• Scandale de la #chlordécone : de nouveaux éléments contredisent la #justice
    https://www.radiofrance.fr/franceinter/scandale-de-la-chlordecone-de-nouveaux-elements-contredisent-la-justice-

    Selon [les juges Brigitte Jolivet et Fanny Bussac], les données de la science, au moment où ces #pesticides ont été autorisés, n’étaient donc pas celles dont on dispose aujourd’hui. Et pour en arriver à cette conclusion, les juges avaient demandé à plusieurs experts scientifiques quelles étaient les connaissances que l’on avait des effets sur la #santé humaine de ces pesticides des années 70 à 90.

    “Lorsqu’on regarde les études publiées dans la littérature scientifique, on savait près de 80% de ce que l’on sait aujourd’hui de la toxicité de la chlordécone”, affirme Jean-François Narbonne, le toxicologue qui a été consulté par la justice. Dès 1979, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) avait classé la chlordécone comme cancérigène possible pour l’homme. Mais aux yeux des juges, cela n’était pas suffisant pour affirmer qu’on avait conscience des conséquences que son utilisation pouvait potentiellement avoir sur la santé.

    Pour en arriver là, la justice a dû faire l’impasse sur plusieurs années d’archives, et notamment sur les comptes rendus (essentiels pour la compréhension de ce sujet) des différentes commissions qui étaient chargées d’évaluer les produits chimiques mis sur le marché. Pour qu’un industriel puisse obtenir l’autorisation de vendre un pesticide, il devait en effet présenter des résultats d’analyses. “Il y avait deux dossiers : un sur la toxicité du produit, étudié par les experts de la commission des toxiques, et un autre sur son efficacité, étudié par une commission d’agronomes et d’industriels”, explique Henri Vannière, ancien chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Et en cas d’avis divergents, c’est le ministre de l’Agriculture qui tranchait à la fin. Or lorsque l’enquête judiciaire débute en 2008, il n’existe plus aucune trace des propos qui ont été tenus en commission des toxiques entre 1972 et 1989, ce qui couvre une période de 17 ans de comptes-rendus. Ces documents concernent pourtant la période cruciale qui va de l’autorisation jusqu’au retrait des produits à base de chlordécone.

    • Chlordécone : quand des vérités refont surface
      https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/04/26/chlordecone-quand-des-verites-refont-surface_634273.html

      En janvier 2023, les juges ont prononcé un non-lieu dans l’affaire du chlordécone, un pesticide jugé très dangereux et ravageur en Martinique et en Guadeloupe dont ils ont estimé que, à l’époque, la science ne pouvait prédire les conséquences de son utilisation.

      Ce #pesticide a été très largement répandu de 1972 à 1993 dans les bananeraies, pour lutter contre le charançon du bananier sur demande et pression des riches békés de la Martinique, dont Lagarrigue et Yves Hayot. Il a été interdit dans l’hexagone en 1990, après l’avoir été aux USA en 1975. Mais le gouvernement français, toujours très lié au lobby béké des deux îles, avait accordé une dérogation de trois ans pour les Antilles.

      On a appris depuis que huit années d’archives ont mystérieusement disparu du dossier du chlordécone. Cherchez à qui profite le crime. La cellule d’investigation de Radio France a pu établir, il y a quelques jours, que des alertes de scientifiques, comme celle du professeur René Truhaut, sur la dangerosité de la molécule de chlordécone existaient depuis 1981.

      De même, elle a pu établir que la Ddass de Martinique avait été alertée sur la présence de chlordécone dans l’eau dès 1991. Pendant de nombreuses années donc, et sept ans après que la Ddass de Martinique a été au courant, la population a bu de l’eau chlordéconée. Jusqu’à aujourd’hui, vu l’état de délabrement du réseau d’eau potable et des usines de traitement, la présence de #chlordécone dans l’eau est quasi permanente, comme le démontre la fréquence des alertes officielles. Ceux qui le peuvent achètent de l’eau minérale et très rares sont ceux qui peuvent se payer des fontaines de traitement domestiques, agréées par l’Institut Pasteur, à 1 500 euros.

      Des scientifiques, des médecins avaient alerté notamment sur le risque de cancer et en particulier de cancer de la prostate que fait courir l’absorption du chlordécone. La Martinique et la Guadeloupe connaissent un taux de ce cancer parmi les plus élevés au monde. Plus de 90 % de la population des Antilles françaises a du chlordécone dans le sang. Les ouvriers agricoles des zones bananières sont les plus touchés. C’est l’hécatombe dans ces zones. D’autres types de cancer sont en augmentation. Les ouvriers agricoles, aussi bien hommes que femmes, en sont largement victimes. Mais l’ensemble de la population est touchée en buvant l’eau du robinet ou en mangeant les produits du sous-sol (ignames, madères, dachin, malangas, patates douces) ou les poissons du littoral. Ces derniers sont contaminés par l’eau des rivières qui se déversent dans la mer. Les sous-sols sont contaminés pour des siècles.

      Des responsables ont donc menti, puis ont fait disparaître des centaines d’archives pour masquer l’ampleur d’un crime de masse perpétré par l’État et les gros propriétaires békés. Ils sont protégés par la justice, qui est leur justice. Et tout cela pour réaliser le maximum de profit.

      Aujourd’hui, le monde entier connaît l’ampleur du crime. Beaucoup de vérités sont dévoilées. La population, les travailleurs agricoles et les plus pauvres payent le prix fort en santé et en maladie, mais ils ont déjà gagné en grande partie. Le scandale est dévoilé et l’opinion se tourne vers les responsables : l’État et les capitalistes terriens, les riches békés des Antilles.

      La lutte pour l’indemnisation des victimes, en particulier les ouvriers agricoles, est renforcée de ces nouveaux arguments. La reconnaissance de l’empoisonnement au chlordécone comme maladie professionnelle en est à ses balbutiements. Ce n’est pas encore entièrement gagné mais c’est le fruit des mobilisations ouvrières et populaires, des manifestations, des protestations sous toutes leurs formes. Elles doivent se poursuivre.