marielle 🐱

« vivere vuol dire essere partigiani » Antonio Gramsci

  • Vouloir perdre, vouloir gagner
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    Quand un pouvoir en est Ă  redouter des casseroles, des bouts de papier rouges et des sifflets, c’est qu’il est au bord de tomber. Est-on fondĂ© Ă  se dire. Et pourtant il tient. Il tient parce que des institutions totalement vicieuses le lui permettent. Parce que toute moralitĂ© politique, tout ethos dĂ©mocratique, l’ont abandonnĂ©. Parce qu’il est aux mains de forcenĂ©s qui n’ont plus aucune idĂ©e de limite.

    Il tient aussi parce que les conducteurs du mouvement – pour parler clair, l’Intersyndicale – n’ont pas eu le dĂ©but du commencement d’une analyse de l’adversaire, et persistent dans une stratĂ©gie dĂ©sormais avĂ©rĂ©e perdante – on n’avait d’ailleurs nul besoin de passer quatre mois Ă  le vĂ©rifier : on pouvait le leur dire dĂšs le premier jour. Les stratĂ©gies de la dĂ©cence dĂ©mocratique, par la seule manifestation paisible du nombre, Ă©chouent lĂ  oĂč, en face, il n’y a plus que de l’indĂ©cence dĂ©mocratique.

    • ... Or, l’Intersyndicale aura Ă©tĂ© la fabrique de l’impuissance. Elle a certes produit le nombre, mais du nombre vain, du nombre inutile — du nombre qui perd.

      Et pourtant, le nombre ne se rĂ©signe pas Ă  perdre. Les casserolades sont devenues le symbole admirable de cette combativitĂ© qui ne dĂ©sarme pas. Paradoxe (ça n’en est pas un) : on y retrouve bon nombre de syndiquĂ©s, de la CGT, de Sud, en cherchant bien on y dĂ©goterait mĂȘme un peu de CFDT. Les casserolades c’est la vraie Intersyndicale : l’Intersyndicale par le bas. En mieux mĂȘme : ouverte au monde extra-syndical, activistes d’organisations variĂ©es (c’est tout de mĂȘme Attac qui a lancĂ© le mouvement), citoyens ordinaires. Un laboratoire. Qui illustre cette vĂ©ritĂ© ambivalente que l’auto-organisation n’a besoin de personne
 et cependant qu’elle a aussi besoin d’un pĂŽle.

      Pour peu qu’on les regarde avec deux sous de luciditĂ©, en effet, les casserolades, si merveilleuses soient-elles, sont vouĂ©es Ă  l’extinction. Pour une raison simple, toujours la mĂȘme : on « n’y va pas », ou on « n’ira plus », si on se sent seuls Ă  y aller, et surtout s’il n’existe aucun dĂ©bouchĂ©, aucune perspective stratĂ©gique de victoire pour soutenir la mobilisation dans le temps. Alors, logiquement, l’effort s’étiole, et les casserolades sĂ©parĂ©es s’éteignent les unes aprĂšs les autres.

      La faute la plus impardonnable de l’Intersyndicale, c’est de n’avoir Ă  ce point rien fait d’une telle abondance d’énergie politique — c’est d’avoir failli comme pĂŽle de la mise en forme stratĂ©gique. La nĂ©cessitĂ© d’un pĂŽle est une nĂ©cessitĂ© logique. Sauf Ă  croire aux miracles de la coordination spontanĂ©e Ă  grande Ă©chelle, seul un pĂŽle peut agrĂ©ger les multiples puissances locales, autrement vouĂ©es Ă  demeurer Ă©parses, en une puissance globale, et ceci en leur proposant une direction stratĂ©gique. Une direction que tout le monde regarde et Ă  partir de laquelle, la regardant, tout le monde se coalise rĂ©ellement, dans une action puissante.

    • On pouvait accorder du bien-fondĂ© Ă  la stratĂ©gie de l’Intersyndicale, Ă  la condition qu’elle-mĂȘme la considĂ©rĂąt comme phasĂ©e : un premier temps de pure construction du nombre et du capital symbolique Ă©tait utile. Mais ceci supposait que l’Intersyndicale serait capable de se transcender elle-mĂȘme et, passĂ© le premier temps de construction, d’entrer dans une deuxiĂšme phase, de pivoter, de faire quelque chose du nombre construit. C’était trop demander.

      Le moment pourtant lui a Ă©tĂ© dĂ©signĂ© : 16 mars, 49.3. Pour son malheur, l’Histoire, dont on, dit usuellement qu’elle ne repasse pas les plats, pourrait bien rouvrir une fenĂȘtre. Voici la proposition de loi d’abrogation LIOT. Et surtout son devenir probable : votĂ©e Ă  l’AssemblĂ©e, elle sera rejetĂ©e au SĂ©nat, mais avec interruption violente du processus parlementaire par refus de convoquer une commission mixte paritaire. À supposer d’ailleurs qu’elle ne soit pas d’emblĂ©e escamotĂ©e au prĂ©texte de l’article 40. Dans tous les cas, ce sera un nouveau coup de force, semblable en niveau d’outrage Ă  celui du 49.3. La colĂšre est encore rougeoyante, bienvenue au litre d’alcool Ă  brĂ»ler.


      Cette loi LIOT, quel flĂ©au pour l’Intersyndicale — qui l’oblige Ă  faire quelque chose lĂ  oĂč elle n’a envie de rien faire, qui lui tend des opportunitĂ©s qu’elle n’a aucun dĂ©sir de saisir. Car nous savons qu’en l’état, l’Intersyndicale ne fera rien de plus de cette deuxiĂšme fenĂȘtre miraculeuse. Sauf Ă  ce qu’elle mute : en se sĂ©parant de la CFDT, et en se resserrant comme bloc enfin combatif. Évidemment, pour en trouver les voies, il faudrait rompre avec le fĂ©tichisme de « l’unitĂ© », c’est-Ă -dire ĂȘtre capable de ne pas se laisser impressionner par les larmes de crocodile mĂ©diatiques, qui ne manqueraient pas de prononcer la fin de tout sitĂŽt le dĂ©part de Berger, le doudou de la dĂ©faite avec les honneurs. L’« unitĂ© », ce talisman mensonger. Il n’y avait pas d’« unitĂ© » en 1995. Et 1995 a gagnĂ© – pour cette raison mĂȘme : il a toujours mieux valu des unitĂ©s moindres mais combatives que des unitĂ©s larges mais dĂ©sireuses de perdre, en tout cas de ne rien faire de ce qui Ă©tait requis pour vaincre (comme d’élargir la revendication Ă  l’indexation des salaires, cet embrayeur irrĂ©sistible). L’unitĂ© intransitive, l’unitĂ© pour l’unitĂ©, est un mirage. On comprend que les mĂ©dias mettent tant d’efforts Ă  nous la rendre si prĂ©cieuse.

      Ce mouvement imperdable, mais dont les conducteurs ont tout fait pour qu’il perde, n’a donc pas encore perdu. Pour peu que le pĂŽle dĂ©missionnaire se restructure en pĂŽle rĂ©solu — Ă  remettre la grĂšve Ă  l’ordre du jour. On reste songeur que cette solution ait Ă©tĂ© aussi obstinĂ©ment Ă©vacuĂ©e. N’était-elle pas la seule stratĂ©gie de puissance, d’ailleurs doublement prĂ©fĂ©rable puisque son efficacitĂ© est Ă©tablie et qu’elle minimise l’engagement violent — Ă  cet Ă©gard, elle est vraiment la derniĂšre station avant l’autoroute insurrectionnelle. Car tous ceux qui ont vu leur Ă©nergie absorbĂ©e par le vortex de l’impuissance en tireront, ont dĂ©jĂ  commencĂ© Ă  en tirer, des conclusions. L’Intersyndicale Berger qui a de la « condamnation de toutes les violences » plein la bouche aurait dĂ» « logiquement » faire un effort non seulement pour considĂ©rer la grĂšve dure, mais pour la promouvoir ardemment. Au lieu de rĂ©pĂ©ter bras ballants que « les gens sont trĂšs en colĂšre ». Et de les y abandonner sans solution.

      On peut supposer que la profondeur des organisations syndicales ne manque pas de militants dĂ©terminĂ©s, qui observent consternĂ©s l’impasse oĂč leurs dirigeants les ont conduits. De la liste, qu’on croyait enfin terminable, des dĂ©faites syndicales enfilĂ©es comme des perles depuis 2010 (les retraites, dĂ©jĂ ), celle de 2023 restera comme une sorte de joyau de la couronne. Le scandale des institutions, c’est le gaspillage qu’elles font du dĂ©vouement de leurs membres : tous ces piquets Ă  l’aube, tous ces salaires abandonnĂ©s, tous ces coups reçus dans les dĂ©blocages, toutes ces intimidations judiciaires. Pour rien ?

      Il n’est nullement fatal qu’il en soit ainsi, mĂȘme encore aujourd’hui. Pendant quatre mois, il faut se souvenir que ce pouvoir a Ă©tĂ© d’une certaine maniĂšre un alliĂ© objectif, aussi puissant qu’inattendu, des mobilisations : par le spectacle continu de son infamie et le sentiment de scandale qu’il n’a cessĂ© de nourrir. Ce « naturel » lĂ  n’est pas prĂšs de faire dĂ©faut.

      La voie de la grande grĂšve n’est pas fermĂ©e pour peu qu’un nouveau pĂŽle vienne Ă  se former, quitte d’ailleurs Ă  ce que ce soit Ă  partir de l’ancien. Un pĂŽle qui soit capable d’analyse. Analyse stratĂ©gique de ce qu’il est permis d’espĂ©rer comme compromis significatif dans le jeu policĂ© (et frelatĂ©) du « dialogue social » — rien —, et de ce que ce « rien » dĂ©termine comme seule issue consĂ©quente : une ligne d’affrontement autre que « symbolique ». Et puis analyse tactique de ce qu’une conjoncture Ă  la fois fluide et inflammatoire peut rĂ©server d’opportunitĂ©s. Pour que, si venait Ă  s’ouvrir une nouvelle fenĂȘtre, cette fois elle soit prise.

    • Et maintenant , la bagarre politique commence...

      « Il faudra quand mĂȘme m’expliquer cette logique qui veut que le bureau de l’assemblĂ©e prĂ©sidĂ© par Yael Braun-Pivet valide cette PPL y compris au titre de l’article 40 (art 89-1 du rĂšglement) mais ensuite estime de façon aussi certaine qu’il me reviendrait de l’invalider. »

      ▻https://video.twimg.com/amplify_video/1661624612369620993/vid/1280x720/kuaN9AC1h-zzY1m9.mp4?tag=16


      « La proposition de loi du Groupe LIOT est contraire Ă  l’article 40. Il appartient maintenant au prĂ©sident de la Commission des Finances, Eric Coquerel, de prononcer l’irrecevabilitĂ©. C’est sa mission, j’espĂšre qu’il la remplira » #ReformeDesRetraites

      ▻https://twitter.com/ericcoquerel/status/1661626026672156674?cxt=HHwWhMCz1amEpI8uAAAA

      « YaĂ«l Braun-Pivet qui a validĂ© la proposition de loi de LIOT sur la rĂ©forme des retraites veut que Coquerel la juge irrecevable parce qu’elle a dĂ©couvert entre temps l’article 40
      Fiers d’ĂȘtre des magouilleurs amateurs
      
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