Quelle est votre analyse de la guerre menée à Gaza ?
Au lieu d’une guerre pour la libération des otages israéliens, la guerre menée à Gaza est devenue celle de Benyamin Nétanyahou pour se maintenir au pouvoir et échapper à ses procès [le premier ministre israélien est accusé de corruption, de fraude et d’abus de confiance dans trois affaires, des charges qu’il nie fermement]. Le temps passe et les gens sont de plus en plus conscients de la situation. J’espère que la pression en interne au sein du pays, mais aussi celle de nos alliés et de l’opinion publique mondiale, va finir par arrêter Nétanyahou, afin que des négociations aient lieu pour une trêve et pour la libération des otages, voire un accord de paix durable avec les Palestiniens.
J’enseigne le cinéma à l’école Sam Spiegel, à Jérusalem, et récemment j’ai discuté avec l’un de mes élèves réservistes qui était en permission après trois mois passés à Gaza. Il m’a dit qu’il se sentait comme Shlomi dans le film. Il se balade dans Tel-Aviv avec toutes les horreurs qu’il a vues dans sa tête.
Avec un certain sens du burlesque, « Le Déserteur » est une charge contre le poids de l’armée en Israël. Comment le film est-il né ?
Dans certains pays, #déserter peut être une gloire, mais en Israël c’est un véritable tabou. L’armée est sacrée [trois ans de service pour les garçons, deux ans pour les filles], surtout en temps de #guerre. Mon point de départ, c’est cet écart entre la volonté d’un jeune homme d’avoir une vie normale et la réalité très violente tout autour de lui. C’est comme si on était dans un cul-de-sac dont on ne peut sortir. Shlomi me fait penser à un animal sauvage qui court dans la forêt brûlante, et dont la queue a pris feu : il fuit l’incendie en même temps qu’il le propage…
Moi aussi, j’ai essayé de fuir l’armée pendant mon service, lorsque j’étais soldat combattant. Une nuit, en plein désert israélien, je me suis mis à courir, et me suis dirigé vers là où je pensais que se trouvait l’autoroute. J’ai couru, marché, et je me suis perdu. Puis, en regardant autour de moi, la seule lumière que je pouvais repérer, c’était la base militaire ! Je suis donc revenu… C’était une tentative pitoyable et inachevée de #désertion. Peut-être que le film vient de là.
Un tel scénario a-t-il été difficile à financer ?
Il nous a fallu plusieurs années pour trouver le financement, mais parfois il suffit d’un seul courageux, en l’occurrence une courageuse : Noa Regev, qui pilote le Fonds du cinéma israélien (#Israel Film Fund), a soutenu le film malgré les oppositions qu’elle a rencontrées. On est partis sur un budget modeste, en équipe réduite, ce qui a créé un certain dynamisme et a contribué au langage cinématographique du film. Je tenais beaucoup à tourner sur place, à Tel-Aviv et à la frontière de Gaza – à #Gaza même, ce n’était pas possible –, et on a également filmé dans un village arabe en Israël.
Vous venez de terminer un nouveau film, « Des chiens et des hommes » (« Of Dogs and Men »), sur la situation des civils israéliens et palestiniens depuis le 7 octobre…
Oui, c’est l’histoire d’une jeune fille israélienne qui retourne sur les lieux de son kibboutz, à la frontière de Gaza, qu’elle a dû abandonner avec sa famille après le 7 octobre. Elle est à la recherche de son chien et, à travers ses rencontres avec des voisins, une équipe de presse, et ses visionnages de vidéos, elle prend conscience de l’horreur à Gaza. Le film est produit par Itay Tamir et Alexander Rodnyansky, et, jusqu’à la dernière minute, il était « short listé » à Cannes, en Sélection officielle [la 77e édition aura lieu du 14 au 25 mai], mais finalement on a reçu une réponse négative.