C’est mon analyse sur le « déjà-la fasciste » : la dictature est déjà-là, nous vivons déjà dans une politique classiquement d’extrême droite avec des éléments de fascisme, toutefois l’instauration d’un régime fasciste (à ce stade) n’est pas nécessaire pour la bourgeoisie et les vrais fascistes (minoritaires mais qui existent) n’ont pas les moyens de leur ambition.
Etre conséquent : arrêter les injonctions morales prospectives, résister ici et maintenant
Craindre le danger RN comme un danger d’une toute autre nature que celui que nous vivons actuellement, ici et maintenant, c’est faire preuve d’une dissonance cognitive qui nous empêche de voir la nature réelle du régime.
Sur-diaboliser le RN c’est dédiaboliser le macronisme, c’est donc dédiaboliser l’extrême droite dans ses modalités pratiques : c’est ici et maintenant que les opposants sont arrêtés, mutilés, éborgnés, fichés S, mis dans le coma, que des médias sont censurés, des journalistes tabassés, des migrants maltraités, laissés à la mort en Méditerranée…
La question, sommes-toute très peu intéressante et inopérante, de jouer, un jour d’élection, une fois tous les cinq ans, la carte Macron contre Le Pen (question qui par ailleurs signifie que nous avons déjà perdu et que la suite n’est donc plus vraiment dans nos cordes) n’est pas celle qui nous est posée à ce jour. C’est seulement en détruisant le macronisme que l’on peut espérer qu’il emporte le RN dans sa chute : car le RN et Macron c’est en réalité le même monde, le même socle d’idées, les mêmes héritages historiques revendiqués et – in fine – les mêmes promoteurs.
Et puisque nous ne faisons que perdre, l’introspection peut parfois avoir du bon : la “stratégie” du barrage comme unique vision pour l’avenir, stratégie de faiblesse et de chantage moral, appartient aux causes de notre spirale de défaite, à notre absence de confiance en nous, à notre manque d’ambition, là où il est grand temps de privilégier une réelle sécession d’avec la bourgeoisie autoritaire qui s’apprête à faire bloc et à se jouer, une fois de plus, de nos insuffisances et de nos peurs.
Il y a de quoi craindre mais il faut craindre maintenant : ce n’est pas demain que nos libertés élémentaires (manifestation, rassemblement, expression…) sont toutes remises en question, que la xénophobie la plus crasse s’exprime contre les musulmans, que nos droits sociaux sont balayés, c’est sous Macron et c’est donc contre lui qu’il nous faut riposter, de la même manière que nous le ferions sous un gouvernement labellisé d’extrême droite.
Rob Grams