• Petites considérations sociologiques sur le #confinement

    Cette période de confinement liée à l’épidémie du #Covid-19 constitue une #épreuve_sociale inédite, qu’on peut comparer à une expérience de laboratoire in vivo. Le grand historien médiéviste, Marc Bloch, qui avait fait la « grande guerre » et en avait été très marqué, a écrit peu après, en 1921 dans la Revue de synthèse historique, un célèbre article, « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre » (publié aux Éditions Allia en 1999). Il y décrivait la guerre de 14-18 « comme une sorte de vaste #expérience naturelle. On a le droit en effet de considérer comme telle la guerre européenne : une immense expérience de #psychologie_sociale, d’une richesse inouïe. Les conditions nouvelles d’existence, d’un caractère si étrange, avec des particularités si accentuées, où tant d’hommes à l’improviste se sont trouvés jetés, — la force singulière des sentiments qui agitèrent les peuples et les armées — tout ce bouleversement de la vie sociale, et, si l’on ose ainsi parler, ce grossissement de ses traits, comme à travers une lentille puissante, doivent, semble-t-il, permettre à l’observateur de saisir sans trop de peine entre les différents phénomènes les liaisons essentielles ».

    Indépendamment de la déclaration du Président Macron (« nous sommes en guerre… »), il peut être intéressant de tirer ce fil entre situation de #guerre_militaire et celle de confinement. Ce dernier impose de très fortes #privations et #contraintes aux individus qui, dans les sociétés occidentales, n’y sont guère habitués. Les premières questions qui viennent à l’esprit à ce sujet sont les suivantes : le confinement est-il respecté en France ? « Un peu, beaucoup, pas du tout » ? Par qui ? Comment ? Plus en campagne qu’en ville ? plus en centre-ville que dans les « quartiers » ? etc. Faute de données statistiques fiables, le premier réflexe qu’on doit avoir en la matière est celui de la prudence interprétative.

    Avant d’aborder la manière dont on peut procéder par la mobilisation d’une série d’indices, à même de nous guider vers des hypothèses de travail, commençons par un étonnement. Que voici. En fidèle téléspectateur du Journal télévisé (JT) de France 2 (défense du service public oblige…), on remarque que la question du #vécu du confinement dans les #quartiers_populaires y a été fort peu abordée, voire pas du tout. La fuite des Parisiens vers leurs #résidences_secondaires a été un sujet traité, mais la manière dont les jeunes et les familles, parfois nombreuses, vivent leur confinement dans leurs appartements #HLM semble avoir été oubliée. Est-ce un oubli volontaire ? Ou la simple trace médiatique de la moindre importance accordée aux conditions sociales d’existence des #classes_populaires dans le milieu des professionnels de l’information ? On ne saurait laisser de côté l’hypothèse du respect de l’« #union_nationale » requise en cette période de confinement. Celle-ci suppose une mobilisation de l’appareil d’information et l’opération d’un tri dans l’amoncellement des « nouvelles du front ». Priorité est donnée dans le #JT de la #télévision_publique au suivi des opérations dans les hôpitaux, à la découverte du travail de tous les soignants et de leur entier dévouement, à l’écoute des avis des grands professeurs de médecine (« infectiologues »). Bref, une #mise_en_scène télévisuelle de l’« #effort_national » — ce qui, en soi, n’est pas critiquable.
    Sur le versant des effets sociaux de cette #pandémie, les reportages sur les #familles face au confinement (#école_à_la_maison, #télétravail des parents, aménagements divers de cette nouvelle vie…) semblent surtout réservés aux familles de milieu favorisé. Sans doute parce qu’elles laissent entrer plus facilement les caméras à leur domicile. Il ne s’agit pas pour autant de crier tout de suite au complot d’Etat et/ou de dénoncer une chaine de télévision « aux ordres du gouvernement ». Sans doute peut-on penser que le #service_public_télévisé contribue à sa manière à l’union nationale en laissant prudemment dans l’ombre ce qui pourrait l’entacher.

    A géométrie variable

    Une fois examiné la manière dont le thème du confinement est traité à la télévision (publique), donnons un petit coup de projecteur sur la manière dont il est opéré en pratique. Procéder à une petite revue de presse dans les quotidiens régionaux (L’Est républicain, Le Parisien, Le Progrès), permet de recueillir des indices suggestifs, sinon probants, sur le confinement à géométrie variable lors de cette première semaine. Sans surprise, le confinement a mis un peu de temps à se mettre en place et semble respecté de manière inégale.

    Selon les témoignages des directeurs de la #sécurité_publique ou des gendarmes, différents profils de « #déviants » à la #norme apparaissent, comme ici dans la région du Grand est particulièrement touchée. Le lieutenant de gendarmerie François qui coordonne le dispositif dans le sud du Territoire de Belfort fait le diagnostic suivant : « Une grande majorité les respecte… Mais une partie n’a pas compris l’#esprit_du_confinement et une autre n’est pas prête à le comprendre. » Le maire (et infirmier) de la ville ouvrière de Valentigney (proche de l’usine de Sochaux-Peugeot et avec une grande ZUS, les Buis), observe « dans le quartier mais également au centre-ville des comportements dangereux, irresponsables ». La journaliste de L’Est s’est donc rendue dans la cité des #Buis pour aller y voir de plus près et, là, elle a rencontré une dizaine de jeunes près d’une place, plutôt amènes.

    Pris en défaut

    Laissons la relater la scène et la manière dont ces jeunes pris en défaut de groupement non autorisé tentent de se justifier : « Chez nous, on ne tient pas en place », note l’un d’entre eux qui, comme ses potes, se sent à l’abri du virus. « On se lave les mains, on garde nos distances, c’est la base », souligne un deuxième. Un troisième Doubien montre son attestation : « On a le droit de sortir fumer une clope. Surtout que certains n’ont pas le droit de fumer chez eux… Et puis, on s’ennuie ici, il n’y a rien à faire ! Rester un mois enfermé, c’est inimaginable. » Jeudi soir, ils ont même organisé un barbecue : « Quand on a vu les policiers, on a couru pour leur échapper. Et vous savez ce qu’ils ont fait, Madame, ils ont gazé notre viande. C’est du gâchis. » (Est républicain, 21/03/2020). Dans un article du même jour, le directeur général de la compagnie des bus du Pays de Montbéliard livre des informations congruentes : « En cette période de grave #crise_sanitaire, certains jouent aux #malins. On a dû raccourcir une ligne, que nous sous-traitons, parce que des #jeunes montaient chaque jour dans le bus, à la même heure, pour le squatter ! » Enfin, à Bourg-en-Bresse, selon le commissaire de police, « Ce sont plutôt les plus jeunes et les plus anciens qui bravent l’interdiction. Malheureusement, on a verbalisé certains jeunes à tour de bras dans certains quartiers. Des jeunes disent qu’ils s’en fichent et que le coronavirus est une invention pour casser l’économie » (Le Progrès, 22/03/2020).

    Ces témoignages ne suffisent pas à baliser tout le terrain d’enquête. Loin de là. Ils ont pour principal intérêt de mieux faire entrevoir les raisons qui peuvent conduire certaines fractions de la population à ne pas vouloir – et surtout ne pas pouvoir – respecter le strict confinement désormais imposé en France. Le groupe des plus #réfractaires au confinement a de fortes chances de se retrouver dans une population plutôt jeune et masculine, soit en situation de #décrochage_scolaire, soit appartenant à la population « flottante » des quartiers. A lire entre les lignes ces articles de presse, on pressent quelques facteurs clés de leur penchant pour la #transgression de la règle du confinement : bien sûr, en tout premier lieu, « l’#ennui » et le besoin quasi vital de se retrouver « entre potes » mais aussi la difficulté de cohabiter harmonieusement avec leurs parents et de devoir respecter des interdits au domicile familial (l’exemple de « fumer »). Les divers types de #résistance qu’on voit surgir dans les quartiers déshérités de la République méritent examen et ne doivent pas être renvoyés trop facilement du côté de la #faute_morale.

    Sentiment de #marginalité

    Même s’il est incontestable que le non-respect des règles de confinement fait courir collectivement des #risques_sanitaires, il dit quand même beaucoup de choses sur le sentiment de marginalité (#outcast) qu’ont d’eux-mêmes ces individus. On pourrait à ce titre, se risquer à faire l’analogie avec le mouvement des gilets jaunes et la signification sociale des formes de violence (inusitée) qu’il a employées pour se faire entendre des « puissants ».

    La pratique de la lecture est distribuée de manière très inégale selon les groupes sociaux

    A partir de ces premières incursions en terre de confinement, faut-il déplorer comme notre historien national (autoproclamé) Stéphane Bern le fait dans Le Figaro (22/3/2020), « la perte du #sens_civique » dans notre vieille France ? Ne convient-il pas plutôt de rappeler que ce confinement constitue une très forte #contrainte qui est – et sera – vécue de manière très différente selon les #conditions_sociales de nos concitoyens. D’abord les conditions matérielles : on sait bien que ceux qui possèdent un grand logement, un jardin, qui peuvent sortir les enfants à la campagne, etc., souffrent moins du confinement. Ensuite, les #conditions_culturelles : le président Macron a dit à ses concitoyens : « Lisez ! » Mais la pratique de la #lecture est distribuée de manière très inégale selon les groupes sociaux.
    Ce long moment de confinement opère déjà comme un très grand amplificateur des #inégalités spatiales et sociales. C’est peu dire que les semaines qui s’annoncent vont constituer une véritable épreuve pour ceux qui appartiennent à la catégorie des « pauvres », définis aussi bien à partir de leur #capital_économique que de leur #capital_culturel.

    https://www.alternatives-economiques.fr/stephane-beaud/petites-considerations-sociologiques-confinement/00092259
    #sociologie #Stéphane_Beaud #classes_sociales

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    citations pour @davduf :

    Jeudi soir, ils ont même organisé un barbecue : « Quand on a vu les policiers, on a couru pour leur échapper. Et vous savez ce qu’ils ont fait, Madame, ils ont gazé notre viande. C’est du gâchis. » (Est républicain, 21/03/2020).

    Enfin, à Bourg-en-Bresse, selon le commissaire de police, « Ce sont plutôt les plus jeunes et les plus anciens qui bravent l’interdiction. Malheureusement, on a verbalisé certains jeunes à tour de bras dans certains quartiers. Des jeunes disent qu’ils s’en fichent et que le coronavirus est une invention pour casser l’économie » (Le Progrès, 22/03/2020).

  • La farce tragique de la télé publique grecque
    http://fr.myeurop.info/2014/05/07/farce-tragique-de-la-tele-publique-grecque-13776

    Effy Tselikas

    Le gouvernement grec rouvert en catimini un ersatz de télé publique. Récit d’une farce télévisuelle à la veille des #élections législatives et européennes dans un PAG (Paysage audiovisuel grec) en pleine déliquescence.

    Ellinophrénia, est une émission quotidienne (son nom signifiant schizophrénie grecque) qui réunit des milliers de téléspectateurs tous les soirs sur lire la suite

    #Société #Politique #Grèce #élections_européennes_2014 #Médias #télévision #télévision_publique #TV

  • La #télévision_publique grecque émet de nouveau, de manière clandestine - Résistance - Basta !
    http://www.bastamag.net/article3122.html

    Le signal des trois chaînes et des radios publiques s’est tu dans la soirée. Il aura fallu 12 heures aux ingénieurs et techniciens du service public pour imaginer une solution. Les obstacles étaient pourtant nombreux. Les émetteurs, sur les hauteurs d’Athènes, ont été coupés suite à l’intervention des forces de l’ordre. L’accès à Internet a été fermé par l’opérateur Forthnet, dont ERT est client, et qui possède par ailleurs un bouquet de chaînes satellitaires [1]. Le signal satellite a lui aussi été suspendu. Ce qui, selon George Katerinis, du syndicat national des journalistes Poesy, aurait provoqué l’ire du gouvernement chypriote. Car l’île n’a, du coup, plus accès aux programmes satellitaires diffusés via le réseau coupé de l’ERT. Même les communications téléphoniques sont limitées. La compagnie des télécoms grecque (OTE), dont Deutsche Telekom est l’actionnaire principal, aurait reçu l’ordre du gouvernement d’interrompre toute liaison vers l’extérieur du bâtiment.

    Pourtant, un canal numérique continue de diffuser en direct les émissions de l’ERT, reprises également sur Internet. « Depuis ce soir, environ 60% des Athéniens peuvent regarder notre programme », sourit un ingénieur technicien. La magie porte un nom : l’Union européenne de radio-télévision (UER, « European Broadcasting Union »). L’organe interprofessionnel représentant l’ensemble des radiodiffuseurs de service public d’Europe a fourni gratuitement un canal à ERT. « Nous n’avons évidemment jamais été confrontés à un épisode de ce genre, qui est en réalité totalement inimaginable dans une démocratie », a expliqué au Monde le président de l’UER. « Nous savons, en revanche, que lorsqu’il postule à une adhésion (à l’Union européenne, ndlr), un État doit démontrer qu’il dispose d’un émetteur public indépendant et doté d’une autonomie de gestion. »

    #Grèce

  • Fermeture de la #télévision_publique grecque : un nouveau pas vers un régime autoritaire - Austérité - Basta !
    http://www.bastamag.net/article3117.html

    Frappée par l’#austérité, placée sous tutelle de la Commission européenne, la #Grèce vient de franchir une nouvelle étape vers l’autoritarisme. Le 11 juin, le gouvernement a brutalement fermé par décret la radio-télévision publique. Sous prétexte de réduire le nombre de fonctionnaires, il se débarrasse ainsi d’un vecteur d’informations de plus en plus gênant. Au profit des chaînes privées, contrôlées par des intérêts économiques proches du pouvoir. Basta ! était aux côtés des milliers de manifestants qui ont entouré le siège de la radio-télévision pour retarder l’assaut des forces de l’ordre.

    • « La télévision publique est la seule à parler des grèves et des mouvements sociaux, analyse Adonis Kashitas, qui a travaillé pendant 30 ans comme cameraman. Ils veulent détruire tout mouvement de contestation, à commencer par l’information ».
      « Le gouvernement a complétement dévalorisé notre travail ces dernières années, complète Nicky Tselika. Voir les gens exprimer ainsi leur solidarité nous touche beaucoup. » Les principaux partis d’opposition sont venus apporter leur soutien aux employés de la radio-télévision publique : Syriza (la coalition de la gauche radicale), les « Grecs indépendants » (droite souverainiste opposée à l’austérité) et le KKE (Parti communiste), qui propose de diffuser les émissions de l’ERT sur la chaîne qu’il possède. Le parti néo-nazi Aube dorée (7% aux dernières élections) a annoncé qu’il soutenait la fermeture.

    • « serious errors » - on n’a pas besoin beaucoup de fantaisie pour comprendre la suite des calculs bien opportunistes par laquelle la décision était imposé sans avertissement tout à trac.

      https://www.nytimes.com/2013/06/12/world/europe/greece.html?_r=0

      The move came just days after one of Greece’s lenders, the International Monetary Fund — while acknowledging “serious errors” in the austerity policies it has imposed on the country — chastised the government as having failed to take “politically difficult measures” to shrink the public sector since it received its first bailout in 2010.

      Athens promised its creditors this week to dismiss 4,000 civil servants this year, including 2,000 by the end of the summer and 15,000 by the end of 2014.

      That may not sound daunting in a public work force of around 650,000. Yet, through more than three years of drastic budget cuts and a rapidly shrinking economy, the debt-ridden country has yet to fire a single government employee.

    • Les images que la télévision publique grecque ne diffusera pas
      http://www.bastamag.net/article3121.html

      10 000 manifestants ont convergé le 11 juin vers les locaux de la télévision publique grecque, dont le gouvernement a annoncé la fermeture dans l’après-midi. Dans les couloirs, les salariés ont du mal à réaliser qu’ils viennent d’être licenciés, sans aucun préavis. Les forces de l’ordre ont pris le contrôle des émetteurs pour empêcher toute diffusion de programme. Devant le siège de la télévision, leaders politiques et artistes se relaient pour exprimer leur indignation et leur inquiétude face à cette décision autoritaire. Aperçu en image d’une soirée pendant laquelle la démocratie grecque a de nouveau été bafouée.

      http://vimeo.com/68212911#