• Expulsion des Tunisien·nes d’#Italie : la #complicité discrète des #compagnies_aériennes

    Toutes les semaines, l’Italie expulse des dizaines de Tunisien·nes de son territoire, en les chargeant dans des #avions #charters, à l’abri des regards. Quelles sont les compagnies aériennes chargées de ces voyages forcées ? Comment sont-elles engagées par l’Etat italien ? À travers l’exemple de la jeune compagnie #Aeroitalia, inkyfada, en collaboration avec le média italien internazionale, révèle les rouages d’un système opaque bien rodé. Enquête.
    Rome, juillet 2023. Parmi les panneaux publicitaires qui jalonnent les rues de la capitale, on trouve ceux d’une compagnie aérienne qui vient de fêter sa première année et qui offre d’excellents tarifs pour la Sicile et la Sardaigne. Aeroitalia, "la nouvelle compagnie aérienne italienne à capitaux entièrement privés", comme l’indique son site Interne , promet de "donner le meilleur service possible, en prenant soin de ses passagers avec de petits gestes, de l’attention et de la chaleur humaine".

    À la même période, l’activiste et chercheur sénégalais Ibrahima Konate reçoit un message de la part d’une connaissance tunisienne : le 20 juillet, le frère de ce dernier a été rapatrié d’Italie. Selon son témoignage, le vol n°XZ7744 a été opéré par la compagnie Aeroitalia. La même opération a été rapportée par le site d’information tunisien Falso et par Majdi Karbai, ancien parlementaire et militant tunisien, dans un post publié sur Facebook le 21 juillet.

    Grâce au numéro de vol, il est possible de vérifier l’information. Comme le confirment plusieurs sites de surveillance du trafic aérien, dont FlightRadar et FlightAware, le matin du 20 juillet, un avion d’Aeroitalia a effectivement décollé de l’aéroport de Rome Fiumicino à destination de la Tunisie. Après une escale à Palerme, il atterrit à Tabarka, située à environ 130 kilomètres à l’ouest de Tunis, presque à la frontière algérienne.

    Mais cette destination ne figure pas parmi celles annoncées sur le site Internet d’Aeroitalia, car les vols opérés sur cette route sont des vols spéciaux, réservés à des passager·es qui ne souhaitent pas partir. Dans cet avion, il n’y a que des Tunisien·nes, escorté·es par les autorités italiennes.

    Le vol du 20 juillet 2023 est lié au marché des rapatriements forcés par charter : des vols programmés par les autorités d’un pays pour expulser, contre leur gré, des groupes de personnes à qui l’on refuse la possibilité de rester sur le territoire national. Dans le cas de l’Italie, il s’agit principalement de ressortissant·es tunisien·nes, comme le confirment les données les plus récentes sur les rapatriements aériens fournies par le ministère de l’intérieur.

    En 2023, sur un total de 106 vols charters de rapatriement, 70 étaient à destination de la Tunisie. 80% des personnes rapatriées sur ces vols - 2 006 sur un total de 2 506 - étaient des ressortissant·es tunisien·nes.

    La Tunisie dans le viseur de l’Italie

    À l’été 2023, Aeroitalia n’est pas la seule à s’intéresser à la Tunisie. Après une première visite officielle le 6 juin, le Premier ministre italien Giorgia Meloni retourne à Tunis le 11 juin en compagnie de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et du Premier ministre néerlandais Mark Rutte. L’espoir est d’obtenir du président tunisien Kais Saied un engagement renouvelé à coopérer dans la lutte contre l’immigration dite irrégulière.

    Ce ballet entre l’Europe et la Tunisie intervient dans un contexte de persécution des personnes d’origine subsaharienne en Tunisie, alimenté par la présidence elle-même, et la répression croissante de la société civile. Cela n’a pas empêché l’Union européenne (UE) de signer, le 16 juillet, un protocole d’accord pour renforcer la coopération. Depuis des années, l’Europe tente d’engager des gouvernements étrangers en externalisant ses politiques de fermeture et de refoulement : de l’argent en échange d’une surveillance accrue des frontières et d’une augmentation des réadmissions de citoyen·nes non-européen·nes expulsé·es.

    Les gouvernements européens tentent ainsi, par tous les moyens, d’empêcher les gens de quitter leur pays pour l’Europe. Certains sont plus directs : refus de visa, rejet des bateaux sur lesquels ils voyagent ou absence de sauvetage en mer. D’autres, plus insidieux, se mettent en place dans des États tiers à travers la formation et le financement des garde-côtes ou la promotion de technologies de surveillance de plus en plus sophistiquées.

    Des expulsions peu étudiées

    Mais pour expulser une personne de l’Union européenne, le moyen le plus efficace est généralement de la charger dans un avion. C’est là qu’interviennent des entreprises comme Aeroitalia, protagonistes et bénéficiaires d’un système encore peu étudié. Comme l’observe le chercheur William Walters, "l’aviation civile est le pivot central des déportations de personnes en provenance des pays du Nord, mais ceux qui étudient le sujet des déportations se sont rarement intéressés aux questions de mobilité aérienne".

    Les retours forcés peuvent également avoir lieu sur des vols réguliers, en embarquant la personne avant les autres et en l’isolant à l’arrière du transporteur. Mais il y a toujours le risque que la personne résiste à sa propre expulsion, en essayant d’attirer l’attention des passager·es, et que le capitaine finisse par la débarquer si la situation à bord devient ingérable. Rien de tout cela ne se produit sur les charters.

    "L’avantage des expulsions par charter est qu’elles sont plus faciles à contrôler", résume Yasha Maccanico, chercheur à l’organisation Statewatch.

    L’Italie privilégie ainsi les expulsions par charter et a mis en place un système d’une rare lourdeur pour les gérer. Depuis 2011, année d’un des nombreux accords de "coopération migratoire" entre l’Italie et la Tunisie, les autorités italiennes tentent, sans succès, de maintenir une moyenne de deux vols charters de rapatriement par semaine : chaque vol est prévu pour 20-40 personnes à rapatrier et 60-110 accompagnateur·trices.

    Compte tenu de la fréquence, un contrat à moyen ou long terme pour un service de "transfert de migrants irréguliers", pour reprendre le jargon officiel, serait la solution la plus logique, comme c’est déjà le cas au Royaume-Uni et en Espagne.

    En 2016, un #appel_d'offres est lancé à cet effet par #Consip* pour le compte de la Direction centrale de l’immigration et de la police des frontières et du Département des libertés civiles et de l’immigration. Mais celui-ci n’aboutit pas, par désintérêt de la part des compagnies aériennes, selon les informations obtenues auprès de Consip. C’est ainsi qu’en Italie, contrairement à d’autres pays de l’UE, le système "un appel d’offres par vol" perdure.

    Un système d’appel d’offre opaque

    Jusqu’à la fin de l’année 2023, pour chacun de ces appels d’offres, le Viminale - le ministère de l’Intérieur - a publié sur son site internet deux documents : le texte de l’appel d’offres pour un vol programmé généralement une semaine plus tard, qui invite divers opérateurs à postuler, et le résultat de l’appel d’offres, ou "avis d’adjudication".

    Les vols sont, bien entendu, opérés par des compagnies aériennes, mais leurs noms n’apparaissent presque jamais. En effet, la totalité des appels d’offres sont remportés par deux sociétés intermédiaires (ou courtiers) : l’entreprise allemande Professional Aviation Solutions (PAS) et Air Partner, une société britannique rachetée en 2022 par la société américaine Wheels Up.

    Ces dernières se partagent le marché et prennent une commission de 3 à 5% sur le montant demandé pour opérer le vol. Les compagnies aériennes fournissent les moyens et le personnel sans lesquels les rapatriements ne pourraient avoir lieu, mais ce sont les courtiers, interlocuteurs indispensables des autorités, qui permettent à la machine à rapatrier de tourner à plein régime.

    Outre le nom du courtier, les avis d’attribution de marché indiquent le nombre d’offres reçues par le ministère de l’intérieur pour le vol en question (souvent deux, parfois une seule) et le coût de l’offre retenue.

    Le nom de la compagnie qui opérera le vol, et qui empochera donc l’essentiel de cet argent, n’apparaît pas.

    C’est pourquoi, en réponse à une demande d’accès à l’information présentée dans le cadre de cette enquête, le secrétariat du Département de la sécurité publique a pu répondre qu’il "n’a pas de contact direct" avec Aeroitalia, étant donné que "l’attribution du service au transporteur identifié parmi ceux qui ont fait la meilleure offre se fait par l’intermédiaire d’une société tierce - ‘broker’”. Et en effet, en recherchant sur le site du ministère de l’Intérieur les documents relatifs au vol Rome-Palerme-Tabarka du 20 juillet 2023, on découvre seulement que l’appel d’offres a été remporté par PAS avec une offre de 115 980 euros. Pas de trace d’Aeroitalia*.

    Mais dans le même temps, les avis d’attribution des contrats pour les vols charters de rapatriement opérés jusqu’à la fin de 2023 précisaient que la sous-traitance n’était pas possible. Pourtant, le service de transport aérien a bien été fourni par un tiers (le transporteur), ce qui pourrait s’apparenter à de la sous-traitance.

    Jusqu’à fin 2023 également, la procédure d’appel d’offres n’était pas à jour : les avis d’attribution des marchés contenaient la liste des opérateurs économiques invités à participer à l’appel d’offres, liste dans laquelle figuraient Mistral Air (devenu Poste Air Cargo en 2019), Meridiana (qui a fermé en 2018) et le courtier Astra Associated Services, aujourd’hui en liquidation.

    Un business discret

    Pour les vols opérés à partir de janvier 2024, les documents relatifs aux vols charters de rapatriement publiés par le ministère de l’Intérieur ont changé. Sur le site Internet, les appels d’offres sont toujours disponibles, avec la nouveauté qu’une offre peut concerner deux vols effectués dans la même semaine - le premier au départ de Trieste, le second au départ de Rome - et que la dépense maximale doit être inférieure à 110.000 euros au lieu de 140.000 euros auparavant.

    Par ailleurs, les avis d’attribution des marchés sont désormais indisponibles : il est donc impossible de savoir quels opérateurs ont été invités à proposer leurs services et combien d’offres ont été présentées. La référence à l’interdiction de la sous-traitance a également disparu. Parmi les nouveaux documents disponibles figurent les contrats avec les courtiers attribués, qui ne mentionnent cependant jamais le nom de la compagnie aérienne responsable de l’exploitation du vol, tandis que les offres reçues par le ministère de l’intérieur restent introuvables.

    Cette opacité ne caractérise pas seulement les rapatriements de charters depuis l’Italie. Le chercheur Matthias Monroy* raconte que le ministère allemand de l’Intérieur avait défini comme "confidentielles" les données sur les compagnies de vols charters qui profitent des rapatriements. Répondant à une question parlementaire du parti Die Linke, le ministère affirmait que "ces informations pourraient exposer les compagnies à une ’critique publique’, entravant les opérations de rapatriement".

    Le Viminale a également rejeté la demande d’accès à l’information d’inkyfada, mais en invoquant une autre raison. La publication des offres reçues pour chaque vol de rapatriement, dans lesquelles figure, outre le nom du courtier, celui de la compagnie qui devrait opérer le vol, ne concernerait pas l’intérêt public. Un argument difficilement défendable étant donné que la majeure partie de l’argent public dépensé pour ces vols est empochée par les compagnies et non par les courtiers. Face à cette réponse, inkyfada et internazionale ont déposé une demande de réexamen qui a été rejetée le 8 mai 2024, le ministère de l’Intérieur s’étant contenté de renvoyer encore une fois vers les documents disponibles sur le site.

    Entretemps, un problème informatique - ou, plus probablement, une erreur humaine - a permis de consulter deux de ces documents. Le 13 novembre 2023, le ministère de l’Intérieur a publié les deux offres reçues des courtiers habituels pour le vol du 12 octobre 2023, avec départ de Trieste Ronchi dei Legionari, escale à Palerme et arrivée à Tabarka. De manière surprenante, tant PAS qu’Air Partner avaient proposé pour ce vol un avion appartenant à la société espagnole Albastar, demandant respectivement 71.200 € et 71.880 €.

    En d’autres termes, même si un seul courtier a remporté l’appel d’offres - en l’occurrence PAS, qui proposait l’offre la plus basse -, Albastar se serait de toute façon vu attribuer ce vol : une situation qui confirme le manque de sérieux de ces procédures d’appel d’offres.

    Pour tenter d’identifier ces compagnies, il est donc nécessaire d’utiliser d’autres sources : les témoignages de déporté·es, les sites internet de certains aéroports et les sites de surveillance des vols.

    Les quinze vols d’Aeroitalia

    Aeroitalia n’est pas la seule compagnie à avoir opéré des vols charters de rapatriement forcé vers la Tunisie en 2023. En croisant les données de vol publiées par le ministère de l’Intérieur et celles disponibles sur les sites de surveillance des vols et sur le site de l’aéroport de Palerme, nous avons pu dater les 70 vols charters de rapatriement forcé vers la Tunisie.

    Il a été possible d’identifier les courtiers dans 63 cas - Pas s’est vu attribuer 36 vols, Air Partner 27- et la compagnie aérienne dans 56 cas :

    – 25 vols opérés par #Albastar, travaillant à la fois avec #Pas et #Air_Partner
    – 15 vols opérés par Aeroitalia, uniquement pour le compte de PAS
    – 9 vols opérés par la compagnie roumaine #Carpatair (qui ne semble travailler qu’uniquement avec Air Partner)
    – 4 vols opérés par #Malta_MedAir
    – 2 par la compagnie croate #Trade_Air
    – 1 par la compagnie bulgare #Electra_Airways.

    La recherche est rendue difficile par le fait que les compagnies aériennes peuvent attribuer des numéros de vol différents à une même route.

    Retour à l’été 2023. Derrière sa bannière de “chaleur humaine”, Aeroitalia a réalisé 13 vols de rapatriement forcé vers la Tunisie entre le 20 juillet et le 3 octobre 2023, au départ de Trieste Ronchi dei Legionari ou de Rome. En supposant une commission maximale de 5 % retenue par le courtier PAS, Aeroitalia a perçu pour ces treize vols presque 1.3800.000 : un chiffre remarquable si l’on considère qu’en moyenne, les vols opérés par Aeroitalia étaient beaucoup plus chers que ceux opérés par d’autres compagnies sur les mêmes routes et au cours de la même période (112.000 euros en moyenne contre 82 000 euros).

    Les deux autres vols Aeroitalia en 2023 remontent au 17 et 31 janvier, toujours avec PAS, qui a reçu respectivement 71.490 euros et 69.990 euros. D’après les informations recueillies en ligne, il s’avère également qu’Aeroitalia a commencé à opérer des vols de rapatriement forcé dès 2022 : certainement les 13 et 18 octobre, les 8 et 15 novembre et le 29 décembre (vols relevés par FlightRadar) et, selon un passager d’Aeroitalia, peut-être même en juillet de cette année-là, donc peu de temps après le lancement de la compagnie.

    En mars 2023, un utilisateur du forum italien Aviazionecivile.it a fait le commentaire suivant à propos d’Aeroitalia : “Donc tous ces charters pour Tabarka au départ de Palerme et de Rome qu’ils ont opéré fréquemment au cours des derniers mois étaient des vols de #rapatriement”.
    Ni PAS ni Aeroitalia n’ont répondu aux demandes de commentaires envoyées dans le cadre de cette enquête.

    L’ensemble des vols de rapatriement font une escale à Palerme, où les autorités consulaires tunisiennes doivent confirmer - pro forma - l’identité des personnes ayant fait l’objet d’un décret d’expulsion. Chacun·e rencontre le consul, un·e par un·e. inkyfada a pu échanger avec Louay et Wael, deux ressortissants tunisiens qui ont été expulsés d’Italie respectivement en février 2021 et juillet 2023. Leurs histoires, très similaires, témoignent de ce système bien rôdé. Tous deux ont effectivement rencontré le consul tunisien à cette occasion. L’échange a duré à peine quelques minutes.

    “Une minute grand maximum !”, s’exclame Louay. “Je lui ai dit que j’avais fait une demande d’asile et que je ne voulais pas rentrer en Tunisie… Il a juste dit ‘Ok’”.

    “Il m’a juste demandé d’où je venais, pourquoi j’étais en Italie…”, confirme Wael. “Puis il m’a dit qu’on allait tous être expulsés”.

    Des vols charters pas tous identiques

    Fondée en 2022 par le banquier français #Marc_Bourgade et l’entrepreneur bolivien #Germán_Efromovich, Aeroitalia est dirigée par #Gaetano_Francesco_Intrieri, expert en aviation et ancien conseiller du ministre des transports de l’époque, #Danilo_Toninelli. Si le premier est peu connu du grand public, Efromovich et Intrieri se sont retrouvés par le passé au cœur de plusieurs scandales de corruption et de faillite*.

    Dès sa création, l’objectif d’Aeroitalia était de se concentrer sur le marché des vols charters, explique le dirigeant Intrieri dans une interview en avril 2022. Marc Bourgade, de son côté, a déclaré à l’Air Financial Journal que la nouvelle compagnie prioriserait "d’abord les vols charters parce qu’ils garantissent des revenus dès le jour où nous obtenons le certificat d’opérateur aérien".

    La compagnie s’est notamment occupée du transport de plusieurs équipe sportives*, des partenariats qu’elle vante sur son site internet… contrairement aux vols de rapatriements, impliquant de transporter des groupes de personnes contre leur gré.

    Dans une recherche publiée en 2022, le Centre pour les droits de l’homme de l’Université de Washington a révélé comment, aux États-Unis, de nombreuses équipes sportives et artistes ont voyagé à leur insu sur des avions charters utilisés à d’autres moments pour des opérations de rapatriement souvent violentes. Si les passagers l’ignorent, les opérateurs de ces vols, aux États-Unis comme en Italie et ailleurs, savent certainement dans quel contexte ils offrent leurs services. Les vols de rapatriement forcé ne sont pas des vols comme les autres, mais des opérations de sécurité publique qui s’inscrivent dans un ensemble de pratiques et de politiques discriminatoires.

    La machine à expulsion

    Là encore, l’exemple de la Tunisie est emblématique : les chiffres des rapatriements donnent une idée de la "sérialisation" qui sous-tend ce système, observe l’avocat Maurizio Veglio, membre de l’Association pour les études juridiques sur l’immigration (ASGI). Pour remplir deux vols charters par semaine, il faut pouvoir compter sur un grand nombre de personnes rapatriables. Or, une personne est d’autant plus facilement rapatriée que ses chances d’obtenir une protection, voire de la demander, sont limitées.

    Quand Wael arrive à Pantelleria, en juillet 2023, il est directement amené dans un centre de rétention où on lui donne la possibilité de passer un coup de téléphone d’une minute. L’amie qu’il contacte lui conseille de demander l’asile. En assistant à cet échange, l’homme responsable des communications, tunisien également, lui rétorque “[qu’ils] n’acceptent plus l’asile maintenant”.

    Selon les statistiques disponibles, 76,6% des demandes d’asiles émises par des Tunisien·nes en Italie ont été rejetées en 2022. C’est le troisième plus haut taux de rejet de demande d’asile après l’Egypte (90,3%) et le Bangladesh (76,8%).

    “Après plusieurs semaines dans les centres de rétention, j’ai pu voir les nationalités qui étaient le plus expulsées”, raconte Wael . “Avec les accords, les Tunisiens et les Egyptiens sont toujours expulsés (...). Nous, c’est le mardi et le jeudi, et eux, c’est le mercredi !”.

    En 2019, l’Italie a inclus la Tunisie dans la liste des pays d’origine dits sûrs, un instrument qui, bien que prévu par la directive sur les procédures de 2013, "est ontologiquement en contradiction avec la procédure de protection internationale, c’est-à-dire avec l’évaluation sur le droit de l’individu à être protégé", dénonce l’avocat Maurizio Veglio. Ces listes, également adoptées par d’autres pays, ainsi que par l’UE elle-même, sont "un outil totalement asservi à la volonté des administrations de sérier au maximum les réponses négatives”.

    “Il s’agit d’un énième forcing qui tente de faire de l’évaluation de la demande de protection internationale un simple incident bureaucratique, à accomplir dans les plus brefs délais, afin de classer la procédure et d’entamer le processus de rapatriement".

    En effet, l’inclusion de la Tunisie dans la liste des pays d’origine sûrs “décourage les demandes de protection dont l’issue est en partie compromise par la simple citoyenneté du demandeur”, résume-t-il. “Les personnes de nationalité tunisienne qui ne demandent pas de protection (...), risquent d’être rapatriées dans un délai extrêmement court. Le mécanisme est si rapide qu’il annule la possibilité d’un droit de défense effectif”.

    Sans surprise, la demande d’asile de Wael a été refusée, malgré ses recours. “Au bout d’un mois et demi, tous ceux qui avaient été dans les centres avec moi ont vu leur demande être refusée et ils ont été expulsé s", décrit le jeune homme. Selon lui, l’expulsion est quasiment systématique dans certains centres, notamment ceux de Trapani et Catania. “Là-bas, tu peux être sûr à 90% que tu vas être renvoyé en Tunisie”.
    Résignation et Révolte

    Dans les centres de rétention, l’incertitude et l’attente rythment le quotidien de ces personnes en sursis. “On était six par chambre. Rien n’est clair. Un coup, on nous dit qu’on va nous amener chez le docteur, une autre fois chez le psychologue, et à la fin personne ne vient”, rapporte Wael. “On n’a confiance en personne”.

    Certain·es vivent très mal ces conditions d’isolement. “Un Tunisien avec nous était complètement déprimé”, raconte Louay . “Il n’en pouvait tellement plus qu’il a fait une tentative de suicide en s’immolant. Ils lui ont mis quelques pansements puis l’ont ramené dans sa chambre”.

    À cette période, en 2021, la crise du Covid-19 bat son plein. Pour pouvoir expulser des individus, les autorités italiennes sont obligées de vérifier que personne n’est porteur du virus avant d’embarquer les passager·es vers leur pays d’origine. Louay et d’autres refusent à plusieurs reprises de faire le test.

    “On m’a menacé plusieurs fois de me le faire de force (...). Une fois, j’ai demandé à parler à mon avocat. On m’a dit : ‘Fais ton test et on te laissera l’appeler’”, rapporte Louay. “Pareil pour parler avec ma famille".

    Malgré ses refus, sa tentative de demande d’asile et ses multiples recours, Louay est finalement expulsé, tout comme Wael. Malgré les deux ans qui séparent leur expulsion respective, leur parcours est presque identique. “Un matin tôt, vers 2h du matin, on nous a mis dans un bus pour nous emmener vers une destination inconnue”, continue Louay. “On était 20, et seulement des Tunisiens”.

    A l’aéroport, ils attendent quelques heures. Après un bref échange avec le consul, tous les passagers, escortés chacun par deux policiers, sont placés dans l’avion. Direction l’aéroport d’Enfidha Hammamet pour Louay, Tabarka pour Wael.

    Ces témoignages confirment ce que le Garant national des droits des personnes privées de liberté observe depuis des années en suivant les vols de rapatriement. Selon son ex-président Mauro Palma, " les phases les plus problématiques sont celles qui précèdent l’arrivée à bord" : la phase de transfert du centre à l’aéroport, souvent sans avertissement, après un réveil brutal, au milieu de la nuit ou à l’aube ; l’attente à l’aéroport sans contrôle adéquat de l’état de santé physique et psychique des personnes ; l’utilisation de moyens de contrainte tels que des bandes Velcro appliquées aux poignets.

    Pour citer à nouveau William Walters, qui place le phénomène des déportations aériennes dans le cadre plus large de la "géographie carcérale", les vols charters sont les maillons d’une "chaîne de détention" par laquelle les personnes sont "transférées d’un environnement à l’autre, d’une autorité à l’autre". D’autres chercheurs parlent de "couloirs de déportation" pour évoquer les différentes étapes et dimensions du phénomène.

    Pour les personnes contraintes de quitter l’Italie, la phase de vol, une fois qu’elles sont escortées à bord, est souvent qualifiée de phase de "résignation", notamment parce qu’il n’existe pas de mécanisme de plainte en cas d’abus ou de mauvais traitements. “Dans l’avion, tout le monde était tranquille, que ce soit les hôtesses ou les passagers. On sait qu’il n’y a plus rien à faire et pas de solution”, commente Wael d’un ton désabusé.

    Contrairement aux vols coordonnés par l’agence européenne Frontex, qui a introduit un nouveau mécanisme en 2019 - peu efficace selon de nombreux·ses expert·es -, les vols charters organisés par les autorités italiennes n’offrent pas de réelle "possibilité de plainte", confirme Mauro Palma. Comme dans le cas des centres de détention et de rapatriement, il peut arriver que le garant recueille des plaintes, puis les transmette au ministère de l’Intérieur, mais ce "dialogue" restera interne, sans conséquence pour la personne qui a voulu signaler un abus, et ne permettra pas d’alimenter les statistiques officielles sur ces plaintes. Et sans données, le problème n’existe pas.

    Enfin, il ne faut pas oublier que sur ces vols, le rapport de force - deux ou trois agents d’escorte pour chaque personne rapatriée - est beaucoup plus déséquilibré que dans les centres de rétention et de rapatriement, où les émeutes non seulement éclatent, mais peuvent conduire à la fermeture partielle ou totale du centre de rétention, comme l’a encore montré la récente émeute du CPR de Milo.
    Entreprises complices

    Même lorsqu’ils ne sont pas le théâtre de violences physiques, les rapatriements forcés sont des opérations violentes, des démonstrations de force de la part des États qui "finissent par affecter les segments les plus faibles de la population étrangère", observe l’avocat Veglio. Il s’agit des groupes exclus, par le système discriminatoire des visas, des canaux de mobilité légale et sûre. En d’autres termes, toutes ces personnes qui, aujourd’hui, n’ont pas le droit de prendre un vol pour l’Italie, mais qui seront embarquées de force dans un avion pour en être expulsées.

    En opérant ces vols, les compagnies deviennent complices et bénéficiaires de tout le système : plus les gouvernements accordent d’attention et de fonds aux rapatriements, plus les compagnies qui profitent d’une vision répressive et discriminatoire de l’immigration engrangent des revenus. Comme le rappelle Yasha Maccanico, l’obsession déjà manifeste des gouvernements européens pour les rapatriements risque de s’étendre grâce à la révision de la directive européenne sur le retour de 2008. La procédure, entamée en 2018, est actuellement bloquée au Parlement européen, qui n’est pas encore parvenu à une position commune. Mais selon Maccanico, la tentative est de présenter "tout facteur lié à l’état de santé, à l’âge ou aux droits de l’homme d’une personne comme un obstacle en matière de retour", et de ne plus les considérer comme des éléments "devant primer sur la directive retour".

    Ces dernières années, des campagnes ont été lancées dans plusieurs pays contre les entreprises impliquées dans des opérations de rapatriement forcé par charter. Selon la chercheuse Sophie Lenoir, de l’organisation Corporate Watch, qui consacre un rapport annuel aux rapatriements forcés par charter depuis le Royaume-Uni, ces campagnes ont plus de chances d’aboutir si la compagnie visée "opère également des vols commerciaux, et se soucie donc davantage de son image de marque".

    Sophie Lenoir cite l’exemple de Tui Airways (filiale britannique du groupe allemand Tui) qui, comme Aeroitalia, "propose également des vols commerciaux destinés aux familles qui partent en vacances". Au Royaume-Uni, après une importante campagne de dénonciation, "Tui a cessé de collaborer avec le Home Office dans le cadre d’opérations de rapatriement". Elle ajoute toutefois que cet impact présente des limites et qu’une entreprise n’arrête généralement ce type de vols " que temporairement, en attendant que l’attention du public retombe".

    Un parallèle entre l’Italie et le Royaume-Uni émerge de l’analyse de Lenoir : tout comme en Italie, les personnes de nationalité tunisienne ont été pendant des années la principale cible des discours officiels contre l’immigration irrégulière, au Royaume-Uni, il en va de même pour la population albanaise. "Les Albanais", a dénoncé la philosophe britannico-albanaise Lea Ypi en 2022, "sont les victimes les plus récentes d’un projet idéologique qui, pour masquer ses propres échecs politiques, expose les minorités à des stéréotypes négatifs, à la xénophobie et au racisme".
    Contre la logique des rapatriements

    C’est ce même racisme que dénoncent les militant·es tunisien·nes, mères et sœurs de jeunes disparu·es ou mort·es en tentant de traverser la Méditerranée, dans un communiqué sur la répression du soulèvement du CPR Milo publié par l’association Mem.Med (Mediterranean Memory) : "Une fois de plus, nous constatons l’injustice d’une situation dans laquelle des jeunes sont traités comme des criminels en raison de leur migration”.

    “Il n’y a personne qui va traverser la mer, sachant qu’il risque de mourir, sans bonne raison”, résume Louay.

    Des compagnies aériennes, comme Aeroitalia et d’autres, collaborent ainsi à un système visant à la répression de plus en plus brutale du projet migratoire de milliers de jeunes à la recherche d’une vie meilleure en Italie, qui tenteront de quitter à nouveau la Tunisie à la première occasion. "La ré-émigration des migrants tunisiens donne la mesure de l’échec des accords de rapatriement entre l’Italie et la Tunisie", écrivait le chercheur David Leone Suber en 2019. "La ré-émigration de ceux qui ont été rapatriés doit être interprétée comme un acte conscient et subversif contre la logique des rapatriements et des déportations."

    Wael est d’ailleurs reparti en Italie à peine quelques mois après avoir été expulsé. “De toute façon, je suis habitué aux tentatives ratées”, dit-il avec un sourire. “J’avais déjà tenté de passer par la Serbie en 2016-2017. Mais je me suis toujours dit qu’un jour, ça finirait bien par marcher”.

    Cette fois, son bateau, avec à bord 42 personnes, part de Bizerte jusqu’en Sardaigne. La traversée dure 20h, et les derniers kilomètres sont réalisés avec l’armée italienne. A terre, il est amené vers un centre de rétention avec tous les autres passager·es. “Vers 4h du matin, je suis sorti et je me suis enfui. J’ai marché des kilomètres jusqu’à pouvoir prendre des transports jusqu’à une autre ville…”.

    De fil en aiguille, le jeune homme réussit à rejoindre la France. Depuis trois mois, il est installé à Paris où il travaille au noir comme livreur, en attendant de trouver un moyen de stabiliser sa situation. Face à ces histoires, “difficile de croire aujourd’hui, à une libre circulation des personnes entre l’Italie et la Tunisie, comme c’était le cas dans les années 1990”, rappelle le chercheur David Leone Suber.

    Le 27 mars, comme pour donner une fin ouverte à cette enquête, le ministère de l’Intérieur a publié une autre consultation de marché : sept ans après le résultat décevant de l’appel d’offres Consip, le Viminale recherche des candidats pour un service de transport aérien de migrants irréguliers pour une durée de 36 mois.

    Comme indiqué dans la note technique, les principales destinations seront la Tunisie et l’Égypte. En cas de succès, l’appel d’offres sera remporté par un courtier et le nom de la compagnie aérienne responsable de ces vols “pas comme les autres”, restera méconnu, maintenant l’opacité sur les bénéficiaires de ce système d’expulsion.

    https://inkyfada.com/fr/2024/06/24/expulsions-compagnie-italie-tunisie
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    • Come funzionano i voli di rimpatrio forzato dall’Italia alla Tunisia

      Il 31 maggio 2024, dal suo account X (ex Twitter), il ministro dell’interno italiano Matteo Piantedosi annunciava: “Altri 35 migranti sono stati rimpatriati in Tunisia. Proseguono gli sforzi per dare risposte concrete al fenomeno della migrazione irregolare”. La fotografia di un aereo pronto al decollo sotto lo sguardo di un agente di polizia accompagnava il tweet.

      L’immagine è rappresentativa dei rimpatri forzati via charter: voli programmati dalle autorità di un paese per espellere, contro la loro volontà, gruppi di persone alle quali è negata la possibilità di restare sul territorio nazionale. Per svolgere queste operazioni i governi si affidano a compagnie aeree che offrono servizi charter. Un intero aereo è noleggiato per trasportare una o più decine di persone, ognuna delle quali sarà scortata da due o tre agenti di polizia.

      Nel caso dell’Italia, quelle persone sono in gran parte di nazionalità tunisina, come confermano i dati che ci ha fornito il ministero dell’interno. Nel 2023 sono state 2.006 su 2.506. Su 106 voli di rimpatrio via charter, settanta erano diretti in Tunisia. In partenza dall’aeroporto di Trieste o da quello di Roma, questi voli fanno sempre scalo a Palermo, dove le autorità consolari tunisine devono confermare pro forma – sulla base di un accordo bilaterale siglato il 5 aprile 2011 – l’identità delle persone che hanno ricevuto un decreto di espulsione. In alcuni casi il volo parte da Trieste, si ferma a Roma o a Bari per prendere altre persone da rimpatriare e agenti, poi prosegue verso Palermo (o parte da Roma e si ferma a Bari prima di andare a Palermo). All’aeroporto di Palermo è imbarcato anche chi arriva dai centri di permanenza per i rimpatri (cpr) siciliani. ​​A quel punto l’aereo può decollare. Se la rotta seguita da questi voli è nota, i nomi delle compagnie che li operano sono invece tenuti segreti.

      Una destinazione speciale

      Roma, luglio 2023. Tra i cartelloni pubblicitari che svettano lungo le strade della capitale ci sono quelli di una compagnia aerea che ha da poco compiuto un anno e vanta ottimi prezzi per la Sicilia e la Sardegna. Aeroitalia, “la nuova compagnia italiana a capitale interamente privato”, come si legge sul sito, promette di “dare il miglior servizio possibile prendendoci cura dei nostri passeggeri con piccoli gesti, attenzioni e calore umano”.

      Proprio in quei giorni, l’attivista e ricercatore senegalese Ibrahima Konate riceve un messaggio da un conoscente tunisino: il 20 luglio suo fratello è stato rimpatriato dall’Italia su un volo XZ7744 della compagnia Aeroitalia. La stessa operazione è segnalata dal sito d’informazione tunisino Falso e da Majdi Karbai, ex parlamentare e attivista tunisino, in un post pubblicato su Facebook il 21 luglio. Il numero del volo permette di fare una ricerca sui siti di monitoraggio del traffico aereo, tra cui FlightRadar: la mattina del 20 luglio, un velivolo Aeroitalia è effettivamente decollato dall’aeroporto di Fiumicino diretto in Tunisia. Dopo uno scalo a Palermo, è atterrato a Tabarka, 130 chilometri a ovest di Tunisi, quasi alla frontiera con l’Algeria. È l’aeroporto dove atterrano i voli di rimpatrio forzato in provenienza dall’Italia.

      Nell’estate 2023 la Tunisia è al centro dell’attualità italiana ed europea. Dopo una prima visita ufficiale il 6 giugno, la presidente del consiglio italiano Giorgia Meloni torna l’11 giugno a Tunisi in compagnia della presidente della Commissione europea Ursula von der Leyen e del primo ministro olandese Mark Rutte. La speranza è quella di strappare al presidente tunisino Kais Saied un impegno a collaborare nella cosiddetta lotta contro l’immigrazione irregolare.

      Poco importano la persecuzione delle persone di origine subsahariana in Tunisia, alimentata dalle posizioni xenofobe di Saied, e la crescente repressione della società civile. Il 16 luglio dell’anno scorso l’Unione europea firma con il paese nordafricano un memorandum d’intesa che dovrebbe rafforzare il quadro della loro cooperazione. La ricetta è sempre la stessa, quella con cui l’Ue tenta di assoldare i governi stranieri esternalizzando le sue politiche di chiusura e di respingimento: soldi in cambio di maggiore sorveglianza delle frontiere e di più riammissioni di cittadini e cittadine espulsi dal territorio europeo.

      Per impedire alle persone di raggiungere l’Ue, i governi europei hanno diversi mezzi a disposizione. Alcuni sono più diretti: negargli il visto, respingere le imbarcazioni su cui viaggiano o non prestare soccorso in mare. Altri, più indiretti, sono applicati negli stati terzi (addestrare e finanziare chi intercetta le imbarcazioni, incoraggiare l’adozione di leggi che criminalizzano il traffico di migranti o l’emigrazione irregolare, promuovere tecnologie di sorveglianza sempre più sofisticate).

      Per espellere una persona dall’Unione europea, invece, in genere il modo è solo uno: metterla su un aereo. Ed è qui che entrano in gioco le compagnie aeree, protagoniste e beneficiarie di un sistema ancora poco studiato.

      Come osserva il ricercatore William Walters, “l’aviazione civile è il perno centrale delle espulsioni di persone dai paesi del nord, eppure chi fa ricerca sulle espulsioni si è raramente interessato alle questioni legate alla mobilità aerea”. Negli ultimi anni sono usciti i primi studi, tra cui un numero della rivista antiAtlas Journal curato dallo stesso Walters con i colleghi Clara Lecadet e Cédric Parizot. Nell’introduzione, i tre autori sottolineano come l’opacità del settore, in particolare quello delle espulsioni via charter, abbia ostacolato lo sviluppo della ricerca sul tema.

      I rimpatri forzati possono svolgersi anche su voli di linea, imbarcando la persona prima degli altri passeggeri e isolandola nei posti in fondo. Ma c’è sempre il rischio che faccia resistenza, cercando di attirare l’attenzione degli altri passeggeri, e che il comandante finisca per farla sbarcare se la situazione a bordo diventa ingestibile. Tutto questo sui charter non succede. “Il vantaggio dei rimpatri via charter è che sono più facili da tenere sotto controllo”, riassume Yasha Maccanico, ricercatore dell’organizzazione Statewatch, che segue da vicino il tema dei rimpatri a livello europeo.

      L’Italia predilige le espulsioni via charter e, per gestirle, ha adottato un sistema di rara macchinosità. L’accordo di cooperazione con la Tunisia del 2011 prevede la possibilità di rimpatriare – su due voli charter a settimana – un massimo di 80 cittadini tunisini (ogni volo è previsto per 20-40 persone da rimpatriare e 60-110 agenti di scorta).

      Data la frequenza, un contratto a medio o a lungo termine per un servizio di trasporto aereo regolare sembrerebbe la soluzione più logica. E infatti nel 2016, sull’onda della cosiddetta crisi migratoria del 2015, la centrale acquisti della pubblica amministrazione italiana (Consip) ha lanciato una gara d’appalto in questo senso (del valore di 31 milioni e 500mila euro), su incarico della direzione centrale dell’immigrazione e della polizia delle frontiere e del dipartimento per le libertà civili e l’immigrazione. La gara, che riguardava tutti i voli di rimpatrio, non solo quelli per la Tunisia, è andata deserta. In una nota tecnica, che abbiamo ottenuto attraverso richiesta di accesso civico generalizzato, la Consip spiega i motivi di questo disinteresse: per le aziende del settore, le troppe variabili legate al servizio richiesto (in particolare i tempi di programmazione dei voli di rimpatrio e il numero di persone da trasferire) lo renderebbero difficilmente conciliabile con la loro normale attività di trasporto aereo.

      E così l’Italia, a differenza di altri paesi europei (tra cui la Spagna, la Germania e il Regno Unito), ha continuato a indire una gara d’appalto per ogni volo.

      Il sistema degli appalti

      Nei documenti pubblicati dal ministero sui rimpatri via charter verso la Tunisia non compare mai il nome di una compagnia aerea. Le gare d’appalto sono tutte vinte da due società d’intermediazione (o broker), la tedesca Professional aviation solutions (Pas) e la britannica Air partner (acquisita nel 2022 dalla statunitense Wheels up), che si spartiscono il mercato. Le compagnie aeree forniscono i mezzi e il personale senza i quali i rimpatri sarebbero impossibili, ma sono i broker a permettere che la macchina dei rimpatri giri senza sosta.

      Fino alla fine del 2023, per ogni volo charter di rimpatrio il ministero pubblicava il testo della gara d’appalto (“determina”) per un volo programmato in genere una settimana dopo, e il risultato della gara (“avviso di appalto aggiudicato”). Oltre al nome del broker selezionato, gli avvisi di appalto aggiudicato indicavano il numero di offerte ricevute dal ministero dell’interno per il volo in questione (spesso due, a volte una) e il costo dell’offerta selezionata. Il nome della compagnia che avrebbe operato il volo, e intascato quindi il grosso di quella cifra, non era precisato.

      Alle nostre domande la segreteria del dipartimento della pubblica sicurezza ha risposto di “non avere contatti diretti” con Aeroitalia, dato che “l’affidamento del servizio al vettore individuato tra quelli con l’offerta migliore avviene attraverso una società terza – ‘broker’”. E infatti, cercando sul sito del ministero dell’interno i documenti relativi al volo Roma-Palermo-Tabarka del 20 luglio 2023, scopriamo solo che l’appalto è stato vinto dalla Pas con un’offerta di 115.980 euro.

      Inoltre, fino alla fine del 2023 gli avvisi di appalto aggiudicato precisavano che il subappalto non era possibile. Eppure il servizio di trasporto aereo era eseguito da un terzo (il vettore) rispetto all’aggiudicatario, ovvero il broker. Sempre fino alla fine del 2023, la procedura di appalto non era aggiornata: gli avvisi di appalto aggiudicato contenevano la lista degli operatori economici invitati a partecipare alla gara, lista che includeva Mistral air (diventata Poste air cargo nel 2019), Meridiana (che ha chiuso nel 2018) e il broker Astra associated services (che risulta in liquidazione).

      Per i voli operati dall’inizio del 2024 il ministero dell’interno ha modificato i documenti disponibili sul sito. Sono sempre presenti i bandi delle gare d’appalto (con la novità che una gara può riguardare due voli operati la stessa settimana – il primo da Trieste, il secondo da Roma – e che la spesa massima dev’essere inferiore a 110mila euro invece dei precedenti 140mila euro), mentre sono spariti gli avvisi di appalto aggiudicato. Impossibile quindi sapere chi è stato invitato a partecipare alla gara e quante offerte sono state presentate. Sparito anche il riferimento al divieto di subappalto. Tra i nuovi documenti disponibili ci sono i contratti con i broker aggiudicatari, ma neanche qui c’è il nome della compagnia aerea incaricata di operare il volo.

      Questa opacità non caratterizza solo i rimpatri charter dall’Italia. Come riferisce il ricercatore Matthias Monroy, nell’agosto 2023 il ministero dell’interno tedesco, rispondendo a un’interrogazione parlamentare del partito Die Linke, ha definito “confidenziali” i dati sulle compagnie di voli charter che guadagnano con i rimpatri, perché “queste informazioni potrebbero esporre le compagnie a ‘critiche da parte dell’opinione pubblica’, ostacolando le operazioni di rimpatrio”.

      Anche il ministero dell’interno italiano ha respinto la nostra richiesta di conoscere i nomi di queste compagnie, ma dando un’altra spiegazione. La pubblicazione delle offerte ricevute per ogni volo di rimpatrio, in cui oltre al nome del broker compare il nome della compagnia che opererebbe il volo, non sarebbe di interesse pubblico. Abbiamo presentato un’istanza di riesame, e nella sua risposta dell’8 maggio il ministero dell’interno si è limitato a rinviare ai documenti disponibili sul sito.

      Nel frattempo, un intoppo informatico (o, più probabilmente, un errore umano) ha reso possibile la consultazione di due di queste offerte. Il 13 novembre 2023 sono state pubblicate le offerte ricevute dai soliti broker per il volo del 12 ottobre 2023, con partenza da Trieste, scalo a Palermo e arrivo a Tabarka. Fatto sorprendente, sia la Pas sia la Air partner avevano proposto per quel volo un aereo della compagnia spagnola Albastar, chiedendo rispettivamente 71.200 euro e 71.880 euro. Ha vinto la Pas, con l’offerta più bassa, ma Albastar si sarebbe in ogni caso aggiudicata quel volo.

      Tredici voli

      Torniamo ad Aeroitalia. Cercando il volo XZ7744 su FlightRadar, vengono fuori tredici voli operati su Tabarka tra il 20 luglio e il 3 ottobre, nelle stesse date e lungo le stesse tratte indicate nei documenti pubblicati dal ministero dell’interno. Dagli avvisi di appalto aggiudicato, sappiamo che i bandi per quei voli sono stati vinti dalla Pas, e conosciamo la cifra richiesta, come per esempio nel caso del volo del 20 luglio.

      La commissione trattenuta dai broker, secondo un esperto del settore che desidera restare anonimo, è compresa tra il 3 e il 5 per cento. Se ipotizziamo una commissione massima del 5 per cento trattenuta dalla Pas, per quei tredici voli Aeroitalia potrebbe aver incassato quasi 1.380.000 euro. Gli altri due voli Aeroitalia nel 2023 risalgono al 17 gennaio e al 31 gennaio (rintracciati su FlightRadar con il numero XZ8846), sempre per conto della Pas, che ha incassato rispettivamente 71.490 euro e 69.990 euro.

      Da ulteriori ricerche su FlightRadar emerge che Aeroitalia avrebbe cominciato a operare voli di rimpatrio già nel 2022. Ne abbiamo rintracciati il 13 e 18 ottobre, l’8 e il 15 novembre e il 29 dicembre, con i numeri di volo XZ8452, XZ8535 e XZ8846. Nel luglio 2022, quindi poco dopo il lancio della compagnia, l’allora primo velivolo Aeroitalia, il Boeing 737-85f 9h-cri, è stato noleggiato per portare Zubin Mehta e l’orchestra e il coro del Maggio musicale fiorentino a Malaga in occasione di un concerto. Il volo di ritorno ha avuto un ritardo di diciassette ore. In quel lasso di tempo, secondo i dati disponibili su FlightRadar, l’aereo ha effettuato vari spostamenti, tra cui un volo Roma-Bari-Palermo-Tabarka (numero ​AEZ4410).

      Né la Pas né Aeroitalia hanno risposto alle nostre richieste di commento.

      Un’azienda che fa parlare di sé

      Fondata nell’aprile 2022 dal banchiere francese Marc Bourgade e dall’imprenditore boliviano Germán Efromovich, Aeroitalia è guidata da Gaetano Francesco Intrieri, esperto di trasporto aereo e, per un breve periodo nel 2018, consulente dell’allora ministro dei trasporti Danilo Toninelli. Bourgade è una figura poco nota al grande pubblico, mentre in passato sia Efromovich sia Intrieri sono finiti al centro di alcuni processi per reati di corruzione e bancarotta. Efromovich è stato assolto, Intrieri condannato ma la sentenza a due anni e quattro mesi è stata poi cancellata nel 2006 dall’indulto. Dal novembre 2023 Aeroitalia può contare anche sui servizi di Massimo D’Alema, assunto come consulente.

      Dal 2004 al 2019 Efromovich è stato l’amministratore delegato della holding aeronautica latinoamericana Avianca holdings (oggi Avianca group). Determinato a entrare nel mercato italiano, avrebbe voluto acquisire Alitalia, ma ha finito per lanciare Aeroitalia. L’azienda si è fatta rapidamente notare per la disinvoltura con cui chiudeva rotte appena aperte, scatenando le ire di diversi aeroporti, tanto da spingere l’Enac a intervenire con una diffida il 31 ottobre 2023.

      Intervistato dal Corriere della Sera nell’aprile 2022, al momento del lancio della compagnia, Intrieri spiegava che Aeroitalia si sarebbe concentrata da subito sul mercato charter “perché in Italia è semi-morto, ma pure le compagnie aeree charter qui sono semi-morte”. Nello stesso periodo, Marc Bourgade dichiarava all’Air Financial Journal che la nuova compagnia si sarebbe concentrata “prima sui voli charter perché garantiscono ricavi dal giorno in cui otteniamo il certificato di operatore aereo”. E infatti il primo volo operato da Aeroitalia, il 3 maggio 2022, è stato un charter Bologna-Valencia che trasportava la squadra di pallacanestro Virtus Segafredo Bologna.

      Da allora, tra le collaborazioni strette con altre squadre sportive, Aeroitalia è diventata partner ufficiale dell’Atalanta (ottobre 2022), della Lazio (agosto 2023) e della squadra di pallavolo femminile Roma volley club (dicembre 2023).

      Non tutti i voli charter sono uguali

      Ma trasportare squadre di sportivi, o comitive di turisti, è un conto. Un altro è trasportare contro la loro volontà persone verso la Tunisia, paese che secondo esperti e tribunali non può essere considerato sicuro.

      In una ricerca pubblicata nel 2022, il Center for human rights dell’università di Washington ha rivelato come negli Stati Uniti molte squadre sportive e molti artisti viaggiassero a loro insaputa su aerei charter usati in altri momenti per operazioni di rimpatrio spesso violente.

      L’esempio della Tunisia è emblematico: i numeri relativi ai rimpatri danno un’idea della “serializzazione” alla base di questo sistema, osserva l’avvocato Maurizio Veglio dell’Associazione per gli studi giuridici sull’immigrazione (Asgi). Per sperare di riempire due voli charter a settimana bisogna poter contare su un ampio bacino di persone rimpatriabili. E una persona è tanto più facilmente rimpatriabile quanto limitate sono le sue possibilità non solo di ottenere una qualche forma di protezione, ma perfino di chiederla.

      Rispetto ai cittadini tunisini l’Italia ha agito su entrambi i fronti. Nel 2019 ha inserito la Tunisia nella lista dei cosiddetti paesi di origine sicuri, uno strumento che, pur essendo previsto dal diritto dell’Unione europea (la direttiva procedure del 2013), “è ontologicamente contrastante con la procedura di protezione internazionale, cioè con la valutazione sul diritto del singolo di essere protetto”, denuncia Veglio. Queste liste, adottate anche da altri paesi, oltre che dalla stessa Ue, sono “uno strumento al servizio delle autorità per rendere praticamente automatiche le risposte negative. Si tratta dell’ennesima forzatura che cerca di rendere la valutazione della domanda di protezione internazionale un mero incidente burocratico, da assolvere nel minor tempo possibile, per poter archiviare la procedura e avviare il processo di rimpatrio”.

      Secondo Veglio, l’inserimento della Tunisia nella lista di paesi di origine sicuri “disincentiva le domande di protezione, il cui esito è in parte pregiudicato dalla semplice cittadinanza del richiedente. D’altra parte le persone di nazionalità tunisina che non richiedono la protezione, una volta sbarcate in Italia, ricevono un decreto di respingimento, possono essere trattenute e, in un lasso temporale estremamente ridotto, rischiano il rimpatrio. Il meccanismo è così rapido da vanificare la possibilità di un diritto di difesa effettivo”.

      Wael ne sa qualcosa: arrivato a Pantelleria il 1 giugno 2023, dopo una settimana è trasferito nel cpr di Milo, a Trapani. Gli è concesso di fare una telefonata di un minuto. L’amica che chiama gli consiglia di presentare una domanda di protezione. Ma un altro tunisino detenuto nel centro lo avverte: “Qui non danno più l’asilo”. Nel 2022 il 76,6 per cento delle richieste di protezione presentate da persone di nazionalità tunisina è stato respinto, il tasso di rifiuto più alto dopo quello dell’Egitto (90,3 per cento) e del Bangladesh (76,8 per cento).

      In seguito due agenti di polizia si presentano accompagnati da una traduttrice marocchina, che invita Wael a firmare un foglio: “Mi sono rifiutato, e lei mi ha detto che tanto lo avrebbero firmato al mio posto. Allora ho ceduto. Dopo varie settimane trascorse nel centro, ho visto quali erano le nazionalità più espulse. Grazie agli accordi, tunisini ed egiziani sono sempre espulsi: noi il martedì e il giovedì, loro il mercoledì”. Prevedibilmente, la sua domanda di protezione è respinta.

      Attesa e incertezza

      Nei cpr, i giorni scorrono nell’attesa e nell’incertezza. “Eravamo sei in una stanza”, ricorda Wael. “Nessuno ti spiegava nulla. Magari venivano e ti dicevano che sarebbero tornati per portarti dal dottore, oppure dallo psicologo, per verificare se eri davvero minorenne, ma poi non tornavano. Non potevi fidarti di nessuno”. C’è chi non sopporta l’isolamento. “Un tunisino detenuto con noi era talmente depresso che ha provato a darsi fuoco”, racconta Wael. “Gli hanno messo qualche benda e l’hanno rispedito in stanza”.

      Louay (nome di fantasia) ha vissuto un’esperienza simile, due anni prima. Nel 2021, al momento del suo arrivo in Italia e della sua immediata detenzione, la pandemia era ancora in corso. Prima di procedere a un rimpatrio, le autorità dovevano fare un tampone per il covid. Louay e altri si sono rifiutati. “Mi hanno minacciato più volte di farmelo con la forza. Quando ho chiesto di poter parlare con il mio avvocato, mi hanno risposto: ‘Fai il test e poi potrai chiamarlo’. Stessa cosa se volevo parlare con la mia famiglia”. Anche Louay, come Wael, è stato espulso, in circostanze simili. “Una notte, verso le due, ci hanno fatto salire su un autobus senza dirci dove fosse diretto”, ricorda. “Eravamo in venti, tutti tunisini”.

      All’aeroporto di Palermo hanno aspettato varie ore prima di essere imbarcati. L’incontro con il console tunisino è durato pochissimo. “Un minuto al massimo!”, dice Louay. “Gli ho detto che avevo chiesto l’asilo e che non volevo tornare in Tunisia. Ha risposto solo ‘Ok’”.

      “A me ha chiesto da dove venissi in Tunisia e perché fossi venuto in Italia”, dice Wael. “Poi ha aggiunto che saremmo stati tutti espulsi”. Ammanettati, scortati da due agenti di polizia, Wael e Louay hanno affrontato l’ultima tappa: il volo charter.

      Rassegnazione e rivolta

      Le loro testimonianze confermano quanto osservato dal garante nazionale dei diritti delle persone private della libertà personale in anni di monitoraggio di voli di rimpatrio. Secondo l’ex presidente Mauro Palma, “le fasi più problematiche sono quelle che precedono l’arrivo a bordo”: il trasferimento dal centro in aeroporto, spesso senza preavviso, dopo un risveglio brusco, in piena notte o all’alba; l’attesa in aeroporto senza che siano fatte le adeguate verifiche sullo stato di salute fisica e mentale delle persone; l’uso di mezzi contenitivi come le fascette di velcro applicate ai polsi.

      Per citare di nuovo William Walters, che inserisce il fenomeno dei rimpatri aerei nel quadro più ampio della “geografia carceraria”, i voli charter sono anelli di una custodial chain (“catena di custodia”) attraverso la quale le persone sono “trasferite da un ambiente all’altro, da un’autorità alla seguente”. Altri ricercatori parlano di deportation corridor, corridoi della deportazione, per evocare le diverse tappe e dimensioni del fenomeno.

      Una volta scortate a bordo, per le persone costrette a lasciare l’Italia quella del volo è spesso definita la fase della “rassegnazione”, anche perché non esiste un meccanismo di reclamo in caso di abusi o maltrattamenti. A differenza dei voli di rimpatrio coordinati dall’agenzia europea Frontex, che ha introdotto un simile meccanismo nel 2019 (poco efficace, secondo vari esperti), i voli charter organizzati dalle autorità italiane non offrono una reale “possibilità di reclamo”, conferma Mauro Palma.

      Come nel caso dei centri per il rimpatrio, può succedere che il garante raccolga dei reclami, per poi trasmetterli al ministero dell’interno, ma è uno scambio informale, privo di conseguenze per la persona che ha voluto denunciare un abuso, e non permetterà di alimentare statistiche ufficiali su queste denunce. E senza dati, il problema non esiste.

      Infine, non bisogna dimenticare che su quei voli il rapporto di forza – due o tre agenti di scorta per ogni persona rimpatriata – è molto più squilibrato rispetto a quanto accade nei cpr, dove le rivolte non solo scoppiano, ma possono portare alla chiusura parziale o totale della struttura detentiva, come ha dimostrato ancora una volta la rivolta nel cpr di Milo-Trapani a febbraio 2024 (ricostruita da diverse associazioni in un comunicato pubblicato sul sito di Melting Pot Europa).

      Campagne di denuncia

      Anche quando non sono teatro di violenze fisiche, i rimpatri forzati sono operazioni violente che “finiscono per colpire la fasce più deboli della popolazione straniera”, osserva Veglio. Quelle fasce escluse, attraverso il sistema discriminatorio dei visti, dai canali della mobilità legale e sicura.

      Come ricorda Yasha Maccanico, l’ossessione dei governi europei per i rimpatri rischia di dilagare grazie alla revisione della direttiva europea sui rimpatri del 2008. Avviata nel 2018, la procedura di revisione è al momento bloccata al parlamento europeo, che non ha ancora raggiunto una posizione comune. Ma secondo Maccanico, il tentativo è quello di presentare “ogni fattore legato allo stato di salute, all’età o ai diritti umani di una persona come un ostacolo rispetto al rimpatrio”, invece di considerarli elementi “che dovrebbero prevalere sulla direttiva rimpatri”.

      Negli ultimi anni in diversi paesi sono state lanciate campagne di denuncia contro le compagnie che partecipano alle operazioni di rimpatrio forzato via charter. Secondo la ricercatrice Sophie Lenoir, dell’organizzazione Corporate watch (che ogni anno dedica un rapporto ai rimpatri forzati via charter dal Regno Unito), queste campagne hanno più probabilità di successo se la compagnia presa di mira “opera anche voli commerciali, e tiene quindi di più alla propria immagine pubblica”.

      Lenoir fa l’esempio di Tui airways (sussidiaria britannica del gruppo tedesco Tui group) che, come Aeroitalia, “propone anche voli commerciali puntando sulle famiglie che partono in vacanza”. Nel Regno Unito, dopo una grossa campagna di denuncia, nel 2022 “Tui ha smesso di collaborare con il ministero dell’interno nel quadro delle operazioni di rimpatrio”, spiega Lenoir, aggiungendo però che una compagnia può interrompere questo tipo di voli “solo temporaneamente, nell’attesa che cali l’attenzione dell’opinione pubblica”.

      Dall’analisi di Lenoir emerge un parallelo tra Italia e Regno Unito: proprio come in Italia le persone di nazionalità tunisina sono da anni tra i principali bersagli dei discorsi ufficiali contro l’immigrazione irregolare, nel Regno Unito lo stesso sta succedendo con la popolazione albanese. “Gli albanesi”, denunciava nel 2022 la filosofa britannico-albanese Lea Ypi, “sono le vittime più recenti di un progetto ideologico che, per mascherare i propri fallimenti politici, espone le minoranze alla stereotipizzazione negativa, alla xenofobia e al razzismo”.

      Quello stesso razzismo denunciato dalle attiviste tunisine, madri e sorelle dei giovani scomparsi o deceduti nel tentativo di attraversare il Mediterraneo, dopo la repressione della rivolta al cpr di Milo: “Ancora una volta, constatiamo l’ingiustizia di una situazione in cui dei giovani sono trattati come criminali per colpa della loro migrazione”, si legge nel loro comunicato, diffuso dall’associazione Mem.Med (Memoria Mediterranea).

      “Nessuno attraversa il mare, sapendo che rischia di morire, senza una buona ragione”, dice Wael, che ha ripreso la via del mare pochi mesi dopo la sua espulsione. “Tanto ero abituato ai tentativi falliti”, commenta con un sorriso. “Avevo già provato a raggiungere l’Europa passando per la Serbia nel 2016-2017. Mi sono sempre detto che prima o poi ce l’avrei fatta. Con quello che guadagnavo in Tunisia è impossibile vivere”.

      “L’emigrazione di migranti tunisini già rimpatriati dà una misura del fallimento degli accordi sui rimpatri tra Italia e Tunisia”, scrive il ricercatore David Leone Suber. “I loro tentativi devono essere interpretati come atti coscienti e sovversivi nei confronti della logica dei rimpatri”.

      La terza volta, a fine dicembre del 2023, Wael è partito dalla città tunisina di Biserta: “Eravamo in 84, ci hanno divisi su due gommoni, diretti in Sardegna. Ci sono volute venti ore. È stato un viaggio lungo e stancante. Per l’ultimo tratto siamo stati scortati dall’esercito italiano”. A terra, Wael è stato trasferito in un centro. “Verso le quattro del mattino sono scappato. Ho camminato per alcuni chilometri fino a un’altra città…”. Dopo varie tappe, è riuscito ad arrivare in Francia. Ora vive a Parigi, dove lavora in nero come corriere per Deliveroo, nell’attesa di riuscire a regolarizzare la sua situazione.

      Sentendo queste storie, è difficile credere che fino agli anni novanta, ovvero fino ai “primi decreti sull’introduzione di visti e restrizioni per i cittadini di paesi terzi”, esisteva “il libero movimento di persone tra Italia e Tunisia”, come ricorda Suber. Ora quel periodo sembra lontano anni luce (come lontanissima sembra l’epoca tra le due guerre mondiali, evocata in un recente articolo dalla politologa Speranta Dumitru, in cui gli europei odiavano una recente invenzione chiamata passaporto).

      Il 27 marzo 2024 il ministero dell’interno italiano ha pubblicato una consultazione di mercato diversa: sette anni dopo l’esito deludente della gara Consip, il Viminale cerca candidati per un servizio di “trasporto aereo di migranti irregolari” della durata di 36 mesi. Le “manifestazioni di interesse” andavano mandate entro il 17 aprile. Come si legge nella nota tecnica, le destinazioni principali saranno la Tunisia e l’Egitto. Se andrà in porto, la gara d’appalto sarà vinta da un broker, e si porrà di nuovo il problema della mancata trasparenza sui nomi delle compagnie aeree coinvolte.

      https://www.internazionale.it/reportage/haifa-mzalouat/2024/06/24/voli-rimpatrio-italia-tunisia