• Joana Hadjithomas & Khalil Joreige : « Les Libanais réalisent que, loin de les protéger, leur communauté les vole »
    Par Raphael Bourgois / AOC

    Les artistes Joana Hadjithomas et Khalil Joreige ont fait de l’histoire du #Liban, de la #guerre_civile qui l’a ensanglanté entre 1975 et 1990, le cœur d’une œuvre qui interroge la façon dont ce passé surgit dans le présent. Alors que leur pays est agité depuis plus de vingt jours par une révolution qui a surpris dirigeants et observateurs, ils ont accepté de partager leur regard sur les événements.

    Malgré la démission du premier ministre Saad #Hariri, la contestation se poursuit au Liban. Ce mercredi, des milliers de femmes ont ainsi investi le centre-ville de #Beyrouth pour marquer le 21e jour d’une #révolte contre l’incurie et la #corruption de la classe dirigeante. La révolution libanaise a surpris : ce pays qu’on présentait comme irrémédiablement communautariste, dont la constitution instaure une division des pouvoirs entre chrétiens #maronites, musulmans #chiites et #sunnites, a vu surgir un peuple uni. Une page ouverte depuis la fin de la guerre civile, qui a divisé le pays entre 1975 et 1990, semble ainsi se tourner. Cette guerre, les images qu’elle a produites, l’histoire qu’elles racontent sont au cœur de l’œuvre des artistes Joana Hadjithomas et Khalil Joreige. Plasticiens et cinéastes, lauréats du prix Marcel Duchamp en 2017, ils travaillent dans leurs films, installations, sculptures, dessins et photos la question de la trace, des archives. Entre géologie, archéologie et histoire, ils s’interrogent sur la façon dont le passé surgit dans le présent. Ils répondent ici d’une seule voix.

    Comment avez-vous vécu ces dernières semaines et les manifestations au Liban, qui partent d’une taxe supplémentaire sur la messagerie #WhatsApp mais qui dépassent largement cette question ?

    Comme un soulagement et une sorte de rêve exalté et inquiet en même temps. Nous devions participer à Beyrouth, au Forum artistique et culturel Home Works qui tenait sa 8e édition pour présenter une performance sur le vertige. Khalil a peur du vide, mais pour nous cette peur symbolisait aussi le grand désespoir dans lequel est plongé le Liban depuis un très long moment, et qui touche toutes les générations. Ce vertige, c’est aussi le sentiment et la sensation que nous ressentons face aux manifestations. Un vertige, car contrairement à toutes les autres manifestations qui ont parfois été très nombreuses et très mobilisées, celle-ci émane de partout, et ne comprend ni centre ni hiérarchie. Elle n’a ni leader, ni organisation préalable. Elle s’exprime dans toutes les formes et tous les modes révélant l’hétérogénéité et la complexité des composantes de notre société. Même si cette colère et cette révolte sont très profondes, elles se manifestent de façon presque joyeuse et pacifiste, elle se déroule simultanément dans tout le pays sans exception. Et c’est ce qui permet de dépasser la peur. La peur du lendemain et de l’inconnu mais aussi des pouvoirs en place qui usent de la force pour dissuader et réprimer les manifestants. Cette révolution se dit être la fin de la guerre civile, qui officiellement se serait arrêtée en 1990. Il y a depuis longtemps ce sentiment, que la paix n’a jamais été effective, que les causes qui ont menées à la guerre civile sont toujours là, que les protagonistes et principaux acteurs des conflits armés gouvernent toujours le pays. La plupart des gens se sont beaucoup appauvris depuis la fin de la guerre civile en 1990 : l’électricité ne fonctionne toujours pas, de même que l’eau, les infrastructures… Mais sans doute l’un des problèmes majeurs qui touche tout le monde, quelle que soit sa catégorie sociale est celui de la pollution avec notamment la crise des déchets, les poubelles. Rien n’est fait pour les traiter, d’où un désastre humanitaire, sanitaire, écologique, politique… Tout cela à cause d’un système qui ne fonctionne pas et surtout de la corruption. Ajoutons qu’il y a une crise économique sans précédent, il n’y a plus de travail, la plupart des jeunes gens doivent émigrer pour en trouver.

    C’est un problème qui touche surtout la jeune génération…

    Oui, les 20-30 ans sont en plus touchés par la hausse des frais de scolarité, qui ont atteint des sommes complètement folles. L’absence de bonnes écoles publiques au Liban oblige les gens à se tourner vers des écoles privées, et ça continue à l’université où l’on avoisine les 15-25 000 dollars l’année sinon plus. Les familles se saignent pour assurer ces frais de scolarité, elles s’endettent. Mais il n’y a plus aucune perspective si ce n’est via le clientélisme et un système qui ne reconnaît aucune méritocratie. À l’inverse, on voit toujours les mêmes dirigeants depuis la fin de la guerre civile, qui reviennent tout le temps et laissent le pouvoir en héritage à leurs enfants. Quelle que soit leur confession, ils s’accrochent au pouvoir, font les choses en famille et ça n’a jamais été remis en question parce qu’ils tenaient leur communauté – il n’y a jamais eu de travail de déconfessionnalisation au Liban – et que l’État est faible. Quant à la corruption, elle est devenue insolente ! Nos dirigeants ne se cachaient même plus pour voler le pays, pour se partager le gâteau tout en jouant sur les divisions et en faisant régner la peur du chaos. Toute cette classe politique a été frappée de discrédit, au fur et à mesure. En plus, nous avons de bons journalistes d’investigation qui aujourd’hui avancent des noms et des chiffres, il y a une connaissance plus précise.

    Et c’est dans ce contexte qu’est décrétée une nouvelle taxe sur les appels passés par WhatsApp…

    Qui revient à taxer une application gratuite pour renflouer des poches percées ! C’est l’étincelle qui a mis le feu. Il y a une accumulation et une convergence de faits qui ont abouti à cette révolution. Mais sûrement d’abord les crises environnementales. La crise des déchets a touché tout le monde, on ne pouvait plus se baigner ni manger de poisson tellement la mer était polluée. Plus récemment, le mois dernier, il y a eu des incendies très importants qui ont frappé tout le Liban, et qui ont révélé que les Canadairs n’étaient plus entretenus (l’argent prévu pour cela avait été dérobé ou utilisé à d’autre buts) et ne pouvaient donc plus voler pour éteindre le feu. C’est la société civile qui s’est mobilisée face à cette incurie, les gens se sont entraidés dans toutes les régions frappées et ont vu qu’ils n’étaient pas seuls, qu’il pouvait y avoir une forme d’unité. Enfin, ces derniers mois, il y a eu également des pénuries d’essence et de farine, dues à la difficulté de change (entre la livre et le dollar). Il y avait donc des rumeurs sur une possible inflation des prix et une dévaluation de la livre. Or les banques libanaises génèrent des dividendes astronomiques. Elles prêtent à l’Etat grâce aux dépôts des particuliers à des taux d’usurier et créé un système clos et spéculatif. Cela asphyxie les plus pauvres et étouffe la classe moyenne. Bref, il y a une foule de signes qui pourront expliquer cette révolution et arrive alors la taxe sur WhatsApp, c’est l’indécence de trop. Mais ici, le WhatsApp c’est fondamental : c’est la seule chose qui relie les familles disséminées à travers le monde. Au Liban, la diaspora est très importante, tout le monde a des enfants qui sont partis chercher du travail ailleurs. Alors les gens sont descendus dans la rue. Beaucoup de révolutions partent d’un événement apparemment anodin, dans un contexte très dégradé.

    Ce que revendiquent les manifestants, c’est le départ de la classe politique, avec comme slogan « tous c’est-à-dire tous ». Or, si le premier ministre Saad Hariri a annoncé la démission de son gouvernement le 29 octobre, on dit qu’il serait le mieux placé pour se succéder à lui-même. Le président Michel #Aoun est, lui, toujours en place. Bref, les dirigeants sont toujours là et les manifestations continuent. Beaucoup, comme récemment la romancière Dominique Eddé dans "Le Monde", y voient l’émergence d’une unité nationale, d’un peuple libanais qu’on pensait introuvable. N’est-on pas là face à l’inertie d’un système confessionnel hérité de la fin de la guerre civile et que vous avez continuellement dénoncé dans vos œuvres ?
    Notre conviction profonde, c’est que la guerre du Liban était d’abord une guerre sociale qui a été transformée en une guerre communautaire. C’est comme ça qu’elle a tout le temps été montrée dans les médias internationaux : comme le fruit d’une division entre chrétiens et musulmans, alors que la réalité est bien plus complexe. L’un des éléments du problème, c’est qu’on nous a toujours fait peur au sortir de la guerre avec l’idée que ce système confessionnel institué par les Français au moment de la mise en place du mandat, en 1920, était une protection contre le chaos et une protection des minorités. Ce système a été imaginé sur la base d’un recensement réalisé à l’époque et a favorisé les chrétiens maronites, alliés des Français, au détriment des chiites et des sunnites, ce qui a divisé la société de façon complètement absurde. Tout est devenu #confessionnel ! Le président de la République est toujours un maronite, le premier ministre un sunnite, le président de la chambre chiite, c’est connu. Mais ce qui l’est moins, c’est que ce système se décline dans tous les domaines, par exemple à tous les échelons de l’administration au détriment du mérite. En prétendant protéger les minorités, on perpétue un système qui nous a mené à une guerre civile, et justifié tout ce qui s’est passé par la suite au nom de la préservation de l’équilibre. Aujourd’hui, les manifestants réalisent que, loin de les protéger, leur #communauté les vole. Leurs chefs communautaires s’appuient sur ces différences et ces divisions pour se remplir les poches. Nous croyons que les gens ne sont pas profondément communautaires ou confessionnels. Au contraire, les libanais ont envie de vivre ensemble et n’ont absolument pas envie de faire une autre guerre civile, sûrement pas. C’est ce que cette révolution nous montre, des gens qui descendent dans la rue, sont bienveillants les uns envers les autres, ont les mêmes problèmes et se parlent avec beaucoup de générosité. C’est une grande révolution humaine, où les femmes sont mises en avant ou plutôt se mettent en avant, les gens se protègent entre eux, ils cuisinent pour les autres ! On voit une société libanaise civiquement très évoluée et on se dit presque : mais pourquoi on ne s’en est pas rendu compte plus tôt ? Parce que ce système nous oppressait tellement qu’on ne se regardait plus, qu’on ne se parlait plus ! Et ça, nous pensons que c’est une libération énorme, sur laquelle on ne pourra pas revenir, même si on envisage les scénarios les plus catastrophiques. En disant ça, nous ne sommes pas exaltés, cette bienveillance, vous pouvez la voir sur les images, les vidéos. Et c’est, en cela, une révolution, et non une révolte. C’est que tout a changé irrémédiablement en nous et autour de nous.

    Votre travail porte essentiellement sur la génération de la guerre civile, entre 1975 et 1990, la vôtre. Or la jeunesse qui descend aujourd’hui dans la rue n’a pas connu cette époque. Cette différence vous parait-elle essentielle pour comprendre ce qui se passe, cette façon de fissurer la chape de plomb tombée en 1990 ?

    Nous avons toujours travaillé tous les deux sur notre présent, même s’il est hanté par les fantômes. Nous avons toujours espéré un réveil. C’est le sens de nos films comme Perfect day qui se termine par un homme qui se réveille et court sur la corniche, le seul espace public de l’époque pour nous. Lebanese rocket society, sur le projet spatial libanais, se terminait par le même désir de rêver. Mais cette fois il y a quelques chose de très différent, d’inédit, non pas par sa taille mais par sa nature. Il faut donc reconfigurer nos attentes et notre perception, désapprendre en participant. On a souvent fait parti de mouvements, des sit-in contre les différentes guerres et menaces qu’a connues le Liban, on a milité dès notre très jeune âge mais ce qui est extraordinaire et très singulier cette fois, c’est que ça fuse de partout, en dehors de toutes les catégories et des définitions existantes, c’est trans-communautaire, trans-régional, trans-générationel, trans-social et trans-genre. Ce que porte cette jeunesse, c’est d’abord son énergie, ses espoirs, ses modes de fonctionnement et puis aussi le fait qu’elle n’a pas peur. Peut-être qu’il y a une différence chez les gens qui ont vécu une guerre civile, la peur est toujours là. Cette génération, qui est presque la génération de nos enfants, nous a aidé à faire « tomber le mur de la peur » comme le disent certains slogans que nous trouvons très beau. Surtout dans des régions qui sont sous la mainmise d’une puissance politique hégémonique comme à Tripoli, Nabatiyeh, Baalbeck, Tyr… Cette jeune génération ne se réfère pas à l’histoire mais à l’impossibilité de vivre le présent. La révolution, c’est comme un liquide, elle prend toute les formes, s’infiltre et alimente tout le monde. C’est un requestionnement profond de chacun d’entre nous, une remise en question salutaire. On est redopé par cette génération de « millenials », celle de notre fille qui a 19 ans. Très certainement, ne pas avoir vécu la guerre civile c’est aussi être libéré de beaucoup d’images, de traumas, et de discours. Il y a une désobéissance sublime, quelque chose de proprement irrévérencieux, une parole qui n’est pas idéologique tout en étant très politisée. Il y a une liberté jouissive, extrêmement créative et drôle. Insolente, avec l’insulte comme slogan, et la joie de la crier comme mot d’ordre. Les premiers jours, les vieux réflexes pouvaient pousser à trouver que ça ressemblait à une kermesse mais et alors, si c’est une fête, une libération, ça n’en est pas moins une révolution. Et nous en avons rêvé toute notre vie.

    Justement parlez-nous de cette créativité, de ces images comme celle de cette jeune femme qui a donné un coup de pied dans l’entrejambe du garde du corps du ministre de l’éducation nationale. La vidéo a circulé et c’est devenu un symbole de cette révolution. On retrouve là aussi une part importante de votre travail qui a consisté à déplacer le regard, à interroger ces images. Qu’est-ce qui vous a frappé dans le mouvement actuel ?

    Ce qui frappe énormément dans cette révolution, c’est la remise en question profonde de chacun d’entre nous à tous les niveaux, aussi bien personnel, qu’artistique mais aussi des catégories et des positions de pouvoir. Le rapport est horizontal et non plus vertical. Il y a aujourd’hui une remise à niveau du pouvoir, il n’y a pas d’un côté ceux qui savent, et de l’autre le reste de la population, personne dont la parole serait plus importante, dont l’image ou l’icône écraserait les autres. C’est très démocratique. Les réunions « corporatistes » des artistes, cinéastes, enseignants montraient une envie de vivre ce moment mais plutôt comme des citoyens. Il y a de vraies agora, sous le regard de la statue du journaliste assassiné, le regretté Samir Kassir. Les gens prennent la parole, racontent, se racontent, sont écoutés. Pour l’instant les inventions, les images, les slogans les plus pertinents ne viennent pas forcément des artistes. Aujourd’hui, nous sommes dans un flux et nous l’accompagnons discrètement. Il est évident que les réseaux sociaux sont le véhicule privilégié de cette révolution. Mais on peut même dire que les smartphones en eux même ont un rôle prépondérant, il suffit de voir les images de rassemblements avec tous les écrans allumés et la conscience de la production d’un autre genre d’image, celui des drones. On alterne ainsi de l’image de visages, des selfie, à celle du drone.

    Ce mouvement très #horizontal, dont n’émerge pas véritablement de figure, je comprends bien que l’artiste, ou même le militant ou la militante, ait envie de le valoriser. Mais il rappelle les #Printemps_arabes, dont on connait aujourd’hui l’issue en Syrie, en Égypte, en Libye… seul l’exemple tunisien a débouché sur une, fragile, évolution positive. Dégager le pouvoir en place sans pouvoir le remplacer, du fait notamment du départ en diaspora de nombreux libanais, n’est-ce pas voué à l’échec ? Les manifestants réclament un gouvernement de technocrates, est-ce que cela peut vraiment être une solution ?

    D’abord en ce qui concerne les printemps arabe, même si le résultat peut paraître parfois pire, au moins les dictatures ne sont plus « naturalisées ». On ne peut pas oublier dorénavant le fait qu’il y a un peuple qui peut faire changer les choses. C’est donc une question de temps et de conjonctures. Mais pour revenir au Liban, chacun d’entre nous développe tous les scénarios catastrophes possibles dans sa tête le soir en se couchant. On a des cauchemars remplis de scénarios catastrophes… On nous a tellement parlé du risque de vide constitutionnel, dit que si on enlevait toute cette classe politique il n’y aurait plus personne pour diriger le pays, menacé du chaos, de l’anarchie, de la banqueroute et de la faillite générale. Alors évidemment il y a cette revendication d’un gouvernement de technocrates qui émerge, mais c’est pour échapper au partage traditionnel du pouvoir, et dans une perspective de transition, même si on ne sait pas ce qu’il pourrait se passer avec des personnes sans expérience politique. D’autant que tous ces leaders politiques qui se sont accrochés au pouvoir comme des fous depuis des décennies, dont certains peuvent s’appuyer sur des milices armées comme le Hezbollah, n’ont aucune raison de nous laisser faire. Un autre de ces scénarios catastrophe, souvent mis en avant, s’appuie sur la question de savoir si tout cela ne serait pas un plan Americano-je-ne-sais-quoi qui, comme dans d’autres pays, fait mine de soutenir la démocratie pour pouvoir fragiliser le pays et revenir à une guerre civile. Tous les pays de la région ont été déstabilisés, la Syrie, l’Égypte… et maintenant ce serait le tour du Liban. Oui on a tout ça en tête, et surtout comment va-t-on s’en sortir économiquement ? Mais ceux qui reprochent à la révolution de fragiliser le pays au niveau financier, devraient se demander s’il ne faut pas plutôt se pencher sur les 30 dernières années que sur les 20 derniers jours. La situation économique est terriblement préoccupante mais c’est bien cela qui pousse les gens dans les rues et pas le contraire ! Quant à ceux qui agitent la crainte du vide constitutionnel, qui a obsédé la génération de nos parents, ils devraient se demander si ce n’est pas cette peur qui a permis à ce régime de s’ancrer et de prospérer. Il faut bien avoir en tête que jusqu’à présent, nous vivions dans un désespoir profond. La situation catastrophique faisait penser à un marécage dans lequel on parvenait à peine à surnager, mais pour combien de temps encore ? Là, il y a peut-être une solution, même si ceux qu’on essaie de dégager vont essayer de faire le maximum de grabuge, leurs partisans vont descendre dans les rues, comme ça a déjà été le cas cette semaine.

    Quelles réponses émergent du côté des manifestants ?

    Bien sûr au début ça a pu sembler cacophonique, organique, mais petit à petit des voix émergent, elles ne s’imposent pas et peut-être ne veulent pas s’imposer mais apportent des éléments de réponse, provoquent des débats et mieux encore des conversations. Ce n’est pas un groupe de révolutionnaires incontrôlables qui veulent en découdre avec les symboles de l’autorité et du pouvoir, mais des gens très avides de se retrouver pour parler, discuter, partager. Ça s’organise au fur et à mesure. Il y a tous les jours, dans les espaces que les manifestants se réapproprient, que ce soit des jardins ou des bâtiments inoccupés depuis des décennies comme l’Œuf, de nombreuses discussions portant sur le droit, la constitution, la façon d’anticiper des élections parlementaires, de choisir les candidats de manière plus représentative. Des initiatives et des investigations pour retracer les sommes astronomiques volés par nos politiciens corrompus. Les idées se clarifient. Il y a eu déjà des avancées importantes : de nombreuses taxes ont été annulées, des enquêtes sont ouvertes mettant en cause des politiciens et leur réclamant l’argent volé. C’est une révolution de femmes aussi comme on le disait, et il était bien temps. Il peut y avoir quelque chose d’absolument inédit qui se reconfigure hors de ces leaders dont on a prouvé l’inefficacité et la corruption. Vous avez évoqué la revendication d’un gouvernement de technocrates, pourquoi pas. Mais cela peut aussi venir de la société civile, qui est très consciente, extrêmement articulée contrairement à ce qu’on essaie de nous faire croire. On a vu émerger ces dernières années des projets écologiques, humanitaires, politiques au sens le plus profond du terme, pas au sens de la politique politicienne. Il y a une émulation de groupe et de mouvements citoyens comme par exemple Beyrouth Madinati (Beyrouth notre ville), issu de la société civile et qui s’est constitué à l’occasion des dernières élections municipales. Il pourrait aussi, pourquoi pas, constituer une alternative politique. Évidemment, tout a été fait pour empêcher qu’ils n’aient pas de représentants. Quel que soit le cas de figure, que ce soient des technocrates, des personnalités de la société civile, ou une combinaison des deux qui forment le nouveau gouvernement, l’enjeu c’est de ne prendre aucune personne qui aurait déjà participé à ce système d’où le slogan « Tous c’est à dire tous ».

    « Beyrouth notre ville », il y a là presque un écho à votre œuvre « Beyrouth n’existe pas »…

    C’était en effet une façon de se réapproprier la ville et l’espace public. L’œuvre présente une photo aérienne de Beyrouth collée sur un miroir, coupée en 3000 morceaux numérotés dont les spectateurs peuvent s’emparer. Plus on retire les fragments de l’image, plus le miroir apparaît et projette l’image des visiteurs, leur environnement, la réalité qui les entoure. Ce n’est donc pas que Beyrouth n’existe pas, c’est plutôt qu’elle n’arrête pas d’exister. C’est comme quand Lacan dit « la femme n’existe pas », c’est qu’il n’y a pas Une seule femme comme il n’y a pas Un seul aspect de cette ville, Beyrouth. Depuis très longtemps, on affirme qu’il faut échapper aux définitions. Les spectateurs dans cette œuvre se réapproprient la ville, car chaque morceau de cette photo a du sens quand il est collé avec tous les fragments – ce qui donne à voir une image très nette de la ville – mais dès qu’un fragment est décollé il devient une image un peu abstraite même s’il a un sens en lui-même, au moins pour celui qui l’a pris. Les choses prennent sens toutes ensemble. C’était donc à la fois une œuvre sur la réappropriation et sur l’impossibilité de réduire un objet aussi complexe qu’une ville à un cliché qui dirait « c’est ça… » mais aussi sur le partage.

    Aujourd’hui cela se traduit donc dans des initiatives citoyennes comme Beyrouth Madinati ?

    Il y a clairement un mouvement pour se réapproprier cette ville concrètement. Le système public est tellement déficient au Liban que, par la force des choses, le privé a pris le relais. C’est évidemment une chose qui peut déplaire vu de France, mais le fait est que toutes les initiatives efficaces et pertinentes que ce soit les initiatives d’aide sociale, environnementales et même artistiques, se font grâce à l’énergie de quelques individus. Le recyclage, très présent dans la révolution actuelle et qui est très beau, cette façon qu’ont les manifestants de nettoyer tous les matins peut sembler étonnant, mais c’est très significatif pour nous. En disant cela il ne faut pas croire qu’on est contre la « chose publique » au contraire, on la souhaite, on la désire mais pour cela, il faut d’abord se débarrasser de la corruption qui la gangrène.

    Une des dernières œuvres que j’ai vu de vous ce sont vos Time Capsules, ces capsules temporelles que vous aviez présentées en 2017 et pour lesquelles vous aviez reçu le Prix Marcel Duchamp. C’est une installation qui présente des œuvres issues de carottages extraits du sous-sol de sites en construction. Une façon de faire une archéologie du présent, de montrer que la ville est le produit de couches sédimentées des occupations successives ?

    En tant qu’artistes et cinéastes, nous utilisons l’image, l’écriture, le film pour réfléchir profondément notre inscription dans le présent. Au Liban bien sûr, mais aussi dans le monde. Le Liban est un laboratoire du monde, et cette révolution qui se déroule en ce moment est là pour le montrer. On voit bien, par son côté extrême, ce qu’elle veut dire au reste du monde, de cette impossibilité de faire confiance à des leaders qui ne représentent plus leurs électeurs, qui ne pensent qu’au pouvoir. Depuis des années, nous questionnons la représentation qu’on a de nous-même, comment on écrit notre propre histoire, ce qui est retenu de l’histoire et pourquoi l’histoire est importante, ce n’est pas une question de passé, nous ne sommes surtout pas des artistes nostalgiques. Ce que nous cherchons à dire, c’est que la rupture temporelle nous empêche souvent de nous projeter dans le futur. On vit dans un présent qui ne connait pas son histoire, qui ne la discute pas, car il ne s’agit évidemment pas de souscrire à une histoire officielle. Bien au contraire, au Liban ou ailleurs, il faut questionner continuellement la façon dont ces structures sont arrivées là, comment nos sociétés se constituent, comment on a arrêté de parler ensemble, comment nos intellectuels n’accèdent plus à certaines tribunes… ce que racontent les images, la télévision. On a donc toujours cherché à déconstruire, mais nous tenons aussi à être dans une forme de proposition poétique. Les carottages c’était un moment important dans la prise de conscience de ce vertige dont on parlait au début. On avait pour ainsi dire exploré dans plusieurs directions, (les escroqueries et la corruption sur internet, l’espace avec notre film sur le projet spatial libanais…), il restait à voir ce qu’on avait sous nos pieds, ce que ça pourrait nous raconter d’aujourd’hui. C’est aussi un rapport à la géologie, l’écologie, l’anthropocène… ce qu’on fait de nos déchets, ce qu’on laisse dernière nous et comment cela produit autre chose. C’est une œuvre à la fois géologique et archéologique, puisque le carottage consiste à descendre avec une sonde et à retirer des pierres, de la terre jusqu’à 6-8 mètres. Or, à cette profondeur, on a dépassé la présence humaine, on arrive à la géologie, ce qui montre que notre présence sur terre représente finalement peu de chose. Ces traces-là nous racontent que tout répond à un cycle de construction et de destruction. Les cycles de destruction portent en eux toutes les promesses de construction, et elles sont nombreuses, ce sont les catastrophes géologiques qui mènent à des régénérations.

    https://aoc.media/entretien/2019/11/09/joana-hadjithomas-khalil-joreige-les-libanais-realisent-que-loin-de-les-prote

  • How a victorious Bashar al-Assad is changing Syria

    Sunnis have been pushed out by the war. The new Syria is smaller, in ruins and more sectarian.

    A NEW Syria is emerging from the rubble of war. In Homs, which Syrians once dubbed the “capital of the revolution” against President Bashar al-Assad, the Muslim quarter and commercial district still lie in ruins, but the Christian quarter is reviving. Churches have been lavishly restored; a large crucifix hangs over the main street. “Groom of Heaven”, proclaims a billboard featuring a photo of a Christian soldier killed in the seven-year conflict. In their sermons, Orthodox patriarchs praise Mr Assad for saving one of the world’s oldest Christian communities.

    Homs, like all of the cities recaptured by the government, now belongs mostly to Syria’s victorious minorities: Christians, Shias and Alawites (an esoteric offshoot of Shia Islam from which Mr Assad hails). These groups banded together against the rebels, who are nearly all Sunni, and chased them out of the cities. Sunni civilians, once a large majority, followed. More than half of the country’s population of 22m has been displaced—6.5m inside Syria and over 6m abroad. Most are Sunnis.

    The authorities seem intent on maintaining the new demography. Four years after the government regained Homs, residents still need a security clearance to return and rebuild their homes. Few Sunnis get one. Those that do have little money to restart their lives. Some attend Christian mass, hoping for charity or a visa to the West from bishops with foreign connections. Even these Sunnis fall under suspicion. “We lived so well before,” says a Christian teacher in Homs. “But how can you live with a neighbour who overnight called you a kafir (infidel)?”

    Even in areas less touched by the war, Syria is changing. The old city of Damascus, Syria’s capital, is an architectural testament to Sunni Islam. But the Iranian-backed Shia militias that fight for Mr Assad have expanded the city’s Shia quarter into Sunni and Jewish areas. Portraits of Hassan Nasrallah, the leader of Hizbullah, a Lebanese Shia militia, hang from Sunni mosques. Advertisements for Shia pilgrimages line the walls. In the capital’s new cafés revellers barely notice the jets overhead, bombing rebel-held suburbs. “I love those sounds,” says a Christian woman who works for the UN. Like other regime loyalists, she wants to see the “terrorists” punished.

    Mr Assad’s men captured the last rebel strongholds around Damascus in May. He now controls Syria’s spine, from Aleppo in the north to Damascus in the south—what French colonisers once called la Syrie utile (useful Syria). The rebels are confined to pockets along the southern and northern borders (see map). Lately the government has attacked them in the south-western province of Deraa.

    A prize of ruins

    The regime is in a celebratory mood. Though thinly spread, it has survived the war largely intact. Government departments are functioning. In areas that remained under Mr Assad’s control, electricity and water supplies are more reliable than in much of the Middle East. Officials predict that next year’s natural-gas production will surpass pre-war levels. The National Museum in Damascus, which locked up its prized antiquities for protection, is preparing to reopen to the public. The railway from Damascus to Aleppo might resume operations this summer.

    To mark national day on April 17th, the ancient citadel of Aleppo hosted a festival for the first time since the war began. Martial bands, dancing girls, children’s choirs and a Swiss opera singer (of Syrian origin) crowded onto the stage. “God, Syria and Bashar alone,” roared the flag-waving crowd, as video screens showed the battle to retake the city. Below the citadel, the ruins stretch to the horizon.

    Mr Assad (pictured) has been winning the war by garrisoning city centres, then shooting outward into rebel-held suburbs. On the highway from Damascus to Aleppo, towns and villages lie desolate. A new stratum of dead cities has joined the ones from Roman times. The regime has neither the money nor the manpower to rebuild. Before the war Syria’s economic growth approached double digits and annual GDP was $60bn. Now the economy is shrinking; GDP was $12bn last year. Estimates of the cost of reconstruction run to $250bn.

    Syrians are experienced construction workers. When Lebanon’s civil war ended in 1990, they helped rebuild Beirut. But no such workforce is available today. In Damascus University’s civil-engineering department, two-thirds of the lecturers have fled. “The best were first to go,” says one who stayed behind. Students followed them. Those that remain have taken to speaking Araglish, a hotch-potch of Arabic and English, as many plan futures abroad.

    Traffic flows lightly along once-jammed roads in Aleppo, despite the checkpoints. Its pre-war population of 3.2m has shrunk to under 2m. Other cities have also emptied out. Men left first, many fleeing the draft and their likely dispatch to the front. As in Europe after the first world war, Syria’s workforce is now dominated by women. They account for over three-quarters of the staff in the religious-affairs ministry, a hitherto male preserve, says the minister. There are female plumbers, taxi-drivers and bartenders.

    Millions of Syrians who stayed behind have been maimed or traumatised. Almost everyone your correspondent spoke to had buried a close relative. Psychologists warn of societal breakdown. As the war separates families, divorce rates soar. More children are begging in the streets. When the jihadists retreat, liquor stores are the first to reopen.

    Mr Assad, though, seems focused less on recovery than rewarding loyalists with property left behind by Sunnis. He has distributed thousands of empty homes to Shia militiamen. “Terrorists should forfeit their assets,” says a Christian businesswoman, who was given a plush café that belonged to the family of a Sunni defector. A new decree, called Law 10, legitimises the government’s seizure of such assets. Title-holders will forfeit their property if they fail to re-register it, a tough task for the millions who have fled the country.

    A Palestinian-like problem

    The measure has yet to be implemented, but refugees compare it to Israel’s absentees’ property laws, which allow the government to take the property of Palestinian refugees. Syrian officials, of course, bridle at such comparisons. The ruling Baath party claims to represent all of Syria’s religions and sects. The country has been led by Alawites since 1966, but Sunnis held senior positions in government, the armed forces and business. Even today many Sunnis prefer Mr Assad’s secular rule to that of Islamist rebels.

    But since pro-democracy protests erupted in March 2011, Syrians detect a more sectarian approach to policymaking. The first demonstrations attracted hundreds of thousands of people of different faiths. So the regime stoked sectarian tensions to divide the opposition. Sunnis, it warned, really wanted winner-take-all majoritarianism. Jihadists were released from prison in order to taint the uprising. As the government turned violent, so did the protesters. Sunni states, such as Turkey, Saudi Arabia and Qatar, provided them with arms, cash and preachers. Hardliners pushed aside moderates. By the end of 2011, the protests had degenerated into a sectarian civil war.

    Early on, minorities lowered their profile to avoid being targeted. Women donned headscarves. Non-Muslim businessmen bowed to demands from Sunni employees for prayer rooms. But as the war swung their way, minorities regained their confidence. Alawite soldiers now flex arms tattooed with Imam Ali, whom they consider the first imam after the Prophet Muhammad (Sunnis see things differently). Christian women in Aleppo show their cleavage. “We would never ask about someone’s religion,” says an official in Damascus. “Sorry to say, we now do.”

    The country’s chief mufti is a Sunni, but there are fewer Sunnis serving in top posts since the revolution. Last summer Mr Assad replaced the Sunni speaker of parliament with a Christian. In January he broke with tradition by appointing an Alawite, instead of a Sunni, as defence minister.

    Officially the government welcomes the return of displaced Syrians, regardless of their religion or sect. “Those whose hands are not stained with blood will be forgiven,” says a Sunni minister. Around 21,000 families have returned to Homs in the last two years, according to its governor, Talal al-Barazi. But across the country, the number of displaced Syrians is rising. Already this year 920,000 people have left their homes, says the UN. Another 45,000 have fled the recent fighting in Deraa. Millions more may follow if the regime tries to retake other rebel enclaves.

    When the regime took Ghouta, in eastern Damascus, earlier this year its 400,000 residents were given a choice between leaving for rebel-held areas in the north or accepting a government offer of shelter. The latter was a euphemism for internment. Tens of thousands remain “captured” in camps, says the UN. “We swapped a large prison for a smaller one,” says Hamdan, who lives with his family in a camp in Adra, on the edge of Ghouta. They sleep under a tarpaulin in a schoolyard with two other families. Armed guards stand at the gates, penning more than 5,000 people inside.

    The head of the camp, a Christian officer, says inmates can leave once their security clearance is processed, but he does not know how long that will take. Returning home requires a second vetting. Trapped and powerless, Hamdan worries that the regime or its supporters will steal his harvest—and then his land. Refugees fear that they will be locked out of their homeland altogether. “We’re the new Palestinians,” says Taher Qabar, one of 350,000 Syrians camped in Lebanon’s Bekaa Valley.

    Some argue that Mr Assad, with fewer Sunnis to fear, may relax his repressive rule. Ministers in Damascus insist that change is inevitable. They point to a change in the constitution made in 2012 that nominally allows for multiparty politics. There are a few hopeful signs. Local associations, once banned, offer vocational training to the displaced. State media remain Orwellian, but the internet is unrestricted and social-media apps allow for unfettered communication. Students in cafés openly criticise the regime. Why doesn’t Mr Assad send his son, Hafez, to the front, sneers a student who has failed his university exams to prolong his studies and avoid conscription.

    A decade ago Mr Assad toyed with infitah (liberalisation), only for Sunni extremists to build huge mosques from which to spout their hate-speech, say his advisers. He is loth to repeat the mistake. Portraits of the president, appearing to listen keenly with a slightly oversized ear, now line Syria’s roads and hang in most offices and shops. Checkpoints, introduced as a counter-insurgency measure, control movement as never before. Men under the age of 42 are told to hand over cash or be sent to the front. So rife are the levies that diplomats speak of a “checkpoint economy”.

    Having resisted pressure to compromise when he was losing, Mr Assad sees no reason to make concessions now. He has torpedoed proposals for a political process, promoted by UN mediators and his Russian allies, that would include the Sunni opposition. At talks in Sochi in January he diluted plans for a constitutional committee, insisting that it be only consultative and based in Damascus. His advisers use the buzzwords of “reconciliation” and “amnesty” as euphemisms for surrender and security checks. He has yet to outline a plan for reconstruction.

    War, who is it good for?

    Mr Assad appears to be growing tired of his allies. Iran has resisted Russia’s call for foreign forces to leave Syria. It refuses to relinquish command of 80,000 foreign Shia militiamen. Skirmishes between the militias and Syrian troops have resulted in scores of deaths, according to researchers at King’s College in London. Having defeated Sunni Islamists, army officers say they have no wish to succumb to Shia ones. Alawites, in particular, flinch at Shia evangelising. “We don’t pray, don’t fast [during Ramadan] and drink alcohol,” says one.

    But Mr Assad still needs his backers. Though he rules most of the population, about 40% of Syria’s territory lies beyond his control. Foreign powers dominate the border areas, blocking trade corridors and the regime’s access to oilfields. In the north-west, Turkish forces provide some protection for Hayat Tahrir al-Sham, a group linked to al-Qaeda, and other Sunni rebels. American and French officers oversee a Kurdish-led force east of the Euphrates river. Sunni rebels abutting the Golan Heights offer Israel and Jordan a buffer. In theory the territory is classified as a “de-escalation zone”. But violence in the zone is escalating again.

    New offensives by the regime risk pulling foreign powers deeper into the conflict. Turkey, Israel and America have drawn red lines around the rebels under their protection. Continuing Iranian operations in Syria “would be the end of [Mr Assad], his regime”, said Yuval Steinitz, a minister in Israel, which has bombed Iranian bases in the country. Israel may be giving the regime a green light in Deraa, in order to keep the Iranians out of the area.

    There could be worse options than war for Mr Assad. More fighting would create fresh opportunities to reward loyalists and tilt Syria’s demography to his liking. Neighbours, such as Jordan and Lebanon, and European countries might indulge the dictator rather than face a fresh wave of refugees. Above all, war delays the day Mr Assad has to face the question of how he plans to rebuild the country that he has so wantonly destroyed.


    https://www.economist.com/middle-east-and-africa/2018/06/30/how-a-victorious-bashar-al-assad-is-changing-syria?frsc=dg%7Ce
    #Syrie #démographie #sunnites #sciites #chrétiens #religion #minorités

    • Onze ans plus tard, on continue à tenter de donner un peu de crédibilité à la fable d’une guerre entre « sunnites » et « minoritaires » quand la moindre connaissance directe de ce pays montre qu’une grande partie des « sunnites » continue, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, mais ce sont les leurs, à soutenir leur président. Par ailleurs, tout le monde est prié désormais par les syriologues de ne se déterminer que par rapport à son origine sectaire (au contraire de ce qu’on nous affirmait du reste au début de la « révolution »)...

  • #Liban : la démission forcée de #Saad_Hariri déchire la communauté sunnite
    https://www.mediapart.fr/journal/international/111117/liban-la-demission-forcee-de-saad-hariri-dechire-la-communaute-sunnite

    Pas la moindre apparition du Premier ministre libanais démissionnaire. Impossible de le joindre et sa famille au Liban n’a fait aucune déclaration. Mais avec sa démission prend fin en effet l’accord de gouvernement, formé fin 2016, et la politique de distanciation du Liban à l’égard des conflits régionaux.

    #International #sunnites

  • Iraq: Sunni Women Tell of #ISIS Detention, #Torture

    (Baghdad) – Fighters from the Islamic State (also known as ISIS) are arbitrarily detaining, ill-treating, torturing, and forcibly marrying Sunni Arab women and girls in areas under their control in Iraq, Human Rights Watch said today.


    https://www.hrw.org/news/2017/02/20/iraq-sunni-women-tell-isis-detention-torture
    #femmes #sunnites #Irak #détention #mariages_forcés #EI #Etat_islamique #viol #abus_sexuels

  • Les habits neufs du #Hezbollah
    https://www.mediapart.fr/journal/international/130217/les-habits-neufs-du-hezbollah

    Le parti chiite, à la fois milice combattante impliquée en #Syrie et organisation confessionnelle implantée au #Liban, est devenu la principale force politique du pays et, au-delà, une véritable puissance régionale. Il se sert aujourd’hui de cette force pour passer des alliances avec ses anciens ennemis et garantir les intérêts iraniens. Mais le Hezbollah s’interroge déjà sur l’après-Syrie…

    #International #chiites #chrétiens #Hassan_Nasrallah #Israël #Michel_Aoun #Parti_de_Dieu #Proche-Orient #Saad_Hariri #sunnites

  • Le #Hezbollah, géant gêné
    https://www.mediapart.fr/journal/international/130217/le-hezbollah-geant-gene

    Le parti chiite, à la fois milice combattante impliquée en #Syrie et organisation confessionnelle implantée au #Liban, est devenu la principale force politique du pays et, au-delà, une véritable puissance régionale. Il se sert aujourd’hui de cette force pour passer des alliances avec ses anciens ennemis et garantir les intérêts iraniens. Mais le Hezbollah s’interroge déjà sur l’après-Syrie…

    #International #chiites #chrétiens #Hassan_Nasrallah #Israël #Michel_Aoun #Parti_de_Dieu #Proche-Orient #Saad_Hariri #sunnites

  • Changement de populations en Syrie

    Iran’s Syria project: pushing population shifts to increase influence | World news | The Guardian
    https://www.theguardian.com/world/2017/jan/13/irans-syria-project-pushing-population-shifts-to-increase-influence?CMP

    n the valleys between Damascus and Lebanon, where whole communities had abandoned their lives to war, a change is taking place. For the first time since the conflict broke out, people are starting to return.

    But the people settling in are not the same as those who fled during the past six years.

    The new arrivals have a different allegiance and faith to the predominantly Sunni Muslim families who once lived there. They are, according to those who have sent them, the vanguard of a move to repopulate the area with Shia Muslims not just from elsewhere in Syria, but also from Lebanon and Iraq.

    The population swaps are central to a plan to make demographic changes to parts of Syria, realigning the country into zones of influence that backers of Bashar al-Assad, led by Iran, can directly control and use to advance broader interests. Iran is stepping up its efforts as the heat of the conflict starts to dissipate and is pursuing a very different vision to Russia, Assad’s other main backer.

    Russia, in an alliance with Turkey, is using a nominal ceasefire to push for a political consensus between the Assad regime and the exiled opposition. Iran, meanwhile, has begun to move on a project that will fundamentally alter the social landscape of Syria, as well as reinforcing the Hezbollah stronghold of north-eastern Lebanon, and consolidating its influence from Tehran to Israel’s northern border.

    “Iran and the regime don’t want any Sunnis between Damascus and Homs and the Lebanese border,” said one senior Lebanese leader. “This represents a historic shift in populations.”

    #Iran #Syrie #Chiites #Sunnites

  • #Yémen : la guerre occultée
    https://www.mediapart.fr/journal/international/060117/yemen-la-guerre-occultee

    Une maison bombardée par la coalition emmenée par l’Arabie saoudite au nord-ouest de Saada. © REUTERS/Naif Rahma Drames humanitaires, enlisement militaire, bombardements d’écoles et d’hôpitaux, responsabilités occidentales, fuite en avant saoudienne, double jeu iranien, percées djihadistes… La guerre au Yémen dispose de tous les ingrédients pour être une poudrière de longue durée et le tombeau des espoirs de changement dans le monde arabe, tout comme celui du droit humanitaire #International.

    #Aden #Arabie_Saoudite #armement #bombardement #chiites #djihadisme #Houthis #Iran #Laurent_Bonnefoy #Moyen-Orient #Sanaa #sunnites

  • Khomeiny et les Frères musulmans, les élucubrations de François Fillon

    Dans son livre « Vaincre le totalitarisme islamique » il écrit, répondant à ceux qui opposeraient l’Iran chiite aux mouvements sunnites : « Je rappellerai juste que l’ayatollah Khomeini fut l’un des dirigeants de la section iranienne des Frères musulmans avec lequel il s’attaqua, dès 1963, au régime du Shah »

    Sans commentaires (ou plutôt on aimerait quelques commentaires de la presse et des médias)

  • LE POINT DE VUE DE GEORGES CORM – LES GRANDES PROBLÉMATIQUES DU MOYEN-ORIENT AUJOURD’HUI. PREMIÈRE PARTIE
    http://www.lesclesdumoyenorient.com/Le-point-de-vue-de-Georges-Corm-Les-grandes-problematiques-du-

    LE POINT DE VUE DE GEORGES CORM – LES GRANDES PROBLÉMATIQUES DU MOYEN-ORIENT AUJOURD’HUI. SECONDE PARTIE
    http://www.lesclesdumoyenorient.com/Le-point-de-vue-de-Georges-Corm-Les-grandes-problematiques-du-

    ... cette histoire de #sunnites et de #chiites est aussi montée de toutes pièces. Là encore on a des documents américains qui montrent très bien que quand le gouvernement américain a réalisé qu’il s’embourbait en Irak sans atteindre ses objectifs de changements de régime en Syrie et en Iran, il a dit qu’il allait faire feu de tout bois pour attiser la rivalité sunnites-chiites à l’échelle régionale. Vous avez un article de Seymour Hersh formidablement documenté sur ce sujet. Du côté des #Arabes eux-mêmes, je parlais avant d’une dynamique d’échec qui s’est instaurée à partir des années 60, maintenant c’est une dynamique d’autodestruction.

    L’#Arabie_saoudite porte une responsabilité très lourde. Dans le story-telling (ou récit canonique consacré) qu’on a dans les médias et même dans beaucoup de productions académiques, on nous dit que tout cet islamisme radical a été produit par les Républiques laïques totalitaires. C’est une thèse absurde quand on connaît la généalogie de ces mouvements qui sont à rattacher à la politique de l’Occident et à la montée en puissance de l’Arabie saoudite, qui n’est pas séparable du #wahhabisme, lequel wahhabisme a prêché lui-même la violence depuis la fin du XVIII° siècle. Ce n’est même pas une école reconnue parmi les quatre écoles juridiques musulmanes. Le hanbalisme, l’école la plus rigoureuse parmi celles-ci, à laquelle les Saoudiens disent être rattachés, ne va pas aussi loin que le wahhabisme.

    Toute cette destruction du patrimoine, y compris islamique, le wahhabisme l’a pratiquée dès son apparition. A La Mecque, les vieux quartiers où le Prophète a vécu ont été détruits pour construire à la place des hôtels de luxe. Les Bouddhas de Bamiyan détruits par les Talibans, les dégâts archéologique faits à Mossoul et à Palmyre par le prétendu Etat islamique, de même que la destruction du buste d’al-Moutanabbi en Syrie, le grand poète de l’Islam classique, aujourd’hui les ravages sur le sublime patrimoine architectural du Yémen faits par l’Arabie saoudite : tout cela ressort de la même dynamique wahhabite, couverte et légitimée par les interventions des membres de l’#OTAN, sous la direction des #Etats-Unis.

  • Pourquoi le Hamas et le Hezbollah restent quand même alliés.
    http://orientxxi.info/magazine/pourquoi-le-hamas-et-le-hezbollah-restent-quand-meme-allies,0831

    Il serait particulièrement tentant d’opposer, depuis 2012, le Hezbollah libanais au Hamas palestinien. La crise syrienne les a incontestablement divisés : la direction du Hamas a depuis trois ans quitté Damas, où certains de ses cadres résidaient, coupant les ponts avec Bachar Al-Assad. C’est une ligne de rupture avec les années 2000. Le Hezbollah s’est quant à lui installé dans une continuité stratégique : celle qui l’unit à Damas et à Téhéran depuis plus de vingt ans. L’opposition entre les deux mouvements est cependant relative.

    #Hamas #Hezbollah #Syrie #sunnites #chiites

  • Le pétrole, la face cachée d’une prétendue fracture sunnites/chi’ites

    http://analysedz.blogspot.com/2016/03/le-petrole-la-face-cachee-dune.html

    Présentée par la monarchie saoudienne comme la cause unique des violences au Moyen-Orient, la fracture sunnites/chi’ites sert à masquer la compétition autour de la souveraineté sur les champs de pétrole ou de gaz, situés pour l’essentiel dans des zones peuplées de chiites.
    Il suffit de superposer deux cartes – celle des champs pétrolifères au Moyen-Orient et celle des peuplements chi’ites – pour s’apercevoir que, là où des majorités chi’ites habitent en surface, du pétrole se trouve en sous-sol – et, pratiquement, rien que là.
    Observons la carte des peuplements chi’ites :


    Observons maintenant la carte des champs pétrolifères (en vert : pétrole ; en rouge : gaz) :

    La monarchie wahhabite saoudienne se trouve donc confrontée à plusieurs problèmes.
    – Ses puits et réserves de pétrole sont « sous les pieds » des minorités chi’ites qui peuplent la côte est de la Péninsule (25% de la population). Or, au lieu de se sentir dans leur pays comme d’authentiques citoyens, les minorités chi’ites y font l’objet d’une suspicion qui réduit leurs droits, rejoignant ainsi le sort réservé aux sunnites démocrates, réprimés par la monarchie. Mieux : partageant souvent les mêmes rites que la majorité des Iraniens, ils sont soupçonnés de faire allégeance à l’Iran comme puissance étrangère, distante de quelques dizaines de kilomètres, de l’autre côté du Golfe, et qui a déjà, par le passé, occupé militairement sans coup férir et annexé trois îlots dans ce Golfe.
    Il convient ici de distinguer les intérêts de grande puissance de l’Iran avec ceux des chi’ites arabes. L’Iran tente certainement d’intégrer les chi’ites arabes dans son jeu (et des minorités chi’ites arabes cherchent sûrement son soutien) : il n’est pas angélique et doit être tout aussi condamné pour l’absence de démocratie de son régime.
    En effet, la question, dans tout le Moyen-Orient, n’est pas essentiellement celle d’un prétendu affrontement sunnisme/chi’isme, qui ne sert qu’à légitimer la poursuite d’intérêts de grande puissance (la souveraineté sur le pétrole), comme la reproduction d’ordres autoritaires : le problème central est d’ordre démocratique, celui de l’absence d’Etats de droit garantissant l’égalité citoyenne à tous leurs habitants.
    – La disparition, en Irak, du régime de Saddam Hussein et l’occupation américaine qui s’en est suivie ont provoqué un transfert de pouvoir des élites sunnites baathistes (les sunnites représentent 30% de la population irakienne) aux élites chi’ites, jusque-là maintenus dans un statut secondaire. Et, de ce fait, elles ont accru la sphère d’influence iranienne à l’ouest, bien que les élites chi’ites irakiennes se considèrent comme arabes et ne partagent pas la conception politique sur laquelle est fondée la République islamique (leur grand ayatollah, Ali Sistani, récuse la vision platonicienne khomeyniste de la wilayet el faqih – la « tutelle du savant »). Cela n’empêche pas que le pétrole irakien soit passé d’une souveraineté baathiste sunnite à une souveraineté chi’ite sous contrôle américain.

    Les Saoudiens soutiennent Daech comme ils ont soutenu Saddam

    La monarchie saoudienne semble très préoccupée de cela. Plusieurs sources ont prétendu qu’elle serait à l’origine du renforcement de l’Organisation de l’État islamique (OEI), dit « Daech », qui se proclame sunnite et dont le but avoué est de renverser le pouvoir chi’ite irakien. La volonté saoudienne de pérenniser un contrôle des élites sunnites sur le pétrole s’était déjà manifestée par son soutien – avec l’appui des puissances occidentales – à Saddam Hussein dans sa guerre au nouveau pouvoir à dominante cléricale chi’ite apparu à Téhéran en 1979. Cette guerre a contribué, à n’en pas douter, à la radicalisation théocratique du pouvoir iranien et à sa monopolisation par le clergé chi’ite. Le soutien aujourd’hui de la monarchie à Daech s’inscrit dans la continuité de celui accordé hier aux élites sunnites baathistes irakiennes dans leur conflit avec l’Iran.
    Ces quelques éléments laissent penser, sans analyse approfondie, que la fracture idéologique sunnites/chi’ites – que la monarchie saoudienne s’efforce de médiatiser comme cause unique de la violence qui secoue la région – ne fait, en réalité, que masquer la compétition autour de la souveraineté sur les champs de pétrole ou de gaz tout en légitimant des régimes oppressifs. Il est clair que la monarchie saoudienne considère comme une menace mortelle pour elle l’arrivée ou le maintien d’élites chi’ites au pouvoir, tant sur le plan extérieur qu’intérieur car ses propres populations chi’ites pourraient réclamer davantage de droits, et, pour une minorité d’entre eux, une sécession de la côte est du Golfe.
    En mars 2011, la monarchie n’a pas hésité à investir militairement l’île de Bahreïn pour réprimer dans le sang les manifestants issus de la majorité chi’ite qui revendiquaient des droits de citoyens et qui sont opposés au pouvoir dictatorial du prince sunnite de l’île. Sur un autre front, elle a armé l’opposition sunnite syrienne au pouvoir alaouite (et dictatorial) de Bachar el Assad, considéré comme allié du chi’isme iranien. En mars 2015, cette stratégie l’a conduite à mener une opération militaire au Yémen contre les zaydistes yéménites, qui avaient investi la capitale et qui sont opportunément présentés comme des chi’ites, alors qu’ils sont adeptes d’un rite différent de l’iranien et les alliés du président déchu Abdallah Saleh, réfugié aux États-Unis.
    La monarchie tente de convaincre les sunnites du monde entier, et les néo-conservateurs de tout bord, de se ranger à ses côtés dans ce combat contre les chi’ites. Elle y parvient et des régimes aussi différents que la dictature militaire du maréchal Sissi en Égypte et la monarchie marocaine l’ont suivie dans l’opération Tempête de la fermeté au Yémen.
    Pour les populations sunnites, l’affaire est facile et difficile. Les populations lointaines, qui ne connaissent pas la férocité de la dictature saoudienne, peuvent entendre favorablement le message anti-chi’ite. Des pogroms anti-chi’ites ont récemment eu lieu en Egypte (où ils ne sont que 2%). Par contre, une partie des sunnites du Moyen-Orient savent que ce message est purement idéologique et factice, sinon falsificateur. Nombre de sunnites libanais, par exemple, et ailleurs sont davantage enclins à soutenir la résistance du Hezbollah chi’ite libanais face à Israël qu’à voter pour les leaders sunnites financés par la monarchie saoudienne.
    La question, en effet, ne porte pas sur un clivage idéologique mais sur le caractère anti-démocratique de régimes soutenus par l’étranger et dont le seul but est de pérenniser par la force leur souveraineté vassalisée sur les puits de pétrole. Au lieu de donner des droits à leurs ressortissants chi’ites et d’en faire des égaux, les monarques saoudiens ou émiratis en font des ennemis idéologiques en s’autoproclamant défenseurs de l’orthodoxie sunnite.

    Les chiites libanais : de la marge au centre de la vie politique

    Le Liban est, à cet égard, un cas d’école. Une première éviction des chi’ites est intervenue au XIVe siècle avec l’invasion des mamelouks « sunnites » du Liban, qui les considéraient comme des « infidèles ». Sous l’Empire ottoman, les autorités religieuses ont ensuite jeté un interdit sur le chi’isme sous prétexte de guerres contre l’Iran safavide. L’éviction ensuite des derniers fermiers d’impôts chi’ites lamine un grand nombre de féodaux chi’ites. Le mandat français (1920) permet à la communauté chi’ite d’être reconnue officiellement en tant que telle (1926). Selon Georges Corm, « l’autre laminage a été celui de la pesanteur des féodaux ruraux chi’ites qui ne voulaient pas laisser leurs paysans s’émanciper et profiter de la modernisation du pays » (pour une analyse complète, consulter son ouvrage Le Liban contemporain : histoire et société, 2012).
    A l’indépendance, les élites chrétiennes et sunnites se partagent le pouvoir et en excluent les chi’ites. Déjà marginalisés sur le plan social et économique, les chi’ites sont, de ce fait, politiquement exclus. On leur attribue la présidence du Parlement, poste purement honorifique. « Certes, le président Fouad Chéhab (1958-1964), chrétien maronite, œuvrera plus tard pour faire rentrer de jeunes chi’ites diplômés à des postes de responsabilité dans l’administration publique. » Mais il faudra une guerre civile (1975-1989), faussement présentée comme un conflit entre « chrétiens réactionnaires » et « palestino-progressistes », pour que les chi’ites aient une place aux négociations qui se concluent par une modification de la Constitution libanaise (accords de Taëf). Ils obtiennent une représentation à égalité avec les sunnites et un poids plus important dans le Parlement national.
    Le Parlement était constitué, selon le Pacte national de 1943, de 99 députés, 54 étant chrétiens, et 45 musulmans : 20 sunnites, 19 chi’ites (42% des musulmans, 19% du total national) et 6 druzes.
    Les accords de Taëf (1989) stipulent que « les sièges parlementaires sont répartis selon les règles suivantes :
    a) à égalité entre chrétiens et musulmans [sunnites et chi’ites, et non plus seulement sunnites] ;
    b) proportionnellement entre les communautés des deux parties ;
    c) proportionnellement entre les régions […]. »
    Ces accords modifient donc la répartition en faveur des chi’ites. Le nombre de sièges est de 128, répartis à égalité entre chrétiens et musulmans (64-64), mais les chi’ites augmentent leurs sièges au niveau national : 27 sunnites, 27chi’ites (42% des musulmans, 21% du total national), 8 druzes et 2 alaouites. Ils obtiennent un nombre de sièges égal aux sunnites et pèsent davantage au niveau national. Georges Corm y ajoute deux éléments qui ont donné plus d’importance aux chi’ites : l’éviction des grandes familles de propriétaires fonciers au profit de la classe moyenne chi’ite, incarnée par la milice Amal, et les succès de l’action de résistance du Hezbollah contre Israël en 2000 puis en 2006.
    Comme on le voit, les conflits ne sont pas religieux mais tournent toujours autour de la question des droits citoyens. Certes, durant la guerre civile libanaise, un événement d’importance s’était produit en Iran, en 1979, et une République islamique chi’ite s’y était proclamée, renforçant les capacités revendicatives des chi’ites libanais. Une crainte fondée ou non qui, aujourd’hui, met les chi’ites des monarchies du Golfe sous surveillance et pousse le pouvoir saoudien à considérer l’Iran comme ennemi principal.
    Le cas libanais montre, cependant, que l’opposition chi’ite aux pouvoirs sunnites vient avant tout de leur statut de second ordre. Si la monarchie saoudienne veut que le pétrole de sa côte est ne lui échappe pas, il vaudrait mieux pour elle considérer ses populations chi’ites comme des citoyens de pleins droits au lieu de les pousser à chercher des soutiens étrangers. Elle ferait mieux également d’éviter de créer le chaos à l’extérieur en nourrissant des organisations se réclamant d’un sunnisme falsificateur et violent.

    #pétrole #sunnites #chiites #Arabie #Liban #Iran

  • Dix conseils à l’attention des gouvernants pour se débarrasser de l’organisation de l’État islamique : refusons les politiques de peur.

    Jean-Marie Guéhenno, président-directeur général de l’international crisis group. Nicolas Hénin, journaliste, auteur de jihad academy,fayard, 2015.

    > http://www.crisisgroup.org/fr/regions/moyen-orient-afrique-du-nord/egypte-syrie-liban/syrie/op-eds/guehenno-henin-dix-conseils-a-l-attention-des-gouvernants.aspx
    > http://orientxxi.info/magazine/dix-conseils-a-l-attention-des-gouvernants-pour-se-debarrasser-de-l,1240

    Comment vaincre l’organisation de l’État islamique ? Telle est la question que se posent les gouvernements occidentaux. Avant de se précipiter dans de nouvelles aventures, il faut prendre le temps de réfléchir et de tirer les leçons des échecs passés.

    Plan
    1. ne pas surestimer la menace
    2. ne pas espérer détruire l’OEI avec des bombes
    3. se méfier de ses amis
    4. ne pas être obsédé par le discours religieux
    5. cesser de croire dans les vertus des régimes autoritaires
    6. ne pas prendre le résultat pour la cause
    7. ne faire reculer l’OEI que là où une alternative est possible
    8. « désescalader » le conflit chiites-sunnites
    9. ne pas laisser pourrir les crises
    10. penser la paix civile avant toute intervention militaire

    #OEI #organisation_de_l’État_islamique #État_islamique #Terrorisme

    #International #Proche-Orient #Syrie #Irak
    #conflit_régional #Intervention_militaire #conflit_chiites-sunnites #chiites #sunnites

    #international_crisis_group #Jean-Marie_Guéhenno #Orient_XXI #Nicolas_Hénin

  • Je pense qu’on peut désormais renoncer à l’idée d’avoir des discussions rationnelles avec ces « experts de la Syrie » : ici Joshua Landis trouve « important » de lire le bobologue des jihadistes, « qui est toujours intelligent » :
    https://twitter.com/joshua_landis/status/693523119374360576

    Important to read @RomainCaillet who is always smart

    La référence, en l’occurence, est cette « Introduction à la jihadologie », dans laquelle l’un des points les plus intellectuellement ravigorants consiste à expliquer que les universitaires qui n’adhèreraient pas aux charmes de cette nouvelle discipline (collectionner les vignettes Panini de jihadistes, pour reprendre @le_bougnoulosophe) sont des complotistes influencés par des « intellectuels du monde arabe » (entre guillemets) eux-mêmes complotistes :
    http://www.terrorisme.net/p/article_260.shtml

    Autre raison d’éviter ce thème de recherche, la crainte de nombreux chercheurs de susciter la réprobation des « intellectuels du monde arabe », dont une bonne partie voit dans le jihadisme, non pas un courant politique minoritaire, mais un « complot occidental », financé par les pays du Golfe et dirigé par les services de renseignements israéliens (sic !). Sous une forme plus atténuée, ce complotisme touche aussi des universitaires parfois reconnus, dénigrant ces « jihadologues » incapables de comprendre que derrière ces « idiots utiles » de jihadistes se cachent un « État profond » ou d’autres « marionnettistes » régionaux.

    • Colère salutaire de Myriam Benraad :
      https://twitter.com/myriam_benraad/status/693210229786435584

      Pionnier de la « jihadologie » par dénigrement non étayé, non sourcé des « universitaires complotistes » : il fallait le faire. Bravo l’artiste.

      https://twitter.com/myriam_benraad/status/693591793397534720

      Expert en retweetage des vidéos de l’État islamique et vous voulez nous imposer « ça » comme monument de la pensée ? Allez vous faire foutre.

      https://twitter.com/myriam_benraad/status/693698006995091456

      RC, ne m’envoie pas tes employeurs « anciens de » pour me dire que mes livres sont mauvais. Raffine tes techniques stp. Petit monsieur va.

      https://twitter.com/myriam_benraad/status/693826874384998401

      Ca te fait de l’universitaire complotiste avec tout ca : va te faire foutre gros connard. C’est assez complotiste pour toi la j’espere ?

    • Également une série de @le_bougnoulosophe :

      https://twitter.com/bougnoulosophe/status/693529757628112900

      1. Je l’ai dit la « jihadologie » est le dernier avatar de l’orientalisme, comme ce dernier, elle a des fondements racistes...

      https://twitter.com/bougnoulosophe/status/693530174902657024

      2. Le petit escroc de Romain Caillet nous en donne la preuve, voici comment il voit les "intellectuels arabes"...
      [même citation que ci-dessus sur les « complotistes »]

      https://twitter.com/bougnoulosophe/status/693531734953050114

      3. S’il entendait ce monceau de conneries (arrogantes et diffamatoires) le pauvre Edward Said ferait des triples saltos dans sa tombe !

      https://twitter.com/bougnoulosophe/status/693533706817003521

      4. R.Caillet n’innove pas : une vieille lubie des orientalistes de prétendre connaître les « Arabes » mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes.

      https://twitter.com/bougnoulosophe/status/693534787642986496

      5. Déjà E.Renan expliquait que « l’oriental » n’était pas transparent à lui-même qu’il avait besoin de l’orientaliste pour se révéler à lui...

    • Oui assez étonnant, d’autant que depuis quelques temps, Landis qui avait toujours eu pour lui, malgré des analyses erratiques, une certaine honnêteté factuelle qui le distinguait de la plupart des « spécialistes » français de la Syrie, avait saisi qu’au-delà de la question du régime et de Bashar, l’option maximaliste de l’opposition et de ses sponsors portait la guerre à un niveau supérieur : celui de la viabilité de l’Etat. Il était aussi un des rares à noter que l’alternative régime/opposition n’habitait pas ou plus les esprits de la plupart des Syriens, d’abord pressé de voir finir cet interminable conflit - chose qui à mon avis est vraie depuis bien longtemps déjà.
      Illustration dans cette série de tweets échangés avec l’inénarrable Thomas Pierret :
      https://twitter.com/joshua_landis/status/691257067156312064
      https://twitter.com/joshua_landis/status/691261223959027712

      Caillet, lui, est une starlette médiatique avec un travail académique récent et encore maigre. Et ça me fait drôle de voir que Benraad, qui est dans la même catégorie de ce point de vue là, reprend comme il se doit notre Calimero de la jihadologie. Un bon point pour elle, je dois l’admettre.
      Car, à côté, sur l’Irak, elle a été l’invitée permanente, alors qu’on aurait attendu plutôt Luizard, étrangement absent des ondes. De surcroît, Benraad qui s’est faite la championne de la thèse des #sunnites_humiliés en Irak - mais sans épargner les Américains, il est vrai -, ce qui reste tout de même problématique, la projette sans plus de précaution que ça sur le terrain syrien quand elle s’est trouvée sur le plateau de Taddéi, ou d’autres.
      Pour avoir lu le « Piège Daech » de Luizard, pas très bon et probablement issu d’une commande éditoriale, Luizard ne commet pas ce genre de bêtises et quelques unes de ces pages où il compare le confessionnalisme du régime syrien et celui de l’Irak post-2003 montre qu’il a un peu plus le sens de la nuance que sa jeune collègue. On y trouve même quelques bonnes pages sur le deal Barzani-Daech qui mena à la prise de Kirkouk et de Mossoul par les deux contractants, avant que le deal ne soit rompu par la prise du Sinjar ; pages qui prennent tranquillement le risque de se faire traiter de « complotiste » dans l’atmosphère actuelle.

      Bon, bref, un peu déçu moi aussi.

      PS : Rigolo tout de même, une fois de plus, de voir comment les jugements symétriquement opposés des Burgat boys et de Kepel sur l’islamisme puis le jihadisme, reposent sur les mêmes analyses, les mêmes fascinations grossissantes et la même dénonciation du complotisme...

    • Sinon, assez amusant : personne ne semble avoir relevé que Caillet évoque (mais trop essayer de le réfuter) l’argument selon lequel la « jihadologie » ferait le jeu des tarés :
      http://www.terrorisme.net/p/article_260.shtml

      La principale raison de ce rejet demeure cependant idéologique : la crainte de donner des arguments à l’extrême-droite en plaçant sous les projecteurs un phénomène anxiogène, légitimant des sentiments xénophobes au sein de la population française.

      Or que disait l’article qui le présentait si positivement dans Libé ? Romain Caillet. Jihad geek
      http://www.liberation.fr/planete/2015/04/01/romain-caillet-jihad-geek_1233089

      Suivi principalement par des journalistes, des jihadistes et des identitaires d’extrême droite, Caillet tweete inlassablement entre 13 heures et 5 heures du matin.

      Hum… « C’est dur d’être aimé par des cons » ?

    • D’ailleurs vous avez des références sérieuses sur la question du « terrorisme international », ou plutôt « jihadisme armé » ? Il y a le bouquin d’Alain Chouet qui est extrêmement intéressant, mais parfois aussi idéologique (dans le mauvais sens du terme) et surtout date beaucoup (le monsieur est sorti des services en 2002 je crois..). Je suis donc à la recherche de sources sérieuses en anglais et français. Et Kepel, vous en pensez quoi ?

  • Des limites de la grille d’analyse confessionnelle à Deïr az-Zour :
    http://www.theguardian.com/world/2016/jan/17/isis-fighters-abduct-400-civilians-major-attack-deir-ez-zor?CMP=twt_gu

    Islamic State fighters have abducted more than 400 civilians after capturing new ground in a major assault on the Syrian city of Deir ez-Zor that left dozens dead, according to reports.
    The British-based Syrian Observatory for Human Rights said Isis killed at least 135 people in the multi-front attack that began on Saturday.
    The dead included 85 civilians and 50 regime fighters, according to the human rights monitor, which said on Sunday that Isis also kidnapped more than 400 civilians from captured territory.
    Dozens killed by Islamic State in ’massacre’ in Syrian city of Deir ez-Zor
    Read more
    Those abducted, all of whom are Sunnis , include women, children and family members of pro-regime fighters,” said the director of the Observatory, Rami Abdel Rahman.

    #sunnites_humiliés ?

  • One Map That Explains the Dangerous Saudi-Iranian Conflict
    https://theintercept.com/2016/01/06/one-map-that-explains-the-dangerous-saudi-iranian-conflict

    In fact, much of the conflict can be explained by a fascinating map created by M.R. Izady, a cartographer and adjunct master professor at the U.S. Air Force Special Operations School/Joint Special Operations University in Florida.


    Map shows religious populations in the Middle East and proven developed oil and gas reserves. Click to view the full map of the wider region. The dark green areas are predominantly Shiite; light green predominantly Sunni; and purple predominantly Wahhabi/Salafi, a branch of Sunnis. The black and red areas represent oil and gas deposits, respectively. Source: Dr. Michael Izady at Columbia University, Gulf2000, New York

    What the map shows is that, due to a peculiar correlation of religious history and anaerobic decomposition of plankton, almost all the Persian Gulf’s fossil fuels are located underneath Shiites. This is true even in Sunni Saudi Arabia, where the major oil fields are in the Eastern Province, which has a majority Shiite population.

    As a result, one of the Saudi royal family’s deepest fears is that one day Saudi Shiites will secede, with their oil, and ally with Shiite Iran.

    This fear has only grown since the 2003 U.S. invasion of Iraq overturned Saddam Hussein’s minority Sunni regime, and empowered the pro-Iranian Shiite majority. Nimr himself said in 2009 that Saudi Shiites would call for secession if the Saudi government didn’t improve its treatment of them.

  • Behind Stark Political Divisions, a More Complex Map of Sunnis and Shiites - The New York Times

    http://www.nytimes.com/interactive/2016/01/04/world/middleeast/100000004124812.mobile.html?_r=0

    Impressionnante carte dans le NYT, mais je laisse les spécialistes seenthisiens commenter, sachant à quel point la cartographie (et donc la géographie) confessionnelle est une exercice complexe et dangereux (en ce quelle couvre souvent des grands surfaces très peu peuplées et font disparaitre des toutes petites surfaces urbaines archi-peuplées).

    Behind Stark Political Divisions, a More
    Complex Map of Sunnis and Shiites

    By SARAH ALMUKHTAR, SERGIO PEÇANHA and TIM WALLACE JAN. 5, 2016

    Sunni-led allies of Saudi Arabia have cut diplomatic ties with Shiite Iran, further polarizing
    the Middle East along the two major branches of Islam. But while almost all of the
    governments are controlled by one sect, the countries’ populations are a mix of Sunnis and
    Shiites, including sub-sects and other branches, an important factor in the region’s conflicts.

    #islam #cartographie #visualisation #sunnites #chiites #wahabbites

  • Un nouveau groupe jihadiste revendique une attaque contre le Hezbollah - L’Orient-Le Jour
    http://www.lorientlejour.com/article/948210/un-nouveau-groupe-jihadiste-revendique-une-attaque-contre-le-hezbolla

    Le groupe estime également que tous les sunnites du Liban « subissent des attaques répétées ». « Les jeunes sunnites et leurs cheikhs sont jetés en prison sans jugement, pendant que les chabiha et les cheikhs du Hezbollah se déplacent à bord de convois armés ». « Les sunnites n’ont pas le droit de porter des armes alors que des entrepôts d’armes du Hezbollah apparaissent dans toutes les régions libanaises », dénonce encore le groupe.

    « Les Comités de la résistance sunnite » assurent en outre que le Hezbollah est impliqué dans des opérations de trafic de drogue, « l’une des principales sources de financement » du parti après « l’argent iranien », pour lesquelles il bénéficie d’une impunité.

    Je ne serais pas étonné de voir ressurgir en force, avec l’offensive russe, le discours sur l’occupation du « Levant » par l’Iran et ses affidés (les chiites libanais étant toujours un peu suspects de ne pas être d’authentiques locaux...)

    #sunnites_humiliés

  • Le sectarisme sunnites - chiites utile au Daesh
    http://www.argotheme.com/organecyberpresse/spip.php?article2570

    Le désert d’Anbar irakien est passé sous contrôle du Daesh au début de l’année 2014. Les deux « ville-clés » Fallouja et Ramadi sont, en cette été 2015, les théâtres d’intenses combats où l’armée irakienne, aidée par des miliciens chiites, kurdes et sunnites, ainsi que l’aviation de l’alliance formée autour des Etats-Unis... Les experts constatent désormais que l’avancée pour la libération de ces deux importantes cités urbaines, Falloja et Ramadi, de ce Sahara, est ralenti. Les américains ont rajouté (...)

    international, suivi, grand événement, internationaux, monde, continent, Etats, conflits, paix,

    / Terrorisme , islamisme , Al-Qaeda , politique , , #Irak,_prison,_pétitions,_chiite,_sunnite,_journaliste, fait divers, société, fléau, délinquance, religion, (...)

    #international,suivi,_grand_événement,_internationaux,_monde,_continent,_Etats,_conflits,_paix, #Terrorisme_,_islamisme,Al-Qaeda,politique,_ #fait_divers,_société,_fléau,_délinquance,_religion,_perdition

  • 10,000 Arabs driven out by Kurd ethnic cleansing | The Times
    http://www.thetimes.co.uk/tto/news/world/middleeast/article4456567.ece

    Thousands of civilians have fled their homes in northern Syria as Kurdish forces carry out what appears to be a campaign of ethnic cleansing against Sunni Arabs.

    A source from one of the largest humanitarian organisations working inside Syria told The Times that the Kurdish People’s Protection Units (YPG) — the West’s closest allies in the war against Islamic State — have been burning Arab villages in areas of northeastern Syria that are under their control.