« Le monde rĂ©el est Harkonnen » : Dune 2, blockbuster anticolonial ?
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Longtemps, Dune a Ă©tĂ© rĂ©putĂ© inadaptable. Avec des choix judicieux, Denis Villeneuve prouve le contraire, dans une adaptation oĂč lire entre les lignes est primordial. (Cet article contient des spoilers )
Difficile de ne pas penser Ă ce que vit le peuple palestinien dans la bande de Gaza depuis maintenant 6 mois en sortant de Dune 2, la deuxiĂšme partie de lâadaptation par Denis Villeneuve du roman Ă©ponyme de Frank Herbert. Le film dĂ©tonne tellement dans le paysage cinĂ©matographique hollywoodien quâune vaste entreprise de dĂ©politisation de son contenu semble avoir lieu en France, oĂč toutes les critiques du film en font un blockbuster grandiose mais apolitique.
Les premiĂšres scĂšnes du film mettent en scĂšne lâintĂ©gration de Paul AtrĂ©ides (TimothĂ©e Chalamet) et de sa mĂšre Jessica (Rebecca Ferguson) au sein des Fremen, le peuple autochtone de la planĂšte Arrakis. Des scĂšnes particuliĂšrement rĂ©ussies, tant dâun point de vue visuel que sonore. La volontĂ© de Denis Villeneuve de tourner les scĂšnes de dĂ©sert en lumiĂšre naturelle permet de nous immerger dans un dĂ©sert rugueux, violent, mortel. Celles-ci plongent directement le spectateur au cĆur du groupe quâil avait quittĂ© Ă la fin du premier film et, rapidement, le film met en avant les principaux sujets au cĆur de lâĆuvre original : les luttes de dĂ©colonisation, les gĂ©nocides, lâĂ©conomie capitaliste, le rĂŽle de la religion comme outil de contrĂŽle des peuples ou encore les jeux de pouvoirs des nobles et leurs effets sur les dominĂ©s.
« Celui qui contrĂŽle lâĂpice contrĂŽle lâunivers » : un film anticolonial ?
Ne nous y trompons pas : Dune est un roman dâĂ©mancipation anti-colonialiste. LâĆuvre originale porte en son sein cette question. Au cĆur de lâhistoire, on retrouve Arrakis, planĂšte des sables, dâoĂč est extrait lâĂpice ou MĂ©lange, substance psychoactive indispensable au voyage spatial, et les Fremen, peuple autochtone luttant pour sa survie. La planĂšte est occupĂ©e par une puissance impĂ©rialiste, la faction de la famille Harkonnen, qui en extrait lâĂpice au service de lâempereur galactique. Le livre, sorti en 1965, en plein contexte de guerre de dĂ©colonisation, parle donc des luttes dâĂ©mancipation nationale, en mettant au centre de celles-ci le contrĂŽle des richesses, le parallĂšle entre lâĂpice et le pĂ©trole Ă©tant Ă©vident.
Si le roman a Ă©tĂ© Ă©crit au moment de la guerre du Vietnam et de la guerre dâAlgĂ©rie, le propos est toujours aussi actuel. En mars 2024, impossible de ne pas voir dans les Fremen le peuple palestinien ou dâautres peuples qui ont souffert des guerres impĂ©rialistes, dans la lutte pour le contrĂŽle du pĂ©trole depuis un siĂšcle et demi, et luttĂ© pour leur auto-dĂ©termination. Les paysages dĂ©sertiques, les Feydakin (les soldats Fremen dâĂ©lite), une lutte de guĂ©rilla : toutes les rĂ©fĂ©rences dirigent le spectateur vers des parallĂšles avec les guerres du Moyen Orient pour le contrĂŽle de lâor noir, depuis le partage de lâempire Ottoman jusquâĂ nos jours, en passant par les guerres de dĂ©colonisation. Un propos rĂ©ussi, mais qui nâa pas Ă©tĂ© sans contradiction dans la production du film.
Dans ce cadre, et notamment au Moyen Orient, le film a suscitĂ© des critiques autour de la façon dont est traitĂ© lâIslam mais aussi pour son casting trĂšs occidental. Dans son livre, Frank Herbert ne cesse de mobiliser des rĂ©fĂ©rences de lâIslam dans son vocabulaire, les concepts fondamentaux de sa religion et son organisation sociale. Un Islam proche du soufisme, mais qui mĂȘle de nombreuses inspirations perses, tchĂ©tchĂšnes, arabes ou encore ottomanes. Aussi, on peut sâinterroger sur certains choix fait Denis Villeneuve et la production du film pour traduire ces rĂ©alitĂ©s.
Si lâaspect anticolonial de la lutte est omniprĂ©sent, dans un sens, le film a cherchĂ©, dans un sens, Ă « dĂ©sislamiser » lâĆuvre originale. Ce choix nâest pas un choix de narration, mais bien un choix politique. Il se traduit Ă deux niveaux : dâun cĂŽtĂ©, de nombreux termes musulmans prĂ©sents dans le livre, comme le « Jihad » traduit en « Guerre Sainte », ont Ă©tĂ© en grande partie gommĂ©s et remplacĂ©s. Dans le mĂȘme temps, la religion Fremen est en grande partie ridiculisĂ©e par le film, notamment au travers du personnage de Stilgar, chef politique des Fremen, prĂ©sentĂ© comme un dĂ©vot un peu idiot. LâĆuvre originale insiste sur la façon dont Paul et Jessica radicalisent par la religion les Fremen, lĂ oĂč le film pose le fanatisme comme un fait prĂ©Ă©tabli.
Le second niveau se traduit dans le casting des personnages : les deux personnages Fremen principaux, Stilgar et Chani, sont reprĂ©sentĂ©s respectivement par Javier Bardem, dâorigine espagnole et Zendaya, dâorigine amĂ©ricaine. Un choix regrettĂ© par de nombreux critiques moyen-orientaux, pour lesquels lâhistoire a subi un « whitewashing » et pour lesquels il aurait fallu un casting mettant en avant des acteurs du Moyen-Orient. Choix de Denis Villeneuve ou des studios ? Difficile de le savoir, mais les faits sont lĂ .
« Le systĂšme actuel est Harkonnen » : les Fremen face au capitalisme
Pour autant, ces Ă©lĂ©ments de critique ne remettent pas en cause la dimension clairement anticoloniale du film : les parallĂšles avec lâoppression du Moyen Orient par les occidentaux sont claires, y compris dans les intentions du rĂ©alisateur. Dans la prĂ©face de la rĂ©Ă©dition de Dune chez Robert Laffont en 2020, Denis Villeneuve expliquait : « La tendance Ă objectifier la nature dĂ©bordant des frontiĂšres occidentales, les politiques nĂ©olibĂ©rales et leur globalisation se transformant en vĂ©ritables dogmes planĂ©taires, la religion Ă©conomique rĂšgne maintenant sur lâensemble des sphĂšres dâactivitĂ© humaines. Tout sâachĂšte maintenant, mĂȘme les consciences. Ce systĂšme est surpuissant, impitoyable, tricheur, aux relents colonialistes, enfante mĂȘme parfois des entitĂ©s corporatives psychopathes, bref, ce systĂšme est Harkonnen. Et pour le renverser et survivre Ă ses consĂ©quences, il nous faudra peut-ĂȘtre suivre les pas de Muad-Dib ».
Aucun parallĂšle avec les conflits au Moyen-Orient, mais aussi avec les horreurs crĂ©Ă©es par le systĂšme capitaliste nâest donc fortuit. Non seulement le film met en avant une lutte anti-impĂ©rialiste, mais aussi une lutte anticapitaliste. La diffĂ©rence entre la sociĂ©tĂ© fremen, oĂč la monnaie dâĂ©change est lâeau, matiĂšre premiĂšre limitĂ©e sur la planĂšte, et les solaris de lâImperium est ainsi frappante : face au pouvoir de lâargent, sâimagine une sociĂ©tĂ© oĂč la monnaie dâĂ©change dĂ©pend des ressources planĂ©taires limitĂ©e, quâil convient de recycler Ă tout prix. « Lâeau est lâargent » explique dans le livre Jessica, la mĂšre de Paul en arrivant dans la communautĂ© Fremen quâelle ne connaĂźt pas. Dans la description Ă©conomique dâun tel monde, les deux films de Denis Villeneuve rĂ©ussissent de loin Ă surpasser le Dune de David Lynch sorti en 1984, mĂȘme si cette Ă©conomie reste Ă lâĂ©tat dâesquisse, de toile de fond.
Entrevues dans le film, les immenses bassins de rĂ©tention de lâeau font partie dâun projet de terraformation de la planĂšte pour en rendre une partie cultivable, tout en conservant une grande partie de dĂ©sert, un projet conçu pour durer plusieurs gĂ©nĂ©rations avant de pouvoir se rĂ©aliser. Dans un contexte oĂč lâopulence de lâempire contraste avec les ressources planĂ©taires extrĂȘmement limitĂ©es dont disposent les Fremen, le film montre la difficultĂ© immense quâont les Fremen Ă construire une sociĂ©tĂ© qui sorte de la pĂ©nurie systĂ©mique face au pillage orchestrĂ© par les grandes les Maisons de lâunivers de Dune. MalgrĂ© ce contexte de pĂ©nurie, il prĂ©sente aussi une sociĂ©tĂ© planifiĂ©e et peut-ĂȘtre plus Ă©galitaire, oĂč le gaspillage de la moindre ressource nâest pas tolĂ©rĂ©.
Une opposition qui justifie les massacres orchestrĂ©s par Rabban, le neveu du baron Harkonnen. Si le projet original des AtrĂ©ides que porte le pĂšre de Paul, Leto, dans le premier film, paraĂźt plus humain, il nâen reste pas moins un projet dâĂ©conomie coloniale. Si Leto veut donner la paix aux Fremen et collaborer, ce nâest que pour contrer les Harkonnen et permettre une meilleure production de lâĂpice. Les AtrĂ©ides et les Harkonnen sont les deux faces dâune mĂȘme piĂšce, et le passage de lâun Ă lâautre ne remet en cause quâĂ la marge la domination coloniale. Le parallĂšle avec les tentatives dâadoucir le joug colonial aprĂšs la deuxiĂšme guerre mondiale est Ă©vident. Paul symbolise ces deux faces dâune mĂȘme piĂšce, par son pĂšre Leto AtrĂ©ides, et par sa mĂšre, qui nâest autre que la fille cachĂ©e du baron Harkonnen. Mais le massacre de sa famille va amener Paul Ă trouver dâautres moyens pour retrouver son statut social.
DĂ©tournement de la rĂ©volte, Ă©preuve de la religion : les dures Ă©preuves de lâĂ©mancipation
Le destin dâArrakis, comme celui de tout lâunivers connu, tourne autour de Paul AtrĂ©ides. NĂ© fils de Duc, il est aussi le rĂ©sultat de croisements gĂ©nĂ©tiques prĂ©parĂ©s par le Bene Gesserit et dâun entraĂźnement et une Ă©ducation intensive visant Ă dĂ©cupler ses facultĂ©s mentales et physiques. Le projet de la secte du Bene Gesserit est de dĂ©velopper des dirigeants dotĂ©s de pouvoirs psychiques extraordinaires, mais aussi de contrĂŽler les grandes Maisons de lâEmpire en les conseillant et en manipulant les populations. Comme sur toutes les planĂštes, la religion des Fremen a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e de toute piĂšce par le Bene Gesserit : « des lĂ©gendes protectrices fermement implantĂ©es dans ce peuple dans lâattente du jour oĂč une Bene Gesserit en aurait besoin » explique le livre.
En quĂȘte de pouvoir, Paul va donc se tourner vers la religion. Denis Villeneuve a consciemment concentrĂ© son adaptation sur le sujet du rapport entre politique et religion. Dans la sociĂ©tĂ© Fremen, une grande majoritĂ© des individus semblent adhĂ©rer aux mythes implantĂ©s par le Bene Gesserit : de nombreux croyants attendent un prophĂ©tique messie, le « Lisan alâGaib » venant les dĂ©livrer de lâoppression, quâils pensent reconnaĂźtre en Paul. Dans le film, lâincarnation de cette ferveur est incarnĂ©e par Stilgar (Javier Bardem), chef dâune des villes Fremen, dont le rĂŽle politique est effacĂ© pour mettre en avant ses croyances superstitieuses.
Si TimothĂ©e Chalamet peut rendre le personnage de Paul assez sympathique au premier plan, et si le personnage lui-mĂȘme cherche Ă rĂ©sister au dĂ©but au projet quâont son pĂšre comme sa mĂšre pour son avenir, il finit par lâembrasser entiĂšrement. Dans ce sens, mĂȘme si Denis Villeneuve pourrait avoir tendance Ă grossir le trait sur le niveau de fanatisme originel des Fremen, les faits sont lĂ : la religion nâest en derniĂšre instance quâun outil de domination des puissants sur les opprimĂ©s. Un outil que manient Ă merveille de nombreux groupes comme le Bene Gesserit, qui ne sont en rien croyantes elles-mĂȘmes, mais qui dĂ©veloppent sciemment et cyniquement des religions au service des puissants : « Quand la religion et la politique voyagent dans le mĂȘme Ă©quipage et que cet Ă©quipage est conduit par un homme saint, rien ne peut lâarrĂȘter » nous explique-t-on dans les annexes de lâĆuvre originale.
DĂšs lors, les jolis sourires de TimothĂ©e Chalamet ne doivent pas nous tromper : lâobjet de Dune est bien une critique de la sociĂ©tĂ© de classe et de ses outils de domination. « Cette dĂ©construction matĂ©rialiste de la religion montre comment le colonialisme façonne et dĂ©forme les cultures des opprimĂ©s, Ă la fois de maniĂšre ouvertement violente et de maniĂšre subtile et manipulatrice » expliquaient aprĂšs la sortie de Dune PremiĂšre partie Nathaniel Flakin et Lily Cichanowicz dans les colonnes de Left Voice. De surcroĂźt, Paul AtrĂ©ides, vus par les Fremen comme le Lisan alâGaib, la « Voix venue dâAilleurs » selon les croyances implantĂ©es par le Bene Gesserit, montre finalement quâĂ aucun moment la religion ne peut ĂȘtre un outil dâĂ©mancipation jusquâau bout des Fremens face Ă leurs ennemis.
Sous la direction de Paul, et grĂące Ă la religion, ce colon venu dâailleurs finira par dĂ©tourner un processus rĂ©volutionnaire anticolonial dans un projet impĂ©rialiste au service de sa famille et de ses intĂ©rĂȘts propres. Si les Fremen ont gagnĂ© la libertĂ© et le contrĂŽle de leurs ressources sur Arrakis, ils se sont enchaĂźnĂ©s plus durement encore au contrĂŽle du nouvel empereur Paul MuadâDib AtrĂ©ides et Ă son pouvoir religieux. Dans cette critique de la religion, Villeneuve a fait le choix de transformer en grande partie le personnage Chani, une jeune Fremen qui tombe amoureuse de Paul. Si celle-ci suit son amant dans tous ses choix dans lâĆuvre originale, elle incarne dans le film le doute envers la radicalitĂ© religieuse des Fremen, puis finit par se rebeller, refusant les choix politico-religieux de Paul. La dĂ©cision de se marier Ă la princesse Irulan, fille de lâempereur, qui montre Ă toutes et tous que le dessein de Paul nâest pas dâabord de libĂ©rer Arrakis mais de prendre le contrĂŽle de lâunivers, est lâultime dĂ©clencheur de ce tournant. Chani apporte ainsi un contrepoint, qui souligne combien Paul est tout sauf un hĂ©ros, met le doigt sur les ambiguĂŻtĂ©s de cette libĂ©ration par un « sauveur » suprĂȘme, tout en ouvrant la voie Ă un personnage fĂ©minin, qui subvertit le cadre relativement patriarcal de lâĆuvre originale.
Chani : lâalternative fĂ©ministe au fondement patriarcal de lâĆuvre originale ?
Si lâunivers de Frank Herbert est dâune profondeur politique remarquable, le rĂŽle des femmes y est malheureusement trĂšs traditionnel. On peut mĂȘme dire que le roman a Ă©tĂ© lâun des premiers Ă reprĂ©senter ce qui deviendra un archĂ©type de la science-fiction : la femme-cyborg. Celui-ci figure des femmes aux pouvoirs extrĂȘmement dĂ©veloppĂ©s, Ă la limite de la machine, exerçant un fort pouvoir sur les hommes. Des personnages systĂ©matiquement prĂ©sentĂ©s comme nĂ©gatifs, comme des repoussoirs. Ici, on pense Ă©videmment au Bene Gesserit, et en particulier Ă Dame Jessica et Ă la rĂ©vĂ©rende-mĂšre Gaius Helen Mohiam.
Dans lâouvrage collectif Dune, exploration scientifique et culturelle dâun monde univers, Carrie Lynn Evans dĂ©veloppe les principaux aspects de ces personnages : un self-control mental extraordinaire qui leur confĂšre un pouvoir de neuro-sĂ©duction dangereux (Dame Fenring, qui rencontre Feyd-Rautha Harkonnen pour coucher avec lui et sauvegarder son patrimoine gĂ©nĂ©tique), lâutilisation du sexe comme arme contre les hommes pour leurs propres fins, le pouvoir de faire plier les hommes par le pouvoir de La Voix et le contrĂŽle total sur la procrĂ©ation et la sĂ©lection gĂ©nĂ©tique. « Jessica et le Bene Gesserit possĂšdent tous les attraits habituels des femmes machines diabolisĂ©es : elles ont une sexualitĂ© et sont obĂ©issantes, mais sont aussi des servantes secrĂštes et dangereuses, exerçant des disciplines mentales et physiques dangereuses. [âŠ] Des femmes qui Ćuvrent Ă accroĂźtre leur pouvoir pour tenter et terrifier le lectorat masculin » explique Carrie Lynn Evans.
Face Ă ce stĂ©rĂ©otype qui a irriguĂ© la science-fiction, Denis Villeneuve prend le parti de faire du personnage de Chani un personnage plus indĂ©pendant. Contrairement au livre, Chani ne suit pas aveuglĂ©ment Paul mais rejette la figure messianique quâil devient. Le personnage gagne aussi en profondeur en portant un projet dâĂ©mancipation diffĂ©rent de celui dont Paul devient le leader. En faisant de Chani un personnage qui prend parti pour le fait que les opprimĂ©s ne peuvent compter que sur eux pour se libĂ©rer, Denis Villeneuve esquisse les divisions politiques qui ont toujours irriguĂ© les mouvements de rĂ©sistances.
Alors mĂȘme que le cinĂ©ma dâautres univers de science-fiction tendent Ă uniformiser politiquement les luttes de rĂ©sistances. Chani pourrait donc incarner une alternative : une femme qui nâest ni une demoiselle (ou une esclave sexuelle) en dĂ©tresse Ă sauver, ni une figure maternelle relĂ©guĂ©e Ă son rĂŽle procrĂ©atif, ni une hĂ©roĂŻne sur-sexualisĂ©e et encore moins une sorciĂšre ou religieuse malĂ©fique. Dune TroisiĂšme partie tranchera sur lâĂ©volution du personnage, qui, on lâespĂšre, pourrait permettre Ă lâadaptation de Denis Villeneuve dâapporter une autre dimension Ă lâunivers de Dune.
En dĂ©finitive, malgrĂ© la complexitĂ© de Dune, Denis Villeneuve rĂ©ussit Ă en dessiner les grandes lignes. Une gageure tant lâhistoire des adaptations cinĂ©matographiques de lâĆuvre a Ă©tĂ© tumultueuse. Le film qui a dĂ©jĂ cumulĂ© âtrois semaines aprĂšs sa sortieâ 2,9 millions dâentrĂ©es au box-office français, pourrait ĂȘtre lâadaptation quâattendent depuis 60 ans les nombreux fans de Dune. Denis Villeneuve confirme par ce film quâil est possible en 2024 de proposer de vraies Ćuvres de science-fiction, face Ă la pauvretĂ© du Marvel Cinematic Universe qui domine les super-productions hollywoodiennes. Une science-fiction qui, en dĂ©pit de sa dimension de blockbuster, renoue avec son objectif le plus noble : celui dâinterroger le prĂ©sent avec ce qui pourrait advenir.