Bienvenue chez Grand Frais, enseigne en pleine croissance (130 magasins il y a dix ans, 316 aujourd’hui), mais aussi système implacable, avec son aspect extérieur attirant et ses rouages complexes. Côté face, ce sont des magasins inspirés des halles alimentaires de Paris, avec des étals de fruits et de légumes brillants comme s’ils venaient d’être récoltés et rangés aussi esthétiquement que sur une photo publiée sur Instagram, qui donnent aux clients l’envie de tout acheter, et aux concurrents de les imiter. Côté pile, une galaxie composée de plusieurs centaines de sociétés et un savant découpage de microentreprises qui étouffe tout dialogue social.
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Chaque magasin est une société à part entière, construite sous forme de GIE (groupement d’intérêt économique). Il y a par exemple le « GIE Grand-Quevilly » pour le Grand Frais de cette commune près de Rouen, le « GIE de Pontivy » pour celui de la ville du Morbihan du même nom…
Chaque GIE est partagé entre ses membres, des partenaires qui interviennent dans ses rayons. La société Despi, propriété de la famille Despinasse, gère le rayon boucherie de la plupart des Grand Frais. Euro Ethnic Foods (ex-Agidra), fondé par la famille Bahadourian et dont le fonds d’investissement PAI Partners détient 60 %, s’occupe de la partie épicerie. Enfin, Prosol gère tout le reste avec deux sociétés (Prosol Exploitation pour les fruits et légumes et la poissonnerie, et Crèmerie Exploitation pour la crémerie). Pour compliquer encore un peu plus les choses, Prosol a annoncé, mardi 2 juillet, l’acquisition à l’automne de Novoviande, le réseau de boucheries qui intervient dans trente-neuf Grand Frais de la région parisienne.
En matière économique, chaque prestataire récupère le chiffre d’affaires qu’il réalise dans le magasin, et les dépenses concernant les « parties communes » (encaissement, parking, déchets…) sont, à la manière d’un immeuble en copropriété, réparties entre tous les intervenants. Rien de tout cela, en revanche, chez Fresh ou Mon marché, entièrement aux mains de Prosol, dont le fonds d’investissement Ardian est actionnaire majoritaire aux côtés de M. Dumont. « Grand Frais, c’est juste une enseigne, pas une société », résume Frédéric Leschiera, membre du bureau du syndicat SUD-Commerces et Services pour la région Auvergne-Rhône-Alpes.