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(mastodon.iriseden.eu/@soler solertoyo.bsky.social https://twitter.com/SolerToyo) أنثوان

  • Mort de #James_C_Scott, penseur de la société sans État | Mediapart

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/220724/mort-de-james-c-scott-penseur-de-la-societe-sans-etat

    Ses recherches vont à l’encontre de l’idée que la création d’un #État est un signe irréversible de progrès pour les sociétés humaines. Il a documenté à la fois la longue histoire de peuples qui ont vécu sans lui et même contre lui (Zomia), ainsi que de ceux qui l’ont abandonné après s’y être essayé (Homo Domesticus).

    Plus globalement, à l’image d’autres chercheuses et chercheurs (#Anna_Tsing, #David_Graeber, #David_Wengrow, etc.), il accordait une grande importance à l’histoire des peuples subalternes et dominés. Non par fascination fétichiste pour le fait minoritaire, mais par la conviction qu’elle recèle des clés de compréhension de la modernité. Celle-ci n’est pas née de l’évidence, ni d’une supposée #nature des #sociétés humaines, mais est la conséquence de choix politiques, souvent souillés du sang de la répression et des guerres, pour imposer un régime centralisé et vertical. Il citait souvent l’influence du livre de l’#anthopologue #Pierre_Clastres, la société contre l’État (1974).

    Pour retrouver la trace d’autres formes d’organisations sociales et politiques, il faut donc plonger dans les archives éparses et parfois négligées de peuples anciens qui ont tenté autre chose que le modèle si répandu aujourd’hui de l’État-nation. Scott n’en reconnaissait pas moins la force quasi indépassable de ce modèle dans notre monde actuel.

    « Vivre sans État est impossible, en tout cas dans un avenir proche », expliquait-il cette année au magazine Sciences humaines, car « il s’agit d’une forme d’organisation politique à laquelle il est pratiquement impossible d’échapper. Nous sommes coincés avec l’État. Du recensement aux cartes nationales d’identité, en passant par l’affectation des emplois, les instruments de contrôle et de connaissance de l’État se sont accrus de manière exponentielle, ainsi que son contrôle physique du territoire, ce qui fait qu’il existe de moins en moins d’options pour, comme au temps de la Zomia, partir se réfugier dans des collines ou des marais où l’État ne peut pas vous rattraper ».

    L’État et son pistolet sur la tempe
    Ses livres sont pourtant une invitation à ne pas abandonner l’imaginaire de l’#auto-organisation, de l’exercice horizontal du pouvoir et de la subsistance. Dans un moment où la guerre, les poussées autoritaires et la montée de l’extrême droite menacent les pratiques démocratiques, leur lecture semble plus nécessaire que jamais. Comme David Graeber, d’une génération plus jeune et disparu à 59 ans en 2020, Scott était en ce sens une source de savoirs et un repère #politique.

    Tout en continuant à donner des conférences et à publier des livres, il occupait sa retraite à élever des moutons, des vaches, des poules et des abeilles dans une ferme du Connecticut. Mediapart avait eu la chance de le rencontrer à l’été 2019, lors de sa venue au festival La Manufacture des idées. Interrogé sur ses recherches, il avait préféré parler de sa ferme – dont une grange avait brûlé, détruisant la plupart de ses livres – et le projet d’interview avait tourné au récit de son expérience agricole.

    Enthousiaste et cordial, il avait posé une profusion de questions sur la situation française, le devenir de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et les « gilets jaunes ». L’échange s’était terminé par un appel à la prudence face à l’État qui peut à tout moment « vous mettre un pistolet sur la tempe ».

    Retrouvez ici tous les articles de Joseph Confavreux sur l’œuvre de James C. Scott :

    Sur sa vision de l’anarchisme comme exercice de la liberté face à l’oppression étatique et son invitation à traverser hors des clous (2013) ;
    Sur son histoire des populations de la Zomia, un ensemble de territoires situés à des altitudes supérieures à 300 mètres du Vietnam, du nord-est de l’Inde, du Cambodge, du Laos, de la Thaïlande, de la Birmanie ainsi que de quatre provinces chinoises (2013) ;
    Sur sa contre-histoire de l’État et de l’agriculture (2019) ;
    Sur sa généalogie de la surveillance par l’État (2021).

    #Jade_Lindgaard