico di classe. Se non si comprende questo nodo storico, come ci si può lamentare dell’inesistenza di una sinistra oggi in Italia?

      Il sette aprile, e il cosiddetto «teorema Calogero», sono stati considerati un passo verso la conversione di una parte non piccola della sinistra al giustizialismo e alla delega politica alla magistratura. Come è stato possibile lasciarsi incastrare in una simile trappola?

      Quando il Pci sostituì la centralità della lotta morale a quella economica e politica, e lo fece attraverso giudici che gravitavano attorno alla sua area, ha finito il suo percorso. Questi davvero credevano di usare il giustizialismo per costruire il socialismo? Il giustizialismo è una delle cose più care alla borghesia. È un’illusione devastante e tragica che impedisce di vedere l’uso di classe del diritto, del carcere o della polizia contro i subalterni. In quegli anni cambiarono anche i giovani magistrati. Prima erano molto diversi. Li chiamavano «pretori di assalto». Ricordo i primi numeri della rivista Democrazia e Diritto ai quali ho lavorato anch’io. Mi riempivano di gioia perché parlavamo di giustizia di massa. Poi l’idea di giustizia è stata declinata molto diversamente, riportata ai concetti di legalità e di legittimità. E nella magistratura non c’è più stata una presa di parola politica, ma solo schieramenti tra correnti. Oggi, poi abbiamo una Costituzione ridotta a un pacchetto di norme che non corrispondono neanche più alla realtà del paese.

      In carcere avete continuato la battaglia politica. Nel 1983 scriveste un documento in carcere, pubblicato da Il Manifesto, intitolato «Do You remember revolution». Si parlava dell’originalità del 68 italiano, dei movimenti degli anni Settanta non riducibili agli «anni di piombo». Come hai vissuto quegli anni?

      Quel documento diceva cose importanti con qualche timidezza. Credo dica più o meno le cose che ho appena ricordato. Era un periodo duro. Noi eravamo dentro, dovevamo uscire in qualche maniera. Ti confesso che in quell’immane sofferenza per me era meglio studiare Spinoza che pensare all’assurda cupezza in cui eravamo stati rinchiusi. Ho scritto su Spinoza un grosso libro ed è stato una specie di atto eroico. Non potevo avere più di cinque libri in cella. E cambiavo carcere speciale in continuazione: Rebibbia, Palmi, Trani, Fossombrone, Rovigo. Ogni volta in una cella nuova con gente nuova. Aspettare giorni e ricominciare. L’unico libro che portavo con me era l’Etica di Spinoza. La fortuna è stata finire il mio testo prima della rivolta a Trani nel 1981 quando i corpi speciali hanno distrutto tutto. Sono felice che abbia prodotto uno scossone nella storia della filosofia.

      Nel 1983 sei stato eletto in parlamento e uscisti per qualche mese dal carcere. Cosa pensi del momento in cui votarono per farti tornare in carcere e tu decidesti di andare in esilio in Francia?

      Ne soffro ancora molto. Se devo dare un giudizio storico e distaccato penso di avere fatto bene ad andarmene. In Francia sono stato utile per stabilire rapporti tra generazioni e ho studiato. Ho avuto la possibilità di lavorare con Félix Guattari e sono riuscito a inserirmi nel dibattito del tempo. Mi ha aiutato moltissimo a comprendere la vita dei Sans Papiers. Lo sono stato anch’io, ho insegnato pur non avendo una carta di identità. Mi hanno aiutato i compagni dell’università di Parigi 8. Ma per altri versi mi dico che ho sbagliato. Mi scuote profondamente il fatto di avere lasciato i compagni in carcere, quelli con cui ho vissuto i migliori anni della mia vita e le rivolte in quattro anni di carcerazione preventiva. Averli lasciati mi fa ancora male. Quella galera ha devastato la vita di compagni carissimi, e spesso delle loro famiglie. Ho novant’anni e mi sono salvato. Non mi rende più sereno di fronte a quel dramma.

      Anche Rossanda ti criticò…

      Sì, mi ha chiesto di comportarmi come Socrate. Io le risposi che rischiavo proprio di finire come il filosofo. Per i rapporti che c’erano in galera avrei potuto morire. Pannella mi ha materialmente portato fuori dalla galera e poi mi ha rovesciato tutte le colpe del mondo perché non volevo tornarci. Sono stati in molti a imbrogliarmi. Rossana mi aveva messo in guardia già allora, e forse aveva ragione.

      C’è stata un’altra volta che lo ha fatto?

      Sì, quando mi disse di non rientrare da Parigi in Italia nel 1997 dopo 14 anni di esilio. La vidi l’ultima volta prima di partire in un café dalle parti del Museo di Cluny, il museo nazionale del Medioevo. Mi disse che avrebbe voluto legami con una catena per impedirmi di prendere quell’aereo.

      Perché allora hai deciso di tornare in Italia?

      Ero convinto di fare una battaglia sull’amnistia per tutti i compagni degli anni Settanta. Allora c’era la Bicamerale, sembrava possibile. Mi sono fatto sei anni di galera fino al 2003. Forse Rossana aveva ragione.

      Che ricordo oggi hai di lei?

      Ricordo l’ultima volta che l’ho vista a Parigi. Una dolcissima amica, che si preoccupava dei miei viaggi in Cina, temeva che mi facessi male. È stata una persona meravigliosa, allora e sempre.

      Anna Negri, tua figlia, ha scritto «Con un piede impigliato nella storia» (DeriveApprodi) che racconta questa storia dal punto di vista dei vostri affetti, e di un’altra generazione.

      Ho tre figli splendidi Anna, Francesco e Nina che hanno sofferto in maniera indicibile quello che è successo. Ho guardato la serie di Bellocchio su Moro e continuo ad essere stupefatto di essere stato accusato di quella incredibile tragedia. Penso ai miei due primi figli, che andavano a scuola. Qualcuno li vedeva come i figli di un mostro. Questi ragazzi, in una maniera o nell’altra, hanno sopportato eventi enormi. Sono andati via dall’Italia e ci sono tornati, hanno attraversato quel lungo inverno in primissima persona. Il minimo che possono avere è una certa collera nei confronti dei genitori che li hanno messi in questa situazione. E io ho una certa responsabilità in questa storia. Siamo tornati ad essere amici. Questo per me è un regalo di una immensa bellezza.

      Alla fine degli anni Novanta, in coincidenza con i nuovi movimenti globali, e poi contro la guerra, hai acquisito una forte posizione di riconoscibilità insieme a Michael Hardt a cominciare da «Impero». Come definiresti oggi, in un momento di ritorno allo specialismo e di idee reazionarie e elitarie, il rapporto tra filosofia e militanza?

      È difficile per me rispondere a questa domanda. Quando mi dicono che ho fatto un’opera, io rispondo: Lirica? Ma ti rendi conto? Mi scappa da ridere. Perché sono più un militante che un filosofo. Farà ridere qualcuno, ma io mi ci vedo, come Papageno…

      Non c’è dubbio però che tu abbia scritto molti libri…

      Ho avuto la fortuna di trovarmi a metà strada tra la filosofia e la militanza. Nei migliori periodi della mia vita sono passato in permanenza dall’una all’altra. Ciò mi ha permesso di coltivare un rapporto critico con la teoria capitalista del potere. Facendo perno su Marx, sono andato da Hobbes a Habermas, passando da Kant, Rousseau e Hegel. Gente abbastanza seria da dovere essere combattuta. Di contro la linea Machiavelli-Spinoza-Marx è stata un’alternativa vera. Ribadisco: la storia della filosofia per me non è una specie di testo sacro che ha impastato tutto il sapere occidentale, da Platone ad Heidegger, con la civiltà borghese e ha tramandato con ciò concetti funzionali al potere. La filosofia fa parte della nostra cultura, ma va usata per quello che serve, cioè a trasformare il mondo e farlo diventare più giusto. Deleuze parlava di Spinoza e riprendeva l’iconografia che lo rappresentava nei panni di Masaniello. Vorrei che fosse vero per me. Anche adesso che ho novant’anni continuo ad avere questo rapporto con la filosofia. Vivere la militanza è meno facile, eppure riesco a scrivere e ad ascoltare, in una situazione di esule.

      Esule, ancora, oggi?

      Un po’, sì. È un esilio diverso però. Dipende dal fatto che i due mondi in cui vivo, l’Italia e la Francia, hanno dinamiche di movimento molto diverse. In Francia, l’operaismo non ha avuto un seguito largo, anche se oggi viene riscoperto. La sinistra di movimento in Francia è sempre stata guidata dal trotzkismo o dall’anarchismo. Negli anni Novanta, con la rivista Futur antérieur, con l’amico e compagno Jean-Marie Vincent, avevamo trovato una mediazione tra gauchisme e operaismo: ha funzionato per una decina d’anni. Ma lo abbiamo fatto con molta prudenza. il giudizio sulla politica francese lo lasciavamo ai compagni francesi. L’unico editoriale importante scritto dagli italiani sulla rivista è stato quello sul grande sciopero dei ferrovieri del ’95, che assomigliava tanto alle lotte italiane.

      Perché l’operaismo conosce oggi una risonanza a livello globale?

      Perché risponde all’esigenza di una resistenza e di una ripresa delle lotte, come in altre culture critiche con le quali dialoga: il femminismo, l’ecologia politica, la critica postcoloniale ad esempio. E poi perché non è la costola di niente e di nessuno. Non lo è stato mai, e neanche è stato un capitolo della storia del Pci, come qualcuno s’illude. È invece un’idea precisa della lotta di classe e una critica della sovranità che coagula il potere attorno al polo padronale, proprietario e capitalista. Ma il potere è sempre scisso, ed è sempre aperto, anche quando non sembra esserci alternativa. Tutta la teoria del potere come estensione del dominio e dell’autorità fatta dalla Scuola di Francoforte e dalle sue recenti evoluzioni è falsa, anche se purtroppo rimane egemone. L’operaismo fa saltare questa lettura brutale. È uno stile di lavoro e di pensiero. Riprende la storia dal basso fatta da grandi masse che si muovono, cerca la singolarità in una dialettica aperta e produttiva.

      I tuoi costanti riferimenti a Francesco d’Assisi mi hanno sempre colpito. Da dove nasce questo interesse per il santo e perché lo hai preso ad esempio della tua gioia di essere comunista?

      Da quando ero giovane mi hanno deriso perché usavo la parola amore. Mi prendevano per un poeta o per un illuso. Di contro, ho sempre pensato che l’amore era una passione fondamentale che tiene in piedi il genere umano. Può diventare un’arma per vivere. Vengo da una famiglia che è stata miserabile durante la guerra e mi ha insegnato un affetto che mi fa vivere ancora oggi. Francesco è in fondo un borghese che vive in un periodo in cui coglie la possibilità di trasformare la borghesia stessa, e di fare un mondo in cui la gente si ama e ama il vivente. Il richiamo a lui, per me, è come il richiamo ai Ciompi di Machiavelli. Francesco è l’amore contro la proprietà: esattamente quello che avremmo potuto fare negli anni Settanta, rovesciando quello sviluppo e creando un nuovo modo di produrre. Non è mai stato ripreso a sufficienza Francesco, né è stato presa in debito conto l’importanza che ha avuto il francescanesimo nella storia italiana. Lo cito perché voglio che parole come amore e gioia entrino nel linguaggio politico.

      *

      Dall’infanzia negli anni della guerra all’apprendistato filosofico alla militanza comunista, dal ’68 alla strage di piazza Fontana, da Potere Operaio all’autonomia e al ’77, l’arresto, l’esilio. E di nuovo la galera per tornare libero. Toni Negri lo ha raccontato con Girolamo De Michele in tre volumi autobiografici Storia di un comunista, Galera e esilio, Da Genova a Domani (Ponte alle Grazie). Con Mi chael Hardt, professore di letteratura alla Duke University negli Stati Uniti, ha scritto, tra l’altro, opere discusse e di larga diffusione: Impero, Moltitudine, Comune (Rizzoli) e Assemblea (Ponte alle Grazie). Per l’editore anglo-americano Polity Books ha pubblicato, tra l’altro, sei volumi di scritti tra i quali The Common, Marx in Movement, Marx and Foucault.

      In Italia DeriveApprodi ha ripubblicato il classico «Spinoza». Per la stessa casa editrice: I libri del rogo, Pipe Line, Arte e multitudo (a cura di N. Martino), Settanta (con Raffaella Battaglini). Con Mimesis la nuova edizione di Lenta ginestra. Saggio sull’ontologia di Giacomo Leopardi. Con Ombre Corte, tra l’altro, Dall’operaio massa all’operaio sociale (a cura di P. Pozzi-R. Tomassini), Dentro/contro il diritto sovrano (con G. Allegri), Il lavoro nella costituzione (con A. Zanini).

      A partire dal prossimo ottobre Manifestolibri ripubblicherà i titoli in catalogo con una nuova prefazione: L’inchiesta metropolitana e altri scritti sociologici, a cura di Alberto De Nicola e Paolo Do; Marx oltre Marx (prefazione di Sandro Mezzadra); Trentatré Lezioni su Lenin (Giso Amendola); Potere Costituente (Tania Rispoli); Descartes politico (Marco Assennato); Kairos, Alma Venus, moltitudo (Judith Revel); Il lavoro di Dioniso, con Michael Hardt (Francesco Raparelli)

      #autonomie #prison #exil

    • Le philosophe italien Toni Negri est mort

      Inspirant les luttes politiques en Italie dans les années 1960 et 1970, son travail a également influencé le mouvement altermondialiste du début du XXIe siècle.


      Toni Negri, à Rome (Italie), en septembre 2010. STEFANO MONTESI - CORBIS / VIA GETTY IMAGES

      Il était né dans l’Italie fasciste. Il disparaît alors que l’extrême droite gouverne à nouveau son pays. Le philosophe Toni Negri, acteur et penseur majeur de plus d’un demi-siècle de luttes d’extrême gauche, est mort dans la nuit du 15 au 16 décembre à Paris, à l’âge de 90 ans, a annoncé son épouse, la philosophe française Judith Revel.

      « C’était un mauvais maître », a tout de suite réagi, selon le quotidien La Repubblica, le ministre de la culture italien, Gennaro Sangiuliano. « Tu resteras à jamais dans mon cœur et dans mon esprit, cher Maître, Père, Prophète », a écrit quant à lui, sur Facebook, l’activiste Luca Casarini, l’un des leaders du mouvement altermondialiste italien. Peut-être aurait-il vu dans la violence de ce contraste un hommage à la puissance de ses engagements, dont la radicalité ne s’est jamais affadie.

      Né le 1er août 1933 à Padoue, Antonio Negri, que tout le monde appelle Toni, et qui signera ainsi ses livres, commence très tôt une brillante carrière universitaire – il enseigne à l’université de Padoue dès ses 25 ans –, tout en voyageant, en particulier au Maghreb et au Moyen-Orient. C’est en partageant la vie d’un kibboutz israélien que le jeune homme, d’abord engagé au parti socialiste, dira être devenu communiste. Encore fallait-il savoir ce que ce mot pouvait recouvrir.

      Cette recherche d’une nouvelle formulation d’un idéal ancien, qu’il s’agissait de replacer au centre des mutations du monde, parcourt son œuvre philosophique, de Marx au-delà de Marx (Bourgois, 1979) à l’un de ses derniers livres, Inventer le commun des hommes (Bayard, 2010). Elle devient aussi l’axe de son engagement militant, qui va bientôt se confondre avec sa vie.

      Marxismes hétérodoxes

      L’Italie est alors, justement, le laboratoire des marxismes dits hétérodoxes, en rupture de ban avec le parti communiste, en particulier l’« opéraïsme » (de l’italien « operaio », « ouvrier »). Toni Negri le rejoint à la fin des années 1960, et s’en fait l’un des penseurs et activistes les plus emblématiques, toujours présent sur le terrain, dans les manifestations et surtout dans les usines, auprès des ouvriers. « Il s’agissait d’impliquer les ouvriers dans la construction du discours théorique sur l’exploitation », expliquera-t-il dans un entretien, en 2018, résumant la doctrine opéraïste, particulièrement celle des mouvements auxquels il appartient, Potere Operaio, puis Autonomia Operaia.

      Des armes circulent. Le terrorisme d’extrême droite et d’extrême gauche ravage le pays. Bien qu’il s’oppose à la violence contre les personnes, le philosophe est arrêté en 1979, soupçonné d’avoir participé à l’assassinat de l’homme politique Aldo Moro, accusation dont il est rapidement blanchi. Mais d’autres pèsent sur lui – « association subversive », et complicité « morale » dans un cambriolage – et il est condamné à douze ans de prison.
      Elu député du Parti radical en 1983, alors qu’il est encore prisonnier, il est libéré au titre de son immunité parlementaire. Quand celle-ci est levée [par un vote que le parti Radical a permis de rendre majoritaire, ndc], il s’exile en France. Rentré en Italie en 1997, il est incarcéré pendant deux ans, avant de bénéficier d’une mesure de semi-liberté. Il est définitivement libéré en 2003.

      Occupy Wall Street et les Indignés

      Il enseigne, durant son exil français, à l’Ecole normale supérieure, à l’université Paris-VIII ou encore au Collège international de philosophie. Ce sont aussi des années d’intense production intellectuelle, et, s’il porte témoignage en publiant son journal de l’année 1983 (Italie rouge et noire, Hachette, 1985), il développe surtout une pensée philosophique exigeante, novatrice, au croisement de l’ontologie et de la pensée politique. On peut citer, entre beaucoup d’autres, Les Nouveaux Espaces de liberté, écrit avec Félix Guattari (Dominique Bedou, 1985), Spinoza subversif. Variations (in)actuelles (Kimé, 1994), Le Pouvoir constituant. Essai sur les alternatives de la modernité (PUF, 1997) ou Kairos, Alma Venus, multitude. Neuf leçons en forme d’exercices (Calmann-Lévy, 2000).
      Ce sont cependant les livres qu’il coécrit avec l’Américain Michael Hardt qui le font connaître dans le monde entier, et d’abord Empire (Exils, 2000), où les deux philosophes s’efforcent de poser les fondements d’une nouvelle pensée de l’émancipation dans le contexte créé par la mondialisation. Celle-ci, « transition capitale dans l’histoire contemporaine », fait émerger selon les auteurs un capitalisme « supranational, mondial, total », sans autres appartenances que celles issues des rapports de domination économique. Cette somme, comme la suivante, Multitude. Guerre et démocratie à l’époque de l’Empire (La Découverte, 2004), sera une des principales sources d’inspiration du mouvement altermondialiste, d’Occupy Wall Street au mouvement des Indignés, en Espagne.

      C’est ainsi que Toni Negri, de l’ébullition italienne qui a marqué sa jeunesse et décidé de sa vie aux embrasements et aux espoirs du début du XXIe siècle, a traversé son temps : en ne lâchant jamais le fil d’une action qui était, pour lui, une forme de pensée, et d’une pensée qui tentait d’agir au cœur même du monde.
      Florent Georgesco
      https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2023/12/16/le-philosophe-italien-toni-negri-est-mort_6206182_3382.html

      (article corrigé trois fois en 9 heures, un bel effort ! il faut continuer !)

    • Pouvoir ouvrier, l’équivalent italien de la Gauche prolétarienne

      Chapeau le Diplo, voilà qui est informé !
      En 1998, le journal avait titré sur un mode médiatico-policier (« Ce que furent les “années de plomb” en Italie »). La réédition dans un Manière de voir de 2021 (long purgatoire) permis un choix plus digne qui annonçait correctement cet article fort utile : Entre « compromis historique » et terrorisme. Retour sur l’Italie des années 1970.
      Diplo encore, l’iconographie choisit d’ouvrir l’oeil... sur le rétroviseur. J’identifie pas le leader PCI (ou CGIL) qui est à la tribune mais c’est évidement le Mouvement ouvrier institué et son rôle (historiquement compromis) d’encadrement de la classe ouvrière qui est mis en avant.

      #média #gauche #Italie #Histoire #Potere_operaio #PCI #lutte_armée #compromis_historique #terrorisme

      edit

      [Rome] Luciano Lama, gli scontri alla Sapienza e il movimento del ’77
      https://www.corriere.it/foto-gallery/cultura/17_febbraio_16/scontri-sapienza-lama-foto-6ad864d0-f428-11e6-a5e5-e33402030d6b.shtml

      «Il segretario della Cgil Luciano Lama si è salvato a stento dall’assalto degli autonomi, mentre tentava di parlare agli studenti che da parecchi giorni occupano la città universitaria. Il camion, trasformato in palco, dal quale il sindacalista ha preso la parola, è stato letteralmente sfasciato e l’autista è uscito dagli incidenti con la testa spaccata e varie ferite». E’ la cronaca degli scontri alla Sapienza riportata da Corriere il 18 febbraio del 1977, un giorno dopo la “cacciata” del leader della CGIL Luciano Lama dall’ateneo dove stava tenendo un comizio. Una giornata di violenza che diventerà il simbolo della rottura tra la sinistra istituzionale, rappresentata dal Pci e dal sindacato, e la sinistra dei movimenti studenteschi. Nella foto il camion utilizzato come palco da Luciano Lama preso d’assalto dai contestatori alla Sapienza (Ansa)

    • ENTRE ENGAGEMENT RÉVOLUTIONNAIRE ET PHILOSOPHIE
      Toni Negri (1933-2023), histoire d’un communiste
      https://www.revolutionpermanente.fr/Toni-Negri-1933-2023-histoire-d-un-communiste

      Sans doute est-il compliqué de s’imaginer, pour les plus jeunes, ce qu’a pu représenter Toni Negri pour différentes générations de militant.es. Ce qu’il a pu symboliser, des deux côtés des Alpes et au-delà, à différents moments de l’histoire turbulente du dernier tiers du XXème siècle, marqué par la dernière poussée révolutionnaire contemporaine – ce « long mois de mai » qui aura duré plus de dix ans, en Italie – suivie d’un reflux face auquel, loin de déposer les armes, Negri a choisi de résister en tentant de penser un arsenal conceptuel correspondant aux défis posés par le capitalisme contemporain. Tout en restant, jusqu’au bout, communiste. C’est ainsi qu’il se définissait.

    • À Toni Negri, camarade et militant infatigable
      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/181223/toni-negri-camarade-et-militant-infatigable

      Toni Negri nous a quittés. Pour certains d’entre nous, c’était un ami cher mais pour nous tous, il était le camarade qui s’était engagé dans le grand cycle des luttes politiques des années soixante et dans les mouvements révolutionnaires des années soixante-dix en Italie. Il fut l’un des fondateurs de l’opéraïsme et le penseur qui a donné une cohérence théorique aux luttes ouvrières et prolétariennes dans l’Occident capitaliste et aux transformations du Capital qui en ont résulté. C’est Toni qui a décrit la multitude comme une forme de subjectivité politique qui reflète la complexité et la diversité des nouvelles formes de travail et de résistance apparues dans la société post-industrielle. Sans la contribution théorique de Toni et de quelques autres théoriciens marxistes, aucune pratique n’aurait été adéquate pour le conflit de classes.
      Un Maître, ni bon ni mauvais : c’était notre tâche et notre privilège d’interpréter ou de réfuter ses analyses. C’était avant tout notre tâche, et nous l’avons assumée, de mettre en pratique la lutte dans notre sphère sociale, notre action dans le contexte politique de ces années-là. Nous n’étions ni ses disciples ni ses partisans et Toni n’aurait jamais voulu que nous le soyons. Nous étions des sujets politiques libres, qui décidaient de leur engagement politique, qui choisissaient leur voie militante et qui utilisaient également les outils critiques et théoriques fournis par Toni dans leur parcours.

    • Toni Negri, l’au-delà de Marx à l’épreuve de la politique, Yann Moulier Boutang
      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/toni-negri-lau-dela-de-marx-a-lepreuve-de-la-politique-20231217_Z5QALRLO7

      Il n’est guère de concepts hérités du marxisme qu’il n’ait renouvelés de fond en comble. Contentons-nous ici de quelques notions clés. La clé de l’évolution du capitalisme, ne se lit correctement que dans celle de la composition du travail productif structuré dans la classe ouvrière et son mouvement, puis dans les diverses formes de salariat. Le Marx le plus intéressant pour nous est celui des Grundrisse (cette esquisse du Capital). C’est le refus du travail dans les usines, qui pousse sans cesse le capitalisme, par l’introduction du progrès technique, puis par la mondialisation, à contourner la « forteresse ouvrière ». Composition de classe, décomposition, recomposition permettent de déterminer le sens des luttes sociales. Negri ajoute à ce fond commun à tous les operaïstes deux innovations : la méthode de la réalisation de la tendance, qui suppose que l’évolution à peine perceptible est déjà pleinement déployée, pour mieux saisir à l’avance les moments et les points où la faire bifurquer. Deuxième innovation : après l’ouvrier qualifié communiste, et l’ouvrier-masse (l’OS du taylorisme), le capitalisme des années 1975-1990 (celui de la délocalisation à l’échelle mondiale de la chaîne de la valeur) produit et affronte l’ouvrier-social.

      C’est sur ce passage obligé que l’idée révolutionnaire se renouvelle. L’enquête ouvrière doit se déplacer sur ce terrain de la production sociale. La question de l’organisation, de la dispersion et de l’éclatement remplace la figure de la classe ouvrière et de ses allié.e.s. L’ouvrier social des années 1975 devient la multitude. Cela paraît un diagramme abstrait. Pourtant les formes de lutte comme les objectifs retenus, les collectifs des travailleuses du soin, de chômeurs ou d’intérimaires, les grèves des Ubereat témoignent de l’actualité de cette perspective. Mais aussi de ses limites, rencontrées au moment de s’incarner politiquement. (1)

      https://justpaste.it/3t9h9

      edit « optimisme de la raison, pessimisme de la volonté », T.N.
      Ration indique des notes qui ne sont pas publiées...

      Balibar offre une toute autre lecture des apports de T.N. que celle du très recentré YMB
      https://seenthis.net/messages/1032920

      #marxisme #mouvements_sociaux #théorie #compostion_de_classe #refus_du_travail #luttes_sociales #analyse_de_la tendance #ouvrier_masse #ouvrier_social #enquête_ouvrière #production_sociale #multitude #puissance #pouvoir

    • Décider en Essaim, Toni Negri , 2004
      https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=pqBZJD5oFJY

      Toni Negri : pour la multitude, Michael Löwy
      https://www.en-attendant-nadeau.fr/2023/12/18/toni-negri

      Avec la disparition d’Antonio Negri – Toni pour les amis – la cause communiste perd un grand penseur et un combattant infatigable. Persécuté pour ses idées révolutionnaires, incarcéré en Italie pendant de longues années, Toni est devenu célèbre grâce à ses ouvrages qui se proposent, par une approche philosophique inspirée de #Spinoza et de #Marx, de contribuer à l’émancipation de la multitude

      .

    • Un congedo silenzioso, Paolo Virno
      https://ilmanifesto.it/un-congedo-silenzioso


      Toni Negri - Tano D’Amico /Archivio Manifesto

      Due anni fa, credo, telefona Toni. Sarebbe passato per Roma, mi chiede di vederci. Un’ora insieme, con Judith, in una casa vuota nei pressi di Campo de’ Fiori (un covo abbandonato, avrebbe pensato una canaglia dell’antico Pci). Non parliamo di niente o quasi, soltanto frasi che offrono un pretesto per tacere di nuovo, senza disagio.

      Ebbe luogo, in quella casa romana, un congedo puro e semplice, non dissimulato da nenie cerimoniose. Dopo anni di insulti pantagruelici e di fervorose congratulazioni per ogni tentativo di trovare la porta stretta attraverso cui potesse irrompere la lotta contro il lavoro salariato nell’epoca di un capitalismo finalmente maturo, un po’ di silenzio sbigottito non guastava. Anzi, affratellava.

      Ricordo Toni, ospite della cella 7 del reparto di massima sicurezza del carcere di Rebibbia, che piange senza ritegno perché le guardie stanno portando via in piena notte, con un «trasferimento a strappo», i suoi compagni di degnissima sventura. E lo ricordo ironico e spinoziano nel cortile del penitenziario di Palmi, durante la requisitoria cui lo sottopose un capo brigatista da operetta, che minacciava di farlo accoppare da futuri «collaboratori di giustizia» allora ancora bellicosi e intransigenti.

      Toni era un carcerato goffo, ingenuo, ignaro dei trucchi (e del cinismo) che il ruolo richiede. Fu calunniato e detestato come pochi altri nel Novecento italiano. Calunniato e detestato, in quanto marxista e comunista, dalla sinistra tutta, da riformatori e progressisti di ogni sottospecie.

      Eletto in parlamento nel 1983, chiese ai suoi colleghi deputati, in un discorso toccante, di autorizzare la prosecuzione del processo contro di lui: non voleva sottrarsi, ma confutare le accuse che gli erano state mosse dai giudici berlingueriani. Chiese anche, però, di continuare il processo a piede libero, giacché iniqua e scandalosa era diventata la carcerazione preventiva con le leggi speciali adottate negli anni precedenti.

      Inutile dire che il parlamento, aizzato dalla sinistra riformatrice, votò per il ritorno in carcere dell’imputato Negri. C’è ancora qualcuno che ha voglia di rifondare quella sinistra?

      Toni non ha mai avuto paura di strafare. Né quando intraprese un corpo a corpo con la filosofia materialista, includendo in essa più cose di quelle che sembrano stare tra cielo e terra, dal condizionale controfattuale («se tu volessi fare questo, allora le cose andrebbero altrimenti») alla segreta alleanza tra gioia e malinconia. Né quando (a metà degli anni Settanta) ritenne che l’area dell’autonomia dovesse sbrigarsi a organizzare il lavoro postfordista, imperniato sul sapere e il linguaggio, caparbiamente intermittente e flessibile.

      Il mio amico matto che voleva cambiare il mondo
      Toni non è mai stato oculato né morigerato. È stato spesso stonato, questo sì: come capita a chi accelera all’impazzata il ritmo della canzone che ha intonato, ibridandolo per giunta con il ritmo di molte altre canzoni appena orecchiate. Il suo luogo abituale sembrava a molti, anche ai più vicini, fuori luogo; per lui, il «momento giusto» (il kairòs degli antichi greci), se non aveva qualcosa di imprevedibile e di sorprendente, non era mai davvero giusto.

      Non si creda, però, che Negri fosse un bohèmien delle idee, un improvvisatore di azioni e pensieri. Rigore e metodo campeggiano nelle sue opere e nei suoi giorni. Ma in questione è il rigore con cui va soppesata l’eccezione; in questione è il metodo che si addice a tutto quel che è ma potrebbe non essere, e viceversa, a tutto quello che non è ma potrebbe essere.

      Insopportabile Toni, amico caro, non ho condiviso granché del tuo cammino. Ma non riesco a concepire l’epoca nostra, la sua ontologia o essenza direbbe Foucault, senza quel cammino, senza le deviazioni e le retromarce che l’hanno scandito. Ora un po’ di silenzio benefico, esente da qualsiasi imbarazzo, come in quella casa romana in cui andò in scena un sobrio congedo.

  • Éduquer, c’est apprendre à mourir
    https://laviedesidees.fr/Eduquer-c-est-apprendre-a-mourir.html

    À propos de : Pascal Sévérac, Renaître. #enfance et #éducation à partir de #Spinoza, Hermann. Méditant sur ce que pourrait être une éducation spinoziste, P. Sévérac envisage le passage de l’enfance à l’âge adulte comme celui d’une nature à une autre, et organise les règles d’une bonne éducation autour de la notion d’affectivité.

    #Philosophie

  • Pour le contre-populisme - Édouard Delruelle (UCL)

    Ces deux thèses dessinent en creux les tâches que devrait se donner selon moi, un « contre-populisme » : (1) non pas « construire un peuple » mais plutôt le déconstruire, le diviser d’avec lui-même ; (2) défendre et refonder une citoyenneté sociale devenue désormais la cible prioritaire du néolibéralisme – après avoir été affaiblie depuis plus de 25 ans par les partis « socialistes » eux-mêmes

    #balibar vs #mouffe
    #spinoza vs #freud
    #populisme #néolibéralisme

    http://blogs.ulg.ac.be/edouard-delruelle/populisme-de-gauche-contre-populisme

  • En mémoire de Simone Debout

    Laurence Bouchet, Simone Debout

    https://lavoiedujaguar.net/En-memoire-de-Simone-Debout

    En hommage à la résistante disparue le 10 décembre, qui a passé une partie de sa vie à révéler l’œuvre de Charles Fourier, nous republions ce dialogue avec Laurence Bouchet (entretien réalisé le 22 avril 2003, complété par Simone Debout en septembre de la même année et paru dans les Cahiers Charles Fourier).

    Laurence Bouchet : La philosophie de Fourier forme un ensemble où tout se tient, si bien qu’en tirant sur un fil on finit par dévider toute la bobine. J’aimerais aborder avec vous le thème de l’amour et entrer dans la pensée de cet utopiste par ce chemin. L’aspect passionnel a été longtemps oublié par les disciples successeurs de Fourier au profit des analyses économiques et sociales. C’est en 1967, lorsque vous avez découvert puis publié les manuscrits jusqu’alors inédits du Nouveau Monde amoureux, que cet aspect du fouriérisme a été mis au jour et a permis de relire avec un nouvel œil l’œuvre déjà connue.

    Simone Debout : Bien sûr, cet aspect est tout à fait central, tout est commandé par sa notion de l’amour très généreux en relation avec le sentiment de l’altérité. Cependant, il ne faut pas pour autant oublier le côté économique parce que finalement tout est lié et c’est ce que je voudrais tout de même souligner au début : son indignation face à la pauvreté et au malheur qui réduisent les gens en deçà de ce qu’ils peuvent être.

    Alors que Saint-Just écrivait « Le bonheur est une idée neuve en Europe », pour Fourier le bonheur doit être mondial, l’idée neuve est celle d’une interdépendance du bonheur : « L’humanité sera tout entière heureuse ou nul peuple ne jouira du bonheur » et sa notion de l’amour est liée à cette exigence du bonheur pour tous. (...)

    #Simone_Debout #Charles_Fourier #utopie #résistance #André_Breton #amour #Descartes #enfance #Spinoza #Jacob_Boehme #Marcuse #Hannah_Arendt #Rimbaud #folie

  • #Spinoza pour préparer au roman
    https://laviedesidees.fr/Spinoza-pour-preparer-au-roman.html

    À propos de : Clare Carlisle (ed.), Spinoza’s Ethics Translated by George Eliot, Princeton University Press. Le savait-on ? La première #traduction anglaise de l’Éthique est due à l’une des plus grandes romancières britanniques : George Eliot, qui avant de se lancer dans la fiction a traduit Feuerbach, David Strauss, mais aussi Spinoza. Une traduction demeurée inédite à ce jour, et qui n’a rien à envier à celles qui ont suivi.

    #Philosophie #éthique #histoire_de_la_philosophie #literature #philosophie_morale #Books_and_ideas_originals #histoire_des_idées
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/en_nadler_eliot_spinoza_29062020.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/en_nadler_eliot_spinoza_29062020.pdf

  • La faute à #Spinoza !
    https://laviedesidees.fr/Jonathan-Israel-Idees-revolutionnaires-Revolution-francaise.html

    À propos de : Jonathan Israël, Idées révolutionnaires. Une #Histoire intellectuelle de la #Révolution_française, Paris, Alma / Buchet-Chastel. Poursuivant son entreprise de réhabilitation des #Lumières radicales, Jonathan Israël prétend que la philosophie de Spinoza et de ses disciples serait la véritable source du républicanisme démocratique sous la Révolution. Une relecture biaisée qui peine à convaincre l’historienne Annie Jourdan.

    #généalogie
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20200902_jourdan.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20200902_jourdan.docx

  • La faute à #Spinoza !
    https://laviedesidees.fr/La-faute-a-Spinoza.html

    À propos de : Jonathan Israël, Idées révolutionnaires. Une #Histoire intellectuelle de la #Révolution_française, Paris, Alma / Buchet-Chastel. Poursuivant son entreprise de réhabilitation des #Lumières radicales, Jonathan Israël prétend que la philosophie de Spinoza et de ses disciples serait la véritable source du républicanisme démocratique sous la Révolution. Une relecture biaisée qui peine à convaincre l’historienne Annie Jourdan.

    #généalogie
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20200902_jourdan.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20200902_jourdan.docx

  • Rébellions urbaines et déviances policières, Approche configurationnelle des relations entre les “jeunes” des Minguettes et la police (1981-1983) par Abdellali Hajjat | https://journals.openedition.org/conflits/18839 | #Vénissieux #Lyon #Banlieues #ViolencesPolicières

    "L’indignation, c’est ici l’affect commun dissident par excellence, celui par lequel des citoyens, précisément parce qu’ils sont un « grand nombre », trouvent la force passionnelle de se soustraire à l’emprise d’un pouvoir abuseur. Et c’est là le point de départ de la sédition ou de l’insurrection." (#Lordon sur #Spinoza, TP, III, 9) | http://palimpsestes.fr/blocnotes/2017/juin/lordon-puissance-indignation.pdf.

  • Comment peut-on être certain ?
    http://www.laviedesidees.fr/A-propos-de-Marcos-Gleizer-Verite-et.html

    Peut-on interpréter les philosophes classiques à la lumière de la philosophie analytique contemporaine ? C’est le défi que relève avec brio M. Gleizer à propos de la conception spinoziste de la vérité et de la certitude, même si ce rapprochement peut laisser perplexe, sinon sceptique.

    Livres & études

    / vérité, #scepticisme, objectivité

    #Livres_&_études #vérité #objectivité

  • Avant les #Lumières : l’éthique contre la Morale avec #Spinoza

    Voici des idées qui paraîtront inhabituelles depuis que, dans ce journal, nous discutons des Lumières. La thèse selon laquelle la Raison serait impuissante devant une nature humaine intégralement déterminée va, a priori, à l’encontre de tout ce qui s’est écrit ici-même à propos des Lumières, et trouve difficilement sa place dans la pensée anarchiste. Ces idées, qui sont celles de Spinoza (1632-1677), ont pourtant largement contribué au développement des philosophies des Lumières, en reprenant les thèses de Thomas Hobbes (1588-1679), à l’origine des théories du Contrat avant Rousseau, et en faisant la critique de la religion, de la superstition et du caractère coercitif de la morale classique, au motif qu’elle empêche les individus de s’exprimer. Comment dire ce qu’il faut être et ce qu’il faut faire, sans hiérarchie de valeurs a priori ? Puisque la Morale implique en effet une hiérarchie des valeurs : il n’y a pas de morale si tout se vaut ou si tout est égal. Admettre une hiérarchie des valeurs implique, à son tour, un principe supérieur qui impose des devoirs. Son esprit est le principe d’obéissance. Avec Spinoza, c’est au contraire un peu de l’esprit libertaire que l’on voit souffler dans l’histoire de la philosophie morale. Effectivement, il n’y a pas de morale si tout se vaut ou si tout est égal, pas de morale dans un monde qui refuse la hiérarchie, pas de morale dans un monde horizontal. En revanche, il y a une éthique.

    LE SYSTEME DE LA NATURE DES CHOSES

    L’Ethique de Spinoza est un livre-système. Il veut proposer une explication totale de l’ensemble du système du monde, en poursuivant ce qu’avait initié Descartes (1596-1650) juste avant lui, lui qui marque définitivement la fin du Moyen-Âge, en se débarrassant de la scolastique, c’est-à-dire du commentaire toujours recommencé d’Aristote qui faisait « école ». Descartes oublie toute la bibliothèque scolastique, et recommence tout à partir de lui-même, seul avec lui-même, méditant sur soi, doutant de tout, ne conservant comme valable que ce qui est absolument certain, en évacuant tout ce qui peut relever de la projection de l’imagination humaine sur les choses. Spinoza se situe dans la continuité de cet esprit cartésien.

    Son livre s’intitule l’ Ethique , c’est-à-dire qu’il est une réfexion sur la vie et l’action bonnes (en grec, ethos : le comportement), sur ce qu’il faut être et ce qu’il faut faire, sur la liberté et le bonheur des hommes. La première partie porte sur la nature des choses, partie qu’il appelle De Dieu (mais qui en redéfinit totalement le concept par rapport à l’esprit judéo-chrétien), et que Spinoza achève par un Appendice qui défait totalement le mécanisme de la croyance religieuse, en montrant qu’elle est une conscience inversée de l’homme, deux siècles avant Feuerbach et Marx, qui reprendront la même idée. C’est ensuite qu’on passe à la nature humaine , étant donnée cette nature des choses : la partie 2 porte sur l’esprit humain , la partie 3 porte sur les affects , elle est centrée sur la question du pouvoir propre du corps, l’inconnu du corps et l’inconscient de la pensée. Spinoza termine son livre-système en examinant quel est notre degré de puissance sur cet inconnu du corps et cet inconscient de la pensée : la partie 4 s’intitule De la servitude humaine , et la partie 5, De la liberté humaine .

    À l’intérieur de cette vision totale de la nature des choses et du monde, de l’Être en tant que tel, la question est : quelle place avons-nous ? Quel pouvoir avons-nous sur la nature des choses et sur notre propre nature ? Quelle liberté ?

    Au terme de la partie 1, les choses sont très claires, et la vision de Spinoza en définitive très simple. On peut l’énoncer comme ceci, sans réduire la complexité du détail du texte : Nous ne sommes que des parties insignifiantes de la Nature, et nous n’avons de pouvoir sur rien. La Nature n’est rien d’autre qu’un réseau de rapports de causes à effets, et l’homme n’est pas « comme un empire dans un empire » , c’est-à-dire qu’il est lui aussi le produit de rapports de causes à effets. C’est ce que ne voient pas les hommes de croyance et de superstition, qui pensent que les choses ont une raison d’être ou, comme dit la scolastique depuis Aristote, que « la nature ne fait rien en vain » , dieu ayant fait les créatures pour servir les hommes, et les hommes qui sont à son image, pour servir dieu. Cette croyance est toujours le fait de la projection des habitudes humaines sur la nature des choses, que nous interprétons à partir de notre propre nature, plus exactement à partir de ce dont nous avons conscience quant à notre nature, ce qui est peu de choses. Etant ignorants de la nature des choses, Spinoza explique que nous avons seulement conscience du fait que nous recherchons ce qui nous est utile, et que nous agissons en vue de finalités, raison pour laquelle nous voulons connaître la finalité de toutes choses, ce qui nous conduit à penser que les choses ont été disposées par dieu, recteur de la nature dôté de liberté humaine.

    Feuerbach et Marx, à sa suite, diront bien plus tard que la conscience religieuse est une conscience inversée. Les hommes, en imaginant dieu, ne font rien d’autre que transférer dans une figure imaginaire, étrangère et supérieure, leurs propres qualités essentielles. On comprend du coup que lorsque les hommes pensent dieu, ils ne font rien d’autre que se penser eux-mêmes, comme étrangers à eux-mêmes. En ce sens la conscience religieuse est une conscience aliénée (aliénation : devenir étranger à soi-même), et il s’agit pour Feuerbach de faire la critique de la religion pour que les hommes récupèrent, sur le sol terrestre, la conscience d’eux-mêmes. Marx ajoutera que s’il en est ainsi, c’est parce qu’il y a une situation sociale qui crée ce besoin de conscience inversée de soi, que la misère religieuse est l’expression d’une misère réelle :

    _« exiger qu’il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c’est exiger qu’il soit renoncé à une situation qui a besoin d’illusions »_ .

    Spinoza est peut-être le premier à faire de cette manière l’analyse des causes de la croyance religieuse.

    Sa réponse, c’est que le système de la Nature n’étant rien d’autre qu’un réseau de rapports de causes à effets, il faut par conséquent que la réalité humaine soit traitée de la même façon, comme étant causée.

    LES JUGEMENTS MORAUX SONT FONDES SUR DES PREJUGES

    Conséquence directe de cette pensée de la nature des choses comme n’étant faite de rien d’autre que de rapports de causes à effets : il n’y a ni Bien ni Mal dans la Nature . Et les comportements des hommes étant causés, comme n’importe quelle autre partie de la Nature, il n’y a donc pas plus de bien ou de mal dans nos comportements que dans le mouvement d’une feuille qui se trouve déterminée à tomber à l’automne. Les mêmes lois valent pour toutes les parties de la Nature, et la vision que Spinoza se fait du monde est une vision radicalement anti-hiérarchique, elle est horizontale . Nous ne valons pas davantage qu’une feuille dont la nature la détermine à être affectée de telle sorte qu’elle tombe à l’automne. C’est ainsi que le mécanisme de projection qui fait la conscience religieuse est lui-même l’expression d’une illusion sur notre propre nature. Nous imaginons un dieu dôté de liberté humaine, et nous projetons nos propres schémas d’action, mais en amont de tout cela, nous sommes dans l’illusion qui consiste, dit Spinoza, à croire que nous sommes libres parce que nous sommes ignorants des causes qui nous déterminent , comme si la feuille qui tombe de l’arbre pouvait se mettre à croire qu’elle est l’auteur de son mouvement et qu’elle est libre, parce qu’elle aurait seulement conscience de ce mouvement, oubliant qu’elle n’est qu’une partie de la Nature (Spinoza, dans sa correspondance, prend l’exemple d’une pierre dévalant une pente).

    C’est à partir de ce fait, qu’il n’y a ni Bien ni Mal dans la nature, et pas davantage de Bien ou de Mal dans la façon dont cette nature s’exprime dans nos propres comportements, que l’on peut saisir la différence entre la Morale et l’Ethique.

    HOBBES : CRITIQUE DE LA MORALE ET REORIENTATION DANS LA THEORIE JURIDIQUE

    Sur cette question, c’est Hobbes qui est l’auteur décisif dans l’histoire de la philosophie morale et politique. Avant Hobbes, une certaine théorie juridique, que l’on appelle la théorie du Droit Naturel, correspondait à la morale classique. Dans cette conception, une chose se définit par son essence (par exemple, Aristote : l’homme est un animal rationnel), le droit naturel est ce qui correspond à l’essence. Conformément à cela, l’état de nature n’est pas un état pré-social, mais un état conforme à l’essence dans une bonne société, et la bonne société est celle dans laquelle l’homme réalise sa nature, qu’il ne possède d’abord qu’en puissance. Une bonne société, c’est donc quelque chose qui correspond à une essence que l’on a fixée à l’avance et à laquelle il est de notre devoir de correspondre, le problème étant évidemment que cela vient figer le modèle auquel il faut correspondre. Ce cadre ainsi posé, on comprend que c’est le devoir qui est premier, qui prescrit à chacun de réaliser sa nature. Il y a une définition a priori, l’essence, notre nature, vers laquelle chacun doit tendre. Celui qui a le savoir de l’essence dispose de la compétence de déterminer quels sont nos devoirs. C’est la compétence du sage, d’où découlent des prétentions politiques. C’est ce qui se passe dans toute l’histoire de la philosophie morale et politique jusqu’à Hobbes.

    Dans la Morale il y a donc compétence de quelque chose de supérieur. Toute Morale présuppose cette idée qu’il y a un Bien et un Mal a priori, le Bien correspondant à une essence fixée de toute éternité. Ce que fait la Morale, c’est prescrire des devoirs, et son principe, c’est le principe d’obéissance envers la compétence de quelque chose de supérieur.

    Avec Hobbes, la théorie du droit naturel est bouleversée, et une nouvelle théorie juridique voit le jour, qui est à l’origine de toutes les théories du Contrat. A la base du droit naturel, il n’y a plus l’essence, mais la puissance , idée centrale chez Spinoza. Juridiquement, cela veut dire : il est dans le droit naturel du gros poisson de manger le petit. C’est une provocation contre les anciennes théories du droit naturel et contre la morale classique, puisque cela semble dire : est permis ce qu’on peut. Cela se comprend bien, si l’on voit que l’état de nature désormais se distingue de l’état social, et le précède : effectivement, dans un état pré-social, est permis ce qu’on peut. Peu importe que l’on croie à l’existence historique de cet état pré-social : si la définition du naturel, c’est la puissance, alors il s’agit nécessairement de quelque chose qui ne concerne pas encore le social. L’état social, ce sont les défenses, les interdits, qui s’appliquent à ce que je peux. Donc : être social et raisonnable, c’est un devenir. Le problème de la politique est : comment faire pour que les hommes deviennent sociaux (et non comment faire pour qu’ils réalisent une nature a priori) . Ce qui est premier dans cette conception, c’est le droit. Les devoirs sont seconds, puisqu’ils ne sont que des obligations venant limiter le droit, pour que l’homme devienne social. L’important c’est qu’en matière de morale, pour autant qu’il est question du droit naturel, le principe de la compétence supérieure disparaît.

    Par conséquent : personne n’est compétent pour moi ; et si la société civilisée se forme, cela ne peut être, d’une manière ou d’une autre, que par le consentement de ceux qui y participent. Le principe d’obéissance devient quelque chose de second.

    CE QUE VEUT L’ETHIQUE DE SPINOZA CONTRE LA MORALE

    Spinoza, lorsqu’il construit son Ethique, est dans la continuité de cette révolution de la théorie du droit naturel, initiée par Hobbes. Il le dit clairement : l’essence de l’homme, c’est sa puissance , il dit aussi « désir » , et « persévérance dans l’être » ou encore « dans son être » . Cela veut dire aussitôt qu’il n’y a plus d’essence de l’homme fixée à l’avance, qui prescrirait leurs devoirs aux individus, il n’y a plus d’idée générale là-dessus, il n’y a que des singularités . Il n’y a que des normes individuelles, simplement fixées par le fait que je suis dans des situations où je peux davantage, et des situations où je peux moins, des situations qui font que ma puissance est augmentée, et des situations qui font que ma puissance est diminuée. Joie ou Tristesse, qui sont les deux affects fondamentaux.

    Il en va de même pour l’arbre qui, au milieu des enchaînements de causes et d’effets, fait effort pour persévérer dans son être, se définissant par sa puissance, et se trouve affecté par des éléments extérieurs à lui (soleil, pluie, quantité de ce dont il a besoin dans le sol, variations de températures etc.). Parmi toutes ces choses qui l’affectent, il y en a qui augmentent sa puissance, et il y en a qui diminuent sa puissance, de sorte qu’on peut dire qu’il y a pour lui du bon et du mauvais , en fonction d’une norme qui lui est propre, et qui elle-même varie selon le sens et le degré de remplissement de sa puissance.

    Voilà ce qui intéresse Spinoza : explorer les façons d’être des existants, en faisant la description des directions et des degrés de remplissement de la puissance des existants. Qu’est-ce qui nous augmente et qu’est-ce qui nous diminue ? Voilà donc la différence entre la morale et l’éthique : il n’y a ni Bien ni Mal, cela veut dire qu’il n’y a que du bon et du mauvais . Et cela veut dire encore du point de vue social, puisqu’il y a aussi du bon et du mauvais dans la mesure où il y a coexistence et où les hommes se rencontrent : cherchons les meilleures conditions pour que les hommes effectuent leur puissance. Gilles Deleuze a cette formule, qui ressaisit la différence entre morale et éthique : la morale, c’est la discipline du bien et du mal, l’éthique, c’est l’art du bon et du mauvais.

    LA LIBERTE

    Maintenant : quelle liberté pour les hommes ? La liberté au sens du libre-arbitre a déjà été écartée par Spinoza et dénoncée comme illusion : le pouvoir de choisir qui ne subit aucune détermination extérieure, la volonté qui agit de sa propre initiative, cela n’existe pas. En toutes choses, et comme toutes choses, nous sommes causés. La philosophie de Spinoza n’est pas, de ce point de vue, une philosophie de la liberté, mais on peut dire, d’un autre point de vue, que c’est une philosophie de la libération , et c’est dans ce mouvement de libération que consiste l’ Ethique , lorsqu’on est capable de sortir des illusions de la morale.

    C’est que, dans le rapport qu’on a avec les causes qui nous déterminent, Spinoza dit qu’il peut y avoir plus ou moins de passivité, plus ou moins d’activité. Nous sommes déterminés, on ne peut rien y faire, mais alors, deux possibilités : soit on subit ces causes sans les comprendre, en étant dans l’illusion quant à notre condition, en étant dans le déni : dans ce cas Spinoza dit qu’on est passif, que l’on n’est pas cause de soi, que l’on n’est pas libre. Soit on est capable de transformer le rapport que l’on a avec ce qui nous détermine, pour entretenir un rapport de lucidité avec la nature et avec notre histoire, pour comprendre et intégrer en nous-mêmes les causes de nos actions et en faire peut-être de réels motifs, parce que nous savons désormais que cela nous constitue positivement : dans ce cas Spinoza dit qu’on est agissant, qu’on est cause de soi, qu’on est libre, toujours déterminé mais néanmoins aussi auteur de soi, dans une certaine mesure qui est fonction de notre degré de lucidité.

    Ce changement dans le rapport que l’on entretient avec ce qui nous détermine est donc aussi corrélatif d’un changement dans le remplissement de notre puissance d’agir. De ce point de vue, la morale se révèle tout simplement inefficace. Spinoza dénonce cette autre illusion de la morale classique, qui consiste à penser que la raison pourrait se rendre maîtresse de la partie affectée de notre être. Mais la raison est impuissante, les forces passionnelles seront toujours plus fortes que les intérêts rationnels. Il faut donc renoncer à dominer les affects au moyen de la raison. Le moyen d’atteindre la liberté, et une plus grande adéquation avec soi, consiste pour Spinoza à se détourner de nos rapports avec ce qui nous affecte dans le sens d’une diminution de notre puissance, nous dépossédant de nous-mêmes, pour leur opposer des rapports avec tout ce qui peut nous affecter dans le sens d’une augmentation de notre puissance, et qui nous rend agissants.

    C’est cela que cherche l’éthique, en conformité avec le principe de Spinoza selon lequel la raison bien comprise ne demande rien contre la nature, et contre notre propre nature : la raison au contraire ne commande rien d’autre que la recherche de ce qui nous est utile. Nous savons à quel point la morale a toujours été et continue d’être un intrument dont les pouvoirs politico-religieux ont besoin, pour que les individus renoncent à eux-mêmes et se mettent au service d’intérêts qui ne sont pas les leurs. Ce que dit Spinoza alimente cette critique, en montrant que la morale est contre-nature et que, pour cette raison, elle « attriste » les hommes, c’est-à-dire qu’elle les diminue, au lieu d’aller dans le sens de la joie, et qu’elle a besoin d’attrister les rapports entre les hommes pour se maintenir, comme tout pouvoir de type coercitif.

    Article d’@Anarchosyndicalisme ! n°152 déc 2016 - Janv 2017
    http://www.cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article844

  • Contre Frédéric Lordon. Analyse critique d’une position spinoziste, altercapitaliste keynésienne et nationale-étatiste [Emission « Sortir du capitalisme » du 12 sept. 2016]
    http://www.palim-psao.fr/2016/09/contre-frederic-lordon-analyse-critique-d-une-position-spinoziste-alterca

    Une émission d’analyse critique des théories de Frédéric Lordon, avec, après une courte présentation de l’émission, une première partie qui abordera l’altercapitalisme keynésien qu’incarne Lordon à côté d’autres économistes atterés - ou atterrants - et les analyses tronquées du capitalisme depuis 40 ans qui sont sous-jacentes à un tel point de vue (1ème partie – durée : 1h40). Dans une deuxième partie est abordé de manière critique le national-étatisme de Lordon au travers d’une critique rigoureuse de son ouvrage Imperium. Structures et affects des corps politiques en 2015 (durée : 50 minutes). Au travers enfin d’une troisième partie, on critiquera son ouvrage Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza paru en 2010 et tout particulièrement sa lecture de Spinoza (durée : 25 minutes) – avec Benoît Bohy-Bunel (théoricien critique, professeur de philosophie).

    PS : Il ne s’agit pas d’une critique ad hominem, mais plutôt des idées qu’entres autres Lordon véhicule.

    L’émission est divisée en trois axes :

    – Critique de l’altercapitalisme keynésien

    – Analyse critique du national-étatisme de Lordon

    – Critique du spinozisme de Lordon

    Émission complète
    http://sortirducapitalisme.fr/media/com_podcastmanager/lordoncomplete.mp3

    Première partie - Présentation de l’émission, analyse critique de l’altercapitalisme keynésien (1h40)
    http://sortirducapitalisme.fr/media/com_podcastmanager/lordon1.mp3

    Deuxième partie - Analyse critique du national-étatisme de Lordon (0h50)
    http://sortirducapitalisme.fr/media/com_podcastmanager/lordon2.mp3

    Troisième partie - Analyse critique du spinozisme de Lordon (0h20)
    http://sortirducapitalisme.fr/media/com_podcastmanager/lordon3.mp3

    #audio #radio #radio_libertaire #sortir_du_capitalisme #théorie_critique #Frédéric_Lordon #capitalisme #altercapitalisme #Marx #Spinoza #keynésianisme #wertkritik #critique_de_la_valeur #économie #philosophie

    cc @reka hihi :D

  • Commentaires sur le livre de #Frédéric_Lordon : Imperium, Structures et affects des corps politiques
    Suivi de commentaires de #René_Berthier aux objections parues sur Médiapart.

    Frédéric Lordon est une « icône intellectuelle du moment », le « prince de la vie connectée », un « rebelle médiatique » pour ceux qui ne l’aiment pas. Lui-même se décrit comme un économiste « hétérodoxe ». Il veut rapprocher la science économique de la sociologie. Spinoza, le philosophe du XVIIe siècle, lui sert de fil conducteur, ou de grille de lecture, dans ses travaux.
    Le moins qu’on puisse dire est que son dernier ouvrage est dense – un peu trop dense, peut-être, car on en saisit mal le fil conducteur. C’est pourquoi je n’aborderai dans ce commentaire de lecture que quelques aspects des développements de l’auteur, au risque de ne rendre compte que de manière extrêmement partielle de son ouvrage. Dans la mesure où Lordon évoque souvent la « pensée libertaire » – d’une manière singulièrement fragmentaire et déformée – les lecteurs du #Monde_Libertaire ne s’étonneront pas que je m’attarde un peu sur cet aspect de l’ouvrage.
    Ce sont des forces passionnelles collectives qui conduisent les hommes à s’assembler – ce que Frédéric Lordon définit par « imperium », « ce droit que définit la puissance de la multitude ». Lordon remet en cause l’internationalisme, s’en prend à l’« horizontalité », au dépérissement de l’Etat. Il pense que nous sommes condamnés à la « verticalité » et que le pouvoir est voué à être « capté », mais il précise que ce n’est pas une raison pour abandonner le combat pour l’émancipation. Une chose est certaine : Imperium ne servira pas d’ouvrage de référence pour les masses populaires en marche vers leur émancipation, à moins de trouver pour ce livre extrêmement obscur un très bon traducteur.

    http://monde-nouveau.net/IMG/pdf/lordon_bonne_version_05-06-2016.pdf
    http://monde-nouveau.net/spip.php?article616

  • De #spinoza à #Gramsci : entretien avec André Tosel
    http://revueperiode.net/de-spinoza-a-gramsci-entretien-avec-andre-tosel

    Des auteurs de la tradition marxiste, Gramsci est sans doute le plus mobilisé sans intelligence de ses concepts : réduite à un pensée de « l’hégémonie culturelle », la critique tranchante du communiste sarde est généralement évincée. André Tosel, grand lecteur de Gramsci, a toujours cherché à souligner combien la « philosophie de la praxis » et les Cahiers de prison portent une refondation philosophique et politique du communisme. Dans cet entretien avec Gianfranco Rebucini, Tosel revient sur sa trajectoire intellectuelle, qui l’a mené à interroger le texte gramscien au prisme des impasses du communisme historique. De sa foi catholique au spinozisme, de la rencontre avec Althusser jusqu’au dépassement gramscien de l’althussérisme, Tosel raconte son passionnant cheminement du Dieu caché de l’espérance (...)

    #Uncategorized

    • Pas mal de conneries que je n’attendais pas de la part de ce manifestant là,
      #Ivan_Segré
      http://seenthis.net/messages/426340
      A publié, entre autres, ce remarquable Le manteau de #Spinoza. Pour une #éthique_hors_la_Loi, table et premières pages
      http://www.lafabrique.fr/spip/IMG/pdf_Untitled_Extract_Pages-3.pdf

      http://seenthis.net/messages/353889
      http://seenthis.net/messages/238589
      http://seenthis.net/messages/354853
      http://seenthis.net/messages/431654

      mais aussi, malgré le reste, un questionnement qui n’est pas si mal venu :

      Quant aux motivations subjectives de ces lanceurs de bougies, de pierres ou de bouteilles, je les crois principalement narcissiques : ils éprouvent de la #jouissance à combattre les forces de l’ordre, plutôt que le #désir de transformer le monde ou, plus modestement, le rapport de force inégalitaire.

      à rapprocher de la distinction entre #violence et #force. La première étant souvent un pis-aller (plus ou moins mécanique, +ou - « jouissif ») venant compenser l’absence de la seconde.

    • @rastapopoulos

      Les quelques dizaines d’individus (disons entre vingt et trente) soucieux d’engager le combat avec les forces de l’ordre, notamment en jetant des projectiles avec intention explicite de nuire, ont évidemment une fonction objectivement réactionnaire...

      le « objectivement » sent bon son PC stal.
      De plus, pour ce que j’ai compris c’est la tentative de sortir de la nasse pour partir en manif qui a été suivie de gazage, pas le jet de projectiles. C’est donc le fait de mettre en oeuvre pratiquement la position de tous ceux qui étaient là pour imposer que la manif ait lieu malgré et contre l’état durgence. De cela il n’est pas question de se désolidariser. L’allure de « Lord » ne justifie pas un tel manque d’élégance.
      Ce qui est « objectivement réactionnaire » c’est l’état d’urgence et l’interdiction de manifester.

      toutes ces simagrées pour conclure sur

      je trouve aimable, et même salutaire qu’on détruise les idoles

      à propos du mémorial et de ses bougies, eh bien je trouve que à vouloir faire le malin, en l’occurrence aller contre le "scandale’ de l’atteinte à la mémoire et à la compassion, dont média, pref, ministères et présidence ont de suite fait leurs choux gras, il n’est pas nécessaire de dire, comme il le fait en amont, prétendant être « comme tout le monde »

      ...je déteste qu’on jette des projectiles sur les forces de l’ordre

      Il n’est pas nécessaire lorsque l’on veut relativiser ou refuser ce qui a été érigé publiquement comme l’élément le plus choquant (la profanation), de rejoindre le choeur des condamnations de « la violence ». Je préfèrerais un questionnement plus déployé sur la puissance, ce que Lordon prétend amorcer faire avec son ’ce que l’on peut, où il prend soin d’insister sur les capacités communes (manière de relativiser la délégation à l’intellectuel et à sa tribune), ou ce à quoi invite #Alain_Bertho, avec son appel, en creux ("A-t-on bien réfléchi à ce que pouvait être la figure d’une révolte sans espoir ?"), à réinventer une forme d’espoir. Ce qui ne nous équipe guère mais indique une voie à frayer.

      Déjà, Segré a publié un papier que je trouve douteux, avec cette façon de faire mine de prendre au premier degré les questions de sécurité

      L’état d’urgence planétaire
      https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/271115/letat-durgence-planetaire

      Une police française s’efforçant de garantir la sécurité de manifestants venus affirmer, au péril – qui sait ? - de leur vie, la nécessité de prendre vraiment en considération les générations futures, voilà qui aurait donné une signification certaine à la Conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques, ainsi qu’à la « guerre » des gouvernements français, américains et russes contre « Daesh ». Hélas, nos gouvernants semblent avoir une tout autre vision des choses.

      Déjà, lorsqu’il écrivait que le noyau de la révolution était messianique, je n’étais pas convaincu.
      En revanche, la lecture de son Le manteau de Spinoza, pour une éthique hors la loi me parait valoir un moment.

      #rhétorique

    • En noir et masqué, à un mètre de la police, où sont les projectiles ?

      Eh bien les projectiles, ils arrivent lorsqu’il est devenu clair qu’être proche d’un flic c’est se faire taper et gazer, qu’il reste la possibilité d’agir à distance, même si c’est du symbolique faible, plutôt qu’une façon d’ouvrir à une manifestation qui aura bien été interdite.

      Le narcissisme évoqué par Segré, c’est bien gros, bien massif. Faudrait y aller voir plus avant, entre moi idéal et idéal du moi (dans son rapport à un un surmoi de groupe, aussi). Le moment moique prévaut-il ou n’est ce qu’une composante, etc. Le « désir de transformation » ne peut pas se résumer à l’attitude pacifique, en excluant toute autre pratique. Il est bien des cas ou des minorités active ont, par exemple ouvert un chemin à telle ou telle manif bloquée par les forces de l’ordre. Tenter de le faire, voire mimer seulement ce geste, c’est en rappeler la possibilité.

    • Il semblerait que les règles de base en maintien de l’ordre aient évolué. Ça fait plusieurs comptes-rendus de manifs où les manifestants se retrouvent totalement encerclés.

      Le Manuel de maintien de l’ordre à l’usage des forces armées (des années 70) que j’avais eu entre les mains de par mes fonctions au service militaire (et que j’avais très attentivement étudié) interdisait formellement cette situation et prescrivait de toujours laisser une échappatoire visible attirant l’attention sur le fait que l’encerclement pouvait provoquer des comportements de panique ou de désespoir poussant à l’augmentation de la violence. Apparemment, on n’en est plus là.

      De même, il était formellement interdit de présenter l’avant des véhicules vers les manifestants. J’avais déjà eu l’occasion de m’étonner du non respect de cette consigne pour la manif NDDL à Nantes.

    • C’est pour diminuer la violence létale - et par là potentiellement scandaleuse - de la répression que cette règle, laisser une #voie_de_sortie", avait été instaurée lors d’époques où obéissance et euphémisation de la violence étaient moindres (les ouvriers ne voyaient pas les flics comme des travailleurs sociaux à leur service...). Cette règle reste d’ailleurs appliquée dès que le contrôle des manifs n’est pas certain. Coincer des manifestants pas trop bridés, pas trop citoyens peut s’avérer dangereux, mieux vaut les trier en action, faire fuir etc avant de se lancer dans des interpellations.
      Avec cette technique des nasses, on est plutôt dans le cadre du #contrôle, en partie autoadministré par des sujets s’adaptant à la contrainte de l’encerclement, en partie dans la négation complète de l’existence de ces manifestations (les manifestants sont souvent eux mêmes devenus très aquoibonistes et/ou critiques sur cette forme d’action sous prétexte de son inefficacité... voilà qui est désarmant, aussi).
      On créée des « cages en plein air » qui permettent, depuis des années déjà, d’échapper alors au cadre légal du contrôle d’identité (qui ne peut dépasser 4h, sauf bricolage prétextant l’urgence) sans avoir à mettre en garde à vue, quitte à le faire ensuite, en triant avec des flics physionomistes et au pif, ou/et en fonction d’un objectif chiffré qui puisse servir de signal politique. Dans les deux cas, on montre publiquement que l’on tient le haut du pavé à des foules qui font rarement l’expérience de leur force, et on économise du temps de transport, de travail, de la paperasse, des procédures qui vont pas tenir la route, etc..

      Il n’empêche, être immobilisé, réduit à l’impuissance, perdre son #temps, être humilié, lorsque c’est répété, par l’une ou l’autre des techniques employées par ces gens, ça conduit à des calculs coûts/bénéfices qui poussent à ne pas, ne pas risquer de rater un rencart, être n garde à vue, prendre un coup de tonna ? Ne pas manifester. Ne pas prétendre décider de quoi que ce soit, sauf dans son coin, son petit « pour soi » en soi et tout seul.

      La pref s’est un peu ridiculisé aux yeux mêmes d’une partie de ses employés en ne trouvant que 9 « violents » à mettre en cause dans ce grand ramassage. Quand on sait qu’il suffit de blesser un manifestant pour l’accuser de violences et le poursuivre, le « résultat » est faible.

    • Les « anarchistes » ont joué leur rôle d’idiots utiles, Daoud Boughezala, rédac’ chef de Causeur.
      http://www.causeur.fr/cop21-republique-black-blocks-35614.html

      Il faut dire que l’« antifascisme de manière, inutile, hypocrite et, au fond, apprécié par le régime » (Pasolini) ne recule devant aucune facilité. Quoi qu’en diront les lecteurs de Mediapart, si les émeutiers de dimanche se révèlent littéralement indéfendables, ce n’est pas tant en raison de leur indécence commune – laquelle leur a fait allègrement profaner le temple laïc de la République – qu’à cause de leur profonde bêtise. Comme leurs meilleurs ennemis skinheads, mais à une échelle de violence bien supérieure [ça porte un nom arabe et ça traite de doux les fafs skins, faut oublier quelques machabbés, et quelques blessés à vie, quimporte] , ces orphelins du XXe siècle tournent sans fin dans la nuit à la recherche d’un ennemi rassurant (l’Etat policier, la bourgeoisie, le flic raciste et misogyne…). Le péril islamiste, hélas bien réel, sied si mal à leur esprit anachronique qu’ils préfèrent l’ignorer, voire le railler. Leur désordre est la continuation de l’ordre par d’autres moyens.

    • merci @zorro du compliment, c’est toujours un plaisir de se faire qualifier ainsi. Tu m’excusera de ne pas te le retourner, j’ai mieux à faire.

      je me disais juste que sur seenthis on est assez malin pour prendre une source pour ce qu’elle est. Une source, un document.

      Mais bon, il parait qu’il faudrait toujours accompagner une image (animée ou non) d’un commentaire, sinon les gens sont pas assez grand pour comprendre. (Non en vrai il était tard, j’ai eu la flemme)

      Alors l’accompagnement :
      Lors de ses points à la presse, la préfecture (qui communique mieux que nous) a présenté plusieurs vidéos. (je vous épargne de voir encore une fois la tête du préfet, cherchez donc « point presse prefet 29 novembre 2015 » sur youtube).

      Ce document a donc déjà produit son effet dans la presse.

      Si l’on ouvre les yeux en regardant cette vidéo, (ho mon dieu, tourné par des caméras de surveillances sous controle de méchants flics) on constate que c’est pas un simple plan séquence mais un montage de différents moments.

      Egalement on constate que les caméras sont en direct controlées par un opérateur qui les fait pivoter et (dé)zoomer.

      Ce qui m’a un peu surpris en la regardant c’est qu’en vrai il ni s’y passe pas grand chose.

      Certes ce sont des moments spectaculaires (du spectacle de très bas niveau, très loin du riot porn) qui ont été choisi au montage pour desservir la manif. Bin oui hein, ce qu’on voit là c’est du travail de flics.

      C’est plus la contextualisation faite par le préfet qui fabrique le drame ensuite propagé servilement par les principaux médias.

      Bon je m’arrête là. C’est toujours délicat de commenter des images. En ce moment même des camarades passent en comparution immédiate.

    • Dans le Savant et le Politique, Max Weber forge le concept politique de violence légitime. Weber définit en effet l’Etat comme l’institution détenant le monopole de l’usage légitime de la force physique :

      « un Etat est une communauté humaine qui revendique le monopole de l’usage légitime de la force physique sur un territoire donné »

      in http://la-philosophie.com/letat-detient-le-monopole-de-la-violence-legitime-weber

      Sur l’auteur
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Max_Weber

      et le concept :
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Monopole_de_la_violence#Max_Weber

      #sociologie #anarchisme #violence_d'état

    • Sur ces histoires d’encerclement et de nasse.

      D’une part, la doctrine générale appliqué par la police française : laisser une voie de sortie aux manifestants, pour trier le bon grain de l’ivraie, éviter une escalade allant vers des niveaux incontrôlable d’affrontements. Ce principe a émergé au regard du nombre de morts occasionné par le passé lors d’encerclement par les forces de l’ordre sans possibilité de sortie, assortis de charges, d’attaques policières contre les manifestants ; D’autre part la pratique qui me parait « récente », une dizaine d’années (?) qui consiste à enfermer des manifestants en plein air en les encerclant. Dans ce cas, les obstacles matériels (murs, grilles) comptent pour peu (un des côtés de la cage en plein air, mais pas toujours), et l’encerclement d’un groupe de manifestants (et donc souvent de presque tous les manifestants, s’agissant de manif peu importante en nombre) est principalement le fait de policiers en action mas une action toute particulière, une action de contention et non pas d’attaque ouverte (charge, tirs), ou gazeuses manuelles, coups de boucliers et de tonfas ont leur place, le niveau de violence ouverte exercé restant limité

      Dimanche, les barrages policiers qui fermaient la place n’étaient le plus souvent et très vite pas « filtrants » et aucune voie n’était libre. Tout à donc été fait pour mettre en place un traquenard de masse, en estimant que la com’ permettrait d’imputer l’action policière aux manifestants eux mêmes.

      S’y est ajouté, une fois les charges policières et le début de reprise policière de la place de la République, la mise en nasse d’un gros groupe de manifestants puis de deux. Pas facile d’évacuer une place que l’on a bouclé... Et comme plein de conseillers bénévoles du ministère l’ont dit, incapacité à trier les arrêtés pour ficeler des « affaires ».

      On a donc associé une pratique « moderne » la cage en plein air a une pratique ancienne et réputée périmée car proscrite, l’encerclement de l’ensemble de la manif. C’est le fruit dune anticipation réussie : on a compté sur la #non_violence générale des manifestants (100 manifestants décidés sont en mesure, si ils sont organisés pour prendre l’initiative, d’ouvrir une brèche dans laquelle une manif peut se former). Et le pari a été gagné, des tentatives de passer les lignes, des canettes vides, des bougies, rien que de très symbolique (pour ainsi dire aucun blessé chez les flics, ce qui démontre que ce qu’on nous présente comme des affrontations étaient constitué de gestes bridés), à aucun moment la domination de la police n’a été réellement mise en cause. Et la responsabilité de leur intervention a pu être publiquement imputée aux manifestants.

      Après coup, ça se complique, le faible nombre de mises en accusation après 317 garde à vue montre que justice et police ne font pas l’effort d’incriminer 10% des manifestants arrêtés alors que toute la procédure leur en laisse le loisir (est-ce parce qu’il sont effectivement suroccupés) tout se passe comme si ils n’en avaient pas blessés assez pour les accuser de violences, la violence exercée (si on excepte le grand nombre de grenade de désencercelement, de lacrymos, de cars, d’hommes) a de ce côté aussi été relativement faible, le primat étant donné à la violence symbolique (on ne se rassemble pas, force reste à la loi et à celle qui avec le budget est la mère de toute les lois à cette heure, l’état d’urgence) et tout se complique encore avec le premier compte rendu de procès. Ils n’ont pas trouvé mieux qu’un jet de canette en alu, vide, et un refus de prise d’empreintes... (les post qui suivent l’article du Monde sont très étonnement critiques, là où d’habitude ça réclame plus de Cognes, de prison, de fermeté, bla bla). Comme le dit @parpaing, même le montage des poulets ne montre qu’un ballet un peu vaporeux, le clip est avant tout une pub pour la force policière, attestée par les manifestants eux mêmes et parmi les plus « radicaux » : on voit les fameux blacks bloc, en tout cas des gens en noir visage cachés, faire mine d’avancer puis reculer d’abord doucement avant de tourner les talons, face à quoi ? deux simples cordons de policiers, dont on sait qu’ils sont par ailleurs appuyés par une masse d’hommes en armes qui cernent toute la place.

      Effets de « la guerre », produire cette paix. Les présents savent qu’ils risquent pour l’essentiel d’être accusés d’avoir bravé l’état d’urgence en manifestant, un délit très strictement politique. La place de la République n’a ce moment rien d’un espace tragique, reste celui dune démocratie du chloroforme. Il ne saurait y avoir, 3 semaines après un massacre qui aura permis de mettre en scène une « célébration de la vie », de massacre policier ni même d’hostilité trop résolue du côté des manifestants. On est dans du contrôle soft, certes ultra équipé, débordant des moyens d’affirmer l’autorité de l’état.

      Les nasses policières, ces cages en plein air sont devenues assez « habituelles » à Paris, Rennes et aussi Toulouse, je crois. En revanche l’encerclement complet des manifestants est une réinterprétation contemporaine qui semble inédite d’un archaïsme policier (autrefois coûteux non seulement en vie humaine mais en terme de légitimité d’institutions supposées protéger la vie, n’attenter à la vie de ses sujets que dans des cas répertoriés) dont rien ne dit qu’elle ne visera pas d’autres mobilisations, à condition qu’elles paraissent suffisamment extérieures à un consensus supposé solide, suffisamment marginales politiquement.

      Le 22 novembre dernier, lors dune précédente manif interdite qui s’est conclue par 58 convocations à la police, la pref et le ministère avait cru pouvoir tabler sur un accord passé avec les organisations (rassemblement sans manif) et sur l’ambiance d’obéissance générale pour que la manif n’ait pas lieu. Leur échec avait fait les choux gras de la presse internationale. Cette fois, ils ont été plus prudents (ne pas perdre la face en plein « sommet ») et ont à nouveau tablé sur la ressource la plus disponible, la plus générale, cette disposition individuelle à l’obéissance, sachant pouvoir prendre appui sur le manque d’#organisation de la désobéissance.

    • « Enquête sur la manifestation polémique du 29 novembre » http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2015/12/03/enquete-sur-la-manifestation-polemique-du-29-novembre_4823104_1653578.html

      S’agit-il simplement d’un couac de maintien de l’ordre, comme en a connu beaucoup la préfecture de police depuis 2012  ? (...) seules 2 interpellations sur 346 ont visé les violences en tant que telles...

      Un débat interne (propos de policiers, version de la pref) sur le #maintien_de_l'ordre, les modalités d’usage des #nasses, agrémentés pour faire vrai de quelques témoignages de manifestants. En #paywall, à moins que quelqu’un le trouve, quitte à en faire un post spécifique (ne sais jamais bien ce qui est préférable).

    • Appel aux 317 - AntiCOP21.org
      https://paris-luttes.info/appel-aux-317-4455

      Nous lançons un grand appel aux 317 interpellés du dimanche 29 novembre 2015 ainsi qu’à tout ceux qui ont connus la répression pendant les deux semaines de la COP 21 à nous adresser leur témoignage : les317@riseup.net

      Nous appelons toutes les personnes qui ont connu la violence et la répression policière à nous livrer également un témoignage qui pourra être utilisé (de façon anonymisé) pour la vidéo.

      Nous vous invitons à une réunion le mercredi 9 décembre à 18h au LEA, 10 rue Fournier à Clichy (métro Mairie de Clichy) pour nous rencontrer, en parler et donner un coup de main si vous vous en sentez la capacité et l’envie.

    • Suite aux divers commentaires sur ce texte, Ivan Segré continue d’argumenter :
      http://seenthis.net/messages/445542

      C’est de ce point de vue, celui de l’hétérogénéité radicale des forces qui s’affrontent, que certaines formulations du « manifestant anonyme » peuvent paraître fausses, voire scandaleuses.

      Je ne juge pourtant ses conclusions ni fausses, ni moins encore scandaleuses, mais bien plutôt salutaires, du moins dès lors qu’on en partage les prémisses, à savoir que ce jour-là l’affrontement commence lorsqu’entre en scène la force d’inertie : prendre la forme d’un défilé d’hommes et de femmes se mouvant par le plus court chemin d’un point à un autre.

      Comme on sait, aussitôt après les premiers heurts les CRS ont tiré des bombes à gaz lacrymogènes sur la foule des manifestants. C’est d’ordinaire pour disperser une population qu’on tire ces bombes, or en l’occurrence toutes les issues de la place étant bloquées, cela ne rimait à rien, sinon à produire une zone de chaos. Puis les CRS laissèrent passer, ici ou là, des groupes de manifestants, en embarquèrent d’autres. Enfin ils prirent dans une nasse quelques centaines de manifestants et les gardèrent prisonniers pendant des heures, place de la République. Le gouvernement n’avait donc, on le savait à présent, jamais eu l’intention de laisser les manifestants braver l’« état d’urgence », de quelque manière que ce fût. Et c’est bien pourquoi la mise en cortège, puis les premiers heurts, leur étaient du pain béni. Cela justifierait, dans les discours publics, la répression des hommes et des femmes qui s’étaient réunis le 29 novembre place de la République dans le dessein d’affirmer que « nous sommes là », et bien vivants. On embarqua des centaines de ces hommes et de ces femmes comme si c’était des voleurs, des brigands, des coupables. Et certes, ils étaient aux yeux des gouvernants coupables d’« être là ». Ce fut ce jour-là le message de la République Française, clair et distinct, audible pour tous : occupez la place qu’on vous assigne, sans quoi vous serez coupables d’« être là ».

  • L’En Dehors
    http://endehors.net

    Un groupe de casseurs à la manif de Paris

    Manif anti-COP 21 : des flics en noir très spéciaux

    Lors de la manifestation contre la COP 21 organisée dimanche 29 novembre 2015, on pouvait remarquer avenue de la République, à quelques centaines de mètres de la place de la République un groupe de flics habillés en noir, la tenue des Blacks blocks en somme mais avec un brassard « Police ». On notera même à l’occasion que l’un d’eux, au dernier rang, à côté d’un policier au crane rasé, ne porte aucun brassard mais une belle cagoule noire. N’est-il plus interdit de se promener dans l’espace public en masquant son visage ?
    Dans quel but étaient-ils là ? Un brassard de police ça s’enlève très facilement et alors qu’est-ce qui différencie un « anarchiste autonome » avec sa fiche S, d’un policier en civil déguisé en Black block ?
    Je n’ai pas encore la réponse. Peut-être le Préfet de police la connait-il ?
    Imaginons que pour énerver les manifestants rassemblés pacifiquement sur la place, vous ouvriez, sans raison semble-t-il, la rue de la République, alors que toutes les autres sont fermées.
    La foule s’engouffre en masse dans cette rue, puis au bout de 100 mètres vous bloquez la rue. Que se passe-t-il ? les premières échauffourées, la foule est chauffée à blanc.
    Quant au fameux groupe signalé plus haut en costume de combattants, ne lui était-il pas assez facile, d’aller jeter quelques pots de fleurs sur leurs collègues CRS ou garde-mobiles ?
    On entendit dès lors quelques cris d’orfraies prononcés par Valls et Hollande : violation du sanctuaire de la Place de la République par des irresponsables de l’anti-France.
    Éléments de langage préparés à l’avance par quelques communicants pour justifier la répression des opposants et l’État de siège.

    • Les BACqueux et autres flics en civil essayent de se faire discret, de s’infiltrer au milieu des manifestant-es et de semer le trouble, dans le but de diviser les manifestant-es et d’en arrêter un certain nombre. Ok.
      Mais faut arrêter de croire que si des manifestant-es combattent la police c’est uniquement parce qu’ils/elles ont été provoqué-es par de vilains policiers. De nombreux-euses anarchistes, autonomes et autres révolutionnaires assument leur hostilité active envers la police, l’État et le système capitaliste.
      Il y a plusieurs textes/communiqués qui le rappellent, en signalant que les accusations à moitié conspi qui flirtent avec le « casseurs = policiers déguisés » (quand elles ne tombent pas carrément dedans) sont fatiguantes voire dégueulasses.
      Il est tout à fait cohérent de vouloir détruire un système qui détruit nos vies.

      Deux exemples (autrement plus « actifs » qu’en ce 29 novembre à Paris) :

      – Black bloc / Strasbourg avril 2009, contre l’OTAN

      si nous avons cassé des vitrines ou mis le feu à des bâtiments qui sont au service de l’Etat et du capitalisme (douane, banques, station essence, office de tourisme, hôtel Ibis, etc.), si nous avons saccagé des caméras de vidéosurveillance et des panneaux publicitaires, si nous nous sommes attaqué-e-s à la police, ce n’est pas parce qu’une organisation occulte nous y a poussé, mais parce que nous l’avons choisi délibérément.

      https://infokiosques.net/lire.php?id_article=684

      – Black bloc / Gênes juillet 2001, contre le G8

      Ce que nous avons fait à Gênes, nous avions prévu de le faire. Et manifestement, comme prévu, la police ne nous a pas aidé. Dès qu’elle en avait la possibilité, la police s’attaquait violemment aux black blocs. C’est grâce à des réactions tactiques, stratégiques, que nous avons pu éviter de nous faire massacrer (solidarité de groupe, jets d’objets sur la police, barricades, mobilité et mouvements de foule, etc.). Nous ne nions pas la possibilité que des policiers « déguisés » se soient infiltrés dans certains black blocs. Il semblerait logique qu’il y ait eu des policiers infiltrés dans tous les cortèges. Certains, par exemple, se faisaient passer pour des journalistes ou des ambulanciers. C’est un moyen de contrôle bien connu pour identifier et étudier les manifestantEs et leurs agissements. Par rapport à cela, notre but est bien évidemment de les repérer et de les faire dégager.
      A Gênes, nous avions prévu de nous attaquer à des bâtiments représentant diverses formes de pouvoir. Nous nous sommes exécutéEs avant que de quelconques provocations policières puissent avoir lieu. Nous l’assumons entièrement et tenons à faire remarquer que si la police a bien évidemment participé directement aux violences de ces deux jours, c’est en s’attaquant aux manifestantEs, de toutes parts. La violence policière s’est exprimée massivement sur quelques km2 à Gênes, de la même manière qu’elle le fait quotidiennement partout ailleurs. Pas besoin de manifester contre le sommet du G8 pour ça.

      https://infokiosques.net/lire.php?id_article=3

    • Que des manifestants agissent ainsi en fonction de leurs convictions, tout à fait d’accord. Je crois que l’équation à établir n’est pas casseur = flic. Par contre que certaines actions, certains objectifs choisis qui ne sont pas forcément très intelligents, soient quelque peu manipulés par les keufs c’est indiscutable aussi.
      Puisqu’on évoque des faits historiques, je me rappelle très bien d’une certaine Assemblée Générale qui a eu lieu avant la manifestation contre la centrale de Malville (où il y a eu un mort comme à Gènes). Les « locaux » avaient tablé sur trois marches convergentes sur le site, ce qui n’arrangeait pas la préfecture. En une heure de discussion et grâce à l’intervention d’habiles orateurs (deux au moins seront identifiés par la suite) il a été décidé de regrouper les trois cortèges en un seul et de choisir le plus mauvais itinéraire... D’autres exemples aussi, à l’époque de la « propagande par le fait » où des agents provocateurs ont réussi à faire changer des objectifs prévus pour certains attentats.
      La pratique est vieille comme le monde et un individu en colère est facile à manipuler... ce qui ne veut pas dire que tous le sont !

      Il est effectivement cohérent de vouloir détruire un système qui détruit nos vies ; le débat ouvert pour savoir si l’affrontement violent est le meilleur choix à tout moment. Je n’en suis pas persuadé, d’autant que, derrière, nous ne contrôlons absolument pas ce qui est fait de l’information. Peut-être est-il temps de sortir de certaines ornières. Il ne faudrait pas non plus que la violence ne soit que le résultat du fait que l’on n’a plus rien à espérer et plus rien à perdre.

      Ce n’est pas mon cas malgré la noirceur du présent, mais je ne suis plus très jeune et plus très militant non plus.

    • L’avis d’Ivan Segré sur les lanceurs de projectile et sur les charges des CRS :
      http://seenthis.net/messages/434783
      https://lundi.am/La-farce-republicaine

      Les quelques dizaines d’individus (disons entre vingt et trente) soucieux d’engager le combat avec les forces de l’ordre, notamment en jetant des projectiles avec intention explicite de nuire, ont évidemment une fonction objectivement réactionnaire : justifier dans un premier temps les assauts des forces de l’ordre et leur répression de la manifestation puis, a postériori, dans un second temps, justifier l’interdiction de la manifestation en question. Quant aux motivations subjectives de ces lanceurs de bougies, de pierres ou de bouteilles, je les crois principalement narcissiques : ils éprouvent de la jouissance à combattre les forces de l’ordre, plutôt que le désir de transformer le monde ou, plus modestement, le rapport de force inégalitaire.

      Les centaines de CRS disposés tout autour de la Place de la République avaient quant à eux pour ordre d’empêcher que les manifestants puissent défiler. Puis, au fur et à mesure du déroulement des opérations, on comprit, et peut-être comprirent-ils aussi, qu’ils avaient également pour ordre de prendre au piège quelques centaines de manifestants afin d’opérer un nombre d’interpellations et de garde-à-vues vraisemblablement arrêté d’avance. Il s’agissait à l’évidence de rappeler que la manifestation étant interdite, quiconque se trouvait là était coupable. Et qui n’avait pas quitté les lieux après les premiers échauffourées allait bientôt se retrouver séquestré, le paradoxe étant que la stratégie policière a donc consisté à faire durer la manifestation interdite. Ainsi bon nombre de ceux qui, comme moi, souffraient du froid, se sont vu contraints par la police de braver l’état d’urgence jusqu’après 19h, lors même qu’ils auraient volontiers cessé de le braver dès 15h30, afin de parler littérature ou cinéma, par exemple.

    • Je ne sais pas qui est Ivan Segré, mais je me demande si le fait que lundimatinmachintruc relaie ce torchon est une blague ou un malentendu ou une décision en connaissance de cause. Dans tous les cas c’est de mauvais goût, et si c’est une décision en connaissance de cause, c’est incroyablement infect.
      Le bonhomme, là, l’analyste politique péremptoire doublé d’un psychologue à baldeux qui parle de ce qu’il ne connaît pas, il ferait mieux de continuer de s’occuper du ciel (il se réchauffe, t’as vu ?).

  • Pourquoi j’ai démissionné du lycée Averroès - Libération
    http://www.liberation.fr/societe/2015/02/05/pourquoi-j-ai-demissionne-du-lycee-averroes_1196424

    J’ai reçu de nombreux soutiens et remerciements après la publication de ce texte, certains m’ont même parlé de « courage ». Mais pour moi, prendre la plume pour faire entendre ma voix en tant que citoyen français de culture islamique après les horribles attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher était surtout de l’ordre du devoir. Or, le jour même de la publication de ce texte, un proche de la direction de mon lycée vint m’interrompre en plein cours pour me dire en catimini dans le couloir attenant à ma classe : « Il est très bien ton texte, je suis d’accord avec toi sur le problème des musulmans qui manquent d’humour et de recul par rapport à leur religion, mais tu dois savoir que tu vas te faire beaucoup d’ennemis ici, et je te conseille de regarder derrière toi quand tu marcheras dans la rue… ».

  • D’une classe à l’autre
    http://www.laviedesidees.fr/D-une-classe-a-l-autre.html

    Comment peut-on penser les trajectoires individuelles ascendantes ? Comment comprendre le passage d’une classe à une autre ? Chantal Jaquet forge les concepts qui permettent d’étudier autrement la question de la reproduction sociale.

    Livres & études

    / #spinozisme, #classes_sociales, #individu, #psychologie

    #Livres_&_études

  • Le « conatus » vous dis-je !
    http://www.politis.fr/Le-conatus-vous-dis-je,26796.html

    Si vous n’avez pas déjà vu Bienvenue dans l’angle alpha, ne manquez pas les prochaines représentations, en juin, à la Manufacture des Abbesses. Cette pièce, mise en scène par Judith Bernard et sa troupe Ada-Théâtre, est une adaptation du livre de Frédéric Lordon, Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza (La Fabrique, 2010). La complicité entre eux est grande, puisque c’est elle aussi qui avait mis en scène d’Un retournement l’autre, une comédie en alexandrins.

    Cette pièce jubilatoire fouaille et met à nu les ressorts de l’univers du travail. Les deux pivots en sont : une double échelle, rouge, objet magique symbolisant la pyramide hiérarchique, l’échelle sociale, la volonté d’ascension vers le sommet, la croissance, bref, le monde capitaliste dans toute sa splendeur, et le « conatus », concept-clé de la pensée de Spinoza.

    #Lordon #Judith_bernard #Conatus #theatre #capitalisme #Spinoza

  • Penser les affects
    http://www.laviedesidees.fr/Penser-les-affects.html

    S’inspirant du #spinozisme, F. Lordon propose de restaurer la considération des affects dans les #sciences_sociales. Les affects sont à la fois des effets des structures sociales, qu’ils reproduisent ou subvertissent. Ce qui conduit peut-être l’auteur à négliger leur ambivalence.

    Livres & études

    / spinozisme, sciences sociales, affectivité

    #Livres_&_études #affectivité