Arthur Delaporte et JĂ©rĂŽme Guedj ont obtenu de la CNAF une Ă©tude partielle sur les sanctions imposĂ©es aux allocataires de ce revenu minimal de subsistance. Et y trouvent la preuve que « la sanction a pour consĂ©quence dâexclure du RSA ».
En rĂ©formant le systĂšme de sanction des allocataires du RSA avec son projet de loi « France Travail » (ou « plein emploi »), le gouvernement a-t-il une idĂ©e de ce quâil fait ? Câest la question que veulent poser deux dĂ©putĂ©s socialistes, Arthur Delaporte (Calvados) et JĂ©rĂŽme Guedj (Essonne), alors que lâAssemblĂ©e nationale examine cette semaine le texte dans lâhĂ©micycle. Au cĆur de leur offensive, lancĂ©e ce mardi aprĂšs-midi en sĂ©ance, figure un document obtenu lundi soir par JĂ©rĂŽme Guedj auprĂšs de la Caisse nationale dâallocation familiale (CNAF), en sa qualitĂ© de coprĂ©sident de la Mission dâĂ©valuation et de contrĂŽle des lois de financement de la sĂ©curitĂ© sociale (Mecss). « Depuis mai dernier, je demande des Ă©lĂ©ments sur les sanctions actuellement appliquĂ©es, mais le gouvernement ne rĂ©pond pas », explique Arthur Delaporte. « Jeudi, JĂ©rĂŽme [Guedj] a envoyĂ© un courrier en tant que coprĂ©sident de la Mecss au prĂ©sident de la CNAF, qui lui a rĂ©pondu hier soir tard en disant que ces Ă©lĂ©ments ne lui ont jamais Ă©tĂ© demandĂ©s par quiconque. Donc le gouvernement ne les a jamais demandĂ©s, ce qui est un peu surprenant. »
InterpellĂ© par Arthur Delaporte dans lâhĂ©micycle ce mardi, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a rĂ©pondu quâil « nâexiste pas de relevĂ© statistique du nombre de radiĂ©s (âŠ) au niveau national, et donc nous nâavons pas ce fichier-lĂ ». Pour autant, la CNAF â qui confirme au passage nâavoir pas de suivi statistique sur le sujet des sanctions â est bien parvenue, dans un temps trĂšs court et Ă la demande des dĂ©putĂ©s socialistes, Ă fournir une Ă©tude portant sur un seul mois, celui de juin 2022. Seulement, prĂ©cise le rĂ©dacteur de cette note que LibĂ©ration a pu consulter, ces donnĂ©es sont « fragiles » et « doivent donc ĂȘtre considĂ©rĂ©es avec grande prudence, comme des ordres de grandeurs ».
Que disent-elles ? Quâau mois de juin 2022, les CAF ont sanctionnĂ© 31 500 personnes, rĂ©parties dans 31 000 foyers bĂ©nĂ©ficiaires du RSA « pour non-respect des obligations du contrat dâengagement rĂ©ciproque (“droits et devoirs”) » (1). Ces sanctions, justifiĂ©es par une absence de dĂ©claration des ressources ou Ă la suite dâun contrĂŽle, pouvaient prendre la forme soit dâune suspension du RSA (dans 40 % des cas) ou dâune rĂ©duction de lâallocation dâun certain taux ou dâun certain montant (257 euros en moyenne, une somme importante rapportĂ©e aux 504 euros qui constituaient le droit moyen au RSA Ă verser pour lâensemble des foyers allocataires en juin 2022). Il sâagissait bien, prĂ©cise la CNAF, dâun « stock » et non dâun flux, ce qui signifie que ces 31 000 foyers, soit 2 % du total des foyers bĂ©nĂ©ficiaires, constituaient lâintĂ©gralitĂ© de ceux visĂ©s par des sanctions ce mois-lĂ . Et que, relĂšve la note, « la sanction semble avoir un impact sur le droit au RSA Ă moyen terme », en entraĂźnant « frĂ©quemment une sortie du droit ». Ainsi, alors que prĂšs de la moitiĂ© des personnes sanctionnĂ©es en juin 2022 avaient droit au RSA, elles nâĂ©taient plus que 35 % en octobre, quatre mois plus tard.
LâĂ©tude de la CNAF nâavance aucune explication Ă ce phĂ©nomĂšne. Pour Arthur Delaporte, câest la preuve que « la sanction a pour consĂ©quence dâexclure du RSA, ce que pointent dâailleurs les associations », et que « la loi va avoir des consĂ©quences extrĂȘmement graves sur lâexclusion, la pauvretĂ© ». « On lĂ©gifĂšre Ă lâaveugle », accuse-t-il encore en dĂ©nonçant la pauvretĂ© de lâĂ©tude dâimpact accompagnant le projet de loi. Des arguments que les socialistes ne manqueront pas de faire valoir lors de lâexamen de lâarticle 3 du texte, qui introduit justement une nouvelle sanction dans le systĂšme en permettant une suspension quasi immĂ©diate de lâallocation, laquelle peut ensuite ĂȘtre remboursĂ©e Ă lâallocataire (dans une limite de trois mois) sâil est rentrĂ© dans le droit chemin.
(1) Il faut y ajouter, prĂ©cise la note, 13 000 foyers dont le RSA a Ă©tĂ© suspendu sur dĂ©cision du Conseil dĂ©partemental [instance en charge du pilotage local et de lâ"insertion", ndc], mais lâĂ©tude ne sâattarde pas sur eux.