Au Texas, la Cour suprême suspend une autorisation d’avortement
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Molly Duane, avocate du Center for Reproductive Rights, qui représente Kate Cox, devant le tribunal d’Austin, le 19 juillet, dans le cadre d’une précédente affaire. SUZANNE CORDEIRO / AFP
La Cour suprême de cet Etat américain très conservateur a suspendu, vendredi, la décision d’une juge qui avait autorisé, la veille, une femme de 31 ans à la grossesse très risquée à bénéficier d’un avortement.
Le Monde avec AP et AFP
La Cour suprême de l’Etat américain conservateur du Texas a empêché, vendredi 8 décembre, une femme à la grossesse très risquée de bénéficier d’un avortement, ont rapporté des médias américains.
Elle avait été saisie par le procureur général Ken Paxton en vue d’empêcher Kate Cox d’avoir recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Dans une ordonnance d’une page, le tribunal a annoncé qu’il suspendait temporairement la décision, sans se prononcer sur le fond.
Jeudi, Maya Guerra Gamble, une juge du Texas, avait autorisé cette femme de 31 ans – dont la grossesse pourrait, selon son médecin, menacer sa vie et sa fertilité – à recourir à l’IVG ; une décision remarquable dans cet Etat qui interdit l’avortement sauf très rares exceptions, une des législations les plus strictes en la matière aux Etats-Unis.
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Kate Cox, enceinte de vingt semaines lorsqu’elle a poursuivi le Texas pour obtenir le droit d’avorter, avait eu la confirmation que son fœtus était atteint de trisomie 18, une anomalie chromosomique associée à des malformations graves. Selon ses arguments, elle présente une très forte probabilité de fausse couche ou de mortinatalité et de faibles taux de survie. En outre, les médecins lui ont déclaré que si le rythme cardiaque du fœtus s’arrêtait, déclencher l’accouchement entraînerait un risque de rupture utérine en raison de ses deux césariennes antérieures, et qu’une autre césarienne mettrait en danger sa capacité à porter un autre enfant.
« Sans tenir compte du fond, la cour suspend administrativement la décision du tribunal de district » qui permettait à Mme Cox d’avorter, explique le Center for Reproductive Rights (CRR) qui représente la jeune femme devant la justice. Le CRR est un groupe de défense de droits tels que l’avortement, situé à New York et actif sur tout le territoire américain.
Une plainte dans le Kentucky
« Nous espérons toujours que la cour rejettera en fin de compte la demande de l’Etat et qu’elle le fera rapidement », explique Molly Duane, l’avocate principale du CRR. Elle craint que le report de la décision de justice soit synonyme de refus. Mme Cox a besoin de « soins médicaux urgents. C’est la raison pour laquelle les gens ne devraient pas avoir à supplier [d’obtenir] des soins médicaux devant un tribunal », a-t-elle déclaré.
« La loi texane interdit les avortements volontaires », a déclaré, de son côté, le procureur général, un républicain ultraconservateur, qui avance que les arguments de Mme Cox ne répondent pas aux critères d’une exception médicale à l’interdiction de l’avortement dans l’Etat. Il a appelé la Cour suprême du Texas à « suspendre » la décision de la juge Guerra Gamble, affirmant qu’elle avait « abusé de son pouvoir » sans « aucune preuve ».
Dans un communiqué assorti d’une lettre adressée à des établissements hospitaliers, M. Paxton avait mis en garde, jeudi, des hôpitaux du Texas que, malgré la décision de la juge qu’il qualifie de « militante », ils pourraient faire face à des conséquences juridiques s’ils autorisaient le médecin de Mme Cox à pratiquer l’avortement.
A l’été 2022, la Cour suprême des Etats-Unis avait cassé son arrêt Roe vs Wade, qui garantissait depuis un demi-siècle le droit fédéral des Américaines à interrompre leur grossesse. Depuis, une vingtaine d’Etats ont interdit l’avortement ou l’ont très fortement restreint, comme le Texas, qui n’autorise les IVG qu’en cas de danger de mort ou de risque de grave handicap pour la mère.
Vendredi, une femme enceinte du Kentucky, où l’IVG est aussi interdit, a également déposé une plainte exigeant le droit à l’avortement. Contrairement au procès de Mme Cox, cette plainte cherche à obtenir le statut de recours collectif pour inclure d’autres habitantes de l’Etat qui sont (ou vont devenir) enceintes et souhaitent avorter.