Voilà un texte qui peut sembler aujourd’hui, assez surprenant venant d’un « organe communiste libertaire », tant son propos évoque plutôt, par certains passages, à la limite de la misanthropie, une orientation franchement individualiste.
Mais c’est tout le charme des textes révolutionnaires anciens, dont les plus savoureux sont souvent anarchistes : ils nous révèlent sans fard la réalité des analyses et des idéologies qu’avaient leurs portes-paroles à l’époque. Bien souvent, les anarchistes d’aujourd’hui auraient intérêt à les consulter avec plus d’attention. Cela éviterait quelques reconstitutions a posteriori quelques peu angéliques et tronquées qu’il arrive de voir ici où là.
Merci donc à @socialisme_libertaire, par son travail de restitution directe des sources anarchistes, de nous permettre cette plongée dans le temps sans filtre :-)
Pour en revenir au texte, s’il est possible que l’on soit obligé, comme c’est mon cas, de fournir quelque effort d’imagination pour percevoir ce qu’il y a de communiste libertaire (hormis la référence à l’antagonisme de classe) il n’y a aucune ambiguïté pour comprendre où se situe l’« organe ».
Les extraits suivants de ce texte, notamment ceux que j’ai passé en gras, pourraient servir d’exemples au livre Hardi Compagnons ! de Clara Schildknecht, pour lequel j’avais proposé une recension, il y a 5 mois, sur seenthis :
▻https://seenthis.net/messages/992452
Chaque fois qu’un exploiteur semblera concéder aux exigences d’un exploité, il ne pourra y avoir, au fond, qu’une exigence forcée au sacrifice de son intérêt propre, particulier, où un intérêt caché le poussait à ce semblant de sacrifice. Et la nature humaine le poussera obligatoirement à reposséder, sous une forme, la dépossession volontaire ou obligée à laquelle il semble acquiescer, ce qui revient à dire plus simplement que « ce qu’on donne d’une main on le reprend des deux ».
si tout le monde voulait accepter ce raisonnement, aussi simple qu’expérimentalement établi, on aurait vite fait de reconnaître qu’une société basée sur l’antagonisme des classes, et par conséquent des intérêts, ne peut être que préjudiciable à la classe dirigée, la classe dirigeante possédant pour elle tout ce qui constitue la force actuelle : lois, pouvoirs, et leurs représentations : magistrature, armée, police, etc.
Et partant de ce raisonnement, personne ne songerait plus à émousser les forces prolétariennes dans une lutte inégale contre le fait acquis et légalement établi. Bien plutôt on penserait à développer intellectuellement les individus, à leur démontrer les tares sociales, à combattre les préjugés qui leur servent d’assise, et, en les démolissant, à donner pleine et entière liberté à l’individualité, dans ce qu’elle a de complet et de virile.
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« L’ennemi, c’est le maître ! » de quelque nom, de quelque forme on l’affuble. Et pour le moment, travailleurs, l’ennemi c’est le Patronat, dont les intérêts humains, fondamentalement opposés aux vôtres, ne pourront jamais s’allier aux vôtres. Laissez de côté les pauvres hères de votre classe, qui, moins bien partagés que d’autres, en subissent encore plus durement le joug émasculant ; déclarez nettement et carrément, dans vos actions, dans vos paroles, dans vos idées, la guerre aux tyrans.
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