• Hautes-Alpes : le principal témoin de la noyade d’une jeune migrante menacé d’expulsion

    Hervé S., un Camerounais de 35 ans, est sous le coup d’une #OQTF. Un « #acharnement », selon son avocat, alors que l’homme avait assisté à la mort d’une jeune Nigériane dans une rivière après qu’elle a été poursuivie par les gendarmes français.

    « Voici comment on traite dans ce pays ceux qui osent interroger les pratiques des forces de l’ordre. » Devant la juge administrative du tribunal de Lyon, Me Jérôme Drahy pose ce jeudi 13 juillet l’enjeu – politique, estime-t-il – de la décision que le tribunal rendra en début de semaine prochaine. Son client, Hervé S., Camerounais de 35 ans, conteste l’#obligation_de_quitter_le_territoire_français (OQTF) prise à son encontre par la préfecture du Rhône et son #expulsion imminente. Il est aussi le principal #témoin à charge dans le dossier de Blessing Matthew. Cette Nigériane âgée d’une vingtaine d’années s’était noyée dans la Durance en crue en mai 2018, poursuivie par les gendarmes mobiles alors qu’elle venait de passer la frontière haut-alpine de Briançon (Hautes-Alpes) par des sentiers de montagne. Hervé était avec Blessing cette nuit-là.

    La justice avait classé sans suite l’enquête préliminaire et a toujours refusé depuis d’ouvrir une enquête judiciaire sur ce drame, malgré deux recours successifs portés par la famille de Blessing, l’association Tous migrants et le collectif de chercheurs Border Forensics. Cette ONG a publié un rapport en 2022, appuyé sur le témoignage d’Hervé et sur les contradictions dans les récits des gendarmes. Sa conclusion : « En poursuivant Blessing, les gendarmes ont pu la mettre en danger, menant à sa chute dans la Durance et à sa mort. » Après le rejet de leur demande de réouverture de l’enquête, Tous migrants et Border Forensics ont déposé une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme en octobre 2022, qui n’a pas encore été examinée. Hervé est donc un témoin clé. Pour maître Drahy, « l’empilement de mesures défavorables » à l’égard de son client, relève d’un « acharnement ».

    « Syndrome de stress post-traumatique »

    Hervé S. craint par ailleurs pour sa vie s’il est renvoyé au Cameroun, où il est toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt. Depuis le départ de son pays natal, en 2018, il a connu un parcours « jalonné par la mort et la souffrance », selon son avocat. Harcelé par l’armée camerounaise, en raison de sa liaison avec Aïcha, la fille d’un colonel de gendarmerie musulman, lui qui est chrétien, il est d’abord emprisonné et violemment torturé dans une caserne. Son corps en porte les stigmates. Il décide de prendre la fuite du Cameroun avec Aïcha et leur bébé. Ils sont rançonnés en Libye, où Aïcha est aussi violée. La famille décide de traverser la Méditerranée pour l’Europe, mais Aïcha et son fils se noient – sous les yeux d’Hervé – lors du naufrage de leur embarcation de fortune au large des côtes italiennes.

    L’homme souffre depuis d’un profond sentiment de culpabilité. Pire : selon ses dires, au pays, le colonel n’a jamais cessé de harceler sa famille. Son père est mort d’un AVC après avoir été menacé et sa sœur a péri lors de l’incendie criminel de sa maison. Me Drahy, certificats médicaux récents à l’appui, indique que l’état de son client nécessite aujourd’hui des soins impératifs : « Syndrome de stress post-traumatique et dépression sévère. »

    Une décision « doublement vitale »

    Un diagnostic qui explique, selon l’avocat, l’échec de sa demande d’asile en 2021 : Hervé S. n’a pas su défendre son dossier. Ce jeudi 13 juillet, devant la juge, le Camerounais a en effet beaucoup de mal à s’exprimer. D’une voix sourde, il dit laconiquement qu’il n’a « plus de famille vivante au Cameroun ». Ses souhaits ? « Que justice soit faite, pour moi, pour Blessing, et que je sois bien soigné. » De son côté, la représentante de la préfecture du Rhône se retranche derrière les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la cour nationale du droit d’asile, estimant que les propos d’Hervé S. sont « inconsistants » et son récit « non personnalisé ». Pour Michel Rousseau, vice-président de Tous migrants, présent à l’audience, la décision que va prendre le tribunal est « doublement vitale » : pour Hervé S., « à qui l’on dénie le droit à l’asile et à la santé, condamné à mourir immédiatement ou à petit feu s’il rentre au Cameroun ». Et pour « l’espoir d’obtenir un jour vérité et justice pour Blessing ».

    https://www.liberation.fr/societe/hautes-alpes-le-principal-temoin-de-la-noyade-dune-jeune-migrante-menace-

    #Hervé #Blessing #migrations #asile #réfugiés

    voir aussi :
    Mort de #Blessing, 20 ans, à la frontière : un témoin sort de l’ombre pour accuser les gendarmes
    https://seenthis.net/messages/962473

    25.10.2022. Mort de Blessing Matthew : Face à l’impunité en France, nous introduisons une requête devant la #Cour_européenne_des_droits_de_l’homme
    https://seenthis.net/messages/977402

    • Traduction en italien (rapide):

      Hautes-Alpes: il testimone principale dell’annegamento di una giovane migrante è minacciato di espulsione

      Hervé S., camerunense di 35 anni, ha ricevuto un foglio di via. Secondo il suo avvocato, si tratta di un «accanimento», poiché l’uomo aveva assistito alla morte di una giovane donna nigeriana in un fiume dopo che era stata inseguita dai gendarmi francesi.

      «È così che in questo Paese si trattano le persone che osano mettere in discussione le pratiche della polizia». Giovedì 13 luglio, davanti al giudice amministrativo del tribunale di Lione, l’avvocato Jérôme Drahy ha esposto la posta in gioco - politica, a suo avviso - per la decisione che il tribunale emetterà all’inizio di prossima settimana. Il suo cliente, Hervé S., camerunense di 35 anni, contesta l’obbligo di lasciare il territorio francese (OQTF) impostogli dalla prefettura del Rodano e la sua imminente espulsione. Hervé S. è anche il principale testimone dell’accusa nel caso di Blessing Matthew. Questa donna nigeriana di vent’anni è annegata nella Durance in piena nel maggio 2018, inseguita dalle forze dell’ordine mentre attraversava il confine con le Alpi da Briançon (Hautes-Alpes) lungo i sentieri di montagna. Hervé era con Blessing quella notte.

      I tribunali hanno archiviato l’indagine preliminare e da allora si sono rifiutati di aprire un’inchiesta giudiziaria su questa tragedia, nonostante due successivi ricorsi presentati dalla famiglia di Blessing, dall’associazione Tous migrants e dal gruppo di ricerca Border Forensics. Quest’ultima ONG ha pubblicato un rapporto nel 2022, basato sulla testimonianza di Hervé e sulle contraddizioni dei racconti dei gendarmi. La sua conclusione: «Inseguendo Blessing, i gendarmi potrebbero averla messa in pericolo, causandone la caduta nella Durance e la morte». Dopo che la loro richiesta di riaprire l’inchiesta è stata respinta, nell’ottobre 2022 Tous Migrants e Border Forensics hanno presentato un ricorso alla Corte europea dei diritti umani, che non è ancora stato esaminato. Hervé è quindi un testimone chiave. Per Maître Drahy, «l’accumulo di misure sfavorevoli» nei confronti del suo cliente equivale a «un accanimento».

      Disturbo da stress post-traumatico

      Hervé S. teme anche per la sua vita se venisse rimandato in Camerun, dove è ancora in vigore un mandato di arresto contro di lui. Da quando ha lasciato il suo Paese natale nel 2018, il suo viaggio è stato «segnato da morte e sofferenza», secondo il suo avvocato. Molestato dall’esercito camerunese a causa della sua relazione con Aïcha, figlia di un colonnello musulmano della gendarmeria, è stato imprigionato e violentemente torturato in una caserma. Il suo corpo ne porta ancora le cicatrici. Decide di fuggire dal Camerun con Aïcha e il loro figlio. Vengono imprigionati in Libia, dove Aïcha viene anche violentata e dove dovranno pagare per uscire dai campi di prigionia. La famiglia decide di attraversare il Mediterraneo per raggiungere l’Europa, ma Aïcha e suo figlio annegano - sotto gli occhi di Hervé - quando la loro barca di fortuna affonda al largo delle coste italiane.

      Da allora l’uomo soffre di un profondo senso di colpa. Peggio ancora: secondo lui, a casa, il colonnello non ha mai smesso di perseguitare la sua famiglia. Suo padre è morto per un ictus dopo essere stato minacciato e sua sorella è stata uccisa, nella sua casa, in un incendio di origine dolosa. I certificati medici confermano lo stato di salute di Hervé e l’avv. Drahy indica che le condizioni del suo cliente richiedono oggi cure urgenti: «Disturbo post-traumatico da stress e grave depressione».

      Una decisione doppiamente vitale

      Secondo l’avvocato, questa diagnosi spiega il fallimento della sua domanda d’asilo nel 2021: Hervé S. non era in grado di difendere il suo caso. Giovedì 13 luglio, davanti al giudice, il camerunese aveva grandi difficoltà ad esprimersi. Con voce sorda, ha detto laconicamente di «non avere più una famiglia in Camerun». I suoi desideri? «Che sia fatta giustizia per me, per Blessing, e che io sia curato». Da parte sua, la rappresentante della prefettura del Rodano si nasconde dietro le decisioni dell’Ufficio francese per la protezione dei rifugiati e degli apolidi e del Tribunale nazionale per il diritto d’asilo, ritenendo che le dichiarazioni di Hervé S. siano «incoerenti» e la sua storia «non personalizzata». Per Michel Rousseau, vicepresidente di Tous migrants, presente all’udienza, la decisione del tribunale è «doppiamente vitale»: per Hervé S., «a cui viene negato il diritto all’asilo e alla salute, condannato a morire immediatamente o lentamente se torna in Camerun». E per «la speranza di ottenere un giorno verità e giustizia per Blessing».