• Tenus en liesse !
    https://lundi.am/Tenus-en-liesse

    « Grâce à cette gigantesque opération de stupéfaction, tout ce qui est invivable continue. »

    « Les gens sautaient sur place et criaient de toutes leurs forces (…) Naturellement, il chantait avec les autres. Il était impossible de faire autrement. »
    George Orwell, 1984.

    Certains récits des années noires du Stalinisme nous racontent qu’à la fin des discours du « Guide suprême » les applaudissements duraient à n’en plus finir, chacun ayant peur d’être repéré comme dissident potentiel s’il cessait d’applaudir avant les autres. La menace de finir au Goulag ou d’une balle dans la nuque suffisait largement à expliquer ce comportement prudent. Dans l’Allemagne nazie, c’est le manque de promptitude à faire le salut hitlérien qui pouvait causer de graves ennuis. Dans notre société se flattant d’être loin de tout totalitarisme c’est plus subtilement que se manifeste l’« étouffement délibéré de la conscience » qu’Orwell avait diagnostiqué dans ce stakhanovisme de la soumission. Les foules qui, aujourd’hui, s’éclatent dans d’hystériques ovations applaudissant les shows du grand bastringue charlatanesque, le font sans rien qui semble les y contraindre, de leur propre élan « libre ». C’est à dire que, sans les forcer, on a sû habilement les y mener, leur faire désirer d’être escroqués. C’est une victoire de la #société_du_spectacle que cette adhésion hypnotique de bon nombre de ses ilotes à ce qui sert à les tenir dans leur condition de rouages de la machine.

    UNE FANTASMAGORIE FRANÇAISE
    ou comment la cérémonie d’ouverture des JO essaie de nous berner
    https://lundi.am/Une-fantasmagorie-francaise

    La cérémonie d’ouverture a permis un gigantesque refoulement des émotions qui agitaient, depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois, la conscience du pays. Refoulement de l’agacement provoqué par la perspective de ces mêmes #JO, qui annonçait des dépenses colossales et des ennuis sans fin pour les habitant·es d’Île-de-France ; refoulement de l’angoisse et de la colère suscitées par la situation politique post-Européennes ; refoulement de la connaissance que nous avons tous·tes, au moins en germe, des conséquences négatives des Jeux sur le plan écologique, sur celui de la gentrification de certaines zones périphériques de Paris, ou encore pour les travailleurs sans lesquels les Jeux n’auraient pas pu avoir lieu, en particulier les travailleurs sans-papiers exploités sans vergogne depuis des mois dans le BTP.
    Partout autour de moi, ça râlait, à raison, à l’idée de ces Jeux. Et puis la cérémonie d’ouverture a lieu et subitement tout le monde est content. Certain·es, même, sont fièr·es, fièr·es d’être français·es.

    Comment se fait-il que même des ami·es gauchistes, écolos, queers, se laissent prendre au piège ? Que s’est-il passé dans ce formidable spectacle du 26 juillet, pour que tous·tes soient au moins un peu séduit·es, et finissent par regarder d’un œil indulgent les épreuves sportives consciencieusement chroniquées les jours qui suivirent ? Telle qu’on me la raconte, cette cérémonie semble avoir consisté en une ambitieuse fantasmagorie, qui se révèle en effet très efficace. Chez Walter Benjamin, la fantasmagorie désigne la production par une société d’une certaine représentation d’elle-même qui tend à oblitérer ce qu’elle est vraiment, notamment une entité productrice de marchandises.

    Macron après la fin des JO : « On n’a pas envie que la vie reprenne ses droits »
    https://www.lexpress.fr/societe/macron-apres-la-fin-des-jo-on-na-pas-envie-que-la-vie-reprenne-ses-droits-B

    Les JO de Paris ont montré "le vrai visage de la France", a affirmé le président français, ce lundi 12 août, devant plusieurs centaines de professionnels mobilisés durant cet événement qui a été "un succès de sécurité, d’organisation, un succès sportif et populaire" selon le chef de l’Etat.

    "Nous qui avons vécu pendant plus de deux semaines dans un pays où on a eu le sentiment que l’air était plus léger […] On n’a pas envie que la vie reprenne ses droits", a estimé le président, confessant de la "nostalgie" lors de cette réception dans les jardins de l’Elysée, où étaient réunis des volontaires des JO, des élus locaux, des policiers, des militaires, des gendarmes ou encore des pompiers.

    #le_faux_sans_réplique

    • Pour Benjamin, la fantasmagorie historique se caractérise par le fait qu’elle fige les événements historiques en un passé révolu, plutôt qu’elle ne les fait appartenir à la mémoire des opprimés. Elle procède notamment en instaurant une forme de confusion historique, dans un récit qui mêle les époques et romantise les faits.

      À quoi sert l’imagier révolutionnaire ?

      On a beaucoup parlé de la scène où, à la Conciergerie, une chanteuse incarnant Marie-Antoinette entonnait le chant des sans-culottes, contradiction dans les termes. Ce tableau (Liberté) s’ouvrait sur une mise en scène empruntant à La Liberté guidant le peuple de Delacroix, inspirée de la révolution des Trois Glorieuses de juillet 1830, révolte populaire récupérée par les libéraux qui décidèrent, pour y mettre fin, d’établir une nouvelle monarchie, la Monarchie de Juillet. En accompagnement sonore, un extrait de la comédie musicale Les Misérables, adapté du passage du livre où Hugo s’inspire des révoltes de juin 1832, réprimées par le régime de Louis-Philippe. Cette grande tambouille révolutionnaire se déploie dans une confusion historique assumée, à la fois quant à la chronologie des faits évoqués, et quant à leurs conséquences politiques.